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‘LESYSTEME BANCAIRE FRANCAIS ET LA MONNATE UNIQUE DEUXIEME TABLE RONDE L'INTEGRATION BANCAIRE EUROPEENNE : QUELLE STRATEGIE POUR LES BANQUES FRANGAISES ? “Avec la participation de Pierre-Henri Cassou, secrétaire général, Comité de ta réglementation bancaire Guillaume Dard, président, Banque du Lowore. Daniel Lebague, directeur général, Banque national de Pars. Pierre Simon, membre du Comité directeur, Compagnie bancaire. Hervé Sitruk, modérateur, directeur général, Mansi ‘Thierry Walrafen directeur des afjareseuropéentes et internationales, Caisse des dépits et consignations. M. Sitruk : Dans notre premiére partie nous étions concentrés sur le soénario de passage & la monnaie unique. Maintenant nous allons élar- gir la question a la préparation du dispositf francais bancaire et finan- cier & Vouverture européenne et aux stratégies que les établissements voudront mettre en cewvre. PH, Cassou : Sagissant de adaptation de la réglementation fran- «aise au contexte européen, jarticulerai mes propos en quatre idées simples. Premitre idée : le cadre institutionnel dans lequel est amené & fone- tionner le systime bancaire et financier est connu. Ia été défini pour la mise en ceuvre du marché unique au 1* janvier 1993 et repose sur quelques principes de base maintenant familiers au secteur bancaire :la Iiberté d établissement,laliberté de prestation de service, le contréle par le pays d'origine. Ces bases du cadre institutionnel sont claires et ‘comprises des professionnels comme le sont aussi les différents aspects quiilrecouvre, les régies concemant acces la profession, celles concer- ‘nant Vorganisation inteme des établissements, les gles comptables, prudenticlles Deuxime idée : ce cadre institutionnel, quia dé presque trois ans, devrait demeurer stable durant les prochaines années et ne devrait pas 237 238 REVUE PECONONIFFINANCIERE ‘tre modifié substantiellement par introduction dela monnaie unique [Nous nous sommes penchés récenument& Bruxelles pour savoir st es dispositions prévues pour lemarché unigue méritaient des adaptations, des compléments ou des modifications. Les représentants de ensemble des quinze Etats membres ont considéné que ce cadre tat indépendant de lanature des devises utilisées et que les principales dispositions que je viens de mentionnern'avaient done pas d etre modifies. Certs, ce tadre est vivant etnous réfléchissonsconstamment aux adaptations qui Seraientnécessaires, Mail estimportant de souligner que nous ne nous atlendons pas a des modifications importantes Ds lors que ce cadre est conn et quil devrait rester stable, 1a trosiéme idee est qu'il appartient a chaque éablisement et chaque profession de s/adapter aux mutations quivontintrvenir. MM. Lemierce bt Patat ont rappelé que les autoritesfrangaises ont pris des initiatives pour préparer ces mutations, de tlle maniére que les réflexion et les ‘aplations de chaque établissementsoientengagees plu 6t possible ¢tnon pas la demire minute On & posé la question de la communication qui serait engagée au niveau de VAFB, Cette communication ne doit pas éte engagée seule ‘ment ceniveau, mais celui de ensemble dela profession bancaire et financier, cestidire non seulement les membres de VAFEC, mais aussi les entreprises 'investissement qui sont également concemées par les transformations en cours. Vous saver ailleurs que dan le projet deloi sur lamodernsation des marchés financiers ne federation Tascemblant Vensemble des activités bancaires et financires doit étre créée Association francaise ds éablssements de crit et des ente- prises d’investissement,Jeme permet insiser sure fait qu'un traval Collectif dot ete entrepris Jesuisheurexx de voir quia été engage sur tune base collective pat le groupe Simon. Ta quatritme idée est un theme cher & D. Lebégue: la monnaie unique erée de nouvelles opportunités pour les éablissements& tre individuel, et pour la profession finance et bancare francaise dans son ensemble. Certes & premitre vu, la réalistion de la monnaie unique entraine des dépenses supplémentaires. Mais ine faut pas perdre de vue que la mormaie unique offre la possbiité de proposer de houveaux types de services et de nouveatx produit. Elle permettra également de voir se développer un volume supplémentaire activités ddans la mesure of euro devrait avoir a plan moneial un stata plas fort que celui qui résulterait seulement de adition du statut