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MÉDIÉVALE
Julien Véronèse
2007/1 - n° 23
pages 83 à 83
ISSN 1262-2966
http://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2007-1-page-83.htm
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LE RÊVE SOLLICITÉ :
UN THÈME DE LA MAGIE RITUELLE MÉDIÉVALE
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Julien Véronèse
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1. C’est ainsi que les récits oniriques de voyage de l’âme dans l’au-delà ont joué un rôle fondamen-
tal dans la formation et la promotion du Purgatoire au Moyen Âge central. Cf. Jacques Le Goff, La
Naissance du Purgatoire, Paris, Gallimard, 1981. Utilisés comme exempla par les prédicateurs, visions
et rêves annonciateurs du sort post mortem ou mettant en scène la géographie de l’au-delà ont aussi
été des moyens puissants de catéchèse.
2. Dans cette optique, l’étude désormais classique de Jean-Claude Schmitt consacrée aux rêves de
Guibert de Nogent (v. 1055-v. 1125) figure parmi les essais les plus aboutis de reconstitution et
d’analyse du travail psychologique qui, par un processus onirique susceptible d’interprétation,
s’opère chez un lettré du Moyen Âge. Cf. Jean-Claude Schmitt, « Les rêves de Guibert de Nogent »,
J. Véronèse, « Le rêve sollicité : un thème de la magie… », S. & R., n° 23, Mai 2007, pp. 83-103.
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De manière plus générale, le rêve fait figure à l’époque médiévale, aux côtés de
la vision à l’état de veille, de moyen de contact privilégié avec les hautes sphères de
la création, qu’il s’agisse de Dieu lui-même, de ses messagers les anges3, des démons
ou des bienheureux. À tout moment, dès lors que l’endormissement survient,
chaque chrétien est potentiellement en phase avec une instance qui le dépasse, dont
les actes ou les attentes font du destin de son âme le premier des enjeux. Cette fonc-
tion médiatrice du rêve, qui concerne l’individu comme la communauté, puise sa
source dans la Bible, où songes prophétiques, d’origines divine et angélique, mais
aussi rêves inspirés par les démons sont nombreux. La tradition est ensuite reprise
84 par les théologiens, qui, dans la lignée de saint Augustin4, ne réduisent jamais le rêve
à un simple phénomène physio-psychologique5. Même lorsque les typologies du
songe commencent à mieux tenir compte du rôle du corps dans le processus oni-
rique – notamment à partir du XIIe siècle –, ne se cache jamais très loin derrière
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l’image mentale perçue durant le sommeil une altérité, bonne ou nuisible, dont, au-
in Le Corps, les rites, les rêves, le temps. Essais d’anthropologie médiévale, Paris, Gallimard, 2001,
pp. 263-294, repris de « Rêver au XIIe siècle », in Tullio Gregory (dir.), I sogni nel Medioevo, Roma,
ed. dell’Ateneo, 1985, pp. 291-316.
3. Sur cet aspect, cf. Julien Véronèse, « Les visions des anges au Moyen Âge (XIIe-XVe siècle) », in Les
Anges, Colloque international de Rome organisé par l’Ambassade de France près le Saint-Siège en
partenariat avec l’Université Pontificale Saint-Thomas d’Aquin Angelicum, 15 et 16 avril 2005, actes
sous presse.
4. Martine Dulaey, Le Rêve dans la vie et la pensée de saint Augustin, Paris, Études augustiniennes,
1973, pp. 113-127.
5. Jacques Le Goff, « Le christianisme et les rêves (IIe-VIIe siècles) », in Tullio Gregory (dir.), I sogni…,
op. cit., pp. 171-218, repris in Jacques Le Goff, L’Imaginaire médiéval. Essais, Paris, Gallimard, 1985,
pp. 265-316 ; id., « Rêves », in Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Paris, Fayard, 1999,
pp. 950-968 ; Jean-Claude Schmitt, « Le sujet du rêve », in Le Corps…, op. cit., pp. 295-315, repris
de « The Liminality and Centrality of Dreams in the Medieval West », in David Dean Shulman et
Guy G. Stroumsa (dir.), Dream Cultures. Explorations in the Comparative History of Dreaming, New
York-Oxford, Oxford University Press, 1999, pp. 274-287.
