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Les empêcheuses de danser en rond
by
Anne Gyorgy
INTRODUCTION ••••••••••••••••••••••••••••••••••••• p. 1
PREMIERE PARTIE
Chapitre I. Portrait physique et moral de p. 7
l'héro!ne d'Anouilh •••••••••••••
Chapitre II. L'héro!ne dans la société ••••••• p. 22
Chapitre IIL L'hérofne dans !';univers •••••••• p. 65
DiUXIEME PARTIE
Chapitre IV. Portraits individuels ••••••••••• p. 77
INTRODUCTION
1.
2. Pierre de
p. 166.
-3-
1. ne veut
res sem rance-Am
1951.
-4-
PREMIERE PART lE
CHAPITRE I
Plus loin elle dit : "C'est moi qui vous fais peur avec mes
cheveux mouillés? Je suis laide."1
Antigone est décrite tout au début de la pièce par
2
le prologue, comme la "maigre jeune fille noiraude" , et nous
apprenons quelques lignes plus loin qu'Ismêne est bien plus
belle qu'elle.
Dans La Répétition Hortensia dit en parlant de
Lucile "Tigre, cette fille est A peine jolie.")
La personnification de l'héro!ne anouilhienne est
MOnelle Valentin, la femme de l'auteur, pour laquelle il a
écrit presque toutes ses pièces. Sur une photographe prise
au cours d'une représentation d'Antigone, nous la voyons
avec son petit visage pâle et délicat où luisent de grands
yeux sombres à l'expression tragique, et ses mèches flottant
autour de sa tete. Les contours de son corps fragile sont
A
1. Antigone, p. 23
2. Nouvel!es Pièces Noires, p. 302.
3. Lâ Répétition, p. 45
4. Antigone, p. 31
-10-
1. Antigpne, p. 18
2. Piêces Noires, p. 143
3. Rouvêiies Pièces Noires, p. 225
-11-
1. Ardèle p. 5
2. ta RérAtition, p. 42
J. Nouve les Piêces Noires, p. 253
4. Antigone, p. 99-ioo
-1.3-
1. Antigone, p. 55
-14-
1. Anti92ne, p. 86
2. La Repétition, p. 144-145
-15-
1. Antigpne, p. 59
2. L'Alouette, p. 211
3~ Piêces Noires, p. 156
4. Antigone, p. 101
-20-
1. Antigone, p. 81
2. Piêces Noires, p. 183
3. Antigone, p. 20
4. L'Alouette, p. 27
5. Piêces Noires, p. 481
-21-
1. Antigone, p. 42
2. Piêces Roses, p. 102
-22-
CHAPITRE II
1. Pièces Noires, p. 49
2. Pièces Noires, p. 143
3. Pièces Noires, p. 208-209
-24-
.J
-30-
profondes que Jeannette, mais elle "a été salie par la vie
comme par un trajet en chemin de fer. nl Quand elle devient
amoureuse d'Orphée, elle veut se laver de ses taches, mais
elle s'aperçoit bientôt que la purification est impossible,
son passé colle à sa peau. L'histoire de son amour pour
Orphée est faite de leurs souvenirs communs et les
personnages qu'ils ont rencontrés font partie intégrante
de ces souvenirs. Le contrôleur du train, leur premier
personnage ignoble y appartient du même droit que l'employé
de gare charmant, la belle caissière muette, et le garçon
"de la Comédie Française" qu'ils appellent ainsi à cause de
son air noble. Mais Eurydice veut rayer de ses souvenirs,
et par conséqueht de son amour ce contrôleur "••• bête avec
sa crasse, sa suffisance et ses deux sales grosses joues
pleines de je ne sais quoi, bien rasées, bien rouges, sur son
2
col de celluloid."
Eurydice : Oht mais celui-là, je le refuse1
je le renvoie. Tu lui diras que
je le renvoie1 Je ne veux pas
d'un imbécile pareil dans mes
souvenirs d'avec toi.
Orphée : C'est trop tard, ma chérie , nous
n'avons plus le droit de renvoyer
personne.
!_urydice Alors, toute notre vie, ce gros
homme sale et content de lui fera
partie de notre premier jour?
Orphée Toute notre vie •••
Eurydice Tu es sûr qu'on ne · peut pas trier
les mauvais personnages et garder
seulement les bons?
Orphée Ce serait trop beau.
