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ORGANISATION DU CONTROLE SPHINCTERIEN

ET SES TROUBLES

I - GENERALITES

Ajuriaguerra écrit dans son ouvrage intitulé "psychiatrie de l'enfant" que le contrôle
sphinctérien n'est pas inné. L'existence d'un système anatomo-physiologique qui lui est propre
n'est pas suffisant en soi. Le contrôle sphinctérien est le fruit de la maturation de ce système et du
conditionnement imposé par la société.
Nous procéderons au cours de cet exposé à l'étude des principaux troubles sphinctériens
rencontrés en pratique clinique, à savoir l'énurésie et l'encoprésie. Soit qu'ils soient surinvestis
par les patients eux-mêmes et leurs entourages, soit qu'ils soient au contraire négligés, leur prise
en charge reste délicate.

A - Bases anatomo-physiologiques de la mécanique sphinctérienne

1 - La miction
L'évacuation et la rétention de l'urine sont assurées par 4 systèmes : 2 systèmes de
rétention et 2 systèmes d'expulsion.
Concernant les 2 systèmes de rétention, il s'agit du :
- sphincter interne lisse qui assure la fermeture permanente et statique de la vessie. Il
est indépendant de la volonté.
- Sphincter externe strié qui renforce le premier par des contractions volontaires.
Quant aux 2 systèmes d'expulsion, il s'agit :
- d'un muscle lisse, le détrusor, dont l'action est indépendante de la volonté et qui
contracte la vessie par intermittence;
- et de tous les muscles abdominaux qui peuvent être contractés volontairement et
provoquer ainsi la compression de la vessie.
La miction peut être automatique ou volontaire. Concernant la miction automatique,
lorsque la pression intravésicale dépasse un certain seuil, elle déclenche la stimulation du
centre médullaire. Cette stimulation entraîne un relâchement des sphincters lisses. La miction
volontaire dépend quant à elle du SN.
2 - La défécation
Le rectum comporte également 2 sphincters : un sphincter interne lisse et un sphincter
externe à fibres striées.
La distension de la paroi rectale par le bol fécal provoque la sensation de besoin.
Le contrôle du sphincter anal est assuré par des centres nerveux, aussi bien médullaires
que centraux.

B - Développement de l'organisation nerveuse du contrôle sphinctérien et


conditionnement

Chez le nouveau-né et l'enfant du premier âge, la distension déclenche l'expulsion. Les


sphincters striés ne seront mis en jeu qu'après "l'éducation sphinctérienne" qui permettra la
rétention d'abord diurne puis nocturne.
Le contrôle du sphincter anal a lieu habituellement plus tôt que celui du sphincter
vésical. Il se consolide plus tôt et s'établit plus fermement.
Pour certains auteurs, un certain degré de maturation nerveuse est indispensable pour
que le conditionnement soit possible. En effet, entre 10 et 12 mois, le SN est capable

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d'associations simples: la position assise sur le pot est associée à la miction ou la défécation.
Autour de 20 mois, l'acquisition de nouvelles fonctions fait que l'enfant peut exprimer par des
gestes ses désirs. Par la suite, c'est le langage qui prendra le relais.

C - Fonctionnement sphinctérien dans le cadre de la formation de la


personnalité

L'organisation du contrôle sphinctérien entre dans le développement psychoaffectif de


