Vous êtes sur la page 1sur 8

Comportement mécanique de l’argile de

couverture d’un centre de stockage de


déchets très faiblement radioactifs

Sophie Camp*,**— Jean-Pierre Gourc*— Olivier Plé*— Daniel


Rey**— Jean-Louis Kaelin***

* LIRIGM, UJF
1381 rue de la piscine, BP 53, 38041 Grenoble cedex 9
{Sophie.Camp, olivier.ple} @ujf-grenoble.fr

**Scetauroute
3 rue du Docteur Schweitzer, 38180 Seyssins

*** ANDRA
BP 7, 10200 Soulaines Dhuys

RÉSUMÉ. L’étude présentée est relative à une argile utilisée en couverture d’un centre de
stockage de déchets très faiblement radioactifs. Le concept de stockage, proche de celui d’un
centre de classe 1, est présenté. Le comportement mécanique de l’argile est étudié afin
d’optimiser sa mise en œuvre et son comportement en place. Des essais de caractérisation
standard et non standard sont réalisés afin de définir l’influence des paramètres de mise en
oeuvre sur le comportement de l’argile. L’attention est portée sur l’état de déformation
correspondant à l’apparition de fissures.

ABSTRACT. A study on the clay used in cap cover of a landfill for storing very low level
radioactive waste is carried out. The concept of storage, close to that of a first class landfill,
is presented. The mechanical behavior of clay is studied in order to optimize its
implementation and its in situ behavior. Standard and non standard tests for mechanical
characterization are carried out in order to define the influence of the parameters of
implementation on the behavior of clay. We focused our analysis on the stain at the crack
initialization.

MOTS-CLÉS : barrière argileuse, comportement mécanique, essais de laboratoire

KEYWORDS: Clay barrier, mechanical behaviour, laboratory tests

AUGC 2006- Nîmes- 1 et 2 juin 2006


2 AUGC 2006- Nîmes- 1 et 2 juin 2006

1. Introduction
La production des déchets très faiblement radioactifs (TFA) est estimée à 25 000
tonnes par an pendant les 30 prochaines années. ANDRA (Agence Nationale des
Déchets RAdioactifs) a mis en service en 2003 un nouveau centre de stockage de
déchets TFA après la fermeture du centre de La Hague. Les déchets sont stockés en
surface dans des alvéoles. Le confinement des déchets est assuré par l’association
d’une couche d’argile compactée et d’une géomembrane. L’argile de couverture fait
l’objet d’une étude approfondie. En effet, cette barrière pose de nombreux
problèmes notamment au niveau de sa mise en œuvre. Il s’agit d’un élément majeur
de sécurité du site. La barrière argileuse doit conserver ses caractéristiques
physiques, mécaniques et hydrauliques (perméabilité K < 10-9 m/s) durant toute la
durée de surveillance du site et ceci malgré les éventuels tassements différentiels au
sein des déchets ainsi que les différentes agressions externes et internes notamment
thermiques et hydriques qui peuvent soumettre l’argile au gel ou à la dessiccation et
entraîner une fissuration.
Actuellement, les connaissances sur le comportement d’un sol fin sous faible
confinement soumis à des tassements différentiels des déchets sous-jacents sont très
sommaires ainsi que les prescriptions que l’on peut trouver dans la littérature
(ADEME, 2001). Les conséquences d’une fissuration de l’argile suite à des
modifications de l’état hydrique et hydromécanique sont elles aussi très mal connues.
Des essais de caractérisation mécanique de l’argile sont réalisés afin de définir
les conditions optimales de mise en œuvre de l’argile en couverture. La corrélation
de tous les essais doit permettre de définir un essai de caractérisation de l’aptitude à
l’extension sans fissuration représentatif et facile à mettre en oeuvre. Le but final est
d’optimiser la mise en œuvre de l’argile en couverture pour garantir ses qualités
durant toute la vie du site.

