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21/05/2020 Les ablutions selon le Coran et en Islam ; S5.

V6

Les ablutions selon le Coran et en Islam ; S5.V6


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admin3372 Author archive

Lors du chapitre consacré à l’impureté et l’impureté de la femme selon le Coran et en Islam


nous avons principalement analysé S5.V6 en nous intéressant à cet aspect de la question.
Cependant, au risque de nous répéter partiellement, nous allons ici regrouper ce qui a trait en ce
verset aux ablutions rituelles précédant la prière, celles-ci occupant à juste titre une place
importante dans les pratiques rituelles du musulman. Du point de vue des conséquences de
l’analyse littérale du Coran, il s’agit principalement pour nous à travers cet exemple de
souligner de manière générale les mécanismes de construction ayant permis de passer du Sens
littéral initial du Coran aux interprétations et ajouts que l’on doit à l’Islam. En effet, S5.V6 décrit
en apparence de manière complète le processus d’ablution alors qu’il est connu de tous que
l’Islam a produit de nombreux hadîths censés compléter cette révélation.

• Que dit l’Islam

Historiquement, il apparaît que les points concernant les ablutions surajoutés au Coran ont fait
l’objet d’un débat entre juristes et exégètes puisque l’on finit par aboutir à un consensus, modèle
du genre : le Coran révélerait quant aux ablutions le farḍ/l’obligatoire d’origine divine et la Sunna
du Prophète enseignerait l’optionnel. À bien considérer, l’on devine là un compromis dogmatique,
car, si la Sunna légifère l’Islam sunnite, pourquoi alors lui conférer un caractère facultatif. Comme
preuve indirecte de l’élaboration postérieure au Coran de ses règles dites sunna, l’on constatera
qu’en fonction de S5.V6 il n’y a en réalité consensus que sur les parties concernées en ce verset
par les ablutions : le visage, les mains, la tête et les pieds. Il y a ensuite de nombreuses
divergences quant à l’ordre à suivre et surtout les modalités de lavage à mettre en œuvre. Il est
par ailleurs établi que selon la Sunna il faut aussi se laver la bouche et le nez ainsi que les
oreilles. De même origine extra-coranique, citons la formulation d’une intention/niya préalable,
objet de discorde entre l’École hanafite et les autres, ou le fait de procéder trois fois à toutes les
opérations de lavage. Citons aussi l’existence de nombreux désaccords entre ceux qui affirment
qu’il faut laver les pieds et ceux qui soutiennent qu’il suffit d’en humidifier le dessus ; discussions
qui ont directement donné lieu à moult pointilleuses spéculations quant au fait de passer les
mains humides sur les chaussettes ou les chaussures : masaḥ al–khuffayn. L’étude du verset
référent permettra tout à la fois de comprendre l’objectif coranique réel et de résoudre ces
problématiques traditionnelles.

Point plus essentiel, lors de l’étude du concept d’impureté[1] – notion non coranique et due
exclusivement à l’Islam en son imitation du concept d’impureté judaïque – nous avions indiqué
que la pureté/ṭahâra selon le Coran ne s’entend qu’au sens figuré : pureté morale et spirituelle et
donc inversement de même pour l’impureté. Nous le verrons, les ablutions selon le Coran ont
uniquement une portée symbolique et vise la purification spirituelle. L’islam n’a ainsi aucun
argument coranique lorsqu’il affirme que les ablutions sont destinées à purifier le musulman de
ses péchés avant la prière. Nous allons y revenir, mais rappelons dès à présent que la position
du Coran est cohérente puisque nous avons démontré que selon le Coran, et contrairement à ce
que l’Islam soutient, la prière et le jeûne n’ont pas pour vertu directe de pardonner les fautes et
les péchés.[2]

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• Que dit le Coran

Le verset référent est donc le suivant : « Ô vous qui croyez ! Lorsque vous vous apprêtez à
prier, alors lavez-vous le visage et les mains jusqu’aux coudes et humectez-vous la tête et
les pieds jusqu’aux chevilles. Et, après un rapport, nettoyez-vous et, si vous êtes malades
ou en voyage ou que l’un de vous revienne du lieu d’aisance ou que vous ayez “caressé”
femmes, mais que vous ne trouviez point d’eau, alors ayez-en l’intention en recourant à un
sol propre dont vous toucherez votre visage et vos mains. Dieu ne veut point vous
imposer quelque gêne, mais Il veut vous purifier et parfaire Sa grâce à votre égard ;
puissiez-vous être reconnaissant ! », S5.V6.[3]

