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Publications de
l’Institut de
recherches
historiques du
Septentrion
Les services publics et la Résistance en zone interdite et en Belgique
(1940-1944) | Robert Vandenbussche

Les prêtres résistants en


zone interdite : des citoyens
au service de la cause
patriotique
Bruno Béthouart
p. 167-180

Texte intégral
1 L’activité citoyenne et le réflexe patriotique des clercs de France et de Belgique lors
de la Seconde Guerre mondiale continuent de faire l’objet de controverses,
notamment en France, au regard de la position de la hiérarchie ecclésiale devant le
gouvernement de Vichy. La question est d’autant plus complexe que les catholiques,
pleinement inscrits dans une France dont ils représentent l’essentiel de la
population depuis des siècles, revendiquent un lien identitaire avec la papauté et
donc son représentant de l’époque, Pie XII, dont l’attitude durant la guerre est
critiquée, surtout à partir des années 1960.
2 Avant de mesurer la réalité de la résistance dans le clergé, d’en définir ses
caractères et de présenter quelques figures de proue, il est nécessaire de rappeler
le contexte. Celui-ci est en effet caractérisé par une succession chaotique
d’affrontements et de rapprochements entre l’Église et l’État. Dix ans après la
Séparation de 1905, surgit le phénomène des « curés sac au dos » durant la Grande
Guerre, puis vient le second ralliement durant les débuts de la période de l’entre-
deux-guerres suivi de l’avènement du cartel des Gauches, de la période de crise des

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années trente pour aboutir à la «   divine surprise   » selon Charles Maurras du


recours à Pétain lors du désastre national de mai-juin 1940. Est-il dès lors possible,
pour un clerc, de s’investir dans une action résistante lorsque la hiérarchie en
France et en Belgique s’appuie soit sur une certaine prudence soit sur la formule du
« loyalisme sans inféodation » du cardinal Liénart ?

UN CONTEXTE TRÈS CONTRASTÉ

Le souvenir de la Grande Guerre


3 L’activité des prêtres patriotes de 1814 à 1918 demeure très vivace dans la mémoire
de la hiérarchie catholique. La déclaration du cardinal Mercier rappelant, dès le
début de ce conflit, que « la religion du Christ fait du patriotisme une loi »1 est
souvent reprise. La Grande Guerre fait fonction de véritable test du patriotisme des
catholiques flamands. Le souvenir des deux prêtres demeure attaché à ce réflexe
national en France : Héliodore Bogaert, curé de Pradelles depuis 1911, condamné à
mort puis fusillé en octobre 1914, est l’objet d’une grandiose cérémonie funèbre,
geste de protestation et de défi à l’occupant2. L’abbé Delbecque, curé de Maing, est
fusillé en septembre 1914 pour espionnage3   ; son engagement marque Natalis
Dumez, membre du Parti démocrate populaire, un temps maire de Bailleul et
fondateur avec le socialiste Jules Nautour du mouvement Voix du Nord.

L’attitude des autorités épiscopales


4 La déclaration de juillet 1941 met en application les deux principes qui président
aux rapports de l’Église et de l’État   : le respect du pouvoir établi associé à
l’indépendance de l’Église, Mgr Guerry, après la guerre, rappelle que, en 1940, « ce
gouvernement était reconnu par tous les Etats sauf un, y compris l’Angleterre et
l’Amérique   »4. Les déclarations d’intention du nouveau gouvernement sont
accueillies favorablement par les responsables diocésains inquiets de l’anémie
financière de l’enseignement privé, de la menace de l’école unique et de l’illégalité
dans laquelle sont tenues les congrégations tolérées qui craignent un nouvel exil5.
Le cardinal Liénart, ancien combattant de la Grande Guerre, décoré au front par le
Maréchal, tient à « rester à son poste » comme le préfet Carles6. Pour celui qui est
fait commandeur de la Légion d’honneur le 3 juin 1940, « dès l’armistice, le devoir
commande de se rassembler autour du maréchal Pétain »7. Il réprouve la Résistance
« y voyant d’inutiles et dangereuses provocations ». Son attitude n’est pas univoque
puisqu’il refuse d’assister aux conférences données par Henriot, à l’inauguration de
l’exposition antibolchévique de Lille ; son absence est interprétée par La Voix du
Nord comme un désaveu de la collaboration et de la guerre à l’Est. Il refuse de faire
paraître des Semaines religieuses qui auraient été soumises à la censure et préfère
instituer une lettre ronéotypée8. Cependant, à partir de 1942, s’il dénonce le
syndicat unique proposé par Vichy, il est silencieux sur la question juive et refuse de
reconnaître que « le Prince est esclave » selon la formule du Père Fessard9. Son
attitude devant le STO devient l’objet de polémiques à la suite du titre donné par la
presse à son discours du 15 mars 1943, en l’église Saint-Martin de Roubaix, devant
4000 jeunes catholiques : « Acceptons-le, il y aurait de la lâcheté à se dérober ». Le
cardinal réplique dans un discours à Saint-Maurice de Lille le dimanche 21 mars :
« On a trahi ma pensée sur le service obligatoire du travail [...] On peut donc s’y
dérober sans péché »10 Dès lors, la BBC anglaise ne cesse de faire son éloge dans
les mois qui suivent11. Fidèle au Maréchal jusqu’au bout puisqu’il envoie une lettre
de témoignage lors de son procès le 18 juillet 1945, le cardinal surestime, à partir
de 1942, le danger communiste et sous-évalue les forces anglo-américaines tout en
ignorant quasiment la résistance chrétienne12.
5 Les autres prélats du Nord-Pas-de-Calais sont également attachés à ce que
représente Philippe Pétain13. Mgr Chollet, archevêque de Cambrai, estime, dès août
1940, que « nous n’avons pas le droit de discuter la personne du chef de l’Etat ».
Pasteur proche de l’Action française, âgé de 80 ans en mai 1940, il quitte le diocèse
pour ne revenir qu’en août 1943. Mgr Henri Dutoit, évêque d’Arras, se prononce en
faveur de Pétain à Saint-Omer puis à Arras le 30 juin, et justifie la collaboration
dans la lettre pastorale du nouvel an 1941. Il n’hésite pas à s’élever contre les
bombardements alliés. À l’approche de la Libération, sur les conseils de résistants

