Vous êtes sur la page 1sur 31

Signata

Annales des sémiotiques / Annals of Semiotics


7 | 2016
Traduire : signes, textes, pratiques

Formes, sens et pratiques du sous-titrage spécial


Sabrina Baldo De Brébisson

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/signata/1229
DOI : 10.4000/signata.1229
ISSN : 2565-7097

Éditeur
Presses universitaires de Liège (PULg)

Édition imprimée
Date de publication : 31 décembre 2016
Pagination : 255-284
ISBN : 978-2-87562-115-3
ISSN : 2032-9806

Référence électronique
Sabrina Baldo De Brébisson, « Formes, sens et pratiques du sous-titrage spécial », Signata [En ligne],
7 | 2016, mis en ligne le 31 décembre 2017, consulté le 09 janvier 2018. URL : http://
journals.openedition.org/signata/1229 ; DOI : 10.4000/signata.1229

Signata - PULg
TRANSPOSITIONS BETWEEN
VERBAL AND NON-VERBAL
SEMIOTICS

Formes, sens et pratiques du sous-titrage spécial1

Sabrina Baldo De Brébisson


Université d’Évry Val d’Essonne

1. Introduction
Avec l’explosion du numérique dans les années quatre-vingt-dix, certains logiciels
ont été conçus pour la création de sous-titres dits spéciaux. Ces derniers se dis-
tinguent nettement des sous-titres classiques qui sont contraints de suivre inva-
riablement une série de règles qui peuvent être conçues comme des normes tradi-
tionnelles. En transgressant ces dernières, l’usage du sous-titrage spécial remet en
question la pratique traditionnelle d’autant qu’il propose pléthore de possibilités
plastiques (qui traitent des formes et des couleurs), de modes d’apparition et de
disparition.
Fondé sur un corpus de ilms sous-titrés, notre domaine de recherche a porté
sur les sous-titres intralinguistiques (anglais écrit) et interlinguistiques (de l’anglais
oral ou écrit vers le français écrit), soit sur les signes verbaux (dialogues) ou les
signes visuels (textes à l’écran).
Après avoir tenté de catégoriser le sous-titre classique selon diférents types
de restrictions, nous avons dressé un bilan des possibilités formelles qui sont
aujourd’hui applicables grâce à l’utilisation des logiciels d’efets visuels.
À l’issue de cette première étape essentiellement descriptive, nous avons tenté
de répondre aux questions suivantes : la pratique du sous-titrage spécial est-elle
répandue ? Dans quels types de ilms la rencontre-t-on ? Qu’apporte-t-elle au
domaine professionnel de la traduction audiovisuelle ? Permet-elle d’en améliorer

1. L’expression « sous-titrage spécial » a été empruntée à Hamus-Vallée (à paraître).


256 Transpositions Between Verbal and Non-verbal Semiotics

la qualité formelle et sémantique ? Qui en fait usage ? Quels sont ses efets sur le
spectateur ?

2. Le sous-titre classique : de l’histoire ancienne ?


Par commodité, nous avons appelé les sous-titres qui suivent les normes très géné-
ralisées2 du sous-titrage, « sous-titres classiques »3. Ceux-ci appliquent un système
de restrictions sui generis que nous avons essayé de catégoriser selon leurs parti-
cularités visuelles, audiovisuelles, esthétiques, spatiales, spatiotemporelles, linguis-
tiques et traductionnelles. Cette taxonomie a été élaborée ain de mieux les difé-
rencier des sous-titres spéciaux.
Ainsi, d’un point de vue visuel et audiovisuel, les sous-titres doivent être :
– intégrés à un seul plan (en d’autres termes, ils ne doivent pas chevaucher
plusieurs plans) ;
– synchrones avec la bande sonore, ce qui suppose une harmonisation entre seg-
ment verbal et lecture non verbale ;
D’un point de vue esthétique, la forme même des sous-titres est traditionnel-
lement :
– monochrome, de couleur blanche, parfois légèrement bordée de noir ;
– en caractère normal ;
– en police Arial ou Helvetica.
D’un point de vue spatial, ils sont disposés :
– horizontalement et centrés en bas de l’écran pour les langues européennes ;
– verticalement et à droite de l’écran pour le japonais et le chinois ;
– sur une ligne ou deux maximum ;
– de façon pyramidale (la première ligne doit être plus courte que la seconde pour
libérer l’image) ;
– de manière pertinente, leur coupure entre la première et la seconde ligne doit
respecter les unités de traduction dans la mesure du possible.
D’un point de vue spatiotemporel, ils occupent :
– vingt-huit à trente-sept caractères par ligne pour la télévision, soit un total
maximal de soixante-quatorze caractères ;

2. Pour plus de détails, cf. Díaz Cintas (2001, pp. 199-211 et 2008, pp. 89-103), Karamitroglou
(1998) et Orero (2008).
3. Le logiciel d’aide au sous-titrage Ayato est présenté comme un « éditeur de sous-titres classiques ».
Cf. http://www.ninsight.fr/w2/index.php?option=com_content&view=article&id=53&
Itemid=71&lang=fr.
Formes, sens et pratiques du sous-titrage spécial 257

– quarante à quarante-et-un caractères pour le cinéma. Pour les versions dvd,


les sous-titres peuvent aller jusqu’à quarante-trois caractères, le principe étant
que le spectateur a le choix d’arrêter l’image et de revenir sur les sous-titres
qu’il n’a pas eu le temps de lire.
Le temps moyen d’apparition des sous-titres à l’écran est établi à six secondes,
le temps moyen de lecture étant estimé entre douze et seize signes (caractères
et espaces compris) par seconde. Ces données spatiotemporelles peuvent varier
légèrement d’un laboratoire à l’autre. Leur caractère restrictif s’avère délicat étant
donné qu’il se fonde sur des moyennes qui sont parfois aléatoires. Par exemple, le
temps moyen de lecture chez un enfant, voire chez un adolescent est généralement
estimé comme étant plus long qu’il ne l’est chez un adulte. Or, il ne peut être établi
qu’un adolescent habitué à visionner une série fétiche ne lira pas plus vite qu’un
adulte visionnant depuis des années les versions doublées plutôt que sous-titrées.
D’un point de vue linguistique et traductionnel, les restrictions sont nombreuses
et portent aussi bien sur le lexique que sur la syntaxe et la sémantique4. L’adaptateur
cherche à exprimer le message source de manière optimale et minimaliste, car il
doit gagner de l’espace à cause des restrictions spatiotemporelles. Ce n’est pas un
hasard si la traduction de sous-titres a été nommée « adaptation » : les restrictions
formelles, en particulier celles qui portent sur l’espace-temps, ont un impact sur
la traduction même qui pousse le traducteur à adapter son rendu. Il arrive même
qu’un adaptateur se contraigne à modiier le sens source d’un énoncé pour réduire
l’espace qu’il occupe, ce qui indique le caractère extrême de ce type de traduction :
cela signiie que les restrictions formelles sont telles qu’elles peuvent inciter au
glissement de sens. La forme prendrait donc le dessus sur le signiié.
Ainsi, dans sa pratique courante, l’adaptateur est constamment à la recherche
d’une réduction « spatiolexicale, spatiosyntaxique et spatiosémantique5 ». Il a
recours à un bagage lexical particulièrement riche en synonymes courts et soumet
des structures syntaxiques simples et canoniques. Cet élagage passe inévitablement
par une réduction sémantique du texte de départ. L’adaptateur ne peut tout traduire,
comme le souligne Tomaszkiewicz (1993, p. 13) : « Les contraintes techniques et
esthétiques ne permettent de transférer dans la langue d’arrivée que 50% à 70% du
texte original. Ainsi le principe de la idélité qui préside n’importe quelle activité de
traduction est remis en question ». L’étude d’Antonini corrobore l’idée d’une perte
(2005, p. 213) : « he words contained in the original dialogues tend to be reduced by
between 40 to 75 per cent in order to give viewers the chance of reading the subtitles
while watching the ilm at the same time. » Dans le domaine du sous-titrage, il est
coutume de dire que l’on parle deux fois plus vite que l’on ne lit.
Cette réalité propre à la pratique du sous-titrage est à l’origine des nombreuses
critiques. La comparaison des sous-titres à un « mal nécessaire » faite par Marleau
(1982, p. 271) reste d’actualité :

4. Baldo (2009, pp. 157-167).


5. Nous avons créé ces trois mots en écho aux restrictions spatiotemporelles.
258 Transpositions Between Verbal and Non-verbal Semiotics

Bien installé dans le creux d’un fauteuil chez moi… ou dans le fond de mon
siège dans l’obscurité d’une salle de cinéma, les yeux rivés la plupart du temps
au bas de l’écran, je regarde un ilm étranger ; un ilm étranger présenté en ver-
sion originale sous-titrée. Cela exige de moi un efort considérable pour suivre
le ilm, pour admirer le jeu des interprètes, ou la beauté des images et, en même
temps, essayer de percevoir dans son ensemble l’œuvre d’un grand cinéaste. Les
diicultés sont nombreuses : – sous-titres parfois à moitié lus parce qu’ils sont
projetés trop rapidement à l’écran ; – sous-titres parfois illisibles vu le même
degré d’intensité lumineuse du sous-titre et de l’arrière-plan ; – sous-titres qui
partagent mon attention avec l’image puisqu’il faut bien en même temps suivre
l’action… […] Quoi qu’il en soit, sans s’interroger sur le bien-fondé des sous-
titres, ou leur raison d’être, on les accepte la plupart du temps sans broncher – on
les subit, car ils sont un mal nécessaire.
En comparant les sous-titres classiques à un « crève-cœur », Nicole Brette
(1982, p. 10) exprime également cette idée de mal contre lequel le traducteur est
impuissant  : « Il reste que les sous-titres représentent un véritable déchirement
pour les réalisateurs ; le sous-titre, c’est de la perte d’image, de la perte d’attention,
mais aussi l’absolue nécessité de restituer le sens. C’est le choix impossible, le
crève-cœur ».
Dans son ouvrage, Laks établit qu’« un ilm sous-titré constitue sans contredit
un spectacle de “pis-aller”, tant pour le spectateur connaissant parfaitement la
langue parlée que, pour celui qui la connaît peu ou pas du tout » (1957, p.  17).
Selon l’ATAA (Association des Traducteurs / Adaptateurs de l’Audiovisuel), il
s’agit du « seul livre français consacré par un traducteur-adaptateur aux aspects
techniques et esthétiques du sous-titrage » dont « l’importance […] tient dans le
fait que les grands principes décrits par Simon Laks, ainsi que certains détails cru-
ciaux de l’adaptation sous-titrée, restent plus que jamais d’actualité »6.
Les expressions qualiiant le sous-titrage classique de « mal nécessaire », de
« crève-cœur » ou encore de « pis-aller » sont devenues célèbres et continuent d’être
employées à son sujet. Aussi Marleau qualiie-t-il les sous-titres de « compression »
ou encore de « condensation » dans son article où il recense cinq catégories de pro-
blèmes qu’ils posent clairement : problèmes techniques, physiologiques, psycho-
logiques, artistiques et esthétiques, enin, linguistiques (1982, pp. 271-285). Laks
insiste sur l’idée que les sous-titres correspondent à une « compression du texte ini-
tial » (1957, pp. 6, 38 et 39). Becquemont les compare à un « squelette informatif »
(1996, p.  154), Lambert utilise l’expression de « compression textuelle » (1996,
p. 35) et Serban de « naturalisation, normalisation et simpliication » (2008, p. 91).
Ces critiques nous rappellent la fameuse « objection préjudicielle », expression
créée en 1979 par Ladmiral7 au sujet de Mounin et de son ouvrage Les problèmes
théoriques de la traduction (1963). L’objection préjudicielle renvoie aux opposants

