sauf à supposer une réticence à l'égard de la digression personnalisée qui perturberait
un ordre et une chronologie qui sont ceux du récit de vie.
Les récits de voyage insérés dans les autobiographies. Ceci étant, outre les textes que l'histoire littéraire range sous l'appellation de récits de voyage, la mention d'un voyage est fréquente dans les écritures de type autobiographique. Parmi les grandes entreprises autobiographiques devenues classiques, rappelons le livre sot des Confessions de Rousseau, les livres vu-vn-vin, xvm des Mémoires d'Outre-tombe de Chateaubriand ou le volume Fibrilles de l'ensemble de la Règle du jeu de Leiris: ces textes sont régis par une narration ultérieure, alors que, écrit en narration quasi simultanée, le Journal de Michelet contient de nombreuses notations sur les voyages en Allemagne.
Certaines correspondances ont été constituées en volumes de lettres de voyage,
de George Sand (comme nous l'avons vu) à Teilhard de Chardin (Lettres de voyage, Paris. 1956). sans parler des volumes extraits de la correpondance globale d'un écrivain, comme pour les Voyages en Europe (1829-1854) de Balzac (1899). Lorsque l'édition de ces volumes de correspondance plus ou moins séparés est publiée du vivant de, et sous la responsabilité parfois habilement déniée par l'auteur, la fonction du destinataire premier des lettres s'efface devant celle du lecteur du livre: le confident épistolaire primitif se mue en cc témoin inconnu que convoque non sans embarras G. Sand dans le prologue aux Lettres d'un voyageur.
Quand le récit de voyage glisse vers l'autobiographie. De maniere assez massive,
le récit de voyage glisse vers l'autobiographie dès lors que les péripéties du voyage paraissent s'estomper. A la faveur d'une navigation maritime lente et monotone. le Journal d'un voyage fait aux Indes orientales (1690-1691) (1979) de Robert aune rappelle de nombreux moments d'existence antérieurs: quand rien ne se passerait autour de lui, ramené à l'intime par défaut et par dépi, le narrateur peut cependant continuer à écrire.' Plus dramatique est le cas de M. Leiris bloqué à la frontière abyssinienne par des tracasseries douanières, mais rebuté dès le début de la "mission Dakar-Djibouti" à l'idée de publier son carnet de route,' M. Leiris voit son écriture
7. C'est précisément cc -danger- de l'immobilité en voyage que condamne Auguste
Gilbert de Voisins et auquel il ne veut pas céder dans son Écrit en Chine 1909-1910 (1917), rédigé pendant un voyage effectué avec Victor Segalen (voir surtout p. 168-169).