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/ Initiation /L1 : Histoire du monde arabe et du Moyen-Orient (ALI1A50C) CM7


Anne-Claire Bonneville et Chantal Verdeil
2017-2018

CM 8 - La Palestine sous mandat

Rappel : 1917, par la déclaration de Lord Balfour , les Britanniques manifestent


leur soutien au projet sioniste et de concèdent que des droits civils et religieux aux
autres communautés présentes en Palestine.
La charte des Mandas de la SDN définit en juillet 1922 le statut de la Palestine :
elle accorde au mandataire (le gouvernement GB) les pleins pouvoirs de législation
et d’administration. Elle reconnaît le droit à l’Organisation sioniste mondiale à
donner son avis et à coopérer dans toutes les questions susceptibles d’affecter
l’établissement d’un foyer national juif (art.4) ; Les droits de la population non juive
son reconnus de manière ambiguë : on ne parle pas de leurs droits politiques.
Pourtant, ils savent bien que la Palestine n’est pas une terre vide. Comment
expliquer alors ce soutien au projet sioniste ?
On peut s’arrêter un instant pour essayer de comprendre, au-delà des
préoccupations géostratégiques immédiates des Britanniques à la fin de la Première
Guerre mondiale, le raisonnement intellectuel des Européens. Pour cela, retour
quelques siècles en arrière : en Europe, le traité de Westphalie en 1648, qui clôt la
guerre de Trente ans, reconnaît à chaque monarchie, à chaque principauté sa religion
officielle. Commencent alors des migrations plus ou moins forcées pour assurer
l’homogénéité religieuse des systèmes de pouvoir. Pour l’Europe, le maintien de
l’ordre politique national vaut bien un déplacement de populations. L’ordre
européen s’est fait sur ce principe.
Ce principe est à nouveau appliqué à l’époque contemporaine. Ainsi pour
mettre un terme à la guerre gréco-turque qui s’est déclenchée à l’issue de la Première
Guerre mondiale dans l’espace turc, il est organisé un déplacement de populations1.
Plus récemment, en 1947, au moment de la partition de l’empire des Indes entre
fédération indienne et Pakistan.
Aussi le retour des Juifs en Palestine n’est pas vu comme une aberration dans la
psyché européenne, même si cela aboutit à l’expulsion d’un autre peuple. D’ailleurs,
les Palestiniens ne sont pas vus comme une nation revendiquant un Etat-nation lors
de la proclamation de la déclaration Balfour. Deux citations pour bien mesurer ce
point : un « slogan » souvent repris et exprimé pour la première fois par Alexander
Keith en 1843 : « un peuple sans terre pour une terre sans peuple ». Plus précisément il
écrit que les Juifs sont « un peuple sans pays, et même [exilés] de leur propre pays qui,
comme il sera ensuite démontré [dans son ouvrage], est, dans une large mesure un pays sans
peuple ». Keith se fait l’avocat de l'idée que les Chrétiens devraient contribuer à
encourager la réalisation de la prophétie biblique d'un retour des Juifs sur la Terre


1
En 1923, les chrétiens d’Asie mineure vers la Grèce et les musulmans de Grèce vers la Turquie, soit
1million de Grecs orthodoxes d’une part et 400 000 musulmans d’autre part. Déplacement qui se passe sans
heurts.
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d'Israël. Vers la fin du XIXe siècle, cette proposition était devenue d'usage courant
aussi bien en Grande-Bretagne qu'aux Etats-Unis. Plus tard, Golda Meir qui fut 1er
ministre d’Israël au moment de la guerre de 1967 indique en parlant des Palestiniens,
« ils n’existaient pas ». Tout un débat s’est développé sur cette notion de peuple
palestinien : A partir de quand apparait-il2 ? Quand y a-t-il une conscience
palestinienne ?
En outre, pour les Européens, la création de l’Etat d’Israël est censée résoudre
un problème européen, celui de l’antisémitisme.

La rencontre de deux peuples fait jaillir des étincelles. La période du mandat est
jalonnée de troubles intercommunautaires. Les Britanniques se placent en arbitre,
répondent tour à tour aux demandes des uns et des autres. Ils ne parviennent pas à
mettre sur pied des institutions qui favorisent une coopération entre les deux
communautés. C’est finalement à un processus de communautarisation que l’on
assiste dans l’Entre-deux-guerres dans le mandat palestinien. Seule la comunauté
juive se dote vraiment d’institutions qui serviront de base à celles de l’État
palestinien après 1948.

