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La taxe Tobin
Point de départ d’une réflexion sur le système
monétaire international
Antonin Danalet
<antonin.danalet@epfl.ch>
Lausanne, 2002
Table des matières
1 Introduction 4
5 Conclusion 45
2
TABLE DES MATIÈRES 3
Bibliographie 47
Annexes 52
Chapitre 1
Introduction
La taxe Tobin est une taxe d’un taux faible sur les opérations d’achat
et de vente de devises. Elle a été proposée en 1972 par James Tobin, prix
Nobel d’économie, et est restée depuis au stade de projet. Elle n’a jamais été
mise en place, mais depuis 1997 et suite à un article du monde diplomatique,
elle connaît un succès extraordinaire, en particuliers dans la presse et dans
les mouvements dits anti-mondialisations, et donne lieu à un débat souvent
passionné.
4
CHAPITRE 1. INTRODUCTION 5
ZIEGLER (Jean). - Les nouveaux maîtres du monde, et ceux qui leur résistent. - Fayard,
2002.
2
JEGOUREL (Yves). - La taxe Tobin. - Paris : La Découverte, 2002.
Chapitre 2
Proposée en 1972 par James Tobin, soit une année après l’abrogation par
Nixon du système de taux de change fixe instauré par les accords de Bretton
Woods, la taxe éponyme est une taxe d’un taux faible (environ 0.003 à 0.25
% selon les auteurs, et jusqu’à 1 % pour James Tobin) prélevée de façon
uniforme sur les opérations d’achat et de vente de devise sur le marché des
changes.
Cette taxe, inspirée de Keynes, pour qui l’accès à la bourse devait être
payant et qui soutenait l’idée d’une "lourde taxe d’Etat frappant toutes les
transactions", ce qu’il considérait être "la plus salutaire des mesures per-
mettant d’atténuer aux Etats-Unis la prédominance de la spéculation sur
l’entreprise", avait pour objectif premier d’accroître l’efficacité des politiques
monétaires, du fait qu’elle réduirait les mouvements de capitaux provoqués
par les écarts de taux d’intérêt entre les pays et que ses revenus pourraient
être utilisés par les banques centrales pour défendre leur monnaie.
6
CHAPITRE 2. QU’EST-CE QUE LA TAXE TOBIN ? 7
Le marché des changes est, comme son nom l’indique, le marché où l’on
échange des devises étrangères, ou plus précisément des lettres de change2
libellées en monnaies étrangères. Les "prix" de la monnaie, comme sur tout
autre marché, fluctuent en fonction de l’offre et de la demande. Les fac-
teurs affectant l’offre et la demande sont le commerce international, les tran-
sactions sur le capital physique (investissements directs à l’étranger) et les
placements sur les marchés financiers et dans les banques ou à la bourse.
Ainsi, en prenant l’exemple des échanges entre la Suisse et l’Angleterre,
lorsque la Suisse exporte plus qu’elle n’importe, les lettres de changes libellés
en francs sont abondantes sur le marché londonien et peu demandées, les
importateurs anglais étant peu nombreux. Il en résulte que le cours du franc
baisse à Londres, il se déprécie. A l’opposé, les lettres de change libellées en
livres sont rares sur le marché suisse. Il en découle que la livre s’apprécie. On
remarque ainsi le lien entre la balance des paiements d’un Etat et le taux de
change de sa monnaie.
Cet exemple est uniquement valable dans un système de changes flot-
tants, comme l’est le système monétaire international (SMI) actuel. Le choix
d’une monnaie, l’investissement à l’étranger, et donc la création d’une de-
mande sur le marché est influencée par les taux d’intérêt, les fondamentaux
(les données de base de l’économie : croissance, inflation, déficits publics,
coûts de production, politique monétaire, ...) et les anticipations (à court
terme), vraies ou fausses.
Par exemple, lorsqu’une politique monétaire est considérée comme moins
rigoureuse par rapport aux conditions du marché, les opérateurs internatio-
naux anticipent une détérioration de la situation économique, comme une
accélération de l’inflation. Ils vont donc rapatrier une partie de leurs fonds
et vendre des francs, ce qui va se conclure par une dépréciation de ce der-
nier. De même, une baisse des taux d’intérêt est généralement suivie d’une
dépréciation de la monnaie, et inversement. Si plusieurs de ces facteurs dé-
favorables s’accumulent et que les acteurs du marché perdent leur confiance,
le marché entre dans ce que l’on appelle une crise monétaire.
3
Source : BANK FOR INTERNATIONAL SETTLEMENTS. - Triennal Central Bank
Survey, Foreign exchange and derivatives market activity in 2001. - BIS, 2002.
CHAPITRE 2. QU’EST-CE QUE LA TAXE TOBIN ? 9
De plus, c’est à partir de cette même année 1958 que les Etats-Unis
enregistrent un déficit très important de leur balance des paiements, déficit
qui ne cessera plus de croître par la suite.
Ce déficit créa un marché fortement spéculatif, celui des eurodollars. Les
eurodollars sont des avoirs libellés en dollars circulant à l’extérieur des Etats-
Unis, et échappant ainsi à la réglementation bancaire américaine. Ils étaient
placés dans des banques européennes pour profiter de leur taux d’intérêt
plus élevé que celui des banques américaines. Ils représentent la plus grande
partie des déficits cumulés des balances globales des paiements des Etats-
Unis depuis la guerre, une faible partie de ces déficits étant réglée en or.
La croissance des eurodollars fut extrêmement rapide, et bientôt la va-
leur des eurodollars en circulation fut plus élevée que la valeur des stocks
américains d’or, comme le montre le tableau de la figure 2.1.
Source : J. Bourget, Y. Zenou, Monnaies et systèmes monétaires dans le Monde au 20e siècle 4 .
Son fonctionnement
Le marché des changes n’est pas localisé géographiquement. Il prend la
forme d’un réseau électronique mondial où se rencontre toutes les offres et
les demandes. Voici un exemple pour mieux cerner son fonctionnement.