du mark, dd franc et. Il mvest arrivé de me rendre récemment dans des pays proches de Union européenne, mais quin'en font pas parte etne sont pas appelés Aen faire partie, tels que Ia Turquie, le Liban ou le Maroe. Les tasac- LUpsySTEN(E BANCAIRE FRANCAIS ET LA MONNAIE UNIQUE tions internationales effectuées par ces pays e sonten trés grande partie en dollars, alors méme que ces pays réalisent une part significative de leurs échanges commerciaux ou financiers, non pas avec les Etats-Unis, mais avec ITurope. Il est quand méme curieux que, pour de telles transactions, on utilise la monnaie d'un pays tiers. Nous devons avoir comme ambition collective que leuro soit utilisé dans les transactions internationales. Si en est ainsi en résultera un surcrottd’activité, qui peut largement compenser les réductions que Ton pourrait avoir en zatiére de change ou de transactions intra-européennes. Crest done sur une note d’optimisme que je voudrais conclure: il existe des opportunites & sasir. D. Lebigue : Dans ce propos introductif, je voudrais donner des ‘léments de réponse & deux questions. Quel sera impact dela monnaie ‘unique surnos métiers de banque et de finance ? Quel peut étre "impact sur les comptes d'exploitation des banques ? ‘Quant aux métiers, le passage 3 la monnaie unique, on le sat, se fera en deux étapes. On dit 1999 banque de gros ;2002 banque de détail, Cela ‘veut dire, pour les professionnels de la banque et de la finance, que le Jundi 2 janvier 1999 les bangues centrales organisent le refinancement des banques commerciales par des appels d’ofizes et des prises en pension en euro (Graphique 1). Das le départ, les deux fonctions « ges- ton acti/passif » du bilan de la banque et trésorerie basculent dans le ‘mondede/‘euro. Deuxigmement,alaméme date, lemarchéinterbancaire ‘ot on échange de la monnaie, notamment la monmaie banque centrale ef le marché monétaire des titres courts basculent aussi en euro. En termes de ligne de métier cela veut dire que la trésorerie dans les banques, le corresponding bunking, cest-i-dire les relations entre ban- ues, la enue des comptes, la gestion des flux pour les grandes entrepri- ses, les émissions de papier commercial, les flux intemationaux, les exédits syndiqués pour les grandes entreprises, la gestion des OPCVM, notamment les OPCVM monétaires, dont les actifs, seront pour lessen tie libellés en euro ds 1999, ‘Troisidmement la méme date les Etats émettent leur dette publique fen euro et la France a déclané qu’elle basculait son stock de dette publique ancienne en euro. Autrement dit, les lignes de métiers obliga- tion swap basculent en euro. Quatritmement, a partir de la méme date les relations de change avec les pays tiers se font en euro. Deux conséquences : les activités de change, pour le bloc central en. tous cas, deviennent des activités euro et la gestion d’actifs, le métier asset management s'exercent pour Vessentiel sur des produits et sur des -marchés euro. ‘Une question reste ouverte. Fste qu’a partir de 1999 on cotera les 239 240 REVUE DECONONIEFINANCIERE actions surla bourse de Paris et ailleurs en Furopeen euro ?Sila réponse ‘est « oui», toutes les lignes d'action basculent également, le négoce d/action, origination action, la conservation d’action. Voila le pre- ‘ier bloc 1999 : la banque de gros. En ce qui conceme la BNP, I’évaluation de cet ensemble représente plus de 80 % du total du bilan du groupe de la BNP qui basculera sur Teuro des 1999, Graphique ——_—___— PhaNe" Le double big bang : impact métiers Banque de gros 1999 CMM 64? Tesoro “edsorerio, Correspondent banking, CORR Gestion ds x grandes enrebrses, Credits syndiqués, Gestion OPCVM, COMM) obiigations, Swaps. CHM change, Gestion eects Cotation des actife on Euro ?————___— {HOMME Orgran, Négoce,Consrvaton Graphique 2 Phique 2 Te double big bang : impact métiers Banque de détail 2002 Billets ot pidcos en Euro istration en Euro Retraits des billets et pices en monnaie nationale fo Tor ullet 2002, “Tous les métiers de la banque de détal Moyens de patomant, Depots, Crédit Deuxitme étape, la banque de détail 2002 (Graphique 2). On met en. circulation les pidces et billets en euro, les transactions de ’adiministra- tion de tous ordre, impéts, cotisations sociales basculent en euro jus- {qu’au moment oi I'on retire les pices et billets en monnaie nationale, LUSISTEMEBANCAIRE FRANCAISE LA MONNAIEUNIQUE 6 mois aprés. 