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Comparer les traditions discursives 2/7/20 11'20

Socio-anthropologie
36 | 2017 :
Manières de croire
Dossier : Manières de croire

Comparer les traditions


discursives
Islam et critique du symbolisme dans l’anthropologie de Talal
Asad
Comparing Discursive Traditions: Islam and Critique of Symbolism in the Anthropology of Talal

MOHAMED AMER MEZIANE


p. 59-74
https://doi.org/10.4000/socio-anthropologie.3105

Résumés
Français English
Certains anthropologues ont critiqué la dimension eurocentrique et coloniale des concepts de
religion, de symbole et de croyance. Une analyse comparée des religions comme systèmes de
croyance définirait ainsi comme constante universelle un concept hérité d’une tradition
chrétienne occidentale. Dès lors, quels sont les concepts comparatifs à mêmes de se substituer
aux concepts de religion et de croyance ? L’article répond à cette question en analysant le concept
de tradition discursive proposé par Talal Asad pour analyser l’islam en tant qu’objet d’une
anthropologie. Il propose une relecture critique et philosophique de cette anthropologie en
insistant sur la dimension discursive, celle du sens et de la rationalité, des incorporations
traditionnelles.

Some anthropologists criticize the Eurocentric and colonial dimension of the concepts of religion,
symbol and belief. A comparative analysis of religions as systems of belief, it is argued, defines a

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concept inherited from a Western Christian tradition as a universal constant. What, then, are the
comparative concepts that can be substituted for the concepts of religion and belief? The article
answers this question by analysing the concept of discursive tradition put forward by Talal Asad
to analyse Islam as an object of anthropology. He proposes a critical and philosophical re-reading
of this anthropology by emphasizing the discursive dimension, that of meaning and rationality,
and of traditional embodiments.

Entrées d’index
Mots-clés : Talal Asad, anthropologie de l’islam, tradition discursive, islam, Ernest Gellner,
Clifford Geertz, philosophie de la religion
Keywords : Talal Asad, anthropology of Islam, discursive tradition, Islam, Ernest Gellner,
Clifford Geertz, philosophy of religion

Texte intégral
1 La comparaison de l’islam et du christianisme se résume souvent à l’énoncé incantatoire
d’une même thèse : l’islam est une confusion du religieux et du social, le christianisme est
un acte de foi qui rend à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César. L’islam
désignerait une confusion du politique et du religieux lorsque le christianisme serait une
religion apolitique. Cet article, comme plus généralement notre travail, entend contribuer
à défaire ce type de comparatisme. La critique historique de cette frontière nous a conduit
à étudier, introduire et discuter de façon critique une tradition anthropologique amorcée
par l’un des anthropologues les plus influents à l’échelle mondiale : celle de Talal Asad1.
Cet article poursuit ce geste d’introduction d’une anthropologie encore peu lue en France
(Amer-Meziane, 2015, 2016 ; Marzouki, 2015 ; Landry 2016).
2 Notre contribution a pour fonction de lire et discuter Asad à l’aune de la problématique
suivante : dans quelle mesure la comparaison de traditions discursives et incorporées et
non de systèmes symboliques de croyance permet-elle d’ouvrir la voie à de nouvelles
formes de comparatisme ? Notre but est de restituer les complexités et les tensions de
cette œuvre pour ouvrir un nouveau champ de réappropriations critiques de son œuvre.
3 L’influence de Talal Asad est indissociable de sa contribution à l’anthropologie de
l’islam. C’est le refus de la définition de l’islam comme confusion du politique et du
religieux qui semble amorcer la critique asadienne du concept de religion et de croyance.
Si certaines thèses fondamentales de son œuvre sont tributaires des œuvres de Michel
Foucault et Michel de Certeau, leur enjeu singulier est de mettre à l’œuvre l’héritage de la
pensée critique française à l’intérieur du champ d’études de l’islam et des sociétés à
majorité musulmane. C’est pourquoi nous articulerons systématiquement les différents
aspects de l’œuvre d’Asad à l’examen d’un texte clé : The Idea of an Anthropology of
Islam2 (Asad, 1986).

Critique du concept de symbole


4 La méthode anthropologique de Talal Asad se formule à partir d’un rejet de deux autres
méthodes socio-anthropologiques : l’herméneutique et le fonctionnalisme. La première,

