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Cours Intégration MA62

Frédéric Hérau
Université de Reims

mai 2006
Table des matières

Introduction 2

1 Préliminaires et Rappels 3
1.1 La droite achevée R . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.2 Rappels sur les fonctions réelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.3 Dénombrabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

2 Tribus et applications mesurables 8


2.1 Tribus, espaces mesurables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
2.2 Applications mesurables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.3 Structure des fonctions mesurables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

3 Mesures et intégration 16
3.1 Mesures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
3.2 Intégration des fonctions positives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

4 Théorèmes de convergence et fonctions intégrables 26


4.1 Théorèmes de convergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
4.2 Fonctions Intégrables et ensembles de mesure nulle . . . . . . . . . . . . . . 31

5 La mesure de Lebesgue sur R 36


5.1 Un théorème de prolongement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
5.2 La mesure de Lebesgue sur R . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
5.3 Intégrale de Riemann et intégrale de Lebesgue . . . . . . . . . . . . . . . . 40

6 Espaces de fonctions intégrables 42


6.1 Les espace Lp . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
6.2 Intégrales dépendant d’un paramètre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50

7 Produit d’espaces mesurés 53


7.1 Produit d’espaces mesurables. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
7.2 Mesure produit, Théorème de Fubini. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
7.3 Changements de variables et intégration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

1
Introduction

Ce cours est la version écrite d’un cours donné partiellement ou en totalité entre 2003
et 2006 à l’Université de Reims. Il correspond à 24H de présence devant les étudiants.
A l’issue de ce cours, les étudiants doivent avoir acquis quelques automatismes d’utili-
sation de l’Intégrale de Lebesgue, en particulier l’utilisation des Théorèmes fondamentaux
suivant :
Les Théorèmes de convergence dominée et de convergence monotone,
les Théorèmes de Fubini-Tonelli et de Fubini.
Cet objectif ne doit pas être abandonné sous prétexte de difficultés passagères à com-
prendre le cours. En fait la théorie est difficile mais l’usage de l’intégrale de Lebesgue
(1906) est relativement facile. Pour l’intégrale de Riemann par contre, les théorèmes d’ap-
plication nécessitent souvent des hypothèses fortes, par exemple de convergence uniforme.
Intégrale de Lebesgue Intégrale de Riemann
←→
Théorie difficile, usage facile Théorie facile, usage délicat
L’utilisation du cours est relativement simple. Les Théorèmes, Propositions, Définitions,
et Propriétés vus au fil des chapitres sont à connaı̂tre. Les Remarques, Lemmes (résultats
intermédiaires) ne sont pas à retenir par coeur. Par manque de temps, la construction de
l’intégrale ne sera que partiellement abordée en cours.
Toute remarque sur d’éventuelles coquilles ou erreurs est bienvenue. Je tiens à remer-
cier G. Henriet pour m’avoir fourni une première version dactylographiée de la seconde
partie. Voici ci-dessous une liste quelques documents et livres dont je me suis servi pour
l’élaboration de ce cours. Les documents en ligne sont accessibles par moteur de recherche
(auteur + intégration sous google par exemple) :
[1] Bourdarias, C. Intégration et Applications, Université de Savoie, dispo. en ligne, 2000.
[2] Faraut, J. Calcul Intégral, Belin, 2000.
[3] Gapaillard, J. Intégration pour la Licence, cours et exercices corrigés, Dunod, 2002.
[4] Lerner, N. Cours d’intégration, Université de Rennes 1, dispo. en ligne, 2002
[5] Revuz, D. Mesure et Intégration, Hermann, collection Méthodes, 1997.
[6] Rudin, W. Real and complex analysis, McGraw-Hill, New-York, 1987.

2
Chapitre 1

Préliminaires et Rappels

Dans tout ce chapitre X désigne un ensemble quelconque.

1.1 La droite achevée R


Une suite réelle n’a pas toujours de valeur d’adhérence. Ceci est du au fait que R, |.|
n’est pas compact. En ajoutant deux éléments à R on peut en faire un espace compact.

Définition 1.1.1 On appelle droite achevée l’espace topologique noté R obtenu en adjoi-
gnant à R deux éléments , notés +∞ et −∞. La topologie de R est alors engendrée par
les ouverts de R et les ensembles

]a, +∞[∪ {+∞} , {−∞} ∪] − ∞, a[

(que l’on notera respectivement ]a, +∞[ et [−∞, a[). On définit de manière similaire R+
en adjoignant à R+ l’élément +∞.

La relation d’ordre sur R s’étend à R en considérant −∞ comme plus petit élément


et +∞ comme plus grand élément. Cet ordre est compatible avec la topologie puisque
les ouverts sont comme pour R des réunions d’intervalles. L’espace R jouit des propriétés
suivantes faciles à vérifier
i) R est compacte. En particulier toute partie non vide possède une borne sup et une
borne inf.
ii) R est homéomorphe à [0, 1]. Il suffit pour cela de par exemple prolonger la fonction tan
à l’intervalle [−π/2, π/2] et la fonction arctan à [−∞, +∞]. (on rappelle que [0, 1] et
[−π/2, π/2] sont homéomorphes : une simple application affine envoie continûment
l’un sur l’autre). On peut également remarquer que cet homéomorphisme peut être
pris croissant.
iii) Toute suite monotone de R est convergente.
Nous venons de voir que l’ordre de R était compatible avec celui de R. Les opérations
usuelles le sont aussi sous les conditions naturelles suivantes : soit x ∈ R

x + (±∞) = (±∞), x × (±∞) = (±∞) si x > 0, (∓)∞ sinon .

On laisse au lecteur les autres opérations naturelles, dont sont bien sur exclues (+∞) +
(−∞) et 0 × (±∞). En fait la bonne manière de considérer ces calculs est de considérer

3
le prolongement par continuité de l’addition et de la multiplication a R × R (privé des
cas exclus ci dessus). Mentionnons dès maintenant que par convention, nous poserons
systématiquement dans la suite 0 × ∞ = 0.
Une conséquence du fait que R soit compact est en particulier que l’ensemble des valeurs
d’adhérence d’une suite n’est pas vide (on rappelle que l’ensemble des valeur d’adhérence
Adh(u) d’une suite (un ) est l’ensemble des limites des sous-suites de (un ) qui convergent).
On introduit maintenant les limites inférieures et supérieures des suites réelles.

Définition 1.1.2 Soit (un )n∈N une suite de R. On définit les suites (inf k≥n uk )n∈N et
¡ ¢
supk≥n uk n∈N . Ces suites sont clairement monotones donc convergentes dans R (la
première croı̂t et la seconde décroı̂t). On note alors

lim inf un = lim ¡(inf k≥n uk )¢ = sup (inf k≥n uk )


lim sup un = lim supk≥n uk = inf (inf k≥n uk )

On a alors la

Proposition 1.1.3 Soit (un )n∈N une suite de R. Alors lim inf un (resp lim sup un ) est la
plus petite (resp. la plus grande) valeur d’adhérence de la suite. On a lim inf un ≤ lim sup un
et l’égalité a lieu si et seulement si la suite converge vers cette valeur

Preuve. Avant de commencer rappelons que la limite si elle existe peut-être ±∞ puisque
nous travaillons dans R. Considérons donc x ∈ R une valeur d’adhérence de la suite. Alors
il existe une suite extraite (unk )k∈N de (un ) qui converge vers x, et on a pour k tendant
vers l’infini
x ←− unk ≤ sup ul −→ lim sup un .
l≥nk

La limite à droite provient simplement


¡ du
¢ fait que la suite de terme général supl≥nk ul est
une suite extraite de la suite supl≥n ul qui, par définition, converge vers lim sup un . On
a donc montré que y ≤ lim sup un et on aurait de même y ≥ lim inf un .
Pour montrer que l = lim sup un est une valeur d’adhérence, on va se restreindre au
cas où −∞ < l < ∞ i.e. l ∈ R. La preuve dans le cas l = ±∞ est tout à fait semblable.
On note (vn ) la suite supn≥k uk qui converge donc en décroissant vers l. Alors pour tout
ε > 0, et n ≥ 0 il existe nε ≥ n tel que l ≤ vnε ≤ l + ε. Mais par ailleurs, vnε étant un sup,
il existe n0ε ≥ nε tel que
vn0ε − ε ≤ un0ε ≤ vn0ε
d’où l’on déduit
l − ε ≤ vn0ε − ε ≤ un0ε ≤ vn0ε ≤ l + ε.
En résumé on a montré que pour tout ε > 0 et tout N ∈ N il existe n(= n0ε ici) tel que
|un − l| ≤ ε. l est donc une valeur d’adhérence de (un ).
Pour finir, si lim inf un et lim sup un sont toutes les deux égales à l ∈ R, alors pour n
tendant vers l’infini
l ←− inf uk ≤ un ≤ sup uk −→ l,
k≥n k≥n

ce qui prouve le résultat. 2

Un autre résultat qui sera utile dans le cours concerne les sommes doubles dans R. On
note R+ = [0, +∞].

4
Lemme 1.1.4 Soit (uj,k ) une suite double de R+ . Alors
à !  
X X X X
uj,k =  uj,k  .
j k k j
P
Cette somme est simplement notée j,k uj,k .

P
Preuve. On sait déjà que pour j fixé la série kPuj,kPconverge dans R puisque son terme
général est positif. Pour la même raison la série j ( k uj,k ) converge également, ce qui
donne un sens aux séries de l’énoncé. Maintenant pour J, K ∈ N on a
XX XX X X XX XX XX
uj,k = uj,k ≤ sup uj,k = uj,k ≤ sup uj,k = uj,k .
j≤J k≤K k≤K j≤J k≤K J j≤J k≤K j K k≤K j k j
P P
Notons alors S = k j uj,k on vient de montrer que pour tout j, k,
XX
uj,k ≤ S,
j≤J k≤K

d’où il vient en prenant le sup sur K à l’intérieur de la somme finie,


XX
uj,k ≤ S,
j≤J k

puis en prenant le sup sur J, XX


uj,k ≤ S.
j k

Par symétrie on obtient l’inégalité dans l’autre sens, le résultat est alors prouvé. 2

1.2 Rappels sur les fonctions réelles


Soit X et Y deux ensembles, on désigne par F(X, Y ) l’ensemble des fonctions de X
dans Y . Lorsque Y = R ou R on définit naturellement pour f et g ∈ F(X, Y ) les fonctions
inf(f, g) et sup(f, g). Par exemple les fonctions parties positives et négatives d’une fonction
sont les deux fonctions positives définies par

f+ : x 7−→ sup(f, 0) et f− : x 7−→ sup(−f, 0),

pour lesquelles on a f = f+ − f− . Pour une famille de fonctions (fn )n∈N dans F(X, R) on
a également supn fn et inf n fn ∈ F(X, R). Il en va de même pour les fonctions lim sup fn
et lim inf fn définies respectivement sur X par

x 7−→ lim sup fn (x) et x 7−→ lim inf fn (x).

Parmi les fonctions réelles certaines jouent un rôle important en théorie de l’intégration,
il s’agit des fonctions indicatrices d’ensemble.

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Définition 1.2.1 Soit X un ensemble et A ½ ⊂ X. On appelle fonction indicatrice de A et
1 si x ∈ A
on note 11A la fonction définie par 11A (x) =
0 sinon.
½
P(X) −→ F(X, R)
L’application Φ : est injective et a les propriétés suivantes :
A 7−→ 11A
i) A ⊂ B =⇒ 11A ≤ 1B ;
ii) 11A∩B = 11A × 11B ;
iii) 11A∪B = sup(11A , 11B ) ( = 11A + 11B si A et B sont disjoints) ;
iv) 11Ac = 1 − 11A , ou on a noté Ac le complémentaire dans X de A ;
P
v) Si (Ai )i∈I est une partition de X, alors i 11Ai = 1.
Etant donnés deux ensemble A ⊂ X, B ⊂ Y , et une fonction f ∈ F(X, Y ), on rappelle
les définitions d’image et d’image réciproque d’ensemble :
f (A) = {f (x); x ∈ A} , f −1 (B) = {x ∈ X tels que f (x) ∈ B} . (1.1)
On prendra garde au fait que l’emploi des notations f et f −1 ci-dessus constitue bien sur
un abus d’écriture : la fonction f n’est pas définie sur les ensembles et la fonction f −1 ...
n’est a priori pas définie du tout ! On a alors les propriétés suivantes dont la vérification
est laissée au lecteur :
∀B ⊂ Y, f (f −1 (B)) ⊂ B, avec égalité quand f est surjective ;
∀A ⊂ X, f −1 (f (A)) ⊃ A, avec égalité quand f est injective ;
∀B, B 0 ⊂ Y , f −1 (B ∪ B 0 ) = f −1 (B) ∪ f −1 (B 0 ) ;
∀B, B 0 ⊂ Y , f −1 (B ∩ B 0 ) = f −1 (B) ∩ f −1 (B 0 ) ;
∀B ⊂ Y, f −1 (B c )) = (f −1 (B))c .

1.3 Dénombrabilité
La dénombrabilité est également au coeur des processus limites utilisés dans la théorie
de l’intégration de Lebesgue. On rappelle qu’un ensemble D est dit fini ou dénombrable
s’il est équipotent à une partie de N, c’est à dire s’il existe une injection ϕ de D dans N.
S’il est fini il peut être mis en bijection avec un ensemble du type {1, ..., n} où n est unique
et est appelé nombre d’éléments de D. S’il est infini alors il est équipotent à N : en effet,
on peut grace à l’injection ϕ ci-dessus considérer D comme une partie de N, et poser
d1 = min D, d2 = min(D/ {d1 }), ... dk = min(D/ {d1 , ...dk−1 }).
Cette définition a bien un sens puisque N est totalement ordonné et que toute partie non
vide de N admet un plus petit élément. Il est alors clair que l’application k 7−→ dk constitue
une bijection de N sur D.
On rappelle ici quelques exemples fondamentaux d’ensembles dénombrables :
i) N∗ , 2N, Z. Pour les 2 premiers par exemple on peut utiliser les application k 7−→ k + 1
et resp. k 7−→ 2k, qui sont des bijections de N sur N∗ , resp. 2N.
ii) N × N, Q. Pour le premier il suffit de l’application
(p, q) ∈ N × N 7−→ 2p (2q + 1) − 1 ∈ N
est une bijection. Le fait que Q s’injecte dans N × N implique alors que Q est
dénombrable. On obtient facilemnet que Qn l’est également.

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On peut donner une application qui sera utile dans le chapitre suivant au fait que Q
est dénombrable.

Lemme 1.3.1 Soit d un entier. Il existe une famille dénombrable de pavés compacts
de Rd (produit d’intervalle compacts) telle que tout ouvert soit réunion (nécessairement
dénombrable) d’une sous-famille de ces pavés. On peut choisir ces pavés comme produit
d’intervalles compacts d’extrémités rationnelles.

Preuve. Soit donc U un ouvert. Pour tout x = (x1 , ...xd ) ∈ U , il existe un cube ouvert
contenant x et contenu dans U puisque U est ouvert,
n o
y ∈ Rd ; |yj − xj | ≤ ρ ⊂ U,

pour un ρ non nul (c’est dû par exemple à l’équivalence des normes sur Rd ). Comme Q
est dense dans R, il existe pj et qj ∈ Q tels que

xj − ρ < pj < xj < qj < xj + ρ.


Q
Donc le compact j=1...d [pj , qj ] contient x et est contenu dans U . L’ouvert U est donc
réunion d’une sous famille de la famille des pavés d’extrémités rationnelles. Or cette fa-
mille est dénombrable, puisque équipotente à Q2d qui est dénombrable. Cela complète la
preuve. 2

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Chapitre 2

Tribus et applications mesurables

Le but de ce chapitre est de définir les objets que nous seront amenés à mesurer : les
ensembles mesurables et les fonctions mesurables. De nouveau X est a priori un ensemble
quelconque.

2.1 Tribus, espaces mesurables


Définition 2.1.1 Soit X un ensemble et M une famille de parties de X. On dit que M
est une tribu sur X si
(a) A ∈ M =⇒ Ac ∈ M,
(b) (An )n∈N ⊂ M =⇒ ∪n∈N An ∈ M,
(c) X ∈ M.

On insiste sur le fait que M n’est pas une partie de X, c’est une famille de parties. On
remarque que la propriété (c) est une conséquence immédiate de (a) et (b), pourvu que M
soit non vide. La propriété (b) est appelée stabilité par réunion dénombrable. Finalement,
on peut remarquer que (b) implique qu’une tribu et stable par intersection dénombrable.

(b0 ) (An )n∈N ⊂ M =⇒ ∩n∈N An ∈ M.

Dans la définition d’une tribu on peut remplacer (b) par (b’). Pour finir les axiomes (a)
et (c) impliquent que
(c0 ) ∅ ∈ M.
On peut de même échanger (c) et (c’) dans la définition.
Pour finir on peut remarquer que dans les axiomes d’une topologie – autre ensemble de
parties fondamental en analyse dont la definition est rappelée en (2.1)) – la dénombrabilité
ne jouait pas ce rôle central. Ce rôle va se confirmer plus loin.

Exemples 2.1.2 On peut donner déjà quelques exemples simples de tribus.


1. La tribu triviale : M = {∅, X} ;
2. La tribu grossière : M = P(X) ;
3. La tribu associée a une partition finie : Si (Ai )i∈1,...,n est une partition finie, alors

M = {∪k∈J Ak ; J ⊂ {1, ..., n}}

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est une tribu. En effet notons B(J) = ∪k∈J Ak , on trouve que B(J)c = B(J c ), c’est
à dire la stabilité par prise du complémentaire. Par ailleurs la stabilité par union
dénombrable (en fait finie) est immédiate, et implique que X ∈ M.

Définition 2.1.3 Si X est une ensemble et M est une tribu sur X, le couple (X, M)
s’appelle espace mesurable. Les éléments de M sont appelés parties mesurables de X.

La notion de tribu engendrée permet de définir des tribus sans les décrire explicitement.
On commence par remarquer que si (M)i∈I est une famille de tribu, alors

M = ∩i∈I Mi

est aussi une tribu : Si (An ) est une famille dénombrable de parties de M, alors pour
tout i ∈ I, (An ) ⊂ Mi , donc par union dénombrable on obtient ∪n∈N An ∈ Mi . Donc
∪n∈N An ∈ M. Le passage au complémentaire s’écrit de la même manière, et X appartient
à chaque Mi donc à M.
Un ensemble C de parties de X étant donné on applique maintenant cette propriété à
l’ensemble des tribus contenant C, en remarquant qu’il en existe au moins une : la tribu
grossière P(X). Cela conduit à la définition suivante :

Définition 2.1.4 Soit X un ensemble et C ⊂ P(X). On appelle tribu engendrée par C et


on note σ(C) la plus petite tribu contenant C :
\
σ(C) = M.
M tribu contenant C

En général, étant donnés un ensemble de parties C et une tribu M, pour montrer que
M = σ(C), il suffit de montrer que toute tribu contenant C contient également M. On
remarquera également que M étant une tribu quelconque contenant C, on a

σ(C) ⊂ M,

puisque σ(C) est la plus petite.