6. http://www.ataa.fr/blog/republication-du-livre-de-simon-laks-le-sous-titrage-de-ilms-dans-
l%E2%80%99ecran-traduit/.
7. Ladmiral (1994, pp. 85-114), chapitre 3 : « La problématique de l’objection préjudicielle ».
Formes, sens et pratiques du sous-titrage spécial 259

de la traduction qui préjugent de sa possibilité et concluent à l’impossibilité théo-


rique de traduire. Nous pourrions établir un parallélisme entre opposants à la tra-
duction et détracteurs du sous-titrage qui objectent contre sa pratique selon eux
préjudiciable au support source, à savoir le support ilmique. Si nous considérons
toutes les contraintes propres au sous-titrage classique et les sempiternelles dia-
tribes unanimes portées à cette pratique, nous sommes en droit de nous interroger
naturellement sur les bienfaits que peuvent lui apporter les avancées technologiques
du numérique. N’est-il pas temps d’appréhender le sous-titrage autrement en lui
accordant l’intérêt qu’il mérite ?
Subtitles are almost always badly designed. Illegible typefaces drit on- and
of-screen at the wrong moments, lurking so low that the bottoms of the letters are
chopped of, and obstructing the audience’s view of gripping twists in the plot, or
especially beautiful scenes. It doesn’t seem to matter how good - or bad - the ilm
is, the size of its budget, the quality of the cinematography, sets, costumes or titles,
because the subtitles are still dire. Every other area of movie aesthetics has a proud
design history, except subtitling. (Rawsthorn 2005)

3. Les mille et une possibilités du sous-titrage spécial


Les sous-titres classiques représentent une sorte de parergon intrusif : le simple fait
qu’ils soient ajoutés à l’image rend insensé l’espoir qu’ils puissent être invisibles
aux yeux du spectateur. C’est pourquoi ils se trouvent dans une espèce de position
inextricable où ils sont placés loin du focus de l’image, pour qu’ils ne la gênent pas
alors même qu’on les y inclut.
A contrario, le sous-titrage spécial s’afranchit ouvertement des contraintes
multiples et aporétiques qui pèsent sur la réalité de la pratique du sous-titrage
classique, depuis la création de ce dernier à la in des années vingt, lorsque le
cinéma américain parlant a souhaité s’internationaliser. Les solutions ofertes par
le sous-titrage spécial sont atypiques et riches en efets de sens.
Nous avons tenté une approche taxonomique du sous-titre spécial que nous
qualiions de « mille et une possibilités », expression qui fait écho au titre d’un
article « Le format des sous-titres : les mille et une possibilités » dont nous avons
retenu l’extrait suivant  : « La vitesse actuelle de développement technologique
audiovisuelle […] ofre des possibilités presque ininies qu’on ne pouvait même
pas imaginer il y a seulement dix ans » (Orero 2008, p. 55).
Dans le tableau ci-dessous, nous avons inventé8 une terminologie propre aux
diférentes formes de sous-titres spéciaux que nous avons relevées à partir d’un
corpus de ilms répertoriés à la in du présent article :

8. À l’exception des termes « lottant, fenêtre, jaillissant, ghosting, roll-up et pop-on » qui font
partie du vocabulaire courant des sous-titres et des termes « centripète et centrifuge » qui ont
été empruntés à Hamus-Vallée dans son article à paraître en 2016 « Le sous-titrage spécial : le
hors norme comme remise en question de la norme ».
260 Transpositions Between Verbal and Non-verbal Semiotics

Le sous-titre  Description des efets illustrée par un corpus de ilms


À calligraphie Diférente de la calligraphie classique de type Arial ou Times New Roman,
manuscrite la calligraphie manuscrite rompt avec ces polices habituelles en imitant
une écriture manuelle.
Dans Amy, certains extraits montrent en gros plan des feuilles sur lesquelles
la chanteuse a écrit les paroles de ses chansons. D’autres extraits sous-
titrent ses chansons avec une calligraphie manuscrite volontairement très
proche de celle de la chanteuse-auteure. L’efet permet de personnaliser
l’écriture, de la rendre plus humaine et attachante.
À calligraphie Diférente de la calligraphie classique, la calligraphie stylée est recherchée,
stylée volontairement atypique.
Dans Avatar, la langue imaginaire pratiquée par les habitants de
Pandora, le na’vi, est sous-titrée avec une calligraphie rare, ine et ornée
que le réalisateur Cameron a choisie en coopération avec le studio
DELUXE. Elle contraste formellement et symboliquement avec la calli-
graphie neutre et courante choisie pour les sous-titres qui retranscrivent
le discours des humains. L’établissement d’un distinguo calligraphique
entre les deux langues marque la diférence entre les deux civilisations et
cultures et exerce donc une fonction exolinguistique.
Accroche Certains sous-titres sont très travaillés stylistiquement et s’intègrent à
l’image comme un slogan ou un spot publicitaire ou encore un titre sur
une aiche de ilm. L’image inale peut faire penser à une jaquette de dvd
ou à une aiche publicitaire.
Dans Night Watch, l’image qui montre le personnage principal en train de
faire un bond en arrière en criant est minutieusement étudiée. Elle intègre
les sous-titres « No!!! » « Stop!!! » et « No!» qui entourent le personnage
au centre de l’image. Les trois sous-titres placés en triangle bénéicient
de multiples techniques d’animation dans leur manière d’apparaître
sous forme de lash, de disparaître en glissant les uns après les autres, de
bouger à l’image. Ils suivent le mouvement du personnage, leurs lettres
bougent et ne sont pas rectilignes. Tous ces efets d’animation captent le
regard du spectateur ain qu’il saisisse bien le contenu du message.
Anti-ghosting Les sous-titres en 3D sont teintés de jaune plus ou moins clair. La 3D
impose une redéinition des normes classiques : la couleur blanche est à
proscrire car elle provoque un efet appelé « ghosting », illusion d’optique
donnant l’impression que des fantômes apparaissent à l’image, lorsque
certaines images destinées à l’œil droit sont vues par l’œil gauche ou inver-
sement. Ces images fantômes perturbent le spectateur et créent une fatigue
oculaire parfois forte. Étant moins lumineux que le blanc, le jaune atténue
le « ghosting ». Il a été retenu car il s’agit d’une des couleurs les plus proches
du blanc. Ce choix colorimétrique permet aussi de détacher davantage le
sous-titre du fond (il est rare que l’image soit jaune) et de ne pas diminuer
la sensation de relief.
Dans Avatar, c’est un jaune relativement soutenu qui a été choisi pour
assurer le maintien de l’efet relief du ilm.
Formes, sens et pratiques du sous-titrage spécial 261

Antipode Ce sont les sous-titres qui formellement contrastent avec ce que montre la
bande visuelle ou ce que dit la bande sonore.
Dans Man on Fire, le sous-titre menaçant « Je vais te couper les doigts »
fait apparaître les trois derniers mots en caractères nettement plus gros.
La voix calme et monocorde de l’énonciateur discorde avec l’augmenta-
tion typographique du sous-titre et son contenu sémantique. L’efet de
contraste accentue le caractère impassible de l’énonciateur.
Artistique Ce type de sous-titre est assez rare. Il concerne certains sous-titres
extrêmement travaillés qui relèvent d’un réel travail de conception d’efets
spéciaux. Il utilise tout un éventail de techniques spéciales comme le sous-
titre accroche mais contrairement à ce dernier, le message traduit est
moins central.
Dans Amy, les sous-titres sont très étudiés dans leur variété de couleurs,
de taille, de mode d’apparition, de disparition, de calligraphie et autres.
Leur objectif est de se mêler ainsi au genre artistique du ilm et d’être en
concordance, voire en harmonie avec la personnalité hors du commun
de la chanteuse, Amy Winehouse.
Bulle Le sous-titre est placé près de la bouche du personnage, caractéristique qui
le rapproche de celle d’une bulle (appelée aussi ballon ou phylactère) dans
une vignette de bande dessinée.
Dans Night Watch, un des personnages hurle « Yes! ». L’image s’apparente
à un dessin de bande dessinée. Le personnage est ilmé de proil, le visage
en gros plan. Le sous-titre apparaît en caractère gros et est placé si près
de sa bouche grande ouverte qu’il semble en sortir. Le sous-titre crée un
efet irréel et fantastique.
Cache-cache Le sous-titre est caché partiellement par un élément de l’image qui vient se
superposer. Parfois, il init par être dévoilé.
Dans Night Watch, une sorcière cache avec son bras une partie du sous-
titre « Sit still, witch! » et étant donné qu’il bouge, il laisse apparaître puis
disparaître plusieurs fois le sous-titre, apportant une certaine légèreté
fantaisiste à la scène.
Centripète Le sous-titre est placé à l’endroit du focus de l’image où le regard du
spectateur-lecteur est censé se diriger. Ce focus n’étant pas forcément au
centre bas de l’image, cette spécialité s’oppose à la position centrifuge pra-
tiquée avec le sous-titre classique. Son efet recherché est de permettre une
meilleure lisibilité au spectateur.
Dans Slumdog Millionaire, lorsque Jamal s’adresse à Latika pour la
première fois et l’invite à se joindre à lui par ces mots : « Come over here »,
l’image montre son visage en gros plan et le sous-titre est placé à droite
de sa bouche. Cet emplacement, plus haut et plus à droite que ne le serait
celui d’un sous-titre classique, présente l’avantage de ne pas éloigner le
regard du spectateur du focus de cet extrait particulièrement beau et de
lui laisser plus de temps pour apprécier l’émotion de la scène.
262 Transpositions Between Verbal and Non-verbal Semiotics