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représentée par Clifford Geertz, consiste à interpréter la signification des rituels et des
pratiques en faisant comme si la culture était un texte (Geertz, 1972, 1973). Geertz entend
bien partir de la façon dont les acteurs donnent un sens à leurs propres pratiques, mais
entend restituer le sens d’ensemble de ces pratiques en les référant aux systèmes de
croyance que ces pratiques symbolisent (Geertz, 2012 [1983]). Le sens donné aux
pratiques par les acteurs eux-mêmes n’est donc pas le dernier mot de l’analyse
anthropologique, mais son point de départ, puisqu’il s’agit de regarder par-dessus les
épaules indigènes et saisir le sens inconscient des pratiques autochtones. Il faut par
conséquent, en quelque sorte, mettre la culture en récit pour la comprendre. Le concept de
symbole y est donc central : le sens ultime d’une pratique religieuse réside dans le système
cognitif qu’elle symbolise. La seconde méthode, fonctionnaliste, tente d’expliquer la
religion à partir d’une fonction sociale. Elle suppose de faire de la religion une modalité de
réalisation d’une fonction non-religieuse ou profane en intégrant la religion dans
l’économie d’une structure sociale d’ensemble. Cette seconde méthode, d’inspiration
durkheimienne, est représentée par Ernest Gellner. Ainsi, à travers Gellner et Geertz, c’est
bien l’ancienne opposition entre comprendre et expliquer qui se rejoue au coeur de
l’anthropologie de l’islam.
5 La critique de Talal Asad consiste à renvoyer ces méthodes dos à dos en critiquant leur
présupposé commun : la pratique religieuse est interprétée par un observateur qui la
subsume sous un concept général de religion et de symbolisme. Le sens des pratiques
religieuses est ainsi reconstruit, mais il n’est pas restitué. Le silence de la parole indigène
détermine donc la possibilité d’en déchiffrer le sens et d’en faire la théorie. C’est pourquoi
l’application de ce paradigme à l’islam et aux religions non-européennes est liée au
dispositif colonial.
6 Cette critique de la colonialité des anthropologies herméneutique et fonctionnaliste se
justifie en raison de cette exclusion structurelle, mais elle s’enracine aussi dans une
critique spécifique. La colonisation historique rend en effet raison de l’émergence de
solutions théoriques déterminées d’étude de l’islam. Asad critique le partage d’un islam
rural, fondé sur l’oralité et le culte des saints, et d’un islam urbain, fondé sur le primat du
texte. Selon Asad, cette solution est coloniale, car elle remonte aux travaux coloniaux
français sur le Maghreb dont Geertz et Gellner semblent en réalité généraliser
involontairement les résultats. C’est en déconstruisant ce dualisme que Asad renvoie dos à
dos l’herméneutique geertzienne qui met en scène l’islam par la narrativisation de la
culture pour en dévoiler le sens caché et le fonctionnalisme de Gellner. Ce geste de double
critique le conduit à critiquer l’une des clés de voute de l’herméneutique : saisir la culture
comme un texte et réduire ainsi l’islam à un ensemble de readable gestures, de gestes
lisibles.

Pour Geertz comme pour Gellner, la schématisation de l’islam comme le drame


d’une religiosité exprimant le pouvoir est obtenu par l’omission des discours
indigènes et par la transformation de tout comportement islamique en geste
lisible3.

7 Si Asad refuse les méthodes fonctionnaliste et herméneutique, il n’en demeure pas


moins qu’un primat est donné à l’herméneutique. Ce primat n’est pas étonnant dès lors
que Geertz formule lui-même la nécessité de « voir les choses du point de vue de
l’indigène4 ».
8 La méthode herméneutique tend à déployer une pratique de lecture exégétique des

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pratiques corporelles dès lors qu’elle déchiffre la culture comme si elle était un texte. Cette
textualisation des pratiques s’articule à l’usage irréfléchi des théories philosophiques et
sociologiques de la religion pour tenter d’expliquer l’islam. Selon Asad, les concepts de
religion, tels qu’ils sont mobilisés par Gellner et Geertz, sont considérés à tort comme
opératoires pour décrire l’islam. Asad montre que Durkheim, Marx et Weber forment
respectivement les arrière-plans conceptuels de la description de l’islam paysan, de l’islam
citadin des classes pauvres et de l’islam citadin des classes dites supérieures.
9 Les présupposés conceptuels de l’anthropologie de l’islam critiquée par Asad sont donc
au nombre de deux : le concept de religion lui-même, en tant qu’objet d’une définition
théorique, et l’arraisonnement de la culture en général, et des pratiques religieuses plus
spécifiquement, comme texte. C’est donc le partage de la religion et de la culture qu’il
s’agit de dissoudre. La critique conceptuelle de Asad opère ainsi la généalogie de deux
processus et tente de saisir leur articulation : la textualisation des pratiques et la définition
de la religion comme constante universelle. Cette critique se situe au cœur des
Genealogies of religion5, mais est en fait commandée par cet effort de clarification
méthodologique qu’est The Idea of an Anthropology of Islam.
10 La textualisation des pratiques « présuppose leur silence ». Elle se trouve au cœur de
l’anthropologique occidentale de l’islam et des religions. Il faut par conséquent chercher
comment le concept de religion tel qu’il est mobilisé par les sciences humaines implique la
textualisation coloniale des pratiques et autorise leur exégèse herméneutique. Comment
cette textualisation suppose-t-elle la mise sous silence d’une parole en acte ? La généalogie
du concept de religion est la réponse à cette question. La qualification comme religieux est
un acte de pouvoir qui détermine la possibilité de la textualisation coloniale. C’est ainsi
que la critique des islamologies coloniales donne lieu à la critique du concept de religion.

