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WACHTEL Nathan. Les Mitimaes
WACHTEL Nathan. Les Mitimaes
L'institution des mitimas semble constituer l'une des originalités du monde andin.
Nous ignorons encore ses origines, mais les données archéologiques actuellement dispo-
nibles la font remonter assez loin dans le temps, au moins à l'horizon tiawanaku . On sait 1
qu'elle permettait à des groupes ethniques et à des senorfos de dimensions variables (aux
divers niveaux de l'autorité politique) de contrôler, par l'envoi de « colons », des zones
écologiquement différentes et de disposer ainsi de ressources complémentaires. L'Etat
inca reprend cette institution et l'étend comme un moyen de gouvernement, sur une
échelle jusqu'alors inconnue, à des fins soit économiques, soit militaires . Le problème2
l'accumulation des exemples, nous constatons que les situations varient d'un cas à l'autre,
et nous prenons de plus en plus conscience de l'extrême diversité du monde andin. C'est
pourquoi j'aurai recours à deux approches complémentaires : d'une part l'étude de type
monographique, appliquée aux mitimas de la vallée de Cochabamba ; et d'autre part la
méthode comparative, afin de situer cette dernière dans un contexte plus large, à savoir
la politique de colonisation de Huayna Capac.
Les sources classiques mentionnaient déjà, dans la vallée de Cochabamba, la présence
de nombreux mitimas. C'est précisément à une décision de Huayna Capac, lors de son
voyage au Chili, que Sarmiento de Gamboa attribue leur transfert : « Fué al valle de
Cochabamba y hizo alli cabecera de provincia de mitimaes de todas partes, porque los
naturales eran poco y habia aparejo para todo, en que la tierra es fertU » . Or on retrouve
4
* Cet article a été l'objet d'une communication au Colloque « Nathre American States and Indlanist
Polie y : Hiitorlcal Cotise lousneas of the Incas and Azteci, 1400-1800», organisé à Stanford Unfrenity,
7-9 décembre 1978.
298 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES
directeur des Archives, M. Adolfo de Morales, a publié quelques extraits de ces docu-
ments, de manière partielle et hâtive . J'en prépare une édition plus complète, dont je
6
maintenant que les mitimas de Cochabamba continuent à être séparés de leurs groupes
d'origine, pour rester dans son encomienda ! A cet égard, la question no. 14 est explicite :
Yten si sauen etc. que despues que su Magestad hizo el repartimiento en este rreyno
rrepartio ansi mismo [353v] todos los mitimaes tierras y chacarras en el mismo lugar
donde los hallo y que las tierras que beneficiauan se quedaron para los dhos yndios y sus
encomenderos lo quai fue universal en todo este rreyno y ansi los yndios carangas se
quedaron sin las tierras y mitimaes en la costa y lo mismo los de chucuito ...
8
Qui étaient donc les mitimas de Cochabamba ? Comment les terres de la vallée furent-
elles réparties ? Comment étaient-elles cultivées ? A qui étaient destinés leurs produits ?
L'analyse des protocoles du procès (ainsi que d'autres documents) permet de dégager
un tableau jusqu'alors insoupçonné : la colonisation de la vallée de Cochabamba apparaît
comme une entreprise d'une ampleur exceptionnelle.
Nous apprenons tout d'abord que c'est le père de Huayna Capac, Tupac Yupanqui,
qui conquit la vallée de Cochabamba, alors peuplée par trois groupes autochtones : les
Sipe Sipes, les Cotas, et les Chuis . Avec lui, la colonisation entre dans sa première
9
Tous les Cotas et tous les Chuis ont-ils été déportés dès l'époque de Tupac Yupanqui ?
Le document ne l'affirme pas explicitement, et les témoignages unanimes insistent sur
le fait qu'avec son successeur une nouvelle étape est franchie : c'est Huayna Capac qui
effectue la répartition de toutes les terres de la vallée, où il fait venir 14 000 Indiens « de
muchas naciones » . Ce chiffre, apparemment énorme (s'il est exact), représente un
13
Les témoins opposent donc le règne de Huayna Capac à celui de Tupac Yupanqui.
Que signifie le terme yacha ? Les anciens dictionnaires confirment pleinement l'explica-
tion des informateurs. Nous lisons en effet dans Bertonio : « Yacha : vocablo corrupto de
la lengua quichua, por dezir yachakh. Sabio, ladino, entendido » . Et Holguin traduit
1S
de Ondegardo a pour « encomendados » « los indios uros y soras mitimaes del reparti-
miento de Paria », ainsi que « los indios caracaras chichas y charcas y amparaes », tous
sous la direction des caciques don Geronimo Cuyo et don Diego Tanquire . 18
On ne s'étonnera pas de voir des contingents venir de régions aussi éloignées que celles
des Chilques (près du Cuzco) ou des Chichas (au sud de Potosi) ; Polo mentionne égale-
ment des Indiens « Chiles » . On sait par exemple que dans la vallée d'Abancay, étudiée
19
par Waldemar Espinoza, les mitimas étaient originaires de régions tout aussi lointaines :
de la côte du Pâcifique et même de Quito . Les mitimas franchissaient ainsi d'immenses
2 0
jusqu'à Arque, et sans doute (avec peut-être des solutions de continuité) jusqu'à Capi-
n o t a . Nous manquons de données pour les autres ethnies, mais nous avons vu que
21
les Carangas étaient orientés vers la côte Pacifique, où ils possédaient des enclaves . 22
Il est probable qu'ils ne doivent leur accès à la vallée de Cochabamba (de même que
les Quillacas, Charcas et Caracaras) qu'à l'intervention de l'Inca. C'est ce que suggère du
moins un document bien connu, le Mémorial de Charcas, qui recoupe et confirme les
renseignements fournis par les protocoles du procès. Les curaca qui ont présenté cette
pétition rappellent, en 1582, que « el inga Topa Inga Yupangui y su hijo Guayna Caba
nos repartieron tierras en el valle de Cochabamba a todas las naciones de los Charcas,
Caracaras, Soras, Quillacas y Carangas para que en ella sembrasemos y cultivasemos e
seftalando y amqjonando a cada naçion por si » . La justice espagnole confirma les
2 3
Soras, les Quillacas et les Carangas dans certaines de leurs terres de Cochabamba ; 24
aussi les auteurs du Mémorial revendiquent-ils une semblable confirmation pour les
Charcas et les Caracaras qui avaient reçu de l'Inca, respectivement, quatre suyos et
urcos . (Je reviendrai plus loin sur la signification de ces termes.)