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chrétiens, il se replie dans une communauté religieuse hors d’Arras puis à Lille. Il
est l’un des trois évêques que le Vatican accepte de démettre de ses fonctions. Ces
prélats ont un lien avec Philippe Pétain   : le cardinal a été décoré par lui, Mgr
Chollet a été évêque de Verdun, et Mgr Dutoit le considère comme un paroissien du
diocèse d’Arras14.
6 L’attitude du cardinal Van Roey en Belgique se caractérise, au début du conflit, par
une grande prudence15  ; il justifie la capitulation du roi Léopold III et demande de
reconnaître ce pouvoir de fait à qui il est normal d’obéir «   dans la limite des
conventions internationales ». Cependant, il marque une opposition franche à une
ordonnance du 9 avril 1942 imposant le travail obligatoire dans les mines une fois
par mois et dénonce une mesure « qui viole la liberté de conscience des ouvriers »
dans une lettre le 8 mai suivant. Le journal résistant Voix du Nord16, dans le numéro
du 5 octobre 1941, loue l’attitude du cardinal Van Roey «   digne successeur du
cardinal Mercier   ». L’insistance du journal sur les déclarations et les positions
belges est lourd de sous-entendus pour les évêques français. Le chanoine Aubert
estime cependant qu’il s’agit surtout d’une différence de ton entre les évêques
belges et français avec, comme clé d’explication, d’un côté le régime de Vichy qui
ménage et protège certains intérêts de l’Église de France alors que, de l’autre côté
de la frontière, les structures catholiques risquent d’être remises en cause par
l’occupant. Toute concession à l’ordre nouveau aboutit à un recul pour l’Église, une
perte d’influence qui oblige à prendre une posture d’opposition17.

Le regard de l’occupant sur le clergé


7 Les rapports entre les occupants et l’Église catholique de France n’ont pas atteint
un degré aussi critique qu’en Belgique où les tendances antiallemandes se
retrouvent chez la plupart des curés   : ils refusent fréquemment d’accorder des
obsèques religieuses aux rexistes et aux légionnaires tombés sur le front de l’est. À
Paris, l’ambassadeur Abetz considère que le catholicisme français est divisé entre
les partisans d’une opposition aux conséquences de la politique de collaboration et
ceux qui se montrent loyaux vis-à-vis d’un chef d’État qui incarne la légitimité18. Dès
le départ, en zone occupée, l’armée et la police observent le clergé français avec
méfiance. Ils lui attribuent des tendances pro-anglaises et antiallemandes et le
soupçonnent de propagande nationaliste à l’abri du confessionnal. Lille est
considérée par la police SS comme un des centres antinazis du catholicisme19. Le
bas clergé et le personnel enseignant des écoles catholiques sont considérés comme
« nos ennemis les plus dangereux »20 parce qu’ils sont soupçonnés de fournir des
informations aux services de renseignement alliés. Le cardinal Liénart passe pour
un homme aux idées nationalistes surtout à la suite de ses déclarations sur le STO.
En juillet 1942, il signe la déclaration des cardinaux et archevêques de la zone
occupée faisant suite aux « arrestations massives d’Israélites opérées la semaine
dernière et des durs traitements qui leur ont été infligés, notamment au Vélodrome
d’Hiver   » où il est rappelé que «   c’est au nom de l’humanité et des principes
chrétiens que notre voix s’élève pour une protestation en faveur des droits
imprescriptibles de la personne humaine ». Adressé au maréchal Pétain le 16 juillet,
ce texte n’est pas rendu public21. Le choix de la résistance pour les clercs n’est pas
facilité par ce contexte particulier.

DES TYPOLOGIES DE PRÊTRES RÉSISTANTS


8 Durant le conflit, 12,3 % des 1 568 prêtres du diocèse de Lille, et 18,3 % des 1147
de celui d’Arras sont faits prisonniers en 1940. 36 Lillois sont tués pour faits de
guerre, 10 cambrésiens sur un total de 715 et 14 arrageois dont 5 au champ
d’honneur22. Dans les lieux de formation du clergé, les attitudes sont contrastées :
au grand séminaire d’Arras, les contestataires se montrent méfiants du fait de la
proximité des autorités épiscopales. Le séminaire académique de Lille compte trois
lazaristes dont l’un, le supérieur Desmet est pétainiste, le second semble « neutre »,
et le troisième, le père François Agnius est qualifié de gaulliste. Au grand séminaire
de Lille, René Blanckaert, frère de Louis, dirigeant du mouvement Voix du Nord,
conseille de se soustraire au STO et Georges Leclercq, futur recteur de la Catho, fait
lire Mein Kampf pour faire comprendre la vraie nature du nazisme. Au grand
séminaire de Cambrai, Henri Jenny estime que le nombre et la conviction des

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pétainistes diminuent au fil des années : « les rangs des gaullistes ont grossi avec le
temps »23. Il est possible de distinguer trois types de motivations chez les prêtres
face à l’occupant.