6. Pour un point de vue normatif, on peut renvoyer au traité Contre les devineurs et songeurs (1411)
du dominicain Laurent Pignon, adressé au duc de Bourgogne Jean sans Peur et fortement influencé
par la doctrine de Thomas d’Aquin. Cf. Jan R. Veenstra, Magic and Divination at the Courts of
Burgundy and France. Text and Context of Laurens Pignon’s Contre les devineurs (1411), Leiden-New
York-Köln, Brill, 1998, pp. 283-287 (II, 2, 4) : « Les jugemens pris sur songes et visions qui se font
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Rêver investit néanmoins le sujet, parfois contre son gré, d’un pouvoir qu’au-
cune institution n’est véritablement capable de contrôler et d’autant plus important
qu’il touche au sacré. Si le songe permet à quelques élus de bénéficier de révélations
qui engagent le salut collectif (et dont ils apparaissent plutôt comme les medias pas-
sifs), la finalité du rêve peut être plus prosaïque et son obtention à la fois plus active
et moins sélective. C’est le cas d’une part lorsque le fidèle, bien souvent un pèlerin,
sollicite ou « tente », pour soigner son corps, le charisme d’un puissant intercesseur,
dans le cadre d’un miracle onirique préparé par un processus plus ou moins long
d’incubation ; c’est le cas d’autre part lorsqu’un clerc, plus rarement un laïc, essaie
de satisfaire un certain nombre de ses désirs en suscitant délibérément, au moyen de 85
rituels que l’on qualifie communément de magiques, l’intervention en songe de
créatures aux potentialités quasi illimitées, telles que les anges ou les démons. Ces
deux champs de l’expression onirique médiévale comportent des différences
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notables : le premier concerne, tout au long du Moyen Âge, une masse bien souvent
en dormant sont reprové et desfendu en la plus grant partie […]. Item, par le deable sont aucunne-
fois seduit aucune personnes de simple estat qui font penitence et junes indiscretement et de leur
propre volenté sans raison aucune. Lesquels, appres ce qu’il sont tellement affebli et anienti de leur
corps qu’il n’ont cervelle ne esperit, le diable par illusions et visions se moustre a eulx aucunnefois
en forme d’angeles luisans, aucunefois en la forme de Dieu ou d’aucuns sains, et par ce li peuple qui
croit de legier les honeure et prise. »
7. De fait, même la cœrcition des démons dans le cadre d’un experimentum de magie rituelle ne peut
se faire sans l’aval d’une divinité qu’il faut invoquer avec toute la révérence requise. Cf. infra.
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vrai que les textes hagiographiques – nos principales sources sur le sujet – ne sont
pas toujours aussi précis que l’on pourrait l’espérer et qu’il n’est pas possible, au cas
par cas, d’y retrouver tous les éléments caractéristiques de l’incubation païenne (en
particulier l’existence de rites bien définis) ; mais un certain nombre de jalons ont
été posés qui donnent une image assez nette de la façon dont les fidèles sollicitaient,
dans un certain nombre de sanctuaires, l’action thaumaturgique d’un saint patron,
dans le cadre d’un sommeil qui avait tout lieu d’être volontaire et était précédé, du
moins le devine-t-on parfois, d’une ou de plusieurs veillées de prières.
Dans l’Antiquité tardive et au haut Moyen Âge, les attestations les plus claires
concernent la chrétienté orientale11. En Occident, les premières indications sont 87
beaucoup plus laconiques. Ainsi voit-on au début du Ve siècle, au temps de saint
Augustin, un maréchal-ferrant dénommé Restitutus, tout entier paralysé, se laisser
transporter au sanctuaire d’Uzalis dédié à saint Étienne ; couché sur la mosaïque qui
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en recouvre le sol, il y prie longuement. Passés vingt jours, un jeune homme lui
11. Sur ce point, cf. Hippolyte Delehaye, « Les recueils antiques des miracles des saints », art. cit.,
pp. 5-73. On peut citer les nombreux miracles opérés par saints Cosme et Damien à
Constantinople, avec certains récits qui circulaient dès le VIe siècle. Dans la basilique éponyme, des
cellules permettaient aux malades d’installer leur couche et de prier le jour et la nuit non loin des
reliques, dans l’attente d’un songe thérapeutique. La guérison pouvait être instantanée, par imposi-
tion des mains ; mais dans la grande majorité des cas, les saints, habillés en médecins, prescrivaient
un remède, dont l’efficacité n’était souvent pas intrinsèque, mais restait liée à leur virtus (application
de cire recueillie dans le sanctuaire, ou d’huile de lampe). Le patient devait parfois, pour guérir, se
lancer dans un véritable experimentum, comme cet homme qui, pour être soulagé d’une rétention
d’urine, doit brûler quelques poils d’un agneau et en avaler les cendres mélangées à de l’eau. Dans
quelques cas, le miracle onirique se déroulait hors du sanctuaire, par l’entremise d’une icône.