On retourne maintenant à quelques exemples de tribus engendrées. Il est ainsi immédiat
de montrer que la tribu associée à une partition est en fait la tribu engendrée par cette
partition (exemple 2.1.2). On prendra cependant garde au fait qu’en général, la tribu
engendrée par un ensemble de parties C ne coincide pas avec l’ensemble des unions de
parties de C, ni avec l’ensemble de ses intersections.
Un des exemples fondamentaux de tribus provient de la construction précédente ap-
pliquée à une topologie (i.e. l’ensemble des ouverts d’un espace topologique).

Définition 2.1.5 Soit X un espace topologique. On appelle tribu borélienne B(X) la tribu
engendrée par les ouverts de X. Ses éléments sont appelés boréliens.

Il n’est peut-être pas inutile de rappeler ce qu’est un ouvert : Une famille de parties O
de X est une topologie, dont les éléments sont appelés ouverts si

(a) U1 , U2 ∈ O =⇒ U1 ∩ U2 ∈ O,
(b) (Ui )i∈I ⊂ O =⇒ ∪i∈I Ui ∈ O, (2.1)
(c) ∅, X ∈ O.

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On remarquera en particulier que l’union se fait sur un ensemble infini quelconque, pas
forcément dénombrable.
Revenons maintenant aux boréliens. D’après la définition, un borélien peut avoir une
structure compliquée. Par exemple une réunion dénombrable de fermés est un borélien.
Ainsi Q, est un borélien de R puisque réunion dénombrable de singletons. R/Q est également
un borélien par prise du complémentaire de Q.
La tribu des boréliens de Rd , pour d ≥ 1, satisfait la propriété suivante.

Proposition 2.1.6 On a
i) La tribu B(R) est engendrée par l’une quelconque des familles d’intervalles :

{] − ∞, a[; a ∈ R} , {] − ∞, a]; a ∈ R} , {]a, +∞[; a ∈ R} , {[a, +∞[; a ∈ R}


{[a, b]; a, b ∈ R} , {]a, b[; a, b ∈ R} , {]a, b]; a, b ∈ R} , {[a, b[; a, b ∈ R} .

ii) La tribu B(Rd ) est engendrée par les pavés compacts (produits d’intervalles fermés).

Preuve . On va d’abord prouver la troisième assertion. Soit C l’ensemble des pavés


compacts. On a C ⊂ B(Rd ) donc aussi

σ(C) ⊂ B(R).

Pour obtenir l’inclusion réciproque, on considère σ(C) la tribu engendrée par les pavés
compact. Alors d’après le Lemme 1.3.1, tout ouvert U est réunion dénombrable de pavés
compacts (que l’on peut prendre d’extrémités rationelles) donc U ∈ σ(C) puisque σ(C) est
une tribu. La topologie O toute entière (l’ensemble des ouvert) est donc inclue dans σ(C)
et on obtient
O ⊂ σ(C) =⇒ σ(O) ⊂ σ(C).
Puisque σ(C) est par définition l’ensemble des boréliens, on a prouve l’inclusion réciproque

B(Rd ) ⊂ σ(C)

et l’égalité en découle.
Pour la deuxième assertion, le cas des intervalles fermés du type [a, b] est un cas
particulier pour d = 1 de ce qui vient d’être prouvé. Par ailleurs pour tout a ≤ b ∈ R, on
a
[a, b] = ∩n∈N ]a − 1/n, b + 1/n[
On obtient que les pavés fermés sont dans la tribu des pavés ouverts, et que donc la tribu
B(Rd ) est aussi engendrée par les pavés ouverts, et par la même procédure par les pavés
mixtes. De même on remarque que

[a, b] = [a, +∞[∩] − ∞, b] = [a, +∞[∩]b, +∞[c = [a, +∞[∩ (∪n∈N [b + 1/n, +∞[)c ,

donc la tribu B(Rd ) est aussi engendrée par les intervalles du type [a, ∞[. Les autres cas
se traitent de manière identique. 2

Remarque 2.1.7 La même preuve donne également que la tribu B(R) est engendrée par
l’une quelconque des familles d’intervalles suivante :

{[−∞, a[; a ∈ R} , {[−∞, a]; a ∈ R} , {]a, +∞]; a ∈ R} , {]a, +∞[; a ∈ R} .

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On introduit également les tribus associées à une fonction :

Proposition 2.1.8 (Tribu image réciproque) Soit X un ensemble, (Y, N ) un espace


mesurable et f : X 7−→ Y une application. Alors l’ensemble
def © ª
f −1 (N ) = f −1 (B); B ∈ N

est une tribu, appelée tribu image réciproque de N par f . (On l’appelle également tribu
engendrée par f , et elle est parfois notée σ(f ).)

Preuve. La preuve est une conséquence directe des propriétés sur les images réciproques
sur les fonctions rappelées en fin de Section 2.2 : Si B ∈ N , alors
¡ −1 ¢c
f (B) = f −1 (B c ) ∈ f −1 (N ),

de plus
f −1 (Y ) = X ∈ f −1 (N ),
et enfin pour (Bn ) une suite de parties mesurables de Y on a

∪n∈N f −1 (Bn ) = f −1 (∪n∈N Bn ) ∈ f −1 (N ),

ce qui implique le résultat. 2

Pour finir cette partie sur les tribus on introduit

Définition 2.1.9 (Tribu produit) Soit (Xi , Mi )1≤i≤n


N une famille finie d’espace mesu-
rables. On appelle tribuQproduit des Mi et on note 1≤i≤n Mi la tribu engendrée par
la famille
Q des produits A lorsque
1≤i≤n i N Ai ∈ Mi . On appelle alors espace
Q produit l’en-
semble 1≤i≤n Xi muni de la tribu 1≤i≤n Mi . On le notera parfois 1≤i≤n (Xi , Mi ).

Exemple 2.1.10 On pourra par exemple vérifier en exercice que

B(R) ⊗ B(R) = B(R2 ).

2.2 Applications mesurables


Définition 2.2.1 Soient (X, M) et (Y, N ) deux espaces mesurables. Une application f :
X −→ Y est dite mesurable si pour tout B ∈ N , f −1 (B) ∈ M. (Ceci s’écrit aussi
f −1 (N ) ⊂ M).

On remarquera que si M = P(X) ensemble des parties de X, alors toute fonction


est mesurable. C’est de toute façon la plus grosse tribu possible sur X. Réciproquement
on peut se demander quelle est la plus petite tribu sur X rendant f mesurable. c’est
évidement f −1 (N ), la tribu engendrée par f .

Exemple 2.2.2 On pourra verifier que si A est un ensemble mesurable, alors la fonction
caractéristique 11A est mesurable (l’espace d’arrivée est ici R muni de la tribu borélienne).

11
En effet, pour B ∈ B(R), l’ensemble 11−1
A (B) est soit le vide soit A, et dans tout les cas
dans M.

Remarque 2.2.3 Lorsque les espaces X et Y sont des espaces topologiques, ils sont munis
naturellement de leur tribu borélienne. Les fonctions mesurables de X dans Y sont alors
dites boréliennes. Le cas des fonctions à valeur réelles sera en particulier très important.
Les fonctions mesurables se composent bien :
Proposition 2.2.4 Soient (X, M), (Y, N ) et (Z, ) trois espaces mesurables et
f g
X −→ Y −→ Z

des applications mesurables. Alors g ◦ f est mesurable.

Preuve. Soit C ∈ T . Alors (g ◦ f )−1 (C) = f −1 (g −1 (C)) ∈ M. 2

La définition de mesurabilité n’est a priori pas très maniable. Dans la pratique pour
montrer qu’une application est mesurable, on utilise souvent le critère suivant

Proposition 2.2.5 Soient (X, M) et (Y, N ) deux espaces mesurables. On suppose que
N = σ(C) pour un ensemble C donné. Pour que f soit mesurable il ( faut et il) suffit que
f −1 (C) ⊂ M.

Preuve. Pour montrer que f est mesurable, il faut montrer que pour tout B ∈ N , on
f −1 (B) ∈ M. Considérons donc cet ensemble
© ª
T = B ∈ N ; f −1 (B) ∈ M ⊂ N

et montrons qu’il vaut N tout entier. Pour ça il suffit de montrer que c’est une tribu qui
contient C ce qui donnera
N = σ(C) ⊂ σ(T ) = T ,
d’où le résultat. Il est clair que cet ensemble contient C puisque f −1 (C) ⊂ M. Montrons
que c’est une tribu : Pour B ∈ T , on a f −1 (B c ) = (f −1 (B))c ∈ M puisque M est une
tribu. De plus, f −1 (Y ) = X ∈ M. Enfin si (Bn ) est une suite d’éléments de T , on a
f −1 (∪n∈N Bn ) = ∪n∈N (f −1 (Bn )) ∈ M. Donc T est une tribu. 2

La première application de cette proposition est fondamentale, ne serait-ce que pour


la légitimité de la théorie de la mesure que nous sommes en train de construire.

Proposition 2.2.6 Soient (X1 , O1 ) et (X2 , O2 ) deux espaces topologiques munis de leurs
tribus boréliennes respectives. Alors toute fonction continue de X1 dans X2 est mesurable.

Preuve. La continuité d’une fonction signifie que f −1 (O2 ) ⊂ O1 (suivant les conventions
d’écritures habituelles). Notons B1 et B2 les tribus boréliennes associées à X1 et X2 . On
obtient donc que a fortiori que f −1 (O2 ) ⊂ B1 . Or σ(O2 ) = B2 donc la Proposition 2.2.5
implique le résultat.
La deuxième application est un critère relativement simple pour montrer la mesurabi-
lité d’une fonction à valeur dans R ou R.

12
Sauf mention explicite du contraire on supposera lorsque l’espace d’arrivée est R ( resp.
R) qu’il est toujours muni de sa tribu des boréliens. Une application sera alors simplement
dite mesurable sans référence aux tribus.

Proposition 2.2.7 Soit (X, M) un espace mesurable et f : X −→ R (resp R) une appli-


cation. Les énoncés suivants sont équivalent :

i) f est mesurable, ii) ∀b ∈ R, {f < b} ∈ X, iii) ∀b ∈ R, {f ≤ b} ∈ X,


(2.2)
iv) ∀b ∈ R, {f > b} ∈ X, v) ∀b ∈ R, {f ≥ b} ∈ X,

Preuve. La preuve est immédiate : il suffit de considérer les ensembles générateurs de la


tribu des boréliens vus dans le i) de la Proposition 2.1.6 et d’utiliser la Proposition 2.2.5.
On fera attention au fait que lorsque l’espace d’arrivée est R, on a {f < b} = f −1 (]−∞, b[)
alors que si l’espace d’arrivée est R, c’est f −1 ([−∞, b[).

Exemple 2.2.8 Considérons une fonction monotone f : X −→ R, où X est une partie
mesurable de R, que l’on muni de la tribu B(R) ∩ X (voir exercices). Pour fixer les idées
supposons f par exemple croissante. Pour b ∈ R, posons

A = f −1 (] − ∞, b])

On vérifie que si a ∈ A, alors pour tout x ≤ a, on a f (x) ≤ f (a) ≤ b donc x ∈ A. On vient


de montrer que A est un intervalle (de X) du type ] − ∞, sup A[∩X ou ] − ∞, sup A] ∩ X.
C’est donc un élément de B(R) ∩ X. Par suite f est mesurable.
En troisième application de la Proposition 2.2.5, on étend le Lemme de composition
des fonctions et on étudie la stabilité de l’espace des fonctions mesurables vis a vis des
opérations usuelles.

Proposition 2.2.9 Soient (X, M) et (Y, N ) deux espaces mesurables et Rd muni de la


d
tribu des Boréliens (resp R+ ). Soient alors u1 , ..., ud des applications mesurables de X dans
d
R (resp R+ ) et Φ une application mesurable de Rd (resp R+ ) dans Y . Alors l’application

X −→ Y
x 7−→ Φ(u1 (x), ..., ud (x))

est mesurable.
En particulier si f , g : X −→ R (resp R+ ) sont mesurables, alors alors f + g, f g,
sup(f, g), inf(f, g) le sont aussi. (on fait la convention 0 × ∞ = 0)
De plus, f : X −→ C est mesurable si et seulement si Re (f ) et Im (f ) le sont et dans
ce cas |f | l’est aussi. Si f , g : X −→ C sont mesurables, alors f + g et f g le sont aussi.

Preuve . Pour montrer la première partie de la proposition, il suffit de montrer la


mesurabilité de l’application u : x −→ (u1 (x), ...ud (x)) de X dans R. Vérifions que l’image
réciproque d’un pavé compact est dans M. On a :
 
Y \
u−1  [aj , bj ] = u−1
j ([aj , bj ]).
1≤j≤d 1≤j≤d

13
Or les uj sont mesurables, donc cet ensemble est dans M.
Pour la deuxième partie, la preuve est immédiate : par exemple l’addition est continue
donc mesurable de R2 dans R, ce qui donne la mesurabilité de f + g. Pour la multiplica-
tion, on a le même résultat. Pour le cas de la droite achevée positive, et avec la convention
0 × ∞ = 0, l’addition est continue donc mesurable et la multiplication est mesurable (at-
2
tention elle n’est pas continue sur R ), ce qui donne le résultat. On fait de même pour les
applications à valeur dans C. 2

2.3 Structure des fonctions mesurables


Proposition 2.3.1 Soit (X, M) un espace mesurable et (fn )n∈N une suite de fonctions
mesurables de X dans R. Alors les fonctions sup fn , inf fn , lim sup fn et lim inf fn sont
mesurables. En particulier la limite simple d’une suite de fonctions mesurables est mesu-
rable.

Preuve. Posons g = sup fn . On utilise de nouveau la Proposition fondamentale 2.2.5 :


Soit b ∈ R, on a
g −1 (]b, +∞]) = ∪n∈N fn−1 (]b, +∞]) ∈ M
par union dénombrable dans M. En effet pour x dans g −1 (]b, +∞]), on a

sup fn (x) = g(x) > b ⇐⇒ ∃n0 ∈ N, tel que fn0 (x) > b.
n∈N

D’après la remarque 2.1.7, la tribu des boréliens B(R) est engendrée par la famille des
intervalles du type ]b, +∞], donc sup fn est mesurable. Par ailleurs les identités

inf fn = − sup(−fn ), lim sup fn = inf (sup fk ), lim inf fn = sup( inf fk )
n k≥n n k≥n

assurent la mesurabilité des fonctions correspondantes. Si pour tout x ∈ X, fn (x) converge,


alors d’après la proposition 1.1.3, lim fn (x) = lim sup fn (x) donc la limite simple de fn est
mesurable. 2

On a déjà vu qu’une fonction caractéristique était mesurable. La famille suivante est


importante

Définition 2.3.2 Soit (X, M) un espace mesurable. Une fonction s est dite étagée sur X
si s : X −→ R+ est mesurable et ne prend qu’un nombre fini de valeurs.
Si on note α1 , ..., αm les valeurs distinctes prises par s et si on note pour chaque k
Ak = s−1 ({αk }) = {x ∈ X; s(x) = αk } , alors l’ensemble des Ak P forme une partition de
X et on appelle écriture canonique l’écriture unique suivante s = 1≤k≤m αk 11Ak .

Une fonction étagée s est donc une combinaison linéaire finie de fonctions indicatrices
mesurables. Il est facile de vérifier que l’ensemble des fonctions étagées forme une algèbre.
La Proposition suivante sera très utile pour construire l’intégrale d’une fonction dans le
prochain chapitre :

Théoreme 2.3.3 Soit (X, M) un espace mesurable et f : X −→ R+ une application


mesurable. Il existe une suite de fonctions étagées (sn )n≥1 telle que

14
i) 0 ≤ s1 ≤ s2 ≤ .. ≤ sn ≤ sn+1 ≤ ... ≤ f , (suite croissante de fonctions)
ii) ∀x ∈ X, limn→∞ sn (x) = f (x), (convergence simple),
ce que l’on notera lim ↑ sn = f . Si en plus f est bornée, alors la convergence de sn vers f
est uniforme, i.e.
lim sup |sn (x) − f (x)| → 0.
n→∞ x∈X

Bien sur la réciproque du point ii) est vraie par simple application de la Proposition
2.3.1 : Si f est limite simple d’une suite de fonction étagées, alors elle est mesurable. Pour
prouver le théorème, on va utiliser la méthode des approximations dyadiques tronquées. Il
faut noter que c’est la première mise en oeuvre du principe de découpage suivant l’espace
d’arrivée.

Preuve. Pour tout n ∈ N, on définit la fonction suivante :


½ k £ £
2n si f (x) ∈ 2kn , k+1
2n , pour 0 ≤ k ≤ n2n − 1 (découpage)
sn (x) =
n si f (x) ≥ n (troncature)
ce qui correspond à un découpage à l’arrivée de l’intervalle [0,n] en n2n intervalles de même
longueur. Pour tout n ≥ 1, la fonction sn est étagée, et on a précisément
X k
sn = 11 k + n11{f ≥n}
2n { 2n ≤f < 2n }
k+1

0≤k≤n2n −1

ce qui implique qu’elle est mesurable puisque f l’est.


Montrons d’abord que sn est une suite croissante de fonctions (à ne pas confondre avec
n+1
une suite de fonctions croissantes...). Soit x ∈ X et n ∈ N. Si f (x) ≥ n = n2 2n+1
alors
k2n+1
sn+1 (x) vaut soit n + 1 ≥ n soit 2n+1 pour un k ≥ n, ce qui implique dans les deux cas
sn+1 (x) ≥ sn (x). Si maintenant f (x) < n, alors il existe un entier k unique tel que
k k
n
≤ f (x) < n < n,
2 2
ce qui implique
2k 2k + 1 2k + 1 2k + 2
n+1
≤ f (x) < n+1 < n ou n+1
≤ f (x) < n+1 < n.
2 2 2 2
2k
Dans le premier cas, sn+1 = 2n+1 = 2kn = sn (x), et dans le deuxième sn+1 = 2k+1
2n+1
> k
2n =
sn (x). Dans tout les cas on a montré que sn+1 (x) ≥ sn (x).