Au nom de la Sainte Église


9 Sans être résistant, des prêtres vont jouer un rôle important de conseil. Le chanoine
Tiberghien soutient les professeurs de la Catho opposés à la légitimité de Vichy.
Certains aumôniers d’action catholique comme les abbés Emile Descarpentries à
Denain, Maurice Cousin à Ascq, Michel Vilain à Valenciennes, Jean Tremeau, lui-
même déporté, à Armentières, François Dambrune à Hénin-Liétard, l’abbé Delmotte
à Armentières, prennent position contre le régime24. Deux figures se détachent dans
cette orientation nettement hostile à l’occupant. Le père Piat, franciscain, aumônier
de la JOC et de la CFTC à Roubaix, s’oppose en accord avec le cardinal Liénart, à la
tentative de mise en place d’une jeunesse unique, d’un syndicat unique25. Mgr
Hoguet, vicaire épiscopal à Arras, s’engage durant l’été 1942 en faveur de
l’abstention à la Charte du Travail. Il condamne la légitimité du syndicat unique au
nom du droit naturel d’association, et de l’atteinte à la liberté de choix pour les
ouvriers. L’engagement de Mgr Hoguet tranche nettement avec les positions de son
évêque mais renforce singulièrement l’ardeur de catholiques résistants comme Jules
Catoire26.
10 Ce combat s’appuie sur la prise de conscience du caractère antichrétien du nazisme
rappelé par l’encyclique de Pie XI, Mit Brennender Sorge, datée du 14 mars 1937.
L’abbé Pierre Catrice distribue des déclarations d’évêques allemands dénonçant le
régime hitlérien27. Certains séminaristes en appellent à la tradition théologique :
«   cette critique (de l’État) elle remonte à saint Thomas d’Aquin qui dit tout
simplement que la Loi ne peut être contraignante qu’à travers la conscience
éclairée   ». Le souci de la défense des intérêts de l’Église se manifeste chez le
chanoine Paul Lestienne qui, sur dénonciation, est emprisonné à Paris par les
Allemands pour avoir distrait l’or de l’évêché de Lille aux Allemands28. Le chanoine
Wailly à Cambrai procure à des séminaristes des cartes falsifiées pour ne pas aller
au STO et Mgr Wattel cache des séminaristes de Tournai et de Namur que la
Gestapo est venue chercher29. Il est cependant toujours difficile de déterminer
l’élément déclenchant dans un engagement. Le chanoine Desreumaux ne se
considère pas comme un résistant mais il reçoit de René Théry, professeur de droit,
des exemplaires de Témoignage Chrétien qu’il transporte, à ses risques et périls, de
Lille à Tourcoing dans le tramway, le Mongy en 1944, en vue de les faire diffuser par
ses parents.

Au nom de la patrie et des droits de l’homme


11 Le presbytère remplit une fonction d’asile, de refuge : des prêtres du Nord sont
déportés ou exécutés comme les abbés Bonpain et Haudiquet pour avoir abrité et
protégé des prisonniers alliés en fuite : est-ce par souci de mettre en pratique la
mission traditionnelle d’asile de l’Église ? Au contraire se montrent-ils patriotes en
distrayant de l’ennemi un adversaire redoutable   ? Loin de s’opposer, les deux
attitudes peuvent se rejoindre30. Les réseaux d’évasion utilisent couvents et
presbytères : sœur Emmanuelle, supérieure de la clinique Saint-Raphaël de Lille,
permet à un officier anglais, le lieutenant Jimmy Langlay, d’échapper à l’arrestation
grâce à l’abbé Welch qui le soigne dans son presbytère d’Ascq alors qu’il héberge un
sous-officier allemand. Des prêtres sont en contact avec le mouvement Voix du Nord
naissant pour assurer l’évacuation des prisonniers. L’abbé Henry Jenny accueille
dans son presbytère des résistants de ce mouvement dans le secteur de Cambrai
dont il est le responsable31 alors que son frère cadet Jean Jenny diffuse Témoignage
Chrétien à Avesnes.
12 L’adhésion du gaullisme signe l’entrée en résistance d’un certain nombre
d’ecclésiastiques. L’abbé Émile Descarpentries, licencié en philosophie, aumônier du
travail dans le Valenciennois, fait partie des gaullistes de la première heure   : il
cache et fait évader des soldats alliés perdus. Avec comme nom de code Denise, il
s’engage dans le réseau Kleber qui fournit des renseignements à Londres, et recrute
dans la JOC des résistants dans son groupe affilié à l’OCM. Il entre en contact avec
des résistants de Libé-Nord, du Front National32. Ce gaulliste intransigeant n’est