I- Mise en place du mandat


A l’issue de la 1GM, administration militaire britannique le long de la côte
1- opposition arabe au projet sioniste
Expression chez les populations arabes du refus du programme sioniste.
Dans le rapport final de la commission King-Crane, fin août 1919, il est
indiqué que l’application du programme sioniste ne pourra se faire que contre les
désirs de la majorité de la population et impliquera l’usage de la force
Premières violences en 1920 à l’occasion de la fête de Nabi Musa3, grand
pèlerinage musulman de la région de Jérusalem. La population des campagnes se
réunit autour de la sépulture présumée de Moïse et marche en cortège jusqu’à
Jérusalem. Au 3° jour de pèlerinage, le 4 avril, la procession dégénère en une attaque
des quartiers juifs de Jérusalem faisant 9 morts.

Le 3° congrès arabe palestinien (décembre 1920 à Haïfa– constitué de notables


ex-ottomans et de jeunes activistes) demande l’arrêt du projet sioniste et une
évolution constitutionnelle conduisant à l’indépendance d’un Etat arabe.


2
Janvier-février 1919, 1er congrès arabe de Palestine se tient à Jérusalem. Les représentants insistent
sur l’appartenance de la Palestine à la Syrie par des liens nationaux, religieux, linguistiques, moraux,
économiques et géographiques.
Un autre courant de notables est moins maximaliste, distinguent une identité palestinienne distincte de
celle de la Syrie, admettent une tutelle britannique mais exigent la suppression du programme sioniste
3
On est à la veille de la conférence de San Remo qui désigne les puissances mandataires.
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->> Congrès de Haïfa, date importante de l’histoire de la question de
Palestine : c’est le moment où la version palestinienne du nationalisme l’a emporté
sur la version panarabe.
Mai 1921, nouvelle flambée de violence4

2- L’ambiguïté des Britanniques


Vraie difficulté pour les Britanniques qui ne peuvent gérer cet espace qu’avec
la collaboration des populations arabes et juives alors que celles-ci s’opposent sur
leur projet. Ils ont en outre des préoccupations pécuniaires : ils veulent réduire les
dépenses qui pèsent sur le contribuable britannique autrement dit réduire les forces
militaires sur place. A partir de là, pragmatisme et décisions en fonction des
situations, des pressions…

Fin avril 1921 nomination d’Herbert Samuel et mise en place d’une


administration civile. Dans un premier temps, Samuel favorise la mise en œuvre
du projet sioniste5
Violences de Jaffa font prendre conscience de la nécessité d’infléchir la politique
menée. Immigration est immédiatement arrêtée. Plus durablement les Britanniques
ont l’idée de mettre sur pied des institutions représentatives

3- à la recherche d’institutions
Tentatives de Samuel pour implanter un début de self-government
-Cherche à mettre en place une assemblée législative. Refus par le V° congrès
palestinien en août 1922 et appel au boycott des élections
Février 1923, tenue des élections. Fiasco complet. Le nombre de votants non
juifs doit être de l’ordre de 300 à 350. Les élections sont annulées ; le Haut-
commissaire aura les pleins pouvoirs pour prendre des décisions après consultation
d’un conseil consultatif (8 musulmans, 2 chrétiens et 2 juifs)
Pour les notables arabes, participer à ces élections, c’est reconnaître la légitimité
des ambitions sionistes ; c’est donc impossible.

Aucune institution commune pour gérer le mandat n’est établie ; aucune perspective
dès lors d’indépendance… L’émergence d’une identité régionale palestinienne
rassemblant juifs et Arabes est également impossible.


4
A l’origine altercation à Jaffa à l’occasion du 1er mai entre communistes juifs et sionistes socialistes.
Les troubles dégénèrent en lutte intercommunautaire, durent 3 jours, font 57 morts à Jaffa ; la violence se
déplace vers Naplouse, Tulkarem. 95 morts supplémentaires. Jérusalem n’a pas bougé.
5
Herbert Samuel est le premier juif non converti à avoir accédé à une fonction ministérielle en
Angleterre.
Sympathisant du sionisme depuis 1914. Visas d’immigration, notamment pour les juifs russes ce qui
permet l’arrivée de bolchéviques en Palestine ; dimension économique favorisée : le développement de
l’hydroélectricité à partir de la vallée du Jourdain est accordé à une compagnie sioniste, acquisition foncières
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>> La prolongation de l’impasse constitutionnelle et politique rend inévitable la
communautarisation de la Palestine. Les Britanniques constituent un pouvoir arbitral
entre les 2 communautés.