Etablissons ensuite la convergence simple de sn vers f : Soit x fixé, alors — si f (x) =


+∞, on a sn (x) = n → ∞ = f (x) lorsque n tend vers l’infini, — si f (x) est fini, alors
pour n > f (x) on a
f (x) − 1/2n ≤ sn (x) < f (x), (2.3)
donc sn (x) tend vers f (x) par le théorème des gendarmes.

Supposons maintenant que f est bornée de borne M . Alors pour tout n ≥ M , l’inégalité
2.3 est satisfaite pour tout les x, ce qui implique que
1
sup |sn (x) − f (x)| ≤ −→n→∞ 0
x∈X 2n
cela conclue la preuve du Théorème. 2

15
Chapitre 3

Mesures et intégration

Dans le Chapitre précédent nous avons répertorié les ensembles susceptibles d’être
mesuré, ainsi que les fonctions mesurables. Il est temps maintenant de leur associer effec-
tivement une quantité à l’aide des mesures.

3.1 Mesures
Définition 3.1.1 Soit (X, M) un espace mesurable. Une mesure positive sur X est une
application µ : M 7−→ R+ telle que

(a) µ(∅) = 0,
(b) si (An )n∈N est une suite d’éléments de M deux a deux disjoints, alors
X
µ(∪n∈N An ) = µ(An ) (additivité dénombrable).
n∈N

Le triplet (X, M, µ), où simplement X s’il n’y a pas d’ambiguté sur la tribu et la mesure
est alors appelé espace mesurable. De plus lorsque X est de mesure finie égale à 1, on dit
que µ est une mesure de probabilité.

On peut donner quelques exemples simples de telles mesures :

Exemples 3.1.2
1. Si X est une ensemble fini, muni de la tribu P(X), on peut considérer la mesure µ0
définie par
µ0 (A) = Card(A).

2. Si X est une ensemble fini non vide, muni de la tribu P(X), on peut considérer la
mesure µ1 définie par
µ1 (A) = Card(A)/Card(X).
On vérifiera alors que µ1 est une mesure de probabilité .
3. Une extension de la première mesure est la mesure de comptage : Si X est une
ensemble quelconque, muni de la tribu P(X), on peut considérer la mesure µ définie
par ½
Card(A) si A est fini ,
µ2 (A) =
∞ si A est infini.

16
4. Si X est une ensemble non vide, muni de la tribu P(X), et si a est un élément de X
fixé, on peut considérer la mesure de Dirac δa , définie par
½
1 si a ∈ A,
δa (A) =
0 si a 6∈ A.
P
On pourra remarquer que formellement au moins, on a la relation µ2 = a∈X δa .
5. L’un des but du cours est de construire une mesure sur la tribu B(R) des boréliens de
R, qui sera appelée mesure de Borel, avec au moins la propriété naturelle suivante :
Pour a ≤ b, la mesure de l’intervalle [a, b] est donnée par

µ([a, b]) = b − a.

Il est facile d’étendre µ à une réunion finie d’intervalle, par contre l’extension à
l’ensemble des boréliens de R est difficile et sera abordée au Chapitre 5.
6. On se donne une fonction ν continue et positive sur R. On cherche alors à définir la
mesure de densité µν sur la tribu des boréliens qui, sur les intervalles, vaut
Z b
µν (]a, b[) = ν(t)dt.
a

L’intégrale étant celle de Riemann. Il s’agit en fait de l’extension de l’exemple


précédent dans lequel on avait ν = 1. De nouveau il est simple de définir µν sur
les réunions d’intervalles, et le prolongement à tout B(R) sera vu plus tard.
7. Nous construirons également la mesure d
Qde Borel sur R . Il s’agit d’une mesure définie
sur les Boréliens et qui sur les pavés 1≤j≤d [aj , bj ] vaut
 
Y Y
µ [aj , bj ] = (bj − aj )
1≤j≤d 1≤j≤d

lorsque aj ≤ bj (0 sinon). C’est la version d-dimensionnelle de l’exemple 5.


8. Probabilité de Cauchy sur R de paramètre α > 0. Il s’agit de la mesure positive de
densité
1 α
ν(t) = .
π α 2 + t2
C’est une mesure de Probabilité puisque
Z +∞ · ¸+∞
1
µ(R) = ν(t) = arctan(t/α) = 1.
−∞ π −∞

On peut rappeler la définition de la fonction de répartition d’une mesure de proba-


bilité sur (un sous-ensemble de ) R :

Fν (t) = µ(] − ∞, t])

C’est une fonction définie sur R, continue à droite, croissante de limite 0 en −∞ et


1 en +∞.
9. Probabilité de Gauss de moyenne m et écart-type σ. C’est la mesure positive de
densité
1 (x − m)2
ν(x) = √ exp − .
σ 2π 2σ 2

17
10. Probabilité de Bernouilli de paramètre p ∈ [0, 1]. C’est une mesure de probabilité sur
l’ensemble {0, 1} définie par µ = pδ0 + (1 − p)δ1 .
11. Probabilité binomiale de paramètres n ∈ N∗ et p ∈ [0, 1]. C’est une mesure de pro-
babilité sur l’ensemble fini {0, 1, ..., n} muni de la tribu de ses parties, et définie
par X
µ= Cnk pk (1 − p)n−k δk .
0≤k≤n

On pourra vérifier que pour A ⊂ P(Nn ),


X
µ(A) = Cnk pk (1 − p)n−k .
k∈A

12. Probabilité de Poisson de paramètre λ > 0. C’est la mesure de Probabilité sur N


muni de la tribu de ses parties, et définie par
X λk
µ = e−λ δk .
k!
k∈N

Après la revue de ces exemples, passons aux propriétés des mesures positives.

Proposition 3.1.3 Soit (X, M, µ) un espace mesuré , où µ est une mesure positive. Les
propriétés suivantes sont satisfaites :
i) Additivité forte :

∀A, B ∈ M, µ(A ∪ B) + µ(A ∩ B) = µ(A) + µ(B);

ii) Monotonie :
∀A, B ∈ M, A ⊂ B =⇒ µ(A) ≤ µ(B);
iii) σ-sous additivité :
X
∀(An )n∈N ⊂ M, µ(∪n∈N An ) ≤ µ(An );
n∈N

iv) Continuité croissante : Pour toute suite croissante (An )n∈N d’ensembles mesurables
on a
µ(∪n∈N An ) = lim µ(An ) = sup µ(An );
n→∞ n≥0

v) Continuité décroissante : Pour toute suite décroissante (An )n∈N d’ensembles mesu-
rables, telle que µ(A0 ) < ∞, on a

µ(∩n∈N An ) = lim µ(An ) = inf µ(An ).


n→∞ n≥0

Preuve. i) On a A ∪ B = (A ∩ B c ) ∪disj B, donc µ(A ∪ B) = µ(A ∩ B c ) + µ(B) d’où

µ(A ∪ B) + µ(A ∩ B) = µ(A ∩ B c ) + µ(A ∩ B) +µ(B)


| {z }
µ(A)

d’ou le résultat.

18
ii) Provient directement du fait que A ∪ disj (A ∩ B c ) = B.
iii) On définit une suite (Bn ) d’ensembles de la manière suivante :
B0 = A0 , et ∀n ≥ 1, Bn = An \ ∪k≤n−1 Ak .
Les ensembles Bn sont dans M, deux à deux disjoints et on a ∪n∈N An = ∪n∈N Bn . On en
déduit X X
µ(∪n∈N An ) = µ(∪n∈N Bn ) = µ(Bn ) ≤ µ(An )
n∈N n∈N
puisque pour chaque n ∈ N, Bn ⊂ An .
iv) On définit une suite (Bn ) d’ensembles de la manière que pour iii) ce qui donne ici
puisque la suite est croissante
B0 = A0 , et ∀n ≥ 1, Bn = An \ ∪k≤n−1 Ak .
Les ensembles Bn sont dans M, deux à deux disjoints et on a de plus pour tout n ∈ N,
An = ∪k≤n Ak = ∪k≤n Bk
ainsi que ∪n∈N An = ∪n∈N Bn . On peut alors écrire
X X
µ(∪n∈N An ) = µ(∪n∈N Bn ) = µ(Bn ) = lim µ(Bk ) = lim µ(An ) = sup µ(An ).
n→∞ n→∞ n∈N
n∈N k≤n

v) On va se ramener au cas du iv). On pose A = ∩An On a


A0 \(∩An ) = A0 ∩ (∪Acn ) = ∪n∈N (A0 ∩ Acn ) .
| {z }
suite croissante

D’après iv) appliqué à la suite (A0 ∩ Acn ), on obtient que


lim µ(A0 ∩ Acn ) = µ(A0 ∩ Ac ) = µ(A0 \A)
n→∞

Par ailleurs A0 est de mesure finie (c’est ici qu’on utilise l’hypothèse), donc pour chaque
k on
∞ > µ(A0 ) = µ(An ) + µ(A0 ∩ Acn ), ainsi que ∞ > µ(A0 ) = µ(A) + µ(A0 ∩ Ac ).
En particulier µ(An ), µ(A0 ∩ Acn ) et µ(A0 ) sont des réels ce qui donne
en décroissant
µ(An ) = µ(A0 ) − µ(A0 ∩ Acn ) −→ µ(A0 ) − µ(A0 ∩ Ac ) = µ(A).
Cela termine la preuve. 2

Remarque 3.1.4
1. Si la mesure est finie on peut appliquer la continuité décroissante sans restriction,
puisque pour tout A0 premier terme d’une suite, µ(A0 ) est fini.
2. Réciproquement on peut étudier la suite d’ensembles suivante : soit pour tout n ∈ N,
An = {n, n + 1, n + 2, ...} ⊂ N muni de la tribu de ses parties et de la mesure de
comptage. C’est une suite décroissante et on a
∞ = lim µ(An ) 6= µ(∩An ) = µ(∅) = 0
La condition portant sur A0 n’est pas satisfaite pour cette suite. On pourra vérifier
qu’une condition nécessaire et suffisante est en fait qu’il existe n0 tel que µ(An0 ) < ∞.

19
3.2 Intégration des fonctions positives
Le but de cette section est de définir l’intégrale par rapport à µ des fonctions mesurables
positives. Dans un premier temps on va définir l’intégrale des fonctions étagées, qui ont
été définies en 2.3.2. On pourra se rappeler que les ensembles mesurables intervenant dans
la définition peuvent être assez compliques, et la tribu M très grosse (elle contient par
exemple les réunions dénombrables d’intersections dénombrables d’ouverts....)

Lemme 3.2.1 Soit (X, M, µ) un espace mesuré P où µ est une mesure positive. Soit s une
fonction étagée d’écriture canonique s = 1≤k≤m αj 11Ak (voir la définition 2.3.2). On
pose alors
def
X
I(s) = αk µ(Ak ), (3.1)
(avec la convention 0 × ∞ = 0). On a alors pour s, t étagées et λ ≥ 0,

I(s) = sup I(σ), (3.2)


σ étagée ,σ≤s

ainsi que

I(s + t) = I(s) + I(t), I(λs) = λI(s), et s ≤ t ⇒ I(s) ≤ I(t) (3.3)

Preuve. Montrons d’abord la première assertion. Considérons deux fonctions étagées σ


et s telles que σ ≤ s. On sait que l’on peut écrire
X X
σ= βk 11Bk et s = αj 11Aj
k≤m j≤n

où (Aj ) et (Bk ) forment une deux partitions de X. En particulier on peut écrire que pour
chaque k ≤ m on a X
µ(Ak ) = µ(Ak ∩ Bj ),
j≤n

d’où X X
I(σ) = βk µ(Bk ) = βk µ(Bk ∩ Aj )
k≤m k≤m, j≤n

On constate alors que soit Bk ∩ Aj = ∅ qui est de mesure nulle, soit Bk ∩ Aj 6= ∅, auquel
cas pour x ∈ Bk ∩ Aj on a
βk = σ(x) ≤ s(x) = αj
ce qui donne X X
I(σ) ≤ αj µ(Bk ∩ Aj ) = αj µ(Aj ) = I(s)
k≤m, j≤n j≤n

puisque (Bk ) est une partition de X.


Le dernier point de la proposition est immédiat compte tenu de la définition. Pour la
propriété de multiplication par un scalaire, soit λ ≥ 0. Si λ = 0 l’assertion est triviale,
sinon lorsque λ > 0 on écrit que pour s étagée on a
   
X X X
I(λs) = I λ αj 11Aj  = I  λαj 11Aj  = λαj µ(Aj ) = λI(s)
j≤n j≤n j≤n

20
d’après la définition de I.
La preuve de la propriété concernant la somme est à peine plus difficile. On considère s
et t deux fonctions étagées. Alors la somme s + t est également étagée (elle ne prend qu’un
nombre fini de valeurs) et mesurable (comme somme de fonctions mesurables). Précisément
on peut écrire
X X X
s= αj 11Aj , t = βk 11Bk , s + t = (αj + βk )11Aj ∩Bk
j≤n k≤m j≤n,k≤m

où pour s et t on a choisi l’écriture canonique. On obtient ainsi que


X X
I(s) + I(t) = αj µ(Aj ) + βk µ(Bk )
j≤n k≤m

Mais puisque Ak et Bj forment deux partitions de X on peut écrire


X
I(s) + I(t) = (αj + βk )µ(Bk ∩ Aj )
k≤m, j≤n

Pour calculer I(s + t) il faut identifier l’écriture canonique de s + t. Indexons par l ≤ p


l’ensemble des valeurs différentes γl prises par αj + βk lorsque j ≤ n et k ≤ m. On a alors
X
s+t= γl 11Cl
l≤p

où on a posé Cl = (s + t)−1 ({γl }). On a alors par définition


X
I(s + t) = γl µ(Cl ).
l≤p

Mais par ailleurs [


Cl = Aj ∩ Bk
j, k, tels que
αj + βk = γl

où l’union est finie et disjointe, donc


X
µ(Cl ) = µ(Aj ∩ Bk )
j, k, tels que
αj + βk = γl

ce qui donne finalement


X X X X
I(s + t) = γl µ(Aj ∩ βk ) = (αj + βk )µ(Aj ∩ βk )
l≤p j, k, tels que l≤p j, k, tels que
αj + βk = γl αj + βk = γl
X
= (αj + βk )µ(Aj ∩ βk ) = I(s) + I(t),
j≤n, k≤m

d’où le résultat. Le Lemme est prouvé. 2

Remarques 3.2.2

21
1. La quantité I(s) a été définie en utilisant l’écriture canonique de s, en particulier
pour chaque k, on a Ak = s−1 (αk ) avec des réels positifs αk tous différents. On peut
en fait montrer (le faire) sans difficulté que la formule de définition (3.1) est valable
même si l’écriture de s n’est pas canonique.
2. On notera aussi que fonction nulle est étagée et que I(0) = 0. Une alternative pour
éviter d’avoir affaire appel à la convention 0 × ∞ = 0 est de ne considérer que les
fonctions étagées non nulles et les αk > 0. La fonction nulle n’est alors plus étagée
et on pose alors I(0) = 0.
3. On voit dans cette définition le point fondamental de la théorie de Lebesgue qui est
de découper l’ensemble d’arrivée et d’y regarder les valeurs prises par la fonction
(pour les fonctions étagées suivant les valeurs des αj ) puis de considérer les images
réciproques (ici les Aj ) par la fonction. C’est évidement une procédure différente
de celle employée pour construire l’intégrale de Riemann, où on découpe d’abord
l’espace de départ en intervalles, sur lesquels on regarde les valeurs prises par la
fonction à intégrer. Nous verrons plus loin que l’intégrale de Lebesgue, construite
par la première procédure solutionne un certain nombres de problèmes laissés ouverts
par l’intégrale de Riemann.

On peut maintenant définir l’intégrale des fonctions mesurables de X dans R+ .


Définition 3.2.3 Soit (X, M, µ) un espace mesuré où µ est une mesure positive. Pour
f : X 7−→ R+ mesurable, on pose
Z
f dµ = sup I(σ)
X s étagée, s≤f

Remarque 3.2.4
1. On observe évidement tout de suite que si f est étagée, on a
Z
f dµ = I(f )
X
au sens de la définition du lemme
R 3.2.1. Lorsqu’ilR n’y a pas d’ambiguité sur l’espace
d’intégration, on pourra noter f dµ au lieu de X f dµ.
2. Pour A ∈ M, on définit également l’intégrale sur A d’une fonction f : X 7−→ R+
mesurable, définie par Z Z
f dµ = f 11A dµ.
A X
3. Dans la définition 3.2.3, le sup peut être pris sur une suite croissante de fonctions
mesurables étagées positives. C’est un résultat important en pratique que l’on donne
dans le lemme qui suit. On rappelle également que la limite de telles suites caractérise
justement les fonctions mesurables positives par le Théorème 2.3.3. Le résultat qui
vient peut également être considéré comme un premier résultat d’interversion de
limite et d’intégrale.
Lemme 3.2.5 Soit (X, M, µ) un espace mesuré où µ est une mesure positive. Considérons
une suite croissante (sn ) de fonctions étagées positives telles que lim ↑ sn = f (limite
simple) avec donc f : X 7−→ R+ mesurable. On a alors
Z Z Z
lim ↑ sn dµ = lim ↑ sn dµ = f dµ.

22
R
Preuve. On commence par mentionner que la suite numérique ( sn dµ) converge bien
dans R+ , étant croissante d’après le Lemme 3.2.1. D’après la Définition 3.2.3, l’inégalité
Z Z
lim ↑ sn dµ ≤ f dµ

est immédiate. Prouvons-la dans l’autre sens. Pour cela il suffit de montrer que si g ≤ f
est une fonction étagée, alors
Z Z
gdµ ≤ lim ↑ sn dµ. (3.4)

On considère pour cela 0 < ε ≤ 1 un réel, et on pose pour tout n ∈ N


def
An = {sn ≥ (1 − ε)g} = {x ∈ X; sn (x) ≥ (1 − ε)g(x)} .