Tout d’abord, un utilisateur final (une entreprise, une multinationale, un
exportateur, un importateur, un fonds de pension, etc...) désire acheter (ou
vendre) 100 millions de dollars. Il contacte sa banque et demande le cours
vendeur pour la quantité désirée. La banque lui offre un prix (p. ex. 1.49
$ / FFS) auquel elle est disposée à lui vendre 100 millions de dollars. La
transaction s’effectue.
La banque doit maintenant s’adresser à d’autres banques ou à un courtier
pour couvrir sa vente. Elle doit acheter les 100 millions qu’elle s’est engagée
à vendre. Elle va donc acheter par exemple dix fois 10 millions de dollars à 10
intervenants différents, en se ménageant une petite marge pour racheter les
dollars qu’ils se sont engagés à vendre à la banque. Chaque courtier, broker
ou banque va donc se tourner vers des market makers ou des spéculateurs
prêts à prendre le risque de contrepartie. La plupart des market makers
couvrent également leurs positions après avoir pris une marge.
Le phénomène est extensif et il n’est pas impossible qu’une somme de 100
millions, qui doivent être achetée pour des raisons purement commerciales,
génère in fine un volume 10 fois supérieur à la somme initialement traitée. Si
ce phénomène multiplicatif n’existait pas, l’acheteur (ou le vendeur) initial
ne trouverait pas de contrepartie, n’aurait aucune liquidité au moment de
traiter6 .
6
Au sujet du fonctionnement du marché des changes, M. Lestiboudois dans son inter-
view (Annexe 3, p.62) cite l’explication donnée par un journaliste du journal "Les Echos".
CHAPITRE 2. QU’EST-CE QUE LA TAXE TOBIN ? 13
Ses activités
Il existe quatre raisons d’intervenir sur le marché des changes : la spécu-
lation, l’arbitrage, la couverture et le market making.
L’arbitrage consiste à profiter de la différence entre les cours d’une même
monnaie entre deux places financières. Ainsi, en achetant une monnaie sur
le marché où elle est la moins chère et en la revendant sur celui où son prix
est plus élevé, l’arbitragiste fait un bénéfice.
L’activité de teneur de marché, ou market making, est la plus connue
du public. Elle est exercée par les banques et consiste à coter des cours
vendeurs et des cours offreurs sur une devise et à offrir la contrepartie aux
cours proposés, c’est-à-dire d’accepter tout ordre d’achat ou de vente à ce
prix, quelle que soit son ampleur. La banque peut ainsi se retrouver avec
trop de devises, en position dite longue, ou peut s’engager à livrer trop de
devise et être en position courte.
L’activité de couverture, ou hedging, consiste à se prémunir contre le
risque de change et fait appel au marché des changes à terme et aux marchés
dérivés. Par extension, ne pas se couvrir contre ce risque est une forme de
spéculation.
La spéculation est une "opération financière (...) reposant sur des achats
et des ventes, dans le but d’obtenir un gain, moyennant une prise de risque.
La spéculation est nécessaire au fonctionnement des marchés financiers (...),
puisqu’elle permet aux non-spéculateurs de se couvrir contre des incertitudes
dont ils ne souhaitent pas faire les frais. Les marchés à terme ne suppriment
pas les risquent, ils permettent de mieux les répartir sur l’ensemble des in-
tervenants, voire de les transférer sur les spéculateurs. Ces derniers assurent
la liquidité des marchés à terme. Néanmoins, la spéculation a un caractère
déstabilisant lorsque les anticipations des spéculateurs vont toutes dans le
même sens. Les cours (...) des changes deviennent alors très instables. Sou-
vent le mimétisme, l’influence du groupe, la communauté des valeurs finissent
par s’imposer aux dépens d’une analyse plus rationnelle (...)" (Frédéric Teu-
lon, Vocabulaire monétaire et financier 7 ).
Ses intervenants
La seule étude précise sur l’état du marché des changes est l’enquête tri-
sannuelle de la Banque des règlements internationaux (BRI)8 . Elle prend en
compte les données des banques centrales de 48 pays et porte sur l’année
2001. Elle divise les intervenants en trois types : les opérateurs déclarants
(les banques commerciales, les banques d’affaires, ou holdings, les maisons de
titres et les banques d’investissement), les autres institutions financières (les
7
TEULON (Frédéric). - Vocabulaire monétaire et financier. - Paris : PUF, coll. "Que
sais-je ?", 1991.
8
BANK FOR INTERNATIONAL SETTLEMENTS. - Triennal Central Bank Survey,
Foreign exchange and derivatives market activity in 2001. - BIS, 2002.
CHAPITRE 2. QU’EST-CE QUE LA TAXE TOBIN ? 14
fonds communs des placements, les fonds de pension, les fonds spéculatifs, ou
hedge funds, les fonds du marché monétaire, ou SICAV monétaire en France,
les sociétés immobilières, les compagnies d’assurances, etc.) et les clients non
financiers (les entreprises et les gouvernements).
Les opérateurs déclarants sont les plus importants sur le marché des
changes. Ils représentent 73.1 % du chiffre d’affaire moyen journalier sur le
marché. Ils opèrent pour le compte de leurs clients, mais aussi pour leur
propre compte pour se couvrir du risque de change, pour résoudre les pro-
blèmes de trésorerie et pour effectuer des opérations d’arbitrages ou pour
spéculer. Les spécialistes du marché des changes sont appelés cambistes.
Les autres institutions financières représentent 14.1 % du volume journa-
lier des échanges, mais ce chiffre ne représente pas réellement leur présence
sur le marché, puisqu’elles sont largement présentes sur le marché des dérivés
de change de gré à gré, autrement dit, le marché des changes à long terme.
Finalement, les clients non financiers représentent 12.8 % du chiffre d’af-
faire moyen journalier sur le marché. Les entreprises n’interviennent que
rarement directement sur le marché, et passent donc par leur banque. Ainsi,
la plus grande partie des ces 12.8 % sont l’oeuvre des banques centrales, qui
interviennent sur le marché pour exécuter les ordres de leur clientèle (que soit
des administrations ou des banques centrales étrangères) et pour influencer
l’évolution du cours de change, afin que celui-ci soit compatible avec les ob-
jectifs de politique économique et monétaire. L’action sur un cours de change
peut favoriser ou freiner les importations (ou les exportations) et agir ainsi
sur l’inflation.