12. Hippolyte Delehaye, « Les recueils antiques des miracles des saints », art. cit., pp. 82-83 ; Martine
Dulaey, Le Rêve dans la vie et la pensée de saint Augustin, op. cit., pp. 186-188. Saint Augustin, dans
son De civitate Dei, XXII, 8, raconte entre autres l’histoire de la conversion d’un vieillard malade et
réfractaire dénommé Martial, intervenue dans le sanctuaire de Calama. Son gendre, malade lui aussi,
en est l’agent principal : il prie « avec larmes et sanglots, dans l’ardeur sincère d’une fervente piété,
puis en se retirant, il [prend] au hasard quelques fleurs de l’autel, et, comme il faisait déjà nuit,
[vient] les placer auprès de la tête du malade ». Le vieillard s’endort, puis se réveille en pleine nuit,
en appelant les prêtres. Il leur annonce qu’il croit désormais en Jésus Christ.
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13. Hippolyte Delehaye, « Les recueils antiques des miracles des saints », art. cit., pp. 322-324 ;
Pierre Saintyves, En marge de la Légende dorée, songes, miracles et survivances. Essai sur la formation de
quelques thèmes hagiographiques, Paris, Armand Colin, 1931, pp. 30-31.
14. Grégoire de Tours, Histoire des Francs, trad. R. Latouche, Paris, Les Belles Lettres, 1979,
VIII, 15, p. 144.
15. Ibid., VIII, 16, p. 145
16. Domenico Mallardo, « L’incubazione nelle christianita medievale napoletana », Analecta bollan-
diana, n° 67, 1949, Mélanges Paul Peeters, I, Bruxelles, Société des Bollandistes, 1949, pp. 465-498,
not. p. 469.
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désormais que le songe thérapeutique n’a plus forcément lieu dans le sanctuaire
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Les exemples de rêves guérisseurs pourraient être multipliés21. Dans les faits, les
saints sont, par le jeu des prières et des effusions de larmes, quasi contraints de
répondre aux attentes populaires22. Pour autant – mais peut-être cela tient-il à la
nature et à la qualité de nos sources –, « on n’a pas du tout l’impression d’avoir
affaire à une attitude ritualisée23 ». Il ne semble pas en effet qu’il faille suivre un céré-
monial particulier pour obtenir une guérison ; on se situerait plutôt dans le cadre de
pratiques spontanées, que le clergé ou un personnel du custodes pouvait localement
encadrer ou surveiller. Du reste, on n’a pas davantage retrouvé en Occident qu’en
Orient de canon liturgique réglant le déroulement de ces séances à la fois indivi-
90 duelles et collectives de piété.
La différence est à cet égard significative avec les textes de magie savante – et en
particulier de magie rituelle24 – qui se diffusent en Occident à compter du
XIIe siècle. Ceux-ci sont en effet beaucoup plus explicites sur les opérations à mener
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pour bénéficier d’un rêve efficace, sans que cela soit surprenant : il est inhérent à leur
un voyage d’un mille et demi. Là donc, ayant choisi le lieu où dormir comme le saint le lui avait
enseigné, elle sentit, aussitôt qu’elle sortit du rêve, qu’elle avait retrouvé une bonne santé dans tous
ses membres. »
21. De telles pratiques sont encore attestées à la fin du Moyen Âge. Cf. Jean Gessler, « Note sur l’in-
cubation et ses survivances », Le Museon, n° 59, 1946, pp. 661-670 ; H. Silvestre, « Note complé-
mentaire sur l’incubation et ses survivances », Revue du Moyen Âge latin, n° 5, 1949, pp. 141-148 ;
André Vauchez, La Sainteté en Occident, op. cit., pp. 519-522 ; des niches étaient parfois spécialement
aménagées sous le tombeau du saint pour permettre aux pèlerins malades d’attendre la guérison, cf.
Ronald C. Finucane, Miracles and Pilgrims. Popular Beliefs in Medieval England, London, J.-M. Dent
and Sons, 1977, planches n° 4-7.
22. De manière plus générale, sur les pressions exercées sur les saints par le clergé ou les fidèles, cf.
Patrick Geary, « La coercition des saints dans la pratique religieuse médiévale », in Pietro Boglioni
(dir.), La Culture populaire au Moyen Âge, Montréal, L’Aurore, 1979, pp. 147-161.