2S
D'autre part, j'avais déjà signalé dans un travail antérieur un document qui se trouve
aux archives de Sucre, et qui semble faire partie du même ensemble de procès que Ylnter-
rogatorio de Polo : le litige oppose ici Juan Duran aux Indiens « Yca llungas » de Sipe
Sipe . Il nous apprend que le même Huayna Capac avait fait venir des plateros origi-
2 7
naires de Ica (sur la côte Pacifique, d'où leur nom de yungas), du Chinchaysuyu : ils
avaient ainsi franchi toutes les Andes dans leur plus grande largeur. Pourquoi furent-ils
déportés si loin ? Là encore, nous manquons de détails. Mais on sait par ailleurs que
ces artisans de la côte avaient fourni de nombreux mitimas, installés notamment au
Cuzco . Dans le cas de Cochabamba, ils ont également obtenu des terres pour leur
28
à Chucuito, en 1567, nous faisait déjà soupçonner une situation plus complexe; et que
celle de Pedro Gutierrez Flores, en 1574, assimilait un certain nombre d'Urus aux Ayma-
ras, parce qu'ils possédaient, eux aussi, des terres et des troupeaux en abondance . — Or
3 0
les archives de Cochabamba nous apprennent que les Urus de Paria (« réduits » au début
de l'époque coloniale à Challacollo, près du lac Poopo), non seulement possédaient des
terres, eux aussi, mais encore que celles-ci se trouvaient à une centaine de kilomètres du
lac, précisément dans la vallée de Cochabamba. Un autre document (un amojonamiento,
daté de 1593, que j'ai trouvé dans les archives du Tribunal de Poopô) décrit en outre
des possessions autour de Charamoco, au sud de la vallée . L'ensemble représentait
31
La vallée de Cochabamba s'étend de l'est à l'ouest, puis fait une courbe vers le sud.
Elle présente une structure dissymétrique : sa rive septentrionale s'étale en pente douce,
tandis qu'au sud la rivière Rocha longe un massif montagneux. Les pièces du procès
ne fournissent des informations détaillées que pour la partie occidentale de la vallée
(y compris le secteur de la courbe) : comme elles ont été rédigées à la demande des
Indiens Carangas et Quillacas, elles ne décrivent que les terres où ceux-ci sont impliqués,
et laissent dans l'ombre les parties centrales et orientales (où se trouvaient d'une part
les pâturages de l'Inca, et d'autre part des lots attribués à d'autres groupes, tels que les
Charcas, Caracaras, et Chichas) . 34
Pouvons-nous évaluer les dimensions de ces champs ? D importe à cet égard de compren-
dre la signification des termes suyos et urcos, déjà mentionnés, qui dans leur contexte
semblent synonymes . Mais une simple traduction (« lots ») n'est sans doute pas suffi-
36
sante : nous savons que les catégories andines sont toujours riches de connotations multi-
ples. Consultons les anciens dictionnaires. Nous trouvons chez Diego Gonzalez Holguin
les explications suivantes :3 7
# \ In EL P A S O
mitiiimidimmimimii
2 V v
C A N A T •,A SACABA •
f 4 V \ ^ \ .
^ \ \ \ \ Q U I L L A C O LLO
v v pjo Roc ha
\ v -
•àWW \
- a
\
% %
scc/>
5S?
po-
VALLEE DE COCHABAMBA
1 YLLAURCO
2 CALCHACOLLO
3 A NOC A R A I R E
B km
4 COACHA CA
5 VILO M A
LLO iUJ x uristo umj L<A f ru/i>uLi uhj vv/wi oia
— « Suyu : la parte que alguno, o muchos toman de alguna obra para trabajar, como de
Iglesia, Chacara, Edificios, etc. »
— « Suyuiranacasitha : trabajar la parte que le cabe » ;
— « Suyusitha : repartir entre si la parte que les cabe del trabajo » ;
— « Suyuni : uno que tiene ya la parte que ha de trabajar ».
Outre l'idée de « part de travail », je retiendrai la notion de « bande » ou de « rayure »
ornant un tissu (« suyu suyu »), qui suggère une forme étroite et allongée . Dans son
39
Parecer, Francisco de Saavedra Ulloa fournit des renseignements sur les mesures, et décrit
également une telle forme :
... y cada urco ténia quarenta e quatro braças en ancho y en largo de una cordillera a
otra conforme a la disposicion del dho ualle . . . 40
Un autre rapprochement s'impose ici : ce mode de répartition des terres sous forme
de bandes allongées correspond très exactement à celui qu'effectuent, de nos jours,
les Urus de Chipaya. J'ai décrit cette pratique dans un autre article ; chaque année,
4 2
les alcaldes de chaque moitié délimitent un certain nombre de lots (appelés tsvis) pour
les attribuer aux membres de leur communauté. Ces lots, disposés dans le sens trans-
versal du terrain cultivé, sont de largeur égale (de 3 à 5 brazadas), mais différent en
longueur (de 500 mètres à 1 kilomètre) en raison des irrégularités du relief. Les cultures
ont lieu, en effet, sur un terrain d'abord inondé pour le laver de sa teneur en sel, puis
asséché. Suivant son étendue, Yalcalde exécute un nombre variable de vueltas, et distribue
les lots lignage après lignage, selon des règles strictes, dans un ordre déterminé. A l'inté-
rieur de chaque lignage, les chefs de famille nucléaire reçoivent un nombre égal de lots,
et se succèdent toujours dans le même ordre, eux aussi, en fonction des liens de parenté
qui les unissent.
Or il est rertiarquable que, dans la vallée de Cochabamba, la répartition de Huayna
Capac semble obéir à un ordre également déterminé. Les 5 chacaras de Yllaurco, Colcha-
collo, Anocaraire, Coachaca et Viloma comptent respectivement 13, 16, 5, 20 et 23
suyos, soit au total 77 suyos : ces champs s'étendaient donc, de l'est à l'ouest, sur 3 388
brazadas, soit environ 5,4 kilomètres; c'est approximativement la distance qui sépare
Quillacollo du rio Viloma (voir la carte). Dans l'ensemble du secteur, on constate que
Suyos Suyos Suyos Suyos Suyos
Groupes Sous-groupes à à à à à Total
U)
ethniques Yllaurco Calchacollo Anocaraire Coachaca Viloma s
(«) (b)
SORAS soras de sipe sipe 1 1/2 + 1/2 4 2/3 30 2/3
essayas de paria 1/2 1/2 6 1/3 + 2
soras de paria 1/2
soras de tapacari 1 1/2 + 1/2 2 6 1/3
soras de caracollo 1 1/2 + 1/2 4 1/3
uros de paria
(+ 1/2) (a) + 1/2
QUILLACAS aracapis 1 1/2 1/3 + 2
quillacas 1 1/2 1 1/3 + 2 15 1/3 Cfl
uruquillas et aullagas 1 1/2 1/3 + 2 + 1 OO
asanaques 1 1/2 1/3 + 2 »
(+ 1/4) (a) + 1/4 S
CARANGAS andamarca et urinoca 1 1/2 2 1/3 O
M
samancha 1 1/2 2 CD
>
chuquicota 1 1/2 1 2 14 1/3 S»
totora 1 1/2 1 2 + 2
(+ 1/4) (a) + 1/4 o2
COLLAS calapanoa 1/2 + 1/2 1/3 S
chucuyto 1/2 + 1/2 1/3
55
callapa 1/2 + 1/2 1/3 Sco
chuquicacha 1/2 + 1/2 1/3 9 2/3
tiaguanaco 1/2 + 1/2 1/3 + 1
caquiaviri 1/2 + 1/2
urcosuyos 1
umasuyos 1
(1/2 + 1/2) (a)
rOTAL GÉNÉRAL
)ES SUYOS 77
blent, outre les Quillacas proprement dits, les Asanaques, les Aullagas, les Uruquillas (sans
doute des Urus également), ainsi que les Aracapis (de la région de Puna, au sud de Potosi). La
chefferie des Carangas paraît plus homogène ethniquement, mais se décompose de la même
manière en quatre sous-groupes : les Andamarcas et Urinocas, les Samanchas (sans doute une
moitié de Corque), les Chuquicotas, et enfin les Totoras. Quant aux Collas, ils posent
un problème plus complexe : le texte énumère des mitimas venus de Calapanca, Chucuito,
Callapa, Chuquicache, Tiaguanaco, Caquiaviri, et mentionne des « Urcosuyos » et des
« Omasuyos » . Tous ces sous-groupes « collas » ont-ils formé autrefois une seule et
4 4
grande unité politique ? Avant la conquête inca, ils constituaient au moins trois unités
distinctes : celles des Paucarcollas, des Lupaqas, et des Pacajes. On remarque d'autre part
que toutes leurs composantes ne semblent pas avoir envoyé de mitimas à Cochabamba :
ainsi, parmi les Lupaqas, seuls les Indiens de Chucuito sont mentionnés, et non les sujets
des autres seigneurs de la rive occidentale du lac (de Acora, de Hilave, de Juli, etc.).