100 %
Source : Rapport trisannuel de la BRI, 20019 .
Ces chiffres montrent que les banques commerciales sont les opérateurs
les plus importants et que les Etats, à travers leur banques centrales, n’ont
qu’une influence minime, en tout cas directement.
Il n’en reste pas moins, comme le rappelle Yves Jégourel10 , que certaines
institutions, et en particuliers les fonds de pension, ou hedge funds, ont, de
part leurs stratégies, un effet déstabilisant sur le marché.
"Les actifs gérés par ces institutions financières pourraient, selon l’Alter-
native Investment Managment Association (AIMA) atteindre la somme con-
sidérable de 400 milliards de dollars ! Lorsque l’on connaît non seulement la
complexité et l’agressivité des stratégies de gestion de portefeuille de ces or-
ganismes, mais aussi le levier d’endettement dont ils bénéficient (ils peuvent
moyennant un dépôt de garantie faible emprunter des sommes importantes),
leur rôle déstabilisateur ne peut être sous-estimé." (Yves Jégourel, La taxe
Tobin 11
Ses dysfonctionnements
Depuis le début des années 1990, le SMI est caractérisé par une explosion
du volume des échanges, comme le montre le tableau de la figure 2.3. Ainsi,
le volume des échanges a été multiplié par 2.5 entre 1989 et 1998, et en 1998,
il était 60 fois supérieur à celui du commerce international. Cela montre que,
comme nous l’avons déjà vu, chaque transaction commerciale engendre une
multiplicité d’échanges entre acteurs financiers due à la gestion du risque de
change, mais aussi que bon nombre de transactions ne sont motivées que par
un intérêt purement financier, sans but commercial.
Le marché souffre de différents maux, dont une très forte volatilité et une
grande instabilité financière sur le plan mondial. Ces problèmes sont liés à
l’explosion du volume des échanges, mais aussi à la suppression du contrôle
10
JEGOUREL (Yves). - La taxe Tobin. - Paris : La Découverte, 2002.
11
Ibid.
CHAPITRE 2. QU’EST-CE QUE LA TAXE TOBIN ? 16
Fig. 2.3 – Volume journalier des échanges sur le marché des changes
Mais, en conséquence, les marchés sont les juges des stratégies commer-
ciales et financières des entreprises et des Etats. On remarque par exemple la
fin des politiques budgétaires conjoncturelles. Les relances budgétaires d’ins-
piration keynésienne sont peu à peu remplacées depuis le début des années
14
Une option de change est une forme de police d’assurance, qui permet d’acheter ou de
vendre des devises à un prix fixé à l’avance pendant une période de temps ou à une date
déterminée. Les swaps, autres produits dérivés, sont plus présents dans les opérations sur
devises, car leur négoce revient moins cher que pour les options.
15
Les quatre facteurs de production sont les ressources naturelles, le travail, le capital
et la créativité.
CHAPITRE 2. QU’EST-CE QUE LA TAXE TOBIN ? 18
Mix et Remix
Tout ceci est dû à l’immaturité du secteur bancaire dans les pays émer-
gents, au caractère moutonnier des opérateurs, mais aussi à un manque de
responsabilisation des acteurs financiers. En effet, la prise de risque de ces
derniers est soutenue implicitement par le gouvernement, qui ne la sanctionne
pas à son coût réel, à travers la loi sur la faillite. C’est ce qu’on appelle l’aléa
de moralité. Sachant qu’ils ne vont pas payer pleinement en cas de problèmes,
les investisseurs sont incités à prendre plus de risque.
CHAPITRE 2. QU’EST-CE QUE LA TAXE TOBIN ? 19
Cette idée est basée sur les idées qu’expose J.-M. Keynes dans La théorie
générale de l’emploi. Il écrit au chapitre 12 : "Il est généralement admis que,
dans l’intérêt même du public, l’accès au casino doit être coûteux et difficile.
16
REIERMANN, SCHEISSL. - James Tobin, Prix Nobel d’économie : "Je n’ai rien de
commun avec les praticiens de cette révolution contre la mondialisation" : Interview. - Der
Spiegel, 11.3.2001, traduit par Sylvette Gleize pour Le Monde.
En annexe, p.53.
CHAPITRE 2. QU’EST-CE QUE LA TAXE TOBIN ? 20
CHAPITRE 2. QU’EST-CE QUE LA TAXE TOBIN ? 21
Son projet
En 1972, lorsque James Tobin propose pour la première fois sa taxe, le
système de change fixe de Bretton Woods est à l’agonie. Le SMI s’oriente vers
un régime de change flottant. Les thèses néoclassiques qui prévalent à cette
époque prédisent la supériorité du système de change flottant, et affirment
que ce dernier permettra d’assurer l’autonomie de la politique monétaire,
contrairement au système de change fixe.
Pour Tobin, en revanche, cette autonomie est utopique tant que la mobi-
lité des capitaux n’est pas diminuée. Que le régime fonctionne sous un régime
de change flottant ou fixe, l’arme monétaire ne peut être utilisée efficacement
si la mobilité internationale des capitaux est grande.
Attac
Lancée en 1997 par un article dans le Monde Diplomatique de Ignacio
Ramonet intitulé "Désarmer les marchés"18 , l’Association pour la taxe Tobin
d’aide au citoyen, devenue, lors de sa création officielle en 1998, l’Association
pour une taxation des transactions financières pour l’aide au citoyen (Attac),
milite pour l’instauration de la taxe Tobin.
Attac est constituée d’un Conseil scientifique, ayant pour but de créer un
"mouvement d’éducation populaire tourné vers l’action".
"Comprendre pour agir". Son devoir d’information est une des compo-
santes importantes du mouvement. Ainsi, Attac dispose d’un site internet20
et d’un courrier d’information, "Le grain de sable", en hommage à une cita-
tion de Tobin sur le rôle qu’il donnait à sa taxe. C’est grâce à ses efforts que
la taxe Tobin, et de manière générale une réflexion sur le fonctionnement ac-
tuel du marché, sont revenues sur le devant de la scène. Accessoirement, c’est
aussi en grande partie grâce à eux, en particulier indirectement à travers la
presse, que j’ai choisi la taxe Tobin comme sujet de ce travail de maturité.