23. Pierre-André Sigal, L’Homme et le miracle…, op. cit., p. 147.
24. La « magie rituelle », basée sur des rites et des cérémonies qui permettent d’invoquer ou de conju-
rer des entités spirituelles bonnes ou mauvaises, présente certaines caractéristiques dont Claire Fanger
a récemment rappelé la teneur et qui la différencie de la magie des talismans (ou magie astrale) où
les influences astrologiques jouent un rôle prépondérant. Cf. Claire Fanger, « Medieval Ritual Magic :
What it is and why we need to know more about it », in Conjuring Spirits. Texts and Traditions of
Medieval Ritual Magic, Stroud, Sutton, 1998, pp. vii-xviii.
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25. En dernier lieu, cf. Jean-Patrice Boudet, Entre science et nigromance. Astrologie, divination et
magie dans l’Occident médiéval (XIIe-XVe siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 2006.
26. Richard Kieckhefer, Forbidden Rites. A Necromancer’s Manual of the Fifteenth Century, Stroud,
Sutton, 1997, pp. 193-196 [n° 1] = ms Munich Clm 849, fol. 3r-5v.
27. Ms Florence, Biblioteca Laurenziana, Plut. LXXXIX Sup. 38, fol. 294v-298r. Le texte, intitulé
Experimentum Michaelis Scoti nigromantici, a été édité par J.W. Brown, An Enquiry into the Life and
Legend of Michael Scot, Édimbourg, 1897, pp. 231-234. Cette édition, passablement défectueuse, a
été amendée par Jean-Patrice Boudet, qui nous a gracieusement fait part de son travail. L’attribution
à Michel Scot est dans le cas présent très douteuse.
28. Ms Florence cit., fol. 294v-295v.
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doit encore prononcer neuf fois une supplique adressée au souverain du point car-
dinal. Une fois réalisée la révélation nocturne, aumônes et messes viennent s’ajouter
à la liste déjà longue des dévotions.
Enfin, un troisième experimentum, beaucoup plus court que les précédents, per-
met à tout un chacun de trouver la solution à un problème ou d’obtenir la réponse
à une question durant son sommeil32. Avant de se coucher, le demandeur doit écrire
sur un feuillet de papier ou de parchemin vierge une « conjuration » – en réalité une
prière – adressée à Dieu, ainsi qu’un cercle incluant signes de croix, noms divins et
noms d’archanges (Gabriel, Raphaël et Michaël)33. Puis il doit placer la cédule sous
son oreille droite, réciter trois fois la supplique, puis s’endormir. Durant la nuit, la 93
solution à sa requête lui apparaît en songe, qu’elle engage le passé, le présent ou le
futur. Les démons ne semblent jouer ici aucun rôle, même si cette opération à fina-
lité oniromantique se situe dans un contexte ouvertement nigromantique.
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32. Richard Kieckhefer, Forbidden Rites…, op. cit., pp. 234-235 = ms Munich Clm 849, fol. 35v-
36r : « Pour découvrir en songe ce que tu veux, écris ces noms sur un feuillet vierge, avec les noms
des jours, selon le mode décrit plus bas. Ensuite, place [la cédule] sous ton oreille droite quand tu
vas te coucher, et tu verras tout ce que tu veux des choses passées, présentes et futures. »
33. Ibid., p. 362, planche du fol. 36r, avec figuration du cercle.
34. Ce manuscrit découvert par Jean-Patrice Boudet en 1999, a été transcrit et étudié par Florence
Gal en vue d’une future édition critique. Voir Florence Gal, La Magie dans un manuel italien du
milieu du XVe siècle, mémoire de DEA d’histoire médiévale, sous la dir. de Colette Beaune et
Jean-Patrice Boudet, 2002, 2 vol.
35. Ms Paris, BnF, italien 1524, Necromantia : n° 6, fol. 74v ; 14, fol. 76r- ; 17, fol. 76v ; 22, fol. 77v ;
43, fol. 84v ; 56, fol. 86v ; 70, fol. 88r ; 75, fol. 88v ; 78 et 79, fol. 89r-v ; 81, 82 et 84, fol. 89v-90v ;
92, fol. 93v-94r ; 102 et 104, fol. 95v-96r ; 108, fol. 97v ; 110, fol. 98r-v ; 134, fol. 102v ; 148, fol.
109v-110r ; 177, fol. 114r-v ; 199, fol. 119r-v ; 201, fol. 120r.
36 Florence Gal, La Magie dans un manuel italien, op. cit., t. II, p. 39 = ms Paris, BnF, ital. 1524,
fol. 86v, n° 56 : « Si tu veux opposer une résistance au voleur, si d’aventure le vol avait déjà été com-
mis en ta demeure, écris ce psaume Magnus Dominus et laudabilis et ces caractères, et pose l’ensemble
sous ta tête quand tu dors, et tu connaîtras le nom du voleur. »
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Pour qu’une femme rêve de vous et réciproquement, le simple fait d’écrire son nom
et le vôtre (accompagnés de quelques noms de démons) sur un billet, puis de s’en-
dormir en tenant celui-ci dans la main droite se veut également très efficace37.