Comme (sn ) est une suite croissante de fonctions, (An ) définit une suite croissante d’en-
sembles mesurables de réunion X puisque sn converge simplement vers f ≥ g. On a
également grace à la définition des An que pour tout n

sn ≥ (1 − ε)g11An

ce qui implique par la propriété de croissance du Lemme 3.2.1 que


Z Z
sn dµ ≥ (1 − ε) g11An dµ.
P
P canonique g = 1≤k≤m αk 11Bk alors g11An , qui est également
Si maintenant g a pour écriture
une fonction étagée s’écrit 1≤k≤m αk 11Bk ∩An et on obtient que
Z X X Z
g11An dµ = µ(An ∩ Bk ) −→ µ(Bk ) = gdµ lorsque n → ∞,
k≤m k≤m

où la convergence vient de la propriété de continuité croissante de la mesure µ, point iv)


de la Proposition 3.1.3. On a ainsi obtenu que
Z Z
lim ↑ sn dµ ≥ (1 − ε) gdµ

ce qui implique (3.4) puisque ε est arbitrairement petit. Le lemme est donc prouvé. 2

Exemples 3.2.6 Il est utile de reprendre les exemples du paragraphe précédent, et les
intégrales correspondantes.
1. On considère X = {x1 , ..., xn } un ensemble fini, muni de la tribu P(X) et de la
mesure définie par µ0 (A) = Card(A) pour A ⊂ X. Toutes les fonctions sont alors
étagées et mesurables, et on obtient pour une telle fonction f
Z Z X
n n
X
f dµ0 = f (xj )11{xj } dµ0 = f (xj ).
j=1 j=1

23
2. Sur le même espace (de cardinal n) muni de la mesure µ1 définie par µ1 (A) =
Card(A)/n. on obtient
Z Z X
n n
X
f dµ1 = f (xj )11{xj } dµ0 = f (xj )/n.
j=1 j=1

3. Pour la mesure de comptage µ2 , définie sur X = {xi , i ∈ I} quelconque muni de la


tribu P(X), on obtient de même
Z X X
def
f dµ2 = f (xi ) = sup f (xi )
i∈I J fini ⊂I i∈J

4. Si X est une ensemble non vide, muni de la tribu P(X), et si a est un élément de X
fixé, on a lorsque µ est la mesure de Dirac δa ,
Z
f dµ = f (a)

5. Pour la mesure de Borel m sur Rd , que nous verrons au Chapitre 5, on notera


l’intégrale par le même signe que l’intégrale de Riemann
Z
f (x)dx.
Rd

On verra que cette intégrale coincide avec l’intégrale de Riemann pour les fonctions
continues à support compact. Elle permettra cependant aussi d’intégrer des fonctions
beaucoup plus compliquées, par exemple
Z
11Q (x)dx = m(Q) = 0.
Rd

6. 7. Losque µ est une mesure de densité ν par rapport à la mesure de Borel, on a


Z Z
f dµ = f (x)ν(x)dx
Rd Rd

ce qui justifie la notation infinitésimale dµ = νdx.


8. 9. Les mesures de probabilité de Cauchy (sur R) et de Laplace-Gauss (sur Rd ) entrent
dans la catégorie précédente avec respectivement les densités ν(t)dt et ν(x)dx où ν
est défini respectivement par

1 α 1 (x − m)2
ν(t) = et ν(x) = √ exp − .
π α2 + t2 σ 2π 2σ 2

10. 11. 12. Les probabilités de Bernouilli, binomiale et de Poisson sont construites à
partir de mesures de Dirac sur des entiers et on obtient sans peine que

Z  pf
P (0) + (1 k−kp)f (1) n−k Bernouilli, paramètre p
f dµ = Cn p (1 − p) f (k) binomiale, paramètres (n, p),
 −λ0≤k≤n
P λk
e k∈N k! f (k) Poisson, paramètre λ.

24
On passe maintenant en revue quelques propriétés fondamentales de l’intégrale d’une
fonction positive. Compte tenu de leur importance, les Théorèmes de convergence seront
vus dans un chapitre dédié.

Proposition 3.2.7 Soit (X, M, µ) un espace mesuré où µ est une mesure positive. On a
alors pour f et g : X 7−→ R+ des fonctions mesurables et λ ≥ 0,
Z Z Z Z Z Z Z
λf dµ = λ f dµ, (f + g)dµ = f dµ + gdµ et f ≤ g ⇒ f dµ ≤ gdµ.

(On rappelle que l’on utilise toujours la convention 0 × ∞ = 0).

Preuve. Compte tenu du travail précédent la preuve est assez courte. On considère deux
suites de fonctions étagées (sn ) et (tn ) convergeant en croissant vers respectivement f et
g. C’est possible grace au Lemme 2.3.3. On a alors

lim ↑ (sn + tn ) = f + g, et lim ↑ λsn = λf.

On obtient ainsi grace au Lemmes 3.2.5 et 3.2.1 que


Z Z Z Z
λf dµ = lim ↑ λsn = lim ↑ λ sn dµ = λ f dµ.

De la même manière on peut écrire que


Z Z Z Z Z Z
(f + g)dµ = lim ↑ (sn + tn ) = lim ↑ ( sn dµ + tn dµ) = f dµ + gdµ.

Le dernier point est une conséquence directe du premier. Cela conclue la preuve de la
Proposition. 2

25
Chapitre 4

Théorèmes de convergence et
fonctions intégrables

Dans le Chapitre précédent, on a pu définir l’intégrale d’une fonction mesurable à valeur


dans R+ . Nous allons principalement dans ce chapitre établir des Théorèmes d’interversion
d’intégrale et de limite sous des hypothèses faible de convergence. C’est un des atouts
majeurs de l’intégrale de Lebesgue.

4.1 Théorèmes de convergence


Le premier théorème que nous présentons concerne les suites croissantes de fonctions
et est à mettre en parallèle avec le Lemme 3.2.5.

Théoreme 4.1.1 Théorème de convergence monotone dit de Beppo-Levi. Soit


(X, M, µ) un espace mesuré où µ est une mesure positive. Considérons une suite croissante
def
(fn ) de fonctions mesurables de X dans R+ telles que lim ↑ fn = f (limite simple), avec
donc f : X 7−→ R+ mesurable. On a alors
Z Z Z
lim ↑ fn dµ = lim ↑ fn dµ = f dµ.

Preuve . Un examen attentif de l’énoncé aura permit de se rendre compte qu’il est
identique a celui du Lemme 3.2.5 sauf que l’on a remplacé la suite (sn ) par ici la suite
(fn ). Pour la preuve de ce théorème il en est exactement de même, quitte à faire appel à
la Proposition 3.2.7 au lieu du Lemme 3.2.1 quand il y est fait référence. 2

On pourra remarquer que l’hypothèse de convergence est réduite a la convergence


simple. Evidement sans l’hypothèse de croissance le résultat est faux (voir plus loin le
contre exemple donné en 4.1.6).
On donne maintenant un corollaire concernant la convergence des séries de fonctions
positives.

Corollaire 4.1.2 Soit (X, M, µ) un espace mesuré où µ est une mesure positive. Considérons
une suite (fn ) de fonctions mesurables de X dans R+ . On pose pour tout x ∈ X, S(x) =

26
P
n≥0 fn (x). Alors S est mesurable positive et on a
XZ Z X Z
fn dµ = fn dµ = Sdµ.
n∈N n∈N

Preuve. La mesurablité de S est une conséquence de la Proposition 2.3.1, puisque S


est limite simple de la suite des fonctions sommes partielles définies pour tout n ∈ N par
X
Sn (x) = fk (x).
k≤n

Bien sur chaque Sn est mesurable comme somme finie de fonctions mesurables en vertu de
la Proposition 2.2.9. Comme lim ↑ Sn = S, on peut appliquer le Théorème de Beppo-Levi
4.1.1 qui donne
Z Z Z X XZ XZ
B.L. Prop. 3.2.7
Sdµ = lim Sn dµ = lim fk dµ = lim fk dµ = fk dµ.
n→∞ n→∞ n→∞
k≤n k≤n k≥0

Les égalités ci dessus on lieu dans R+ et la Proposition 3.2.7 est utilisée pour écrire que
l’intégrale d’une somme finie est la somme des intégrales. Le résultat est prouvé. 2

Une deuxième application du Théorème de Beppo-Levi concerne les mesures à densité.

Corollaire 4.1.3 Soit (X, M, µ) un espace mesuré où µ est une mesure positive. Considérons
R
une fonction ν mesurable de X dans R+ . Pour tout A ∈ M, on définit λ(A) = A νdµ.
Alors λ est une mesure positive définie sur M, et si f est une fonction mesurable positive,
on a Z Z
f dλ = f νdµ.

On notera dλ = νdµ et on dira que dλ est la mesure de densité ν par rapport à la mesure
dµ.

Remarque 4.1.4
1. On prendra garde au fait que le produit des deux fonctions mesurables f ν ci dessus
est bien défini dans R+ avec la convention 0.∞ = 0.
2. Cette construction répond aux exemples 6 et 7 de la série d’exemples 3.1.2 et 3.2.6 :
une mesure étant construite (ici µ), il est direct de construire toute une famille de
mesures, dites à densité par rapport à la première. Dans le cas réel, deux mesures
étant données, les rapports entre l’une et l’autre (par exemple l’une est-elle a densité
par rapport à l’autre ?) font l’objet d’un théorème difficile, le Théorème de Radon
Nikodym, vu en Master.

Preuve du Corollaire. R Montrons que λ est une mesure. D’après la Proposition 3.2.7,
on a trivialement λ(∅) = ∅ νdµ = 0. Considérons maintenant une suite d’éléments deux
à deux disjoints (An )n∈N de M. On a alors d’après le Corollaire 4.1.2
Z Z X XZ X
Cor 4.1.2
λ(∪n∈N An ) = νdµ = ν.11An dµ = ν11An dµ = λ(An ).
∪n∈N An X n∈N n∈N X n∈N

27
On en déduit donc que λ est une mesure.
Montrons maintenant
P la deuxième partie du Corollaire. Considérons d’abord une fonc-
tion étagée s = nj=1 αj 11Aj , où on peut supposer que les αj sont tous strictement positifs.
Alors Z
def
X XZ Z X Z
sdλ = αj λ(Aj ) = ν11Aj dµ = ν11Aj dµ = sνdµ (4.1)
X j≤n j≤n X X j≤n X

d’après la Proposition 3.2.7 donnant l’intégrale d’une somme finie de fonctions. Dans le
cas général, pour f fonction mesurable de X dans R+ , soit (sk ) une suite croissante de
fonctions étagée convergeant en croissant vers f , donnée par le Théorème 2.3.3. On a alors
également
lim ↑ sk .ν = f.ν
et on peut alors écrire
Z Z Z Z
B.L. sk étagée B.L.
f dλ = lim sk dλ = lim sk νdµ = f.νdµ.
X k X k X X

Lemme 4.1.5 Lemme de Fatou. Soit (X, M, µ) un espace mesuré où µ est une mesure
positive. Considérons une suite (fn ) de fonctions mesurables de X dans R+ .On a alors
Z µZ ¶
(lim inf fn )dµ ≤ lim inf fn dµ . (4.2)
n n

Preuve. On rappelle d’abord que d’après la Proposition 2.3.1, la fonction f = lim inf n fn
est mesurable positive. Par ailleurs, rappelons que lim inf n fn = supn∈N inf k≥n fn par
définition et que donc
f = sup gn où gn = inf fn .
n∈N k≥n

Les fonctions gn sont mesurables de X dans R+ d’après la Proposition 2.3.1, et on a

lim ↑ gn = f.

Le Théorème de Beppo-Levi donne donc


Z Z
lim ↑ gn dµ = f dµ. (4.3)

Par ailleurs de la Proposition 3.2.7, on a pour tout n


Z Z
gn ≤ fn =⇒ gn ≤ fn ,
X X

d’où l’on déduit Z Z


lim inf gn ≤ lim inf fn ,
n X X
R R
et donc le résultat d’après (4.3), puisque lim inf gn dµ = lim ↑ gn dµ = f dµ. 2

28
Exemple 4.1.6 L’inégalité dans le Lemme de Fatou peut être stricte, comme le montre
l’exemple suivant. Considérons X =]0, ∞[ et définissons pour tout n ∈ N,

fn (x) = ne−nx , pour x > 0.


R
Alors on a X fn (x)dx = 1 et pourtant pour tout x > 0, limn→∞ fn (x) = 0 qui est donc
d’intégrale nulle. L’inégalité (4.2) du Lemme s’écrit donc 0 ≤ 1 et est donc stricte.
On peut remarquer que cet exemple constitue également une illustration de la nécessité
de l’hypothèse de croissance dans le Théorème de Beppo-Levi. En effet la suite (fn )
converge simplement vers 0 mais pas en croissant, ce qui explique que la conclusion du
Théorème de Beppo-Levi ne soit pas vérifiée (elle se traduit ici par 0 6= 1, mais elle pour-
rait ne même pas avoir de sens dans le cas général). 2

Nous allons maintenant donner un sens à l’intégrale de fonctions complexes, et pas


seulement positives :

Définition-Théorème 4.1.7 Soit (X, M, µ) un espace mesuré où µ est une mesure po-
sitive. On dira qu’une fonction f mesurable de X dans C est intégrable si
Z
|f |dµ < ∞.
X

L’ensemble des fonctions intégrables est noté L1 (µ) et l’intégrale d’une fonction f ∈ L1 (µ)
est définie par
Z Z Z Z Z
f dµ = (Re f )+ dµ − (Re f )− dµ + i (Im f )+ dµ − i (Im f )− dµ. (4.4)
X X X X
R
L’espace L1 (µ) est une espace vectoriel sur C et f 7→ X f dµ est une forme linéaire sur
cet espace.

Preuve . La formule (4.4) a bien un sens puisque les inégalités |(Re f )± | ≤ |f | et


|(Im f )± | ≤ |f | impliquent par la Proposition 3.2.7 que chaque terme de (4.4) est fini, et
donc que la somme est un élément de C.
Montrons ensuite que L1 (µ) est un espace vectoriel : Pour cela soient f et g ∈ L1 (µ)
et α, β ∈ C. on a alors |αf + βg| ≤ |α||f | + |β||g| et la Proposition 3.2.7 implique que ce
dernier élément est d’intégrale finie. Donc αf + βg ∈ L1 (µ).
Montrons enfin que la prise de l’intégrale est une forme linéaire sur L1 (µ). Soient
f = f1 + if2 et g = g1 + ig2 deux fonctions de L1 (µ) décomposées en partie réelle et
imaginaires. On souhaite d’abord montrer que
Z Z Z
(f + g)dµ = f dµ + gdµ. (4.5)

Pour montrer cela, on écrit d’après la définition de l’intégrale


Z Z Z
Re (f + g)dµ = (f1 + g1 )+ dµ − (f1 + g1 )− dµ. (4.6)

Mais par ailleurs

Re (f + g) = (f1 + g1 )+ − (f1 + g1 )− = (f1 )+ − (f1 )− + (g1 )+ − (g1 )− ,

29
d’ou cette égalité entre fonctions positives (éventuellement infinies) :

(f1 + g1 )+ + (f1 )− + (g1 )− = (f1 + g1 )− + (f1 )+ + (g1 )+ .

On peut appliquer la Proposition 3.2.7 sur l’intégrale de la somme de fonctions positives,


qui donne
Z Z Z Z Z Z
(f1 + g1 )+ dµ + (f1 )− dµ + (g1 )− dµ = (f1 + g1 )− dµ + (f1 )+ dµ + (g1 )+ dµ.

D’après 4.6 on obtient


Z Z Z Z Z
Re (f + g)dµ = (f1 )+ dµ + (g1 )+ dµ − (f1 )− dµ + (g1 )− dµ
Z Z
def
= (Re f )dµ + (Re g)dµ,

où la dernière égalité provient de la définition de l’intégrale. Exactement de la même


manière, on montre que
Z Z Z
Im (f + g)dµ = (Im f )dµ + (Im g)dµ.

Ces deux résultats donnent


Z Z Z Z Z
(f + g)dµ = (Re f )dµ + (Re g)dµ + i (Im f )dµ + i (Im g)dµ
Z Z
= f dµ + gdµ,

où de nouveau la dernière égalité provient de la définition de l’intégrale d’une fonction


dans L1 (µ). L’égalité (4.5) est montrée.
Il reste à étudier la multiplication par un scalaire. Soit f = f1 + if2 ∈ L1 (µ) et
α = α1 + iα2 ∈ C. D’après le résultat précédent sur la somme de deux (donc quatre)
fonctions, on peut écrire
Z Z Z Z Z
αf dµ = α1 f1 − α2 f2 dµ + iα1 f2 dµ + iα2 f1 dµ.
R R
D’après la Proposition 3.2.7, on a α1 f1 dµ = α1 f1 dµ lorsque α1 ≥ 0 et lorsque α1 < 0
il suffit d’écrire
Z Z Z Z Z
def. Prop.3.2.7
α1 f1 dµ = − (−α1 f1 )dµ = − (−α1 )f1 dµ = −(−α1 ) f1 dµ = α1 f1 dµ.
R R
Il reste à montrer que if1 dµ = i f1 dµ mais ceci est une conséquence immédiate de la
définition. On a donc Z Z
αf dµ = α f dµ

et ceci conclue la preuve du Théorème. 2

On termine cette Section par un des Théorèmes les plus important de la théorie de
l’intégration de Lebesgue.

30
Théoreme 4.1.8 . Théorème de convergence dominée dit de Lebesgue. Soit
(X, M, µ) un espace mesuré où µ est une mesure positive. Considérons une suite (fn )
de fonctions mesurables de X dans C telles que limn→∞ fn = f (limite simple), avec donc
f mesurable. Si il existe une fonction g : X 7→ R+ intégrable telle que

∀x ∈ X, n ∈ N, |fn (x)| ≤ g(x), (4.7)

alors f est intégrable et on a


Z Z Z
lim |fn − f |dµ = 0, et lim fn dµ = f dµ.
n→∞ n→∞

Preuve . Quitte à séparer partie réelle et partie imaginaire, la mesurabilité de f est


une conséquence de la Proposition 2.3.1. Par ailleurs puisque |f | ≤ g on obtient que f est
intégrable grace au dernier point de la Proposition 3.2.7. De cette Proposition de nouveau
et de la linéarité prouvée au Théorème-définition 4.1.7, on obtient que pour tout n ∈ N,
¯Z Z ¯ Z
¯ ¯
¯ fn dµ − f dµ¯ ≤ |fn − f |dµ.
¯ ¯

La dernière assertion est donc une conséquence de l’avant-dernière. On va maintenant


appliquer le lemme de Fatou à la suite de fonctions
n→∞
hn = 2g − |fn − f | −→ 2g (limite simple).

On écrit
Z Z Z
F atou
2gdµ = lim inf(2g − |fn − f |)dµ ≤ lim inf (2g − |fn − f |)dµ
Z Z
= 2gdµ − lim sup |fn − f |dµ.

On en déduit donc que Z


lim sup |fn − f |dµ = 0,

et par positivité Z
lim |fn − f |dµ = 0.
n→∞

le résultat est prouvé. 2

4.2 Fonctions Intégrables et ensembles de mesure nulle


Les ensembles de mesure nulle sont transparents en théorie de l’intégration de Lebsgue.
C’est ce que nous allons préciser dans cette Section. On commence par une définition, ou
plutôt une terminologie.