18
RAMONET (Ignacio). - Désarmer les marchés. - Le Monde diplomatique, décembre
97.
En annexe, p.59.
19
Source : http://www.attac.org
20
Plate-forme internationale : http://www.attac.org
21
Source : CHESNAIS (François). - Tobin or not Tobin ?, Une taxe internationale sur
le capital. - Paris, L’esprit frappeur, n¡ 42.
François Chesnais est membre du conseil scientifique d’Attac.
CHAPITRE 2. QU’EST-CE QUE LA TAXE TOBIN ? 24
On voit donc que les objectifs initiaux de James Tobin sont loin des
préoccupations d’Attac. James Tobin lui-même, pourtant très ouvert aux ré-
interprétations de son idée, a d’ailleurs condamné cette interprétation dans
une interview au journal allemand Der Spiegel en septembre 2001, en décla-
rant qu’il n’avait "rien à voir avec les praticiens de cette révolution contre la
mondialisation"22 .
Logo Attac
De ce fait, le devoir d’information d’Attac est sacrifié sur l’autel des luttes
de pouvoir internes et de la volonté de ne pas se renier. Les documents d’At-
tac, bien que souvent très intéressant d’un point de vue idéologique, sont, en
particulier sur la taxe Tobin, très flous, imprécis, voire faux sur les aspects
techniques. Il en résulte une espèce de dialectique singulière qui, comme sous
le communisme où les bourgeois devenaient "les ennemis du peuple", impose
son vocabulaire : le capitalisme financier devient "la dictature des marchés
financiers" et les textes deviennent absolument illisibles, ce qui fait dire à
Louis Janover dans Voyage en feinte-dissidence (1998) :
24
Source : http://www.attac.org
CHAPITRE 2. QU’EST-CE QUE LA TAXE TOBIN ? 26
"En l’état actuel, Attac reproduit sous une forme caricaturale le mode
d’organisation politique qui, dans les "démocraties occidentales", dépossède
les citoyens de leur souveraineté : d’une part, "l’expertocratie" dominante
avec son cénacle de savants cooptés ; d’autre part, la structure binaire qui,
sous la fallacieuse dénomination de "démocratie représentative", oppose dans
la société moderne les "obligarques libéraux" à leurs subordonnés, avec la di-
chotomie "direction nationale"/comités locaux - grossier avatar de la distinc-
tion société politique/société civile. A quoi bon dénoncer et fuir les moeurs
de la politique si c’est pour les retrouver et les entériner dans le microcosme
d’Attac ?"25 . Michel Barillion résume ici très bien les incohérences d’un mou-
vement qui a le mérite de faire réfléchir, de lutter pour de bonnes causes (cet
avis n’engage que moi) et de faire fusionner des mouvements dont les objec-
tifs finalement se recoupent, mais qui dans son application fait face à des
difficultés.
25
BARRILLON (Michel). - Attac, encore un effort pour réguler la mondialisation ! ?. -
Castelnau-le-Lez : Climats, 2001.
A lire absolument sur ce sujet.
Chapitre 3
27
CHAPITRE 3. LES LIMITES DE LA TAXE 28
nuer la volatilité et finalement, quels seraient ses revenus et à quel usage les
destiner.
Pour Tobin, lorsqu’il n’y a aucune taxe et que la mobilité des capitaux est
grande sur le marché, un spéculateur peut parier sur la dépréciation d’une
monnaie et vendre la monnaie en question pour d’autres devises. Supposons
que tous les spéculateurs présents agissent de la même manière. La monnaie
va donc se déprécier, selon la loi de l’offre et de la demande, et le spéculateur
va être confirmé dans sa décision.
Cette suite d’événements peut être répétée indéfiniment et crée donc une
forte instabilité, ce qui implique une forte volatilité des cours.
Dans une situation où les transactions sont taxées, le spéculateur va
tenter d’éviter des allers-retours trop fréquents pour ne pas subir un surcoût
trop important. La taxe Tobin pénalise ces stratégies spéculatives et donc
diminue la volatilité du marché.
Une autre incidence de la taxe Tobin sur la volatilité réside dans le fait
que le spéculateur va rallonger son horizon d’investissement, ce qui, dans la
théorie keynésienne, est considéré comme stabilisant. En effet, en faisant des
placements à long terme, l’opérateur sera plus influencé par les fondamen-
taux et sera moins soumis à un effet moutonnier.
Un taux faible (par exemple de 0.05 %) aurait quant à lui une faible in-
cidence sur la volatilité des marchés et sur la spéculation. Par contre, il per-
mettrait de collecter une recette considérable. C’est vers un taux faible que
s’orientent actuellement les réflexions. Actuellement, les propositions vont de
0.05 à 0.25 % et Tobin dans son interview au Spiegel en 1999 préconisait un
montant de 0.1 %.
Les estimations
Les estimations sont toutes très différentes. Un grand nombre semblent
fort optimistes et ce pour une raison : elles se basent sur deux hypothèses
aussi incompatibles qu’irréelles. En effet, elles utilisent un niveau de taxation
élevé sur un volume de transactions inchangé par rapport au niveau actuel.
Il est intéressant de noter que puisque le volume journalier des échanges
sur le marché des changes varie fortement avec les années (voir fig. 2, p. 14),
les estimations sont rapidement dépassées.
Plus réaliste et plus détaillée (car il faut savoir que, à l’instar d’Attac,
le détail des calculs n’est que rarement précisé), l’estimation de David Felix
et de Ranjit Sau montre l’excès d’enthousiasme des sources citées ci-dessus.
En tenant compte de la multiplicité des hypothèses, ils ont conçu un cadre
d’analyse global complexe permettant de modéliser l’incidence de l’instaura-
tion de la taxe. Ainsi, avec leur méthode, les recettes de la taxe dépendent
du taux de celle-ci, du volume total des changes retenu, du pourcentage de
transactions exonérées de la taxe , de l’ampleur de l’évasion fiscale, du coût
de transaction avant taxe et de l’élasticité du volume du marché. Pour plus
de précision, je renvoie le lecteur à leur livre4 et, pour un résumé, au livre
de Yves Jégourel5 .