Coloré Efet que l’on rencontre de plus en plus dans le sous-titrage interlinguistique
et qui est couramment utilisé dans le sous-titrage intralinguistique pour
sourds et malentendants où les couleurs ont une fonction précise. Par
exemple, le blanc est utilisé lorsqu’un personnage parle à l’écran, le jaune
lorsqu’il parle en étant hors champ, le rouge lorsqu’un bruit est précisé, le
magenta quand une musique est annoncée.
Dans Amy, le réalisateur a su tirer bénéice de la palette de couleurs ininie
utilisable grâce au numérique. Nous avons relevé des sous-titres blancs,
beiges, lilas, mauves, jaune poussin, jaune citron, vert pâle, bleu gris, vert
soutenu, orange clair, orange foncé, rose bonbon, rose fuchsia, rouge
clair, rouge sang, rouge carmin, violets et marrons. Toutes ces couleurs
apportent une certaine fantaisie au documentaire et un certain esthé-
tisme visuel recherché et personnel. Nous avons constaté que le choix des
couleurs ne correspondait pas aux normes généralement appliquées au
sous-titrage pour sourds et malentendants.
Couleur Les couleurs des sous-titres peuvent changer progressivement, lettre après
progressive lettre par exemple.
Dans Night Watch, certains sous-titres changent de couleur. Par exemple,
dans « You know what our Hunger is… », le mot hunger passe du blanc au
rouge vif en passant par un rouge terne et attire le regard du spectateur.
Crescendo À géométrie variable, les lettres des sous-titres varient progressivement en
Decrescendo grossissant ou en diminuant les unes après les autres, en fonction de l’im-
portance des mots. Il s’agit d’un efet emphatique.
Dans Man on Fire, les trois derniers mots du sous-titre « Je vais te couper
les doigts » sont écrits en caractères beaucoup plus gros car là est la véri-
table menace de l’énonciateur à l’énonciataire qui va se transformer en
réalité.
En cadence L’apparition des sous-titres à l’écran est calquée sur le rythme de l’énoncia-
tion ain de permettre un meilleur visionnage au spectateur.
Dans Man on Fire, un premier sous-titre apparaît « Un par un » sur un
premier plan puis un second « s’il le faut » sur le plan suivant. Les deux
plans font apparaître les dix doigts écartés d’un ravisseur kidnappé par
un garde du corps. Ce dernier, joué par Denzel Washington, menace de
lui couper les dix doigts, l’un après l’autre, s’il ne parle pas. Son ton est
étonnamment calme, lent et la phrase prononcée en deux temps bien
distincts. Les sous-titres calquent spatialement la pause temporelle de
l’énonciation et accentuent ainsi l’attente, le suspense.
Évanescent Le sous-titre glisse à l’image et disparaît progressivement. Cet efet visuel
capte le regard du spectateur.
Dans Night Watch, le personnage pris d’une espèce de folie, tombe à la
renverse en criant « No!!! ». En même temps, le sous-titre « No!!! » dispa-
raît avec lui.
Formes, sens et pratiques du sous-titrage spécial 263

Flash Le sous-titre apparaît d’un coup en surprenant le spectateur par sa taille, sa


couleur ou encore sa place à l’image.
Dans Night Watch, lorsque le personnage crie « No!!! », le sous-titre
apparaît subitement, créant un efet de surprise.
Flottant Efet spécial donné aux sous-titres des ilms en 3D. L’expression vient de
(fenêtre/en l’anglais lying subtitles que l’on pourrait traduire littéralement par « sous-
profondeur titres volants ». Il existe deux types :
ou jaillissant) – les sous-titres fenêtre ou en profondeur ;
– les sous-titres jaillissants.
Visuellement situés à 30 centimètres environ devant l’écran ou en pro-
fondeur, ces sous-titres sont décalés par rapport à l’axe classique X-Y et
participent aux efets de la 3D.
Dans Avatar, Cameron a privilégié les sous-titres fenêtre aux sous-titres
jaillissants qui apparaissent rarement dans le ilm.
Graduel Le sous-titre est répété tel quel mais avec une forme diférente qui a une
valeur signiicative.
Dans Man on Fire, le ravisseur kidnappé pose deux fois la question sui-
vante « Tu veux savoir quoi ? ». Aussitôt après, en gros plan, son visage
occupe toute l’image et l’homme repose la même question « TU VEUX
SAVOIR QUOI ? ». Placées plus au centre de l’image, les lettres sont
écrites en capitales avec une taille plus grande. Ainsi, elles font écho à
l’intonation plus forte et la voix angoissée et afolée du kidnappé qui est
en train de craquer nerveusement. Il se doute qu’il ne lui reste pas long-
temps à vivre.
Karaoké Le sous-titre apparaît dans sa totalité et les mots sont surlignés de gauche à
droite au fur et à mesure qu’ils sont prononcés, exactement comme le sont
les paroles d’une chanson dans un karaoké. Cet efet amène une certaine
distraction et du divertissement.
Dans Night Watch, le sous-titre « Every Other has to choose… » prend la
forme d’un sous-titre de karaoké où les mots à prononcer sont surlignés
les uns après les autres en synchronicité avec la bande sonore.
Dans Huevos de Oro, Benito González chante sur du karaoke Por el amor
de una mujer, chanson interprétée par Julio Iglesias.
264 Transpositions Between Verbal and Non-verbal Semiotics

Logogramme On désigne ainsi tout signe graphique non alphabétique qui est inclus dans
(idéogramme, un sous-titre utilisé souvent pour exprimer avec originalité certains événe-
émoticône ou ments ou sentiments diicilement traduisibles. Les logogrammes englo-
pictogramme) bent les pictogrammes et les idéogrammes. Les premiers correspondent
à un dessin ou à un signe qui représente une chose ou un objet concret,
les seconds sont une suite de pictogrammes qui représentent une idée
abstraite ou un concept. Ils sont utilisés dans les bandes dessinées. Par
exemple, un cœur comme signe symbolisant l’amour, des petits dessins
pour remplacer une injure ou encore une ampoule pour indiquer que le
personnage vient d’avoir une idée. Les émoticônes graphiques, pouvant
être ixes ou animées, sont une sorte d’idéogramme.
Dans le second volet de Kill Bill, le nom de l’héroïne, tueuse à gages, n’est
jamais dévoilé. Il est parfois remplacé par « he Black Mamba » ou « he
bride ». Au début du ilm, lorsqu’elle se présente, la bande sonore émet
un bip qui couvre la in de la phrase « My name is » et qui empêche le
spectateur-auditeur de saisir l’information. Un sous-titre logogramme
retranscrit cette originalité sonore par une série de signes dont l’associa-
tion aboutit à un message sibyllin — « Je suis ( !?@!!!) ».
Matière Le sous-titre reste tel quel (solide) ou bien se liquéie ou encore se fond
(solide, dans l’image, créant un efet fantastique.
liquide ou Dans Night Watch, alors qu’il nage sous l’eau, un jeune garçon entend
fondue) une voix qui est sous-titrée en rouge par « Come to me ». Ce sous-titre
passe de l’état « solide » à l’état liquide puis fondu. En d’autres termes, les
lettres apparaissent normalement sous l’eau, puis remontent à la surface
et se liquéient si bien que le spectateur n’arrive plus à les distinguer.
Enin, l’espèce de liquide remonte jusqu’au nez du jeune nageur qui vient
de sortir la tête de l’eau alors qu’il saigne du nez. Il existe une espèce
de couplage où tout se mélange  : le sous-titre transformé en liquide
rouge rejoint le sang qui coule. Le sous-titre à lire devient un sous-titre
à regarder.
Mobile Le sous-titre bouge à l’écran, en restant sur place comme s’il était secoué,
ou en allant d’un point à un autre. Il apporte une pointe d’humour ou de
fantaisie.
Dans Night Watch, le sous-titre « I’ll just clap my hands, like this » fait
bouger le mot « clap » alors que l’image montre en gros plan la main qui
s’agite.
Formes, sens et pratiques du sous-titrage spécial 265

Pop-on Les sous-titres sont placés à l’endroit de l’écran qui convient le mieux, sans
mordre sur l’élément visuel le plus important de l’image. Cette technique
est de plus en plus utilisée et permet au spectateur-lecteur de ne pas décen-
trer son attention de l’image.
Dans Slumdog Millionaire, certaines images sont absolument magni-
iques. Le réalisateur Danny Boyle a choisi d’intégrer certains sous-titres
au centre du focus de l’image en en faisant des éléments esthétiques à part
entière. Lorsque Jamal présente son frère à Latika, le passage est lent, le
spectateur contemple le visage en contrejour du jeune garçon qui regarde
intensément la jeune ille. En arrière plan et au milieu de l’image se
devine une lueur orangée qui ressemble à un lever de soleil. Le sous-titre
« his is my brother Salim » se trouve à gauche de l’image où il n’y a aucun
élément visible si ce n’est un fond bleu vert qui contraste avec l’obscu-
rité du visage qui se trouve à l’autre extrémité de l’image. L’endroit qui a
été choisi pour placer le sous-titre est idéal car en pleine harmonie avec
l’esthétique de l’image.
Roll-up Ce sont des sous-titres dits déroulants où les mots déilent de manière
continue et synchronisée avec la bande sonore. Au fur et à mesure, les
premiers mots disparaissent pour laisser place aux nouveaux mots. Ces
sous-titres sont parfois utilisés dans les chaines d’information en continu
et n’ont parfois rien à voir avec la bande audiovisuelle située au-dessus qui
porte sur une autre actualité.
Dans Man on Fire, lorsque le kidnappé craque et init par parler, ses
aveux — « On est divisé en groupes » « Une voix appelle » « On conie
l’otage » « aux gardiens » et « Ils ne font que négocier » — déilent les
uns après les autres en sous-titres déroulants. La forme d’apparition et
de disparition des mots n’est pas sans rappeler les émissions qui difusent
des informations en continu sous forme de sous-titres. Le roll-up est donc
bien choisi dans ce passage étant donné sa charge sémantique : grâce aux
informations données, l’interrogateur va remonter la piste d’investiga-
tion. Le spectateur découvre avec intérêt chaque sous-titre comme il lirait
les sous-titres d’un événement marquant de l’actualité dans une émission
d’information.
266 Transpositions Between Verbal and Non-verbal Semiotics

