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Yennenga

Yennenga est une princesse originaire du


royaume de Dagomba, fille du naba
Nedega et de la reine Napoko. Elle est la
fondatrice du royaume Moogo
(rassemblant les peuples mossis) dans
l'actuel Burkina Faso. C'est en voulant
fuir son destin qu'elle rencontre Rialé, un
chasseur de sang princier. De leur union
naît un garçon prénommé Ouédraogo
(mot signifiant « cheval mâle » ou
« étalon ») en l'honneur du destrier blanc
qui conduisit la princesse au jeune
chasseur. Yennenga est une figure très
populaire au Burkina Faso et le
patronyme Ouédraogo est le plus courant
chez les Mossis.

Mythe
Il est important de signaler que l'histoire
de la princesse est issue exclusivement
de la tradition orale mossi. Celle-ci
connait donc de nombreuses variantes
selon l'origine des narrateurs. On peut en
distinguer trois, celle issue des
tambourinaires des chefs, celle issue des
chefs de terre ou « récits nakomsé»
(récits monarchiques) et enfin celle issue
de la caste des forgerons. Chaque
catégorie sociale raconte l'histoire à sa
manière, selon son rôle dans la société[1].

Enfance

Yennenga, Poko de son vrai nom[note 1],


est née dans la ville de Gambaga, au
e
nord du Ghana actuel, entre le et le
e
 siècle[note 2]. Nedega, son père, était
un naba dont le royaume dominait les
peuples Dagomba et Mamprousi. Il
régnait avec autorité et justesse,
assurant la prospérité de son royaume.
Afin de protéger ce dernier, le naba
possédait une cavalerie légendaire, qui
repoussait sans cesse les attaques des
royaumes environnants.

La princesse était le premier enfant du


roi, qui désespérait d'avoir un héritier
malgré ses nombreuses épouses. Même
s'il fut déçu de ne pas avoir d'héritier
mâle, le roi aimait sa fille plus que tout,
car elle était celle qui lui ressemblait le
plus. La jeune fille, quant à elle, avait une
passion pour les animaux et en
particulier les chevaux. Mais elle
désespérait de ne pas pouvoir les monter
comme les hommes, car elle était une
femme et sa place n'était pas sur le dos
de cet animal. Ainsi, elle fit son
initiation[note 3] afin d'intégrer la
communauté des femmes, tout en
souhaitant faire partie de celle des
hommes qui peuvent chevaucher, partir
en guerre et ne sont pas astreints aux
tâches ménagères.

La princesse amazone

Le tempérament ardent de la jeune


princesse la poussa à braver les interdits
et elle demanda à son père l'autorisation
de chevaucher à ses côtés. D'abord
hésitant, son père finit par lui accorder ce
qu'elle souhaitait car il ne pouvait rien lui
refuser. La princesse accompagna son
père dans ses longues chevauchées puis,
faisant preuve d'une grande adresse, elle
l'accompagna à la guerre où elle devint
rapidement une redoutables amazone.
Cavalière émérite, maniant les armes
mieux que les guerriers de son père, elle
devint un chef de guerre indispensable
au vieux roi ; entre autres, elle dirigeait la
cavalerie royale.

Pour autant, les libertés accordées à la


princesse n'étaient pas du goût de tous.
Mais Nedega balayait les critiques,
préférant garder sa fille, devenue
indispensable à son armée, auprès de lui.
Ceci attristait beaucoup la reine Napoko,
qui désespérait de marier sa fille
désormais en âge de trouver un époux.
La fuite

Bien que féroce guerrière, la princesse


n'en était pas moins devenue une belle
jeune femme, fine et élancée. Son
surnom de Yennenga (la mince) en était
la preuve. De nombreuses grandes
familles des royaumes environnant
souhaitaient l'unir à leur fils. Le roi
repoussait les uns après les autres tous
les prétendants, ne les jugeant pas
suffisamment dignes de sa précieuse
fille, ce qui attristait la reine et agaçait de
plus en plus la princesse.

