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Colloque International

Droit de l’Internet

Paris, 19 et 20 novembre 2001

Speaking notes of Mrs Ana Palacio

Introduction

Le thème de cet après-midi est "comment résoudre les conflits


transnationaux?". Il s'agit d'une vaste question et je suis donc
particulièrement soulagée que mon rôle se limite à présider cette
séance plutôt que d'avoir la tâche d'y apporter des réponses!

Au risque de rendre la tâche des intervenants encore plus difficile, je


me limiterai en guise d'introduction à faire quatre remarques d'ordre
plutôt méthodologiques.

1. La première est qu’il me semble indispensable de distinguer


entre le niveau communautaire et le niveau international
lorsqu’on examine la question du règlement des litiges.

En effet, dans les nombreux débats qui ont lieu sur les aspects
juridiques de la société de l’information je suis toujours étonné de
constater que trop souvent, les spécificités de l’ordre juridique
communautaire ne sont pas prises en compte. Les aspects
communautaires sont amalgamés avec les “ aspects internationaux ”

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comme si entre le niveau communautaire et le niveau international il
n’y avait qu’une différence d’échelle géographique et non de nature.

Le développement d’Internet met pourtant en valeur toutes les


potentialités offertes par le droit communautaire comme instrument de
régulation capable de répondre à la complexité des changements que
nous vivons aujourd’hui. Le niveau d'intégration communautaire
atteint aujourd'hui permet d'établir une véritable confiance mutuelle
entre les pays membres de la Communauté. C'est cette particularité,
qui a permis l’adoption de la directive sur le commerce électronique
qui écarte l'application des règles de conflit de lois traditionnelle au
Droit International Privé en posant comme principe l'application de la
loi du pays d'origine aux activités de commerce électronique. Ce
principe permet un contrôle à la source même des activités et ainsi
limite les risques qu’une activité illicite produise des dommages à
large échelle.

La problématique du règlement des litiges au niveau international est


plus complexe car elle devrait prendre en compte la diversité des
régimes juridiques des pays concerné. Régler un litige entre entreprise
françaises et un client à Singapour devrait être appréhendé d'une autre
manière que dans le cas d'un litige entre une entreprises française et un
client allemand.

2. Ma deuxième remarque est qu'il faut éviter d'établir des


mécanismes juridiques qui conduiraient à une “ re-
territorialisation ” d’Internet.

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Un bon régime de règlement des différents devrait à la fois assurer la
protection des victimes et encourager le développement des activités
sans frontières. Par exemple, il ne sert à rien de mettre en place des
règles de compétence juridictionnelles qui semblent très protectrices
pour le consommateur ou les victimes si elles ont pour effet de
dissuader les entreprises, en en particulier les Petites et Moyennes
Entreprises, de vendre à des consommateurs résidant dans d'autres
pays.

Au niveau communautaire, l'application de la loi du pays d'origine en


vertu de la directive sur le commerce électronique limite les risques de
"re-territorialiser" l'espace virtuel. Toutefois, la question de la
compétence juridictionnelle n'est pas couverte par cette directive. Elle
relève du règlement sur la compétence judiciaire adopté en décembre
2000 qui, malheureusement, n'a pas trouvé une solution adaptée aux
opportunités offertes par Internet.

Au niveau international la situation est sans nul doute encore plus


compliquée, à la fois sur la question de la loi applicable et sur celle de
la compétence juridictionnelle. La seule façon de faire face à des
différences de régime juridique n'est pas de se retrancher derrière des
frontières techniques ou juridiques, mais de s’attaquer aux vrais
problèmes de substance en établissant des conventions internationales.
De ce point de vue, le cadre juridique établi au niveau communautaire
constitue une expérience pilote et l’Union européenne devrait jouer un
rôle de leader dans les négociations internationales.

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3. La troisième remarque est qu'il me semble aussi
indispensable de prendre en compte toute la spécificité des
activités sur Internet.

Le droit et les régimes de règlement des litiges doivent répondre à la


réalité des risques soulevés par les activités concernés. Il ne fait aucun
doute que les activités en-ligne ne sont pas pareils que les activités
hors-ligne. Par exemple, la simple accessibilité d'une page Web
partout dans le monde, le fait qu'un client n'ait pas de contact direct
avec un vendeur ou qu'il peut demander des informations écrites ou
avoir accès à un concurrent en quelque seconde, créent une situation
juridique différente par rapport à d'autres formes de commerce.
L'argument de la prétendu "neutralité technologique" me paraît
totalement ignorer la réalité d'Internet et ne peut conduire qu'a des
solutions juridiques de mauvaise qualité.

La question de savoir s’il fallait prévoir un régime particulier pour


Internet a été largement discutée au Parlement européen à propos de la
proposition de règlement sur la compétence judiciaire. La discussion
lancée par le Parlement européen sur la possibilité de prévoir, sous
certaines conditions, des clauses attributives de juridiction dans les
contrats conclus par un consommateur a montré la difficulté de
s'affranchir des clichés et des stéréotypes dans ce domaine. Il s’agit
pourtant d’une question essentielle si on veut convaincre les PME
européennes de vendre au-delà des frontières. Le Conseil a
simplement refusé d'examiner les solutions envisagées par le
Parlement et a préféré maintenir le vieux régime qui avait été mis en
place en 1968 et qui interdit les clauses préalables attributives de
juridiction dans les contrats conclus par les consommateur .
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4. Enfin, ma dernière remarque concerne le besoin d’imaginer
de nouveaux systèmes pragmatiques de régulation des
activités sur Internet.