II- Communautarisation du mandat palestinien


1- la communauté arabe
-Chiffres de population: musulmans : 486 000 en 1922 (nomades non compris) ->
796 000 en 1936 ; chrétiens 71 000 en 1922 -> 108 000 en 1936. La disparition des
protections consulaires favorise l’union des chrétiens et des musulmans.
-Espace palestinien divisé en sous-ensembles : Cisjordanie montagneuse,
dominée par Jérusalem et les grandes familles de la Ville sainte ; littoral
économiquement dynamique. Les populations chrétiennes y étaient les plus
importantes, dans cette région également la présence juive y est la plus importante –
création de Tel Aviv dans la continuité de Jaffa ; région désertique du Néguev avec
des Bédouins semi-sédentarisés ; le Nord qui n’avait pas fait partie du sandjak de
Jérusalem, formé d’anciens districts de la province de Beyrouth, tourné vers le Liban
et la Syrie
> Il s’agit de fédérer ces espaces.

-Organisation de la communauté musulmane


1921, désignation du mufti6 de Jérusalem après la mort du titulaire.
Traditionnellement cette fonction est détenue par la famille Husseini mais
personnalité embarrassante de Hajj Amin al-Husseini considéré comme un activiste
qui a participé au mouvement national arabe et a montré son hostilité au projet
sioniste (cf rôle dans violences de Nabi Musa de 1920). Or, Amin al-Husseini est le
seul candidat à disposer d’un soutien populaire. Tractations et promesse d’Hajj Amin
al-Husseini et des siens qu’ils maintiendront l’ordre public si leur candidat est
désigné. Test réussi lors de la célébration du Nabi Musa d’avril 1921 ; de même calme
maintenu à Jérusalem lors des émeutes de Jaffa de 1921. >> Mi-mai 1921, désignation
de Hajj Amin al-Husseini comme mufti de Jérusalem

Août 1921, constitution d’une instance chargée de représenter la communauté


musulmane de Palestine afin qu’elle puisse gérer ses biens et ses tribunaux : Conseil
islamique suprême. Hajj Amin al-Husseini en prend la présidence.
L’une des premières tâches qu’il s’est donné est la restauration des mosquées
du Haram al-Sharif (lieux saints) en cherchant à y intéresser tous les musulmans du
Proche-Orient.


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La plus haute autorité religieuse sunnite du pays
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Remarque 1 : Les colonisateurs renforcent le système communautaire en
institutionnalisant la population musulmane en communauté musulmane sur le
modèle des communautés ottomanes (millet). >> le grand mufti devient l’équivalent
d’un patriarche chrétien.

Remarque 2 : Hajj Amin al-Husseini est à la fois une autorité religieuse


musulmane et un responsable politique arabe. Le mouvement national palestinien
est porté par lui. Ses principes de 1922 à 1936 sont : intransigeance sur les principes
nationaux ; collaboration avec l’autorité mandataire ; préservation de l’ordre public7.

ð Frustrations des Arabes de Palestine de voir leur ambition nationale être


rejetée au nom d’obligations prises par la SDN contre leur assentiment à un
moment où, dans l’ensemble de la région, les Etats arabes accèdent à une
autonomie grandissante

2- Organisation et développement du Yichouv


Ø Mise en place du côté des sionistes d’organismes paragouvernementaux.
- En avril 1920, les électeurs désignent les représentants d’une assemblée élue
(Knesset Israël).
- Décembre 1921, fondation à Haïfa de la Confédération générale du travail juif,
la Histadrout. Ses objectifs sont de fédérer l'ensemble des travailleurs juifs de
Palestine, de favoriser leur installation dans le pays, de défendre les droits des
salariés auprès des employeurs et de favoriser l'emploi d'une main d'œuvre juive par
rapport à la main d'œuvre arabe bon marché. La Histadrout avait également son
système de santé.
- En 1929, constitution de l’Agence juive en Palestine qui est une émanation de
l’organisation sioniste mondiale. Elle doit encourager l’immigration juive,
développer l’utilisation de la langue hébraïque8 et de la culture juive, favoriser
l’acquisition de la terre et l’utilisation de la main d’œuvre juive. L’Agence juive
devient le véritable centre du pouvoir sioniste en Palestine. David Ben Gourion9 en
prend la tête en 1935.
-Le fond national juif (K.K.L) sert à acheter des terres qui sont ensuite
rétrocédées à des colons juifs. Quelques lois mandataires favorisent ces acquisitions :
retrait du droit de propriété aux terres non cultivées depuis 3 années consécutives. Le
KKL s’adresse à des courtiers arabes afin que le paysan ne croie pas vendre une terre
à des colonies.