2002: la gestion des moyens de paiement, les crédits, les dépéts pour les particulier, les commercants, les PME. Entrees deux, il ‘a.une zone de flou. C'est la fameuse question de Ia porosité: rien iinterdit ds 1999 de proposer & des particuliers ou des PME des ‘comptes ou des produits en euro. Le probleme reste de savoir comment vase faire ce passage pour la clientéle de détal sous lejeunotamment de la concurrence entre banques. “Autre question sur laquelle il me semble que le mnoment est vent de clarifier les enjeux, les investissements et les coats pour les banques (Graphique 3). Deux observations. Quand on regarde la séquence dans le temps prévisible de l'investissement que nous devons faire, Veffort dinvestissement sétale sur5 ans, de 1997 & 2002 etl est tres fort sur les deux années 2001 et 2002. C'est la que nous devons investir massive- ‘ment pour préparer le basculement de la banque de détail, notamment rnos moyens de paiement. De plus, contrairement & une idée assez répandue, informatique n’est pas le principal chef d‘investissement et de dépense pour les banques. Ilest important, de Vordre dun tiers des budgets prévisibles, mais deux rubriques pésent aussi lourd. La rubri- {quecommerciale : refaire les documents clientée, informerles clients, le ‘marketing des produits en euro ;et le bloc des moyens de paiement la gestion des moyens de paiement depuis le flux d’espaces jusqu/aux rmoyens dématérialisés qui impliquent des investissements lourds que nous ferons en une seule fois, donc non renouvelables, mais qui pése- ront lourd dans nos coits et budgets Graphique 3 Passage a la monnaie unique Evaluation des Coitts Pour terminer, une approche plus qualitative sures plus etmoins,en termes de compte dexploitation. Pour une banque comme la BNP, le passage a Yeuro va générer un coat (Graphique 4): des dépenses d’in- 241 22 [REVUE DECONONE FINANCIERE vvestissement dans le domaine de I'informatique, dans la formation des collaborateurs, information des cients, mais aussi la disparition d'un certain nombre de recettes commerciales. Disparition du change intra ‘européen, ce n’est pas négligeable, selon les banques de 15 & 30 % des recettes de la ligne de métier change/trésorerie. Mais aussi un autre effet plus général et diffus de pression sur les marges, d'intensification de la concurrence dans Ie marché européen dans tous les métiers dela banque et de la finance. Graphique 4 Enjewx de la monnaie unique ‘pour notre compte d'exploitation Dépenses supplement. Perto de recettes ~Dispartion du change ints-européen Pression eur lee margos Les Moms Les Pus Graphique 5 Enjewx de la monnaie unique Pour notre compte d'exploitation ‘Opportunités nouvelles = Elargissoment dos fonds ecommerce = Captation do Nx ition des coats Dépenses supplément. funding, back oes! Porte de recettes Les mons: _LESYSTEME BANCAIREPRANCAS ET LA MONNAIFUNIQUE Cependant, ily a aussi des opportunités de développement commer cial et d’accroissement de nos recettes, jen suis convaincu (Graphi- que5). Ly ad’abord V'élargissement de nios fonds de commerce rendu possible, en tous cas pour les banques qui s’en donneront les moyens par Taccés A tun marché de 370 millions de consommateurs. Dans le domaine des entreprises, des institutionnels, de la clientéle privée, il y ‘aura pour les banques des possibilités d'accroftre le nombre des clients ailleurs en Europe si elles sfen donnent les moyens sur le plan du ‘marketing et de 'efort commercial. Il a aussi la possibilité de capta- ton de flux nouveaux pour les banques européennes dans le domaine du change, du trading de dette, ou de la gestion d‘actfs. Si l'on suppose {que euro se crée & 8 ou 9 pays a partir de 1999, ces pays représentent ensemble le premier marché obligataire du monde ; Europe, c'est 50 % ‘dumarch¢ obligataire mondial. Le premier marché de change dumonde ct le deuxieme ou troisiéme marché d’actions du monde. On voit la Tfeffet diattraction que devrait avoir ce grand marché liquide, acti, profond pour des investisseurs du monde entier qui devraient jouer logiquement en terme de supplément de chiffre d’affaires pour les intermédiaires financiers européens. Dans les plus, ily a aussi la possi- Dilité de réduize un certain nombre de cotits. Reduire le funding, c'est dire Iaccés la ressource ow au tefinancement, i n’y aura plus de spread de taux d'intérét entre les banques allemandles et francaises pour accé- der i Ja monnaie banque centrale commune, euro. Enfin, la