Internet est un merveilleux moyen d'évaluer et de tester l'efficacité, ou


l’hypocrisie, de nos systèmes juridiques. En permettant aux petites
entreprises ou à des consommateurs individuels de traverser
virtuellement les frontières, Internet montre qu'il faut certainement
adapter et moderniser certains aspects de nos systèmes juridiques qui
ont été conçus à une époque où le commerce transfrontalier était
l'affaire de grandes entreprises.

Dans ce contexte, il me semble nécessaire de donner leurs chances au


modes alternatifs de régulation. Deux types d’initiatives devraient
retenir l’attention du juriste : les codes de conduites et le règlement
extra-judiciaire des différends.

- Les codes de conduite, l’auto réglementation, la “ co-régulation ”.


Au-delà d’un simple effet de mode toutes ces expressions révèlent
une demande pour imaginer des systèmes de régulation différents
de ceux qui consistent à élaborer des textes juridiques formels sous
forme de lois, règlements, décret etc.. Les codes de conduites au
niveau communautaires peuvent utilement compléter les
législations communautaires ou nationales sur certaines questions.
A cet égard, la directive sur le commerce électronique reconnaît
leur légitimité et cherche à les promouvoir dans certains domaines,
en particulier les procédure de notice and take down en ce qui
concerne la responsabilité des prestataires intermédiaires et la

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communication commerciale non sollicitée par courrier
électronique.

- les mécanismes de règlements extrajudiciaire des litiges offrent


eux aussi des perspectives très intéressante dont nous allons parler
tout à l'heure. Là encore la directive sur le commerce électronique
donne l’exemple en établissant les conditions juridiques pour rendre
possible l'utilisation on-line des mécanismes de règlement
extrajudiciaire des différends tels que l'arbitrage, la conciliation, la
médiation et autres “ ADR ”. Les exigences de forme qui peuvent
limiter l’usage des ADR en ligne devront etre supprimées (sentence
sur papier, exigence de la présence physique des parties, etc.).

Ces initiatives doivent toutefois répondre à deux conditions : d’abord,


les codes de conduites doivent être élaborés au niveau communautaire.
A quoi servirait-il de supprimer les barrières juridiques entre les Etats
membres si elles pouvaient être réintroduites par des codes de
conduite au niveau national ? Ensuite, les codes de conduites doivent
être conformes au droit communautaire et en particulier aux principes
du Marché intérieur. A cet égard, il est essentiel, en particulier pour
les PME, que les codes de conduite soient fondés sur le principe du
pays d’origine.

En outre, en ce qui concerne les ADR, il faut éviter qu’ils ne soient


instrumentalisés pour justifier des législations déséquilibrées. Lors des
discussions sur ce règlement on a trop souvent entendu l’argument
selon lequel il ne serait pas grave d’établir un régime dissuasif pour le
commerce transfrontalier car, de toute manière, les consommateurs
vont utiliser les ADR plutôt que d’aller en justice ;

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Il faut donner une chance à ces initiatives. Elles peuvent régler bien
des problèmes, en particulier, limiter les besoins d’interventions
législatives et, ce qui n’est pas le moindre des avantages, mettre en
concurrence la méthode formaliste étatique et ainsi promouvoir la
qualité législative ou la qualité du fonctionnement des institutions
judiciaires. Donner leur chance à ces modes alternatifs de régulation
signifie qu’il faut éviter de les “ court-circuiter ” en adoptant des
législations qui rendraient inutiles tous ces efforts. Il faut aussi éviter
toute tentative de récupération par les autorités publiques, en
particulier celles-ci ne doivent pas se substituer aux parties intéressées
dans la rédaction des codes de conduites.

En guise de conclusion, je peux vous garantir que le Parlement


européen entend jouer un rôle clé dans cet exercice d’imaginer des
solutions juridiques meilleures, non seulement pour résoudre les
litiges, mais aussi et surtout pour les prévenir. A court terme, le
Parlement européen veillera à ce que la Commission européenne
procède à un contrôle très rigoureux de la transposition de la directive
sur le commerce électronique dans les ordres juridiques nationaux, en
particulier en ce qui concerne les dispositions clés que sont le principe
du pays d’origine et la question de la responsabilité des intermédiaires.
Au-delà du contrôle de la transposition de la directive sur le commerce
électronique, le Parlement veillera aussi à éviter que l’acquis qu’elle
représente ne soit pas mis en cause par de nouvelles initiatives,
notamment en dans le cadre de la proposition de directive sur la vente
des services financiers à distance en cours de discussion au Conseil.

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Il faut maintenant laisser la parole à nos intervenants qui vont, j'en
suis certaine, montrer que le juriste est bien capable de faire preuve
d'imagination pour trouver des solutions efficaces pour, à la fois
promouvoir le développement des activités en ligne sans frontières et
assurer un haut niveau de protection des consommateurs.

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