l'enfant.
En effet, les psychanalystes ont insisté, à la suite de S.Freud, sur le plaisir que peut
comporter la fonction d'expulsion et, ultérieurement les phases d'expulsion-rétention.
L'expulsion se caractérise par une excitation de la muqueuse et par une diminution de la
tension, diminution qui peut être ressentie comme une décharge tensionnelle. La rétention
peut être une expérience qui entraîne ultérieurement une expulsion plus agréable. Cette
rétention peut être à l'origine de manœuvres de la part de l'entourage, des lavements par
exemple, qui excitent la région anale.
De même que ces mécanismes d'expulsion-rétention deviennent un moyen de
communication avec l'entourage (la mère notamment), de refus ou de donation.
Au départ, l'enfant utilise ses sphincters pour son propre plaisir (plaisir auto-érotique).
Plus tard, face à l'impatience de son entourage, il utilisera l'expulsion soit comme une
donation à la mère, soit comme un défi et un refus de contrôle.
Les psychanalystes considèrent que, face aux réactions de l'adulte, les enfants
considèrent les produits qu'ils doivent expulser (urines et matières fécales) comme précieux et
utilisent ces excrétions comme cadeau pour démontrer leur affection ou bien en marque
d'hostilité vis-à-vis de leurs parents.
On a parlé aussi de l'aspect sadique du stade anal : cela correspond au fait que les
matières sont considérées comme des objets qui sont détruits par l'élimination.
Des traits de caractère en rapport avec le mode d'organisation des zones érogènes ont
été décrits. Freud et plus tard K. Abraham, ont décrit l'expression du caractère anal chez
l'adulte (l'économie avec besoin d'épargne, le collectionnisme, l'amour de l'ordre, l'obstination
et l'entêtement). L'économie serait un prolongement de l'habitude anale de rétention motivée
quelques fois par la peur de la perte, d'autrefois par le plaisir érogène. Le besoin d'ordre
représenterait une élaboration de l'obéissance et de la ponctualité, l'obstination et l'entêtement
serait un type passif d'agressivité développé lorsque l'activité est impossible.

D - Contrôle sphinctérien et contexte social

On ne peut séparer le contrôle sphinctérien du contexte social. En effet, l'attitude à


l'égard du contrôle sphinctérien est différente suivant les sociétés et les cultures. A titre
d'exemple, dans les milieux ruraux, la pression d'apprentissage exercée par l'entourage est
moins importante qu'en milieu citadin.
Dans une étude américaine, les auteurs ont distingué deux groupes d'enfants. Le
premier concernait les enfants qui ont reçu une éducation coercitive (apprentissage commencé
avant 8 mois ou terminé avant 18 mois), le second groupe comprenait des enfants qui ont reçu
une éducation adéquate (apprentissage commencé après 8 mois et terminé après 18 mois). Les
auteurs ont relevé une plus grande fréquence de constipation, d'angoisse et de crises de rage
dans la première catégorie.
Dans une autre étude ayant intéressé des enfants ayant acquis leur propreté avant l'âge
de 15 mois, les auteurs ont constaté 34% de constipation, 19 % de terreurs nocturnes, 13%
d'habitudes obsessionnelles et 32% de cas d'anorexie.

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II - TROUBLES SPHINCTERIENS

A - L'ENURESIE

1 - Définition
On appelle énurésie le manque de contrôle de l'émission d'urines, involontaire et
inconscient, diurne ou nocturne, persistant ou apparaissant passé l'âge où la maturation
physiologique est acquise; classiquement autour de l'âge de 3 ans.
Il est important de distinguer l'énurésie de l'incontinence urinaire qui traduit l'existence
de lésions organiques. L'incontinence se traduit par une émission d'urines, involontaire mais
consciente. D'où l'intérêt des examens complémentaires dans le diagnostic positif de l'énurésie
(EEG, échographie, ECBU, UIV,…).

2 - Intérêt de la question
Motif fréquent de consultation, l'énurésie est un problème qui concerne aussi bien le
patient que son entourage familial. A partir de l'adolescence, ce trouble devient un véritable
handicap social.
Diverses spécialités s'intéressent au patient énurétique à savoir la pédiatrie, l'urologie,
la neurologie et bien sûr la psychiatrie.
L'énurésie est plus fréquente chez le garçon.
La fréquence de l'énurésie dans la famille, notamment la fratrie, est signalée par de
nombreux auteurs. Ils existeraient même des formes familiales appelées syndrome de la petite
vessie.