– Du point de vue de l’analyse contextuelle, nous constatons que ce verset appartient au début
de la Sourate V, laquelle est réputée être une des dernières révélées, 112e selon l’ordre
traditionnel. Il ne faudrait pas pour autant en déduire que le rituel des ablutions remonterait à
cette période, car S4.V43, 92e, laisse à comprendre que les ablutions étaient pratiquées
antérieurement. Par ailleurs, notre v6 s’inscrit dans la série de versets ouvrant la S5 et dont
l’objectif commun est de répondre à des interrogations et spéculations émanant de l’entourage de
Muhammad. Il nous faut donc considérer que le v6, comme ceux qui le précèdent, est une mise
au point concernant les ablutions, débat qui, comme de nombreux autres, est sans doute en lien
avec la pratique des ablutions chez les juifs et les chrétiens auxquels les Compagnons du
Prophète furent confrontés à Médine. Ce constat renforce donc le caractère absolu de cette
dernière révélation, autrement dit le caractère défini et définitif en matière d’ablutions, propos qui
de facto est suffisant en lui-même. Du reste, le v7 donne la conclusion de ce paragraphe
explicatif quant aux pratiques rituelles tout en confirmant leur nature intangible et complète :
« Rappelez-vous donc la Grâce de Dieu et Son engagement auquel vous avez souscrit
lorsque vous avez dit : “ Nous avons entendu et nous obéissons.” Craignez pieusement
Dieu, car Dieu est parfaitement Savant de ce que recèlent les cœurs ! »[4] En ces conditions,
comment croire que le Prophète eut à ajouter maints détails au propos définitif du Coran ?!
L’analyse lexicale et l’analyse sémantique vont effectivement mettre en évidence la précision
nécessaire et suffisante du propos coranique quant aux ablutions.

1– La phrase introductive concerne directement les ablutions « Ô vous qui croyez ! Lorsque
vous vous apprêtez à prier, alors lavez-vous le visage et les mains jusqu’aux coudes et
humectez-vous la tête et les pieds jusqu’aux chevilles. » L’on note que le segment « lorsque
vous vous apprêtez à prier, alors… » indique que les ablutions doivent être réalisées à chaque
fois que l’on désire prier, car la racine verbale qawama signifie aussi bien se tenir debout
qu’effectuer ou s’acquitter d’une chose. Aussi avons-nous exprimé globalement ces champs
lexicaux par le verbe s’apprêter à. De plus, la préposition fa/alors implique ici une corrélation
directe entre les ablutions et le fait de s’apprêter à prier. Cette précision coranique est donc
contredite par la pratique due à l’Islam consistant à accomplir plusieurs prières avec une seule
ablution. La position du Coran confirme directement et à contrario que les ablutions, nous l’avons
dit, ne sont pas un “état de pureté” que l’on pourrait conserver dans le temps, mais bel et bien un
rituel symbolique devant précéder chaque prière.

2– Le segment « alors lavez-vous le visage et les mains jusqu’aux coudes » emploie le verbe
ghasala/se laver. Il n’est ainsi pas nécessaire de préciser le nombre de lavages, à l’inverse de ce
que l’Islam discuta, trois selon la Sunna, puisque se laver signifie en arabe comme en français
rendre quelque chose propre à l’aide d’un liquide. Il est tout aussi inutile de se demander de