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pas toujours bien vu par ses confrères. Le père Agnius François défend le
séminariste Jean Delva devant l’autorité ecclésiastique en 1944 pour s’être engagé à
Alger et dans l’armée de de Lattre avec André Delepoulle et Jean Castelain. 33. L’abbé
Auguste Ornez, curé de Phalempin en 1942, et Fernand Patteyn, directeur de la
Semaine Religieuse, enseignent au grand séminaire de Lille et font des allusions à
de Gaulle en cours34. Dans une enquête postérieure, 79 % d’anciens séminaristes,
soit une centaine, déclarent qu’ils ont écouté la radio de Londres plutôt en famille,
chez un curé. Deux lieux jouent le rôle de foyer de diffusion : le grand Séminaire de
Cambrai grâce à l’abbé Henri Jenny, et le séminaire académique autour des
quelques professeurs gaullistes de la Faculté libre de droit, notamment de René
Théry responsable régional de la diffusion de Témoignage Chrétien35. François Bigo,
prêtre lillois âgé de 32 ans, aumônier au 1er RI, est gravement blessé à Dunkerque.
Embarqué pour l’Angleterre où il reçoit la Croix de guerre avec palme, il devient
l’un des premiers aumôniers des FFI, et lance ses appels à la bravoure à la radio de
Londres puis il participe au débarquement en Sicile en juillet-septembre 1943, en
tant qu’aumônier. Il reçoit la Croix de la Libération des mains mêmes du général de
Gaulle qui lui confie : « Je suis fier de vous »36.
13 Dans le diocèse d’Arras37, le futur Mgr Chappe, dans les vœux qu’il présente à la
cathédrale, en 1941, ose souhaiter que « ceux qui ne se sentent pas chez eux, chez
nous se retrouvent chez eux au plus vite   »   : il préside le Te Deum lors de la
libération, à la demande des résistants. Auguste Haverlant à Festubert et Henri
Platel à Sallaumines annoncent publiquement dès 1940 qu’on ne sonnerait plus les
cloches « en signe de deuil » jusqu’à la fin de la guerre. Certains entrent dans des
réseaux de renseignements ou des filières d’évasion en faveur de soldats anglais ou
de jeunes français voulant rejoindre la France libre. Parmi les plus connus figurent
Julien Berteloot à Hauteville, Louis Davault à Gouy-en-Artois, Adrien Régnier à
Conchy-sur-Canche, René Damide à Crecques, Augustin Deron à Verchocq. Le
pétainisme affiché de l’évêque renforce certains résistants dans leur conviction
gaulliste « alors qu’à Lille, l’attitude plus nuancée du cardinal Liénart a finalement
retenu plusieurs des siens, les a empêchée, d’opter pour la solution extrême qu’était
la résistance »38. La question du STO incite des prêtres à ne pas obéir aux ordres.
Michel Spanneut reçoit trois convocations et refuse d’obtempérer : « Sans être de la
Résistance proprement dite, mais en opposition »39. Le chanoine Duthoit, au grand
séminaire de Lille, envoie les futurs réfractaires auprès de M. Camerlinck, ancien
professeur au collège des Dunes à Dunkerque, devenu employé de mairie à Lille.
Détaché au bureau de la rue Lepelletier, qui tient lieu de Kommandantur, il les
déclare « inaptes ». Maurice Gand, futur évêque de Lille, juriste de la Catho prend
position avec Louis Blanckaert contre le STO et le gouvernement qui « doit être
considéré comme illégitime »40.
14 La défense des droits de l’homme passe par la question juive. Le chanoine Raymond
Vancourt, professeur de philosophie aux Facultés catholiques, avec sa nièce et
gouvernante, Raymonde Lombarde, cache plusieurs juifs à son domicile, 15 rue de
la Bassée à Lille et entre en contact avec le pasteur Fabre41 ; il reçoit la médaille des
Justes. En lien avec le pasteur Nick, l’abbé Oscar Rousseau, vicaire à Mons-en-
Baroeul, cache des enfants juifs et reçoit la même distinction tout comme l’abbé
Robert Stahl. Titulaire d’un doctorat de droit à la Faculté de Paris, avocat au bareau
de Lille de 1914 à 1954, celui-ci s’engage dans le service de l’enfance
délinquante42 ; dans la Maison des Enfants moralement abandonnés » de Marcq-en-
Baroeul, le patronage du Buisson, et ses annexes de Bouvines et de Loos-les-Lille,
une quarantaine d’enfants juifs sont hébergés après la rafle de septembre 1942. Il
œuvre avec Léon Léser, le pasteur Nick et rencontre régulièrement le cardinal
Liénart qui est au courant de ses activités. Un réseau de sociabilité et de refuges
religieux permet de dissimuler ces enfants grâce au concours tacite de certains
policiers qui recommandent à des parents juifs de placer leur enfant sous sa
protection.

Conjonction du fait patriotique et religieux


15 Le cas du frère Albert Piat, roubaisien, mobilisé en 1939, est particulièrement
significatif. Il a combattu sur le front de la Marne, puis des Ardennes avant de
revenir au séminaire pour étudier l’écriture sainte. Entré en résistance, il est objet

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d’une citation du général Koenig qui met en évidence le lien intime entre foi et
patriotisme : « le 24 juillet 1944 a été torturé sans fournir aucun renseignement
puis exécuté par le chef de la Gestapo sous les yeux des autres religieux. Belle
figure d’apôtre et de soldat dont la vie et la mort ne furent qu’un même acte de foi
en Dieu et la patrie »43. Un autre religieux franciscain, le lillois Robert Desmoutiers,
prend part à la campagne de France, est cité dès le 30 juin à l’ordre de la division
comme «   prêtre catholique ne quittant son poste de commandement que pour
relever les morts et porter aux moribonds les secours de la religion ». Il obtient la
Croix de guerre avec étoile d’argent. Libéré de ses obligations militaires, il parvient
à rejoindre à Roubaix, son poste de vicaire et recueille des réfractaires, les cache,
fournit les renseignements pour faciliter leur évasion, collecte des indications pour
l’état-major allié. Rendu suspect à la Gestapo, surveillé, il est arrêté le 12 mai 1944,
comme « terroriste ». Conduit à la prison de Loos, condamné à 13 mois de prison
par le conseil de guerre, il meurt à Bergen-Belsen fin mars 1945. Il est souvent
difficile de démêler, dans les motivations des résistants, la part du religieux et celle
du politique, le spirituel du temporel. Le cas de l’abbé Léon Trentesaux est assez
exemplaire à cet égard. Ce tourquennois, né en 1908, professeur au collège Saint-
Jacques d’Hazebrouck, est mobilisé comme sous-lieutenant. Blessé le 24 mai dans la
région de Béthune, évacué en ambulance sur Dunkerque le lendemain, il est
embarqué par les Anglais et soigné pendant deux mois à l’hôpital de Bradford. À sa
sortie, il préfère demeurer sur place plutôt que de rentrer au pays et intègre le
camp de Camberley à 50 km de Londres où se retrouvent les volontaires français.
L’abbé Trentesaux devient alors aumônier militaire des Forces Françaises Libres et
intervient, avec d’autres prêtres, à la BBC dans les émissions animées par Maurice
Schumann. À la fin d’août 1944, il quitte Londres pour rejoindre en tant
qu’aumônier la Deuxième Division Blindée du général Leclerc. Titulaire de
décorations dont la presidential Citation, distinction américaine, la Légion
d’honneur et la Croix de guerre à titre militaire, l’abbé Trentesaux incarne cette
conciliation du sens patriotique et de la fonction sacerdotale. Plus court et plus
tragique est l’engagement de Raymond Robert. De nationalité belge, étudiant au
grand séminaire de Lille, il décide d’entrer dans les FFI, en juin 1944 : « la mort
rôde partout. J’ai choisi, par amour pour mon pays, une vie plus dangereuse, si je
meurs, ce sera la volonté de Dieu : elle doit être bénie » ; il décède le 1er septembre
suivant dans un combat avec l’occupant.
16 La témérité de l’abbé Courquin, curé de la paroisse Saint-Denis à Saint-Omer, est
considérée par un témoin, en mai 1941, comme « trop patriote ». En effet, « il se
permet en chaire de dire trop ce qu’il pense, si ça continue, il va se faire coffrer ».
Lors des funérailles de son compagnon de résistance, Désiré Didry, décapité à la
prison de Dortmund en juin 1943, l’abbé Courquin rappelle que « l’amour de la
patrie est presque aussi naturel à l’homme que l’amour de ses parents comme dans
le pays où nous sommes nés, dans la société dont nous sommes les membres »44. La
figure de l’abbé François Bigo marque ses proches qui estiment que «   son
témoignage était catholique, justement parce qu’il était universel   : il se refusa
toujours à distinguer entre chrétiens, Israélites et musulmans. Son témoignage était
français, justement parce qu’il était humain ». Le 2 novembre 1944, il est tué en se
portant au secours d’un camarade blessé par un soldat allemand alors qu’il est sans
armes : « il restera pour le bataillon un modèle de courage, de l’abnégation, du
sacrifice et de la bonté »45.
17 Ces prêtres ne représentent qu’une minorité : comme le confie l’abbé Berthe,46.