Critique du concept de croyance


11 La critique du concept de croyance par Talal Asad s’inscrit dans une économie plus
générale : celle de la catégorie de religion et des sciences religieuses. Cette critique n’est
pas propre à Asad. On la retrouve notamment dans l’œuvre de Jacques Derrida (Derrida,
2000). La singularité de la généalogie proposée par Asad consiste à critiquer, non pas
seulement le mot de religion comme invention latine et euro-chrétienne, mais « bien la
volonté de définir la religion » comme une « constante » des sociétés humaines. C’est
donc un acte de définition qu’il s’agit de dissoudre en tant qu’acte de savoir/pouvoir.

C’est au XVIIe siècle […] que les premières tentatives systématiques pour produire
une définition universelle de la religion ont été effectuées. Le De veritate d’Herbert
fut une étape décisive dans l’histoire d’une telle définition. […] Ainsi Herbert a
produit une définition substantielle de ce qui allait être nommé religion naturelle
– en termes de croyances (en un pouvoir suprême), de pratiques
(l’ordonnancement de son culte), d’éthique (un code de conduite fondé sur des
récompenses et des châtiments après cette vie) – supposée exister dans toute
société6.

12 Croyance en une entité suprême ou sacrée, pratiques cultuelles et normes éthiques sont
définies comme des constantes à partir desquelles la raison moderne reconnaît ce qu’elle
nomme : « le religieux ». Selon le Asad des Genealogies, le concept de religion naturelle
est le premier lieu discursif d’énonciation de cette essence supposée du religieux. Ce serait

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le primat d’une composante sur les autres qui spécifie cette définition moderne de la
religion. Un primat de la foi et des croyances sur les composantes pratiques de la religion
spécifierait son concept.

Cette insistance sur la croyance signifiait, qu’à présent, la religion pouvait être
considérée comme un ensemble de propositions auxquelles les croyants donnent
leur assentiment et qui pouvaient par conséquent être jugées et comparées à
d’autres religions et à la science naturelle7.

13 Ce serait, par conséquent, seulement à partir du XVIIe siècle que l’Occident moderne
aurait conçu les religions comme autant d’articles de foi auxquels les croyants donnent
leur assentiment par un acte de croyance. Il en résulterait un type spécifique de
comparatisme : la comparaison des religions comme systèmes de croyance. Les religions
deviendraient ainsi comparables entre elles, comme autant de formes différentes d’un
même acte de croyance en une ou plusieurs entités suprêmes que Durkheim réduira
ultérieurement à la dimension du sacré (Durkheim, 1968). Les religions deviendraient
ainsi comparables aux propositions théoriques de la science. À travers le concept de
croyance, l’essence d’une religion deviendrait réductible à une proposition théorique et
donc à une idéologie. Elle pourrait, dès lors, être disqualifiée par sa comparaison avec les
propositions de la science ou, au contraire, considérée comme compatible avec les
découvertes scientifiques. La hiérarchisation des religions en fonction d’un critère externe
est telle que la science se développerait alors dans la continuité de ce primat de la
croyance.

À partir de ce moment, la classification des confessions historiques en religions


inférieures et supérieures devint une option de plus en plus populaire chez les
philosophes, théologiens, missionnaires, et anthropologues aux XIXe et XXe siècles8.

14 Le texte d’Asad demeure ambigu quant à la dimension chrétienne de cette construction


du religieux en tant que constante. Pourtant, malgré cette ambiguïté, il est certain que
c’est « un dispositif chrétien spécifique et probablement moderne qui forme la matrice de
cette construction et non pas le christianisme en tant que tel9 ». Selon Asad, cette
définition anthropologique des religions comme systèmes de significations symboliques
conduit à saisir la croyance comme étant séparable des pratiques. La textualisation est
intrinsèque à cette intellectualisation de la religion. Les religions deviennent alors des
pratiques déchiffrables lorsqu’elles sont définies comme symboles d’un système de
croyance. C’est cette textualisation symbolique" qui, dans les Genealogies, semble faire de
l’herméneutique anthropologique un héritage de l’exégèse et de la mission chrétienne10.
15 L’anthropologue herméneute interprète les paroles indigènes parce qu’il suppose que
ces paroles sont incapables de dire le sens effectif et complet de ce qu’elles font. La
dimension théologique de l’acte anthropologique repose sur un acte de traduction
culturelle qui fonctionne comme un pouvoir de textualisation et de disqualification des
paroles pratiquantes. L’anthropologue doit apprendre des pratiques qu’il examine. Se
mettre à leur écoute suppose de les laisser parler. C’est pourquoi les traditions sont dites
discursives et que leur analyse suppose une écoute.
16 La critique asadienne du concept de religion est une critique de la « séparation » des
dimensions d’un acte de fidélité. C’est le sens des remarques d’Asad sur les concepts
islamiques de iman et de niyya. Ni l’un ni l’autre ne sont traduisibles dans le régime de la
croyance. Une attention à la langue arabe permet de comprendre ces intraduisibles. Iman

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n’est pas réductible aux concept de foi ou de croyance, mais est mieux rendu, selon Asad,
par le mot de « fidélité ». Pourtant, c’est par l’introduction d’un autre intraduisible que le
concept de croyance se trouve être définitivement troublé : celui de niyya. La niyya
désigne « l’intention en tant qu’elle imprègne » la pratique de dévotion de l’intérieur et la
rend possible.

