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Vigne et changement climatique 01/05/2020 03:53

Territoire en mouvement
Revue de géographie et
aménagement
Territory in movement Journal of geography and planning

3 | 2006 :
Sport et dynamiques touristiques des territoires
Comptes rendus de lecture

Vigne et changement climatique


Colloque

YVES BOQUET

Texte intégral
1 Organisé du 28 au 30 mars 2007 à Dijon et à Beaune sous l’égide de la Chaire Unesco
Vin et Culture par le Centre de Recherches en Climatologie de l'Université de
Bourgogne (J. Pérard, M. Madelin), le colloque pluridisciplinaire et international «
Réchauffement climatique, quels impacts sur les vignobles ? », a réuni autour de ce
thème géographes, climatologues, historiens, agronomes, oenologues, viticulteurs,
économistes et sociologues, qui ont présenté 45 communications ou posters regroupées
en trois ateliers principaux : indicateurs de l’évolution climatique, impacts sur la vigne,
réchauffement et qualité des vins.
2 E. Leroy-Ladurie a rappelé que l’étude des dates de vendange est avec celle des fronts
de glaciers un outil précieux de reconstitution des fluctuations climatiques : 1° C de
variation par rapport à la normale mai-août correspond à 10 jours de décalage dans la
date des vendanges. Les années 1980 marquent une nette inflexion vers une date plus
précoce des vendanges, correspondant à l’accélération du réchauffement climatique, et
la canicule de 2003 (vendanges en Bourgogne dès le 23 août) est comparable à celle de

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1523 (vendanges le 19 août). Prélude à une nouvelle norme climatique ?


3 La phénologie de la vigne en est partout modifiée, avec une cassure dans les courbes
qui intervient au seuil des années 1980. Pour Gregory Jones (Southern Oregon Univ.),
l'ensemble du processus a été raccourci de six à dix-sept jours en moyenne sur la
période 1950-2000. Dans 27 grandes régions viticoles du monde, la température a
augmenté en moyenne de 1,3° C au cours de la saison végétative.
4 La précocité accrue des vendanges pourrait avoir à court terme un impact sur le
vieillissement et la typicité des vins. Dans la Napa Valley (Californie), la notation des
vins s'est améliorée, en même temps que le taux de sucre augmentait (effet du goût
pour les produits sucrés ? s’interroge J.R. Pitte). Mais 75 % de la production doit
désormais être désalcoolisée, le degré alcoolique atteignant 16 % avant cette opération.
5 Une année chaude est souvent associée à un grand millésime, mais le réchauffement
climatique pourrait d'ici la fin du XXIe siècle avoir des effets contraires sur le vin
produit dans certaines régions méridionales. Si les premières études sur les
conséquences du changement climatique montrent que le réchauffement a globalement
favorisé la qualité du vin (réduction du risque de gelées tardives au printemps), la
poursuite du réchauffement climatique pourrait devenir néfaste dans de nombreuses
régions (B. Seguin, INRA Avignon), avec des problèmes d'irrigation liés aux
sécheresses, le développement de maladies, la prolifération d’insectes nouveaux
(l’eudémis en Champagne) ou encore l'érosion des sols du fait de la répétition des
inondations.
6 D’autre part, la géographie même des vignobles pourrait être affectée. Depuis 1950,
la bande géographique favorable à la culture de la vigne (entre 10 et 20° C de
température moyenne) s'est déplacée de 80 à 240 km vers les pôles. Or, les cépages
sont climatiquement adaptés aux régions où ils sont produits : ils ont été lentement
acclimatés, afin de trouver le meilleur compromis entre la terre et le climat. Certains
cépages sont très localisés, ne donnant le meilleur d'eux-mêmes qu'à des endroits très
spécifiques, d'autres étant plus adaptables et permettant d'obtenir de bons résultats
dans des régions climatiquement très différentes.
7 Des changements de cépages seraient alors nécessaires (Syrah en Champagne d’ici
2050​?) dans les vignobles existants, dont certains, menacés de sécheresse, pourraient
même se déplacer. Des modifications sont attendues en Roumanie (D. Cichi, A. Ranca,
C. Simion), tandis que les vignobles australiens (L. Webb) et sud-africains (V.
Bonnardot) risquent de rétrécir comme peau de chagrin, et la viticulture californienne
devrait se réfugier sur les pentes de la Sierra Nevada, la frange côtière rafraîchie par
l’océan ou migrer vers l’Oregon. Vergers de figuiers et dattiers remplaceront-ils les
vignobles de Napa et Sonoma ? En Bourgogne, le Pinot Noir, cépage emblématique,
pourrait souffrir après 2030-2050 des trop fortes chaleurs​: son avenir pourrait se situer
dans les hautes Côtes de Nuits et de Beaune (B. Hudelot) ou plus au Nord, vers le
Chatillonnais et la Haute-Marne.
8 Les pratiques agriculturales et viticoles devront être modifiées en conséquence. On
note déjà l’essor des vendanges nocturnes pour préserver la qualité du raisin lors des
étés trop chauds.
En Espagne, selon G. Mollevi, il est urgent d'appliquer des mesures dans les zones les
plus chaudes et arides du pays (plantation des vignes à "ras du sol" pour mieux
conserver l'humidité et protéger les raisins du soleil, développement de "l'irrigation
contrôlée").
Dans le Bordelais (J.C. Hinnewinkel), il s'agit de travailler scientifiquement sur
l'adaptation à la chaleur de certains pieds de vigne au sein d'un même cépage, tout en
luttant contre les effets pervers sur le goût du vin d'une trop forte chaleur (teneur en

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sucre et degré d'alcool trop élevés par exemple). Merlot et Cabernet-Savignon devraient
mieux résister au réchauffement que les cépages bourguignons.
Mais des espaces de viticulture nouveaux pourraient apparaître, du Québec à la
Pologne (A. Ziernicka-Wojtaszek) et au Sud de la Suède.

Pour citer cet article


Référence électronique
Yves Boquet, « Vigne et changement climatique », Territoire en mouvement Revue de
géographie et aménagement [En ligne], 3 | 2006, mis en ligne le 23 février 2017, consulté le
30 avril 2020. URL : http://journals.openedition.org/tem/360

Auteur
Yves Boquet
Université de Bourgogne

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