D’autres experimenti exigent de plus longs préparatifs, y compris, comme dans
l’exemple précédent, pour qu’une femme rêve de celui qui désire être son amant38.
De manière générale, les opérations décrites dans la Necromantia sont à mener dans
une chambre à coucher, avec un rêve efficace qui se produit après que l’intéressé a
disposé sous sa tête, sous son oreiller ou sous ses draps un support (un feuillet de
parchemin ou de papier, voire une image en trois dimensions si l’on a affaire à une
94 opération apparentée à de la magie astrale39) couverts de noms (divins ou démo-
niaques) ou de signes dotés d’une virtus (croix, caractères).
Au vu de nos sources, la magie angélique ou la théurgie recourent plus volontiers
au rêve que la nigromancie. On a par ailleurs affaire à des experimenta d’une plus
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grande complexité, qu’il nous est par conséquent impossible de décrire ici dans le
37. Ibid., p. 42 = ms cit., fol. 88v, n° 75 : « Si tu veux qu’une femme rêve de toi et toi d’elle, écris
sur du papier vierge ton nom, le sien, ainsi que les noms suivants : Ores, Gres, Fles, Tentatos et
Somatos ; puis, quand tu vas au lit, tiens le papier dans ta main droite ; c’est chose certaine qu’un jour
ou l’autre elle rêvera de toi. »
38. Ibid., p. 86 = ms cit., fol. 120r, n° 201. Il faut modeler une boule de cire vierge en forme d’œuf,
la diviser en quatre parties qui doivent être réparties dans la maison et laissées en repos pendant huit
jours ; le huitième jour, le bellâtre doit, avec la cire, faire une image représentant la femme sur
laquelle il a jeté son dévolu. Après avoir inscrit des noms de démons sur la statuette et prononcé une
conjuration, il doit disposer son œuvre sous la tête de son lit quand il veut que l’élue pense à lui
durant la nuit (et quando vuoi ch’ella pensi di te, pone sotto il capo di tuo letto). L’effet est garanti.
39. Ibid., p. 25 = ms cit., fol. 76r, pour se concilier un esprit en songe : « Si tu veux prendre conseil
auprès d’un esprit pendant ton sommeil, quand le Verseau croît et que la Lune est en Cancer, à
l’heure de Saturne, fait l’image dans l’étain ou plutôt dans le bronze, au nom de cet esprit dont tu
demandes la visite pendant ton sommeil, puis inscris-y le nom de l’esprit et les caractères de Jupiter ;
cette image, si tu la places à la tête de ton lit, te donnera réponse à tout ce que tu veux. »
40. Ms Vatican, Reg. lat. 1300 (mi-XIVe s.), fol. 47v-48v. Cf. aussi Ms. Halle, Universitäts- und
Landesbibliothek Saschen-Anhalt, 14.B.36 (XVIe s.), fol. 29r-v.
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angélique dont il va profiter sont-ils l’objet d’une préparation réglée jusque dans les
moindres détails44.
Dans d’autres cas, l’experimentum concerne non pas une partie, mais l’ensemble
de la procédure rituelle qui doit aboutir au rêve efficace. On peut développer au
moins trois exemples : celui tout d’abord de l’Ars brevis, l’une des formes tardives et
recomposées de l’Ars notoria ; ceux ensuite du Libellus de proprio angelo et de l’Ars
crucifixi, deux des œuvres théurgiques du mystérieux ermite invocateur d’esprits,
Pelagius de Majorque (XVe siècle)45.
L’Ars brevis est datable, grâce aux manuscrits, du milieu du XIVe siècle46. Son but
96 premier reste, dans la lignée de l’Ars notoria, l’acquisition du savoir ; mais ses poten-
tialités sont plus vastes : elle affirme sa capacité à dévoiler l’avenir, à localiser les tré-
sors cachés, ou encore octroyer la vision béatifique. La première partie du texte
décrit une opération qui dure au maximum quatre jours et doit commencer avec un
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44. Ms Paris, BnF, lat. 9336, fol. 17r. Pour une description plus complète, cf. Julien Véronèse, « Les
anges dans l’ars notoria : révélation, processus visionnaire et angélologie », in Les Anges et la Magie au
Moyen Âge, Actes de la table ronde de Nanterre (8-9 déc. 2000), Mélanges de l’École Française de
Rome. Moyen Âge, t. 114, fasc. 2, 2002, pp. 813-849, notamment pp. 826-827. L’édition du texte
(version B, § 126e-126f) est sous presse à la Micrologus’ Library, dans un volume appartenant à la
nouvelle sous-collection Salomon Latinus intitulé L’Ars notoria au Moyen Âge. Introduction et édition
critique, Firenze, 2007.