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quels gestes user pour ledit lavage, seul le résultat est compris par l’emploi du verbe se laver :
« alors lavez-vous ». Toujours en quête d’arguties, nos juristes se demandèrent si la barbe
faisait partie du visage, manière de couper les poils en quatre qui n’appartient pas au Coran, le
visage/wajh ayant une définition claire : partie antérieure de la tête d’un être humain, limitée par
les cheveux, les oreilles, le bas du menton. Quant aux « mains », le terme arabe yad est
anatomiquement plus imprécis et peut aussi bien signifier ce que le français nomme main, mais
aussi l’avant-bras ou le bras jusqu’à l’épaule. Ceci explique que le Coran ait dû préciser
« jusqu’aux coudes » pour fixer le sens voulu. Cette approche logique élime les spéculations
quant à la préposition « ilâ » ici employée, cette dernière signifiant soit « vers, en direction de »
ou « jusqu’aux ». Le geste consistant selon la sunna à faire couler l’eau des mains vers les
coudes n’a donc pas de fondement coranique et, encore une fois, peut importe la méthode, seul
compte le résultat : se laver « le visage et les mains jusqu’aux coudes ». Nous noterons que le
Coran ne précise pas la nature de l’eau à employer pour ces opérations de lavage, mais nul ne
songerait à se nettoyer avec de l’eau sale, c’est là une limite qui tombe sous le sens et se suffit à
elle-même.

3– Pour le segment « humectez-vous la tête et les pieds jusqu’aux chevilles » l’on notera le
changement de verbe. Il ne s’agit plus de laver, verbe qui ne concernait que ses deux
compléments d’objet : « le visage et les mains », mais de s’humecter « la tête et les pieds ».
Le verbe arabe employé est masaḥa qui signifie ici ôter, essuyer avec la main, toucher, et, en
fonction du sujet et de l’évocation directe plus avant dans le verset du recours à de l’« eau », l’on
en déduit qu’il indique le geste consistant à passer les mains légèrement mouillées sur sa tête et
ses pieds, d’où notre « humectez-vous » ayant présentement pour sens : mouiller légèrement.

Or, l’Islam n’a pas admis qu’il n’y ait pas selon le Coran à se laver les pieds, et l’origine de cette
préoccupation en apparence hygiéniste est en réalité juive et chrétienne. Nous l’avons maintes
fois illustré, c’est selon une logique d’emprunts à visée apologétique que l’Islam a beaucoup pris
aux religions du Livre. En effet, selon Exode : XXX, 17-21, le service au Temple par les prêtres
juifs exigeait qu’ils se lavent les mains et les pieds. Le christianisme quant à lui a transposé
symboliquement cette Loi juive et fit du rituel du « lavement des pieds » un acte hautement
christique, cf. Évangile selon Saint-Jean : XIII, 1-15. En leur volonté apologétique d’intégrer à
l’Islam cette pratique, et face a une révélation coranique qui n’est ni juive ni chrétienne, les doctes
de l’Islam ont donc été dans l’obligation d’imaginer une variante de récitation/qirâ’a[5] permettant
d’infléchir le texte coranique en faveur de leur thèse. De fait, deux variantes coexistent quant au
pluriel arjul/pieds qui, en ce segment, se voyellise soit arjuli soit arjula, la voyelle finale ayant
valeur d’accord grammatical. Dans le premier cas, le « i » final en arjuli signale que ce
“complément d’objet indirect” est sous l’influence du verbe masaḥa/humecter et de la préposition
« bi » qui lui est afférée et le texte dit alors : « amsaḥû/humectez bi-ru’ûsi-kum/vos têtes wa/et
[humectez] arjuli-kum/vos pieds ». Dans le deuxième cas, le « a » final de arjula a pour fonction
de connecter ce mot au verbe ghasala/se laver lequel appelle un “complément d’objet direct”, le
texte dit alors : « amsaḥû/humectez bi-ru’ûsi-kum/vos têtes wa/et [lavez] arjula-kum/vos
pieds », c’est cette variante que portent les recensions Ḥafṣ et Warsh. Or, d’un point de vue
syntaxique et grammatical, cette variante n’est guère soutenable et son acceptation ne repose
que sur la volonté exégétique sous-jacente désireuse d’imposer le lavage des pieds. Cette
détermination orientée explique aussi que la traduction standard, et bien d’autres, ait traduit ce
passage ainsi : « passez vos mains mouillées sur vos têtes : et lavez-vous les pieds
jusqu’aux chevilles », ce au détriment de la lettre et de la logique sémantique coranique.[6] La