Définition 4.2.1 Soit (X, M, µ) un espace mesuré où µ est une mesure positive. On
dira d’une propriété qu’elle est vraie µ-presque partout, ou presque partout s’il n’y a pas
d’ambiguité sur la mesure lorsqu’elle est vraie en dehors d’un ensemble de mesure nulle.

31
On notera pp. en abrégé. En particulier pour f et g deux fonctions mesurables, on dira
que f = g pp. si
µ({x ∈ X; f (x) 6= g(x)}) = 0.
L’égalité presque partout de deux fonctions est une relation d’équivalence

Preuve du dernier point. Il s’agit juste de vérifier les trois points caractérisant une
relation d’équivalence. Pour f , g et h mesurables, on a f = f pp., et

f = g pp. ⇐⇒ µ({f 6= g}) = 0 ⇐⇒ µ({g 6= f }) = 0 ⇐⇒ g = f pp.

Par ailleurs si f = g pp. et g = h pp., alors on déduit de l’inclusion

{f 6= h} ⊂ {f 6= g} ∪ {g 6= h}

que
µ({f 6= h}) ≤ µ({f 6= g}) + µ({g 6= h}) = 0,
d’où le résultat. 2

Exemples 4.2.2 On sait que Q est dénombrable donc de mesure nulle pour la mesure de
Borel que nous construirons au prochain chapitre. On obtient ainsi que

1Q = 0 pp. et 1R/Q = 1 pp.

Donnons un autre exemple concernant des ensembles : A et B sont deux ensembles mesu-
rables, la propriété A ⊂ B pp. signifie µ(A ∩ B c ) = 0.
Concernant l’intégration des fonctions positives on a le résultat suivant :

Proposition 4.2.3 Soit (X, M, µ) un espace mesuré où µ est une mesure positive, et
soient f et g deux fonctions mesurables de X dans R+ . On a alors
R
i) f = 0 pp. ⇐⇒ f dµ = 0 ;
R R
ii) f = g pp. =⇒ f dµ = gdµ ;
R R
iii)f ≤ g pp. =⇒ f dµ ≤ gdµ ;
R
iv) f dµ < ∞ =⇒ f < ∞ pp.

Preuve. La preuve utilise le résultat suivant qui peut avoir un intérêt en soit : pour
tout α > 0, on a Z
1
µ({f > α}) ≤ f dµ. (4.8)
α
En effet, posons Eα = {f > α}, alors f ≥ α11Eα et donc d’après la proposition 3.2.7
Z Z Z
Prop.3.2.1
f dµ ≥ α11Eα dµ = α 11Eα dµ = αµ(Eα ),
R
d’où le résultat. Montrons maintenant le point i). Si f dµ = 0, alors pour tout n ∈ N∗ on
a Z
µ(E1/n ) ≤ n f dµ = 0.

32
Or
{f > 0} = ∪n∈N∗ E1/n
et l’union étant dénombrable on obtient µ({f > 0}) = 0 d’où le résultat. Réciproquement
si µ(E) = 0 avec E = {f > 0}P alors pour toute fonction étagée s ≤ f , on a s = 0 sur E c .
Si s admet pour écriture s = nj=1 αj 11Aj , alors pour tout j, Aj ⊂ E et donc µ(Aj ) = 0.
R R
Cela donne sdµ = I(s) = 0 d’après la définition 3.1 et f dµ = 0 d’après la défintion de
l’intégrale 3.2.3. On pourra remarquer que le résultat reste vrai même si f prend la valeur
+∞ là où elle n’est pas nulle.
Montrons maintenant le point ii). On pose cette fois E = {f > g} et l’énoncé implique
µ(E) = 0. Par ailleurs on a l’inégalité immédiate suivante entre fonctions positives :

f ≤ g + (f − g)11E

qui implique par la Proposition 3.2.7 que


Z Z Z
f dµ ≤ gdµ + (f − g)11E dµ.

Or 0 ≤ (f − g)11E = 0 pp. donc cette fonction est d’intégrale nulle d’après i), et on on
obtient le résultat.
Le point iii) est une application immédiate du point ii) et du fait que f = g pp. est
impliqué par f ≤ g pp. et g ≤ f pp..
Pour le dernier point iv), on pose E = {f = ∞} et on remarque que µ(E) > 0 implique
que pour tout n ∈ N∗ , on a
Z
n→∞
f dµ ≥ nµ({f > n}) ≥ nµ(E) −→ +∞

d’après (4.8), d’où le résultat. 2

Avec cette notion, on peut légèrement affaiblir les hypothèses du Théorème de conver-
gence dominée, en ignorant les ensembles de mesure nulle :

Théoreme 4.2.4 . Théorème de convergence dominée dit de Lebesgue (version


II). Soit (X, M, µ) un espace mesuré où µ est une mesure positive. Considérons une suite
(fn ) de fonctions mesurables de X dans C telles que

presque pour tout x ∈ X, lim fn (x) = f (x).


n→∞

Si il existe une fonction g : X 7→ R+ intégrable telle que

presque pour tout x ∈ X, n ∈ N, |fn (x)| ≤ g(x), (4.9)

alors f (qui n’est en général définie que presque partout) est intégrable et on a
Z Z Z
lim |fn − f |dµ = 0, et lim fn dµ = f dµ.
n→∞ n→∞

Preuve. Il s’agit juste dans un premier temps de préciser l’énoncé ; la fonction f définie
presque partout peut être définie partout de la façon suivante : Soit N défini par son
complémentaire
def
N c = {x ∈ X, fn (x) converge } .

33
L’ensemble N est de mesure nulle. On pose alors
def
f = lim 11N c fn
n→∞

ce qui donne la convergence simple de la série de fonctions (11N c fn )n∈N vers f , et en


particulier que f est mesurable. On a évidement |11N c fn | ≤ g et on peut donc appliquer le
Théorème de Lebesgue déjà énoncé 4.1.8 qui donne que f est intégrable et que
Z Z Z
lim |11N c fn − f |dµ = 0, et lim 11N c fn dµ = f dµ.
n→∞ n→∞

Evidement les fonctions |11N c fn − f | et |fn − f | diffèrent sur un ensemble de mesure nulle,
ce qui donne l’égalité des intégrales
R correspondantes
R d’après la Proposition 4.2.3 . Il en
est de même pour les intégrales 11N c fn dµ et fn dµ, grace à la linéarité de l’intégrale et
la Proposition 4.2.3. On obtient ainsi le résultat en remarquent enfin que f n’a également
besoin de n’être connue qu’en dehors d’un ensemble de mesure nulle (ici N ), et que les
intégrales la faisant intervenir ne changent pas si on lui assigne sur cet ensemble une autre
valeur, toujours d’après la Proposition 4.2.3. 2

Remarque 4.2.5 Les autres énoncés de ce chapitre concernant les interversion limite-
intégrale peuvent eux aussi admettre leur version II, où les ensembles de mesure nulle sont
négligés. On laisse le soin au lecteur d’écrire leurs énoncés.

Pour finir le chapitre nous introduisons maintenant une notion élargie d’ensemble me-
surable qui trouvera une application naturelle avec la mesure de Lebesgue. On commence
par une définition.

Définition 4.2.6 On dit que l’espace mesuré (X, M, µ) est complet si toute partie d’un
ensemble de mesure nulle est mesurable (et donc également de mesure nulle).

En général ce n’est pas forcément le cas. Cependant si un espace mesurable n’est


pas complet, il est possible de le completer de la manière suivante. On définit la tribu
complétée M0 comme suit : une partie E de X appartient à M0 si il existe deux ensembles
A et B ∈ M tels que
A ⊂ E ⊂ B et µ(B/A) = 0. (4.10)
On prolonge alors la mesure µ à M0 de la manière suivante
def
µ0 (E) = µ(A). (4.11)

On a alors

Proposition 4.2.7 Soit (X, M, µ) un espace mesuré, alors le triplet (X, M0 , µ0 ) défini
par (4.10) et (4.11) est un espace mesuré complet.

Preuve. Montrons que M0 satisfait les axiomes d’une tribu. On a directement ∅ ∈ M ⊂


M0 . Par ailleurs si E ∈ M0 et A et B sont définis par (4.10) alors on a

B c ⊂ E c ⊂ Ac et µ(Ac /B c ) = µ(B/A) = 0,

34
puisque une inspection rapide donne B/A = Ac /B c . L’ensemble de parties M0 est donc
stable par prise du complémentaire. Regardons la stabilité par union dénombrable, dernier
point à vérifier d’après la définition d’une tribu 2.1.1. Soit (En ) une suite d’ensembles de
M0 . Pour tout n ∈ N, il existe des ensembles An et Bn de M tels que

An ⊂ En ⊂ Bn et µ(Bn /An ) = 0.

On a alors

∪n∈N An ⊂ ∪n∈N En ⊂ ∪n∈N Bn et µ(∪n∈N Bn / ∪n∈N An ) = 0,

puisque
∪n∈N Bn / ∪n∈N An = ∪n∈N (Bn /An ),
qui est donc réunion dénombrable d’ensemble de mesure nulle et donc de mesure nulle.
M0 est donc une tribu. On laisse au lecteur le soin de vérifier que µ0 est alors une mesure
sur (X, M0 ). 2

Remarque 4.2.8 On pourra remarquer que la tribu complétée est exactement la tribu
engendrée par la tribu elle-même et les sous-ensembles d’ensembles de mesure nulle.

35
Chapitre 5

La mesure de Lebesgue sur R

Plusieurs constructions de l’intégrale sont possibles. Nous présentons ici une construc-
tion ensembliste qui répond aux exemples 5 et 6 des remarques 3.1.2 et 3.2.6. En particulier
on souhaite construire une mesure λ sur l’ensemble des boréliens de R qui soit telle que

λ([a, b]) = b − a

pour tout a ≤ b ∈ R. Quelques résultats sur la construction ne seront qu’énoncés, et on


renvoie par exemple pour les preuves complètes au livre de J. Faraut [2].

5.1 Un théorème de prolongement


On commence par une définition

Définition 5.1.1 Soit X un ensemble et U une famille de parties de X. On dit que U est
une algèbre de Boole sur X si

(a) A ∈ U =⇒ Ac ∈ U,
(b) A, B ∈ U =⇒ A ∪ B ∈ U,
(c) X ∈ M.

On appellera ensemble élémentaire un élément de l’algèbre et fonction élémentaire une


combinaison linéaire de fonctions indicatrices d’ensembles élémentaires.

On peut tout de suite voir que la définition d’une algèbre est proche de celle d’une
tribu. Seule la stabilité par union dénombrable a été remplacée par la stabilité par union
finie. Un exemple fondamental pour la suite est donné par les intervalles de R :

Exemple 5.1.2 L’ensemble des réunions finies d’intervalles de R est une algèbre de Boole
U, la vérification des points a, b, et c étant immédiate. De plus en appliquant la Proposition
2.1.6 et la définition d’une tribu, on en déduit que σ(U) = B(R), tribu des boréliens de R.
De même dans Rd , la tribu engendrée par les réunions finies de pavés (c’est une algèbre
de Boole) est la tribu des boréliens de Rd .

On énonce maintenant un Théorème de prolongement.

36
Théoreme 5.1.3 Soit X un ensemble et U une algèbre de Boole sur cet ensemble. Soit
µ : U 7−→ R+ une application vérifiant la propriété suivante : si (An )n∈N est une suite
d’éléments de U deux à deux disjoints, telle que ∪n∈N An ∈ U alors
X
µ(∪n∈N An ) = µ(An ) (additivité dénombrable).
n∈N

Si en plus µ est σ-finie (i.e. il existe une suite d’ensembles Xn de réunion X tels que pour
tout n ∈ N, µ(Xn ) < ∞), alors µ se prolonge en une mesure unique (encore notée µ) sur
la tribu M engendrée par U.

Idée de la preuve. Pour l’unicité, considérons deux mesures µ1 et µ2 prolongeant µ


sur l’espace mesurable (X, M). Alors on vérifie que l’ensemble

{A ⊂ X; µ1 (A) = µ2 (A)}

est une tribu qui contient l’ensemble U et sur laquelle µ1 et µ2 coincident. Comme la tribu
engendrée par U est σ(U) = M, les mesures µ1 et µ2 coincident aussi sur M. Elles sont
donc égales.

Donnons une idée de la preuve de l’existence du prolongement. C’est une démonstration


assez longue, qui est basée sur une définition de la mesure extérieure : Pour A ⊂ X, on
définit X
µ∗ (A) = inf µ(An ).
(An )n∈N ⊂ U
A ⊂ ∪An n∈N

Dans cette définition les An forment donc un recouvrement de A par des ensembles
élémentaires. On vérifie que lorsque A est un ensemble élémentaire on a

µ∗ (A) = µ(A),

puis on sélectionne parmi toutes les parties de X celles qui sont proches des ensembles
élémentaires au sens suivant : On dira que A ⊂ X est intégrable s’il existe une suite (An )
d’ensembles élémentaires tels que

µ∗ (An ∆A) −→ 0 (5.1)


def
où pour chaque n ∈ N, An ∆A = (An /A) ∪ (A/An ) est appelée différence symétrique de
An et A. Bien sur les ensmbles élémentaires sont intégrables. Il est aisé de montrer que
si A et B sont des ensembles intégrables, alors A ∪ B, A ∩ B, A/B le sont aussi. On a
également la propriété de fermeture suivante : Si A ⊂ X est tel qu’il existe une suite (An )
d’ensembles intégrables tels que

µ∗ (An ∆A) −→ 0,

alors A est intégrable. En fait on a le résultat suivant :


L’ensemble M0 des ensembles intégrables est une tribu, et la fonction µ0 res-
triction de µ∗ à M0 est une mesure sur M0 .

37
La fin est alors directe. Puisque M0 et une tribu qui contient les ensembles élémentaires,
alors elle contient aussi M = σ(U). La mesure µ est alors définie comme la restriction à
M de µ0 . 2

Remarque 5.1.4
1. D’après la définition d’ensemble intégrable, et donc a fortiori pour un ensemble
A ∈ M, on a X
µ(A) = µ∗ (A) = inf µ(An ).
(An )n∈N ⊂ U
A ⊂ ∪An n∈N

En particulier pour tout ε > 0, il existe d’après la définition de


P la borne inférieure une
suite (An ) d’ensembles intégrables tels que A ⊂ ∪n∈N An et n∈N µ(An ) ≤ µ(A) + ε.
En fait directement de (5.1) on sait qu’il existe un ensemble élémentaire Aε proche
de A au sens où µ(Aε ∆A) ≤ ε.
2. Considérons maintenant une fonction intégrable f pour la mesure µ. On peut alors
l’approcher par une fonction élémentaire. Soit en effet ε > 0. D’après le Théorème
de convergence R dominée et le Théorème 2.3.3, on sait qu’il existe une fonction étagée
s telle que |f − s|dµ ≤ ε/2. Par ailleurs une fonction étagée est combinaison
linéaire finie de fonctions indicatrices d’ensembles mesurables, donc R d’après la re-
marque précédente,R il existe une fonction élémentaire g telle que |s − g|dµ ≤ ε/2.
On a ainsi obtenu |f − g|dµ ≤ ε (g est proche de f en moyenne).

5.2 La mesure de Lebesgue sur R


Dans cette section nous allons appliquer le Théorème de prolongement 5.1.3 aux objets
définis dans l’exemple 5.1.2, c’est à dire à
— U l’algèbre de Boole engendrée par les intervalles (i.e. les réunions finies d’intervalles) ;
(
+
U −→ P R
— la fonction λ : n ,
∪nj=1 (aj , bj ) 7−→ j=1 (bj − aj )

où pour les intervalles (aj , bj ) les parenthèses remplacent soient ”[” soit ”]”. Le résultat
est alors le suivant :

Théoreme 5.2.1 Il existe une unique mesure λ sur B(R) telle que λ([a, b]) = b − a pour
tout a ≤ b ∈ R.

Idée de la preuve. Nous sommes dans la situation présentée dans le Théorème de


prolongement 5.1.3. On remarque d’abord que la tribu engendrée par les intervalles est
justement la tribu des Boréliens, d’après la Proposition 2.1.6. Pour pouvoir prolonger λ,
vérifions qu’elle satisfait les hypothèses du Théorème. On remarque d’abord qu’elle est
σ-finie. En effet on peut écrire

R = ∪n∈N [−n, n], avec λ([−n, n]) = 2n < ∞.

Donnons quelques éléments de la preuve de l’additivité dénombrable.

38
Considérons d’abord I1 , I2 , ..., IN des intervalles disjoints de reunion I intervalle. Alors
de la définition et en réordonnant les intervalles on a
N
X
λ(In ) = λ(I). (5.2)
n=1

Avec un peu de travail il est possible de montrer que cette relation s’étend aux suites
d’intervalles (In )n∈N disjoints de reunion I également :

X
λ(In ) = λ(I). (5.3)
n=1

Ce résultat étant établi, passons aux ensembles élémentaires. Soit donc (An ) une suite
d’éléments élémentaires de réunion A un ensemble élémentaire. Puisque chaque An est
réunion finie d’intervalles, on peut supposer que les An sont chacun des intervalles en
utilisant (5.2). De même A est un ensemble élémentaire, donc de la forme A = ∪K k=1 Ik , où
les intervalles Ik sont disjoints. On a alors d’après (5.3) pour k ≤ K,

X
λ(Ik ) = λ(Ik ∩ An ),
n=1

mais également pour tout n ∈ N,


K
X
λ(An ) = λ(Ik ∩ An )
k=1
P∞
d’où λ(A) = n=1 λ(An ) par regroupement. 2

Remarque 5.2.2 Dans le cas particulier de R muni de la tribu de ses Boréliens et de la


mesure λ la remarque 5.1.4 implique les résultats suivant : Si A est un Borélien
P de R et
ε > 0, alors il existe une suite (In ) d’intervalles tels que A ⊂ ∪n∈N In et n∈N λ(In ) ≤
λ(E) + ε. De plus si f est intégrable et ε > 0, il existe une fonction en escalier telle que
Z
|f − g|dλ ≤ ε.
P
(Rappelons qu’une fonction en escalier est de la forme g = N j=1 αj 1
1(xj−1 ,xj ) , où les xj
sont ordonnés).
Parmi toutes les mesures définies sur la tribu des Boréliens (il y en a beaucoup, par
exemple les mesures de Dirac, de comptage ...) la mesure de Lebesgue est la seule a
preserver la propriété d’invariance par translation de la tribu :

Proposition 5.2.3 La tribu borélienne B(R) est invariante par translation. De plus si µ
est une mesure sur (R, B(R)) invariante par translation et pour laquelle la mesure d’un
intervalle borné est finie, alors elle est proportionnelle à la mesure de Lebesgue.

