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Vœux 2011

Intervention de François Asensi

Monsieur le Préfet,
Mesdames et messieurs les élu(e)s,
Mesdames, Messieurs,

Pouvoir retrouver, chaque début d’année, tous ceux qui contribuent à faire vivre
la ville, qui s’investissent pour que Tremblay-en-France soit une ville humaine,
débordante d’activités, en bref une ville à vivre, est un moment privilégié.

Cette rencontre n’a, pour moi, rien de formel, ni d’obligé. Le passage d’une
année à l’autre est un moment où l’on se plaît tous à espérer la réalisation de
nos souhaits, où l’on aspire à mener à bien nos objectifs de vie individuelle et
commune. C’est avec beaucoup de sincérité que je souhaite que cette année
2011 vous soit bonne, fertile en projets, fructueuse pour vous et vos proches.

Figures de la vie locale, élus républicains, acteurs institutionnels, entreprises,


associations de la ville, citoyens actifs, vous êtes les forces vives de cette ville.

C’est vous qui la façonnez au quotidien par votre travail et votre dévouement.
C’est vous qui la faites vivre, qui la faites battre au rythme d’une vie sportive,
culturelle, économique et citoyenne extrêmement riche. Par la diversité de vos
engagements respectifs, vous êtes la plus belle preuve que la banlieue peut se
conjuguer à tous les temps de l’excellence.

Aussi, je vous remercie chaleureusement de contribuer, aux côtés de la


municipalité, chaque jour, à casser ces clichés un peu faciles qui méprisent la vie
enrichissante de nos banlieues et au-delà ses habitants.

Ce mépris trop souvent affiché à l’égard des banlieues trouve sa source dans une
longue histoire de relégation des couches populaires et de spécialisation à
outrance des territoires.

Le mot même de banlieue renvoie à des zones mises au ban de la vraie ville, des
zones exclues. Ne les a-t-on pas d’ailleurs longtemps affublées de termes tels
que « la zone » ? Ou encore désigné ses habitants de « banlieusards » à la fin du
19ème siècle, au cours d’un débat houleux entre élus parisiens ?

Depuis longtemps le peuple est affublé de noms offensants : les vilains ou les
gueux au Moyen-âge, la canaille ensuite, les communards en 1871, les salopards
en 1936. Mais certains mots finissent par perdre leur connotation péjorative,
particulièrement pour ceux-là mêmes qu’ils définissent.
Il en est des banlieusards comme des communards, dénommés ainsi par la
bourgeoisie méprisante de 1871 pour leur participation à la Commune de Paris
dont nous célèbrerons le 140e anniversaire cette année.

Ces sobriquets qui marquent la volonté de blesser, finissent ainsi par devenir des
mots tout à fait estimables.

Pour ma part, je me sens bien dans ma peau de banlieusard. Comme beaucoup


d’entre vous, sans doute. Et, croyez-moi, je sais de quoi je parle. Je suis issu de
cette banlieue qui constitue aujourd’hui le département de la Seine-Saint-Denis.

De mon enfance dans le quartier du Landy à Aubervilliers, puis à Aulnay, Le


Blanc-Mesnil, Villepinte, Sevran, Tremblay que je représente à l’Assemblée
nationale depuis 1981, mes responsabilités politiques m’ont conduit à connaître
la plupart des villes du département. Pas en touriste, mais toujours en acteur de
la vie sociale, actif dans toutes les luttes qui font l’histoire récente de ce coin de
banlieue parisienne.

Et comme vous, je ne me résigne pas aux images parfois dégradantes, souvent


stigmatisantes ou condescendantes qui sont données des banlieues ; des lieux
sans passé, sans vie réelle.

Saint-Denis, Montreuil, Aubervilliers, Sevran, Bobigny, Pantin, Neuilly-sur-


Marne, Bondy, Tremblay-en-France, pour ne citer qu’elles, ne sont pas nées le
1er janvier 1968, au moment où fut créé le département de la Seine-Saint-Denis.

Pourtant combien croient encore que notre département n’a pas d’histoire, alors
que de nombreux sites du département sont occupés depuis le paléolithique
inférieur ! Nous le savons bien à Tremblay quand des travaux doivent être
entrepris au Vieux Pays, où les vestiges historiques sont nombreux. Ces vestiges
non seulement attestent de la présence humaine depuis longtemps, mais
contribuent sans conteste à enrichir notre patrimoine historique national.