Les rites de dévotion (‘ibadāt) – dont la pratique régulière est nécessaire à l’acte de
cultiver les vertus et les sensibilités qui sont exigées d’un musulman – impliquent
toujours l’énonciation silencieuse de son intention (niyya) pour réaliser la prière
(salāt) et ce qui s’ensuit, au commencement du rite. La niyya fait donc partie
intégrante du rite, une forme d’engagement conscient initiant les actes de dévotion
qui doit elle-même être cultivée comme un aspect de sa foi continuée. Imān –
traditionnellement traduit en français par « foi » – n’est pas un moyen
épistémique singulier qui garantit l’existence de Dieu pour le croyant. Ce terme est
mieux traduit par la vertu de fidélité à Dieu, une habitude non questionnante
(unquestionning habit) d’obéissance que Dieu exige de ceux qui lui sont fidèles
(mu’minin), une disposition qui doit être cultivée comme toute autre et qui relie
ensemble ceux qui sont fidèles, à travers la confiance et la responsabilité
mutuelles11.

17 La fidélité est donc une vertu, une disposition qui se cultive par la répétition des actes
de dévotion. Elle ne désigne pas un état mental distinct dont le contenu intellectuel serait
un objet de croyance, mais une disposition à être et agir en conformité avec la volonté
divine. La fidélité constitue la dimension intrinsèque d’un acte dont les différentes
dimensions sont en définitive inséparables. Toute séparation analytique de ces
dimensions les rend incompréhensibles. Comprendre la fidélité suppose de renoncer à la
prétention de comprendre le croire abstraitement comme adhésion à un contenu
intellectuel, mais de le saisir comme un acte qui engendre une vertu, comme cette
actualisation qui suscite une puissance. Il existe par conséquent une inséparabilité des
dimensions du croire qui rend leur hiérarchisation impossible.

L’islam comme tradition discursive


18 Dès lors, en quoi l’islam est-il autre chose qu’une religion et qu’un système de
croyance ? The Idea of an Anthropology of Islam a pour fonction de répondre à cette
question, de cerner l’islam comme objet d’une anthropologie. Qu’est-ce que l’islam, non
pas en soi, mais pour l’anthropologue ? Répondre à cette question suppose d’énoncer un
« concept situé » davantage qu’une définition au sens strict. Le texte est structuré de façon
dialectique dans la mesure où il cherche à renvoyer dos-à-dos les visions nominaliste et
essentialiste de l’islam. Il s’agit de sortir d’un dualisme dans lequel les débats français et
internationaux sont encore emprisonnés : l’affirmation selon laquelle l’islam n’existe pas,
mais qu’il existe seulement des musulmans et l’affirmation selon laquelle l’islam désigne
une essence qui demeure identique à elle-même à travers le temps. Le concept de tradition
discursive ouvre, selon nous, une troisième voie. Il permet d’affirmer que le mot d’islam,
tel qu’employé par celui qui parle en tant qu’anthropologue, désigne « l’unité d’actes
multiples » voire conflictuels de définition de l’islam par les pratiques et les discours « des
musulmans ».
19 Le point de départ de la solution asadienne est la critique de la réduction de l’islam à un

