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DECOUVERTE DE L’ALBIEN MARIN DANS LA REGION DE TIARET

(L’AVANT PAYS TELLIEN), SIGNIFICATIONS BIOSTRATIGRAPHIQUE ET


PALEOENVIRONNEMENTALES.

Noureddine BOUALEM*1 & Miloud BENHAMOU*

*Université d’Oran 2, Mohamed BEN AHMED, Faculté des Sciences de la Terre et de l’Univers,
Département de Géologie, Laboratoire de Géodynamique des Bassins et Bilan Sédimentaire, BP. 1015, El
Mnaouer 31000, Oran (Algérie), e-mail1 : n-boualem@hotmail.com, Tel /Fax : + (213) 41 64 81 29

Résumé.
Dans le Sud et Sud-est de la ville de Tiaret, une formation à dominance marneuse affleure
grâce à des travaux récents de réaménagement (autoroute, ligne de gaz, chemin de fer). L’ensemble
est formé par deux unités très fossilifères, la première unité est formée par des marnes bleutées ou
gris sombres intercalée par des calcaires marneux lumachelliques et des calcaires micritiques ; la
deuxième unité est plus marneuse et consiste à des marnes plus claires, verdâtres ou jaunâtres
intercalées par des niveaux de marnes indurées. Ces deux unités sont suivies par un banc de calcaire
gris clair à jaune kaki, lumachellique coiffant la succession avec au sommet des marnes et des tufs
calcaires à bivalves et oursins.
La présence de faune d’ammonites Mortoniceras sp., des foraminifères (benthique et
planctonique), associée de faunes benthiques (oursins, bivalves, gastéropodes, ostracodes) indiquent
un environnement marin ouvert et oxygéné.
La découverte pour la première fois d’un faciès marneux albien marin dans l’Avant-pays
tellien présente une particularité dans toute l’Algérie nord-occidentale. De tel faciès est signalé dans
l’Ouarsenis, autour du Grand Pic. Les autres affleurements de l’Albien dans différents domaines
algériens (tellien, pré-atlasique, atlasique), essentiellement argilo-gréseux, sont considérés comme
des faciès fluviatiles ou fluvio-deltaïques. Cette particularité faciologique de l’Albien dans cette
région implique l’installation d’un milieu marin subtidal caractérisé par une extension spatio-
temporelle très limitée dans un régime régressif, due probablement à une rapide transgression ou
probablement à une tectonique de type uplift. Les premières données biostratigraphiques indiquent
un âge albien (Mortoniceras sp.). Une révision stratigraphique sera proposée avec la détermination
de la microfaune (foraminifère et ostracodes).
Mots clés : Albien, Tiaret, Avant-pays tellien, Faciès marneux, Transgression, Ammonite.
1- INTRODUCTION.
Dans cette étude, on met en évidence pour la première fois une série sédimentaire à
cachet franchement marin dans la région entre Tiaret et Mellakou (l’avant pays tellien) d’âge
Albien supérieur grâce à des ammonites (Mortoniceras…..) associées avec une faune
planctonique et des bivalves, des gastéropodes, des ostracodes et des échinides.
Ce gisement très fossilifère est mis en affleurement suite à des travaux de décapage pour
l’installation d’une auto-route périphérique au sud de la ville de Tiaret, en effet une grande
masse de marnes gris bleutés par fois de teinte sombre, claire ou verdâtre, et très fossilifère
se met en affleurement et a livré des ammonites, des échinides, des bélemnites, des bivalves,
des huîtres, des gastéropodes, des ostracodes et des foraminifères.
Les terrains de l’Albien (indifférencié) de la région sont considères depuis très longtemps
comme fleuvio-deltaïques ou continental à influences littoraux, contrôlés par un régime
régressif et qui précède la grande transgression mondiale médiocrétacé (du Cénomanien). La
découverte de ces marno-calcaires fossilifère a changé notre conception sur l’Albien (s.s) de
la région, sur le paléoenvironnement et sur la paléogéographie de la région.
2- HISTORIQUE.
Nos connaissances sur l’Albien de la région sont dues largement aux auteurs ayant des
travaux dans la région, à savoir : Welsch, 1890 (les Argiles de Sidi Ouadah, Tiaret et Frenda),
Deleau, 1948 (les Grès roux de Sougueur, Monts du Nador), Auclair et Biehler, 1967 (les
Grès de Daïa « ex Bossuet », Monts du Daïa et de Saïda), C. Caratini, 1970 (le Groupe
gréseux supérieur, Monts du Chellala),Ghali, 1984 et M. Benest et Ghali, 1985(Monts de
Frenda, Monts de Dhaya et Monts de Saïda), R. Ciszak, 1993 (Algérie nord occidentale).
L’Albien de la région est le plus souvent matérialisé par des alternances de grès-sable