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bonne lecture de toute évidence grammaticale et syntaxique est la première que nous avons
citée : « amsaḥû/humectez bi-ru’ûsi-kum/vos têtes wa/et [humectez] arjuli-kum/vos pieds »,
d’où notre traduction littérale : « humectez-vous la tête et les pieds jusqu’aux chevilles ». Cet
exemple de variante illustre parfaitement ce que nous avons qualifié de variantes exégétiques,
c’est-à-dire une modification volontaire de prononciation, récitation ou lecture du texte coranique
afin d’en changer la signification tout en respectant le rasm consonantique initial, voir : Variantes
de récitation ou qirâ’ât. Sous un autre aspect de démonstration, nous aurons noté que l’ordre
des parties du corps citées en ce verset ne suit pas la séquence logique d’exécution. Autrement
dit, il est cité le visage avant les mains : « lavez-vous le visage et les mains jusqu’aux coudes
», alors que nécessairement les mains doivent être lavées avant que de laver avec le visage,
alors que l’énoncé « humectez-vous la tête et les pieds jusqu’aux chevilles » respecte un
ordre de déroulement cohérent. À l’aune des analyses précédentes, l’on en déduit que la logique
d’exposé coranique ne suit pas l’ordre d’accomplissement des ablutions, car il est seulement
construit en fonction des deux verbes employés : en premier ce qui doit être lavé : les mains et le
visage et, en second, ce qui doit être humecté : la tête et les pieds.

Il s’agit donc bien de passer les mains humides sur la tête et les pieds, mais sans qu’en
apparence soient évoqués les détails de modalité. L’on observe cependant que le Coran emploie
le terme « tête » et non pas cheveux, ce qui laisse comprendre que ce geste peut être réalisé sur
n’importe quel couvre-chef. Le même raisonnement littéral peut être appliqué quant à la mention
des « pieds » et indique que peu importe pour l’humidification si les pieds sont nus ou chaussés.
Une autre question se pose : faut-il passer les mains humides sur le dessus du pied ou sur le
dessous ? Ici, il faut noter qu’au segment « lavez-vous le visage et les mains jusqu’aux
coudes » les termes « mains/aydiya » et « coudes/marâfiq » sont au pluriel alors qu’au
segment « humectez-vous la tête et les pieds jusqu’aux chevilles » le terme « pieds/arjul »
est au pluriel, mais que le terme que nous avons traduit par « chevilles/ka‘bayn » est
anormalement au cas duel au lieu d’être comme de règle au pluriel. Indiquons que le mot ka‘ba,
dont l’étymologie évoque la forme arrondie d’un sein, est anatomiquement imprécis et désigne
aussi bien le talon que la cheville ou la malléole. Ainsi, la non concordance d’accord entre le
pluriel « pieds/arjul » et le duel « chevilles/ka‘bayn », c’est-à-dire littéralement les deux
chevilles des pieds, ne fait pas sens puisqu’il n’y a qu’une seule cheville ou talon par pied. Aussi,
pour rétablir la cohérence, la seule possibilité restante est que le duel ka‘bayn désigne les deux
malléoles. Or, les deux malléoles sont logiquement atteintes en passant les mains mouillées sur
le dessus du pied.

4– Nous avons analysé le segment « et, après un rapport/junuban, nettoyez-vous/iṭṭahharû »


au chapitre consacré à l’étude de l’impureté selon le Coran et en Islam et avons montré que le
complément junuban ne qualifiait pas un état d’impureté, mais, par euphémisme, les rapports
sexuels eux-mêmes, cf. De même, nous avons démontré que le Coran explicitait le verbe
iṭṭahhara en S5.V6 par le verbe ightasala/se nettoyer en S4.V43. Il n’y a donc pas selon le
Coran à se purifier après lesdits rapports, mais simplement à nettoyer les parties concernées.
Sans lien avec ce que l’Islam ici élabore, si pour le Coran les concepts d’impureté et de pureté au
sens physique n’existent pas, pour autant ces deux notions y ont un sens figuré : se purifier
moralement ou spirituellement, c’est-à-dire en se tenant éloigné de ce qui salit les
comportements et l’âme. Aussi, le Coran réfute-t-il le concept d’impureté physique tout en mettant
en lumière pour les croyants et les croyantes la recherche de la nécessaire pureté morale et
spirituelle : « Dieu aime ceux qui se purifient/al–muṭahhirîn », S2.V222. Ainsi, les ablutions