Ce que quasiment personne ne dit, c’est que les banlieues ont gagné depuis
longtemps leur autonomie et se sont construit une identité propre indépendante.
Elles ont conquis une véritable urbanité qui en fait des villes à part entière. Des
villes qui offrent à leurs habitants loisirs, culture, sport, éducation, espaces verts,
promenade, témoignage de l’histoire…

Comment penser qu’une ville comme Saint-Denis qui vient de dépasser les
100 000 habitants, bien plus que de nombreuses capitales régionales, n’a pas
d’histoire ? Au-delà, du rôle joué par l’abbaye depuis le Moyen-âge dans tout le
nord de Paris, sa basilique est la première église au monde à avoir été construite
en style gothique. Elle abrite la dépouille des rois de France, depuis « ce bon
roi » Dagobert comme dit la chanson enfantine. Cette ville dont mon ami, le
poète de la Résistance Jean Marcenac, disait qu’elle était « la ville des rois
couchés et du peuple debout ». Et c’est sans doute ce paradoxe qui dérange.
Comment croire qu’une ville comme Aubervilliers n’a pas de passé alors qu’elle
a vu défiler du 7e au 18e siècle, les quelques mille marchands venus de toute
l’Europe et de Byzance pour se rendre à la célèbre foire du Lendit, mot qui
signifie à l’origine « lieux de rencontre ».

Sans parler des châteaux, manoirs et maisons-fortes qui jalonnent nos villes : la
forteresse de Drancy du 13e et 15e siècle, le château de Villemomble…

Même l’architecture industrielle, qui a tant marqué nos villes, entre aujourd’hui
au patrimoine historique comme la Maison des Arbalétriers à Saint-Denis, la
parfumerie Bourgeois à Pantin, la Manufacture des Allumettes à Aubervilliers,
l’usine Babcock de La Courneuve.

Dès les années trente, les villes de Seine-Saint-Denis sont le lieu des innovations
architecturales comme au Blanc-Mesnil ou à Montreuil par exemple. Et plus
près de nous l’architecture Renaudie à Saint-Denis ou Aubervilliers.

Mais les villes de ce département n’ont pas seulement une histoire. Elles ont un
présent qui en fait des villes où l’innovation, l’originalité, l’audace ont toute leur
place dans la création.

Les villes de Seine-Saint-Denis ont largement contribué à donner un visage


original à la culture française.

Comment ne pas évoquer ses théâtres prestigieux qui dès 1960 singularisent la
création dans ce domaine. Je pense bien sûr au théâtre Gérard Philippe de Saint-
Denis ou au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers où des artistes comme
Daniel Mesguich, Gabriel Garant ou Alfredo Arias ont pu créer en toute liberté
et contribuer au prestige culturel de la France.

Le réseau de salles de spectacles, de lieux de création est particulièrement dense


en Seine-Saint-Denis : outre les deux centres nationaux que je viens de citer, la
maison de la culture à Bobigny créée en 1972 et sa scène nationale gérée par le
ministère de la Culture, le nouveau théâtre de Montreuil installé depuis 1989, le
centre national de danse de Pantin, le théâtre Louis Aragon de Tremblay
reconnu scène conventionnée pour la danse qui accueille chaque année trois
équipes chorégraphiques. Ainsi, 3 des 6 centres dramatiques nationaux de la
région Île-de-France sont en Seine-Saint-Denis.

Plusieurs festivals artistiques donnent une large place au spectacle vivant : le


festival des rêveurs éveillés de Sevran, le festival Mo’Fo de Saint-Ouen, le
festival du voyage à vélo de Saint-Denis, le festival du cinéma italien Terra di
Cinema à Tremblay, le festival Antonio Lobo Antunes de Bobigny, la biennale
internationale de la marionnette à Pantin, le festival 1000 watts aux Pavillons,
Le Grand Slam de Bobigny, le festival H2 O à Aulnay, le festival des musiques
du Monde à Aubervilliers, le festival du court métrage dans différentes villes, la
fête du Chapiteau bleu de Tremblay qui fait une place de premier choix aux arts
circaciens d’aujourd’hui, pour ne citer que les principaux.
Et je n’oublie pas bien sûr le festival de jazz Banlieues bleues qui se déroulent
chaque année dans différentes villes du département depuis 1984 ou le festival
de Saint-Denis accueillant, depuis 40 ans, les plus grands artistes de la scène
classique internationale. Des festivals qui connaissent une renommée dépassant
largement le territoire national.

N’oublions pas non plus l’activité de la vingtaine de cinémas qui, comme celui
de Tremblay, le cinéma Jacques Tati, offrent une programmation qui allie la
qualité et le plus grand choix.

La moitié des studios de cinéma est d’ailleurs implantée en Seine-Saint-Denis et


depuis de nombreuses années pour certains à Saint-Ouen, Pantin, Stains, Épinay
ou Montreuil. L’ouverture en 2012 de la Cité du Cinéma de Luc Besson à Saint-
Denis viendra compléter ces équipements.