Preuve. On sait que l’ensemble des intervalles est invariant par translation (i.e. si I
def
est un intervalle, alors pour a ∈ R, l’ensemble a + I = {a + x; x ∈ I} est également un
intervalle. On en déduit que si I est l’ensemble des intervalles,
B(R) = σ(I) = σ(a + I) = a + σ(I) = a + B(R).

39
L’invariance par translation de la mesure de Lebesgue est claire d’après sa construction et
sa valeur sur les intervalles.
Considérons maintenant une mesure µ satisfaisant les hypothèses de la Proposition
et posons c = µ([0, 1]). Des propriétés d’invariance par translation et d’additivité de la
mesure on obtient pour tout n ∈ N∗ , µ([0, 1/n]) = c/n ainsi que le fait que la mesure d’un
singleton est nulle. On en déduit alors que pour tout a, b rationnels µ([a, b]) = c(b − a), et
la Proposition vient du fait que les intervalles de ce type engendrent la tribu des boréliens,
d’après la (preuve de la) Proposition 2.1.6. 2

Remarque 5.2.4 On appelle souvent mesure de Lebesgue la mesure λ complétée sur la


tribu complétée de celle des boréliens, i.e. celle a laquelle on a rajouté à tous les ensembles
des parties d’ensembles de mesure nulle (cf. définition 4.2.7).

Remarque 5.2.5 On peut également montrer le résultat suivant que nous ne faisons
qu’énoncer : si A est mesurable, alors
i) λ(A) = inf {λ(U ); U ouvert , A ⊂ U } ;
ii) λ(A) = sup {λ(K); K compact , K ⊂ A}.

5.3 Intégrale de Riemann et intégrale de Lebesgue


On rappelle d’abord une construction de l’intégrale au sens de Riemann sur un inter-
valle [a, b]. Elle est basée sur l’approximation des fonctions par des fonctions en escalier.
Soit u une telle fonction définie sur [a, b]. Alors il existe une subdivision

a = x0 < x1 < ... < xn = b

et des réels α0 , ..., αn−1 telle que pour tout x ∈]xj , xj+1 [ on ait u(x) = αj . On définit alors
l’intégrale de Riemann de u par
Z b n−1
X
u(x)dx = αj (xj+1 − xj ).
a j=1

On vérifie que cette définition est indépendante de la subdivision choisie, que l’intégrale
ainsi définie est linéaire sur l’espace des fonctions en escalier. Pour une fonction f définie
sur [a, b] à valeurs réelles et bornée, on pose
½Z b ¾
IR (f ) = sup u(x)dx ; u en escalier , u ≤ f
a
½Z b ¾ (5.4)
JR (f ) = inf v(x)dx ; v en escalier , v ≥ f
a

La fonction f est dite intégrable au sens de Riemann si IR (f ) = JR (f ). Dans ce cas on


appelle intégrale de Riemann de f le nombre
Z b
def
f (x)dx = IR (f ) = JR (f ).
a

40
Pour qu’une fonction soit intégrable au sens de Riemann, il faut et il suffit que pour tout
ε > 0, il existe deux fonctions en escalier u et v telles que
Z
u ≤ f ≤ v et (v(x) − u(x))dx ≤ ε.

On passe maintenant à l’intégrale de Lebesgue sur l’intervalle [a, b]. On considère pour
cela la tribu de Borel sur [a, b] complétée, muni de la mesure de Lebesgue. Pour une
fonction f définie sur [a, b] à valeurs réelles et bornées, on pose
½Z b ¾
IL (f ) = sup u(x)dx ; u étagée , u ≤ f
a
½Z b ¾ (5.5)
JL (f ) = inf v(x)dx ; v étagée , v ≥ f .
a
R
Lorsque f est mesurable positive, on reconnait la définition de l’intégrale f dλ = IL (f )
donnée en 3.2.3. En R fait avec un peu de travail on peut montrer que si f est mesurable
bornée alors on a f dλ = IL (f ) = JL (f ). On peut même montrer la réciproque , à savoir
que si IL (f ) = JL (f ) pour une fonction réelle bornée, alors elle est mesurable, et intégrable
d’intégrale IL (f ). On retrouve donc une situation tout a fait identique à celle proposée ci
dessus pour l’intégrale de Riemann :
Pour qu’une fonction soit (mesurable et) intégrable au sens de Lebesgue, il faut et il
suffit que pour tout ε > 0, il existe deux fonctions étagées u et v telles que
Z
u ≤ f ≤ v et (v − u)dλ ≤ ε.
[a,b]

On peut alors comparer les deux intégrales. La remarque principale est la suivante :
Les fonction en escalier sont étagées.
Alors il est clair que lorsque u est en escalier, on a
Z Z b
udλ = u(x)dx.
[a,b] a

On obtient donc que pour toute fonction f réelle bornée on a

IR (f ) ≤ IL (f ) ≤ JL (f ) ≤ JR (f ).

On en déduit donc que si f est intégrable au sens de Riemann, alors elle est mesurable et
intégrable au sens de Lebesgue et que les deux intégrales coincident.

Pour finir on peut mentionner qu’il existe des fonctions qui sont intégrables au sens de
Lebesgue et pas au sens de Riemann. C’est le cas de la fonction indicatrice 11Q . En effet
pour cette fonction sur l’intervalle [0, 1] on a

0 = IR (f ) < IL (f ) = JL (f ) = JR (f ) = 1,

par simple inspection et grace au fait que 11Q = 1 pp.

41
Chapitre 6

Espaces de fonctions intégrables

6.1 Les espace Lp


Dans toute la suite, K désigne le corps R ou C. On commence par une définition.

Définition 6.1.1 Soit (X, M, µ) un espace mesuré où µ est une mesure positive.
R Soit 1 ≤
p p
p ≤ ∞ et f : X → K une application mesurable. On dira que f ∈ L (µ) si |f | dµ < ∞
pour p < ∞ et, pour p = ∞, si il existe M > 0 tel que µ{x ∈ X; |f (x)| > M } = 0.

Les fonctions dans ces espaces peuvent avoir une structure compliquée. Les ensembles
de mesure nulle ont un rôle particulier qui sera précisé plus loin.

Exemple 6.1.2 Considérons la fonction f définie par

f : R −→ R½
1 si x 6∈ Q .
x 7−→
x si x ∈ Q

On vérifie d’abord que cette fonction est mesurable sur la tribu des boréliens de R en
appliquant la Proposition 2.2.7 : Pour a < 1 on a f −1 (]a, +∞]) = Q∪]a, +∞[ et lorsque
a ≥ 1 on obtient f −1 (]a, +∞]) = Qc ∩]a, +∞[. Les ensembles obtenus sont des boréliens
(intersection ou union de boréliens) ce qui donne le résultat.
On constate par ailleurs que f est non bornée. Montrons cependant qu’elle appartient

à L (λ), où λ est la mesure de Lebesgue. En effet on a

{x ∈ R ; | f (x)| > 1} = Q ∩ [−1, 1]c ,

donc en prenant la mesure de cet ensemble on obtient

λ {x ∈ R ; | f (x)| > 1} ≤ λ(Q) = 0.

(On rappelle que Q est une réunion dénombrable de singletons, qui sont de mesure nulle,
donc est lui-même de mesure nulle). On en déduit que f ∈ L∞ (λ) ( ici M = 1 convient).

Proposition 6.1.3 Soit (X, M, µ) un espace mesuré où µ est une mesure positive. Soient
f et g deux fonctions mesurables et p ∈]1, +∞[. Considérons p0 l’exposant conjugué de p

42
définit par 1/p + 1/p0 = 1. Alors on a les deux inégalités suivantes :
Z µZ ¶1/p µZ ¶1/p0
p p0
i) |f g|dµ ≤ |f | dµ) |g| dµ (Hölder),
µZ ¶1/p µZ ¶1/p µZ ¶1/p
p p p
ii) |f + g| dµ ≤ |f | dµ + |g| dµ (Minkowski).

Preuve. i) Montrons d’abord l’inégalité de Hölder. Il suffit de montrer l’inégalité dans


le cas où f et g sont à valeur dans
R R+ puisqueRce sont les modules qui interviennent. On
0
peut supposer également que |f | dµ > 0 et |g|p dµ > 0. En effet si l’un de ces deux
p

termes est nul, alors d’après la Proposition 4.2.3 on a f = 0 pp. R ou g = 0 pp. et donc
f g = 0 pp. ce qui implique toujours par la Proposition 4.2.3 que |f g|dµR = 0. L’inégalité
Rse réduit alors à 0 = 0 et est donc vraie. On peut enfin supposer que |f |p dµ < ∞ et
p
|g| dµ < ∞ sinon l’inégalité est évidente puisque le terme de droite est infini. On pose
alors
µZ ¶1/p µZ ¶1/p0
p p0
A= |f | dµ , B= |g| dµ , F = f /A, et G = g/B.

R R 0
On vérifie que F p dµ = Gp dµ = 1 grace à la normalisation. Nous allons utiliser
l’inégalité de convexité élémentaire suivante :

∀x, y ∈ R+ , α ∈]0, 1[, xα y 1−α ≤ αx + (1 − α)y,

qui se prouve en prenant le logarithme de l’inégalité et en utilisant la concavité du Lo-


garithme. Dans notre cas on prend α = 1/p, 1 − α = 1/p0 et on applique l’inégalité à
0
x = F p (t) et y = Gp (t) pour chaque t ∈ X. On obtient l’inégalité entre fonctions
0 0 1 1 0
F G = (F p )1/p (Gp )1/p ≤ F p + 0 Gp ,
p p
ce qui donne en intégrant
Z Z Z
1 1 0 1 1
F Gdµ ≤ F dµ + 0 Gp dµ ≤ + 0 = 1.
p
p p p p
R
Finalement f gdµ ≤ AB ce qui est le résultat cherché.

ii) Montrons maintenant l’inégalité de Minkowski. On commence par remarquer que


l’inégalité n’a d’intérêt que si f et g sont dans Lp (µ), sinon le membre de droite est infini
(et le membre de gauche n’est pas forcément défini). Dans ce cas la Proposition 4.2.3
implique que les fonctions f et g sont finies presque partout et que donc la somme f + g
est définie et finie presque partout. On peut en particulier intégrer |f + g|. Par ailleurs
l’inégalité |f + g| ≤ ||f | + |g|| implique qu’il suffit de montrer l’inégalité lorsque f et g sont

43
à valeurs positives. On a alors
Z Z
(f + g) dµ = (f + g)(f + g)p−1 dµ
p

Z Z
= f (f + g) dµ + g(f + g)p−1 dµ,
p−1

d’où en appliquant deux fois l’inégalité de Hölder avec α = 1/p


Z µZ ¶1/p µZ ¶1/p0 µZ ¶1/p µZ ¶1/p0
p p (p−1)p0 p (p−1)p0
(f + g) dµ ≤ f dµ (f + g) dµ + g dµ (f + g) dµ
õZ ¶1/p µZ ¶1/p ! µZ ¶1/p0
p p p
≤ f dµ + g dµ (f + g) dµ ,

(6.1)
p−1
où pour obtenir la dernière inégalité on a utilisé le fait que (p−1)p0 = 1−1/p = p. Regardons
R p
le résultat suivant la valeur du membre de gauche C = (f + g) dµ. Si C = 0 alors
l’inégalité de Minkowski est prouvée. On remarque ensuite que l’inégalité de convexité
µ ¶
f + g p f p + gp

2 2

et le fait que f et g appartiennent à Lp (µ) impliquent que C < ∞ en intégrant. On peut


donc simplifier l’expression 6.1 et on obtient le résultat. 2

Les inégalités précédentes sont fondamentales dans le cadre des espaces Lp que nous
introduisons maintenant :

Définition-Théorème 6.1.4 Pour p ∈ [1, +∞] on définit Lp (µ) = Lp (µ)/ ∼ où ∼ est
la relation d’équivalence définie par f ∼ g si f = g pp. (c’est l’égalité presque partout
introduite en 4.2.1).
Lp (µ) est un espace vectoriel normé pour la norme définie par
µZ ¶1/p
kf kLp = ˜ p
|f | dµ si p ∈ [1, +∞[,
n ³ ´ o (6.2)
kf kL∞ = inf M ∈ R+ ; µ |f˜| > M = 0 ,

où dans les membres de droite f˜ est n’importe quel représentant dans Lp (µ) de f ∈ Lp (µ).
On identifiera souvent f et f˜.

Preuve. Le fait que ∼ soit une relation d’équivalence a déjà été prouvé en 4.2.1. Les
quantités introduites en (6.2) sont clairement indépendantes du représentant choisi d’après
la Proposition 4.2.3. C’est encore une illustration du fait que les ensembles de mesure nulle
sont transparents en théorie de l’intégration. Montrons finalement que les espaces définis
sont bien des espaces vectoriels.
Considérons d’abord α, β sont deux scalaires et f , g deux éléments de Lp (µ) de
représentants f˜ et g̃. Alors f˜ et g̃ sont finies presque partout d’après la Proposition 4.2.3

44
point iv) si p < ∞, et d’après la définition dans la cas p = ∞. Cela permet de définir la
somme αf˜ + βg̃ presque partout, et donc la classe de fonctions αf + βg comme l’ensemble
des fonctions qui lui sont égales presque partout. Cette somme étant définie, vérifions la
fin du Théorème.

Cas 1 ≤ p < ∞ : On vient de voir que αf˜ + βg̃ était fini presque partout. On peut
alors appliquer l’inégalité de Minkowski qui donne ici
µZ ¶1/p µZ ¶1/p µZ ¶1/p
|αf˜ + βg̃|p dµ ≤ |αf˜|p dµ + |βg̃|p dµ

Le membre de droite étant fini, on en déduit que αf˜ + βg̃ ∈ Lp (µ) et que donc αf +
βg ∈ Lp (µ). On applique alors la définition 6.2 avec α = β = 1, ce qui donne l’inégalité
triangulaire
kf + gkLp ≤ kf kLp + kgkLp .
On a également pour α ∈ C
µZ ¶1/p µZ ¶1/p
kαf kLp = ˜ p
|αf | dµ = |α| ˜ p
|f | dµ = |α| kf kLp

d’après la linéarité de l’intégrale de fonctions positives prouvée en Proposition 3.2.7.


Considérons enfin une (classe de) fonction f ∈ Lp (µ) telle que kf k = 0. Alors
Z
Prop. 4.2.3
kf kLp = 0 ⇐⇒ |f˜|p dµ = 0 ⇐⇒ f˜ = 0 pp. ⇐⇒ f = 0 dans Lp (µ).

à p (µ) est un espace vectoriel dans le cas p < ∞.


On a donc montré que L

Cas p = ∞ : Considérons d’abord f ∈ L∞ (µ) et f˜ un représentant de f dans L∞ .


Alors ∀k ∈ N∗ on a ³ ´
µ x ∈ R, |f˜(x)| > 1/k + kf kL∞ = 0,
n o
puisque par définition kf kL∞ = inf M tel que µ(|f˜| > M ) = 0 et que donc M = kf kL∞ +
1/k convient. Comme
n o n o
|f˜| > kf kL∞ = ∪k∈N∗ |f˜| > kf kL∞ + 1/k ,

on obtient par sous-additivité dénombrable que


³ ´ X ³ ´
µ |f˜| > kf kL∞ ≤ µ |f˜| > kf kL∞ + 1/k = 0.
k∈N∗

Cela implique le résultat suivant intéressant en soit :

f˜(x) ≤ kf kL∞ pp.x ∈ X (6.3)

Montrons que L∞ (µ) est un espace vectoriel : soient f, g ∈ L∞ (µ), f˜, g̃ des représentants,
alors on a l’inclusion d’ensembles
n o n o
|f˜| ≤ kf kL∞ ∩ {|g̃| ≤ kgkL∞ } ⊂ |f˜ + g̃| ≤ kf k∞ + kgk∞ ,

45
donc en passant au complémentaire :

{|f˜| > kf kL∞ } ∪ {|g| > kgkL∞ } ⊃ {|f˜ + g̃| > kf kL∞ + kgk∞ }.

L’ensemble de gauche est de mesure nulle donc


³ ´
µ |f˜ + g̃| > kf kL∞ + kgkL∞ = 0.

On en déduit donc que f + g ∈ L∞ (µ) et que

kf + gkL∞ ≤ kf kL∞ + kgkL∞ .

C’est l’inégalité triangulaire. On prouve de manière immédiate que si α ∈ C, on a αf ∈


L∞ (µ) et que donc L Ã ∞ (µ) est une espace vectoriel. Précisément on a
n ³ ´ o
˜
kαf kL∞ = inf M ∈ R+ tel que µ |αf | > M = 0
n ³ ´ o
= inf |α|N ∈ R+ tel que µ |f˜| > N = 0
= |α| kf kL∞ .

Considérons enfin f ∈ L∞ (µ) tel que kf kL∞ = 0. Alors µ(|f˜| > 0) = 0 et donc f˜ = 0
presque partout, ce qui implique f = 0 dans L Ã ∞ (µ). On a bien montré que L
à ∞ (µ) est un
espace vectoriel normé avec la norme définie en (6.2). 2

On vient de voir que l’inégalité de Minkowski correspondait à l’inégalité triangulaire


dans les Lp (µ). L’inégalité de Hölder se lit ainsi :

Proposition 6.1.5 Soient p, p0 ∈ [1, +∞] deux exposants conjugués. Alors pour tout f ∈
0
Lp (µ), g ∈ Lp (µ), on a f g ∈ L1 (µ) et kf gk1 ≤ kf kp kgkp0 ( Hölder).

Preuve . Lorsque p, p0 ∈]1, +∞[ on obtient directement le résultat en appliquant


l’inégalité de Hölder a des représentants de f et g.
Pour p = 1 ( et donc p0 = +∞) considérons f˜, g̃ des représentants de f et g. On a
alors
|f˜(x)g̃(x)| ≤ |f˜(x)|kgkL∞ pp.x ∈ X,
d’après la formule (6.3). Comme f˜ ∈ L1 (µ) on obtient que le produit f˜g̃ également d’après
le dernier point de la Proposition 3.2.7. Précisément on a
Z µZ ¶
˜
|f g̃|dµ ≤ ˜
|f |dµ kgkL∞ < ∞,

ce qui implique f g ∈ L1 (µ) et kf gkL1 ≤ kf kL1 kgkL∞ . 2

On passe maintenant au Théorème le plus important de ce chapitre :

Théoreme 6.1.6 Soit (X, M, µ) un espace mesuré où µ ≥ 0, p ∈ [1, +∞]. Alors Lp (µ)
est un espace de Banach et L2 (µ) est un espace de Hilbert.

46
Preuve . Pour montrer que c’est un espace de Banach il suffit de montrer qu’il est
complet. Considérons (fn ) une suite de Cauchy dans Lp (µ). Cela s’écrit

∀ε > 0, ∃Nε tel que ∀n, m ≥ Nε , kfn − fm kLp ≤ ε.