Je donne en annexe la liste complète des suyos pour le secteur de la vallée que nous
connaissons, et des groupes auxquels ils ont été attribués (dans l'ordre où ils sont cités,
de l'est à l'ouest). En regroupant ces informations pour chaque groupe concerné, nous
pouvons faire une étude de type quantitatif, dont les résultats sont résumés dans le
tableau 1.
On constate ainsi que ce sont les Soras qui ont obtenu le nombre de suyos le plus
élevé (30 2/3 + 2 + 1/2), autant que les Quillacas (15 1/3 + 1 + 1/4) et les Carangas
(14 1/3 + 2 + 1/4) réunis, tandis que les Collas (9 2/3 + 1) n'ont qu'une part mini-
m e . Cette prédominance des Soras est-elle due au fait que leur territoire se trouve
45
à proximité immédiate de la vallée de Cochabamba, tandis que celui des Collas en est le
plus éloigné ? Ces données quantitatives font d'autant plus regretter que nous manquions
de renseignements détaillés sur l'autre partie de la vallée, de Poto Poto à Sacaba (occupée
par des Charcas, cîes Torpas, des Caracaras, des Chuis, et des Incas) .
4 6
ÏS suyo» attribués
SI; aux Indiens eux-mêmes
5S («para su comida»)
La description des demi-st/yos ainsi dessinés est assez précise pour que l'on puisse
reconstituer leur disposition exacte dans le « champ » (fig. 1). Le texte indique claire-
ment que le premier demi-suyo, attribué aux Collas de Calapanca, se prolonge vers le bas
par le demi-suyo attribué aux mitimas de Aracapi (« y comienza el primera questa alinde
del otro medio questa escripto ques de los collas calapanca que se llama el suyo de ara-
capi yndios de puna ») . On constate alors que chaque groupe ethnique est installé dans
4 8
Comment les contingents envoyés par tant de groupes ethniques cultivaient-ils les
terres ainsi réparties ? Nous avons vu que Francisco de Saavadra-Ulloa, dans son Parecer,
indiquait un chiffre : les 14 000 Indiens mentionnés étaient-ils tous effectivement des
mitimas ? En fait, une distinction fondamentale apparaît :
... y algunos eran perpetuos y otros ventan de sus tierras al benefïcio de las chacaras
del dicho ynga... .4 9
Certains Indiens vivaient donc en permanence dans la vallée, tandis que d'autres venaient
spécialement de leurs provinces, puis retournaient chez eux. Seule la première catégorie
correspond à la notion de mitima ; la seconde catégorie suppose des prestations de travail
temporaires et rotatives : il s'agit de services rendus au titre de la mit'a. De fait, les Indiens
qui faisaient les allers et retours se relayaient chaque année :
Preguntado que donde venlan los yndios que beneffiçîauan estas chacaras / suyos délia
dixeron que en sus tierras y de alli venian a lo beneffiçiar por sus mitas e que auîa algunos
mitimaes... .s o
Suivant quelles proportions, par rapport à l'ensemble des 14 000 travailleurs, les deux
catégories étaient-elles représentées ? Tous les groupes, même les plus éloignés, fournis-
saient-ils à la fois des mitimas permanents, et des Indiens qui se relayaient par mit'a ?
Comment ces travailleurs étaient-ils choisis, comment se remplaçaient-ils ? Toutes ces
questions restent encore sans réponse. Du moins disposons-nous de quelques renseigne-
ments concernant l'organisation du travail : il semble que les mitimas étaient plus parti-
culièrement chargés des tâches de surveillance (notamment des greniers), tandis que les
mittayoc exécutaient les travaux courants (semailles, récoltes, etc.). Ecoutons en effet
l'un des témoins cités par Polo, Juan Anton Churma, Indien sora :
... y los yndios que alli residian eran guardas de las piruas del maïz que se cogîa en los
dhos suyos del ynga y que para el sembrar y coger y beneficiar venian muchos yndios
de tapacari a hazello y beneficiado se boluîan a sus casas y quedaban las guardas de
las piruas... .
51
Tous les témoins insistent sur le fait que les terres de Cochabamba appartenaient à
l'Inca ; tout le maïs produit était emmagasiné dans ses greniers (pirua), puis rassemblé
au tambo de Paria, et de là transporté jusqu'au Cuzco . Ce sont les pasteurs Sipe Sipes
52
(llamacamayos) qui assuraient ces transports (au moins jusqu'à Paria) : on sait par ailleurs
qu'ils étaient chargés de la garde des troupeaux de l'Inca . Toutes ces opérations étaient
S3
La nature des suyos de Cochabamba apparaît donc clairement : lorsqu'on dit qu'ils
« appartiennent à l'Inca », cela signifie en fait qu'ils font partie du domaine de l'Etat,
et non de l'Inca à titre personnel. Cette distinction entre la personne du souverain et
l'appareil bureaucratique ou militaire (proposée par John V. Murra dès 1956, et large-
ment confirmée depuis) rend compte des transformations que connaît le Tawantinsuyu
au cours des décennies qui précèdent l'invasion européenne. Certes, les informateurs ne
disent pas explicitement que les terres de Topa Yupanqui à Cala Cala relevaient d'un
statut personnel. Mais il est certain qu'avec Huayna Capac se développe, à une toute
autre échelle, une énorme sphère de gestion étatique.