Les bibliothèques et les médiathèques comme celle de Boris Vian à Tremblay


offrent un large panel de lecture publique et sont à l’initiative de nombreux
moments de rencontres avec les créateurs.

C’est d’ailleurs à Montreuil que, depuis 27 ans, se tient le salon du livre pour
enfants.

Ces lieux de création multiples et ouverts ne sont pas figés. Sans cesse, des
villes innovent pour offrir à chacun le meilleur de la culture d’aujourd’hui.
Ainsi, la connivence entre Jack Ralite sénateur de Seine-Saint-Denis et le
professeur Carlo Ossola, a donné naissance aux « Lundis du Collège de France »
à Aubervilliers. Depuis 2006, quelques-uns des enseignements du prestigieux
Collège sont délocalisées sous forme de conférences thématiques ouvertes à
tous.

Cette identité-là est inscrite dans l’histoire de cette banlieue-là. Le fait d’être
constitué de nombreuses villes populaires, très urbanisées n’empêche pas d’être
des pionniers de la création. C’est cela qui rend nos territoires vivants.

Non décidément, les banlieusards ne sont pas des citoyens à la remorque de qui
que ce soit. Ils grandissent et vivent dans des villes qui ont conquis depuis
longtemps leur statut de villes à part entière.

Est-ce à dire que tout serait merveilleux ? Bien sûr que non.

Dans tous les domaines : transports publics, éducation, emploi, justice, santé,
culture… la banlieue est encore victime de discriminations.

Mentionner sur un CV une adresse dans une ville populaire ou un quartier


sensible revient bien souvent à le condamner, sans autre forme de procès, à la
corbeille. Même les plus qualifiés ne sont pas épargnés : un jeune diplômé
résidant dans une ville dite défavorisée à une chance de décrocher un emploi de
6 points inférieurs à celle des autres.
L’aggravation de la crise du capitalisme, le développement du chômage et de la
misère ont progressivement laissé le champ à un cercle vicieux de paupérisation
et de ségrégation sociale de certains quartiers.

Dans ce contexte, la délinquance et les trafics de stupéfiants trouvent là un


terreau idéal de développement.

Face à l’emprise croissante de la violence, face à la mainmise de trafiquants sans


scrupules sur certains immeubles, c’est l’ordre républicain qui doit s’appliquer.

La Police nationale dont les fonctionnaires réalisent un travail remarquable sur


le terrain, doit pouvoir assurer la sécurité et la tranquillité de tous les habitants.
Ce sont bien les habitants, particulièrement les plus fragilisés, qui subissent en
premier lieu les conséquences de ces exactions.

C’est pourquoi je le dis ici avec force conviction : je travaillerai, comme je l’ai
fait jusqu’à présent, avec les services de l’État, pour que les lois de la
République s’appliquent pour tous.

Il ne saurait pourtant y avoir d’ordre républicain sans égalité républicaine. l’État


doit renforcer ses missions régaliennes dans les villes de banlieues délaissées.
Emploi, éducation, santé, transports, sécurité… Il doit allouer à ces territoires
des moyens à la hauteur du retard pris pendant plusieurs décennies.

Ce retard lui-même contribue au développement des trafics qui gangrènent


certaines cités. De nombreux jeunes dont l’accès aux études, à l’emploi, sont
condamnés d’avance, cherchent et trouvent ainsi des revenus de substitution. Je
condamne, sans réserve, ces choix qui, fort heureusement, ne sont pas ceux de la
plupart de nos jeunes de banlieue.

De la même façon, je ne peux accepter sans rien dire que certains tentent
d’évacuer le problème en proposant une dépénalisation du cannabis. De telles
propositions, sont à mon sens d’une légèreté dangereuse. Quelle autorité reste-t-
il alors aux parents, aux enseignants, aux personnels soignants, aux associations
pour lutter contre ce fléau sanitaire ?

Il faut lancer un vrai débat sur cette question de la drogue, de ses effets sur la
santé, sur la relégation des jeunes qui la consomment et n’ont plus la force de
résister, de se battre pour construire leur vie.

Des campagnes sanitaires dignes de ce nom doivent être lancées sur les méfaits
de la consommation de toutes les drogues.

Mais, il est aussi nécessaire que plus de moyens soient donnés aux villes
populaires pour offrir à leurs habitants les mêmes chances qu’aux autres. La
République doit être au service de tous.

Comme en Seine-Saint-Denis, comme à Tremblay-en-France, les villes


populaires regorgent de talents, d’énergie, de créativité. Plus que jamais, « la
banlieue veut, tout, la banlieue peut tout ». Il faut lui donner les moyens de sortir
de l’impasse, en réduisant la fracture urbaine et sociale qui la mine.