Nous allons séparer de nouveau les cas.

Cas 1 ≤ p < ∞ : On va construire une suite d’indices (nk )k∈N tel que

∀k ∈ N, kfnk+1 − fnk kLp ≤ 2−k . (6.4)

Procédons par réccurence. Puisque (fn ) est de Cauchy, il existe n1 ∈ N tel que ∀p ∈ N,
kfn1 +p −fn1 kLp ≤ 2−1 et de même il existe p1 ∈ N tel que ∀p ∈ N, kfn1 +p1 +p −fn1 +p1 kLp ≤
2−2 . On pose alors n2 = n1 + p1 (alors kfn2 − fn1 kLp < 2−1 ))
Par récurrence sur k ∈ N∗ , supposons construits n1 ≤ n2 ≤ · · · ≤ nk tel que ∀p ∈ N,
et ∀j ∈ [1, k] on ait
kfnj +p − fnj kLp ≤ 2−j . (6.5)
On remarque en particulier que cela implique kfnj − fnj −1 kLp ≤ 2−(j−1) dès que j ∈ [2, k].
De la propriété de Cauchy on déduit qu’il existe pk ∈ N tel que

∀p ≥ 0, kfnk +pk +p − fnk +pk k ≤ 2−(k+1) .

On pose alors nk+1 = nk + pk et on obtient (6.5) pour j = k + 1, ce qui termine la


récurrence. Puisque les nk sont ordonnés, (6.5) implique également le résultat cherché
(6.4).

On construit alors les (classes de) fonctions positives suivantes


k
X ∞
X
gk = |fnj+1 − fnj |, et g = |fnj+1 − fnj |.
j=1 j=1

Alors gk ∈ Lp (µ) comme somme finie de fonctions dans Lp (µ), puisque Lp (µ) est un espace
vectoriel. On identifie pour la suite de la preuve les fonctions dans Lp (µ) et un de leur
représentant. On a alors
k
X k
X
° °
kgk kLp ≤ ° °
fnj+1 − fnj Lp ≤ 2−j ≤ 1.
j=1 j=1

d’après (6.4). On remarque ensuite que g est mesurable comme limite d’une suite de
fonctions mesurables (la valeur ∞ est permise). On en déduit directement que g p est
également mesurable d’après la Proposition 2.2.4. Son intégrale vaut
Z Z Z Z
F atou
|g| dµ = lim |gk | dµ = lim inf |gk | dµ ≤ lim inf |gk |p dµ ≤ 1,
p p p

par le lemme de Fatou 4.1.5. On a donc g ∈ Lp (µ) et kgkLp ≤ 1. Le point iv) de la Pro-
position 4.2.3 implique alors que g p < ∞ presque
P partout, ce qui signifie exactement que
pour presque tout x ∈ X, la série numérique kj=1 (fnj+1 (x)−fnj (x)) converge absolument

47
dans R. Soit A l’ensemble sur lequel cette limite existe, qui est donc tel que µ(Ac ) = 0.
On définit alors pour tout x ∈ X f (x) par la série télescopique suivante
 

X
f (x) = fn1 (x) + (fnj+1 (x) − fnj (x)) 11A (x).
j=1

Alors pour tout x ∈ X, on a f (x) = limj→∞ fnj (x)11A (x) donc la fonction f est mesurable.
C’est un bon candidat pour être la limite de la suite (fn ) :
Montrons d’abord que f ∈ Lp (µ). Soit m ∈ N, alors ∀x ∈ A,

|f (x) − fm (x)| = lim |fnk (x) − fm (x)|,


k→∞

donc en intégrant
Z Z Z Z
F atou
p
|f −fm | dµ = lim |fnk −fm | dµ = lim inf |fnk −fm | dµ ≤ lim inf |fnk −fm |p dµ.
p p
k→∞

ROr (fj ) est pde Cauchy dans Lp (µ) donc ∀ε, ∃Nε tel que ∀m ≥ Nε et nk ≥ Nε on ait
p
|fnk − fm | dµ ≤ ε . On en déduit que pour un tel ε et m ≥ Nε on a
Z
|f − fm |p ≤ εp . (6.6)

En particulier, on obtient f − fm ∈ Lp (µ) et donc f = f − fm + fm ∈ Lp (µ) puisque Lp (µ)


est un espace vectoriel.
Enfin on a également obtenu que ∀m ≥ Nε , kf −fm kLp ≤ ε ce qui implique que fm → f
dans Lp (µ). On a montré que la suite (fn ) converge dans Lp (µ) et donc que Lp (µ) est un
espace de Banach pour p ∈ [1, +∞[.

Cas p = 2. Montrons que L2 (µ) est un espace R de2Hilbert. On sait déjà que L2 (µ) est
1/2
un espace de Banach pour la norme kf kL2 = ( |f | dµ) . Il reste juste à verifier que
cette norme est associée à un produit Hermitien. Pour cela on introduit pour f, g ∈ L2 (µ)
l’application suivante Z
B(f, g) = f gdµ.

Cette application est bien définie sur L2 (µ) à valeur dans C grace à l’inégalité de Hölder.
elle est bien linéaire par rapport à la première variable, semi-linéaire par rapport à la
deuxième et vérifie B(g, f ) = B(f, g). C’est donc une forme sesquilinéaire. Elle est claire-
ment positive puisque
B(f, f ) = kf k2L2 ≥ 0.
Enfin soit f ∈ L2 (µ) telle que B(f, f ) = 0. Alors kf k2L2 = 0 et comme f ≥ 0 cela implique
d’après le point i) de la Proposition 4.2.3 que f˜ = 0 pp. si f˜ est un représentant de f .
Finalement f = 0 dans L2 (µ). C’est donc un espace de Hilbert.

Cas p = ∞. Considérons de nouveau la suite de Cauchy (fn ) cette fois-ci dans L∞ (µ).
On identifie de nouveau les classes de fonctions et leurs représentants. On pose pour tout
n, m ∈ N,

An = {x ∈ X; |fn (x)| > kfn k∞ } ,


et Bn,m = {x ∈ X; |fn (x) − fm (x)| > kfn − fm k∞ } .

48
Alors d’après la remarque faite en (6.3), on a µ(An ) = 0 et µ(Bn,m ) = 0. Cela implique
que l’ensemble [ [
Ac = ( An ) ∪ ( Bn,m )
n n,m

est de mesure nulle comme union dénombrable d’ensembles de mesure nulle. D’après les
définitions précédentes, on a pour tout x ∈ A
|fn (x) − fm (x)| ≤ kfn − fm kL∞ et |fn (x)| ≤ kfn kL∞ . (6.7)
Nous utiliserons ces majorations plus loin. On remarque ensuite que l’inégalité triangulaire
implique
|kfn kL∞ − kfm kL∞ | ≤ kfn − fm kL∞ .
Comme (fn ) est de Cauchy dans Lp (µ), on en déduit que la suite réelle (kfn kL∞ )n∈N est de
Cauchy dans R par simple majoration. En particulier elle est bornée par un réel M0 ≥ 0.
D’après l’inégalité (6.7), on obtient que pour tout x ∈ A on a
|fn (x)| ≤ M0 .
Pour tout x ∈ A, on a alors d’après l’inégalité triangulaire
||fn (x)| − |fm (x)|| ≤ |fn (x) − fm (x)| ≤ kfn − fm kL∞ .
On en déduit que pour tout x ∈ A, (fn (x)) est de cauchy dans C donc converge. Introdui-
sons alors la fonction définie pour x ∈ X par
f (x) = lim (fn (x)11A (x)).
n→∞

Elle est est mesurable comme limite et produit de fonctions mesurables. Par ailleurs ∀x ∈
A, |fn (x)| ≤ M0 donc |f (x)| ≤ M0 ce qui implique f ∈ L∞ (µ) et kf kL∞ ≤ M0 .
L∞
Montrons enfin que fn −−→ f . On sait que ∀x ∈ A, on a
|(f (x) − fm (x))11A (x)| = lim |(fn (x) − fm (x))11A (x)| ≤ lim kfn − fm kL∞ . (6.8)
n→∞ n→∞

Or (fn ) est de Cauchy, donc pour tout ε > 0, ∃Nε tel que ∀n, m ≥ Nε , kfn − fm k∞ ≤ ε.
L’inégalité (6.8) implique donc que ∀m ≥ Nε et ∀x ∈ A,
|(f (x) − fm (x))11A (x)| ≤ ε,
L∞
donc kf − fm kL∞ ≤ ε puisque µ(A) = 0. On vient de montrer que fm −−→ f et donc que
L∞ (µ) est complet. La preuve est terminée. 2

Au cours de la preuve, on a également montré le résultat suivant :

Proposition 6.1.7 Soit (X, M, µ) un espace mesuré ou µ est une mesure positive. Soit
p ∈ [1, +∞] et (fn ) une suite de fonctions convergeant vers une fonction f dans Lp (µ).
Alors il existe une sous suite (fnk )k∈N telle que fnk → f presque partout.

De nouveau on a identifié les classes de fonctions et un de leur représentants. Précisément


on peut rappeler que si f˜n et f˜ sont des représentants respectifs de fn et f , alors f˜n → f˜
presque partout signifie qu’il existe un ensemble A tel que µ(Ac ) = 0 et ∀x ∈ A, f˜j (x) →
f˜(x) dans C. On signale également que par exemple dans L1 (µ) il existe des suites (fn )
telles que (fn (x)) diverge pour tout x ∈ X. Le processus d’extraction d’une sous-suite est
donc indispensable.

49
6.2 Intégrales dépendant d’un paramètre
On va montrer dans cette section deux Théorèmes de continuité et de derivation sous
le signe intégrale. Ce sont essentiellement des applications du Théorème de convergence
dominée, et les preuves sont remarquablement courtes.

Théoreme 6.2.1 (Continuité) — Soit (X, M, µ) un espace mesuré où µ est une mesure
positive. Soit Y un espace métrique, y0 ∈ Y et f : X × Y → C une application vérifiant :
½
X −→ C
a) ∀y ∈ Y , l’application ∈ L1 (µ) ;
x 7−→ f (x, y)
½
Y −→ C
b) pour µ-presque tout x, est continue en y0 ;
y 7−→ f (x, y)
c) il existe une fonction 0 ≤ g ∈ L1 (µ) telle que pour presque tout x ∈ X, ∀y ∈ Y ,
|f (x, y)| ≤ g(x).
R
Alors la fonction définie sur Y par F (y) = f (x, y)dµ est continue en y0 .

Précisons un peu les hypothèses avant de commencer la preuve. On commence par


remarquer que a) permet de donner un sens à la fonction F . b) signifie qu’il existe un
ensemble N mesurable
½ tel que µ(N ) = 0 (N indépendant du paramètre y) et ∀x ∈ N c
Y → C
fixé, la fonction est continue en y0 . L’hypothèse c) est une hypothèse de
y 7→ f (x, y)
domination. Elle signifie qu’il existe un autre ensemble N 0 tel que µ(N 0 ) = 0, et ∀x ∈ N 0 c ,
∀y ∈ Y on a |f (x, y)| ≤ g(x).

Preuve. Soit (yn ) −→ y0 dans Y . Alors ∀n ∈ N,


Z
F (yn ) − F (y0 ) = (f (x, yn ) − f (x, y0 )) dµ.
| {z }
fn (x)

Le point b) implique que fn (x) → 0 presque pour tout x ∈ X. Par ailleurs, le point c)
implique que

|fn (x)| = |f (x, yn ) − f (x, y0 )| ≤ |f (x, yn )| + |f (x, y0 )| ≤ 2g(x) pp. x ∈ X.

Le Théorème de convergence dominée


R version
R II 4.2.4 implique directement que F (yn ) −
F (y0 ) a une limite qui est lim fn (x)dµ = lim fn (x)dµ = 0. Le Théorème est prouvé. 2

Remarque 6.2.2 La continuité est une propriété locale. Pour obtenir la continuité en un
point y0 , il suffit de prendre un voisinage quelconque de y0 à la place de Y . Pour la même
raison, si dans la condition b) on suppose que la fonction utilisée est continue partout au
lieu de l’être juste en y0 alors la fonction F elle même devient également continue partout.
De même il peut être utile de restreindre Y .

Théoreme 6.2.3 (différentiabilité) — Soit (X, M, µ) un espace mesuré où µ est une
mesure positive. Soit Y un ouvert de Rn et f : X × Y → C une application vérifiant :
½
X → C
a) ∀y ∈ Y , ∈ L1 (µ)
x 7→ f (x, y)

50
½
Y → C
b) pour µ-presque tout x, est différentiable sur Y ;
y 7 → f (x, y)
c) il existe une fonction 0 ≤ g ∈ L1 (µ) telle que pour presque tout x ∈ X, ∀y ∈ Y ,
kdy f (x, y)k ≤ g(x).
R
Alors la fonction F définie sur Y par F (y) = dy f (x, y)dµ est différentiable et sa différentielle
est donnée par Z
dF (y) = dy f (x, y)dµ.

De nouveau précisons les hypothèses. On rappelle que pour x ∈ X et y ∈ Y fixés,


dy f (x, y) est l’application linéaire de Cn dans C de composantes
∂f ∂f
(x, y), · · · , (x, y).
∂y1 ∂yn
Cela signifie que pour un vecteur h ∈ Cn on a
∂f ∂f
dh f (x, y).h = h1 + · · · + .
∂y1 ∂yn
De plus pour tout y ∈ Y la fonction x −→ dy f (x, y) est mesurable. En effet elle est limite
d’une suite de fonctions mesurables, puisque pour h ∈ Cn on a
f (x, y + h/k) − f (x, y)
dy f (x, y).h = lim .
k→∞ 1/k
L’Hypothèse c) R est de nouveau une hypothèses de domination. Elle implique en particulier
1
que ∀y ∈ Y , kdy f (x, y)k dµ < +∞ et que donc dy f (x, y) ∈ L (µ) (ie. les composantes
de dy f (x, y) sont dans L1 (µ)).

Preuve . Soit y ∈ Y et r > 0 tel que B(y, r) ⊂ Y et soit 0 6= h ∈ B(y, r). Un


développement de Taylor de f en y à l’ordre 1 donne alors
Z Z
F (y + h) − F (y) = (f (x, y + h) − f (x, y))dµ = (dy f (x, y).h + εx,y (h).khk) dµ.

Comme les fonctions x 7→ f (x, y + h), x 7→ f (x, y) et x 7→ dy f (x, y).h sont mesurables
et même dans L1 (µ) on obtient que x 7→ εx,y (h) est également mesurable et dans L1 (µ).
Cela permet d’utiliser la linéarité de l’intégrale pour obtenir
µZ ¶ µZ ¶
F (y + h) − F (y) = dy f (x, y)dµ .h + εx,y (h)dµ .khk.

D’après l’inégalité des accroissements finis on a alors pour presque tout x ∈ X,


|εx,y (h) × khk| = |f (x, y + h) − f (x, y) − dy f (x, y)|
≤ sup kdy f (x, y + θh)k.khk + kdy f (x, y)k.khk (6.9)
θ∈[0,1]

≤ 2g(x) khk .
C’est une hypothèse de domination. Par ailleurs f étant différentiable dans la variable y
d’après l’hypothèse c) on obtient pour presque tout x ∈ X et y fixés que

εx,y (h) −−−→ 0.


h→0

51
Soit alors (hk )k∈N une suite telle que tel que hk → 0. Alors la fonction εk définie pour
y ∈ Y par εk (x) = εx,y (hk ) converge presque partout vers 0 et est uniformément majorée
par 2g d’après (6.9). Le Théorème de Lebesgue version II implique donc que
Z Z
lim εx,y (hk )dµ = lim εx,y (hk )dµ = 0.
k→∞ k→∞

On peut donc écrire que pour tout y ∈ Y on a


Z Z
def
F (y + h) = F (y) + dy f (x, y).hdµ + E(y, h).khk avec E(y, h) = εx,y (h)dµ.

On vient de montrer que E(y, h) −−−→ 0 ce qui implique que F est différentiable de
h→0
différentielle celle proposée par l’énoncé. Le résultat est prouvé. 2

52
Chapitre 7

Produit d’espaces mesurés

7.1 Produit d’espaces mesurables.


On rappelle d’abord ce que donne la Définition 2.1.9 dans le cas du produit de 2
espaces.

Définition 7.1.1 Soit (X1 , M1 ), (X2 , M2 ) deux espaces mesurables. On appelle tribu
produit notée M1 ⊗M2 sur X1 ×X2 la tribu engendrée par les rectangles (i.e. les ensembles
du type A1 × A2 où A1 ∈ M1 et A2 ∈ M2 ).

On peut remarquer que la tribu M1 ⊗ M2 est la plus petite tribu rendant mesurables
les application coordonnées
½ ½
X1 × X2 −→ X1 X1 × X2 −→ X1
Π1 : et Π2 : .
(x1 , x2 ) 7−→ x1 (x1 , x2 ) 7−→ x2

En effet, supposons d’abord que Π1 est mesurable. Alors pour A1 ∈ M1 , Π−1 1 (A1 ) =
A1 × X2 ∈ M1 ⊗ M2 . Réciproquement supposons que T est une tribu sur X1 × X2 qui
rende Π1 et Π2 mesurables, alors pour A1 ∈ M1 , A2 ∈ M2 , on a Π−1
1 (A1 ) = A1 × X2 ∈ T
et Π−1
2 (A 2 ) = X 1 × A2 ∈ T donc

(A1 × X2 ) ∩ (X1 × A2 ) = A1 × A2 ∈ T .

On vient de montrer que T contient les rectangles donc M1 ⊗M2 ⊂ T d’après la définition
d’une tribu engendrée 2.1.4.

Remarque 7.1.2 Soit f1 : X1 → C et f2 : X2 → C deux fonctions mesurables. On définit


alors ½
X1 × X2 −→ C
f1 ⊗ f2 : .
(x1 , x2 ) 7−→ f1 (x1 )f2 (x2 )
La fonction f1 ⊗ f2 est alors mesurable. En effet f1 ⊗ f2 = f1 ◦ Π1 × f2 ◦ Π2 et donc f1 ⊗ f2
est produit et composée de fonctions mesurables, ce qui implique le résultat d’après les
Propositions 2.2.4 et 2.2.9. 2

On donne maintenant un résultat sur les générateurs d’une tribu produit. La preuve
est laissée en exercice.

53
Proposition 7.1.3 Soient (X1 , M1 ) et (X2 , M2 ) deux espaces mesurables. Si C1 ⊂ M1
def
engendre M1 et contient X1 , et si C2 ⊂ M2 engendre M2 et contient X2 , alors C1 × C2 =
{C1 × C2 ; C1 ∈ C1 , C2 ∈ C2 } engendre M1 ⊗ M2 .