7
(la bonne tenue successive du pèlerinage de Nabi Musa en est la démonstration annuelle)
8
L’hébreu avait cessé d’être une langue parlée au III°s ap. J.C et n’était plus qu’une langue liturgique. Il
fallut fabriquer une langue parlée à partir d’une langue écrite. A cette entreprise titanesque reste attaché le
nom d’Eliezer Ben Yehouda (1858-1923)
9
=David Grin, né en 1886 en Pologne russe, fils d’un militant des Amants de Sion, qui émigre en
Palestine en 1906
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-Haganah, l’organisation de défense clandestine du Yichouv. Elle devient la
branche armée officieuse de l’Agence juive10.

Ø Cependant, le projet sioniste ne peut aboutir que si, en Palestine, la


communauté se renforce par l’immigration d’une part et que si celle-ci est à même
de constituer une base territoriale autrement dit d’acheter des terres. Ce sont les
deux exigences formulées par les sionistes en direction de la puissance mandataire et
celle-ci garantira ces deux points jusqu’en 1939.

-La question foncière. Achat de terres en sens unique. Acquisition de grands


domaines fonciers dans le Nord, notamment du fait que la bourgeoisie beyrouthine
se trouve séparée de ses domaines devenus palestiniens en 1918 par la frontière
mandataire. D’autre part, la crise qui frappe l’agriculture arabe à partir de 1928
contraint les tenanciers à vendre.
Propriété juive enregistrée légalement
1920 : 456 003 dunum métrique (1000 m²)
1928 : 903 717
1936 : 1 215 237
A la fin du mandat, la propriété juive représente 6,6% de la superficie totale,
sans doute le double pour la surface agricole utile

- Question démographique : 56 000 juifs en 1918.


Arrivées progressives dans les années 1920.11 mais la fin des années 20 est
plutôt noire avec une émigration >immigration.
années 1930 : la montée des intolérances en Europe de l’Est et l’avènement du
nazisme en Allemagne mettent en danger l’existence des juifs d’Europe12. La
Palestine devient, moins par choix que par nécessité, un lieu de refuge.
>> Augmentation massive de l’immigration
1936, pop juive représente 30,6% de la pop de Palestine ; en 1945, elle en
représente 32%, presque le 1/3 !
Total des arrivées pendant le mandat 1918-1948 : 483 000

Remarque 3 : On peut dire que, dans la pratique, la concrétisation historique du


sionisme a pris la forme d’une colonisation de peuplement – dimension assumée
par le mouvement sioniste et qui sert la rhétorique arabe disant qu’Israël est un

10
Pendant les émeutes arabes de 1936-1939, est mise en place une collaboration militaire entre
l’Armée et la Police Britanniques et la Haganah, ce qui lui conféra une certaine légalité. Cela se
manifeste dans la « Police Auxiliaire Juive » qui existe jusqu’en 1948 et dans les « escadrons spéciaux
nocturnes », une unité mixte juive et britannique de lutte contre-insurrectionnelle
11
solde migratoire supérieur à 25 000 personnes lié à l’arrivée de juifs polonais fuyant les mesures
antisémites prises en Pologne
12
L’objectif des Nazis de rendre l’Allemagne « vide de Juifs » est utilisé par les organisations sionistes
pour conclure un accord de transfert : les immigrants juifs d’Allemagne pourront venir avec une partie de leurs
avoirs convertis en marchandises allemandes.
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suppôt du colonialisme ! Une différence cependant de taille dans l’esprit des
sionistes : la terre qui est colonisée est loin d’être étrangère au peuple juif : c’est la
terre d’origine. Ce lien donne au sionisme une légitimité interne dont les autres
entreprises de peuplement ne peuvent se prévaloir. Là où les Arabes voient une
conquête, les Juifs voient un retour.