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selon le Coran ne sont pas un acte de purification physique pas plus, nous l’avons dit, qu’un
moyen de se purifier de nos fautes et péchés et sont à comprendre comme étant d’ordre
symbolique, une démarche extérieure dont la finalité intérieure est une purification d’ordre
spirituel en préparation de la prière. En l’article cité ci-dessus en référence nous avions de même
montré que la notion de ghusl/bain de purification du corps après les rapports sexuels tel que
l’Islam le conçoit et en décrit le processus n’a pas de soutien coranique, mais est directement
emprunté à la pratique juive de purification par immersion dite Mikvè. Il n’y a donc pas non plus
selon le Coran de notion d’ablution mineure/wuḍû’ et d’ablution majeure/ghusl.

5– Le segment « et, si vous êtes malades ou en voyage ou que l’un de vous revienne du
lieu d’aisance ou que vous ayez “caressé” femmes, mais que vous ne trouviez point d’eau,
alors ayez-en l’intention en recourant à un sol propre dont vous toucherez votre visage et
vos mains.» a lui aussi été analysé à l’article cité ci-dessus en référence. Nous développerons
présentement le segment « mais que vous ne trouviez point d’eau, alors ayez-en l’intention
en recourant à un sol propre », lequel est l’argument scripturaire quant au concept de
tayammum.[7] L’on note que ce segment ne concerne que ceux qui sont « malades ou en
voyage » ou expressément lors des deux situations mentionnées : « que l’un de vous revienne
du lieu d’aisance ou que vous ayez “caressé” femmes » à qui il est demandé en l’absence
d’eau ou lorsque son emploi est problématique (cas de certaines maladies) d’utiliser « un sol
propre ». Toutefois, le segment « un sol propre dont vous toucherez votre visage et vos
mains » est visiblement en lien avec les parties concernées par les ablutions et l’on ne voit pas
comment il serait demandé de remplacer le nettoyage des parties intimes par le fait de se passer
de la terre sur les mains et le visage. Ainsi, d’une part, l’on déduit de manière uniquement sous-
entendue qu’il s’agit en l’absence d’eau de se nettoyer des salissures possibles en usant de terre
après avoir été aux toilettes ainsi qu’après des rapports sexuels. D’autre part, l’on comprend
directement cette fois-ci de l’énoncé que les ablutions complètes faites normalement avec de
l’eau peuvent dans les conditions décrites être remplacées par une pratique de substitution :
« un sol propre dont vous toucherez votre visage et vos mains ». Or, le terme arabe ṣa‘îd
signifiant sol, terre, chemin, etc. désigne la partie superficielle d’un terrain sans que cela ne
présage de sa nature, surface terrestre qui en français est qualifiée de sol, d’où notre « sol/
ṣa‘îdan propre/ṭayyiban ».[8] Ainsi, est-il possible de déduire de ces observations que les
parties souillées doivent être nettoyées en utilisant de la terre, voire des pierres, ce de la même
manière que l’on emploie l’eau. Par contre, l’intention/fa-tayammamû visant à utiliser pour les
ablutions « un sol propre dont vous toucherez votre visage et vos mains » est différente, car
utiliser pour cela de la terre reviendrait à se salir. L’on en déduit de ce constat et de la formulation
coranique particulière que le « sol » n’est ici qu’un plan support dont la seule utilisation possible
revient à le toucher symboliquement des mains puis à passer les mains sur le visage, d’où notre
« dont vous toucherez votre visage et vos mains » et telle est bien raisonnablement la
pratique établie. En conséquence de quoi, le “tayammum” selon le Coran ne concerne que les
ablutions et quant aux saletés intimes elles doivent d’une manière ou d’une autre être toujours
effectivement nettoyées, que ce soit avec de l’eau ou de la terre. Cette observation littérale
renforce et confirme ce que nous avons précédemment souligné, à savoir que les ablutions ne
sont pas une mesure d’hygiène, mais un acte de portée symbolique et spirituelle. Nous en
déduisons aussi que le fait de se nettoyer après avoir été aux toilettes : « ou que l’un de vous
revienne du lieu d’aisance » ne fait pas directement partie des ablutions telles que le Coran les

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conçoit, mais relève d’une simple mesure d’hygiène à mettre en œuvre. Il n’y a donc pas selon le
Coran de notion d’instinjâ’ tel que l’Islam le prescrit, à savoir : se laver les parties concernées
par la miction ou la défécation avant les ablutions.