Un jour, ne supportant plus l'attitude de


son père, Yennenga sema des graines de
gombo dans un champ, les fit germer et
mûrir, puis laissa pourrir les pousses. Le
roi, intrigué et irrité par cette négligence,
interrogea sa fille, qui lui répondit : « Mon
père, vous me laissez dépérir comme
dépérit ce champ de gombo. » [note 4].
Furieux de recevoir une leçon de morale,
Nedega aurait alors puni sa fille en
l'enfermant.

La nuit suivante, l'insoumise princesse


parvint à quitter sa prison, à rejoindre
l'écurie royale et à s'enfuir sur sa monture
favorite, un étalon blanc. La chevauchée
dura toute la nuit jusqu'à ce que, arrivés
dans une forêt, le cheval s'embourbe et
fasse chuter la princesse.
Une autre version raconte qu'à la suite
d'une bataille contre des guerriers
malinkés, la princesse aurait poursuivi
des fuyards. Son cheval se serait alors
emballé et aurait conduit la princesse
dans une forêt où ils se seraient perdus.

La naissance d'un peuple

C'est ainsi qu'Yennenga se retrouva


seule, loin de son royaume dans la région
des Boussansés ( Les Bissas). Ses pas la
conduisirent jusqu'à une case isolée et
elle s'en approcha pour demander
l'hospitalité. Son occupant, un jeune
chasseur du nom de Rialé (Boussanga),
lui offrit bien volontiers le gîte et le
couvert, croyant dans un premier temps
avoir affaire à un jeune homme car il
n'avait jamais vu, jusque-là, de femme
chevaucher. Épuisée la princesse
s’endormit rapidement. Le lendemain, les
deux jeunes gens purent découvrir leurs
identités respectives : elle princesse
amazone, lui chasseur de sang princier.
Tous deux avaient fui leurs royaumes
pour échapper à des destins tout tracés.

Rapidement, il tombèrent sous le charme


l'un de l'autre et devinrent inséparables.
De leur union naquit un garçon qu'ils
prénommèrent Ouedraogo (mot
signifiant « cheval mâle » ou « étalon »)
en l'honneur du destrier qui avait guidé la
princesse vers le chasseur. Le garçon
hérita des qualités de ses deux parents :
fier, habile, intelligent et courageux, il fit
rapidement leur fierté.

Les années passèrent et la princesse,


nostalgique de sa terre natale et
soucieuse de se réconcilier avec son
père, décida d'y envoyer son fils afin qu'il
fasse la connaissance de son grand-
père. Le jeune homme partit pour
Gambaga, chargé de présents pour son
grand-père. Le vieil homme ne s'attendait
pas à une telle visite. Il écouta avec
émotion le récit de la rencontre de sa fille
avec Rialé et accepta les excuses de
cette dernière. Il organisa de grandes
festivités pour le départ de son petit-fils
et lui offrit du bétail, des serviteurs et une
escorte de guerriers dagombas afin de
fonder un nouveau royaume dans la
région des Boussansés.

Lorsque Rialé vit son fils revenir à la tête


d'une telle troupe, il s'écria : « Je suis
venu seul dans ce pays, maintenant j’ai
une femme et j’aurai beaucoup
d’hommes ». Le village qu'ils fondèrent
fut ainsi baptisé Morosi (Moro=homme
et si=beaucoup en bambara), nom qui,
par déformation, devint Mossis. Le
royaume mossi et son peuple étaient
nés.
Descendance

Ouedraogo devint le premier Mogho


Naba du peuple mossi. À la mort de son
père, il établit sa capitale à Tenkodogo
(nom signifiant « la vieille terre »)[2]. Il eut
plusieurs fils : Naba Zougrana, qui lui
succéda, et Naba Rawa, qui fonda un
empire mossi allant de Pougo (Pô) à
Doubaré, le rawatenga[note 5].

Yennenga et Rialé auraient eu un autre


fils, Jaba Lompo (ou Diaba Lompo), qui
serait le fondateur de la dynastie
noungou ou royaume Gourmantché de
Fada N'Gourma[note 6]. Tous les Mogho
Naba qui régnèrent sur les royaumes
mossis, jusqu'au Mogho Naba actuel,
sont des descendants agnatiques de
Ouedraogo, le fils de Yennenga.

Postérité

Armoiries du Burkina Faso.