possibilité de réduire un certain nombre de cotits de back ofice. Par exemple des ‘maintenant, nous travaillons sur la concentration en Europe de tous nos back office change trésorerie sur un seul site, ce qui devrait générer un certain nombre d‘économies pour la banque. Pour terminer,j’évoquerai un point certainement plus discutable. Ma conviction personnelle est que 'Europe et la monnaie unique auront un autre effet positf pourles banques frangaises:ily aura dans le cadre de Europe au fil des années, une certaine mise & niveau des systtmes bancaires les uns par rapport aux autres en termes de pratiques, de produits et d'offres. Or aujourd'hui, cst en France que le prix des services bancaires est le plus bas des quinze pays de l'Union euro ‘péenne, Crest en France que le codit du crédit de detail, notamment le crédit immobilier et & la consommation, est le plus bas. C’est en France ‘quelesdistorsions de concurrence sont les plus fortes dansle marché de labanque-Je pense par conséquent, mais peut étre suisje optimiste, que du. rapprochement de nos systémes bancaires & I’échelle de I'Europe devrait naitre une amélioration de l'industrie bancaire par un effet ‘harmonisation progressive des pratiques et des conditions de marché, G. Dard : Pour mvinscrire dans la ligne des ces exposés tres intéres- ants, jajouterai une touche concréte sur la maniére d’appréhender la 3 2 [REVUE DECONOMIEFINANCIERE {acon dont V'intégration européenne va modifier le cadre de ses métiers pour une banque comme la nétre, qui est une banque de gestion privée institutionnelle et spécialisée dans le placement d’actions auprés d’in- vestisseurs insttutionnels francais et européens. En partant de la matidre premite de nos métiers, les « valeurs mobi- ligres , iva se produire une unification progressive européenne. AU fond, es obligations francaises vont étre en concurrence avec les obliga~ tions allemandes puisqu’elles seront libellées dans la méme devise. De méme les actions francaises seront en concurrence avec les actions anglaises, espagnoles, italiennes. En amont, se produira une nouvelle organisation du métier de la gestion d'action Il faut étre capable d’em- brasser un spectre beaucoup plus large et avoir peut-étre une organisa- tion plus sectorielle que territoriale de ses équipes d’analystes et de ‘gestionnaires. Cela provoquera également une hausse des colts dans ‘ces métiers puisque les banques devront avoir plus d’analystes et de 4gestionnaires et souvent de meilleure qualité. Cela provoquera aussi ‘une concurrence directe bien plus forte entre distributeurs et gestionnai- res de produits financiers. Le cadre juridique n’est pas encore tout fait lair, ene me permettrais pas de dire A cbté de M. Lebigue que nous savons, nous banquiers, déja ce qui se passera en terme d'accés des différents intervenants sur les différents pays européens. Mais proba- ‘blement, en dépit d’un certain protectionnisme, les marchés seront plus ouverts, et la France, qui est le marché le plus important en termes dOPCVM, sera convoitée par tous nos confréres européens. ‘SiT'on examine les deux métiers et les deux types de clientes. Personnes privées dabord. En ce qui conceme Yassurance-vie, on assiste au début d'une concurrence forte avec I'émergence des produits Iuxembourgeois. Pour les produits de gestion, il est certain que les Anglo-Saxons vont trouver un avantage compétitf: leurs coats seront inférieurs puisqu’ils pourront directement développer des produits financiers et les proposer & Yensemble des investisseurs privés euro- [péens. Probablement, se produira l’arrivée des noload funds etune baisse cde marges sur les produits de gestion. Nos confréres allemands par ‘exemple, chercheront certainement a mettre en avant la qualité de leur bilan, celle de leur notation pour proposer des produits d’épargne bilanticlle& leurs clients. Peutétre des pays non membres de Union ‘européenne, mais européens comme la Suisse auront la possibilité d’étre plus actfs qu’ils ne le sont dans le métier de la gestion privée puisqu’ils bénéficieront aussi des cofts d’échelle que donne le marché ‘européen. En ce qui conceme la gestion pour le compte dinvestisseurs institutionnels, les caisses de retraite, compagnies dassurances, la con- currence sera encore plus acharnée car Iinvestisseur insttutionnel est ppar nature plus informé et plus exigeant que certains investisseurs

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