Ce cadre d’analyse a été utilisé en 2000 par le ministère français de l’Eco-
nomie et des Finances (MINEFI). En faisant l’hypothèse d’un volume jour-
nalier de transactions taxées de 1500 milliards d’euros et d’un taux compris
entre 0.01 % et 0.2 % (ainsi que d’autres hypothèses variantes), ils obtiennent
des recettes annuelles variants de 6 à 134 milliards d’euros. Cela montre donc
une grande variabilité des estimations.
4
FELIX, SAU. - On the revenue potential and phasing in of the Tobin tax, in GRUN-
BERG, HAQ, KAUL. - The Tobin tax, coping with financial volatility. - New York : Oxford
University Press, 1996.
5
JEGOUREL (Yves). - La taxe Tobin. - Paris : La Découverte, 2002.
CHAPITRE 3. LES LIMITES DE LA TAXE 31
savoir que certains y croient. De plus, croire que de l’argent pourrait à lui
seul faire diminuer la pauvreté en le distribuant aux PMA est une grossière
erreur. L’expérience a montré qu’en Afrique seule 10 % de l’aide atteignait
finalement la population. Les éléphants blancs, ces grandes constructions peu
ou pas utilisées en Afrique, sont un autre exemple d’aide financière inefficace.
En conclusion, l’aide financière, condition sine qua non au redressement
économique des PMA, doit impérativement être accompagnée d’autres me-
sures, et ces mesures ne doivent pas attendre l’application de la taxe Tobin
pour être mise en place.
partisans de la taxe Tobin, les fonds doivent servir à la lutte contre la pau-
vreté et être verser au pays en développement. L’idée d’affecter ces recettes
à la lutte contre le développement des inégalités est bonne, mais dans la
réalité aucun gouvernement (a fortiori les Etats-Unis, qui représentent 15.7
%7 de l’activité sur le marché des changes et qui sont totalement opposés
à une augmentation du pouvoir des organismes internationaux) n’acceptera
de laisser échapper une manne financière qui lui revient.
un intervenant sur le marché des changes comme sur tout autre marché,
d’acheter ou de revendre une devise sans que cette opération se traduise par
une augmentation (dans le cas d’un achat) ou une diminution de son prix" .
Comme on l’a vu précédemment dans le chapitre sur le fonctionnement
du marché des changes, lors d’une transaction, l’échange de devises entre
banques est important. Un ordre de change peut engendrer de 5 à 10 tran-
sactions interbancaires. Ces opérations de couverture mutuelle représentent
jusqu’à 90 % des transactions sur le marché des changes et n’ont rien à voir
avec de la spéculation mais sont seulement des opérations de couverture. Si
la taxe Tobin est appliquée de manière uniforme et sur tous les types de tran-
saction, l’ordre initial, qui sera démultiplié pour couvrir le risque de change,
sera taxé autant de fois que d’échanges. Le coût de la taxe sera donc aussi
démultiplié. Par conséquent, une taxe dont le taux est a priori minime sera en
réalité d’une ampleur considérable et bloquera les opérations de couverture
lors des transactions.
De plus, ""la très grande majorité des transactions sur le marché des
changes constitue des opérations d’arbitrage sans risque visant à amélio-
rer la liquidité, c’est-à-dire l’efficacité technique du marché, précise Oli-
vier Davanne, du Conseil d’analyse économique. Ces opérations d’arbitrage
n’existent que parce que leurs coûts sont faibles, de l’ordre de 0,02 % . Mul-
tiplier ces coûts par cinq ferait chuter le volume des transactions". Or pour
certains économistes, un marché moins liquide pourrait amplifier les varia-
tions des prix, et par conséquent l’instabilité financière. Jean Pierre Landeau,
professeur à l’Institut d’études politiques de Paris, illustre cette idée : "le jet
de pierres dans un grand lac produit des remous invisibles ; dans une petite
mare, il provoque des vagues de grande ampleur".
François Chesnais rejette cette critique dont la pertinence "repose sur un
lien supposé entre la liquidité et la stabilité des marchés. Au cours des deux
dernières décennies, on a observé au contraire une augmentation parallèle du
volume des marchés des changes et de leur instabilité"" .
Tout ceci donne lieu à une littérature abondante sur le sujet à laquelle je
renvoie le lecteur pour plus de précision, ce sujet étant complexe.
Les acteurs de cette polémique ont oublié que la taxe Tobin aurait fort
peu, voire pas du tout, d’effet sur la globalisation financière et que ses ob-
jectifs sont modestes. Ils y ont vu, à tort ou à raison, une lutte idéologique.
Adopter la taxe Tobin, c’est accepter que les marchés ont besoin d’une aide
extérieure pour fonctionner.
Chapitre 4
Un des aspects du phénomène qu’est la taxe Tobin est qu’il ouvre des
pistes de réflexion, tant d’un point de vue économique que politique, voire
social.
38
CHAPITRE 4. POUR ALLER PLUS LOIN... 39
La CBCT est une taxe sur les entrées de capitaux. Son fonctionnement
se déroule en deux parties. Tout d’abord, tous les flux de capitaux entrants
sont taxés et seulement ensuite la taxe est remboursée pour les flux de nature
non spéculative sur présentation de justificatifs attestant que la contrepartie
a déjà fait l’objet d’une forme de taxation. Le risque d’évasion fiscale est
donc plus faible puisque la taxe est retenue à la source. L’objectif de ce mode
de fonctionnement est de pénaliser les capitaux spéculatifs caractérisés par
une absence de contrepartie domestique face aux capitaux subissant déjà un
impôt.
La taxe serait remboursée aux exportateurs en adoptant un principe si-
milaire au remboursement de la TVA, de même que sur présentation d’un
justificatif attestant que le capital a déjà été taxé par l’impôt sur le bénéfice
pour les entreprises ou par l’impôt sur le revenu dans le cas de particuliers.
Les capitaux provenant de la vente d’un actif réel ou financier à l’étranger
seront aussi exempt de la CBCT.
