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LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE
Jude C. Eggoh
1
Laboratoire d’Économie d’Orléans (LEO), Université d’Orléans.
comlanvi-jude.eggoh@univ-orleans.fr.
2
Les auteurs d’inspiration keynésienne dénoncent les politiques favorables au développement
financier, ce dernier devant se réaliser en réponse à la demande dans le secteur réel.
3
Le modèle de Levine (1991) se distingue de celui de Bencivenga et Smith (1991)
par l’introduction du capital humain comme externalité liée à la production et l’existence
d’un facteur aléatoire (risque) dans la technologie de production.
4
Dans ce modèle ce risque est spécifique au projet individuel.
5
Les individus qui ont pu accéder aux réseaux d’intermédiaires, compte tenu de leur dotation
initiale en capital, bénéficient de rendements plus élevés, ce qui n’est pas le cas de ceux qui
sont en dehors du réseau.
6
Une autre limite de Pagano (1993) a été d’occulter le processus de collecte de l’épargne.
7
Les résultats de Berthelémy et Varoudakis (1994) suggérant une croissance négative à long
terme au niveau de l’équilibre bas restent peu réalistes.
croissance se produit quand les nouveaux biens capitaux sont très productifs et
moins coûteux à produire par rapport aux anciens biens capitaux de faible
qualité8. Dans ces conditions, l'asymétrie d'information incite les agents à se
lancer dans des projets à haut risque dont le succès crée un accroissement
rapide des connaissances et une croissance économique plus forte.
En dépit de ces résultats, les modèles de croissance endogène qui prennent en
compte le développement financier ont la faiblesse de ne pas mettre en relief la
différence entre le secteur bancaire et le marché boursier. Néanmoins,
Greenwood et Smith (1997) estiment que le marché boursier contribue plus à la
croissance économique que le secteur bancaire si les agents ont une forte
aversion au risque. En effet, les banques consacrent une bonne partie de leur
portefeuille en réserves pour faire face aux retraits de liquidité. Ces réserves
(statutaires ou obligatoires) défavorables à l'intermédiation financière et à la
croissance économique sont absentes au niveau des marchés boursiers9. Par
contre, en intégrant les coûts d’accès, les auteurs trouvent que le système
bancaire est préférable au marché boursier puisque les coûts inhérents au
premier sont inférieurs aux coûts associés au second : la banque a de la
mémoire, elle pratique une tarification progressive, tandis que le marché
pratique la tarification à l'acte.
8
Le modèle de Shi (1996) reposent sur trois hypothèses : (i) la production des biens capitaux
de grande qualité est plus risquée que celle de faible qualité ; (ii) les agents peu qualifiés
fournissent davantage d'efforts pour élaborer les biens capitaux de grande qualité ; (iii) les
connaissances se transmettent d'une génération à une autre moyennant un coût.
9
Néanmoins, ces réserves présentent l'avantage de favoriser la stabilité du système bancaire.
Les critiques suscitées par les études en coupe transversale10 ont conduit à
l'utilisation de techniques économétriques plus performantes dans l'évaluation
du lien entre la croissance économique et le développement financier,
notamment la méthode des moments généralisés (GMM) sur panel dynamique.
Dans ce nouveau courant de littérature, Beck et al. (2000) mettent en évidence
une relation positive et significative entre le développement financier et
différents indicateurs de mesure de la croissance : le taux de croissance
économique, le taux d'accumulation du capital et la productivité globale des
facteurs. Aussi, Rioja et Valev (2004) concluent-ils que le développement
financier affecte la croissance économique dans les pays à faible revenu par le
biais de l'accumulation du capital, tandis que dans les pays à revenu élevé le
canal de transmission est la productivité du capital.
Au-delà de la relation favorable entre les indicateurs du secteur bancaire et ceux
de la croissance économique, Levine et Zervos (1998), puis Beck et Levine
(2004), fournissent la preuve que le développement des marchés boursiers
permet d’envisager de bonnes perspectives de croissance économique. Selon
Bekaert et al. (2005), les économies qui ont libéralisé leurs marchés boursiers
enregistrent des taux de croissance élevés. Henry (2000) conclut, à partir de la
méthodologie des études événementielles, que la libéralisation des marchés
boursiers affecte positivement le niveau de l'investissement privé. Enfin, Atje et
Jovanovic (1993) confirment que les indicateurs des marchés boursiers sont
plus corrélés avec la croissance que ceux du secteur bancaire. Ces résultats sont
contraires à ceux obtenus par Harris (1997), qui suggère une faible relation
entre les indicateurs des marchés boursiers et le taux de croissance économique.
Plusieurs travaux aboutissent à des résultats suggérant une relation négative ou
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Les principales critiques ont été la non-prise en compte de la dimension individuelle et
temporelle, le faible degré de liberté et, enfin, l’intégration systématique des effets
inobservables dans les termes d’erreur.
CONCLUSION
Cette revue de littérature présente une synthèse des récents développements
théoriques et empiriques réalisés sur la relation entre le développement
financier et la croissance économique. La littérature théorique élaborée dans le
cadre des modèles de croissance endogène révèle que le développement
financier affecte principalement la croissance économique à travers la réduction
et la diversification du risque, l’efficacité du processus d’intermédiation et la
réduction des problèmes informationnels. Les estimations empiriques
consécutives aux modélisations théoriques, réalisées à l’aide d’une méthodologie
diversifiée, suggèrent globalement que le développement financier serait
positivement associé à la croissance économique. Toutefois, les origines
11
L’existence possible d’équilibres multiples dans le processus de croissance d’une économie
a été reconnue très tôt dans la théorie économique. L’argument standard est qu’il y a des
processus cumulatifs conduisant à un déclin quand l’économie est sous un certain seuil de
développement, alors que le progrès économique est possible quand ce seuil est franchi.
financières des récentes crises de 2007 pourraient remettre en cause le rôle des
intermédiaires financiers sur la croissance. À différents niveaux, le système
financier a mal fonctionné. L’exposition du système financier est considérable :
le marché des dérivés de crédit n’a pas opéré le transfert des risques qu’il était
censé assurer. Une trop grande intermédiation financière, liée aux faibles taux
directeurs de la Federal Reserve (Fed) et aux innombrables innovations financières
ont facilité l’accessibilité au crédit d’une clientèle peu solvable. Les innovations
financières ont aussi entraîné une opacité dans le système de gestion financière,
accentuant ainsi les problèmes d’asymétrie d’information
Par ailleurs, la crise des subprimes intervient sur fond de déséquilibres financiers
mondiaux. Selon Artus et al. (2008), la crise financière est en partie liée à la
grande fragilité de l’économie mondiale. La recherche de rentabilité élevée en
contournement de la réglementation bancaire et des normes comptables a
favorisé des innovations financières, principal mécanisme par lequel les
déséquilibres mondiaux se sont propagés et amplifiés. La crise n’ayant pas que
des causes financières, elle s’est diffusée, non seulement par les marchés du
crédit, mais aussi à travers la chute des prix des logements et l’envolée des cours
des matières premières. Les conséquences non financières de la crise ont aussi
rudement impacté l’économie mondiale que la crise du crédit elle-même. Les
réponses en termes de politique économique ont été un interventionnisme
massif des États afin de rassurer les marchés et la mise en œuvre de politique
restrictive en matière de supervision du système bancaire afin de combattre les
dérives du capitalisme financier.
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