45. Sur ce personnage, cf. Jean Dupèbe, « Curiosité et magie chez Johannes Trithemius », in Jean
Céard (dir.), La Curiosité à la Renaissance, Paris, SEDES, 1986, pp. 71-97, « L’écriture chez l’ermite
Pelagius. Un cas de théurgie chrétienne au XVe siècle », in Roger Laufer (dir.), Le Texte et son inscrip-
tion, Paris, éd. du CNRS, 1989, pp. 113-153, « L’ermite Pelagius et les Rose-Croix », in Rosenkreuz
als europäisches Phänomen im 17. Jahrhundert, Amsterdam, In de Pelikaan, 2002, pp. 137-156 ; Paola
Zambelli, « Pseudepigrafia e magia secondo l’abate Johannes Trithemius », in Giancarlo Marchetti,
Orsola Rignani et Valeria Sorge (éd.), Ratio et Superstitio. Essays in Honor of Graziella Federici
Vescovini, Louvain-la-Neuve, 2003, pp. 347-368, not. p. 353, doute de son historicité.
46. Julien Véronèse, L’Ars notoria au Moyen Âge, op. cit., t. I, pp. 303-317 et pp. 417-430. Les deux
manuscrits les plus anciens sont les mss d’Erfurt, Amplon. 8° 79, fol. 63r-66r, et Vienne, Scot.-Vind.
140 (61), fol. 140r-153v.
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main ainsi marquée placée sous son oreille. Durant la nuit, si tout se passe bien, une
voix l’instruit en rêve du contenu dudit ouvrage. Au réveil, il lui faut encore passer
en revue quelques extraits du volume pour en obtenir définitivement la maîtrise. Le
quatrième jour, le dévot doit de nouveau assister à une messe, dédiée cette fois à la
Vierge, réciter quelques prières et faire l’aumône ; puis le soir, de retour chez lui,
après avoir reproduit les mêmes gestes qu’au troisième jour, il obtient durant son
sommeil rien moins que la vision de Dieu.
La seconde partie de l’Ars brevis propose une procédure dont le principe est iden-
tique, mais dont l’efficacité repose désormais sur l’emploi d’une « figure de la
mémoire ». Ce signe circulaire, qui comporte huit croix et l’inscription αω (Alpha 97
et omega)47, doit être « consacré » en restant quelques jours (trois, sept ou dix) sous
un corporal, c’est-à-dire sous le linge sacré sur lequel sont déposés l’hostie et le calice
durant la messe. Pendant ce temps d’imprégnation, le dévot doit assister chaque
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force génuflexions, des psaumes, des litanies et des prières adressées à La Trinité, à
la Vierge impératrice des anges, à l’ange gardien et aux anges en général. Cette pre-
mière séquence terminée, il doit, sans rien révéler à personne, se rendre dans sa
chambre, l’asperger d’eau bénite et la suffumiger avec des essences de bois adaptées,
selon le principe de sympathie, à la configuration du ciel. Au pied de son lit, il se
livre à de nouvelles dévotions, puis se couche. Tout ceci doit être réitéré pendant
vingt-sept jours ; si ses moyens le lui permettent, l’impétrant peut commander
autant de messes qu’il le souhaite.
L’opération décisive se déroule durant les trois derniers jours du mois. Le jeûne
98 est alors intensifié et de nouvelles messes sont nécessaires. Puis à la fin du trentième
jour, de nouveau dans sa chambre (ou dans une chapelle secrète), le dévot doit se
laver, réciter des prières, se parer d’habits propres et parfumés, puis tracer deux
cercles concentriques autour de son lit, entre lesquels il dispose trois chandelles et
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dans plusieurs manuscrits54. L’ouvrage doit son nom au fait qu’il a été écrit à la
suite d’une série de visions et de rêves inspirés par la Vierge, qui a permis de sau-
ver in extremis le bénédictin de la pratique « néfaste » de l’Ars notoria. Dans le pro-
logue de son œuvre, Jean de Morigny décrit avec force détails les visions nocturnes
de plus en plus désagréables que la lecture et la pratique de l’Art lui ont procurées.