Finalement, ce sont les opérations d’emprunt à l’étranger qui seront pé-
nalisées par ce dispositif.
La CBCT ne nécessite pas de coordination internationale, ni de création
d’un organisme de collecte. Le mécanisme de taxation ne demande pas non
plus de nouvelles compétences car il serait géré par les autorités fiscales et ne
demanderait ainsi pas un coût administratif élevé. De plus, la CBCT permet
de lutter contre l’évasion fiscale. Mais elle est aussi intéressante au-delà de
ses caractéristiques techniques, car elle montre qu’il existe une alternative à
la taxe Tobin dans le domaine du contrôle des mouvements de capitaux. Elle
permet de prendre du recul face à un débat sur la taxe Tobin immobilisé par
des questions idéologiques et qui fait de la proposition du prix Nobel une
réponse absolue.
En ciblant mieux ses objectifs, la CBCT perd certains points forts de la
taxe Tobin, et en premier lieu les revenus qu’elle créerait (en effet, Howell
Zee précise que l’intérêt de la CBCT n’est pas de créer des revenus et que son
taux ne doit pas dépendre de cela), mais elle semble plus réaliste et mieux
adaptée au fonctionnement actuel du SMI.
engendre l’entrée massive de capitaux et elle crée ainsi un conflit entre les
intérêts internes et externes de la politique monétaire.
Pour lutter contre l’inflation tout en évitant une appréciation du taux
de change (liée à la hausse des taux d’intérêt, comme vu au chapitre sur
l’accroissement de l’autonomie de la politique monétaire, p. 23), le Chili
instaure un dépôt d’un an, obligatoire et non rémunéré à 10 %, puis à 30 %,
de l’ensemble des capitaux étrangers investis dans le pays, l’encaje. Il fut tout
d’abord appliqué aux prêts accordés par les banques, puis à la totalité des
entrées de capitaux, à l’exception des investissements directs et des crédits
commerciaux.
L’encaje est proche dans ses objectifs de la taxe Tobin, et surtout de la
proposition initiale de Tobin. Il vise à restaurer une partie de l’autonomie de
la politique monétaire et permet d’éviter l’entrée massive de capitaux à court
terme. On peut aussi noter que la volatilité du taux de change s’est réduite
avec l’instauration de l’encaje, réduction peut-être due à des investissements
encouragés dans le long terme. Mais dans la forme, l’encaje diffère de la taxe
Tobin. Pour l’investisseur, le dépôt est un manque à gagner, mais pas une
perte, un coût comme dans le cas de la taxe Tobin.
En 1998, la chute importante des entrées de capitaux obligea les autorités
à baisser le taux de dépôt à 10 %, puis à 0 %, sans pour autant abandonner le
système. Le bilan de l’encaje est mitigé. Le Chili a bel et bien réussi à main-
tenir un taux d’intérêt national supérieur au taux d’intérêt international,
mais seulement à court terme. De plus, il a dû faire face à un contournement
important du dépôt, les opérateurs faisant classer leurs capitaux dans la caté-
gorie investissements directs. Le Chili a aussi évité les attaques spéculatives
dont ont été victime les pays proches, et en particulier le Brésil. Mais ce point
doit être modéré par le fait que le Chili a appliqué dans le même temps une
réforme du système financier (les obligations émises par les entreprises, par
exemple, devaient correspondre à une durée minimale d’émission de quatre
ans et impliquaient, elles aussi, un dépôt obligatoire et temporaire).
Le bilan reste difficile à établir. Il n’en demeure pas moins que l’on observe
que le contrôle des capitaux permet d’obtenir simultanément la stabilité des
prix intérieurs et du cours du change. C’est une voie de réflexion à appro-
fondir, ce qui n’a pas échappé à Dominique Strauss-Kahn qui l’a proposé au
FMI lors d’un sommet informel de réflexion sur le SMI à Vienne en 1998 .
problème est plus profond et a atteint, principalement avec Attac, une di-
mension symbolique. La taxe Tobin est désormais un mythe fondateur.
Ensuite, la taxe Tobin attire tous ceux qui rêvent d’un gouvernement
mondial qui serait capable d’arrêter les guerres et de réduire les inégalités,
tous les déçus du consensus de Washington . Ce courant de pensée s’appelle
le mondialisme. Les mondialistes rejettent le concept d’Etat-nation et milite
pour une autorité supranationale. "Or l’un des attributs de tout pouvoir poli-
tique, c’est le droit de taxer. La mondialisation, ils la veulent, mais organisée
et non pas spontanée et mise en place par les forces privées du marché. Pour
eux, la taxe Tobin est ainsi un premier pas, un début de reprise en main,
la preuve que leur vision n’est pas aussi utopique qu’on ne le dit souvent"
. Et Bernard-Henry Lévy d’ajouter : "cette idée, pour la première fois dans
l’histoire, d’instaurer un véritable impôt mondial, représenterait, du point
de vue du mondialisme, une avancée considérable" .
l’ennemi c’est les riches, et il faut les faire payer. Ce mouvement est naturel : à
l’époque féodale Robin des Bois bataillait contre le Comte de Nothingam, au
20ème siècle ce fut le communisme en lutte contre les monopoleurs nationaux,
au 21ème siècle le combat sera mondial contre les riches où qu’ils soient
(et donc, en premier lieu, les Etats-Unis). Déjà il est relayé par des formes
nouvelles d’organisation telles que les ONG et les groupes ATTAC. C’est,
paradoxalement, le triomphe de la mondialisation" .
Conclusion
Les clichés, les phrases toutes faites, l’adhésion à des codes d’ex-
pression ou de conduite conventionnels et standardisés, ont so-
cialement la fonction reconnue de nous protéger de la réalité, de
cette exigence de pensée que les événements et les faits éveillent
en vertu de leur existence.
Peut-on réellement conclure sur la taxe Tobin ? Certes, les aspects tech-
niques ont été abordés assez en détails pour pouvoir se faire une petite idée,
mais l’aspect sociologique nécessiterait d’aller beaucoup plus loin dans l’ana-
lyse. Et on ne peut pas avoir de réponse absolue dans ce cas-là.