QUELQUES GRANDES FIGURES

Dans le diocèse de Lille


18 Incontestablement la figure de l’abbé René Bonpain prédomine. Né à Dunkerque en
1908, troisième de 10 enfants d’un architecte47, il est ordonné prêtre en 1932.
Nommé à la paroisse Notre-Dame de Rosendaël il dirige le patronage Saint-Joseph
fréquenté par 500 garçons en lien avec le mouvement Cœurs Vaillants. Maréchal
des Logis en 1939, libéré à Périgueux, il songe à rejoindre de Gaulle en juin 1940
mais choisit d’obéir au cardinal qui veut relancer la pastorale de son diocèse48. Il
fait preuve d’ingéniosité pour sa paroisse et son patronage, n’hésite pas à distribuer

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cocardes et drapeaux tricolores aux enfants, à leur faire chanter des refrains
patriotiques, l’hymne à Jean Bart, les chansons du carnaval avec des paroles
détournées. Il participe au réseau Zéro-France, fondé à Roubaix en juin 1942, à
l’initiative des services du gouvernement belge de Londres. La même année, il est
contacté par Louis Herbeaux, responsable du réseau Alliance dans le secteur de
Dunkerque. L’abbé Bonpain participe à la transmission des renseignements avec
Andrée Herbeaux, sœur de Zoé. Il recrute l’abbé Charles Lemaire, vicaire de Loon-
Plage. Le 19 novembre 1942, les Allemands fouillent le presbytère, arrêtent
Bonpain, Herbeaux, Jules Lanery et d’autres. Transporté à la villa Duflos, siège de la
Gestapo, à Malo, il est jugé et condamné à mort par le tribunal militaire le 19 mars
1943. Le cardinal Liénart adresse une demande de clémence au général Daser,
commandant l’OFK 670 de Lille, puis, deux jours plus tard, au général von
Falkenhausen, gouverneur militaire pour la Belgique et le Nord de la France ; un
avis favorable aurait été émis par l’OFK 670 de Lille. Pourtant le 30 mars 1943,
Bonpain, Herbeaux, Lanery sont informés du rejet de leur recours en grâce.
Conduits à la prison de Loos au fort Lobau à Bondues, ils sont fusillés et enterrés
dans l’enceinte du fort. La dernière lettre de l’abbé décrit son état d’esprit : « J’offre
ma vie pour l’Eglise, pour le diocèse, pour la France et spécialement pour la
paroisse de Rosendaël [...] Je demande instamment qu’aucune pensée de vengeance
contre qui que ce soit ne s’élève, même pas dans vos cœurs. L’homme se démène
mais c’est Dieu qui le mène ». Le cardinal diffuse, le lendemain, un message à tous
les prêtres du diocèse. Le portrait de l’abbé Bonpain est exposé par les
Rosendaliens à leur fenêtre lors du passage de la procession de la Fête-Dieu en juin
1943, la dernière lettre est dactylographiée et diffusée clandestinement. Le service
funèbre n’a pas lieu à Notre-Dame sous prétexte de « l’exiguïté du sanctuaire »,
mais à Saint-Martin à Dunkerque, le jeudi 15 avril avec une garde d’honneur des
enfants du patronage Saint-Joseph. Le sous-préfet de Dunkerque parle d’une « très
grande assistance ». En mai 1943, La Voix du Nord et du Pas-de-Calais honore la
mémoire du prêtre. Le 18 juillet 1943, la radio de la France libre depuis Brazaville
proclame : « abbé Bonpain, nous vous vengerons ». L’hypothèse d’un lien entre la
prise de position du cardinal Liénart au sujet du STO49, le dimanche 21 mars à
l’église Saint-Maurice, et le rejet du recours en grâce, le 30 mars, peut se justifier ;
les autorités allemandes à Bruxelles auraient voulu marquer les esprits en faisant un
exemple. De Gaulle envoie à la mère de l’abbé Bonpain ses Mémoires de guerre en
1961 dédicacées « en souvenir d’une grande épreuve ».
19 Un autre prêtre incarne une manière plus discrète, plus intellectuelle de s’impliquer
dans la résistance. L’abbé Paul Masure, professeur de philosophie au collège Notre-
Dame des Victoires à Roubaix, vient à Paris préparer une thèse de doctorat sur
« l’harmonie dans Leibniz » qui nécessite des voyages dans l’Allemagne hitlérienne.
Aumônier dans une école religieuse à Berlin, il prend conscience de la nature de ce
régime. De retour en France, il fait connaissance du couvent des Oiseaux à Verneuil,
dans lequel se trouve un pensionnat très coté de 200 jeunes filles confiées à la
direction des chanoinesses de Saint-Augustin dont il apprécie la simplicité, le
caractère familial, les traditions ; il y enseigne la philosophie durant l’année 1937.
De retour à Béthune, mobilisé puis démobilisé, il accepte de rendre à nouveau
service à la communauté du pensionnat pour suppléer l’aumônier défunt50. Dans la
logique de l’appel du 18 juin, «   avec la froide décision d’une âme entièrement
donnée » selon la Mère supérieure, il lance son journal secret intitulé La France
continue, et offre l’asile aux réfractaires, aux hommes traqués, aux aviateurs
parachutés   : «   C’est comme en Allemagne, après les Juifs, viendra le tour des
catholiques. Combien d’entre nous auront-ils le courage de rendre leur
témoignage ? ». Le 10 mars 1942, le monastère est cerné, l’aumônier se déclare
seul responsable et il est emmené rue des Saussaies, puis à la prison de Fresnes et
mis au secret. Après 8 mois d’emprisonnement, il part dans un convoi pour
Compiègne puis envoyé à Mathausen dans le bloc de quarantaine réservé aux
intellectuels et ecclésiastiques. Au mois d’août 1943, dans un kommando à Wiener-
Neustadt, il doit fabriquer des carlingues d’avions. Durant l’hiver, il va à Dora, usine
souterraine destinée à la fabrication des VI. Le 6 décembre 1943, très affaibli, il
part en convoi pour la Pologne vers Maaïzaneck, près de Lublin, où il décède en
février 1944. Le cardinal Liénart fait savoir que «   ému de douleur devant ses