Le contraste entre ces deux catégories de droits sur la terre est renforcé par la présence
certaine, dans la vallée de Cochabamba, de champs non étatiques, qui avaient également
accueilli des mitimas. Il s'agit des chacaras Guayruro et Condebamba, cultivées (comme
nous l'avons vu plus haut) par des Indiens « Condes du Condesuyu » : nous apprenons
en effet que ces terres avaient été accordées, par Huayna Capac, à l'un de ses fils . 56
Soit une propriété de type « privé », semblable à celle dont nous connaissons d'autres
exemples, notamment dans la vallée de Yucay . Mais comparés à l'ensemble des suyos
5 7
La subsistance des travailleurs était assurée suivant différentes modalités. Nous avons
vu, dans l'exemple de Colchacollo, qu'en fait certains suyos échappaient à la règle géné-
rale, et revenaient directement aux Indiens eux-mêmes (« para los indios que cultivaban,
con que se sustentasen », « a los indios para su comida » ) . Il s'agissait de quatre demi-
59
suyos situés dans chaque moitié du champ, et plus exactement dans les deux quartiers
des Collas (cf. fig. 1). Comment étaient-ils utilisés ? Les Collas étaient-ils les seuls à en
bénéficier, ou les partageaient-ils avec les Soras dans la moité du haut, avec les Carangas
et les Quillacas dans la moitié du bas ? La seconde hypothèse paraît la plus vraisem-
blable .
6 0 i
Cependant, si Colchacollo comporte des suyos réservés aux travailleurs, il n'en est
pas de même dans trois autres chacaras, celles de Yllaurco, Coachaca, et Viloma, qui
comptent ensemble 61 suyos, mais dont aucun n'est signalé en faveur des Indiens eux-
mêmes. En revanche, le champ de Anocaraire, certes le plus petit de tous (« pedaço
310 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES
de tierra que tiene 5 suyos »), est attribué dans sa totalité à différents caciques :
— à Guarache, « cacique de los quillacas » ;
— à Achacapa, « cacique de los carangas de chuquicota » ;
— à Vilca, « cacique de totora carangas » ;
— à Machacata, « cacique principal de tapacari » ;
— à Condo, « cacique principal de tapacari ».
Les informateurs précisent néanmoins qu'il s'agit de suyos « entiers », et non divisés
en deux . Ils sont cultivés par les Indiens qui travaillent sur les terres de Huayna Capac,
6 1
ainsi à leur niveau. On observe cependant que tous les caciques ne bénéficient pas de
suyos : les seigneurs collas ne sont pas mentionnés, ni les autres caciques quillacas, carangas,
ou soras. Guarache était-il curaca principal de tous les Quillacas ? Le contexte le suggère
(« de quien suçeden los guaraches de los dhos quillacas que agora ay ») . Mais pourquoi
6 3
un seul curaca pour les Quillacas, qui constituent une « confédération » complexe, et
deux pour les Carangas et les Soras ? Là encore, nous manquons de données plus détail-
lées sur le problème de l'organisation dualiste dans les sociétés andines.
Faisons la somme des lots dont bénéficient les travailleurs, soit directement, soit
indirectement (par l'intermédiaire de leurs caciques) : il s'agit de 7 suyos sur 77, c'est-à-
dire moins de 10% de la surface cultivée . Etaient-ils suffisants ? Il faudrait connaître
64
également leur qualité, et leur productivité : comme ils sont situés au milieu des suyos
de l'Inca, on peut supposer qu'ils n'en diffèrent pas sensiblement.
Mais si la superficie réservée à la subsistance des travailleurs semble relativement
faible, il faut tenir compte d'autres ressources encore. Les informateurs indiquent en
effet que les Indiens cultivaient pour eux, en outre, les marges supérieures et inférieures
des suyos de l'Inca :
Preguntado que los dhos yndios donde hazSan chacaras para corner dixeron que en los
altos y baxos de la dhas chacarras... .6S
Indiens non guerriers, les mitimas et les mittayoc de la vallée de Cochabamba, bénéfi-
ciaient des greniers de l'Inca. Dans certaines limites, certes, comme le suggère cette
note plaisante : on ne leur offrait que du maïs de qualité inférieure! La « générosité »
LES MITIMAS DE LA VALLÉE DE COCHABAMBA 311
de l'Inca s'étendait néanmoins à tous ses sujets, et la mention de la chicha indique que
ceux-ci travaillaient, à Cochabamba également, suivant des formes cérémonielles.
Capac englobait les deux régions. Malheureusement les données sur Yamparaes restent
très pauvres. Je retiendrai donc deux autres exemples : les vallées d'Abancay et de Yucay,
relativement bien documentées, dont la comparaison avec la vallée de Cochabamba
permet de dégager les caractères originaux de la politique de Huayna Capac . 69
Dans les trois cas, il s'agit de vallées au climat chaud, propices à la culture du maïs,
dont on sait»par ailleurs l'importance non seulement nutritive, mais aussi rituelle 7 0
312 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES
la politique de son prédécesseur, et lui fait franchir un seuil qualitatif. Les autochtones
des trois vallées ont été partiellement ou totalement expulsés, et installés dans d'autres
régions, parfois en tant que mitimas également . C'est ainsi qu'à Abancay les auto-
73
chtones semblent avoir disparu ; qu'à Cochabamba ne subsistent que les Sipe Sipes (sans
doute très minoritaires) ; et qu'à Yucay les « naturales » représentent environ la moitié
de la population (regroupés dans trois pueblos : Chauca, Paca, et Cachi) . Quant aux
7 4
mitimas, ils proviennent dans les trois cas aussi bien de zones voisines que d'aires très
éloignées. Parmi les quinze groupes identifiés à Abancay, les Aymaras de Cotarma ou les
Haquiras Yanahuaras résident à proximité, tandis que les Huancavilcas, les Tallanes, les
Mochicas sont originaires de régions aussi éloignées que Guayaquil, Piura, ou Trujillo . 7S
Mais si l'on considère l'ordre de grandeur des transferts, un contraste oppose Cocha-
bamba d'une part, Abancay et Yucay d'autre part : d'un côté 14 000 Indiens (quoique
tous ne soient pas des mitimas proprement dits), de l'autre des groupes de 1 000 à 2 000
chefs de famille . La colonisation de la vallée de Cochabamba semble bien d'une ampleur
77
inégalée.