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ordre social qui conduit à faire de l’islam la religion par excellence du Moyen-Orient, et du
christianisme la religion de l’Europe. Asad affirme qu’une marginalisation structurelle du
christianisme oriental et du judaïsme séfarade en découle. Cependant, la question clé n’est
pas empirique, mais conceptuelle. « Ce qui m’intéresse en tant qu’anthropologue, » écrit
Asad, « est la façon dont ce partage affecte la conceptualisation de l’islam »12. La question
matricielle est donc : comment l’opposition de l’islam au christianisme comme religion
apolitique de l’Occident conduit-elle à définir l’islam comme confusion du pouvoir et de la
religion ?
20 Ainsi, le sens stratégique des chapitres des Genealogies of religion sur les pratiques
monacales des chrétiens médiévaux s’éclaire. Asad montre que la discipline constitue le
soi pieux en cultivant des vertus chrétiennes irréductibles à des systèmes symboliques. La
fidelitas médiévale impliquerait une corporéité irréductible qui serait perdue avec les
notions modernes de croyance et de symbole (Asad, 1993).
21 L’argument clé d’Asad se situe toutefois à un autre niveau. Il s’agit pour ce dernier de
« remettre en cause les termes et les concepts qui structurent le comparatisme
anthropologique » lorsqu’il porte sur le cas spécifique du christianisme et de l’islam. Ce
sont « les termes mêmes qui sont employés qui sont trompeurs et il nous faut trouver des
concepts plus appropriés pour décrire les différences »13. C’est cette exigence qui conduit à
formuler un concept d’islam à même d’en organiser la diversité14.
22 L’idée-force d’Asad est que les discours musulmans ne sont pas restitués comme tels
par l’anthropologue herméneute qui entend conférer une signification à des pratiques qu’il
détermine comme symboliques. Ces pratiques ne peuvent être dites symboliques qu’à
condition de supposer qu’elles ne « déploient pas leur propre sens ». Il faut donc trouver
une méthode alternative qui restitue le déploiement d’un acte discursif à travers les
pratiques religieuses tout en saisissant la structure sociale à la manière de ce que nous
proposons de nommer un « environnement d’énonciation ». Un environnement énonciatif
n’est pas une infrastructure qui autoriserait la mise en œuvre d’un modèle causal ou
réductionniste. La structure sociale « actualise en quelque sorte une puissance discursive
de la tradition » tout en formant une disposition au sein des corps. Pour cette raison, la
religion ne peut être analysée comme une formation idéologique. En effet, « aucune
anthropologie cohérente de l’islam ne peut être fondée sur la notion d’un ordre social
déterminé, ou sur l’idée d’une totalité sociale intégrée dans laquelle la structure sociale et
l’idéologie religieuse interagissent15 ». Reste donc à formuler un concept alternatif d’islam
qui soit, en même temps, une autre méthode d’enquête anthropologique sur l’islam. La
réponse d’Asad poursuit sa critique de la dimension coloniale de la méthode
herméneutique qui déchiffre les significations des pratiques musulmanes à la place des
musulmans.
23 Si le sens de l’islam comme confusion théocratique ne se déchiffre que dans le silence
des musulmans, il faut rompre ce silence pour faire apparaître un concept d’islam à même
de rendre compte de la pratique musulmane. Il faut, en un mot, que l’anthropologue
commence son enquête à la manière des musulmans eux-mêmes. Pour les musulmans,
l’islam existe, il est vécu et partagé comme une tradition qui se transmet. Les désaccords
entre musulmans n’ont de sens que parce qu’ils partagent cette tradition en commun, que
son unité organise effectivement leurs différends. Le concept d’islam comme tradition
« ne fait donc que reformuler ce que les musulmans eux-mêmes font ». L’islam est
tradition pour les musulmans, il est l’unité d’un espace et d’un mouvement de
transmission qui guide, informe et « donne sens » à des pratiques.

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Si l’on veut écrire une anthropologie de l’islam, il faut commencer, comme le font
les musulmans, par le concept de tradition discursive qui inclut et se rapporte aux
textes fondateurs du Coran et des Hadīths. L’islam n’est ni une structure sociale
spécifique ni une collection hétérogène de croyances, d’artefacts, de coutumes et
de morales. C’est une tradition16.

24 L’islam n’est donc pas un texte dont l’anthropologue déchiffrerait le sens, ne serait-ce
que parce qu’il désigne un certain rapport incorporé à la textualité saisie en tant
qu’autorité qui engage le fidèle, détermine ses pratiques et les discours qui lui donnent
sens : une signification qui est une direction. Pourquoi le concept de tradition discursive
serait-il un concept effectivement à l’œuvre à travers les pratiques islamiques ? Selon
Asad, ce concept désigne l’association des termes de hadīth et de sunna qui signifient
littéralement ce qui est dit et la tradition.

La temporalité de la tradition
25 En pensant dans les termes de la pratique, Asad entend penser à même les actes de la
fidélité en montrant que ces actes déploient une « pensée du temps ». La tradition est
pensée et expérience d’une temporalité propre et irréductible à la temporalité abstraite et
homogène des modernes et du capitalisme.

Le mot arabe hadīth capture, de façon adéquate et incidente, les deux sens de la
temporalité qui sont séparés en français : d’un côté, il dénote tout ce qui est
nouveau ou moderne et de l’autre côté une tradition qui fait que le passé et le futur
sont rencontrés à nouveau dans le présent. Car hadīth signifie « discours » dans
son sens général, profane, mais aussi en tant que discours remémoré du prophète
et de ses compagnons qui est actualisé dans le corps/esprit discipliné du
musulman fidèle et devient ainsi la tradition, la sunna17.

26 Le discours est un acte d’instruction de la pratique. La tradition est donc cette


articulation « traditionnelle » de la pratique et du discours qui est irréductible à une
articulation singulière d’une pratique à une croyance subjective qui lui conférerait un sens.

Une tradition est constituée essentiellement de discours qui cherchent à instruire


les pratiquants concernant la forme et la finalité correctes d’une pratique donnée
qui, précisément parce qu’elle est établie, possède une histoire18.

27 La tradition discursive est donc un processus d’instruction de la pratique qui l’inscrit


dans un univers constitué par une manière de raisonner la pratique, et non pas seulement
de croire, de faire et de penser dans ce que nous nommons la communauté des
désaccords. La tradition articule des « différences communes ». Mobiliser son concept
consiste alors à saisir la façon dont il y a « islam » à travers les actes discursifs des
musulmans, ces dires qui sont des faire. Cela ne signifie pas que tout ce que les
musulmans disent ou font relève de la tradition islamique et cela est probablement
d’autant plus vrai des musulmans en contexte sécularisé. Comme l’écrit Asad : « Il est clair
que tout ce que les musulmans disent et font n’appartient pas à une tradition discursive
islamique19. » C’est pourquoi le commencement théorique d’une anthropologie de l’islam
est « une pratique instituée (dans un contexte particulier et ayant une histoire
particulière) au sein de laquelle les musulmans sont admis (inducted) en tant que
musulmans20 ». Cela ne signifie pas, par conséquent, qu’il faille remplacer un primat de la