2. Enjeux et spécificités

Le caractère très faiblement radioactif des déchets impose des mesures de


protection de l’environnement et de l’homme importantes. L’étanchéité du fond et
des talus des alvéoles est assurée par l’association de la barrière passive d’épaisseur
supérieure ou égale à 7m et de perméabilité inférieure à 10-9 m/s (argile hôte)
protégée par une barrière active (DEG) composée d’une géomembrane PEHD entre
2 géotextiles de protection anti-poinçonnement (Camp et al., 2005). L’exploitation
des alvéoles se fait sous un bâtiment abris afin d’éviter l’apport d’eau au sein des
alvéoles. Les déchets sont stockés dans des fûts, des big-bag ou des casiers. Les
vides entre les déchets sont comblés par du sable. Des tassements différentiels au
sein des déchets peuvent cependant se produire car des vides résiduels persistent et
les matériaux de remplissage des alvéoles sont très hétérogènes. Il est donc
important de prendre en compte ces éventuels tassements différentiels dans le cadre
de l’étude du comportement de la couverture.
Comportement de l’argile de couverture d’un CSD 3

Cette couverture multicouche est composée d’une succession de couches


drainantes et imperméables. L’imperméabilité de la couverture est assurée par
l’association d’une géomembrane et d’une couche d’argile compactée. La mise en
œuvre de l’argile sur la géomembrane impose de réaliser un compactage de faible
énergie. Cependant, cette barrière argileuse doit présenter une perméabilité
inférieure à 10-9 m/s sur une épaisseur d’au moins 1 mètre (Figure 1).

Nappe anti érosion

Anticontaminant accroche terre


Terre végétale
Anti contaminant
Couche de drainage

Altérite Géocomposite de drainage

Argile

1 1
2.5 2
DEG :
Géotextile antipoinçonnement et anti UV
Géomembrane
Géotextile antipoinçonnement
Géosynthétique de renforcement

Enveloppe déchets

Figure 1. Concept de confinement des alvéoles de stockage

3. Essais de laboratoire

3.1. Essais de compactage

Le concept de réalisation précédemment décrit impose une mise en œuvre


spécifique. En particulier, l’influence de l’énergie et du type de compactage sur le
comportement de l’argile doit être étudiée. Des essais Proctor sont réalisés sur des
éprouvettes compactées à différentes teneurs en eau et différentes énergies de
compactage (AFNOR, 1). L’objectif est de définir les conditions optimales de
compactage sur site (couple (w, γ)).
Le compactage dynamique classique type Proctor consiste à compacter
l’échantillon de sol dans un moule CBR. L’énergie Proctor de référence est égale à
Ed = 450 kNm / m3. L’énergie équivalente de compactage est donnée par rapport à
cette référence (ec = Ε /Εd * 100). 4 valeurs d’énergies de compactage sont étudiées
donnant ec = 80%, 90%, 100%, 140%. Les courbes Proctor ainsi obtenues
renseignent sur l’évolution du poids volumique sec en fonction de la teneur en eau et
de l’énergie de compactage (Figure 2). Deux énergies Εd (énergie dynamique) et Εs
(énergie statique) sont considérées comme équivalentes au sens du compactage si
elles aboutissent au même couple (γd, w).
4 AUGC 2006- Nîmes- 1 et 2 juin 2006

18,5
Courbes de
saturation
18 100 %
95%
90%

γ d (kN/m ) 17,5
3

17
ec =140%
ec=100%
ec=90 %
16,5 ec= 80%

16
11 13 15 17 19 21 23
w (%)

Figure 2. Courbes Proctor pour 4 énergies de compactage

3.2. Essais de compression

Des essais de compression simple sur des échantillons compactés


dynamiquement et statiquement à différentes énergies de compactage et différentes
teneurs en eau sont réalisés (AFNOR, 2). On enregistre la force appliquée par la
presse en fonction de l’écrasement de l’échantillon. Nous constatons alors que
l’argile passe d’un comportement fragile pour de faibles teneurs en eau à un
comportement ductile lorsque la teneur en eau augmente.

25

ec = 140%
20
ec = 100%

15
E (MPa)

10

5
Statique w opt
Dynamique
0
11% 12% 13% 14% 15% 16% 17%
w (%)

Figure 3. Evolution du module (rigidité apparente) en fonction de w, de ec et du


type de compactage (statique ou dynamique)

La pente des courbes contraintes déformation à 1% de déformation permet de


définir une rigidité apparente E. Le module sécant ainsi déterminé diminue lorsque la
teneur en eau augmente. Lorsque l’énergie de compactage diminue, le matériau est
moins raide. Pour w ≥ wopt (wopt=16% pour ec=100%), l’énergie de compactage ec a
peu d’influence sur la rigidité du matériau. Le type de compactage (statique ou
dynamique) ne semble pas avoir d’influence significative sur le comportement en
compression du matériau (Figure 3).
Comportement de l’argile de couverture d’un CSD 5