Eurydice On ne peut même pas essayer, tu crois,
1. Pièces Noires, p. 5} 3
2. Hubert Gignoux; Jean Anouilh, p. 19
J. Pièces Noires, p. 449
-39-
1. Antigone, p. 117-118
-41-
1
faisait honte et qui me battait.n
Créon dit à Antigone : "Je suis ton oncle, c'est
entendu, mais nous ne sommes pas tendres les uns pour les
autres dans la famille.n2
Lucile, l'héro!ne de La Répétition est orpheline.
Ses relations avec son parrain sont assez tendues. Elle dit
au comte : "Je ne parle jamais à mon parrain. Vous avez dÛ
voir que les sentiments n'étaient pas très tendres entre n~us."3
Il n'existe pas une trace d'intimité entre Eurydice
...
et sa mere non plus. La seule phrase "maternelle" que celle-
ci puisse dire à sa fille, est : "Tiens-toi droite"4. Elle
est tout occupée par Vincent, son amant, et ne semble pas
être bouleversée du tout quand elle doit prendre le train sans
Eurydice. Eurydice, d'ailleurs, est aussi froide envere sa
mère et, en vraie fille d'Anouilh, elle n'affiche pas des
sentiments filiaux qu'elle n'éprouve pas. Elle dit. à Orphée
"La dame qui parlait d'amour tout à 1' heure
avec des glouglous, c'était ma mère. Je
n'avais pas osé vous le dire."5
Et ailleurs, en parlant de sa mère et de Vincent, elle dit
"Aht qu'ils étaient laids, n'est-ce pas? 6
Qu'ils étaient laids, qu'ils étaient bêtesl"
.
Julia aussi, a honte de son père devant :F'rédéric :
1. Antigone, p. 33
2. Antigone, p. 35
3. L'Alouette, p. 12
-47-
L. La Répétition, p. 46
2. La Répétition, p. 47
3. La Réoétition, p. 86
-48-
1. Antigone, p. 41
2. Antigone, p. 41
3. Piêces Noires, p. 432
4. La Répétition, p. 161
-49-
1. Antigone, p. 42
2. Nouvelles Pièces Noires, p. 297-298
3. Lâ Répétition, p. 78
4. Pièces Noires, p. 234
5. Nouvelles Pièces Noires, p. 297
-55-
----------------------------------------------------------·----
1. Nouvelles Pièces Noires, p. 2S2-2S3
-57-
Noires, p. 271
l~ · Nouvelles Pi~ces
2. Pi~ces Noires, p. 467-468
-58-
1. Antigone, p. 97
2. Antigone, p. 97
3. Pièces Noires, p. 256
4. Pièces Noires, p. 234
-60-
.. .
a les mettre au point. Trichez mon viiux;
trichez avec tout, avec vous surtout."
Mais la jeune fille refuse justement de tricher, de jouer la
comédie. Elle renonce plutôt à son bonheur, que de l'avoir
au prix de sa pureté.
Ce bonheur, tout en le désirant, elle n'y croit
jamais véritablement. La clé de ses actions est une volonté
inconsciente d'échec. Thérèse se fait calomnier par
Jeannette, et elle encourage les actions vulgaires de son
père pour faire rater son mariage avec Florent. Antigone
enterre son frère pour la deuxième fois en plein jour, sans
se soucier des gardes. Il est évident qu'elle veut être
capturée. Eurydice et Jeannette s'enfuient quand elles ont
trouvé l'amour de leur vie. Toutes ces héro!nes, remplies
de l'idéalisme de la jeunesse, ont peur du bonheur réalisé,
·,.
peur d'une réalité qui ne pourra ~as égaler leurs reves les
plus secrets.
Nous retrouvons cette même hantise du bonheur qui
se détruit lui-même dans le roman d'Alain-Fournier, Le Grand
Meaulnes. Le héros, Augustin Meaulnes entrevoit Yvonne de
Galais à une fête étrange dans un Domaine mystérieux. Il
la recherche éperdument pendant de longues anné~s. Quand
il tient enfin son bonheur, il abandonne la jeune femme.
dit à Orphée :
"Tu es si fort ••• Oui, oui, un Turc qui
n'ente~d rien, qui ne sent rien, qui est
bien sur de lui et va tout droit."l
On a l'impression qu'elle lui reproche de pouvoir se défaire
un instant de l'angoisse qui pèse sur elle constamment, de
pouvoir sourire à la vie. Thérèse fait le même reproche à
Florent : "Co:mme tu es fort-! n2 Elle confie à Jeannette :
"S'il était pauvre et malheureus, c'est drÔle, il me semble
qu'il serait davantage à moi ••• n3
L'héro!ne d'Anouilh est attirée par l'échec, car
la réussite signifie pour elle une complicité coupable avec
une société qu'elle déteste. Elle s'affirme en s'opposant,
par son refus de collaborer, de jouer le jeu social, même si
ce refus est un geste gratuit et ne porte aucun fruit. Quand
Créon demande à Antigone : "Que peux-tu donc, sinon
t'ensanglanter encore les ongles et te faire prendre?"4 , elle
répond : "Rien d'autre que cela, je le sais. Mais cela,
du moins, je le peux. Et il faut faire ce que l'on peut."5
La jeune fille d'Anouilh est une indaptée sociale.