Saisie Un personnage saisit un message sur son écran de téléphone ou d’ordina-


teur portable et le sous-titre dévoile la saisie des lettres une à une accom-
pagnée de la marque d’un curseur. On trouve de plus en plus ce type de
représentation dans les ilms.
Dans he Fault in Our Stars, l’héroïne Hazel Grace Lancaster lit un
courriel écrit par un écrivain qu’elle apprécie beaucoup. À droite de
l’image, on voit le visage d’Hazel qui lit le courriel ; à gauche apparaît en
gros plan l’écran avec le courriel. Sur la version originale, les lettres du
message écrit en anglais apparaissent les unes après les autres. Cet efet
permet de se plonger au moment où l’auteur faisait la saisie du message
et anime l’extrait en ajoutant une pointe de suspense puisque le message
se laisse découvrir une lettre après l’autre.
Dans la version sous-titrée en français de Fity Shades Of Grey, les sous-
titres français sont intégrés directement sur l’écran représenté à l’image,
à la place du texte initial anglais. Ces sous-titres interlinguistiques créent
une dimension moderne propice au contexte très high-tech du ilm.
Synthé Ce type de sous-titre est appelé par les professionnels de post-production
« synthé » qui est l’apocope du mot « synthétique ».
Il renvoie aux informations écrites qui sont fournies dans les documentaires
telles que le nom de la personne interviewée, le lieu où se passe la scène,
l’année de l’extrait, ou encore le contexte de l’extrait (anniversaire, enre-
gistrement, concert et autres). Il déinit l’incrustation de texte informatif
et lisible sur une image avec comme objectif, dans un contexte de docu-
mentaire, d’identiier la personne interviewée ou ilmée. Les synthés
n’occupent pas le même emplacement que les sous-titres classiques et sont
souvent placés au cœur de l’image.
Dans le ilm-documentaire Amy, ont été créés de nombreux synthés très
fantaisistes quant à leurs formes, couleurs, modes d’apparition, de dispa-
rition, de déplacement.
Tabou Il s’agit d’un sous-titre qui cache la in d’un mot grossier par pudeur ou
humour.
Dans Man on Fire, le sous-titre « Déconne pas » est lisible dans un temps
d’apparition très court puis est caché par un élément de l’image, le cou
de kidnappé, comme si un mot grossier ne devait pas rester aiché trop
longtemps. Dans cet exemple, le sous-titre tabou est source d’humour
étant donné le caractère de cette scène de torture particulièrement
insoutenable qui ne ménage pas le spectateur visuellement alors qu’il le
ménagerait linguistiquement.
Trouble Il s’agit d’un sous-titre qui apparaît avec des caractères lous si bien que le
spectateur ne parvient à lire qu’avec plus ou moins de diiculté selon sa
capacité d’accommodation.
Dans Night Watch, l’étrangeté du contenu sémantique du sous-titre
« You’ve slipped into the Gloom. It’s a place only Others can go » est égale-
ment exprimée par une forme trouble, loue comme si l’énonciateur était
en état d’ivresse ou de transe.
Formes, sens et pratiques du sous-titrage spécial 267

Zoom Il arrive que des sous-titres soient écrits en très gros, démesurément, sou-
vent lorsque le message exprimé est de toute importance ou bien lorsque
l’énoncé est prononcé par un cri ou un hurlement.
Dans Night Watch, le sous-titre « No!!! » dans l’extrait qui montre le
personnage principal en train de tomber à la renverse en criant est si dis-
proportionné qu’il occupe une longueur plus importante que celle de la
tête du personnage placée juste au-dessus.
À l’aide des exemples cités pour chaque type de sous-titre, nous espérons avoir
illustré l’éventail des possibilités formelles ofertes par les nouvelles techniques du
numérique. Ainsi, la typologie que nous avons constituée, sous forme d’inventaire
empirique, révèle à quel point les sous-titres spéciaux se distinguent visuellement
des sous-titres classiques. La critique classique qui consiste à dire qu’« on ne lit pas
un ilm, on le regarde » n’a plus vraiment lieu d’être avec la pratique des sous-titres
spéciaux. La grande nouveauté que nous souhaiterions mettre en exergue est que
le sous-titre spécial ne se lit pas seulement, il se regarde.

4. Le sous-titrage spécial : une pratique sensée


La ilmographie sur laquelle nous avons travaillé illustre le fait qu’il existe des sous-
titres non conventionnels dans tout type de ilms, de tout genre et pour tout public.
Nous avons repéré des sous-titres spéciaux dans des ilms du genre fantastique,
comique, dramatique, érotique, en 3D, de maia, d’action, d’horreur ou encore
documentaire (cf. le corpus cinématographique à la in de l’article).
La place du sous-titre spécial à l’image ainsi que sa substance peuvent être très
marquées si bien que nous pouvons nous interroger sur les efets qu’elles produi-
sent sur le spectateur.
De la même manière qu’il « est une banalité de rappeler qu’un annuaire télé-
phonique ou un dictionnaire ne sont pas conçus pour être lus comme un roman,
et qu’on ne parcourt pas un recueil de poèmes comme un mode d’emploi, ni une
recette de cuisine comme la Bible » (Fontanille 2015, p. 87), un ilm pour lequel on a
choisi de faire un sous-titrage spécial a été conçu pour être parcouru diféremment
d’un ilm avec des sous-titres classiques. Dans les exemples de sous-titres précités
dans le tableau ci-dessus, nous avons repéré plusieurs fonctions qui visent un ou
plusieurs efets particuliers sur le spectateur. Nous avons tenté de les catégoriser
ci-dessous en leur attribuant les fonctions suivantes : phatique, emphatique, émo-
tionnelle, exolinguistique, marketing et esthétique.
Nous avons constaté que d’une manière générale l’originalité du sous-titre
spécial assure une fonction que nous pourrions qualiier de phatique, car elle
permet de maintenir, voire capter l’attention du spectateur à des degrés variables.
Elle peut prendre diférentes formes telles que les sous-titres cache-cache, coloré,
évanescent, lash, logogramme, roll-up. Certains sous-titres peuvent rapprocher
le ilm d’un autre type de genre de support  : par exemple, la bande dessinée, la
268 Transpositions Between Verbal and Non-verbal Semiotics

publicité, la presse ou la peinture. Certaines images dans Night Watch sont telle-
ment travaillées, avec des sous-titres prenant mille et une formes, qu’elles s’appa-
rentent à des aiches ou des tableaux.
D’un point de vue sémiotique, les sous-titres spéciaux peuvent opérer avec une
fonction emphatique en reprenant diféremment le signiié de la bande auditive et
visuelle et donc en l’accentuant. C’est le cas par exemple des sous-titres graduels,
disproportionnés, crescendo ou decrescendo. Parfois, cette fonction emphatique
peut être commandée par un efet de contraste comme le permet le sous-titre anti-
pode.
Une autre fonction consiste à jouer sur l’état émotionnel du spectateur  en
créant des efets que l’on peut trouver dans des ilms aux genres très diférents
allant de la surprise, au suspense, à l’angoisse, au sourire, au rire, à la colère ou
encore au plaisir esthétique voire à l’éblouissement. Les sous-titres lash, roll-up,
en cadence, antipode, tabous ou colorés en sont de bons exemples. L’efet recherché
est naturellement en adéquation avec le genre du ilm : sous-titre anti-ghosting,
lottant jaillissant ou fenêtre pour un ilm en 3D, sous-titre synthé pour un docu-
mentaire, sous-titre saisie pour un ilm contemporain ou futuriste, sous-titre
coloré, mobile, lash, trouble pour un ilm fantastique. Nous pourrions considérer
l’ensemble de ces sous-titres comme étant analogique, en ce sens qu’il existe une
analogie entre la forme textuelle et le genre ilmique.
Aussi, nous pouvons airmer que chaque sous-titre spécial semble porter une
charge symbolique spéciique avec un efet ou plusieurs efets recherchés sur le
spectateur. Cela peut conduire l’emploi du sous-titre spécial à occuper une fonc-
tion exolinguistique, comme dans Avatar où Cameron a voulu marquer une dis-
tinction culturelle entre humains et habitants de Pandora grâce à deux calligra-
phies distinctes.
Autre fonction intéressante, celle que nous avons nommée « marketing ». Le
meilleur exemple qui existe probablement est celui du ilm Night Watch. En le réali-
sant en 2004, Timur Bekmambetov s’était ixé un objectif clair : démarquer son ilm
des autres ilms étrangers ain d’optimiser ses chances de pénétrer le marché ciné-
matographique américain. La Russie sélectionna d’ailleurs ce premier ilm d’une
future trilogie pour la représenter aux Oscars du cinéma de 2005, faisant de lui le
premier grand ilm russe à être exporté à l’étranger. Dans la version internationale
du ilm, le réalisateur russe a tenu à ce que des sous-titres spéciaux écrits en anglais
américain soient créés en tant qu’éléments de la mise en scène. Intégrés explici-
tement à l’image, ils entrent en relation avec les personnages, prennent diférents
types de formes, apparaissent et disparaissent étrangement, comme un personnage
de l’histoire. L’emploi de ce genre de sous-titres permet de cibler un certain public
sensible à un type de pratique particulier : celui des efets visuels, comme c’est le
cas des sous-titres accroche, artistiques ou lottants qui sont appropriés à un ilm
en 3D. De même, Fontanille (2015, pp. 89-90) précise que :
Formes, sens et pratiques du sous-titrage spécial 269

[…] la stratégie mercatique induit le choix du type de pratique (dans la pers-


pective d’un choix de forme de vie) et lui associe un type de produit-objet ; le type
de produit-objet sélectionne à son tour d’une part un genre textuel approprié au
type de pratique, et une relation spéciique (ergonomique) entre le genre textuel
et le déroulement de la pratique.
Une autre fonction essentielle au sous-titre spécial est sa dimension pragma-
tique, en ce sens qu’il permet un gain de temps de lecture, une meilleure lisibilité, un
meilleur visionnage et donc une meilleure sémiotique du ilm. Les sous-titres cen-
tripètes, pop-on ou bulle permettent de réduire les contraintes spatiotemporelles
propres au sous-titrage classique.
L’ensemble de ces fonctions peut être assuré par des moyens cinématographiques
auditifs et visuels — générateurs de sens. Les premiers moyens permettent des
sous-titres en cadence ou karaoké, les seconds des sous-titres de type accroche,
artistique, bulle, coloré, lash, fondu, trouble ou encore zoom. Le point commun à
tous ces efets recherchés est l’esthétique, soit la recherche de la forme visuelle au
sens large la plus adaptée pour créer tel(s) efet(s) avec harmonie et concordance.