3.3. Traction indirecte par poinçonnement

L’essai consiste à enfoncer un piston à vitesse constante dans des échantillons


compactés dynamiquement dans des moules CBR. Il s’agit d’un essai de
poinçonnement non confiné. La résistance en traction indirecte par poinçonnement
σ t max (valeur maximale de la contrainte de traction) peut être déterminée à partir de
la force maximale appliquée Fmax selon la formulation suivante : σ t max = Fmax / (π
*(K*D/2*H-a2)), avec H, D : hauteur et diamètre de l’échantillon (m), a : rayon du
poinçon (2.48 * 10–2 m) et K = 0.8.
Cet essai ne donne qu’une approximation de la valeur de la contrainte maximale
de traction puisque ce calcul nécessite de fortes hypothèses sur le comportement de
l’argile supposée parfaitement plastique. La pente de la sécante aux courbes force -
déplacement entre l’origine et un déplacement de 0.5mm permet de définir une
raideur apparente J (kN/m). Pour w < wopt, la raideur augmente avec l’énergie de
compactage. Pour w > wopt, l’énergie de compactage a peu d’influence sur la raideur
du sol (Figure 4). Autour de l’optimum, l’initialisation de la fissure à la surface de
l’échantillon apparaît pour des enfoncements de piston plus importants. Cet essai,
non standard, permet de définir les caractéristiques de mise en œuvre du matériau
(notamment compactage et teneur en eau) pour des déformations maximales sans
fissuration.

1000

800
Raideur J (kN/m)

600

400

ec=125%
200 ec=100%
ec=90%
ec=80%
w opt
0
11% 13% 15% 17% 19% 21% 23%
w (%)

Figure 4. Evolution de la raideur aparente en fonction de w et ec pour les essais de


poinçonnement non confiné

3.4. Traction indirecte par fendage

La résistance en traction par fendage σ t max (valeur maximale de la contrainte de


traction) est conventionnellement définie à partir de la charge maximale appliquée
Fmax selon la formulation suivante: σt max = 2Fmax / (π*D*H) avec H, D : hauteur et
diamètre de l’échantillon. Cependant, cette définition suppose que le sol présente un
comportement élastique linéaire jusqu’à la rupture, ce qui est rarement le cas
(AFNOR, 3).
La charge appliquée en fonction du déplacement de la presse est enregistrée. Des
essais sont réalisés sur des éprouvettes compactées dynamiquement (ec = 140%) et à
6 AUGC 2006- Nîmes- 1 et 2 juin 2006

différentes teneurs en eau. L’argile passe d’un comportement fragile à un


comportement ductile lorsque la teneur en eau augmente. Une raideur apparente peut
être définie par la pente de la sécante aux courbes charge déplacement entre l’origine
et un déplacement de 0.5mm. Pour une énergie de compactage donnée, la raideur
présente une diminution linéaire avec l’augmentation de la teneur en eau (Figure 5).

1400

1200

1000
Raideur (kN/m)

800

600

400

200

0
11% 12% 13% 14% 15% 16% 17% 18% 19%
w (%)

Figure 5. Essais de fendage sur éprouvettes compactées dynamiquement à


ec=140%: Evolution de la raideur en fonction de la teneur en eau

3.5. Essais de flexion

Dans le cas des essais de flexion, les caractéristiques de l’argile vont être définies
pour différentes teneurs en eau et différentes énergies de compactage. Des briques
(400mm*100mm*100mm) sont compactées statiquement avec la méthode du double
piston.
10 cm
Système
d’acquisition

10 cm Déplacement
du plateau
v = 0.2mm/min

40 cm 30 cm Mesure de la flèche

Rouleaux mobiles Capteur force


Rouleaux fixes Capteur déplacement

Figure 6. Principe de l’essai de flexion et instrumentation

La brique est sollicitée perpendiculairement à la direction du compactage


(Figure 6). Un suivi par photos est réalisé tout au long de l’essai (Figure 7a). L’essai
est piloté en déplacement (v = 0.2 mm/min) afin de concentrer notre étude sur
l’apparition et la propagation de la fissure dans l’échantillon (Ajaz et Parry, 1975;
Comportement de l’argile de couverture d’un CSD 7

Indraratna et Lasek, 1997). L’analyse des photos successives permet de définir un


champ de déplacement. L’allongement relatif de la fibre la plus tendue εft à
l’initialisation de la fissure est déterminé à partir du champ de déplacement
précédemment analysé. Pour les différents essais réalisés, 0.15% < εft < 0.4%
(Figure 7b).