(près des Monts du Nador) ou des grès - argiles (bassin de Lehou, Frenda), un tel faciès est
considéré comme continental.
C’est d’abord Welsch (1890) qui a attribué les argilo-gréseux bariolées des environs de
Tiaret et de Frenda au « Gault » inférieur ou à l’Aptien sans arguments paléontologiques, puis
Deleau (1948) qui considère les Grès roux à dragées de quartz et les sables roux affleurant au
nord du Nador, au sud vers Aflou comme albiens, il affleure aussi sous le même faciès dans
la vallée de l’Oued Lehou.
Pour les Grès de Daïa (dans les Monts de Daïa « ex Bossuet ») au sud de Telagh, un âge
albien est proposé par Auclaire et Biehler (1967) en raison de leurs position entre deux
formations datées : les calcaires de Zyguine barrémo-aptiens et la formation carbonatée du
Djebel Tenfeld d’âge cénomanien.
En 1970, Caratini a attribué à l’Albien « le groupe gréseux supérieur» ; c’est des grès
continentaux à galets et des argiles, a intercalation de rares niveaux carbonatés qui affleurent
dans les secteurs orientaux des Monts de Chellala. Selon lui « il faut imaginer une zone
d’épanchement fluvio-éolien très étendue, le matériel détritique provient du secteur
méridional qui est plus subsident; ainsi qui le prouve les directions des courant et
l’épaisseur ».
Ghali (1984), puis Benest et Ghali (1985) mettent la formation des argiles de Sidi
Ouadah en corrélation avec les Argiles de Ghriss déjà attribuées au Berriasien moyen.
Peybernes, Ciszak et Cugny (1986) rapportent les Argiles de Sidi Ouadah à l’Albien en
se basant sur la similitude séquentielle et paléoenvironnementale avec les Grès de Daïa
« Bossuet » des Monts de Daïa, et sur la coupure nette observée avec le Tithonique-
Berriasien sous-jacent (in R. Ciszak, 1993).
3-METHODES ET DONNEES DE TERRAIN.
3.1-METHODES.
22 ammonites, 38 Oursins, 1 bélemnite, 10 gastéropodes, et des dizaines de
bivalves, d’Huitres, d’ostracodes et de foraminifères ont été récoltés dans deux localités
dont la plus part proviens du gisement de Mcharref (coupe 1), ce matériel fera l’objet d’une
étude paléontologique détaillée, en outres plusieurs lames minces et sections polis ont été
confectionnés sur les bancs de calcaires/calcaires marneux.
3.2-DONNEES DE TERRAIN.
3.2.1-Localisation des marnes fossilifères.
Généralement ces marnes sont cachées par la terre cultivable, puis par un banc de
calcaire gris bioclastique, on peut les observé à chaque fois qu’il y a un décapage des
argiles cultivées, un forage d’eau ou un sondage. Deux affleurements sont considéré
comme gisement fossilifère dont celui de Mcharref est le plus important (Fig1, A, B).
Nous n’avons pas localisé d’autres affleurements des marnes fossilifères appart
celles qui se trouvent au sud de la ville de Tiaret tout au long de l’autoroute périphérique
suivant une direction générale SW-NE (Fig1. B et C), apparemment la voûte de l’axe de
l’anticlinal cénomano-turonien suit bien cette direction ; ce qui explique la présence
localisée des ces marnes.
3.2.2-Description de la série sédimentaire.
deux coupes on été levées dans la région de Mcharref-Mellakou ;la première est près
du Douar Mcharref (à environ 3 km à l’Est d’Aïn Mcharref) et la deuxième coupe se trouve
vers l’Est à environ 2 km de la première coupe, près de l’intersection de la route vers Aïn
Guesma (Fig.1, B et C). Une nouvelle formation est mise en évidence, c’est celle du
« Marnes de Mcharref ».
Deux unités sont observées dans chaque localité, de bas en haut on a :
- unité I : à prédominance de marnes et marno-calcaires, elle est formée à la base par
des marnes sableuses gris bleutées, friables renfermant des ammonites, bivalves,
gastéropodes, oursins et des Huitres, au sommet par des niveaux de calcaires marneux, gris
claire et sombre, bioclastique et des marnes indurées parfois laminées à ammonites,
oursins, Huitres, bivalves, bryozoaires, ...etc. Cette unité est riche en Gryphées dans le
gisement du Serrara
- Unité II : elle est plus marneuse avec des niveaux centimétriques de marnes gris
verdâtres, indurées à la base, surmontées par un banc de calcaire argileux de teinte jaunâtre
ou jaune kaki, bioclastique de ciment sparitique et renfermant des oursins et des bivalves,
dans la coupe de Serrara ce banc est plutôt gris jaunâtres, gris bleuté, très dur, bioclastique