Elle se meut dans la vie comme une étrangère, enveloppée
d'une solitude profonde. Thérèse- "part, toute menue, dure
et lucide, pour se cogner partout dans le monde ••• n6 1/.ais
CHAPITRE III
1. La Répétition, p. 162
2. La Répétition, p. 69
...
-66-
1. Antigone, p. 71
2. Nouvelles Pièces Noires, p. 394
3. Pieces Noires, p. 440
4. Pascal, Pensées, Hachette, 1950. (D'après l'édition
Brunschvicg), p. 64.
-70-
1. Antigone, p. lOO
2. Antigone, p. 10
3. Antigone, p. 29-30
-71-
1. Antigone, p. SJ
-73-
1. L'Alouette, p. 227
-77-
DEUXIEME PARTIE
CHAPITRE IV
PORTRAITS INDIVIDUELS
parlant de la duchesse :
"Elle n'a jamais été bonne pour toi. Jamais
un sourire ou un mot tendre. Jamais une main
tendue pour te sauver d'un chagrin de petite
fille ••• Tu n'as pas souvenir d'une joie qui
vienne d'elle. Tu n'attaches à son nom que
1. Pièces Noires, p. 28
2. Pièces Noires, p. 57
3. Pieces Noires, p. 74
4. Pièces Noires, p. 111
-81-
1. Pièces Roses, p. 80
2. Preees Roses, p. 45
3. Pieces Roses, p. 67
4~ Pieces Roses, p. 69
-S3-
fils volé en bas âge. Remarquons que même dans une comédie,
le bonheur n'est possible pour Anouilh, que grâce à un
mensonge. ~~is Juliette, héro!ne rose qui veut être heureuse,
ne se soucie pas d'être lucide. Elle aura l'amour et le
bonheur dont elle connaît la formule : "Il n'y a qu'à se
1
laisser aller." Hélàs, les pièces roses représentent
dans l'oeuvre d'Anouilh une escapade agréable qui élude,
au lieu de résoudre, les problèmes posés par l'auteur dans
ses pièces noires, Juliette n'a pas une réalité vivante, sa
personnalité n'a pas de densité humaine ; c'est pour cette
raison que nous ne prenons pas au sérieux sa petite victoire
remportée sur la vie.
La jeune fille suivante, Jacqueline, personnage
de Jézabel, est riche comme Monime et Juliette. Comme elles,
Jacqueline aime un garçon qui n'est pas de son monde. Elle
veut épouser ~~re, et sa famille ne s'oppose pas à ce
mariage. C'est ?~re qui s'enfuit car il porte le fardeau
d'un milieu abject et criminel qu'il ne peut pas renier.
Jacqueline n'est pas une héro!ne révoltée non plus.
Au lieu de ressembler à Antigone, à Jeannette, elle est soeur
de Florent, tout comme Marc est frère spirituel de Thérèse.
Elle est pure et douce et, comme Florent, frappée d'une
"variété bourgeoise de l'angélisme." 2 Marc dit en parlant
d'elle
1. Pièces Rosef,P• 6S
2. Hubert Gignoux, Jean Anouilh, p. 50
-84-
c'est elle qui est le plus pur parmi tous les personnages de
la pièce, et elle rayonne d'une noblesse de coeur. Au lieu
de suivre le chemin facile du bonheur, elle choisit la fuite
et le désespoir : "En acceptant le bonheur qu'on lui offre,
elle croirait introduire dans son coeur un élément de
contradiction intime; en évoquant ces tristes aventures, en
se "cramponnant à sa pauvre révolte", elle croit au contraire
préserver son unité, elle se met d'accord avec elle-même."3
Thérèse s'en va, car son amour n'est pas assez fort pour la
sauver. Florent n'est pas son partenaire égal; il est
beaucoup trop suffisant et superficiel dans son contentement
béat d'homme à qui tout réussit. Thérèse, la jeune fille
tourmentée à la sensibilité suraigtte, appartient à un monde
où Florent ne pourra jamais la suivre - c'est un monde où
on souffre plus parce qu'on ressent les choses avec plus
d'intensité, et où on marche seul parmi les ténèbres.