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souffrances et de respect devant le magnifique exemple de sa charité sacerdotale,


nous vénérons en M. l’abbé Masure une victime qui s’est sacrifiée pour sa foi et
pour sa patrie »51.

Dans le diocèse d’Arras


20 Une des grandes figures de la résistance ecclésiastique du Pas-de-Calais est l’abbé
Georges Lorent. Né à Billy-Montigny en 1910, il est nommé professeur de lettres
puis aumônier ACJF de l’arrondissement de Béthune, en 1938, avant de devenir
curé de la fosse 10 de Sains-en-Gohelle en avril 1943. Il se fait connaître par ses
préoccupations sociales et son attitude critique à l’égard des compagnies minières.
Ardent patriote, il travaille pour le réseau Tortue puis pour l’OCM et rallie le Front
National qui le fait entrer au CDL comme suppléant de son ami communiste Roger
Pannequin. Il sert durant les combats de la Libération dans les rangs des FTP. Maire
de Sains-en-Gohelle, à la tête d’une liste de communistes et de socialistes, il quitte
le Front National après l’avoir représenté aux Etats Généraux de la Renaissance
française52. D’autres résistants parmi le clergé à l’intérieur du diocèse sont connus :
Aimé Vanhove à Lens, fosse no 4, Guillaume Lehmann à Arras, Jules Petit à Billy-
Montigny, Louis Davaut à GOuy-en-Artois, Louis Bouchindhomme à Béthune où,
après avoir occupé la cure de Locon, se retrouve également l’abbé Paul Beun.
Officier de réserve, celui-ci est arrêté par la police allemande pour espionnage en
1942, et incarcéré jusqu’à la Libération.
21 Dans la partie occidentale et sur le littoral du département, un certain nombre de
curés ont fait le choix de la résistance. À Boulogne, l’abbé Warot et le chanoine
Guillemain ne cachent pas leurs options à leurs ouailles et Mgr Sauvage, en pleine
rue, sort les communiqués anglais qu’il lit à haute voix du fait qu’il est un peu
sourd53. L’abbé Georges Guillemain, natif d’Étaples, curé de Beussent, est fusillé
avec la famille Chevalier, le 14 mai 1942 à Arras, « pour avoir hébergé des soldats
anglais et favorisé leurs activités » ; il a récupéré un pilote de la RAF, le 16 août
194154, l’abbé Aimé Fiquet est nommé curé de Saint-Josse-sur-Mer en juillet 1933.
Recruté par l’OCM en 1943 pour le secteur Étaples - Le Touquet, il réunit des
renseignements militaires, héberge des responsables OCM locaux. Il gère les dépôts
d’armes ainsi que le recrutement des résistants. Il détient dans son presbytère un
poste émetteur de radio55.

En Belgique
22 La liste des prêtres arrêtés, emprisonnés et fusillés par les Allemands comporte 500
noms56. Cette forte implication a certainement été encouragée par la fermeté de la
lutte de l’épiscopat face à l’administration d’occupation, contre les mouvements
d’Ordre nouveau relevant soit du rexisme soit du mouvement national flamand et en
faveur des Juifs. Mgr Kerkhofs, évêque de Liège, protège le rabbin de la ville en le
cachant dans des couvents, des instituts diocésains et chez des particuliers, prêtres
et laïcs57. Mgr Charue, à Namur, soutient matériellement l’abbé André dans
hébergement de juifs traqués. Le cardinal Van ROey effectue des démarches auprès
le Militärverwaltung, aide des enfants juifs à se cacher. À la fin de 1943, il confie à
l’abbé Dessain la mission d’aumônier général de l’Armée secrète.

CONCLUSION
23 Une majorité de clercs, au sein des diocèses septentrionaux français et de Belgique,
se reconnaît d’abord comme fils d’une Eglise malmenée par les autorités
d’occupation mais aussi comme des patriotes qui ont gardé la mémoire de la rude
occupation de la Grande Guerre. L’attitude contrastée des responsables épiscopaux
ne semble pas les faire douter. Cependant, le nombre de résistants dans le clergé
représente une part minime mais, proportionnellement, au moins aussi importante
sinon plus que dans d’autres catégories de la population58. Dans la diversité des
risques pris par ces hommes qui, en cas d’arrestation, sont soumis, du fait de leur
condition sacerdotale, à de terribles vexations de la part des SS dans les camps de
travail en Allemagne, l’attention aux Juifs traqués contient un caractère pionnier et
prophétique pour l’Église.
24 Dans le débat visant à déterminer l’élément prédominant entre l’engagement
patriotique et la conviction chrétienne, il est possible de considérer que, pour un