5. Le sous-titre classique versus le sous-titre spécial


Gottlieb (2007, p. 4) confronte deux types de pratique du sous-titrage qu’il nomme
« Conventionalized translation » and « Inspirational translation », « he resulting
text [of inspirational translation] — no matter its semiotic composition — will relate
to the original in a way which is more free and less predictable than what is found
in conventionalized translation ». Cette dichotomie pose la question de la liberté
d’expression de l’adaptateur et rappelle qu’il existe mille et une manières de créer
un sous-titre.
Étudions à présent deux exemples d’extraits de ilm relativement anciens qui
pourraient bénéicier aujourd’hui de la pratique du sous-titrage spécial : les versions
sous-titrées des ilms Annie Hall réalisé par Woody Allen (1977) et Shining9 réalisé
par Stanley Kubrick (1980).
Woody Allen fait preuve d’humour et d’originalité lors d’un passage d’Annie
Hall où les deux personnages principaux viennent de se rencontrer. Légèrement
mal à l’aise, ils échangent quelques banalités et sur la bande originale, apparaissent
des sous-titres en italique qui transmettent leurs pensées respectives. L’humour est
créé par le décalage existant entre le sémantisme des propos échangés et les com-
mentaires que se font les personnages à eux-mêmes. Dans la version originale, il y
a une concomitance orale et écrite avec d’une part, les paroles exprimées, d’autre
part la pensée du personnage qui apparaît sous forme de sous-titre écrit en italique.
Par exemple, Woody Allen déclare à Annie que « La photographie est une forme
d’art intéressante » alors que le sous-titre en italique dévoile parallèlement à quel
point ses pensées sont éloignées de ce qu’il dit : « À quoi ressemble-t-elle nue ? ».

9. Baldo (à paraître).
270 Transpositions Between Verbal and Non-verbal Semiotics

Dans la version sous-titrée en français, deux sous-titres sont donc obligés de


coexister  : celui qui traduit les paroles et celui qui retranscrit les commentaires
personnels du personnage et qui reprend le sous-titre écrit en italique de la version
originale. Les deux sous-titres alourdissent la lecture et le spectateur peut ne pas
comprendre immédiatement qu’un des sous-titres retranscrit la pensée du person-
nage. Sur la capture d’écran ci-dessous, on peut noter que les sous-titres occupent
presque la moitié de l’écran si bien qu’ils empiètent sur le visage de Woody Allen.
Le résultat esthétique inal n’est donc pas satisfaisant (voir igure 1).

Fig. 1. Extrait de Annie Hall réalisé par Woody Allen (1977)

La nouvelle pratique du pop-on, appelé également « sous-titre positionné »,


consiste à placer le sous-titre près de l’endroit visuel principal, ain de créer une
sémiose visuo-textuelle. Dans cet exemple, cette stratégie technique permettrait de
dépasser la contrainte spatiale. Ain d’éviter qu’il ne morde sur l’élément principal
de l’image, le sous-titre en italique pourrait être transformé en sous-titre spécial en
étant placé ailleurs, par exemple plus haut et à gauche dans l’image.
En outre, ceci permettrait de diférencier plus clairement les deux sous-titres,
l’un apparaissant sous forme classique, l’autre — qui retranscrit les pensées du
personnage — étant placé à un endroit proche de son front et à un endroit de
l’image plus aéré. L’utilisation du pop-on présenterait donc un double avantage,
pratique et esthétique, et conviendrait à cet extrait d’Annie Hall qui utilise certains
sous-titres de manière atypique et comique.
Au-delà de cet extrait, il est à noter que le pop-on s’apparente par sa forme
aux bulles de bandes dessinées qui sont placées aux endroits les plus propices du
dessin. Il ne viendrait pas à l’esprit d’un dessinateur de bande dessinée de placer
les bulles systématiquement au centre bas du dessin. On peut donc imaginer que
de la même manière que le lecteur d’une bande dessinée ne distingue a priori pas
les dessins des bulles et appréhende chaque dessin d’une planche comme un tout,
le spectateur oublierait la présence du pop-on à l’image et s’imprègnerait de l’en-
semble.
Formes, sens et pratiques du sous-titrage spécial 271

Dans le ilm Shining réalisé par Kubrick, le terme-clé « RE UM » pose un


problème de traduction. En tant qu’anacyclique, il se révèle dans un second temps,
au travers d’un miroir, en tant que « MURDE » sous-titré par MEURTRE.

Fig. 2. Extraits de Shining réalisé par Stanley Kubrick (1980)

La traduction par de « RE UM » par « ERTRUEM » étant un non-sens en


français, l’apparition du mot semble obscure à l’écran et son rapport avec « RE
UM » inexistant. Un travail en post-production pourrait se révéler alors inté-
ressant pour éviter ce que déplore Bannon (2010, p. 8) : « […] some subtitles can
ruin a great script ». L’objectif serait de créer des sous-titres spéciaux ain de faire
honneur au travail du réalisateur en rapprochant formellement les deux mots —
« RE UM » et « ERTRUEM ». Ainsi, un travail pourrait être efectué sur l’aspect
visuel de la représentation du mot « ERTRUEM » :
– en remplaçant la couleur blanche par le même rouge que celui de « RE UM » ;
– en optant pour une calligraphie de type manuscrit ;
– en inversant le sens de certaines lettres, la lettre R par exemple qui apparaît au
milieu du mot comme c’est le cas en anglais avec le D et le R inversés.
272 Transpositions Between Verbal and Non-verbal Semiotics

Le résultat formel pourrait rendre les deux signes suivants « E T U E M »


puis « M U R T R » écrits en rouge.
La pratique du pop-on serait également bénéique dans cet extrait. On pourrait
imaginer un sous-titre décalé vers la droite et placé entre la main du jeune Danny
et le mot anglais d’origine de manière à rapprocher le mot anglais de son sous-titre
et permettre au spectateur de mieux comprendre que ce sous-titre énigmatique est
bien la traduction du mot écrit par Danny.
L’autre technique envisageable serait celle du roll-up, qui consiste à faire
dérouler un sous-titre progressivement, mot par mot, souvent ain de reproduire
une harmonie entre la bande sonore et la bande visuelle d’un ilm. Dans cet extrait,
une apparition progressive du sous-titre pourrait calquer le rythme de l’écriture du
jeune garçon, particulièrement lent. Une lettre après l’autre pourrait apparaître.
Toutes ces propositions formelles témoignent du champ des possibilités tech-
nologiques ofert par le sous-titrage spécial dans un objectif constant : faciliter la
compréhension du spectateur et améliorer son bien-être de lecteur-observateur.
Nous partageons l’idée de Díaz Cintas (2005, p. 1) :
Audiovisual translation (AVT) in general, and in subtitling in particular, has
an umbilical relationship with technology, which to a large degree determines it. he
technical advances taking place in this area can have an immediate and considerable
impact both on the subtitling practice from the practitioner’s perspective, and also
on the perception of subtitling we have as spectators and consumers.

6. Réalisateurs, ilms et sous-titrage spécial : étude de cas


Les réalisateurs intéressés par le sous-titrage sont de plus en plus nombreux. Par
exemple, connu pour son sens aigu de la perfection, Stanley Kubrick avait pour
habitude de se présenter aux réunions de travail en postproduction. Il n’hésitait pas
à intervenir, voire à contester les décisions du simulateur ou du directeur artistique
au sujet du contenu et de la forme des sous-titres, même lorsqu’il s’agissait de
langues qu’il ne maîtrisait pas. Roman Polanski s’est également intéressé au sous-
titrage de ses ilms. Pour Tess, il souhaitait que le spectateur ne fasse pas « du
tennis » et avait imposé que les sous-titres n’apparaissent pas sur une seule ligne
mais sur deux lignes courtes.
Les réalisateurs que nous allons évoquer s’intéressent au sous-titrage spécial.
Ils ont travaillé en collaboration avec diférents spécialistes du domaine de l’audio-
visuel, pouvant aller du directeur artistique, au superviseur des efets visuels10, au
technicien informatique formé aux efets spéciaux en passant éventuellement par
le simulateur (personne qui valide et ajuste la traduction soumise par l’adaptateur).
Bien entendu, le nombre de spécialistes impliqués dépend du budget octroyé au
volet « traduction audiovisuelle ». La pratique du sous-titrage spécial représente un

10. Hamus-Vallée & Renouard (2015, 160 p.).


Formes, sens et pratiques du sous-titrage spécial 273

travail long et relativement onéreux par rapport au coût du sous-titrage classique


car il s’efectue plan par plan. Ce sont les logiciels dits de montage pour les ilms
visionnés en salle et appelés authoring pour les supports dvd dans un laboratoire qui
permettent la création de sous-titres spéciaux pendant la phase de postproduction
du ilm. Ce n’est pas un hasard si les sous-titres spéciaux sont souvent pratiqués
dans des ilms qui ont bénéicié d’un budget important voire gigantesque  : par
exemple, 4 millions de dollars pour le plus gros succès au Box Oice de la Russie
Night Watch11, 14 millions de dollars pour Slumdog Millionaire12, 70 millions de
dollars pour Man On Fire13 et 387 millions de dollars pour Avatar14 avec une équipe
de onze personnes spécialisées dans les efets spéciaux15. Nous pouvons aisément
imaginer que le coût artistique additionnel représenté par le sous-titrage spécial
n’a pas été une entrave inancière à la réalisation de ces ilms.
Les études de cas qui vont être présentées ont été classées par degré d’utilisation
du sous-titrage spécial. Segal dans he Longest Yard (2005) l’utilise ponctuellement,
Taylor-Wood dans Fity Shades Of Grey (2015) et Reitman dans Men, Women &
Children (2014) l’utilisent de temps en temps. Enin, Kapadia dans Amy (2015) et
Bekmambetov dans Night Watch (2005) le pratiquent de manière continue.

6.1. he Longest Yard


Ancien joueur de football américain, Paul Crewe (joué par Adam Sandler) se
retrouve en prison. Il est alors chargé par le Directeur de constituer une équipe
de football composée de détenus. Un des prisonniers est présenté comme un
vrai colosse ; son torse et son visage occupent les deux-tiers de l’image. Taiseux,
ce détenu s’exprime avec un vocabulaire extrêmement pauvre et minimaliste qui
laisse entendre qu’il soufrirait d’une espèce de retard mental.
Les deux seuls énoncés qu’il prononce — I’m sorry et I’ll play — sont tout à fait
audibles et intelligibles pour le spectateur-auditeur ; pourtant ils sont sous-titrés
mot à mot en anglais dans la version originale. En outre, les deux sous-titres
apparaissent en jaune, la couleur normative du sous-titrage en 3D relief, alors
même qu’il s’agit d’un ilm en 2D. Cette comédie grand public a choisi d’em-
prunter ponctuellement le code appliqué au sous-titrage des ilms en 3D relief
en laissant entendre ainsi que la taille du détenu est tellement disproportionnée

11. he numbers, http://www.the-numbers.com/movie/Nochnoy-dozor#tab=summary, consulté le


15 septembre 2015.
12. Slumdog Millionaire, https://fr.wikipedia.org/wiki/Slumdog_Millionaire, consulté le 15 septembre
2015.
13. Man on Fire, https://fr.wikipedia.org/wiki/Man_on_Fire_(ilm,_2004), consulté le 15 septembre
2015.
14. Avatar : le vrai budget du ilm ?, http://www.ecranlarge.com/article-details-14055.php, consulté
le 15 septembre 2015.
15. Avatar (ilm, 2009), <https://fr.wikipedia.org/wiki/Avatar_(ilm,_2009)> consulté le 15 septembre
2015.
274 Transpositions Between Verbal and Non-verbal Semiotics

qu’elle s’apparenterait à une image en 3D relief. Ses paroles sont par conséquent
inaccessibles et doivent être sous-titrées comme elles le seraient dans un ilm en
relief. La fonction exolinguistique de ces sous-titres est donc humoristique. Dans
une comédie, tout élément susceptible de faire sourire ou rire est opportun et le
réalisateur a choisi d’utiliser le sous-titrage spécial dans ce sens.