10 cm

Agrandissement des
déplacements: *20

10 cm

Zone de
fissuration

Fibre tendue initiale


Fibre tendue finale

(a) (b)

Figure 7. Champ de déplacement entre le début de l’essai et l’initialisation de la


fissure, méthode d’analyse de l’allongement de la fibre tendue

La force appliquée sur l’échantillon en fonction du temps augmente selon une


pente qui varie très peu pour les différents essais. Un cycle de déchargement
rechargement est réalisé sur les essais. Des déformations élastiques réversibles ainsi
que des déformations plastiques irréversibles sont mises en évidence. 5 essais de
flexion sont réalisés sur des briques présentant le même poids volumique sec mais
différentes teneurs en eau. Ces essais sont placés sur les courbes Proctor (Figure 8).

18,5
Essai w (%) ff (mm)
18
1 14.5% 0.5mm
2 34 5 2 15.8% 0.6mm
γ d (kN/m )
3

1
17,5 3 16% 0.8mm
4 16.5% 0.9mm
17 ec =140% Courbes de saturation
100%
5 17.5% 1.4mm
ec=100%
95%

16,5
90%
ec (2,3,4) < ec (1,5)
11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
w (%)

Figure 8. Essais réalisés sur des briques à même poids volumique, pour différentes
teneurs en eau : valeur de la flèche ff pour l’apparition de la fissure
8 AUGC 2006- Nîmes- 1 et 2 juin 2006

La teneur en eau a peu d’influence sur le comportement en petites déformations


(flèche < 0.5 mm) d’un sol sollicité en flexion. L’apparition de la fissure se produit
pour des déformations plus importantes lorsque la teneur en eau augmente. Lorsque
l’argile est plus plastique, la fissuration est retardée et la charge maximale appliquée
sur l’échantillon augmente. A ce stade, il est impossible de distinguer l’influence de
la teneur en eau de celle de l’énergie de compactage sur le comportement en flexion.

5. Conclusion

Nous avons montré que l’énergie de compactage influence le comportement


mécanique de l’argile avant l’optimum. Il est possible d’obtenir un échantillon
présentant le même couple (w, γ) par compactage statique ou dynamique sans
influence sur le comportement de l’argile. Pour de faibles teneurs en eau, le
comportement est fragile, pour de fortes teneurs en eau, l’argile est plus plastique et
l’apparition de la fissure est retardée. Les résultats expérimentaux en cours, seront
couplés à des modèles numériques par éléments discrets, afin de définir un essai
standard de l’aptitude à la déformation sans fissuration.

Remerciements : Ce travail est réalisé dans le cadre d’une thèse CIFRE Scetauroute /
ANDRA / Benedetti. Les auteurs remercient ces partenaires pour avoir mis à leur
disposition tout le matériel nécessaire au bon déroulement des essais.

6. Bibliographie

Ajaz, A., Parry, R.H.G. (1975) « Stress-strain behaviour of two compacted clays in tension
and compression », Géotechnique 25, No.3, pp 495-512.
ADEME (2001) Guide pour le dimensionnement et la mise en œuvre des couvertures de sites
de stockage de déchets ménagers et assimilés, 176p.
AFNOR (1) norme NF P 94-093, Détermination des références de compactage d’un matériau-
Essai Proctor normal, Essai Proctor modifié.
AFNOR (2) norme XPCENISO 17-892-7, Essai de compression uniaxiale sur des sols fins.
AFNOR (3) norme NFP94-422, Détermination de la résistance à la traction- Méthode
indirecte- Essais Brésilien.
Camp, S., Rey, D., Kaelin, J.L. (2005) « Presentation of a new French site for storing very
low level radioactive waste », International Workshop Hydro-Physico-Mechanics of
Landfills, LIRIGM, Université Grenoble 1, 21-22 mars 2005.
Indraratna, B., Lasek, G. (1996) « Laboratory evaluation of the load deflection behaviour of
clay beams reinforced with galvanised wire netting », Geotextiles and geomembranes, 14, pp
555-573.

Vous aimerez peut-être aussi