C’est dans cet esprit que j’ai soumis à l’Assemblée nationale une proposition de
loi inscrivant dans le code pénal la discrimination territoriale. Je souhaite que
cette proposition soit discutée. Cette discrimination doit être punie au même titre
que les 18 autres inscrites dans la loi.

C’est aussi ce qui m’a amené, avec d’autres, à lancer l’Académie des banlieues.
Cette association, composée de collectivités territoriales, se fixe pour objectif de
changer les idées reçues sur la banlieue. Elle constitue un lieu de recherches, de
réflexion, de propositions et d’actions destinées à comprendre et à combattre les
mécanismes de stigmatisation des banlieues populaires et de leurs habitants. Je
remercie les nombreux Tremblaysiens qui l’ont soutenue en juin dernier en
participant à son initiative de remise d’un prix de la manipulation à TF1.

Dans ce contexte, le projet de Grand Paris peut également contribuer à bousculer


la donne. Beaucoup de confusion règne encore sur ce dossier. Mais l’éventualité
d’un vaste réseau de transports publics rapide et moderne a avancé. L’idée que
les banlieues ont aussi droit au désenclavement a fait son chemin.

La vision pour notre métropole ne peut se résumer à un réseau de transports.


Mais c’est quand même un point de départ qui peut accompagner le
développement de grands pôles de compétitivité dans les départements de la
région.

Dans ce débat, nous œuvrons avec la Communauté d’agglomération Plaine de


France que je préside et qui rassemble Villepinte, Sevran et Tremblay pour
valoriser l’important potentiel de développement économique de notre territoire.
Pour moi, ce développement ne peut se concevoir que comme le pilier d’une
urbanité nouvelle ancrée sur la réalité de nos villes.

Le dynamisme économique ne peut exister hors de la cité. Comme le note


l’architecte Christian de Portzamparc : « la mise en compatibilité entre les
registres du développement économique, de la qualité de la vie, de la cohésion
sociale, de la préservation des ressources » est essentielle.

Les cadres, les ingénieurs, les techniciens qui travaillent sur la plate-forme
aéroportuaire doivent pouvoir devenir des citoyens de nos villes. Cela suppose
de poursuivre l’aménagement de ces villes dans tous les domaines : loisirs,
cultures, transports, éducation, espaces de détente.

En bref, il est indispensable de continuer sans relâche à améliorer notre cadre de


vie, vers une urbanité nouvelle valorisante.

C’est là tout le sens de notre investissement dans le projet du Grand Paris et la


raison de la mise en place d’un contrat de développement territorial avec la
communauté d’agglomération de Roissy Porte de France.
Ce développement ne se fera pas sans une véritable métamorphose du centre
ville de Tremblay grâce à l’apport des aides financières de l’Agence nationale
pour la rénovation urbaine, ces aides de l’Etat que nous n’avions pu obtenir il y
a quelques années. L’obtention, enfin, de crédits de l’ANRU, après des années
de bataille, marquera une première étape dans la rénovation urbaine du Grand
ensemble.

La réalisation de la ZAC « Sud Charles de Gaulle » sur laquelle nous travaillons


depuis plus de 20 ans deviendra un élément structurant de nos projets. Le
déplacement du circuit Carole, possible à Tremblay même, donnerait toute sa
cohérence au projet.

La construction d’un équipement structurant, à vocation sportive, culturelle,


événementiel, quelque chose comme un Colysée, à cet endroit, présentera un
atout précieux dans cet aménagement. Les entreprises aussi sont sensibles à la
renommée culturelle des lieux où elles s’installent.

Le développement de grands pôles économiques compétitifs dans le cadre du


Grand Paris ne se fera pas dans le désert.

Au quotidien, je continuerai à mettre en œuvre une politique municipale de


solidarité et de modernité, respectueuse de l’environnement. De nombreux
projets verront le jour en 2011, qui contribueront à rendre notre ville plus
accueillante, plus facile à vivre.

La nouvelle place des Droits de l’Homme offrira un accès agréable à la mairie,


au théâtre Louis Aragon, à la médiathèque Boris Vian et au jardin des Cultures
Aimé Césaire et donnera sa touche finale à l’aménagement de ce secteur du
centre-ville. L’ouverture très prochaine d’un Relais pour les Assistantes
maternelles viendra ajouter à l’allocation pour jeune enfant afin d’offrir aux
parents un réel choix dans le mode de garde de leurs petits.

Il ne me reste plus qu’à vous renouveler tous mes vœux pour cette année 2011,
en souhaitant que vos souhaits les plus chers trouvent leur aboutissement.

J’espère pour chacun d’entre vous, mais aussi pour nous tous collectivement,
que l’année qui s’ouvre voit enfin l’avancée significative de nos projets.

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