6.2. Fity Shades Of Grey


Une thématique importante du ilm porte sur la puissance économique du célèbre
homme d’afaires Christian Grey qui a fondé l’entreprise Grey Enterprises Holding
Inc dont il est le PDG. L’allusion à sa richesse colossale est omniprésente  : le
spectateur est plongé dans le quartier d’afaires de la Jet City, Seattle, symbolisé
par le Space Needle qui surplombe la ville. L’architecture des bureaux de Grey est
ultramoderne, ses appartements sont somptueusement contemporains et son héli-
coptère haute technologie, délicieusement futuriste.
Dans la version cinéma du ilm, la réalisatrice a opté pour un sous-titrage
spécial avec une dimension « high-tech » dès qu’un écran d’ordinateur ou de
Smartphone apparaît à l’image. Ainsi, lorsque Grey et la jeune Anastasia Steele
communiquent par courriel ou par texto, plutôt que de représenter la traduction
de leur texte par un sous-titre décroché en bas de l’image, le réalisateur a choisi de
la faire apparaître directement sur l’écran d’ordinateur ou de Smartphone ilmé en
gros plan. Pour ce faire, les messages écrits en anglais américain dans la version
originale ont été efacés et remplacés par la version traduite.
L’évolution de la technologie permet de ne plus soumettre le spectateur à la
lecture de deux messages écrits coexistants, l’un américain, l’autre français. La
dualité sous-titre-image a laissé place à l’unité, la traduction étant placée directe-
ment sur le focus de l’image, créant une dimension hors norme au ilm. Ce type de
traduction visuelle a une fonction que nous pourrions qualiier de pragmatique.
Elle permet de ne pas surcharger l’image de message écrit.
Enin, ce choix esthétique qui ose outrepasser les normes de manière épisodique
convient bien au genre érotique du ilm, et d’une certaine manière hors norme, à
l’image de son personnage principal : Grey est versé dans le BDSM et adhère à une
pratique sexuelle transgressive.

6.3. Men, Women and Children


Ce ilm dramatique narre plusieurs histoires familiales qui se déroulent dans une
petite ville du Texas. Il étudie la relation qu’entretiennent plusieurs lycéens entre
eux et avec leurs parents, notamment au moyen d’écrans (Smartphone, tablettes et
ordinateurs) en 2014 aux États-Unis. L’un d’eux visionne des sites pornographiques
à longueur de journée, une mère photographie sa ille lycéenne en tenue légère avant
de l’exposer sur Internet, une autre mère, enseignante, surveille en permanence
toutes les communications de sa ille.
Formes, sens et pratiques du sous-titrage spécial 275

Traitant de l’impact des nouvelles technologies sur les relations humaines, la


thématique de ce ilm se prête bien à l’utilisation du numérique pour l’animation
de certaines images. Un extrait particulièrement riche ilme dans un couloir du
lycée une vingtaine d’élèves en train d’avancer individuellement en mode auto-
matique. Tous sans exception ont un Smartphone à la main. Au-dessus de leur
tête, un montage surréaliste représente l’écran de ce qu’ils regardent : une vidéo,
un message en cours de rédaction, un jeu, un dessin animé ou encore facebook.
Aucun ne communique avec autrui à l’exception de deux jeunes illes qui discu-
tent  —  mais par textos — alors même qu’elles marchent l’une à côté de l’autre.
Ce passage évoque évidemment l’univers de la série de jeux vidéo de simulation
de vie, Les Sims : lorsque le joueur active un Sims, un diamant dessiné au-dessus
de sa tête s’aiche. Sa couleur varie en fonction de ses besoins et de ses humeurs.
Par exemple, il devient blanc lorsqu’il est heureux et de bonne humeur, et rouge
lorsqu’il a besoin de manger ou encore d’avoir une vie sociale.
L’emploi d’un sous-titrage moderne semble de bon aloi dans ce ilm qui utilise
les mêmes procédés que ceux de Fity Shades Of Grey  : les sous-titres français
remplacent le texte américain sur les écrans d’ordinateur ou de Smartphone et se
trouvent ainsi au cœur de l’image. Mais Men, Women and Children va plus loin
dans l’originalité et la fantaisie en variant les représentations formelles des sous-
titres. Lorsqu’un personnage saisit un message, le spectateur peut lire la traduction
française directement sur une grande bande rectangulaire blanche qui occupe pra-
tiquement toute la longueur de l’écran. Cette bande représente la barre d’adresse
du navigateur Internet.
Enin, dans un extrait les sous-titres fantaisistes foisonnent. Alors que trois
lycéennes bavardent, les sous-titres en français retranscrivant leur discussion sont
représentés dans des bulles colorées et dessinées à l’image. Ces bulles sont très
lashy et variées ; le fond des bulles est coloré et il existe une couleur pour chaque
jeune ille. Par ailleurs, deux des trois lycéennes communiquent par textos en
critiquant la troisième pendant qu’elle leur raconte de vive voix une de ses aventures
sexuelles. La plus jeune écrit un texto à son autre amie en y mettant des émoticônes
pour exprimer à quel point elle l’insupporte : dans une bulle sont représentés un
revolver suivi d’une reine et de quelques gouttes de sang. L’utilisation d’émoticônes
a l’avantage d’éviter la traduction puisque le langage est volontairement universel.
Le caractère spécial de ce sous-titre est très proche de la réalité étant donné l’emploi
très populaire des émoticônes dans les textos. Ce qui est original n’est donc pas leur
emploi mais leur représentation visuelle au cinéma.

6.4. Amy
Le ilm-documentaire choc, Amy, est un recueil d’images inédites et de témoignages
sur la carrière aussi fulgurante que tragique de la chanteuse Amy Winehouse.
L’apparition de sous-titres synthés dans la version originale n’a rien d’étonnant
puisqu’il s’agit d’un documentaire et que les synthés sont typiquement utilisés dans
276 Transpositions Between Verbal and Non-verbal Semiotics

ce genre ilmique. Dans la version sous-titrée en français viennent s’ajouter d’autres


sous-titres traduisant la bande sonore. Finalement, deux types de textes coexistent
à l’image : les synthés en anglais et les sous-titres en français. Cette double présence
est allégée par un travail esthétique recherché et empreint de fantaisie, à l’image de
la protagoniste, que nous allons décrire.
Les couleurs utilisées sont multiples puisque nous en avons relevé pas moins
de dix-huit, ce qui donne un rendu visuel polychromique. Elles sont utilisées de
diférentes manières. Parfois, elles font écho au signe lui-même : dans la phrase
« Your shade of brown », le mot brown est coloré en brun ; dans la phrase « You
snifed me out like I was Taqueray », le mot Taqueray, boisson alcoolisée vendue
dans une bouteille verte, est coloré du même vert. Parfois, elles ont été choisies en
harmonie avec l’image : les sous-titres apparaissent en rose bonbon comme le polo
Lacoste que porte le jeune mari d’Amy, dans un rouge aussi criard que les bretelles
du soutien-gorge que porte la chanteuse ou encore son rouge à lèvres. Parfois, les
couleurs utilisées sont associées à un type d’information comme elles le sont dans
le sous-titrage pour sourds et malentendants. Dans les synthés, le nom de la voix
of est écrit en orange, la date en jaune, le lieu en bleu, vert, jaune ou orange.
Les typographies et calligraphies sont variées : italique, majuscules, minuscules,
tailles de police diférentes. La calligraphie choisie imite une écriture manuscrite
ce qui permet de se représenter mentalement l’artiste inspirée écrivant ses propres
textes. Cela n’est pas sans rappeler l’idée avancée par Christian Metz (2013, p. 68)
selon laquelle une image doit être regardée comme un texte, avec des signes dont
les signiiants sont leur face concrète et les signiiés, l’image mentale : « Le signiiant
est une image, le signiié est ce-que-représente-l’image ».
L’espace visuel est pleinement utilisé : les sous-titres spéciaux occupent difé-
rents emplacements, bougent à l’intérieur de celui-ci, apparaissent et disparaissent
diféremment d’un bloc ou progressivement. Le fait que les paroles des chansons
soient placées près du visage de la chanteuse-interprète rapproche la composition
de l’image de celle d’une bande dessinée constituée de dessins et de bulles où il
n’existe pas de frontière artiicielle entre texte et image. Un autre efet spatial ori-
ginal : le sous-titre « But to walk away I have no capacity » est écrit en diagonale
comme s’il avait été posé sur une des cordes de la guitare d’Amy ilmée en gros plan.
Les paroles sont en accord avec l’instrument musical. Par ailleurs, les sous-titres
de type jaillissant sont utilisés : « he Diva & Her Demons », titre d’un magazine,
jaillit au milieu de l’image en rouge bordé de blanc, l’assimilant par extension à une
aiche publicitaire.
Concernant la sonorité, les sous-titres des extraits où Amy Winehouse chante
sont travaillés et relètent une vraie recherche d’harmonie avec la musique et l’image.
De multiples extravagances sont utilisées pour que les sous-titres accompagnent
mélodieusement la bande sonore. Eurythmiques, les mots se promènent à l’image
et se mettent parfois à bouger comme s’ils dansaient avec la musique. Il arrive
qu’un mot apparaisse suivi d’un autre en dessous et ainsi de suite, dans un ordre
Formes, sens et pratiques du sous-titrage spécial 277

qui va à l’encontre de la linéarité habituelle allant de gauche à droite. Lorsque le


rythme est lent, les mots apparaissent les uns après les autres et non d’un bloc, ain
qu’ils soient les plus harmonieux possibles.
Ainsi, le sous-titrage spécial employé dans Amy lui donne un aspect cinéma-
tographique atypique. Purement esthétique, voire artistique, en adéquation avec le
style du ilm, sa fonction participe à la diégèse du ilm-documentaire.