Et c'est à Cochabamba seulement que se rendaient tant de mittayoc : leur rotation
maintenait des liens étroits entre les mitimas et leurs groupes d'origine. Les problèmes
posés par l'entretien des travailleurs étaient aussi d'une autre échelle. La comparaison
fait ressortir ici une différence importante. A Abancay et à Yucay, en effet, les mitimas
avaient reçu des lots individuels, des tupus, attribués à chaque chef de famille. Les témoi-
gnages sur ce point abondent. Ainsi, à Abancay, « los yndios yungas que se ponlan por
mitimaes en el dho valle de Abancay y otras partes no les dauan mâs de un topo de tierra
para corner, y esto por su uida » . A Yucay, chaque chef de famille avait l'usufruit de
7 8
parcelles qui équivalaient, en moyenne, de un à deux tupus (dont Pedro Gutierrez Flores
fera le recensement en 1572) . Au contraire, à Cochabamba, nous avons vu que la
79
terres de Huayna Capac lui appartiennent en propre, à titre personnel (« como el dho
valle era casa de Guayna Capac... », « en tiempo de Guayna Capac ynga este valle de
yucay fué como rrecamara suya... » ) . Aussi le statut de ces terres est-il explicitement
81
aussi (comme nous l'avons vu), elles ne représentent qu'une part minime. Au contraire,
à Yucay, c'est toute la vallée qui semble relever de droits personnels.
Aussi n'est-ce pas un hasard si les mitimas de Yucay présentent une autre particu-
larité, qu'on ne retrouve pas ailleurs : tout en étant des mitimas, ils sont en même temps
qualifiés de yanaconas. Pourquoi ? Que signifie ici ce terme ? Ni les mitimas de Cocha-
bamba, ni ceux d'Abancay ne sont ainsi qualifiés. En revanche, à Yucay, le terme deyana
s'applique, indifféremment, aussi bien aux « naturels » de la vallée qu'aux mitimas
étrangers :
... todos los yndios del dicho valle se llamauan del ynga y que eran dos parcialidades la
una de mitimaes que quiere dezir yndios aduenediços e la otra parte de naturales e todos
servîan el ynga e a sus hijos e mugeres e parientes e les benefiçiauan las chacaras que
tenîan e le seruian todos de yanaconas como yndios que los tenîa el dicho ynga ocupados
en el servicio de su cassa... .
8 4
... y estar todos ellos en titulo y voz de yanaconas... que quiere decir en lengua espanola
criados de su servicio y casi todos los yndios del dho valle mitimas y naturales eran
yanaconas del ynga... .8S
Le seul service de l'Etat ne suffit donc pas à définir la catégorie des yana : si tous les
Indiens de la vallée de Yucay sont désignés ainsi, c'est parce qu'ils appartiennent à la
« maison » de Huayna Capac, et qu'ils sont liés à lui par des liens de dépendance person-
nelle. De ce fait même, ils ne relèvent plus d'aucune des « quatre provinces», et ne
figurent plus sur les khipu qui recensent les tributaires : ils sont définitivement coupés
de leurs groupes ethniques .8 6
Il existe donc une sorte de gradation dans les liens des mitimas avec leurs groupes
d'origine, où Cochabamba et Yucay occupent deux pôles opposés : dans le premier cas,
les liens sont toujours vivants (entretenus par les allers et les retours des mittayoc),
tandis que dans le second ils sont rompus. Entre ces deux pôles, Abancay représente
une situation intermédiaire (malgré l'absence de mittayoc). Prenons en effet un test :
que se passe-t-il dans les trois vallées lors de l'invasion espagnole ? A Cochabamba comme
à Abancay, de nombreux mitimas s'enfuient pour rejoindre leurs ethnies d'origine (mais
il en reste suffisamment dans les deux cas pour donner lieu aux procès auxquels nous
devons notre information) . Au contraire, à Yucay, il n'est fait aucune mention de
87
départs de mitimas : même sous la domination espagnole, tous semblent rester dans
la vallée (et on sait par ailleurs que de nombreux Canaris continuent à résider au Cuzco).
D'autre part, à Cochabamba la permanence des liens avec les groupes d'origine se tra-
duit par un autre phénomène : sous le régime colonial les Indiens des hautes terres (les
Carangas, les Quillacas, les Soras et les Unis de Paria) revendiquent leurs possessions dans
la vallée, afin,de conserver des « archipels » ethniques. Il en est autrement à Abancay,
où les procès opposent les hacendados espagnols aux mitimas restés sur place, et non
à leurs lointains caciques. Ainsi des contextes chaque fois différents rendent compte,
dans les trois vallées, de trois types originaux d'évolution.
Les principaux résultats de notre étude comparée peuvent être résumés par le tableau
suivant :
314 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES
NOTES
1. Voir par exemple l'article de Lautaro NUNEZ : L'évolution millénaire d'une vallée peuplement
et ressource* à Tarapaca. dans le numéro des Annales E.S.C. (sept.-déc. 1978) consacré k l'« Anthropo-
logie historique des sociétés andines ».
2. Cf. John V. MURRA, El control vertical de un mixlmo de pisos ecolâgicos en la economla de
Us sociedades andinas (1972), repris dans Formaciones econômlctu y potlticas del mundo andino,
Lima, I.E.P., 19 : 59-115.
LES MITIMAS DE LA VALLÉE DE COCHABAMBA 315
3. Cf. Waldemar ESPINOZA SORIANO, Los mitmas yungas de Collique en Cajamarca, aigloi XV.
XVI y XVII, Revista del Museo Nacionat, tomo XXXVI, 1969-1970 : 9-57; Colonial de mitmas
multiples en Abancay, siglos XV y XVI. Una informaciôn inédlta de 1575 para la etnohlstoria andina,
Revista del Museo Nacional, tomo XXXIX, 1973 : 225-299; Los mitmas huayacuntu en Quito o
guarniciones para la represiôn armada. Siglos XV y XVI, Revista del Museo Nacional, tomo XLI, 1975.
4. P. SARMIENTO DE GAMBOA,Historia Indica [15721, Buenos Aires, 1942 :124.
5. Archives Historiques de Cochabamba (désignées plus loin AHC), AR 1540 et AR 1570 (ce
dernier legajo n'est pas folioté). Le document le plus ancien, le « repartimiento de Huayna Capac »,
date de 1556 ;les autres documents sont produits au cours des années 1560-1570.
6. Adolfo de MORALES, Repartimiento de tierras por el Inca Huayna Capac [1556], Cocha-
bamba, Museo Arqueolôgico, Universidad de San Simon, 1977.
7. J. POLO DE ONDEGARDO, Los errores y supersticiones de los yndios... [1554], Colecclôn
de libros y documentos referentes a la Historia del Peru, la serie, t. 3, Lima, 1916 : 81 : «... e ansi
gobernando estos rreynos el Marques de Cafiete, se trato esta materia, y hallando verdadera esta ynfor-
macion que yo hiqe, queriendola sauer de my, y el remedio que podia tener, se hizo desta manera :
que a la provincia de Chucuyto se le volvieron los yndios y las tierras que tenyan en la costa en el
tyempo del ynga donde cogian sus comydas, y a Juan de Sanjuan, vezino de Ariquipa, en quien esta-
ban encomendados, se le dieron otros que vacaron en aquella qiudad, e ansi quedo aquella provinçia
rremediada... » ; cf. de même Del linaje de los Incas [1567], Coleccitfn de libros y documentos refe-
rentes a la Historia del Perd, la serie, t. 4, Lima, 1916 : 73.