3 - Traduction clinique de l'énurésie


En pratique clinique, il est important de distinguer l'énurésie primaire de l'énurésie
secondaire.
On parle d'énurésie primaire lorsque le contrôle de l'émission d'urines n'a jamais été
acquis.
L'énurésie secondaire désigne l'énurésie qui apparaît ou réapparaît après un intervalle
variable de temps de propreté organisée.
L'énurésie primaire est plus fréquente.

Suivant le rythme nycthéméral, on distingue :


 l'énurésie nocturne isolée qui est la plus fréquente
 l'énurésie diurne isolée
 l'énurésie diurne- nocturne
Selon le rythme énurétique, on note la présence d'énurésie :
- quotidienne
- irrégulière qui est surtout le fait de l'énurétique qui a dépassé 8 ans
- intermittente qui ne survient que transitoirement et qui comporte de longs
intervalles secs. Il serait intéressant dans ces cas de considérer les facteurs
psychologiques et de rechercher des modifications familiales et
environnementales.

L'énurésie peut être associée à d'autres symptômes tels que les mictions impérieuses,
l'immaturité affective, les troubles du langage et plus rarement à l'encoprésie.
Les difficultés et les échecs scolaires sont plus fréquemment observés dans l'énurésie
secondaire.

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Des traits communs aux enfants énurétiques ont été rapportés: anxiété, passivité,
culpabilité et attachement excessif à la mère.
Les réactions de l'enfant et de sa famille face à l'énurésie sont variables. L'enfant
considère ce symptôme comme gênant et désagréable mais il a souvent une attitude passive.
Les réactions de la famille vont de l'extrême tolérance à l'extrême sévérité voire même
à la brutalité.

4 - Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel se pose essentiellement avec l'incontinence urinaire qui
traduit l'existence de lésions organiques, mécaniques nerveuses ou inflammatoires.
L'incontinence est une émission d'urines consciente mais involontaire. Les efforts du
patient pour retenir ses urines sont vains.
Il faut également éliminer une éventuelle épilepsie morphéïque par la pratique
systématique d'un EEG.
Il faut souligner l'importance des examens complémentaires tels que l'EEG, l'ECBU,
l'écho pelvienne, l'UIV …dans la distinction entre énurésie et incontinence.

5 - Etiopathogénies
On distingue schématiquement 2 groupes de théories étiopathogéniques.
- Certains auteurs sont en faveur de troubles de la mécanique mictionnelle
consécutifs à une atteinte cérébrale. C'est le cas des déficiences mentales et des épilepsies.
D'autres auteurs se sont intéressés à l'étude de la profondeur du sommeil dans l'énurésie
nocturne. Ils ont décrit l'épisode énurétique qui survient au cours du stade IV du sommeil lent
du 1 cycle. Les enfants réveillés au cours de la PMO qui suit l'énurésie, rapportent la notion
de rêves à contenus principalement effrayants et parfois à caractère aquatique.
- La 2ème théorie étiopathogénique est en faveur de l'origine affective de l'énurésie.
La majorité des auteurs admettent que les traumatismes psychiques et les facteurs de stress
peuvent jouer un rôle en tant que facteur déclenchant ou aggravant de l'énurésie. On rencontre
souvent une déception, une séparation avec la mère, des difficultés familiales, la naissance
d'un frère ou d'une sœur, un décès ou un changement dans le cadre de vie.
Un rôle a été accordé à l'influence des parents dans la genèse de l'énurésie. Ce rôle réside dans
l'attitude inadéquate des parents concernant l'éducation sphinctérienne. En effet, une attitude
trop sévère entraîne souvent chez l'enfant des réactions de révolte et de défense. En revanche,
une attitude trop permissive empêcherait l'organisation du contrôle sphinctérien.
De même que la naissance d'un jeune frère ou d'une jeune sœur autour de la période
d'acquisition du contrôle sphinctérien peut entraîner une régression.
P.Luquet distingue quant à lui l'énurésie qui survient à la période prégénitale et qui revêt un
mode de relation avec autrui, de l'énurésie de la période œdipienne qui peut prendre la valeur
d'une activité masturbatoire.
De même qu'il faut distinguer l'énurésie primaire qui renvoie à un problème d'apprentissage à
l'énurésie secondaire qui renvoie à la notion de régression et de retour à un état de
dépendance.