Celles-ci se produisent en général quand il est dans sa chambre à coucher, lumières
éteintes. Le moine est définitivement convaincu de leur malignité quand une nuit,
après avoir récité l’une des prières de l’Ars notoria, il lui semble qu’un esprit malin
est couché tout contre lui55. Mais cette descente aux enfers prépare la rédemption :
une étape est franchie lorsqu’en rêve (quadam nocte extaseo sopore dormiens) le 99
Christ lui administre une correction salvatrice56. Puis la Vierge se manifeste à plu-
sieurs reprises alors que Jean prie devant sa statue dans la cathédrale de Chartres.
C’est au terme de ces apparitions que le visionnaire reçoit la permission d’écrire
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son Liber visionum57. Signalons au passage que Gurgeta, la jeune sœur du béné-
54. Sylvie Barnay, « La mariophanie au regard de Jean de Morigny : magie ou miracle de la vision
mariale ? », in Miracles, prodiges et merveilles au Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 1995,
pp. 173-190, « Du diable à la Vierge, Magie et mariophanie à la fin du Moyen Âge », in Magie et
illusion au Moyen Âge, Aix-en-Provence, CUER MA/Université de Provence, 1999, pp. 23-33 ; Claire
Fanger, « Plundering the Egyptian Treasure : John the Monk’s Book of Visions and Its Relation to the
Ars Notoria of Solomon », in Conjuring Spirits, op. cit., pp. 216-249 ; Nicholas Watson, « John the
Monk’s Book of Visions of the Blessed and Undefiled Virgin Mary, Mother of God : Two Versions of a
Newly Discovered Ritual Magic Text », in Claire Fanger (dir.), Conjuring Spirits, op. cit., pp. 162-
215 ; pour une édition du prologue avec trad. angl., cf. Claire Fanger et Nicholas Watson, « Liber
visionum beate Marie », Esoterica : the Journal of Esoteric Studies, vol. III, 2001, pp. 108-217. Une
édition de la forme la plus tardive du Liber, fondée sur le ms Graz UB 680, est en préparation.
55. Ibid., § 22, p. 143 : « Mais après je vis la neuvième vision : il m’arriva une grande tribulation, et
pendant que ce tourment durait, je voyais chaque jour nombre de visions horribles. Et un jour, je
voulus connaître ce qu’elles signifiaient, et pour le savoir je prononçai une prière dudit livre de l’ars
notoria consacrée à la mémoire, comme il est d’usage. Et voici que la nuit suivante je vis cette vision.
Il me semblait qu’un mauvais esprit était dans ma chambre, couché à côté de moi. Ce que voyant,
me levant aussitôt, je le mis en fuite violemment en saisissant une épée, et je frappai et il partit. »
56. Ibid., § 25, pp. 145-146.
57. Ibid., § 26-31, pp. 146-151.
58. Ibid., § 34, pp. 152-153 : « Après que ma sœur Gurgeta fut entrée dans “la pratique de” l’ars
notoria comme il convient, elle vit de nombreuses visions effrayantes, et la suivante plus souvent que
les autres. En extase tout en dormant, elle voyait et même sentait approcher un esprit malin, et il se
tenait contre elle dans son lit, et alors cet esprit malin serrait si fort la jeune fille par les côtés et l’ar-
rière qu’elle ne pouvait ni parler ni appeler. »
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una nocte in extasi), suivie de songes mariaux qui la convainquent de revêtir l’ha-
bit monastique59.
Le Livre des visions a pour premier objectif de faire de son adepte un petit génie.
Son modus operandi se veut le fruit de révélations oniriques accomplies par la Vierge,
mais il est en réalité, comme l’indique sa finalité et son contenu, un décalque de
l’Ars notoria, où affleurent ça et là quelques éléments empruntés à la tradition nigro-
mantique. Sa troisième section, le Liber figurarum (1315), permet, comme le reste
du livre, de faire l’« expérience de la vision » (experimentum visionis) – et sans aucun
doute, si l’on se fie au prologue, du rêve efficace60. Elle prescrit un rituel qui est
100 pour l’essentiel fondé sur la récitation d’une multitude de prières ; mais il faut éga-
lement recourir à des signes dotés d’une virtus spéciale, parmi lesquels sept figures
circulaires contenant des nomina (dont le nom de la Vierge), des signes de croix et
le nom du maître d’œuvre (opifex), un anneau d’or ou d’argent qu’il faut porter au
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59. Ibid., § 38, pp. 154-155 : « Après cela elle vit un autre jour en songe que la bienheureuse et invio-
lée Vierge Marie mère de Dieu lui apparut […]. De même, elle vit à plusieurs reprises que la bien-
heureuse Marie lui dit, etc. »
60. Ms Graz UB 680, fol. 136vb-154vb. Nous remercions chaleureusement Claire Fanger et
Nicholas Watson de nous avoir permis de bénéficier d’une version de travail de leur édition.