3- Des relations tendues


- Il n’existe quasiment pas de collaboration économique et sociale entre
Arabes et Juifs. On va même plus loin chez les sionistes issus de la 2de alya : on
prône l’exclusivisme juif, indispensable pour la constitution du foyer national.
Toute interaction avec le secteur arabe est considérée comme une défaillance qu’il
faut pallier au plus vite.

- Crainte permanente de violences de la part des autorités britanniques mais de


1923 à 1929, la situation est calme, notamment en raison de la faiblesse
démographique du Yichouv.
Nouvelle flambée de violence en 1929 liée aux Lieux saints.
Précision importante, les Lieux saints des religions juive et musulmane sont
imbriqués les uns dans les autres : le mur des Lamentations13, de l’époque d’Hérode
le Grand, est la base de l’esplanade des mosquées et appartient au waqf musulman du
Haram al-Sharif. Avec le choix de Hajj Amin al-Husseini de restaurer les Lieux
saints, focus particulier fait sur cet espace.
Août 1929, provocations réciproques et explosion de violences à Jérusalem,
Hébron, Safed, principalement. Semaine sanglante du 23 au 30 août, 133 morts juifs
et 116 arabes. Chaque communauté rejette sur l’autre la responsabilité des violences.
Question qui va au-delà de l’accès aux Lieux Saints : les Arabes sont hantés par la
menace de dépossession et d’expulsion. Contexte de crise économique dans le
secteur arabe, liée à des difficultés climatiques, qui exacerbe l’angoisse des paysans
arabes par rapport à la colonisation sioniste. Les sionistes de leur côté posent la
question du statut du foyer national juif au-delà de la question du Mur : s’ils sont au
Mur par tolérance, comment peut-on affirmer qu’ils sont de droit en Palestine ?

Le rapport de la commission Shaw, publié en mars 1930, indique que


l’immigration juive a dépassé la capacité d’absorption du pays, non pas en termes
d’opportunité d’emploi mais par ses conséquences pour la population arabe. Il invite
à définir une nouvelle ligne politique.


13
Depuis la fin du Moyen-Age, les croyants juifs ont progressivement transféré leur lieu de prières
privilégié à Jérusalem du mont des Oliviers au Mur des Lamentations. Les autorités du waqf les ont autorisés à
prier mais leur ont interdit d’y apporter des objets : une installation permanente d‘objets peut entrainer
progressivement la transformation du lieu en synagogue.
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Transition : L’absence de réformes de fond par les autorités mandataires et
l’accroissement de l’immigration juive à partir de 1933 conduit à une situation
insurrectionnelle

III- La révolte palestinienne


1- L’explosion
Très forte tension en Palestine, y compris au sein des communautés. Les
mouvements de jeunesse arabe se trouvent au 1er rang de la radicalisation politique.

La découverte en octobre 1935 par la police palestinienne d’un important trafic


d’armes à destination des Juifs dans le port d’Haïfa provoque la colère des milieux
arabes. La presse accuse les Juifs et les Britanniques de fomenter un complot dont le
but d’anéantir et de supprimer les Arabes de Palestine.
>> Les Arabes attribuent de plus en plus nettement la responsabilité de la
situation aux Britanniques. On parle de se lancer dans une lutte armée contre les
Britanniques pour mettre fin à l’essor du foyer national juif
Dans ce contexte, le mouvement d’Izz al-Dîn al-Qassam14 décide de prendre les
armes. Qassam meurt au combat le 20 nov 1935. Ses funérailles sont l’occasion d’une
manifestation politique monstre à Haïfa. Qassam devient un héros national. >> Il est
considéré comme un des pères de la résistance palestinienne15.
15 Avril 1936, l’organisation d’al-Qassam qui a survécu à son chef intercepte un
bus sur la route Naplouse-Jaffa. 3 Juifs sont assassinés. A partir de là, les deux
communautés s’enflamment. 19 avril, appel par les partis arabes à la grève générale
tant que l’arrêt de l’immigration juive et des transferts fonciers ne sera pas obtenu.
Du côté sioniste, politique de retenue. Il s’agit de montrer aux Brit que les
sionistes constituent le seul élément sûr de la société palestinienne et d’éviter de
donner un prétexte à la limitation de l’immigration juive.