8. AHC, AR, 1540, f. 353r-353v.
9. AHC, AR, 1570, Parecer de Francisco de Saavadra Ulloa : « ... por las dha ynformaçlon paresce
que topa ynga conquisto el dho valle y a los yndios naturales que en ella hallo que eran cotas e chuis e
sipi sipis los saco de su natural y a los cotas y chuis ios passo a pocona y mizque...».
10. AHC, AR, 1570, Repartimiento : « ... les mando que dexasen este valle e se pasasen a la fron-
tera de los yndios chiriguanaes... ».
U . AHC, AR, 1570, Parecer de Francisco de Saavedra Ulloa : «... y a los dho» de sipe sipe les sellalo
en el dho ualle tierras e metio algunos yndios desta provincia para que le benefrçiasen qiertas chacaraa... ».
12. Sur ce point, voir également Waldemar ESPINOZA SORIANO, Los mitmas yungas de Colli-
que... (op. cit.).
13. AHC, AR, 1570, Parecer de Francisco de Saavedra Ulloa, « ... y despues guayna capa hizo
rrepartimiento général de todas las tierras del dho ualle para ssi y metio en beneflçio de las dhas sus
chacaras cartorze mQl yndios de muchas naçiones... ».
14. AHC, AR, 1570, Repartimiento.
15. Ludovico BERTONIO, Vocabulario de la lengua aymara [1612], La Paz (1952) : 390.
16. Diego GONZALEZ HOLGUIN, Vocabulario de la lengua général de todo el Peru [1608], Lima,
1952.
17. AHC, AR, 1540, f.352r.
18. AHC, AR, 1540, f.352r-352v.
19. AHC, AR, 1540, f.351v.
20. Waldemar ESPINOZA SORIANO, Colonias de mitmas multiples en Abancay... (op. cit.) :
232 et suiv.
21. Cf. le document que je cite plus loin, trouvé aux Archives du Tribunal de Poopô, Expediente
no. 10, f. 1415 : « Amojonamiento entre los yndios soras y los yndios huros de charamoco ».
22. Cf. la question no. 14 de l'Interrogatorio de Polo, citée plus haut.
23. Waldemar ESPINOZA SORIANO, El Mémorial de Charcas. « Cronica » inédita de 1582, Can-
tuta. Revista de la Universidad nacional de educaciôn, Chosica, 1969 : 21.
24. Ibid.
25. Ibid. : « ... que se nos dé posesion de las dichas nuestras tierras det Valle de Cochabamba que
son cuatro suyos y urcos cada uno con sus zanjas de la nacion de los Charcas y otros cuatro suyos y
urcos de la nacion de los Caracaras... ».
26. José Macedonio URQUIDI, El origen de la noble Villa de Oropesa. La Fundaciàn de Cocha-
bamba, Cochabaitiba, 1971 :491-494.
27. Archives Nationales de Bolivie (Sucre), EC no. 72 : « Juicio en grado de apelacion ante la Real
Audiencia de la Plata seguido entre Don Juan Duran y los caciques de Sipe Sipe en Cochabamba sobre
las tierras de Ycallungas » [1584], ff. 80, cité dans Nathan WACHTEL, La réciprocité et l'Etat inca :
de Karl Polanyi i John V. Murra, Annales E.S.C., nov.-déc. 1974 : 1346-1357.
28. Cf. Maria ROSTWOROWSKJ DE DIEZ CANSECO, Pescadores, artesanos y mercaderes costeflo*
en el Perd prehlspânico, Revista del Museo Nacional, tomo XLI, 1975 : 312-349.
29. Nathan WACHTEL, Hommes d'eau. Le problème uru (XVIe-XVIIe sttclet). Annales B.S.C.,
sept.-déc. 1978.
316 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES
30. Visita hecha a la provincia de Chucuito por Gard Diez de San Miguel [15671, Lima, 1964;
Archivo General de Indlas (Seville), Contaduria, no. 1887.
31. Archives du Tribunal de Poopô, Exped'ente no. 10.
32. Ibid., f. 147v-148r.
33. Ibid., f. ISOr : « y ansi mismo tenemos dos suyos en el valle de cochabamba questaran quatro
léguas y média de charamoco donde biuen muchos yndios de challacollo y de charamoco el un suyo
llamado potopoto y el otro yllaurco... ».
34. AHC, AR, 1570, Repartimiento : « ... que por no auet en ella suyos dados e rrepartidos a los
dhos yndios carangas no se déclara aqui... ».
35. La carte publiée par Adolfo de MORALES, op. cit., me semble erronée : comme les chacaras
sont décrites de l'est à l'ouest, en allant vers Sipe Sipe, Yllaurco est le « champ » situé le plus à
l'est, et non le plus à l'ouest I
36. Waldemar ESPINOZA SORIANO, El Mémorial de Charcas, op. cit. : 25.
37. Diego GONZALEZ HOLGUIN, op. cit. : 333. D'autre part, Urcco désigne « el cerro», « el
macho de los animales » (p. 357). Malgré l'équivalence suggérée dans le Mémorial de Charcas, le
rapport entre suyo et urco reste obscur. Sur ce point, cf. le travail de Thérèse BOUYSSE-CASSAGNE,
L'espace aymara : urco et uma, Annales E.S.C., sept.-déc. 1978.
38. Ludovico BERTONIO, op. cit. : 332.
39. Sur les rapports entre la notion de « bande » (décoration d'un tissu) et celle d'un champ de
forme allongée, voir Veronica CERECEDA, Sémiologie des tissus andins : les talegas d'Isluga, Annales
E.S.C., sept.-déc. 1978.
40. AHC, AR, 1570, Parecer.
41. Archives du Tribunal de Poopô, Expediente, no. 10, f. 150r.
42. Nathan WACHTEL, Le système d'irrigation des Chipayas, Anthropologie des populations
andines, Paris, INSERM : 87-116.
43. Les Urus sont majoritaires dans ce groupe (ils représentent les 2/3 de la population), mais il
est difficile de définir leur statut. - Cf. la Tasa de la Visita gênerai de Francisco de Toledo, édité
par Noble David COOK, Lima, 1975 : 15 : dans le repartimiento de Soras et Casayas, on compte,
en 1574, 3 801 tributaires, dont 1 243 Aymaras et 2 558 Urus (voir également l'article de Nathan
WACHTEL, Hommes d'eau, op. cit.).
44. AHC, AR, 1570, Repartimiento.
45. Pour chaque groupe ethnique, le premier chiffre désigne le nombre de suyos cultivés pour
l'Etat, le second le nombre de suyos attribués aux caciques, et le troisième le nombre de suyos attri-
bués aux Indiens eux-mêmes pour leur subsistance. Pour cette dernière catégorie, la ventilation des
lots du « champ » Colchacollo entre les « Collas », les « Soras », les « Quillacas », et les « Carangas »
présentait quelque difficulté : j'ai adopté celle qui me semblait la plus vraisemblable, compte tenu
de la disposition des suyos.