61. Ibid., fol. 139vb-140ra.
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(cédule, crucifix) qui, avec la complicité d’un prêtre, se charge de la virtus du lieu
62. C’est un point auquel l’ermite Pelagius consacre de longs développements dans un texte qui
entretient des liens étroits avec ceux sus-mentionnés, le Peri anacriseôn (ou Anacrisis). En mobilisant
références scripturaires et hagiographiques, il conclut que les révélations célestes peuvent concerner
n’importe quel chrétien, pour peu qu’il soit irréprochable. Il précise quels comportements sont requis
pour être certain de bénéficier de « vraies » visions, en particulier dans le cadre du rêve (visio som-
nialis). Cf. ms Paris, BnF, lat. 7486A (fin XVe s.), fol. 17r-27v, notamment fol. 25v-26r : « La pre-
mière règle t’annonce à quel point tu dois examiner très consciencieusement la vie, les mœurs, les
manières de parler, les paroles et les actes de celui qui prophétise, s’il est droit, intègre, ferme et
constant dans la foi chrétienne, fervent dans la déférence quotidienne dévolue à Dieu. Après avoir
vérifié que l’homme est catholique, intègre et droit en tout point en foi et en doctrine, la seconde
règle prescrit que tu vérifies aussi s’il vit de manière pure, intègre, catholique et droite conformément
à la foi qu’il a professée. En effet s’il vit autrement que ne l’exige la foi chrétienne, la vraie et divine
révélation de Dieu ne peut se produire en lui. La troisième règle dit : si le bénéficiaire ou le maître
de la révélation est fidèle dans l’unité de la sacrosainte Église romaine et lui est soumis en tout par
une droite volonté, s’il obéit humblement à ses statuts et à ses recommandations, s’il ne dénigre pas
ses rites et ses usages, mais les loue, si enfin il ne juge pas à la légère, ne dédaigne pas, ne méprise pas,
mais estime, honore et révère le pontife romain, les cardinaux, les évêques et les autres prélats de l’É-
glise, les prêtres et les ministres […], alors se produisent de vraies révélations. »
63. C’est en même temps le signe dont les théologiens ne peuvent contester la licéité. Cf. Laurent
Pignon, Contre les devineurs et songeur, in Jan R. Veenstra, Magic and Divination, op. cit., II, 3, 4,
p. 304.
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de suite si une partie du rituel ne se déroule pas à l’église), par le jeu d’aspersions
d’eau bénite et de fumigations. La délimitation précise d’un espace sacré et protec-
teur passe parfois par la construction de cercles sur le sol, au centre desquels est dis-
posé le lit du magister ; mais dessiner lesdits cercles sur une cédule est une solution
qui, pour être plus métaphorique, est jugée tout aussi valable.
Le lieu privé et secret correctement disposé, l’ultime opération menant au som-
meil peut débuter. Des dévotions (prières, génuflexions, etc.) sont exigées avant
d’entrer dans le lit, parfois même alors que l’on est déjà couché. Puis arrive l’acte qui
est le plus récurrent dans nos sources et donc perçu comme absolument nécessaire
102 à la production du rêve : la mise en place de l’objet ou du signe sacré, dont le contact
direct ou la proximité garantit la venue du songe en même temps qu’il assure la pro-
tection du dormeur. Même les experimenta les plus abrégés se gardent d’oublier ce
rite essentiel, qui rappelle l’histoire de Martial rapportée par saint Augustin64. Dans
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bien des cas, il faut disposer le signe sous sa tête, et en particulier contre son oreille
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tie du lit d’un saint dans un cas, un signe « consacré » dans l’autre) auprès duquel il
fait bon poser sa tête et trouver le sommeil, une même certitude enfin que se pro-
duit à terme un rêve dont l’efficacité dépend d’une entité supérieure. Seules les exi-
gences spécifiques à la pratique magique (en particulier l’injonction du secret et la
nature de l’esprit invoqué), les transformations d’une piété devenue davantage indi-
viduelle et privée à la fin du Moyen Âge et les modifications apparues progressive-
ment dans l’économie du miracle (notamment la distanciation géographique entre
le lieu de conservation des reliques et l’endroit où se produit le miracle) introdui-
sent des éléments de différenciation ; mais ceux-ci paraissent plutôt secondaires ou
circonstanciels. 103
Dans ces conditions, que l’incubation « magique » soit une forme pour partie
dérivée de l’incubation chrétienne populaire qui existait en Occident depuis
l’Antiquité tardive, ou tout au moins que la seconde ait influencé et contaminé les
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