Les Britanniques promettent l’envoi d’une commission d’enquête tandis qu’Ibn


Saud, Abdallah et Nuri Saîd sont appelés à jouer les médiateurs. >> La question de
Palestine prend une dimension arabe régionale.

2- le premier plan de partage


La commission Peel se rend en Palestine entre novembre 1936 et janvier 1937.
Rend son rapport le 7 juillet 1937. Il y est indiqué qu’il est impossible de faire
coexister Arabes et juifs dans une même entité nationale. Il faut donc opérer un
partage de la Palestine. L’Etat arabe devrait fusionner avec la Transjordanie (cette
idée sera reprise plusieurs fois ensuite). L’Etat juif serait composé de la plus grande

14
A combattu les Français avant de se réfugier en Palestine. Il développe une prédication religieuse et
nationale en direction du prolétariat ouvrier, issu de la paysannerie déracinée, installé à Haïfa
15
Pour les Palestiniens, Izz al-Din al-Qassam est le précurseur de la lutte nationale palestinienne. Il est la
première personne à défendre l'idée d'une lutte armée pour soutenir l'action politique. Son nom est récupéré
et a été donné à la branche armée du Hamas : les Brigades Izz al-Din al-Qassam
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partie du littoral et du Nord. Le plan Peel prévoit d’inciter les Arabes, par des
compensations financières, à quitter l’Etat juif.
Transfert de population envisagé par les GB : 250 000 Arabes contre 1250 juifs, Las partie juive
englobe une très grande pop arabe qui plus est propriétaire de la plus grande partie du sol.

Du coté sioniste, le plan Peel est vécu une chance puisqu’il offre la constitution
d’Etat juif, potentiellement ethniquement homogène, avec une totale liberté
d’immigration. Ses frontières pourront toujours être étendues par la suite.
Refus du comité suprême arabe qui ne voit pas pourquoi les Arabes seraient
dépossédés d’une partie de la Palestine ?
= > Reprise de la révolte ; Répression féroce après assassinat en sept 1937 du
commissaire britannique pour la Galilée. (fuite du mufti au Liban, il devient le « pire
ennemi des Britanniques).
Révolte s’essouffle en 1938 : répression très dure (4000 morts arabes de 1936 à
1939).
Loi martiale, condamnations à mort, amendes collectives, utilisation de
« boucliers humains » pour reprendre le contrôle des agglomérations, utilisation de
commandos sionistes de la Haganah. Les colonies juives peuvent s’armer ! Des
commandos sont entraînés par des officiers britanniques. Le mouvement sioniste
acquiert une expérience militaire, utile pour la suite.

La révolte palestinienne constitue la plus importante révolte anticoloniale de


l’Empire britannique pendant l’Entre-deux-Guerres. Cette révolte nationale se
double d’une guerre civile puisqu’on s’en prend aux « collaborateurs »16 et qu’on se
bat également entre clans17, entre classes sociales18, entre communautés religieuses19.
NB : le port du keffieh comme symbole de la lutte palestinienne date de cette
époque.
Résultat : exil d’une partie des classes aisée arabes ; mouvement national
décapité ce qui explique en partie le fait qu’aucun Etat de Palestine ne soit né après la
2GM.
A la fin de 1938, il faut trouver une solution, notamment pour rendre des
troupes disponibles vu les évolutions en Europe.

3- Le livre blanc de 1939


Les Brit changent leur politique en Palestine, convaincus que le partage est
impraticable. Ils publient un nouveau Livre blanc en 1939. Ils promettent un Etat
unitaire indépendant dans les 10 ans ; limitation drastique de l’immigration juive :
75 000 certificats pour les 5 ans à venir ; législation sur le transfert des terres.

16
courtiers de vente de terres, agents de police, informateurs
17
Nashashibi qui se rangent du côté des autorités mandataires contre Husseini
18
paysans contre élite urbaine
19
musulmans contre Druzes qui collaborent avec les sionistes
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Hostilité des sionistes à ce projet mais le déclenchement de la guerre remet à
plus tard leur opposition ouverte à la politique britannique. Les Arabes de Palestine,
quant à eux, restent calmes pendant le conflit

Conclusion :
Les Britanniques n’ont répondu aux attentes d’aucune des deux communautés.
Situation explosive pour eux mais également tensions entre les deux communautés.

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