6– Enfin, de l’ensemble des observations que nous avons développées il ressort que le terme
technique arabe wuḍû’/ablutions, non coranique, ne correspond pas exactement à ce que le
Coran enseigne en la matière. Conséquemment, il en est de même pour d’autres concepts
islamiques sur le sujet comme le fait que le wuḍu’ serait un état de pureté que l’on pourrait
conserver tant qu’une émission de matières ou de gaz n’est pas venue l’annuler. Selon le Coran,
les ablutions doivent être accomplies avant chaque prière, ce n’est donc pas un état de pureté
acquis qui pourrait être annulé d’une manière ou d’une autre.

7- Du même ordre, selon le Coran les prières n’ont pas à être regroupées,[9] que cela soit en
voyage ou simplement à cause d’un retard, la prière ne peut être donc accomplie que dans son
temps,[10] ce qui implique que la question de la réalisation de plusieurs prières successives avec
les mêmes ablutions ne fait tout simplement pas sens d’un point de vue coranique. Pour autant,
s’il apparaît que les ablutions doivent être effectuées avant chaque prière, cela ne signifie pas
que lesdites ablutions soient une condition de validité de la prière. Cette notion de validité est
purement juridique et islamique, elle est la conséquence directe du caractère obligatoire de la
prière imposé par l’Islam.[11] En effet, seul le caractère obligatoire conféré par l’Islam à la prière
en fait un rite exécutable non pas en tant qu’acte de piété, mais en tant que respect des normes
établies par l’Islam lui-même. La notion de validation technique de la prière n’est donc pas
coranique, l’esprit de la prière selon le Coran[12] n’est pas comptable, il s’agit de la recherche
d’un rapprochement spirituel qui ne relève pas de catégories mesurables et quantifiables, donc
pouvant faire l’objet de normes validant ou invalidant la prière.

• Conclusion

L’analyse littérale du verset coranique consacré aux ablutions montre que le Coran est beaucoup
plus précis et riche d’informations que l’apport massif de hadîths prétendument complémentaires
ne le laissait soupçonner. De fait, il n’était pas nécessaire d’ajouter des textes extra-coraniques
pour déduire de ce verset la totalité des modalités permettant de réaliser les ablutions. L’analyse
littérale aura donc encore une fois démontré le différentiel entre la lettre du Coran et les normes
de l’Islam. Les ablutions selon le Coran sont simples et l’ensemble des différences, détails et
ajouts que nous connaissons a été apporté par le pointillisme juridico-religieux, ce à partir de très
nombreux hadîths. Or, comment supposer lorsque le Coran est explicite et traite de manière
précise un sujet déterminé qu’il serait nécessaire que le Prophète eût à ajouter des éléments de
détail non mentionnés dans le texte coranique. C’est toute la validité du concept de Sunna en
tant que complément explicatif du Coran qui est ici implicitement en jeu ; pour la critique
fondamentale de ce dogme non coranique, voir : La Sunna selon le Coran et en Islam,
fonction et mission du Messager. Ceci étant rappelé, nous résumerons ici les points principaux
de divergence entre l’énoncé coranique et les règles édictées par l’Islam :

1- Le Coran n’indique pas la moindre formulation d’intention/niyya préalablement à la réalisation


des ablutions.

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2- Le Coran indique que les ablutions doivent être faites avant chaque prière. Il n’est donc pas
possible de prier plusieurs prières regroupées [pratique qui n’est pas coranique] en ayant les
mêmes ablutions.

3- Le Coran ne donne pas aux ablutions de statut légal, rien ne vient donc les “annuler”, pas
même des émissions intercurrentes de gaz intestinaux.