à ciment sparitique ou micro-sparitique, enfin la série se termine par des marnes argileuses
friables qui constituent le substrat la terre cultivable sur laquelle on peut ramasser des
Huitres et des moules internes de bivalves
4. RESULTATS ET DISCUSSION.
4.1-FACIES ET MILIEU DE DEPOT
Ce gisement résulte d’un brassage d’organismes et coquilles mortes par des courants
marins qui les transportent à courtes distances et les déposent dans les creux du paléo-
topographie, la forte présence des sables dans les marnes indique un milieu alimenté par
des charges détritiques et contrôlé par l’eustatisme, l’absence des calcaires sous forme de
bancs bien individualisés peut être expliquée par l’énergie du milieu. Un tell milieu
favorise plutôt la sédimentation des marnes sableuses associées avec des niveaux de
calcaires marneux
La présence des foraminifères planctoniques pyriteuses et d’autres benthiques indique
un milieu infratidal installé sur la marge d’une mer ouverte
4.2- BIOSTRATIGRAPHIE.
Au niveau des deux gisements on a pu récolter le matériel suivant :
Ammonites : Mortoniceras. sp,
Bivalves: Neithea quinque – costata, Neithea regularis, Neithea grnadicostata,
Limaria, Veuericardia, Protocardia, Ceratostreon, Veuuripus. Gryphées et des exogyres.
Echinides : Mecaster cubicus?
Gastéropodes: Trochidea ?
Bryozoaires:
Fig. 01 : A : situation de la région de Tiaret dans la carte de l’Algérie et dans le nord de l’Afrique, B :
situation schématique de la région d’étude, C : enchainement lithostratigraphique des deux gisements, D et E :
illustration panoramique du gisement de Mcharref.
Les marnes fossilifères peuvent être attribuées à l’Albien supérieur par les ammonites
appartenant à la famille des Mortoniceras (zone à Mortoniceras (Mortoniceras) fallax ), ces
ammonites sont caractéristiques de l’Albien supérieur ( F. Robaszynski et al ; 2007), vu
l’état de préservation de ces bêtes ; le remaniement lointain est à exclure, donc les
Mortoniceras se sont bien déposées dans les marnes avec les autres organismes.
5. CONCLUSION.
Intérêt du gisement :
Au point de vu stratigraphique, le gisement de Mcharref est l’un des rares gisements de
l’Albien supérieur qui ait fournit autant d’espèces de fossiles : plusieurs espèces
d’ammonites, échinides, bivalves, gastéropodes, Huitres, ostracodes et foraminifères.
L’inventaire réalisé permet de préciser la répartition stratigraphique de certaines espèces et
d’apporter des preuves sur l’apparition à l’Albien supérieur de certains taxons.
Le continuum des peuplements faunistiques de part et d’autre de la limite Albien-
Cénomanien est également confirmé puisque de nombreuses espèces apparaissent dans
l’albien et persistent dans le Cénomanien.
De point de vu paléoécologique ce gisement représente un bon exemple de
paléobiotope situé dans la marge externe d’un milieu infratidal sur une plate forme sensible
aux fluctuations marines.
L’exceptionnelle concentration des fossiles dans le gisement peut s’expliquer par
l’action des courants sous-marins localisés drainant les organismes benthiques et
planctoniques, mélangés en thanatocoenoses, vers des points déprimés de la topographie
sous-aquatique, mais transportant ceux-ci sur une courte distance.
La mise en place de ce gisement ne peut être séparée de la géodynamique globale de
toute la région (le domaine Tlemcenien oriental, et la marge sud téthysienne) dont la
transgression médiocrétacé est ressentie depuis la fin de l’Albien (D. Mongin ;1983, J. Rey
et al ; 1977, C. Caratini ; 1970, H. Abdellah ;1989, …etc), en effet une transgression
globale est signalé à l’Albien supérieur dans toute la Téthys (F. Robaszynski et al ; 2007, F.
Amédro & B. Matrion ; 2014).
Notant à la fin qu’un Albien marin est signalé depuis longtemps dans l’Atlas tellien au
nord de notre région (dans l’Ouarsenis oriental et occidental, dans les Monts de la Mina et
dans les Monts de Beni Chougrane, M. Dalloni (1952) et J. Polvech (1960). D’autres
gisements de mêmes affinités ont étaient étudiés depuis longtemps par exemples le
gisement de selva Bonansa au sud de l’Espagne (domaine mésogien), gisement de
l’Estremadura sur la marge occidentale du Portugal.

2.a 2.b 2.c

Fig. 2 : Illustrations photographiques de deux formes de Mortoniceras. Sp.


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