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croyance par un primat de la pratique pure sur la foi ou la doctrine. Au contraire, Asad
mobilise le concept de doctrine en affirmant que ce mot signifie essentiellement
transmission de règles et de normes. Il renvoie donc à un processus d’apprentissage et
non à un ensemble de dogmes ou d’articles de foi. La doctrine orthodoxe n’est donc pas
l’objet d’une croyance mais désigne « le processus correct d’apprentissage aussi bien que
l’affirmation correcte de ce qui doit être appris ».

Pouvoir et orthodoxie
28 Ainsi, « l’orthodoxie n’est pas un simple corpus d’opinions, mais une relation
déterminée : une relation de pouvoir21 ». L’orthodoxie islamique n’est donc pas un
système uniforme de croyances que l’islamologue pourrait décrire ou conceptualiser en
l’observant. L’orthodoxie désigne, selon nous, un processus de constitution de différentes
orthodoxies et orthopraxies dont les pratiques de définition se situent à l’intérieur du
champ de la tradition. C’est pourquoi l’orthodoxie désigne un certain type de relation
entre musulmans qui n’est ni neutre ni horizontale, mais constituée par le pouvoir.

Partout où les musulmans ont le pouvoir de réguler, maintenir, exiger ou ajuster


des pratiques correctes et de condamner, exclure, de dissoudre ou remplacer celles
qui sont incorrectes, se trouve le domaine de l’orthodoxie22.

29 Cette analyse de la tradition ne consiste pas à faire abstraction de toute mise en


situation sociale de l’islam. Elle invite à saisir comment une situation matérielle marquée
par un rapport de pouvoir permet à des effets d’orthodoxie de s’instituer, à voir comment
discours et formes de vie s’articulent sans jamais se réduire les uns aux autres. Il est tout
aussi erroné de croire que, ce faisant, Asad légitimerait l’orthodoxie musulmane sans la
critiquer. Au contraire, Asad montre que la critique de l’orthodoxie fait partie de la
tradition islamique elle-même :

L’argumentation et le conflit quant à la forme et la signification des pratiques sont


par conséquent une partie naturelle de toute tradition islamique23.

30 L’objection d’essentialisme a été formulée à l’encontre d’Asad (Césari, 2010). Elle


repose pourtant sur un malentendu. Le concept d’orthodoxie n’essentialise pas l’islam. Il a
au contraire pour fonction paradoxale de critiquer toute volonté de définir une essence de
l’islam du point de vue séculier de l’anthropologie. Vouloir définir une essence de l’islam,
c’est vouloir définir ce qui compte comme orthodoxie, tout en se situant à l’extérieur de la
tradition islamique. Les historiens et anthropologues ne peuvent, par définition, pas
définir l’islam orthodoxe, mais seulement saisir les actes de redéfinition de cette
orthodoxie par des fidèles. Énoncer une définition de l’islam, c’est donc toujours exercer
un pouvoir. S’il est immanent à la tradition, ce pouvoir est l’orthodoxie ou la réforme. S’il
ne l’est pas, il renvoie à un pouvoir de la sécularité. La question des recoupements entre
ces deux pouvoirs demeure l’un des points aveugles de l’anthropologie asadienne.
31 Ainsi, Asad s’en prend aux islamologues qui affirment que la défense d’un usage libre de
la raison, légitimée par l’interprétation de l’ijtihād donnée par les réformateurs
musulmans, a été un échec parce qu’elle contredisait le sens orthodoxe de l’ijtihād. Selon
Asad, cette critique « opère à partir d’un concept a priori de “l’islam orthodoxe” ».

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Or, ce concept semble inapproprié dans le discours d’universitaires qui tentent


d’écrire une histoire de la tradition islamique. Il a sa place au sein de la dispute
religieuse qui oppose réformateurs (qui invoquent l’autorité supérieure du texte
sur celle de la communauté interprétante) et conservateurs (pour qui l’autorité
réside dans la communauté des interprètes, les gardiens des textes), parce qu’ils
sont tous deux dévoués à réaliser certaines choses à travers ce qu’ils considèrent
comme la tradition essentielle. En un mot, il n’y a pas d’ijtihād “réel” qui
attendrait d’être authentifié par la méthode orientaliste ; il n’y a que l’ijtihād
pratiqué par des personnes particulières qui se situent, de différentes manières, à
l’intérieur de la tradition du fiqh24.

