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L’État français

et la Question Juive

Août et Octobre 1940 : Lois d’exclusion des Juifs promulguée par l’État français.

Une très ancienne « question »

Annexion par Rome du royaume d’Israël.


Révolte juive au Ier siècle ap. J.-C. et destruction du temple de Jérusalem (empereur Titus).
Constitution de la « diaspora » juive dans toutes les provinces de l’empire romain.

Moyen-Âge et époque moderne : constitution de communautés plus ou moins fixes, ghettos,


pogroms, lois d’exclusion, conversions forcées, etc.

Question apparaissant à l’époque des Lumières en Allemagne : interrogation sur la place des
Juifs au sein des nations européennes.

France : Napoléon Ier reconnaît les israélites comme partie intégrante de la nation française
et leur ouvre l’accès aux responsabilités civiques et militaires.

Karl Marx, Sur la Question Juive (Zur Judenfrage), Paris, 1844.

Jean-Paul Sartre, Réflexions sur la question juive, Paris, 1946.

L’antisémitisme en France et l’Affaire Dreyfus

Le rejet des Juifs comme éléments étrangers à la nation française concerne plutôt les
courants monarchistes et anti-républicains : idée d’une « race » et d’une identité française
liées au christianisme.
La République se caractérise au contraire comme un régime politique intégrateur refusant
les distinctions de « race », de religion ou d’origine ethnique : caractère universaliste de la
République et égalité des citoyens/citoyennes. La nationalité française s’acquière par le droit
du sol (opposé au droit du sang).
• Accusations de « cosmopolitisme » par les milieux réactionnaires et nationalistes.

Théoriciens des « races » et racisme « scientifique » connaissent une grande popularité.


Arthur de Gobineau (Comte), grand voyageur et diplomate de premier ordre : Essai sur
l’inégalité des races humaines, 1853-1855.

1870 : la défaite contre la Prusse encourage l’apparition de mouvements nationalistes qui


connaîtront une grande popularité et exerceront une influence forte sur l’opinion et la vie
politique de la IIIe République.
1882 : fondation de la Ligue des patriotes par Paul Déroulède (auteur à succès).

Action française : mouvement monarchiste, catholique et nationaliste.


Tout ce qui est perçu comme « étranger » est considéré comme un danger pour la France.

1894 : le Capitaine Alfred Dreyfus (juif alsacien) est condamné pour avoir livré des
documents secrets à l’Empire allemand.
Condamnation au bagne à perpétuité (déporté sur l’Île du Diable).
Affaire qui bouleverse la société française pendant 12 ans, de 1894 à 1906.

La classe politique française est d’abord unanimement défavorable à Dreyfus.


Mais la famille de Dreyfus, persuadée de son innocence, engage le journaliste Bernard
Lazare pour relancer l’enquête. Ces recherches permettent de convaincre peu à peu certains
responsables politiques de la nécessité de rouvrir l’enquête et le procès (dont Georges
Clemenceau, ancien député radical, journaliste).
Les suspicions se portent contre un autre officier, le Commandant Ferdinand Walsin
Esterhazy.
Un nouveau procès se tient en 1898, qui conduit à l’acquittement d’Esterhazy, soutenu par
les conservateurs et les nationalistes.
Émile Zola, « J’Accuse … ! » (journal L’Aurore).
L’article crée le scandale et la polémique et entraîne le ralliement de nombreux actuels à la
cause de Dreyfus.

Scission de la France en deux camps : « dreyfusards » et « anti-dreyfusards ».


Émeutes antisémites dans plusieurs villes (morts à Alger).
Situation de guerre civile qui menace la République.

1899 : Dreyfus est de nouveau jugé et condamné de nouveau, avec des circonstances
atténuantes (10 ans de réclusion).
Le Président Émile Loubet lui accorde la grâce.
1906 : nouveau procès. L’innocence de Dreyfus est reconnue. Il réintègre l’armée française
avec le grade de Commandant (participera à la Première Guerre Mondiale).

Conséquences de l’Affaire :
- La République, après avoir été menacée, triomphe : Affaire = mythe fondateur.
- Le nationalisme est également renforcé et évolue vers des positions plus radicales.
- Radicalisation de l’antisémitisme en France.
- L’Affaire renforce les dissensions entre église catholique et République.
- Rôle nouveau de la Presse et des « Intellectuels » (terme inventé pendant l’Affaire).
- Impact international sur le mouvement sioniste (Theodore Herzl).