Dans la pièce suivante, Le Rendez-Vous de Senlis,
la jeune fille, Isabelle, est reléguée au deuxième plan, et
toute la pièce pivote autour de Georges, son amoureux,
Georges, comme Thérèse et Narc, tente de se libérer de son
milieu méprisable, mais lui, il y réussit, grâce à son amour
pur et profond pour Isabelle. Celle-ci n'est pas un
personnage très intéressant ou très vivant. Comme ~Jacqueline,
1. Antigone, p. 86
-91-
1. La Répétition, p. 36-37
-101-
1. La Répétition, p. 153-154
-102-
1. L'Alouette, p. 141
2~ L'Alouette, p. 149-150
3. L'Alouette, p. 169
-lOB-
1. L'Alouette, p. 76
2. L'Alouette, in Mercure de France, No. 1084, 1er Décembre
1953, p. 692-693
3. L'Alouette, p. 142- 143
-109-
1. L'Alouette, p. 175-176
2. L'Alouette, p. 166
-llO-
1. t'Alouette, p. 214
2. L'Alouette, p. 214
3. L'Alouette, p. 139
-111-
obstinée.
Il serait beau de pouvoir terminer ce chapitre
sur cette note encourageante et optimiste de "l'alouette
1
en plein ciel ••• (de) Jeanne de Reims dans toute sa gloire •• "
Mais l'oeuvre d'Anouilh ne finit pas là. Sa dernière pièce,
Ornifle, après avoir été jouée à Paris pendant tout un hiver,
vient de paraitre en librairie. Le héros de la pièce est un
nouveau Don Juan qui ne vit que pour ses plaisirs, personnage
amoral, corrompu et profondément solitaire. Trois figures
de femmes gravitent autour de lui : Y~demoiselle Supo, son
accompagnatrice-secrétaire, Ariane, sa femme, et Marguerite,
la fiancée de son fils. Mademoiselle Supo est un personnage
burlesque. C'est une vieille fille laide, pleurnicheuse,
amoureuse d'Ornifle depuis dix ans et "la voix de sa conscience",
qu'Ornifle, d'ailleurs, n'écoute guère. Ariane est une femme
résignée, malheureuse, solitaire, qui aime toujours son mari
mais dont "l'ime est morte de faim" 2 à force de vivre avec
Ornifle qui agit comme s'il n'en avait pas une.
Marguerite, finalement, est la soeur spirituelle de
Colombe. Elle a vingt ans, et c'est la fille choyée et un peu
bête d'un milliardaire. Elle aime Fabrice parce qu'il est
pauvre et fier, et parce qu'elle veut s'évader avec lui de son
milieu étouffant, de son père qui se rend malade à force de
vouloir gagner encore plus d'argent, et de sa mère qui refuse
1. L'Alouette, p. 227
2. Ornifle, p. 141
-112-
1. Ornifle, p. lSl
2. Ornifle, p. 1S2
-113-
CONCLUSION
Date de la première
représentation à Paris
BIBLlOGRAPHIE
1
I. Oeuvres de Jean Anouilh
..
Pièces Noires, (L'Hermine, La Sauvage, Le Voyageur Sans
Bagage, Eurydice). Calmann-Lêvy, Paris, l942.
Pièces Roses, (Le Bal des Voleurs, Le Rendez-vous de Senlis,
Léocadia). Calmann-Lèvy, Paris, 1942.
Nouvelles Pièces Noires, (Jézabel, Antigone, Roméo et
Jëalnnette, Médée}. Editions de La Table Ronde, Paris, 1946.
Antigone. Editions de La Table Rond~, Paris, 1946.
Ardèle ou la Marguerite. Editions de La Table Ronde, Paris,
1949.
La Répétition ou l'amour puni. Editions na Palatine, Paris-
Oenève, 1950.
Pi~ces Brillantes, (L'Invitation au Château, Colombe, La
~êtition ou 11 amour tuni, L1Ecole des Pères). Editions
de La Table Ronde, Par s, 1951. .
La Valse des Toréadors. Editi.ons de La Table Ronde, Paris
1952.
L'Alouette. Editions de La Table Ronde, Paris, 1953.
Ornifle ou le courant d'air. · Editions de La Table Ronde,
Paris, 1955.
1. Pour les pièces oui fi ~urent plus d'une fois sur cette
liste, c'est la pagination du volume où la pièce appara!t
individuellement, qui a été utilisée pour les notes au ·
bas des pages.
II, Livres consacrés exclusivement à Jean Anouilh