Remarque 7.1.4 Les résultats précédents s’étendent au cas du produit de n espaces


X1 × · · · × Xn muni de la tribu M1 ⊗ · · · ⊗ Mn . On pourra en particulier remarquer
que le produit tensoriel des tribus est associatif. Ansi on peut vérifier que le produit
(M1 ⊗ · · · ⊗ Md ) ⊗ (Md+1 ⊗ · · · ⊗ Mn ) ne dépend pas de d et est égal à M1 ⊗ · · · ⊗ Mn .
En fait on sait d’après le début de ce chapitre que (M1 ⊗ · · · ⊗ Md ) ⊗ (Md+1 ⊗ · · · ⊗ Mn )
est la plus petite tribu rendant mesurable l’application (x1 , · · · , xn ) 7→ (x1 , · · · , xd ) et
(x1 , · · · , xn ) 7→ (xd+1 , · · · , xn ). C’est aussi la plus petite tribu rendant mesurables les
projections définies pour tout j ∈ [1, n] par (x1 , · · · , xn ) 7−→ xj . C’est donc également
M1 ⊗ · · · ⊗ Mn par simple vérification.

Exemple 7.1.5 Grace à la Proposition 7.1.3 on retrouve ainsi le fait que le produit de d
exemplaires de (R, B(R)) est (Rd , B(Rd )).

On retourne maintenant au cas de deux espaces.

Proposition 7.1.6 Soient (X1 , M1 ), (X2 , M2 ) et (Y, N ) trois ensembles mesurables.


Une application f : Y → X1 × X2 est mesurable si et seulement si les applications coor-
données f1 = Π1 ◦ f et f2 = Π2 ◦ f le sont.

Preuve . Supposons d’abord f mesurable. Alors f1 et f2 sont également mesurables


comme composées de fonctions mesurables.
Réciproquement supposons que f1 et f2 soient mesurables. Puisque les pavés en-
gendrent la tribu produit, il suffit d’après la Proposition 2.2.5 de montrer que l’image
réciproque d’un pavé par f est mesurable. Soient donc A1 ∈ M1 et A2 ∈ M2 , alors

f −1 (A1 × A2 ) = f −1 ((A1 × X2 ) ∩ (X1 × A2 ))


¡ ¢
= f −1 Π−1 −1
1 (A1 ) ∩ Π2 (A2 )
¡ ¢ ¡ −1 ¢
= f −1 Π−11 (A1 ) ∩ f
−1
Π2 (A2 ) (7.1)
−1 −1
= (Π1 ◦ f ) (A1 ) ∩ (Π2 ◦ f ) (A2 )
= f1−1 (A1 ) ∩ f2−1 (A2 ) ∈ N,

puisque M est une tribu. On a utilisé les propriétés des fonctions réciproques rappelées
après (1.1). On a ainsi montré que f est mesurable. Cela conclue la preuve. 2

Regardons pour finir cette section les propriétés de quelques fonctions et ensembles
particuliers.

Proposition 7.1.7 Soit (X1 , M1 ), (X2 , M2 ) deux espaces mesurables, alors :


a) Si (Y, N ) est mesurable et si f : X1 × X2 → Y est mesurable alors pour tout x1,0 ∈ X1
et x2,0 ∈ X2 fixés, les fonctions suivantes sont mesurables :
½ ½
X2 −→ Y X1 −→ Y
fx1,0 : , et fx2,0 : .
x2 7−→ f (x1,0 , x2 ) x1 7−→ f (x1 , x2,0 )

54
b) Si A ∈ M1 ⊗ M2 , alors ∀x1,0 ∈ X1 et x2,0 ∈ X2 fixés, les ensembles suivants sont
mesurables :

Ax1,0 = {x2 ∈ X2 ; (x1,0 , x2 ) ∈ A} et Ax2,0 = {x1 ∈ X1 ; (x1 , x2,0 ) ∈ A} . (7.2)

Preuve. Pour a) on remarque que pour x1,0 ∈ X1 fixé on a fx1,0 = f ◦ hx1,0 où
½
X2 → X1 × X2
hx1,0 : .
x2 7→ (x1,0 , x2 )

Pour cette fonction les applications coordonnées sont la fonction constante x2 7→ x1,0 et
l’application Identité IdX2 : x2 7→ x2 . Elles sont clairement mesurables et donc d’après
la proposition 7.1.6, la fonction hx1,0 aussi. La Proposition 2.2.4 implique alors que la
composée fx1,0 est également mesurable. On obtient de même que fx2,0 est mesurable en
échangeant le rôle des variables. Cela prouve le point a).

Pour montrer le point b), prenons f = 11A et donc fx1,0 = f (x1,0 , .) = 11Ax1,0 . Or fx1,0
est mesurable par a) donc Ax1,0 = fx−1 1,0
({1}) aussi. On obtient de même que Ax2,0 est
mesurable en échangeant les rôles des variables. Cela conclue la preuve. 2

7.2 Mesure produit, Théorème de Fubini.


Définition-Proposition 7.2.1 Soit (X1 , M1 , µ1 ), (X2 , M2 , µ2 ) deux espaces mesurés où
les mesures µj sont positives et finies (resp. σ-finies). Alors il existe une unique mesure
notée µ1 ⊗ µ2 sur (X1 × X2 , M1 ⊗ M2 ) telle que ∀A1 ∈ M1 , A2 ∈ M2 ,

µ1 ⊗ µ2 (A1 × A2 ) = µ1 (A1 ) × µ2 (A2 ), (7.3)

et cette mesure est finie (resp. σ-finie). Le triplet (X1 × X2 , M1 ⊗ M2 , µ1 ⊗ µ2 ) est appelé
espace mesuré produit.

On renvoie au Théorème 5.1.3 pour la définition d’une application σ−finie. Pour la


preuve de cette Proposition, on va avoir besoin du résultat suivant, dont la preuve un peu
technique est omise.

Lemme 7.2.2 Sous les½hypothèses de la Proposition 7.2.1, considérons A ∈ M1 ⊗ M2 .


X1 −→ R+
Alors l’application ϕA
1 : est mesurable.
x1 7−→ µ2 (Ax1 )

Preuve de la Proposition. On vient de voir que ∀A ∈ M1 ⊗ M2 , ϕA


1 est mesurable.
On pose alors Z
def
µ1 ⊗ µ2 (A) = ϕA
1 (x1 )dµ1 . (7.4)
X1

L’application µ1 ⊗ µ2 est bien définie sur M1 ⊗ M2 et à valeur dans R+ . Montrons que


c’est une mesure. On observe d’abord que
Z
µ1 ⊗ µ2 (∅) = µ2 (∅)dµ1 = 0,

55
puisque lorsque A = ∅ on a Ax1 = ∅ dans X2 .
Montrons ensuite l’additivité dénombrable. On considère (Aj )j∈N ⊂ M1 ⊗ M2 une
suite d’ensembles mesurables disjoints et on pose A = ∪j∈N Aj . Alors on observe d’une
part que X2 ⊃ Ax1 = (∪Aj )x1 = ∪(Ajx1 ) et d’autres part que les Ajx1 sont disjoints
puisque les Aj le sont. On écrit alors
Z Z Z X
¡ ¢ ensembles disjoints
µ1 ⊗ µ2 (A) = µ2 (Ax1 )dµ1 = µ2 ∪j∈N Ajx1 dµ1 = µ2 (Ajx1 )dµ1
j∈N
Beppo−Levi XZ X
= µ2 (Ajx1 )dµ1 = µ1 ⊗ µ2 (Aj ).
j∈N j∈N
(7.5)
Pn
Ici le Théorème de Beppo-Levi 4.1.1 s’applique
P aux fonctions positives x1 7−→ j=1 µ2 (Ajx1 )
qui convergent en croissant vers la somme j∈N µ2 (Ajx1 ). C’est le résultat cherché.
Pour finir montrons la dernière propriété. Pour A1 ∈ M1 et A2 ∈ M2 , on a
Z Z
µ1 ⊗ µ2 (A1 × A2 ) = µ2 ((A1 × A2 )x1 )dµ1 = µ2 (A2 ) × 11A1 (x1 )dµ1
Z (7.6)
= µ2 (A2 ) 11A1 (x1 )dµ1 = µ2 (A2 )µ1 (A1 )

En particulier, si µ1 et µ2 sont finies (resp. σ− finies), alors µ1 ⊗ µ2 aussi. Par ailleurs


M1 ⊗ M2 est engendré par les rectangles sur lesquels µ1 × µ2 a une valeur donnée par
l’énoncé donc elle est uniquement déterminée sur M1 ⊗M2 tout entier d’après le Théorème
de prolongement 5.1.3. Elle est donc unique. La preuve est finie. 2

On peut maintenant aborder les Théorèmes de Fubini-Tonelli et de Fubini, qui font


partie des résultats fondamentaux du cours.

Théoreme 7.2.3 (de Fubini-Tonelli) Soit (X1 , M1 , µ1 ), (X2 , M2 , µ2 ) deux espaces me-
surés où les mesures µj sont positives et σ− finis. Alors pour toute fonction f mesurable
sur X1 × X2 à valeur dans R+ , les fonctions
½ ½
X1 −→ R R+ X2 −→ R R+
F1 : et F2 :
x1 7−→ X2 f (x1 , x2 )dµ2 x2 7−→ X1 f (x1 , x2 )dµ1

sont mesurables positives et on a


ZZ Z µZ ¶ Z µZ ¶
f (x1 , x2 )dµ1 ⊗ µ2 = f (x1 , x2 )dµ2 dµ1 = f (x1 , x2 )dµ1 dµ2 .
X1 ×X2 X1 X2 X2 X1

(Précisons que dans le premier terme le signe intégrale double est une convention
d’écriture pour rappeler que l’intégration se fait sur un espace produit)

Preuve. On regarde d’abord le cas d’une fonction indicatrice. Soit A ∈ M1 ⊗ M2 et


considérons f = 11A . Pour cette fonction f on a alors pour tout x1 ∈ X1 ,
Z
F1 (x1 ) = 11A (x1 , x2 )dµ2 = µ2 (Ax1 ) = ϕA
1 (x1 ).
X2

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La fonction ϕA1 est mesurable d’après le lemme admis 7.2.2. De plus,
ZZ ZZ Z Z
déf. (7.4) A
f dµ1 ⊗ µ2 = 11A dµ1 ⊗ µ2 = µ1 ⊗ µ2 (A) = ϕ1 dµ1 = F1 dµ1 .

En échangeant les rôles de x1 et x2 , on obtient par unicité de la mesure produit que


Z ½
A A X2 → R+
µ1 ⊗ µ2 (A) = ϕ2 (x2 )dµ2 où ϕ2 : . (7.7)
X2 x2 7→ µ1 (Ax2 )

On rappelle que Ax2 a été


R défini en (7.2). On obtient alors de manière similaire que si
A
f = 11A alors F2 = ϕ2 et F2 (x2 )dµ2 = µ1 ⊗ µ2 (A).

Le cas des fonctions étagées s’en déduit alors par somme finie. Pour le cas général, on
travaille d’abord sur les fonctions étagées. Soit sk une suite de fonctions étagées positives
tendant en croissant vers f . On définit
Z Z
Sk,1 (x1 ) = sk (x1 , x2 )dµ2 et Sk,2 (x2 ) = sk (x1 , x2 )dµ1 .
X2 X1

Alors d’après le résultat précédemment prouvé sur les fonctions étagées on a :


Z Z ZZ
Sk,1 dµ1 = Sk,2 dµ2 = sk dµ1 ⊗ µ2 (7.8)
X1 X2

On va appliquer plusieurs fois le Théorème de Beppo-Levi. On a d’abord


ZZ ZZ
BL
sk dµ1 ⊗ µ2 −−−−→ f dµ1 ⊗ µ2 (7.9)
µ1 ⊗µ2
R
Ensuite on a 0 ≤ Sk,1 = X2 sk (., x2 )dµ2 donc 0 ≤ Sk,1 −→ F1 en croissant avec k, ce qui
implique Z Z
BL
sk1 (x1 )dµ1 −−−−−→ F1 dµ1 . (7.10)
pour µ1

On en déduit
ZZ ZZ Z Z
(7.9) (7.8) (7.10)
f dµ1 ⊗ µ2 = lim sk dµ1 ⊗ µ2 = lim Sk,1 (x1 )dµ1 = F1 dµ1 .
k→∞ k→∞

C’est le résultat cherché pour F1 . Le même résultat s’obtient pour F2 en échangeant le


rôle des variables. La preuve est complète. 2

Exemple 7.2.4 Un exemple basique d’interversion d’intégrale est donnée par l’égalité
XX XX X
an,p = an,p = an,p
n p p n n,p

(dans R+ ) pour an,p ∈ R+ . C’est le Théorème de Fubini-Tonelli sur (N, P(N)) muni de la
mesure de comptage.

Souvent dans les applications, le Théorème de Fubini-Tonelli sert à démontrer qu’une


fonction est dans L1 (µ1 ⊗ µ2 ). Le Théorème de Fubini qui va suivre sert alors à calculer
explicitement son intégrale.

57
Théoreme 7.2.5 (de Fubini) Soit (X1 , M1 , µ1 ), (X2 , M2 , µ2 ) deux espaces mesurés,
où les mesures sont positives et σ−finies. Soit f : X1 × X2 → C une fonction mesurable.
Alors :
R ³R ´
a) Si X1 X2 |f (x1 , x2 )|dµ2 dµ1 < ∞, alors f ∈ L1 (µ1 ⊗ µ2 ).
b) Si f ∈ L1 (µ1 ⊗ µ2 ) alors pour presque tout x1 ∈ X1 on a f (x1 , .) ∈ L1 (µ2 ), de plus
Z
F1 : x1 7−→ f (x1 , x2 )dµ2

est intégrable sur X1 . On obtient de même en échangeant les rôles de x1 et x2 . Enfin


toutes les intégrales sont égales, i.e. :
Z µZ ¶ Z µZ ¶
f (x1 , x2 )dµ2 dµ1 = f (x1 , x2 )dµ1 dµ2
X1 X2 X2 X1
ZZ (7.11)
= f (x1 , x2 )dµ1 ⊗ µ2 .
X1 ×X2

Preuve. Le point a) est une conséquence directe du Théorème de Fubini-Tonelli appliqué


à la fonction positive |f |.
Pour le point b), on considère dans un premier temps une fonction f à valeur réelle,
pour laquelle on écrit f = f+ −f− . Appliquons le Théorème de Fubini-Tonelli à la fonction
positive f+ ≤ |f |. On obtient
Z µZ ¶ ZZ ZZ
F ubini−T onelli
f+ (x1 , x2 )dµ2 dµ1 = f+ dµ1 ⊗ µ2 ≤ |f |dµ1 ⊗ µ2 < ∞.
X1 X2
R
puisque |f | ∈ L1 (µ1 ⊗ µ2 ). Posons alors F+,1 : x1 7→ X2 f+ (x1 , x2 )dµ2 . D’après la Pro-
R
position 4.2.3 le fait que X1 F+,1 dµ1 < ∞ implique F+,1 < ∞ µ1 −presque partout, c’est
à dire f (x1 , .) ∈ L1 (µ2 ) pour presque tout x1 . En privilégiant la variable x2 au lieu de la
variable x1 on obtient de même
Z µZ ¶ ZZ
F ubini−T onelli
f+ (x1 , x2 )dµ1 dµ2 = f+ dµ1 ⊗ µ2 < ∞.
X2 X1

ce qui prouve (7.11) avec f+ au lieu de f . En utilisant le fait que 0 ≤ f− ≤ |f | on obtient


de même (7.11) avec f− au lieu de f . Les intégrales étant toutes finies on peut sommer et
utiliser la linéarité, ce qui donne finalement (7.11) pour f .
Dans le cas où f est complexe, on écrit f = f+ − f− + ig+ − ig− et on obtient le résultat
en utilisant que 0 ≤ f± ≤ |f | et 0 ≤ g± ≤ |f |. Le Théorème est démontré. 2

7.3 Changements de variables et intégration


On se place dans cette courte section sans preuve sur Rd muni de la tribu des boréliens
et de la mesure de Lebesgue.
On rappelle que pour U et V deux ouverts de Rd , une application ϕ : U → V est
un C 1 −difféomorphisme si elle est bijective, C 1 et de réciproque C 1 . Une telle application
est aussi appelée changement de variables. Commençons par un rappel du cours de calcul
différentiel :

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Proposition 7.3.1 Soit U ouvert de Rd . Alors une application ϕ : U −→ Rd est un
C 1 −difféomorphisme de U sur ϕ(U) si et seulement si :
i) ϕ est injective ;
ii) ϕ est C 1 (⇐⇒ les dérivées partielles le sont) ;
iii) ∀x ∈ U, J(ϕ) = det(ϕ0 (x)) 6= 0.

Le Théorème suivant se montre par récurrence sur la dimension grace à un argument


de localisation. La preuve est omise.

Théoreme 7.3.2 Soit U et V deux ouverts de Rd et ϕ un C 1 −difféomorphisme de U sur


V. Alors pour toute fonction positive f sur V on a :
Z Z Z Z
f (y)dy = f ◦ ϕ(x)|J(ϕ)(x)|dx et f ◦ ϕ(x)dx = f (y)|J(ϕ−1 )(y)|dy.
V U U V
R
En particulier, λ(ϕ(A)) = A |J(ϕ)(x)|dx (λ est la mesure de Lebesgue).

Exemples 7.3.3
1 — Changement de variables linéaire
R — Si Rϕ est définie par ϕ(x) = αx + β, α ∈ R∗ ,
β ∈ R , alors |J(ϕ)| = |α| et on a V f (y)dy = U f (αx + β)|α|d dx.
d d

2 — Coordonnées Polaires — Soit f une fonction borélienne définie sur

BR = {(x, y); x2 + y 2 < R}.

Alors la fonction fpol : (r, θ) 7→ f (r cos θ, r sin θ) définie sur ]0, R[×]0, 2π[ est mesurable
positive, et si f intégrable alors fpol aussi. De plus on a l’égalité
Z Z Z Z Z
f (x, y)dxdy = f (r cos θ, r sin θ)rdrdθ = fpol (r, θ)drdθ,
BR [0,2π] [0,R] [0,2π] [0,R]

où on a utilisé le changement de variables suivant


½
]0, R[×]0, 2π[ −→ BR \ [0, R[×{0}
ϕ: .
(r, θ) 7−→ (x, y)

On pourra remarquer que pour la mesure produit, le segment [0, R[×{0} est de mesure
nulle, et peut être enlevé du domaine d’intégration de f .

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