46. ÀHC, AR, 1570, Repartimiento : «... e que los demas que seflalo desde la dhachacara poto hasta
canata y ualle de sacagua, no la sauen que los charcas e torpas y caracaras e yngas y chuys daran la
rrazon dello ».
47. Ibid.
48. Ibid.
49. AHC, AR, 1570, Parecer. (C'est moi qui souligne.)
50. AHC, AR, 1570, Repartimiento.
51. AHC, AR, 1540, f. 404v.
52. AHC, AR, 1570, Repartimiento : « ... dixeron que todo loque sembraban en esta dicha chacara
poto poto e yllaurco y colchacollo y coachaca y esta de Viloma loco grande Ueuaban al tambo de
paria y de alli al cuzco en ganados del ynga... ».
53. AHC, AR, 1540, cf. le témoin Pedro Anzules Palentaya, « Principal de los yndios chichas enco-
mendados en el licenciado polo » : «... e que los dhos yndios de sipe sipe eran ganaderos del ganado
del ynga... ».
54. AHC, AR, 1540, f.414v.
55. AHC, AR, 1570, Repartimiento.
56. José Macedonio URQUIDI, op. cit. : 495.
57. Cf. Maria ROSTWOROWSKI DE DIEZ CANSECO, El repartimiento de dofia Beatriz Coya.en
el valle de Yucay, Historia y Cultura, 1970 : 158 ; Horacio VILLANUEVA URTEAGA, Documento
sobre Yucay en el siglo XVI, Revista del Archivo Histôrico del Cuzco, 1970 : 14, 36, etc.; Nathan
WACHTEL, La vision des vaincus, Paris, 1971 : 169.
58. AHC, Ata, 1570, Parecer de Diego NUNEZ BAZAN ; c'est moi qui souligne.
59. AHC, AR, 1570, Repartimiento.
60. C'est cette hypothèse que j'ai adoptée pour la présentation du Tableau 1.
LES MITIMAS DE LA VALLÉE DE COCHABAMBA 317
61. AHC, AR, 1570, Repartimiento.
62. Ibid., : « ... los dhos capltanes mandavan sembrasen para los dhos caciques e yndios... ».
63. Ibid.
64. Cette superficie serait encore plus réduite si le champ Anocaraire ne comprend que 3 suyos :
cf. la contestation présentée sur ce point, à la fin du Repartimiento, par les autres informateurs.
65. AHC, AR, 1570, Repartimiento.
66. Cf. Nathan WACHTEL, Le système d'irrigation des Chipayas, op. cit.
67. AHC, AR, 1570, f. 359r.
68. John Howland ROWE, Inca culture at the time of the Spanish conquest, Handbook of South
American Indians, vol. II, Washington, 1946 : 270.
69. Cf. Waldemar ESPINOZA SORIANO, Colonias de mitimas multiples en Abancay, op. cit. ;
Maria ROSTWOROWSKI DE DIEZ CANSECO, El repartimiento de dofta Beatriz Coya, op. cit. ;
Nathan WACHTEL, La vision des vaincus, op. cit. : 168-176, 188-192, 202-208.
70. Cf. John V. MURRA, Maiz, tubérculos y ritos agrlcolas (1960), repris dans Formaciones,
op. cit. : 45-58.
71. Cf. Waldemar ESPINOZA SORIANO, Colonias de mitimas multiples en Abancay, op. cit. :
230-231; Maria ROSTWOROWSKI DE DIEZ CANSECO, El repartimiento de dofia Beatriz Coya,
op. cit. : 159.
72. A Abancay, il semble même que la colonisation de la vallée par des mitimas atteigne toute
son ampleur dès le règne de Tupac Yupanqui.
73. Waldemar ESPINOZA SORIANO, Colonias de mitimas multiples en Abancay, op. cit. : 230,
236.
74. Horacio VILLANUEVA URTEAGA, Documento sobre Yucay, op. cit. : 139.
75. Waldemar ESPINOZA SORIANO, Colonias de mitimas multiples en Abancay, op. cit. : 232
et suiv.
76. Archives Historiques de Cuzco, Genealogla de Sayri Tupac, libro 2, f. 416r. - Il est remarquable
que, dans les trois vallées que nous comparons, les mitimas restent toujours groupés suivant leur
origine; ils donnent même leur nom aux terrains qu'ils cultivent : à Yucay, par exemple, « dicen que
cada anden de ellos ténia su nombre que no se acuerda de ellos y que de ciertas provincias venian cada
uno a sembrar su anden y conforme a la provincia que lo sembraba se Uamaba el anden » (Archives
Historiques du Cuzco, Genealogla de Sayri Tupac, libro 3, indice 5, f. 29r,cité dans Nathan WACHTEL,
La vision des vaincus, op. cit. : 170).
77. Cf. Waldemar ESPINOZA SORIANO, Colonias de mitimas multiples en Abancay, op. cit. :
233-234; pour Yucay : « el dicho Guayna Capac en su vida habia puesto en el dicho valle dos mil
indios, mil de Chinchaisuyo y mil de Collasuyo... » (Archives Historiques du Cuzco, Genealogla de
Sayri Tupac, Libro-2, f. 174v-175r).
78. Waldemar ESPINOZA SORIANO, Colonias de mitimas multiples en Abancay, op. cit. : 284.
79. Nathan WACHTEL, La vision des vaincus, op. cit. : 174 et suiv.
80. Par exemple, pour Abancay : « ... el dicho Guayna Capaenvio un indio Uamado Sacapacha para
que llevase todo el algodon y aji y otras cosas que se habian cogido y estauan en deposito para el
sustento de la guerra que ténia entonces... » (Waldemar ESPINOZA SORIANO, Colonias de mitimas
multiples en Abancay, op. cit. : 287 ; c'est moi qui souligne).
81. Cf. Nathan WACHTEL, La vision des vaincus, op. cit. : 169.
82. Maria ROSTWOROWSKI DE DIEZ CANSECO, El repartimiento de dofta Beatriz Coya, op.
cit. : 252-253.
83. Cf. Nathan WACHTEL, La vision des vaincus, op. cit. : 169.
84. Archives Historiques du Cuzco, Genealogla de Sayri Tupac, Libro 2, indice 4, f. 102v (cité par
Nathan WACHTEL, La vision des vaincus, op. cit. : 170-171).
85. Ibid., libro 2, indice 4, f. 97.
86. Cf. Nathan WACHTEL, La vision des vaincus, op. cit. : 168-169.
87. AHC, AR, 1570, Parecer-, cf. également Waldemar ESPINOZA SORIANO, Colonias de mitimas
multiples en Abataçay : 251.