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certain nombre de catholiques, l’amour de la patrie est le détonateur. Pour les


membres du clergé, il est difficile de ne pas faire de la foi un ressort fondamental.
Selon René Rémond faisant référence à la célèbre distinction de Maritain, ils ont
agi, comme d’autres laïcs, en chrétiens fidèles aux valeurs évangéliques mais, par
rébellion à l’encontre d’une autorité politique et quelquefois cléricale, ils ont
également, en tant que chrétiens responsables, permis à leur propre institution de
ne pas subir à la Libération de choc en retour59

Annexes

À PROPOS DES PRÊTRES RÉSISTANTS

Francis Delannoy, Association Maurice Schumann : Je voudrais revenir sur le Père


Trentesaux dont a parlé Bruno Béthouart. Tourquennois d’origine, proche des 100
ans maintenant, il a été vicaire, professeur au séminaire et surtout aumônier des
Cadets de la France Libre à Camberley, près de Londres. A ce titre il a une position
importante, capitaine dans un premier temps, et il est en liaison avec ceux qui
entourent De Gaulle, notamment Maurice Schumann.

Tous les documents et archives diverses passaient par l’aumônerie. Le Père


Trentesaux en a recueilli une variété considérable que je suis en train de lire et
d’exploiter. Ces archives sont très intéressantes, je n’en veux pour preuves que les
notes de services qui traitent de tous les domaines et qui nous offrent donc un
aperçu fidèle de la vie quotidienne, ou bien encore les scripts des émissions radio
tapées à la machine recto verso, le Journal des Jeunes, les discours de De Gaulle et
de René Cassin, et enfin des documents d’information destinés au Comité de la
France Libre...

Un élément, parmi d’autres. En juin 1941, le Ministère de l’Intérieur avait eu l’idée


de faire acheter par les communes un portrait gravé du maréchal Pétain qui devait
remplacer le buste de la République. On fit pression sur les maires en arguant du
faible coût et du reversement des fonds au Secours National, mais malgré cela le
bilan fut plus que mince : sur les 23 000 communes de la Zone occupée, seulement
800 avaient souscrit au portrait de Pétain. Est-ce de la résistance ? Je n’en suis pas
sûr. Est-ce du patriotisme ? Peut-être bien !

Avec les archives du Père Trentesaux on a donc une mine de renseignements qui ne
peuvent que faire avancer la recherche et je pense que c’est le but d’un colloque.

Pierre Leman, conservateur du patrimoine à la DRAC : En vieux roubaisien, c’est à


Bruno Béthouart que je voudrais répondre, concernant la suspicion des Allemands
et des SS envers les prêtres de Roubaix. C’est là qu’il faut rappeler le poids de
14-18 et, en particulier pour Roubaix, c’est la méfiance des Allemands vis-à-vis des
ecclésiastiques enseignants et à propos de l’abbé Pinte.

Professeur de physique à l’Institut Professionnel Roubaisien, l’abbé Pinte, captait, à


partir de son labo de physique, les messages de la radio de la Tour Eiffel et en faisait
un petit ouvrage qui s’appelait L’Oiseau de France, qui était distribué jusque dans
les mines. Et la première chose que les Allemands avaient faite en 1940, quand ils
étaient entrés dans Roubaix, c’était d’aller à l’IPR et de demander si le laboratoire
existait toujours. Ils ont fait la même chose à Notre Dame des Victoires mais là je ne
vois pas très bien les motivations avec l’abbé Masure.

Toujours en ce qui concerne le clergé, pour en revenir au Valenciennois et au


Bavaisis, il faut savoir que, après la perte de Maubeuge en 1914, il y a eu 700
soldats qui se sont évadés de la poche de Maubeuge et ont réussi à gagner
Dunkerque en se cachant de presbytère en presbytère. Le clergé de Maubeuge, de
Bavay et de Valenciennes était aussi suspecté. Cette mémoire est restée auprès des
forces d’occupation.

Notes
1. M. SUEUR, « Des Chrétiens dans la résistance : l’exemple de la Voix du Nord », Revue du Nord.,
no 238, juillet-septembre 1978, t. LX, p. 634.

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2. A. CAUDRON , Lille-Flandres, Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine,