La politique antisémite de Vichy

Loi portant sur le statut des Juifs : octobre 1940 et juin 1941.
Exclusion de la fonction publique et des fonctions commerciales et industrielles, et de la
Presse → épuration administrative.
Ex. : 244 universitaires perdront leur emploi.
Immatriculation des entreprises juives et exclusion de toutes les professions commerciales
et industrielles (1941).
Dénaturalisation des Juifs : 15 000 personnes sont déchues de leur nationalité, sont 6 000
juifs, et deviennent apatrides.
Dissolution de toutes les organisations juives.
Numerus clausus pour les professions libérales à partir de 1941 : 2 %.
3 % à l’Université pour les professeurs et les étudiants.
Recensement systématique des Juifs à partir de 1941.
+ Loi sur les ressortissants étrangers de race juive (octobre 1940) : autorise l’internement
immédiat de tous les Juifs étrangers.
22 juillet 1941 : loi « d’Aryanisation » des biens juifs : confiscation de tous les biens ayant
appartenu à des Juifs absents ou disparus.
Députés et sénateurs juifs sont déchus de leur mandat.
11 juin 1942 : décret interdisant aux Juifs les professions artistiques.
11 décembre 1942 : Loi imposant le mention « Juif » sur les cartes d’identité.

Règlementation différente en zone libre (Lois de Vichy) et en zone occupée (même lois qu’en
Allemagne) mais leur application ne diffère pas fortement.

Commissariat général aux questions juives (créé le 29 mars 1941) :


Organisme chargé d’appliquer la politique discriminatoire de Vichy créé en mars 1941.
Mesures économiques : confiscation et liquidation des biens juifs.

Institut d’étude des questions juives :


Institut qui n’a pas d’existence officielle dans la France de Vichy mais qui est soutenu et
financé par l’occupant nazi.
Organise la propagande antisémite.
Exposition Le Juif et la France (septembre 1941-janvier 1942).

La traque et la déportation des Juifs de France

D’abord arrestations individuelles (1940).


Première « rafle » en mai 1941 (3 747 hommes).
Internement dans des camps de transit français.

Politique de déportation systématique des Juifs de la zone occupée à partir de 1942.


27 mars 1942 : départ du premier convoi français pour Auschwitz.
Dernier convoi : 31 juillet 1944.
74/5 convois au total.
Le Commissariat général aux questions juives est également chargé du traitement des Roms
(Tziganes).

12 juillet 1942 : ordre par le Service allemand des Affaires juives d’arrêter tous les Juifs en
zone occupée.
Élargissement aux femmes et aux enfants.

16 juillet 1942 : arrestation massive de Juifs, à Paris notamment.


« Rafle du Vel’d’Hiv » (Vélodrome d’Hiver).
Concerne pour l’essentiel des Juifs étrangers.
• 16 juillet 1993 : Le Président François Mitterrand décrète la journée nationale en
mémoire des victimes des persécutions racistes et intisémites.

11 novembre 1942 : invasion allemande de la zone libre en réponse à l’opération Torch en


Afrique du Nord.

Juifs d’abord regroupés dans des camps de concentration ou de regroupement français (ex. :
Gurs dans le Sud-Ouest du pays et Drancy au Nord de Paris) avant d’être déportés dans les
camps allemands (Allemagne et Pologne).
La police et la gendarmerie organisent les arrestations.
Les trains de la SNCF sont utilisés pour les transports en France.

Bilan (Source : Association des Fils et Filles de déportés juifs de France) :

1940 :
• 300/330 000 Juifs en France métropolitaine (200 000 sont français, 130 000 sont de
nationalité étrangère).
• 370 000 en Afrique du Nord.

1942 : 42 000 Juifs déportés à Auschwitz (811 survivants).

75 721 juifs dont 11 000 enfants déportés.


Près de 90 % ont été déportés vers Auschwitz.

3 000 personnes mortes dans les camps d’internement français.


1 000 personnes exécutées sur le sol français.

80 000 victimes au total.

2 566 survivants (3 % des déportés).

3/4 des Juifs français ont survécu (90 % pour les Juifs de nationalité française).
Belgique : 55 %.
Pays-Bas : 20 %.

16 juillet 1995 : Le Président Jacques Chirac reconnaît officiellement la responsabilité de


l’État français.
Février 2009 : le Conseil d’État confirme cette responsabilité.

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