6.5. Night Watch


Timur Bekmambetov est probablement le réalisateur qui a porté le plus d’intérêt au
sous-titrage spécial avec son ilm fantastique Night Watch. Dans la version inter-
nationale du ilm, le réalisateur a tenu à ce que le ilm ne soit pas doublé et a participé
activement à la création des sous-titres. Le sous-titrage spécial écrit en anglais
américain fait littéralement partie de la mise en scène en tant qu’élément visuel
concret. Intégré explicitement à l’image, il entre en relation avec les personnages,
prend diférents types de formes, apparaît et disparaît étrangement, en jouant un
rôle bien précis, comme le ferait n’importe quel personnage de l’histoire. Critique
à New York Times, Alice Rawsthorn (2005) titre son article « he director Timur
Bekmambetov turns ilm subtitling into an art » et se montre élogieuse sur la pra-
tique originale du sous-titrage :
To millions of Russians, his “Watch” movies are noted for brutality, carnage
and ghoulishness as they chart the bloody battle between the rival armies of Others,
Light and Dark, and their respective vigilante squads, the Day Watch and Night
Watch. But to the rest of the world, the international versions of those ilms have
something else to ofer too – the cleverest, most ingenious subtitles to grace the
cinema screen. 
Le personnage principal du ilm, Anton, est l’élu unique doté de pouvoirs extra-
ordinaires. Ses pouvoirs sont si forts que l’image, et par extension les sous-titres,
s’en imprègnent et deviennent ainsi spéciaux en créant une espèce de fusion entre
le signiiant et le signiié. En tant que personnage du ilm, les sous-titres s’incarnent
d’une certaine manière : leur signiié est exprimé par la forme qu’ils prennent. Par
exemple, alors qu’Anton nage dans une piscine, il entend une voix. Le sous-titre
portant sur ce qu’elle dit se dissout rapidement dans l’environnement visuel, l’eau.
Ou encore, lorsqu’un des personnages ne semble pas très bien, le titre devient trou-
ble. Le mot « clap » se met à bouger au sein du titre où il apparaît. Certains mots
s’efacent de l’image d’un coup de main porté par Anton. D’autres apparaissent
près de la bouche du locuteur ; leur taille est surdimensionnée, donnant au ilm un
air de bande dessinée.
Tous les sous-titres spéciaux utilisés dans ce ilm aichent plus que jamais une
visibilité marquée : internes à l’image, ils participent à son homogénéité. L’aban-
don des règles traditionnelles rend la pratique plus intéressante, riche et attrayante.
La nouveauté résiderait dans le fait que plus le sous-titrage spécial se mêle aux
278 Transpositions Between Verbal and Non-verbal Semiotics

images, plus il est montré clairement, moins il est gênant. L’énoncé sur lequel
Laks conclut son ouvrage (1957, p. 62) ne tiendrait donc plus avec les nouvelles
pratiques du sous-titrage spécial « Car le sous-titrage n’est en somme qu’un tru-
cage cinématographique comme les autres. Exécuté de main de maître, il doit
rester… invisible ». Il aurait été sans conteste regrettable de ne pas faire bénéicier
les ilms ci-dessus des avancées technologiques, le sous-titrage spécial pouvant
apporter un « bien nécessaire » à l’image. Cela n’aurait-il pas été dommage que
le ilm Amy se contraigne à des sous-titres banals, avec comme unique couleur le
blanc, une seule et même typographie classique de type « Times New Roman » et
placés systématiquement en bas et au centre de l’image ? De même, des sous-titres
classiques n’auraient-ils pas présenté un pis-aller obsolète, suranné, voire anachro-
nique et par conséquent regrettable dans les images ultramodernes de Fity Shades
Of Grey ou de Men, Women and Children ? Sans parler de Night Watch qui aurait
été amputé d’une partie de sa diégèse.

7. Un adaptateur spécial plutôt que classique ?


Pendant des décennies, les moyens techniques rendaient fastidieuse l’incrustation
des sous-titres à l’image, comme en témoigne le livre de Simon Laks (Ibid., p. 54) :
« Faire une adaptation sans tenir compte du facteur “distance”, c’est comme
marcher à tâtons dans les ténèbres. Et lorsque la lumière apparaît… sur l’écran,
il s’avère — souvent trop tard — que les sous-titres ne sont plus du tout ce qu’ils
étaient… sur le papier. »
Fort heureusement, la pratique actuelle du sous-titrage « ne marche plus à
tâtons dans l’obscurité » car aujourd’hui aucun adaptateur ne travaille avec un
crayon et une feuille de papier mais à l’aide d’un logiciel lui permettant de voir
directement à l’image la traduction qu’il soumet à l’écran. Par conséquent, il
n’existe plus de risques de mauvaise surprise dans un second temps distancié.
L’intérêt du descriptif de Laks réside dans ce qu’il fait référence à la lourdeur des
diférentes étapes qui étaient incontournables et leurs conséquences sur la pratique
du sous-titrage des années cinquante. Le repérage, par exemple, était une étape
opérée manuellement et qui consistait à déterminer la in des phrases partielles
constituant les dialogues d’un ilm. Le footage était un autre document constitué de
feuilles comportant une longue série de chifres et de calculs détaillant la longueur
des sous-titres et l’intervalle qui résultait de leur emplacement. Ces tâches étaient
lourdes, chronophages et susceptibles de créer des erreurs : « Le repéreur étant un
être humain, une erreur de numérotage est toujours possible. […] Deux sortes
d’erreur de numérotage peuvent se produire : un numéro peut être soit omis, soit
répété » (Ibid., p. 34). Ces risques appartiennent bien heureusement à de l’histoire
ancienne.
Par conséquent la mise en garde de Laks (Ibid., p. 14), « un sous-titre ne peut
occuper qu’une inime partie de l’image, et la longueur de son texte s’en trouve
Formes, sens et pratiques du sous-titrage spécial 279

nécessairement limitée », n’est plus d’actualité. Les avancées technologiques per-


mettent de travailler la longueur des sous-titres de manière minutieuse et de la
rendre moins contraignante. Alors que la tâche de repérage était coniée autrefois
à des techniciens, aujourd’hui elle est assurée le plus souvent par les adaptateurs
qui sont équipés d’un logiciel d’aide au sous-titrage. Ces logiciels leur ofrent un
confort non négligeable ; par exemple, ils permettent de resserrer les caractères ou
d’en réduire la taille. Plus généralement, l’utilisation du numérique rend possible
certaines manipulations et retouches détaillées sur les images en deux dimensions
qui ont été préalablement transférées sur l’ordinateur. En permettant de placer le
sous-titre à n’importe quel endroit de l’image, le numérique multiplie les opportu-
nités d’allongement du sous-titrage spécial, qui n’occupe plus comme le déplorait
Laks — une « inime partie de l’image » — mais une « partie de l’image ».
Les praticiens allaient efectivement au plus simple en plaçant systématiquement
les sous-titres en bas de l’image. Aujourd’hui, grâce au numérique, le sous-titrage
spécial peut être « calé », pour utiliser un terme propre à la profession d’adaptateur,
à n’importe quel endroit de l’image de manière très précise. Spécialisée dans les
efets spéciaux, Hamus-Vallée insiste sur les multiples possibilités ofertes par le
numérique (2004, p. 56-57) : « Véritable “work in progress”, le numérique autorise
des modiications inimes à l’intérieur même de l’image, sans jamais s’arrêter » et
permet donc un nouveau confort très appréciable pour la profession.
Cette facilité permet de réléchir à l’emplacement visuel le plus propice qui
convient à chaque traduction proposée. En efet, autour du focus présent à l’image,
existe toujours sur l’axe horizontal et vertical, de l’espace plus neutre, moins impor-
tant que le sous-titrage spécial peut occuper. Cet « espace libre » ofre un terrain de
liberté variable où les sous-titres peuvent occuper une ou plusieurs lignes dans un
cadre nouveau. Ainsi, c’est le contenu de l’image même qui détermine l’endroit où
les sous-titres sont les plus adéquats, au cas par cas.
Cette nouvelle pratique subsume les maladresses propres aux sous-titres
classiques et à leur rigidité qui nuit à la qualité de lecture du spectateur. On ne
cherche plus à séparer le sous-titre hors du focus de l’image. En osant changer les
vieilles habitudes, en « étant pleinement » sans faux-semblant, le sous-titre spécial
s’intègre à l’image et devient un élément visible marqué de l’esthétique de l’image.
Nornes (2007, p.  27) encourage ainsi les adaptateurs à dépasser les normes et à
oser l’originalité à outrance : « And what we need are translators who are unruly,
not transparently naked. Not sober, but intoxicated—and, as I will argue in the inal
chapters, positively abusive. We want translators with attitude ». Gottlieb (2007,
p. 16) se montre plus pessimiste quant à la réalité du métier : « As with the notion of
‘translation strategies’, we are once more confronted with a gap between theoreticians
and practitioners: Very few literary or ilm translators take such liberties in their
translations as those that would be possible within the paradigm of ‘acceptability’ ».
Se pose ici la problématique de la formation des adaptateurs. Aujourd’hui, ils
assurent le plus souvent, en plus de la traduction, le repérage d’un ilm alors que cela
280 Transpositions Between Verbal and Non-verbal Semiotics

était autrefois assuré par un technicien. Nous pouvons alors nous interroger sur le
fait qu’ils puissent bénéicier d’une formation au sous-titre spécial ou au moins à
certaines formes de plus en plus populaires telles que le pop-on. Aujourd’hui, cette
formation est assurée par les diplômes préparant aux métiers de l’audiovisuel tels
qu’opérateur synthétiseur spécialisé en montage, postproduction, systèmes, com-
munications et médias numériques. Les logiciels de titrage, qui ofrent toutes les
possibilités formelles que nous avons décrites pour créer des sous-titres spéciaux,
sont donc employés par des techniciens opérateurs spécialisés en postproduction.
Les adaptateurs utilisent des logiciels de sous-titrage utilisés conçus pour efectuer
du sous-titrage classique.
Une formation plus large permettrait de changer la pratique du métier et
Gottlieb (Ibid.) n’aurait plus à déplorer que certains adaptateurs se comportent
comme de simples exécutants : « No matter whether we look at technical or literary
translation, ilm subtitling or conference interpreting, most translators see themselves
as common soldiers in the battleield, rather than armchair strategists calmly
considering their next move. » Ceci est d’autant plus étonnant que les fansubbers,
amateurs qui sous-titrent de manière non professionnelle en téléchargeant illégale-
ment sur internet des séries, dessins animés, ilms ou émissions télévisées, utilisent
librement certains efets spéciaux dans leur rendu en utilisant des logiciels gra-
tuits16. Par exemple, le fansubbing appliqué à l’animation japonais n’a pas attendu
que le sous-titre spécial se répande dans les longs métrages pour employer toute
sorte de couleurs, mouvements et tailles. En raison des libertés techniques possi-
bles, rien n’oblige les praticiens professionnels à continuer de se limiter :
Linguistic competence and sociocultural and subject knowledge are no longer
suicient in order to be able to operate efectively in this profession. A reasonably
high technical knowledge, as well as an ability to quickly familiarize with new
programs and speciications is now expected of subtitlers. Subtitlers have to be
conversant with the information and communication technologies. (Díaz Cintas
2005, p. 2)

8. Conclusion
Notre recherche a porté sur la question des nouvelles techniques appliquées au
sous-titrage et des attentes qu’elles font naître. Les mœurs évoluant, nous pensons
qu’il est temps de subsumer la question binaire du « pour ou contre le sous-titrage
spécial ».
De plus en plus répandu, le sous-titre spécial ne doit pas être traité comme
le concurrent du sous-titre classique, il en est la continuité, l’évolution adjuvante
qui trouve des solutions, empreintes de liberté, aux normes contraignantes. Il n’est
pas conçu pour être simplement lu : il est à regarder, apprécier et parfois même à
admirer.