D’après moi, la taxe Tobin est une mauvaise réponse, ou du moins in-
complète, à de bonnes questions. Mais elle a le mérite au moins de les poser.
La taxe Tobin est irréalisable, mais utile. Elle tient de l’utopie, dans le
sens qu’elle imagine un monde merveilleux ou l’argent serait mieux distri-
bué. Elle est le symbole d’une lutte non moins utopique pour l’instauration
d’un monde meilleur. Parallèlement à son rôle de mythe fondateur, elle re-
présente aussi un courant de pensée qui veut instaurer des changements dans
le fonctionnement actuel du SMI. Elle permet ainsi une ouverture, une ré-
flexion vers d’autres projets de réforme, vers d’autres manières de penser
l’économie mondiale.
Il faut bien distinguer les deux cas. D’une part la lutte pour un monde
meilleur et d’autre part, une réflexion sur le SMI. Malgré cela, le débat reste
bloqué par le symbole, la taxe Tobin ayant pris une dimension emblématique
qui risque bien malheureusement de faire de l’ombre à d’autres mesures moins
symboliques mais certainement plus réalisables.
45
CHAPITRE 5. CONCLUSION 46
S’il faut retenir quelque chose de ce travail, c’est que la taxe Tobin a
deux facettes. Elle n’a pas d’importance en soi, mais d’une part elle pose les
bonnes questions, elle amène à réfléchir, elle permet une ouverture d’esprit
sur le fonctionnement du SMI et de l’économie en général et d’autre part,
elle représente un mouvement sociologique fort qui mérite un grand intérêt.
Bibliographie
47
BIBLIOGRAPHIE 48
49
BIBLIOGRAPHIE 50
une autre monnaie ; cette procédure permet de faire face à des dés-
équilibres temporaires de balance de paiements. Le FMI joue un grand
rôle dans le tiers monde ou dans les pays "en transition" en imposant
des programmes draconiens d’ajustement ou en organisant des soutiens
financiers massifs dont les considérations géopolitiques sont évidentes
(Mexique, Russie).
PMA Pays les moins avancés. Catégorie définie par l’ONU en 1971 à partir
de trois critères : PNB par habitant inférieur à 100 dollars (aux prix
de 1968) ; valeur ajoutée de l’industrie inférieure à 10 % du PIB ; anal-
phabétisme supérieur à 20 % des plus de quinze ans ; 48 pays en 2000.
51
Annexes
3. Interview de M. Lestiboudois.
52
TABLE DES FIGURES 53
Annexe 1
James Tobin, Prix Nobel d’économie : "Je
n’ai rien de commun avec les praticiens de
cette révolution contre la mondialisation"
Le professeur américain, défenseur d’une taxation des transac-
tions sur les devises, rappelle qu’il est favorable au libre-échange,
au FMI et à l’OMC. L’organisation Attac s’est "abusivement ser-
vie de mon nom pour des priorités qui ne sont pas les miennes",
affirme-t-il.
LE MONDE | 11.09.01
James Tobin, quatre-vingt-trois ans, sort de sa retraite confortable dans
le New Haven pour qu’on utilise pas son nom à mauvais escient. Ancien
conseiller de John Kennedy à la Maison Blanche en 1961-1962, le profes-
seur de Yale de 1950 à 1988, est un keynésien. Il a proposé, dans les années
70, après l’effondrement du système de Bretton Woods et l’entrée dans une
ère de flottement généralisé des monnaies, de taxer les transactions à court
terme sur les devises pour ralentir les "aller-retour" des spéculateurs et ainsi
stabiliser le système monétaire international. Comme les keynésiens, il est
partisan de l’économie de marché, du libre-échange et, dirait-on aujourd’hui,
d’un libéralisme tempéré. Prix Nobel d’économie en 1981, il a écrit seize
livres et des centaines d’articles, bataillant, notamment, contre la politique
économique de Ronald Reagan. Toujours avec son franc parler.
- J’apprécie l’intérêt qu’on porte à mon idée, mais beaucoup de ces éloges
ne viennent pas d’où il faut. Je suis économiste et, comme la plupart des éco-
TABLE DES FIGURES 54
- Je crois que, pour l’essentiel, les recettes de la taxe les intéressent, avec
lesquelles ils entendent financer leurs projets de développement. Mais ces
prélèvements ne constituent pas mon objectif premier. J’ai voulu ralentir les
transactions financières. Les recettes ne sont, pour moi, que secondaires.
- J’estime être aujourd’hui mal compris. J’estime aussi qu’on s’est abusi-
vement servi de mon nom pour des priorités qui ne sont pas les miennes. La
TABLE DES FIGURES 55
taxe Tobin n’est en rien un tremplin pour les réformes dont ces gens veulent.
Mais que faire ?
- Leurs intentions sont bonnes, j’imagine, mais les propositions qu’ils font
manquent de réflexion. A moins que, simplement, je ne comprenne pas.
- La pauvreté peut avoir bien des causes. La plupart de ces causes sont
inhérentes aux pays mêmes. Ils n’amélioreront pas leur situation en prenant
les mesures que prônent les opposants à la mondialisation, telles que l’adop-
TABLE DES FIGURES 57
tion partout dans le monde des conditions de travail des nations occidentales.
Cela réduirait la compétitivité des produits des pays pauvres sur les marchés
des pays riches.
Annexe 2
Désarmer les marchés
LE MONDE DIPLOMATIQUE | Décembre 1997
Le typhon sur les Bourses d’Asie menace le reste du monde. La mon-
dialisation du capital financier est en train de mettre les peuples en état
d’insécurité généralisée. Elle contourne et rabaisse les nations et leurs Etats
en tant que lieux pertinents de l’exercice de la démocratie et garants du bien
commun.
Cet Etat mondial est un pouvoir sans société, ce rôle étant tenu par les
marchés financiers et les entreprises géantes dont il est le mandataire, avec,
comme conséquence, que les sociétés réellement existantes, elles, sont des
sociétés sans pouvoir1 . Et cela ne cesse de s’aggraver. (Lire, pages 12 à 15,
notre dossier sur la crise financière actuelle.)