Paris, Beauchesne, 1990, p. 76.
3. M. SUEUR, op. tit., p. 629.
4. Mgr GUERRY, Qu’a fait l’épiscopat français sous l’Occupation allemande ? Valenciennes, Giard
Ed., 1945, p. 22.
5. S. CATTOIR-CHASSEING, « Les séminaristes et l’épiscopat devant le STO », Memor, no 17, juin
1993, p. 47.
6. C. MASSON, Le cardinal Liénart, évêque de Lille (1928-1968), Paris, Cerf, 2002, p. 221.
7. S. CATTOIR-CHASSEING, op. cit., p. 46.
8. J. HEUCLIN , « Être séminariste sous l’Occupation en Zone interdite », Memor, no 17, juin 1993,
p. 63.
9. C. MASSON, op. cit., p. 269-291.
10. Le texte est ronéotypé avant son intervention dans le plus grand secret et distribué à la fin de
la cérémonie : témoignage de l’abbé Lehembre, Bondues, 31.01.2004.
11. H. CLAUDE, « La hiérarchie catholique, le gouvernement de Vichy et l’occupant dans la zone
réservée », Revue du Nord, no 237, avril-juin 1978, t. LX, p. 288-292.
12. C. MASSON, op. cit., p. 324-337.
13. J. HEUCLIN , « Être séminariste... », op. cit., p. 7-8.
14. A. CAUDRON , op. cit., p. 42.
15. A. DANTOING, « La hiérarchie catholique et la Belgique sous l’Occupation allemande », Revue
du Nord, n° 237, avril-juin 1978, p. 314.
16. M. SUEUR, op. cit., p. 638.
17. Chanoine AUBERT, op. cit., Revue du Nord., no 237, p. 237.
18. Ibidem, p. 303.
19. H. UMBREIT, « Les services d’occupation allemands et les églises chrétiennes en France »,
Revue du Nord, no 237, avril-juin 1978, p.   300. Cet article du professeur Hans Umbreit, de
l’Institut militaire de Fribourg en Brisgau, s’appuie sur des archives militaires de Fribourg et des
archives politiques du Ministère des Affaires étrangères de Bonn.
20. Ibidem, p. 306.
21. Mgr GUERRY, op. cit., p. 5-6, 10.
22. Y.-M. HILAIRE, « Le clergé des trois diocèses septentrionaux et la Seconde Guerre mondiale.
Note statistique   », Revue du Nord, no 237, avril-juin 1978, p.   403-404   ; L.N. BERTHE, ibidem,
p. 405.
23. A. CAUDRON , « Pétain, de Gaulle, la Résistance », Memor, op. cit., p. 36-43.
24. A. CAUDRON , « Démocrates chrétiens de la région du Nord dans la résistance », Revue du
Nord, no 238, op. rit., p. 617.
25. Interview de l’abbé Deroo, 4.01.1993.
26. Archives de Jules Catoire, Saint-Nicolas-les-Arras.
27. Y. SAINT-VALLIER, Éducateur des âmes et témoin du Christ, Paris, Beauchesne et fils, 1948,
p. 34-36.
28. Interview de l’abbé Roger Desreumaux, 30.05.2003.
29. Y. SAINT-VALLIER, op. cit., p. 99.
30. M. SUEUR, art. cit., Revue du Nord, p. 631.
31. A. CAUDRON , art. cit., Revue du Nord, p. 593.
32. A. CHERRIER, «   Un exemple de résistance chrétienne, l’abbé Émile Descarpentries et le
Denaisis, d’après le témoignage de M. Albert Brice, pharmacien, membre de Voix du Nord   »,
Revue du Nord, no 238, juillet-septembre 1978, p. 695-697.
33. A. DELEPOULLE, Memor, op. cit., p. 56.
34. Interview de l’abbé Roger Desreumaux, 30.05.2003.
35. A. CAUDRON , op. cit., Memor, p. 36-37.
36. Archives diocésaines de Lille, La Croix du Nord, 9.01.1953.
37. L.-N. BERTHE, « Le clergé du diocèse d’Arras sous l’Occupation », Revue du Nord, no 237,
avril-juin 1978, p. 407-409.
38. Ibidem, p. 410.
39. M. SPANNEUT, op. cit. Memor, p. 57.
40. A. CAUDRON , art. cit., Revue du Nord, p. 594.
41. J. WICKE, Les Justes du Pas-de-Calais, Boulogne, Université du Littoral, Maîtrise, 2001, p. 75
(sous la dir. de B. Béthouart).

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42. J. WLCKE, op. cit., p. 73.


43. Ibidem, p. 323.
44. A. RANGOGNIO, « Saint-Omer sous le poids de l’Occupation », Mémoires de guerre du Pas-de-
Calais — XXe siècle, Comité d’histoire du haut Pays, t. 15, année 2003, p. 69, 78.
45. Ibidem, p. 368.
46. L.-N. BERTHE, op. cit., p. 410.
47. . A. CAUDRON , Lille-Flandres, op. cit., p.   79-80   ; L. Detrez, op. cit., p.   246-266   ; R.
VANDENBUSSCHE, « Une forme de résistance à Dunkerque : le groupe Herbeaux-Bonpain », Revue
du Nord, no 238, juillet-septembre 1978, p. 939-642.
48. P. ODDONE, Un drame de la Résistance dunkerquoise, Wimille, Punch Éditions, 2003, p. 26.
49. Ibidem, p. 52-53
50. L. DETREZ, op. cit., p. 232; Y. Saint-Vallier, op. cit., p. 114-120.
51. L. DETREZ, ibid., p. 138.
52. Annuaire diocésain d’Arras ; Archives de Jules Catoire.
53. Témoignage de l’abbé Dantan, Revue du Nord, no 237, avril-juin 1978, p. 248.
54. P. BAUDELICQUE, Histoire d’Étaples, Saint-Josse, imp. Du Moulin, 1996, p. 300.
55. Archives diocésaines d’Arras.
56. J. GOTOVITCH , « Belgique : Église et syndicats sous l’Occupation 1940-1942 », Revue du Nord,
no 238, juillet-septembre 1978, p. 583.
57. A. DANTOING, op. cit., p. 321.
58. S. LAURY, « Aspects de la vie religieuse pendant la Seconde Guerre mondiale dans le Nord-Pas-
de-Calais », Revue du Nord, no 237, avril-juin 1978, p. 386.
59. R. RÉMOND, «   Conclusions du colloque   », Revue du Nord, no 238, juillet-septembre 1978,
p. 578-579.

Auteur

Bruno Béthouart

Université du Littoral
Du même auteur

Maurice Schumann, Publications de l’Institut


de recherches historiques du Septentrion,
2009
Les chrétiens, la guerre et la paix, Presses
universitaires de Rennes, 2012
Conclusion in Les chrétiens, la guerre et la
paix, Presses universitaires de Rennes, 2012
Tous les textes
© Publications de l’Institut de recherches historiques du Septentrion, 2005

Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org/6540

Référence électronique du chapitre


BÉTHOUART, Bruno. Les prêtres résistants en zone interdite : des citoyens au service de la cause
patriotique In : Les services publics et la Résistance en zone interdite et en Belgique (1940-1944)
[en ligne]. Lille : Publications de l’Institut de recherches historiques du Septentrion, 2005 (généré
le 29 avril 2020). Disponible sur Internet   : <http://books.openedition.org/irhis/2153>. ISBN   :
9782490296118.

Référence électronique du livre


VANDENBUSSCHE, Robert (dir.). Les services publics et la Résistance en zone interdite et en
Belgique (1940-1944). Nouvelle édition [en ligne]. Lille : Publications de l’Institut de recherches
historiques du Septentrion, 2005 (généré le 29 avril 2020). Disponible sur Internet   :

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Les services publics et la Résistance en zone int... https://books.openedition.org/irhis/2153?lang=fr

<http://books.openedition.org/irhis/2132>. ISBN : 9782490296118.


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