318 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES
Annexe no. 1
1. — Chacara Yllaurco
1. soras de sipe sipe
2. soras y Casaya de Paria
(« Soras ») 3. « todo el repartimiento de tapacari »
4. « repartimiento de caracollo »
5. uros de paria
6. « aracapi que son yndios del repartimiento de puna »
(« Quillacas ») 7. « quillacas de Juan Guarache »
8. uruquillas aullagas
9. « asanaques que son del repartimiento de quillacas »
10. « andamarca en los carangas y urinoca »
(« Carangas ») 11. « samancha carangas de colquemarca »
12. carangas de chuquicota
13. totora carangas
2. - Chacara Colchacollo
A) Moitié du haut
1.« collas Ilamados calapanca ... de paucarcolla »
2.lupacas de chucuyto
3.pacajes de callapa
(« Collas ») 4.poco poco collas de chuquicache
5.collas de tiaguanaco
6.collas de caquiauire en omasuyu
7 « para los yndios que benefiçiauan ... con que se sustentasen »
8.
9. soras de sipe sipe
10. soras de sipe sipe
11. casayas de paria
(« Soras ») 12. soras de paria
13. € parcialidad llamada chio ... soras de tapacari »
14. < parcialidad llamada malconaca ... soras de tapacari »
15. « parcialidad de machacauana de caracollo yndios soras »
16. « parcialidad de araycabana del dho carocollo »
B) Moitié du bas
1. aracapi de puna
(« Quillacas ») 2. quillacas
3. « uruquillas de aullaga »
4. quillacas asanaques
LES MITIMAS DE LA VALLÉE DE COCHABAMBA 319
5. carangas de andamarca urinoca
(« Carangas ») 6. samancha carangas
7. carangas de chuquicota
8. carangas de totora
9. « collas capahanco de paucarcolla »
10. collas lupacas de chucuyto
11. pacajes de callapa
(« Collas ») 12. « collas de poco de chiquicache »
13. < collas de pucarani tiaguanaco »
14. collas de caquiauire
15. « donde hazian sus sementeras los yndios que los beneffiçianan
16. para su comida »
3. — Chacara Anocaraire
« para los dhos caciques >
1. guarache, cacique de los quillacas
2. achacapa, cacique de los carangas de chuquicota
3. vilca, cacique de los carangas de totora
4. hachacata, cacique de tapacari
5. condo, cacique de tapacari
(a) D'après un document différent, situé dans le lega/o AR 1540, f. 22v-26v (qui permet de complé-
ter la liste de AR 1570).
320 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES
5. — Chacara Viloma
« cinco suyos atrabesados en très partes » :
a) « primera parte de abaxo » :
1. aracapi
2. quillacas
(« Quillacas ») 3. aullagas
4. asanacas
5. andamarca carangas
b) « la otra segunda parte ... de en medio »
1. caracollo soras
2. paria
(« Soras ») 3. tapacari
4. sipe sipe
5. sipe sipe
c) « la otra tercera parte - ,. por la falda de la sierra ques lo mas alto »
1. collas de paucarolla
2. collas de chucuyto
3. pacajes de callapa
(« Collas ») 4. collas de poco poco de chiquicache
5. collas de tiaguanaco e pucarani
6. « urcosuyo collas »
7. « los de omasuyo »
8. carangas de totora
(« Carangas ») 9. chuquicota
10. colquemarca
11. andamarca y urinoca
12. asanaques de quillacas
(« Quillacas ») 13. uruquillas
14. quillacas (de guarache)
15. « aracapi que es puna »
16. totora carangas
(« Carangas ») 17. chuquicota
18. colquemarca
19. andamarca e urinoca
20. asanacas de quillacas
(« Quillacas ») 21. aullagas
22. quillacas
23. aracapi
LES MITIMAS DE LA VALLÉE DE COCHABAMBA 321
Annexe no. 2
despues que el dicho repartimiento se encomendo y que siempre los a oydo decir este
testigo que tributaron a Juan de Caruajal y a Camargo y esto les a oydo dezir este testigo
a los mismos yndios de Ayata y de Cota Soras y Uros y esto sabe délia.
[360v] ... 10. ... dixo que porque despues que este ualle se rrepartio a los cristianos y
los yndios siruen a los cristianos nunca mas desde entonçes a esta parte jamas a uisto
este testigo que ningunos de los yndios en la pregunta conthenidos ayan uenido ni an
uenydo a beneficiar las dichas tierras de las dichas chacaras del ynga ni las an beneficiado
ni senbrado sino tan solamente los yndios mitimaes deste dicho ualle los quales an tribu-
tado y an sido sujetos a los caçiques de Cochabamba y por esto la sabe.
11. ... dixo que porque de très a quatro anos a esta parte poco mas a menos
a uisto este testigo que algunos yndios Uros del rrepartimiento de Paria de Challacollo
se an uenido y entrado en el pueblo de Ayata e alli an hecho sus casas y an senbrado
algunas tierras y que en este tiempo a estado ausente el dicho licenciado Polo que dezian
questaua en el Cuzco por justicia y por esto la sabe.
12. ... dixo que lo que délia sabe es que en el tiempo que la pregunta dice
uido este testigo que algunos yndios Uros de Challacollo uenian y senbrauan en Cocha-
bamba y que porque los desajen senbrar ayudauan a senbrar y linpiar sus chacarras a los
yndios cuyas eran las tierras y trayan yerua y lena y paja para los encomenderos de los
dichos yndios de Cochabamba quando los caçiques de Cochabamba los mandauan y esto
hazian y en esto ayudauan y no en otra cosa y esto sabe délia.
[361r] ... 14. ... dixo que lo que délia sabe es que este testigo a uisto que los yndios
desta tierra ansi como estauan en las tierras donde estauan fueron encomendados a los
cristianos y ansi los taies yndios se quedaron con las tierras donde estauan quando los
encomendaron y que si algunos yndios bienen a Cochabamba Carangas o Quillacas o de
las naciones de los mitimaes questan en este ualle que lleuan sus comidas compradas por
sus rrescates o dineros y este sabe délia.
... 16. ... dixo que sabe e a uisto este testigo que los yndios de Paria an senbrado
y sienbran en Sycaya y en Capinota y en Charamoco las quales tierras sabe a uido este
testigo que el ynga se la dio a los dichos yndios Soras y Uros de Paria para que senbrasen
para si propios porque no tenyan tierras en la puna para sembrar mayz e que de las semen-
teras de las dichas tierras de Sicaya y Capinota y Charamoco y Cuchira se sustentan y
pagan y an pagado sus tributos y que las dichas tierras les bastan a los dichos yndios para
su sustento y para su tasa y esto sabe délia.
17. ... dixo que porque [361 v] este uido que nunca el ynga jamas dio ni
rrepartio tierras para maiz a ningunos yndios Uros porque no sauian beneficiar las chacar-
ras de maiz y porque eran haraganes y no sabian andar sino en las lagunas y si acaso
algun maiz sembraban en estando en choclo o maçorca se lo comian en una noche y se
yban a las lagunas donde biuian y ansi no les dio tierras de maiz ningunas el ynga para
ellos propios y esto uido este testigo y por esto la sabe.