Succédant au GATT, l’OMC est ainsi devenue, depuis 1995, une institu-
tion dotée de pouvoirs supranationaux et placée hors de tout contrôle de la
démocratie parlementaire. Une fois saisie, elle peut déclarer les législations
nationales, en matière de droit du travail, d’environnement ou de santé pu-
blique, "contraires à la liberté du commerce" et en demander l’abrogation2 .
Par ailleurs, depuis mai 1995, au sein de l’OCDE, et à l’écart des opinions
publiques, se négocie le très important Accord multilatéral sur les investisse-
ments (AMI), qui devrait être signé en 1998, et qui vise à donner les pleins
pouvoirs aux investisseurs face aux gouvernements.
Les paradis fiscaux sont autant de zones où règne le secret bancaire, qui
ne sert qu’à camoufler des malversations et d’autres activités mafieuses. Des
milliards de dollars sont ainsi soustraits à toute fiscalité, au bénéfice des
puissants et des établissements financiers. Car toutes les grandes banques
de la planète ont des succursales dans les paradis fiscaux et en tirent grand
profit. Pourquoi ne pas décréter un boycottage financier, par exemple, de
Gibraltar, des îles Caïmans ou du Liechtenstein, par l’interdiction faite aux
banques travaillant avec les pouvoirs publics d’y ouvrir des filiales ?
Ignacio Ramonet
4
Cf. Mahbub Ul Haq, Inge Kaul, Isabelle Grunberg, The Tobin Tax : Coping with
Financial Volatility, Oxford University Press, Oxford, 1996. Lire Le Monde diplomatique,
février 1997.
TABLE DES FIGURES 62
Annexe 3
Interview de M. Lestiboudois
LAUSANNE | 24.10.2002
"Pouvez-vous brièvement me décrire la société dans laquelle
vous travaillez ?
- Cybel Management est une société basée à Lausanne qui offre aux insti-
tutionnels, tels que les fonds de pension, une couverture du risque de change.
Par ailleurs, la société a développé un système de gestion quÕelle applique
à la gestion de fonds de placement en actions.
Florin Aftalion, dans un article paru dans le quotidien "Les Echos" donne
une bonne définition de ce marché un peu particulier.
"Le marché des changes est formé par des centaines de "traders" (ou
cambistes) travaillant dans la plupart des grandes places financières et re-
groupés dans des salles de marché appartenant souvent à des banques. Ces
traders exécutent les ordres venant dÕentreprises qui, à la suite dÕopéra-
tions industrielles ou commerciales, doivent acheter ou vendre des devises.
Ils opèrent également avec les traders dÕautres institutions financières par
téléphone ou liaisons informatiques afin dÕajuster leurs positions. En ef-
fet, lorsquÕun cambiste estime, par exemple, détenir un excédent des livres
sterling, il doit le vendre. Pour cela, il appelle un trader dans une autre
institution et lui demande une cotation. La contrepartie sollicitée répond
toujours (sous peine, si elle ne le fait pas, de se voir exclue du marché) en in-
diquant deux nombres. LÕun correspondant au cours auquel elle achète des
livres sterling et lÕautre à celui auquel elle les vend (contre dollars). Fort de
ces informations, le premier cambiste peut décider dÕacheter ou de vendre
des livres sterling à la contrepartie (qui ne peut refuser la transaction sous
peine, là encore, de se voir exclue du marché). Deux jours ouvrables plus
tard notre cambiste disposera des livres sterling achetées dans son compte
dans une banque britannique et aura transféré des dollars vers le compte que
la contrepartie lui aura désigné dans une banque américaine.
Pour un opérateur, le grand avantage du marché des changes interban-
caire est sa liquidité. Elle permet lÕachat ou la vente de montants pouvant
aller jusquÕà des centaines de millions de dollars en quelques minutes et à
TABLE DES FIGURES 63
Mais revenons au sujet qui nous intéresse, la taxe Tobin est selon moi,
une taxe qui avait été initialement envisagée comme un moyen pour lutter
contre la spéculation. Il semble aujourdÕhui quÕil sÕagisse plus dÕune opé-
ration politique avec un objectif avoué de sauver le monde.
- La taxe Tobin est à mon avis inapplicable, car elle repose sur trois idées
fausses :
Ajoutons enfin quÕune telle taxe ne pourrait être efficace que si elle était
mondialement acceptée et appliquée.
- Oui, théoriquement.
Mais est-elle vraiment nécessaire ?
Les crises financières et monétaires trouvent leurs origines dans des po-
litiques économiques et fiscales inadaptées. Elles sont souvent liées à des
problèmes de lÕéconomie réelle.
Les marchés financiers ne font en fait que répertorier les problèmes, dès
quÕils sont avérés, sur les prix. Comme les prix réagissent plus vite que les
quantités, les marchés réagissent de manière plus volatile et rapide. Les crises
ne trouvent pas systématiquement leur source dans les marchés financiers,
elles nÕen sont souvent que le reflet !
Annexe 4
Chronologie de la proposition de James To-
bin
1972 Elaboration de la théorie par James Tobin lors d’une conférence à
Princeton.
23 mars 1999 La chambre des Communes du Canada passe 164 voix contre
83 une motion en faveur de la taxe Tobin. C’est un accord pour faire
la promotion de cette taxe en vue qu’elle soit appliquée dans le monde
entier.
Juin 2000 Laurent Fabius se déclare en faveur de la taxe Tobin lors d’un
forum de la Banque mondiale.
1er juillet 2000 Lionel Jospin déclare : "Il est temps de faire avancer cette
taxe dans les instances internationales".
Janvier 2001 Le Premier ministre indien Atal Behari Vajpayeee est offi-
ciellement favorable à l’instauration d’une taxe Tobin au niveau inter-
national pour lutter contre la pauvreté.
6 avril 2001 Lors d’un voyage à Rio au Brésil, Lionel Jospin se déclare hos-
tile à la taxe Tobin qui nécessite une application universelle à l’heure
actuelle impossible mais il souhaite que le FMI lutte contre les flux
spéculatifs.
11 mars 2002 Mort de Tobin, "trahi par la gauche comme par la droite"
(Le Temps, 13 mars 2002).