4- Le Coran ne confère pas aux ablutions la vertu de pardonner les fautes et les péchés.

5- Le Coran ne fait pas des ablutions un procédé de purification physique.

6- Pour le Coran, les ablutions sont un procédé symbolique visant à la purification/tahâra


spirituelle.

7- Le Coran précise que l’on doit se laver/ghasala le visage/wajh et les mains/yad sans indiquer
ni le nombre de lavages ni qu’il y ait à se laver aussi la bouche et les orifices nasaux.

8- Le Coran précise que l’on doit humidifier/masaḥ de la main sa tête/ra’s, ce sans mentionner
les oreilles qui, du reste, n’appartiennent pas anatomiquement à la tête ou au visage. La
formulation coranique permet de plus de comprendre qu’il est possible de passer la main sur un
couvre-chef.

9- Le Coran précise que l’on doit humidifier/masaḥ de la main le dessus des pieds/arjul. Il n’y a
donc pas de notion de lavage des pieds et, de même, il possible d’effectuer cette opération sur
des chaussettes ou chaussures.

10- Rien n’interdit dans le Coran que l’on puisse laver et/ou humidifier d’autres parties que les
quatre qu’il a expressément mentionnées : les mains, le visage, la tête, les pieds, le cas échéant
ce ne sont là que des ajouts.

11- Le Coran ne fixe pas de norme quant à la qualité de l’eau/mâ’a à employer pour les ablutions,
l’on en déduit qu’elle doit seulement être propre.

12- Le Coran ne connaît ni ne reconnaît la notion d’impureté physique, les mesures de


propreté/tahâra qu’il prescrit en dehors des ablutions sont strictement de portée hygiénique.

13- Le Coran indique que les parties intimes salies lors des rapports ou de l’assouvissement des
besoins naturels doivent être lavées, il n’y a pas à se laver/purifier tout le corps selon les
modalités du ghusl tel que l’Islam l’a institué.

14- Le Coran enseigne qu’en cas de manque d’eau ledit lavage peut être remplacé par un
nettoyage sec ou pulvéral.

15- Le Coran indique que le tayammum est uniquement destiné à remplacer les ablutions en cas
de manque d’eau.

– C’est au final au Coran que revient de formuler l’esprit et la lettre des ablutions, voici les termes
concluant notre verset référent: « Dieu ne veut point vous imposer quelque gêne, mais Il veut
vous purifier et parfaire Sa grâce à votre égard ; puissiez-vous être reconnaissant ! »

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Dr al Ajamî

[1] Voir : L’impureté et l’impureté de la femme selon le Coran et en Islam.

[2] Voir : La prière selon le Coran et en Islam et Le Jeûne de Ramadan selon le Coran et en
Islam.

[3] S5.V6 :