Yennenga et sa légende restent très


présentes dans le Burkina Faso actuel,
dont les Mossis sont la population
majoritaire. L'emblème nationale du pays,
représenté sur les armoiries, est l'étalon
blanc qui guida la princesse. Depuis
2002, elle est l'emblème du parlement à
l'Assemblée nationale[3].

Dans le sport, les athlètes masculins


burkinabés sont surnommés les
« étalons ». Deux clubs de football
portent le nom de la princesse : l'ASFA
Yennenga de Ouagadougou et l'équipe
féminine des Princesses du Burkina[4]

Yennenga est très présente dans les


peintures sur batik et les bronzes réalisés
par les artisans nationaux. Elle est
représentée sur son cheval cabré, une
lance dans une main, en train de pousser
un cri de guerre.
Dans le monde du cinéma, la plus haute
récompense décernée lors du Festival
panafricain du cinéma et de la télévision
de Ouagadougou (le Fespaco), au
Burkina Faso, est l'Étalon de Yennenga
(en or, en argent et en bronze). La
légende de la princesse Yennenga a fait
l'objet d'une adaptation en court métrage
d'animation réalisé par Claude Le Gallou
et Blaise Patrix en 1986 : La Princesse
Yennega. Le film se concentre sur la
façon dont Yennega décide de partir
combattre la tribu rebelle des Nions-
Nionsés en dépit de l'avis de ses parents,
choisit son cheval appelé Énigme
d'hivernage et remporte la victoire grâce
à lui, puis se montre miséricordieuse
envers l'ennemi vaincu[5].

En 2008, la comédienne Roukiata


Ouedraogo a créé une pièce de théâtre
sur ce personnage : Yennenga, l’épopée
des Mossé[6].

Notes et références
Notes

1. Poko peut se traduire par « femelle ».


2. Les historiens n'ont pas encore daté
avec exactitude l'arrivée des mossis
dans la région de Ouagadougou.
3. Yennega fut excisée.
4. Selon d'autres versions, ce serait la
reine Napoko qui aurait semé le
champ et aurait dit au roi : « Si un
fruit mur n’est pas enlevé, il durcit ou
il pourrit sur l’arbre ».
5. Il s'agit ici de la légende, car
l'historicité de Ouedraogo et de
Zougrana ainsi que son lien avec le
royaume de tenkodogo n'ont pour
l'instant pas encore été avérées.
6. Dans le Yatenga, on raconte que
Lompo serait l'oncle de Ouedraogo
et frère de Yennenga.

Références

1. Dominique Zahan, « Pour une


histoire des Mossi du Yatenga »
article dans la revue L'Homme, 1961,
p. 8.
2. Yamba Tiendrebeogo dit Naba
Abgha, « Histoire traditionnelle des
Mossi de Ouagadougou », Journal
de la Société des Africanistes, t. 33,
fasc. 1, 1963, p. 8 (ISSN 0399-0346,
e-ISSN 1957-7850,
DOI 10.3406/jafr.1963.1365)..
3. Emblème du parlement - La
princesse Yennenga force le
consensus , article de Félix Koffi
Ametepe dans le journal Le Pays le
29 mai 2002. Page consultée le 9
juillet 2015.
4. Les Princesses du Burkina SA .
5. Fiche de La Princesse Yennega sur
le site Africultures. Page consultée le
9 juillet 2015.
6. Astrid Krivian, « Ils nous font rire #2 :
Roukiata Ouedraogo, humoriste et
chroniqueuse » , sur lepoint.fr,
16 août 2017

Bibliographie
Sylviane Janin, Burkina Faso, pays des
hommes intègres, éditions Olizane,
2010, (ISBN 978-2-88086-386-9).
Dominique Zahan, « Pour une histoire
des Mossi du Yatenga » article dans la
revue L'Homme, 1961.

Liens externes
Femmes de l'ombre : Yennega,
l’amazone des Mossi , enquête
historique par RFI.
La Princesse Yennenga : Mère-
Fondatrice du Royaume des Mossi , sur
le blog Reines et Héroïnes d'Afrique
la Légende de Yennenga , sur le site la
princesse Yennenga

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Dernière modification il y a 2 mois par Symac

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