32 Asad ne définit donc pas l’orthodoxie musulmane, mais tente de saisir les manières de
son institution par et pour les musulmans. Tels sont la fonction et l’enjeu du concept de
tradition discursive.
33 L’islam est une unité qui n’est pas une essence, l’unité d’un espace à l’intérieur duquel
se formulent des déclarations d’essences. L’islam est l’unité à partir de laquelle certains
désaccords sont possibles, à la fois signifiants et significatifs et tout simplement
énonçables. La différence des interprétations des sources n’est donc pas un argument
contre l’idée selon laquelle l’islam existe. La tradition est un espace à travers lequel des
raisons se parlent à l’aune d’écritures communes, un espace à travers lequel les langues ne
peuvent se désaccorder que parce qu’elles se sont toujours déjà accordées sur des sources
et des autorités qui leur sont communes. Le concept d’islam comme tradition discursive
est donc un concept qui n’énonce pas de définition, et encore moins une essence. Le
concept d’islam énonce une méthode et le statut d’un objet d’étude.

Le sens des pratiques et la question du


christianisme
34 Cette lecture de Asad nous permet de nous dissocier d’un asadisme qui tend à réduire la
religion des modernes à une croyance privée et à lui opposer un primat des pratiques
traditionnelles. Ce geste de réduction n’est pas le nôtre. Comment, dès lors, penser une
non-essentialisation de la religion sans réduire la piété à un concept aristotélicien de
l’éthique comme formation du soi ? Une telle réduction nous conduirait en effet à
reproduire ce que Asad critiquait dans l’anthropologie geertzienne : à dissoudre le
religieux dans un concept générique d’éthique, au fond analogue à celui de culture. Le
champ de l’éthique se trouverait alors être redéfini non plus comme un texte culturel mais
comme une technologie du corps. L’écueil de l’asadisme n’est donc pas celui d’un
« culturalisme », comme l’affirme Étienne Balibar. L’écueil de l’asadisme est celui d’un
matérialisme éthique fondé sur le soi et ses techniques de formation et non plus sur la
culture, le symbolisme et les systèmes idéologiques de croyance. Une telle anthropologie
matérialiste de la piété n’est pas libérale, mais elle n’en demeure pas moins une lecture de
la piété et de ses pratiques par la raison séculière.
35 Il nous faut donc éviter un tel écueil quasi-réductionniste en questionnant deux thèses.
La première n’est autre que la remise en cause de la critique du concept de croyance, et de
l’idée d’un primat de la croyance impliqué par le concept, supposé chrétien, de religion.
Cette critique du concept de croyance tend souvent à essentialiser le christianisme et
repose le plus souvent sur une généalogie simpliste du protestantisme comme religion

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intérieure. La seconde thèse que nous devons questionner est la conséquence de la


première : la substitution simple d’un primat des pratiques à ce primat des croyances que
les asadiens considèrent comme chrétien-protestant et libéral.
36 Notre hypothèse consiste à reprendre certaines intuitions d’Asad par-delà leur usage
par les asadiens. Il s’agit de montrer que la critique du concept de croyance est
insuffisante, tant qu’elle ne conduit pas à une critique connexe des concepts de la
pratique : de l’éthique et du culte. C’est la séparabilité réciproque de la pratique et de la
croyance qui pose problème et non pas le primat d’une composante sur l’autre. Notre
hypothèse implique donc que ce n’est pas l’héritage du christianisme en général qu’il nous
faut critiquer ; notre hypothèse consiste à opérer une généalogie de la mutation singulière
d’une tradition discursive de la chrétienté médiévale et occidentale en analysant cette
mutation à travers le devenir de la catégorie de religion et des partages spécifiques qu’elle
permet d’instaurer. Le partage d’un islam comme religion orientale de la Loi et du
christianisme comme religion occidentale de l’Amour se situerait ainsi au cœur du
dispositif de sécularisation et du code de la religio (Amer-Meziane, 2015). C’est ce partage
qui structure l’épistémologie que Asad tente de critiquer. Néanmoins, il n’est pas sûr que
ce partage soit un simple produit du protestantisme et de son primat supposé de la
croyance sur la pratique.
37 Dès lors, c’est probablement en dissociant la question du sens des pratiques du champ
de l’herméneutique, en arrachant les processus d’institution du sens à l’interprétation que
certains écueils de l’asadisme peuvent être évités. Il est donc impossible d’éluder la
question du sens des pratiques sans risquer de reproduire le partage du croire et du faire
qui instaure l’anthropologie herméneutique. Le sens en acte est la tradition discursive, un
sens qui déjoue l’interprétation anthropologique en dissolvant sa nécessité. Le concept de
tradition discursive ne consiste pas, comme on pourrait le croire, à refuser la question du
sens des pratiques, mais bien à faire résonner un sens dans le discours des pratiques. Les
pratiques font sens et le sens s’y fait. Ce sens à l’œuvre se trouve énoncé à travers des
concepts que les acteurs eux-mêmes formulent en habitant l’espace et la temporalité d’une
tradition. C’est pourquoi une anthropologie des traditions est aussi une anthropologie des
concepts situés et non pas seulement des manières de croire (Asad, 2015 [2003], p. 80-
82).
38 Il ne s’agit donc plus de comparer des croyances ou des pratiques, mais des traditions
qui parlent et se parlent. La tradition est un espace de pensée, une manière d’être et d’agir
qui est aussi une manière de raisonner. Les musulmans ne sont donc pas seulement des
« croyants » et la tradition peut être le lieu d’une piété pré-réflexive parce qu’elle est aussi
celle d’une rationalité irréductible. Le désaccord qui fait se parler des raisons toujours
situées est la tradition en devenir et non le signe de son déclin ou de sa rupture moderne.
La tradition discursive excède ainsi les sphères du religieux ou du culturel. Elle n’est donc
réductible à aucun de ces deux concepts ni, du reste, à leur dialectique, comme l’a
récemment proposé Balibar en réinvestissant le concept d’idéologie (Balibar, 2012).
Néanmoins, pour la même raison, le concept de tradition discursive devrait rendre
insuffisante toute analyse en termes de piété et de disciplines corporelles.
39 Plusieurs questions sont ainsi ouvertes, par-delà la question de l’origine euro-
chrétienne du concept de religion. Le concept de tradition discursive permet-il de court-
circuiter les définitions de l’islam comme soumission sans Alliance, et du Coran comme
simplification de la Bible ? La déclaration de l’unicité divine, du tawhid, est-elle un
discours incorporé irréductible à une manière religieuse de croire ? Il est possible que la