‫ﺳ ُﺣوا ﺑِ ُر ُءو ِﺳ ُﻛ ْم َوأ َ ْر ُﺟﻠَ ُﻛ ْم إِﻟَﻰ ْاﻟ َﻛ ْﻌﺑَﯾ ِْن َوإِ ْن ُﻛ ْﻧﺗ ُ ْم ُﺟﻧُﺑًﺎ‬ َ ‫ﻖ َو ْاﻣ‬ِ ِ‫ﺻ َﻼةِ ﻓَﺎ ْﻏ ِﺳﻠُوا ُو ُﺟو َھ ُﻛ ْم َوأ َ ْﯾ ِدﯾَ ُﻛ ْم إِﻟَﻰ ْاﻟ َﻣ َراﻓ‬ ‫ﯾَﺎ أَﯾﱡ َﮭﺎ اﻟﱠذِﯾنَ آ َ َﻣﻧُوا إِ َذا ﻗُ ْﻣﺗ ُ ْم إِﻟَﻰ اﻟ ﱠ‬
‫ﺳ ُﺣوا ﺑِ ُو ُﺟو ِھ ُﻛ ْم‬ َ ‫ﺎﻣ‬ َ ‫ﺻ ِﻌﯾدًا‬
ْ َ‫ط ِﯾّﺑًﺎ ﻓ‬ َ ‫ﺳﺎ َء ﻓَﻠَ ْم ﺗ َِﺟدُوا َﻣﺎ ًء ﻓَﺗَﯾَ ﱠﻣ ُﻣوا‬ َ ّ‫ﺳﻔ ٍَر أ َ ْو َﺟﺎ َء أ َ َﺣ ٌد ِﻣ ْﻧ ُﻛ ْم ِﻣنَ ْاﻟﻐَﺎﺋِ ِط أ َ ْو َﻻ َﻣ ْﺳﺗ ُ ُم اﻟ ِﻧ‬
َ ‫ﻋﻠَﻰ‬َ ‫ﺿﻰ أ َ ْو‬ ‫ﻓَ ﱠ‬
َ ‫ﺎط ﱠﮭ ُروا َوإِ ْن ُﻛ ْﻧﺗ ُ ْم َﻣ ْر‬
َ‫ﻋﻠَ ْﯾ ُﻛ ْم ﻟَﻌَﻠﱠ ُﻛ ْم ﺗ َ ْﺷ ُﻛ ُرون‬ َ ُ‫ﻋﻠَ ْﯾ ُﻛ ْم ِﻣ ْن َﺣ َرجٍ َوﻟَ ِﻛ ْن ﯾ ُِرﯾ ُد ِﻟﯾ‬
َ ُ‫ط ِ ّﮭ َر ُﻛ ْم َو ِﻟﯾُﺗِ ﱠم ﻧِ ْﻌ َﻣﺗَﮫ‬ َ ‫َوأ َ ْﯾدِﯾ ُﻛ ْم ِﻣ ْﻧﮫُ َﻣﺎ ﯾ ُِرﯾ ُد ﱠ ُ ِﻟﯾَﺟْ ﻌَ َل‬

[4] S5.V7 : « ‫ُور‬


ِ ‫ﺻد‬ َ َ ‫ط ْﻌﻧَﺎ َواﺗﱠﻘُوا ﱠ َ إِ ﱠن ﱠ‬
ِ ‫ﻋ ِﻠﯾ ٌم ﺑِ َذا‬
‫ت اﻟ ﱡ‬ َ ‫ﻋﻠَ ْﯾ ُﻛ ْم َو ِﻣﯾﺛَﺎﻗَﮫُ اﻟﱠذِي َواﺛَﻘَ ُﻛ ْم ﺑِ ِﮫ إِ ْذ ﻗُ ْﻠﺗ ُ ْم‬
َ َ ‫ﺳ ِﻣ ْﻌﻧَﺎ َوأ‬ َ ِ ‫» َوا ْذ ُﻛ ُروا ﻧِ ْﻌ َﻣﺔَ ﱠ‬

[5] Voir : Variantes de récitation ou qirâ’ât, en particulier le point 5.

[6] Du reste, signalons que Tabari soutint en bon linguiste que la seule variante sémantiquement
possible est arjuli-kum, mais, pour maintenir le consensus exégétique sunnite comme il est de
règle chez lui, il postule du fait que l’on puise avoir le choix entre frotter les pieds afin de les
humecter ou bien de les laver…

[7] Le terme technique tayammum a été fabriqué à partir du verbe tayammama en ce verset. Il
désigne en Islam les ablutions dites sèches ou pulvérale. L’emploi coranique du verbe
tayammama, quelle qu’en soit l’étymologie, a bien le sens de se proposer de faire une chose
dans tel but comme l’indique explicitement S2.V265 [pas dans la traduction standard du reste !],
d’où notre « alors ayez-en l’intention ». L’intention n’est pas ici de remplacer l’eau par de la
terre, mais vise la purification qui, en cela, prend toute sa dimension symbolique. L’on peut aussi
supposer que la notion d’intention précédant les ablutions a été extrapolée à partir de la
surinterprétation de la notion coranique d’intention qui, ici, ne concerne pourtant pas ce point.

[8] Signalons que la traduction standard donne ici « de la terre pure » laissant ainsi
transparaître le concept de pureté et d’impureté si cher à l’Islam sur les pas du judaïsme. Aucun
élément linguistique ne permet de traduire le terme ṭayyib par pur.

[9] Idem

[10] Idem

[11] Idem

[12] Voir : La Prière selon le Coran.

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