16. Pour plus de détails, cf. Martínez García (2010).


Formes, sens et pratiques du sous-titrage spécial 281

Ses efets sémiotiques qui ont un impact sur le visionnage du spectateur sont
nombreux et variés. Le sous-titrage spécial permet de considérer des sentiers alter-
natifs de traduction, en ofrant parfois un résultat traductionnel meilleur et plus
adapté à l’image. Ainsi, il ofre à l’envi un enrichissement de la dimension sémio-
tique de l’image. Participant à la réception du support ilmique, il peut être par
conséquent considéré comme une igure de rhétorique visuelle à part entière.

Sources cinématographiques
Allen, Woody (réal.), Annie Hall, MGM, 2000, 1 DVD vidéo, 89 minutes.
Bekmambetov, Timur (réal.), Night Watch, Fox Searchlight Pictures, 2005, 1 DVD vidéo,
109 minutes.
Boone, Josh (réal.), he Fault in Our Stars, Temple Hill Entertainment, 2014, 1 DVD
vidéo, 133 minutes.
Boyle, Danny (réal.), Slumdog Millionaire, Celador Films et Film4 Productions, 2008,
1 DVD vidéo, 120 minutes.
Cameron, James (réal.), Avatar, 20th Century Fox, 2010, 1 DVD vidéo, 171 minutes.
Kapadia, Asif (réal.), Amy, Universal Music, Playmaker Films, Krishwerkz, Entertainment,
2015, 128 minutes.
Kubrick, Stanley (réal.), Shining, MGM, 1980, 1 DVD vidéo, 119 minutes.
Luna, Bigas (réal.), Huevos de Oro, United International Pictures, 1993, 1 DVD vidéo,
95 minutes.
Reitman, Jason (réal.), Men, Women & Children, Paramount Pictures, 2014, 1 DVD vidéo,
116 minutes.
Scott, Tony (réal.), Man On Fire, Fox 2000 Pictures et Regency Enterprises, 2005, 1 DVD
vidéo, 146 minutes.
Segal, Peter (réal.), he Longest Yard, Paramount Pictures, 2005, 1 DVD vidéo, 113 minutes.
Tarantino, Quentin (réal.), Kill Bill (vol. II). Miramax Lionsgate, 2011, 1 DVD vidéo,
137 minutes.
Taylor-Johnson, Sam (réal.), Fity Shades Of Grey, Universal Pictures, 2015, 129 minutes.

Références bibliographiques
Antonini, Rachele (2005), ‘he Perception of Subtitled Humour in Italy: An Empirical
Study’, in Chiaro (éd.), Humor International Journal of Humor Research, Special
Issue Humor and Translation, 18(2), pp. 209-225.
282 Transpositions Between Verbal and Non-verbal Semiotics

Baldo de Brébisson, Sabrina, Hamus-Vallée, Réjane (à paraître), « Le sous-titrage relief


d’Avatar : la transgression comme norme », in Genty & Baldo de Brébisson (éds),
Traduction audiovisuelle et sous-titrage. Normes et transgressions, Paris, Éditions
l’Entretemps.
Baldo de Brébisson, Sabrina (à paraître), « Le Traduisible dans l’implicite ? Étude
de l’anacyclique « RE UM » dans Shining de Kubrick », in Anquetil, Elie-
Deschamps & Lefebvre-Scodeller (éds), Autour des formes implicites, Rennes,
Presses Universitaires de Rennes, Collection « Rivages linguistiques ».
— (2009), « Traduction et Adaptation : Analyse comparative », in Ballard (éd.), Traducto-
logie et enseignement de traduction à l’Université, Arras, Artois Presses Université,
pp. 157-167.
Bannon, David ([2009] 2010), he Elements of Subtitles, A Practical Guide to the Art of
Dialogue, Character, Context, Tone and Style in Subtitling, Marston Gate, Amazon.
Becquemont, Daniel (1996), « Le Sous-titrage cinématographique  : contraintes, sens,
servitudes », in Gambier (éd.), Les Transferts linguistiques dans les médias audiovisuels,
Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, pp. 145-155.
Brette, Nicole (1982), « Sous-titres : le crève-cœur des réalisateurs », in Cahiers du cinéma,
no 338, juillet-août, p. 10.
Díaz Cintas, Jorge (2008), « Teaching and Learning to Subtitle in an Academic
Environment », in Díaz (éd.), he Didactics of Audiovisual Translation, USA, John
Benjamins Publishing Company, pp. 89-103.
— (2001), « Striving for Quality in Subtitling: he Role of a Good Dialogue List » in
Gambier & Gottlieb (éds), (Muti) Media Translation, USA, John Benjamins
Publishing Company, pp. 199-211.
Fontanille, Jacques (2015), Pratiques sémiotiques, Paris, Presses Universitaires de France.
Hamus-Vallée, Réjane (à paraître), « Le Sous-titrage spécial  : le hors norme comme
remise en question de la norme », in Genty & Baldo de Brébisson (éds), Traduction
audiovisuelle et sous-titrage. Normes et transgressions, Paris, Éditions l’Entretemps.
— (2004), Les Efets spéciaux, Paris, Coll. « Les petits cahiers ».
Hamus-Vallée, Réjane, Renouard, Caroline (2015), Superviseur des efets visuels pour le
cinéma, Paris, Eyrolles.
Ladmiral, Jean-René ([1979] 1994), Traduire  : théorèmes pour la traduction, Paris,
Gallimard.
Laks, Simon (1957), Le Sous-titrage de ilms. Sa technique — son esthétique, Paris, Propriété
de l’auteur.
Lambert, José (1996), « La Traduction de textes audiovisuels : modes et enjeux culturels »,
in Gambier (éd.), Les Transferts linguistiques dans les médias audiovisuels, Villeneuve
d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, pp. 33-59.
Formes, sens et pratiques du sous-titrage spécial 283

Metz, Christian ([1972] 2013), Essais sur la signiication au cinéma, Tomes I et II, Langres,
Klincksieck.
Mounin, Georges (1963), Les Problèmes théoriques de la traduction, Paris, Éditions
Gallimard, Bibliothèque des idées.
Nornes, Abé Mark (2007), Cinema Babel: Translating Global Cinema, Minneapolis,
University of Minnesota Press.
Orero Pilar (2008), « Le Format des sous-titres : les mille et une possibilités », in Lavaur
& Serban (éds), La Traduction audiovisuelle, Bruxelles, De Boeck, pp. 55-65.
Serban, Adriana (2008), « Les Aspects linguistiques du sous-titrage », in Lavaur &
Serban (éds), La Traduction audiovisuelle, Bruxelles, De Boeck, pp. 85-99.
Tomaszkiewicz, Teresa (1993), Les Opérations linguistiques qui sous-tendent le processus
de sous-titrage des ilms, Poznan, Adam Mickiewicz University Press.

Références sitographiques
Ataa, Republication du livre de Simon Laks, Le sous-titrage de ilms, dans L’Écran traduit
[en ligne], L’Écran traduit, 2013 [consulté le 10 février 2016]. Disponible sur http://
www.ataa.fr/blog/republication-du-livre-de-simon-laks-le-sous-titrage-de-films-
dans-l%E2%80%99ecran-traduit/.
Díaz Cintas Jorge, Back to the Future in Subtitling [en ligne], MuTra Conference
Proceedings, 2005 [consulté le 07 février 2016]. Disponible sur http://www.
euroconferences.info/proceedings/2005_Proceedings/2005_DiazCintas_Jorge.pdf.
Díaz Cintas Jorge, Muñoz Sánchez Pablo, Fansubs: Audiovisual Translation in an Ama-
teur Environment [en ligne]. he Journal of Specialised Translation, 2006 [consulté
le 20 février 2016]. Disponible sur http://www.jostrans.org/issue06/issue06_toc.php.
Gottlieb Henrik, Multidimensional Translation: Semantics turned Semiotics [en ligne],
MuTra Conference Proceedings, 2007 [consulté le 20 février 2016]. Disponible sur
http://www.euroconferences.info/proceedings/2005_Proceedings/2005_Gottlieb_
Henrik.pdf.
Karamitroglou Fotios, A Proposed Set of Subtitling Standards in Europe [en ligne],
Translation Journal, 1998 [consulté le 07 février 2016]. Disponible sur http://
translationjournal.net/journal/04stndrd.html.
Marleau Lucien, Les Sous-titres… Un mal nécessaire [en ligne], Meta : journal des tra-
ducteurs, 1982 [consulté le 10 février 2016]. Disponible sur http://id.erudit.org/
iderudit/003577ar.
Martínez García Eva María, Los Fansubs : el caso de traducciones (no tan) amateur [en
ligne], Revista electrónica de estudios ilológicos, 2010 [consulté le 10 février 2016].
Disponible sur https://www.um.es/tonosdigital/znum20/secciones/monotonos-los_
fansubs.htm.
284 Transpositions Between Verbal and Non-verbal Semiotics

Rawsthorn Alice, he director Timur Bekmambetov turns ilm subtitling into an art
[en ligne], New York Times, 27 mai 2007 [consulté le 14 février 2016]. Disponible
sur http://www.nytimes.com/2007/05/25/style/25iht-design28.1.5866427.
html?pagewanted=all&_r=0.

Vous aimerez peut-être aussi