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philosophie ait à répondre à de telles questions, une philosophie anthropologique


irréductible à une philosophie de la « religion » ou de la « culture ».

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Notes
1 Il existe deux textes de Talal Asad traduits en français. Le premier texte est la traduction, que
nous avons réalisé, de l’introduction d’un ouvrage intitulé Formations of the Secular : Asad T.
(2015 [2003]), « Penser le sécularisme », Multitudes, 59, Décoloniser la laïcité ?, p. 69-82. Un
autre texte de Talal Asad, paru dans un ouvrage collectif sur le blasphème, a été traduit dans la
continuité de cette première publication : Asad T., Butler J., Brown W., Mahmood S. (2015
[2006]), La critique est-elle laïque ? Blasphème, offense, liberté d’expression, Lyon, PUL.
2 Asad T. (1986), The Idea of an Anthropology of Islam, Washington, D.C., Center for
Contemporary Arab Studies/Georgetown University (Occasional paper series).
3 Asad T. (1986), The Idea of an Anthropology of Islam, op. cit., p. 10.
4 Geertz C. (2012), Savoir local, savoir global. Les lieux du savoir, Paris, PUF, p. 82.
5 Asad T. (1993), Genealogies of religion. Discipline and Reasons of Power in Christianity and
Islam, Baltimore/Londres, Johns Hopkins University Press
6 Asad T. (1993), Genealogies of religion, op. cit., p. 42. L’auteur mentionné ici est Herbert
de Cherbury.
7 Ibid.
8 Ibid.
9 Ibid.
10 Ibid., p. 60.
11 Asad T. (2003), Formations of the Secular, op. cit., p. 90.
12 Asad T. (1986), The Idea of an Anthropology of Islam, op. cit, p. 3.
13 Ibid., p. 5.
14 Ibid.
15 Ibid.
16 Ibid., p. 14.
17 Asad T. (2003), Formations of the Secular, op. cit., p. 223-224.
18 Asad T. (1986), The Idea of an Anthropology of Islam, op. cit, p. 14.
19 Ibid.
20 Ibid., p. 15.
21 Ibid.
22 Ibid.
23 Ibid., p. 16.
24 Asad T. (2003), Formations of the Secular, op. cit., p. 220-221.

Pour citer cet article

https://journals.openedition.org/socio-anthropologie/3105 Página 13 de 14
Comparer les traditions discursives 2/7/20 11'20

Référence papier
Mohamed Amer Meziane, « Comparer les traditions discursives », Socio-anthropologie,
36 | 2017, 59-74.

Référence électronique
Mohamed Amer Meziane, « Comparer les traditions discursives », Socio-anthropologie [En ligne],
36 | 2017, mis en ligne le 23 novembre 2017, consulté le 02 juillet 2020. URL :
http://journals.openedition.org/socio-anthropologie/3105 ; DOI : https://doi.org/10.4000/socio-
anthropologie.3105

Auteur
Mohamed Amer Meziane
Mohamed Amer Meziane est agrégé et docteur en philosophie de l’université de Paris 1
Panthéon-Sorbonne et chercheur invité à l’Université Libre de Bruxelles. Ses travaux croisent la
philosophie continentale contemporaine telle qu’elle se configure avec et contre Hegel,
l’anthropologie des religions et l’histoire des Empires. Ses recherches retracent l’histoire du
partage entre islam et sécularisation, en examinant comment le premier est redéfini comme loi
lorsque l’Europe se définit comme sécularisée au xixe siècle. Il s’intéresse ainsi à l’histoire des
sécularisations qui font passer des Empires de la conversion aux Empires de la civilisation en
examinant spécifiquement le cas de l’Algérie coloniale. Il est l’auteur de plusieurs articles et a
coordonné un dossier sur la laïcité et l’histoire coloniale dans le numéro 59 de la revue
Multitudes. Il est également traducteur et introducteur, dans le monde francophone, de
l’anthropologie de l’islam et du sécularisme amorcée par Talal Asad (CUNY).

Droits d’auteur

Socio-Anthropologie est mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons
Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

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