6 - Prise en charge
Au bout d'un certain temps d'évolution, l'énurésie qu'elle soit primaire ou secondaire,
perd sa valeur de symptôme et devient alors une habitude, càd, un comportement inadapté.
La prise en charge de l'énurésie comprend plusieurs volets :
a- Mesures hygiéno-diététiques :
Ces mesures consistent à réduire les apports liquidiens chez l'enfant énurétique à partir
de 17 heures. Eviter le thé, le café, limonades, le cacao les soupes et les fruits.

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Faire uriner l'enfant avant de le mettre au lit.
Impliquer l'enfant dans le changement et le nettoyage de la literie.

b- Volet psychothérapeutique:
Notre attitude en tant que thérapeute sera de soutenir l'enfant, le détendre et le
déculpabiliser.
Les parents ont également besoin d'être soutenus face à ce symptôme vécu comme
honteux. On pourra également les informer sur les techniques d'éducation sphinctérienne qui
ne doivent pas être sévères. On pourra aussi les conseiller de limiter les bénéfices secondaires
que pourra leur soutirer l'enfant par le biais de ce symptôme.

c- Chimiothérapie:
La chimiothérapie ne peut être envisagée que chez l'enfant âgé de plus de 4 ans.
L'action de l'Imipramine (Anafranil) a fait l'objet de nombreuses études. Plusieurs
hypothèses ont été soulevées à propos de l'action de cette médication:
- effet placebo et psychothérapeutique;
- effet antidépresseur qui serait en faveur de l'hypothèse selon laquelle l'énurésie est
un équivalent dépressif,
- action stimulante sur le SNC agissant sur la profondeur du sommeil;
- activité anticholinergique ayant une action sur l'appareil mictionnel en relâchant
les muscles vésicaux et en augmentant la tonicité des sphincters striés vésicaux.
Cet effet combiné permet à la vessie de contenir une plus grande quantité d'urines.
On aura donc recours à l'anafranilcp10 mg à la dose de 20 mg/j (0 - 1 - 1 ).

d- Approche comportementale:
Cette approche nécessite la collaboration de la famille.
L'épisode énurétique survenant au cours du stade IV du SL du 1 er cycle, on demandera
aux parents de réveiller l'enfant dans les 45 à 60 minutes qui suivent l'assoupissement et de
faire uriner l'enfant. Cette opération sera renouvelée chaque nuit jusqu'à disparition de
l'énurésie (constatée sans qu'on réveille l'enfant).
On utilisera également le système de calendrier avec les soleils et les nuages de pluies.
On demande à l'enfant de consigner sur une feuille chaque nuit en désignant par les nuages les
nuits où l'enfant s'est mouillé. Il faut encourager l'enfant à chaque consultation lorsqu'il ne se
souille pas et éviter de le culpabiliser dans le cas contraire.

CONCLUSION

Le problème reste ouvert de savoir pourquoi les mêmes techniques d'apprentissage


produisent dans une culture de grosses perturbations des fonctions, tandis que dans une autre,
aucune difficulté ne paraît exister.
Concernant l'éducation sphinctérienne, pour l'enfant , le problème est le suivant :
comment apprendre à se maîtriser sans avoir l'impression d'être contraint par l'entourage?
Quant à la mère, elle peut présenter à l'enfant les exigences de telle façon qu'il puisse les faire
sienne et qu'il accepte de s'y soumettre comme s'il les désirait lui-même.

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