Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
C'est Une Chose Etrange A La Fin Que Le Monde - Jean D'Ormesson PDF
C'est Une Chose Etrange A La Fin Que Le Monde - Jean D'Ormesson PDF
de l’Académie française
C’EST UNE
CHOSE ÉTRANGE
À LA FIN QUE LE
MONDE
roman
ROBERT LAFFONT
PROLOGUE
le fil du labyrinthe
Tiens ! Voyez-vous ça !
Ce n’est pas à moi que vous allez
apprendre que les hommes ont des sens
destinés à beaucoup d’usages – et
notamment à voir et à entendre, à
regarder et à écouter.
le fil du labyrinthe
Longtemps, théologiens et
philosophes ont misé sur les preuves de
l’existence de Dieu. Ils en faisaient leurs
choux gras. Ils les tiraient de leurs
poches. Elles pleuvaient comme à
Gravelotte. Elles passaient pour
irréfutables – et elles n’ont jamais réussi
à convaincre que ceux qui étaient déjà
convaincus. La plus célèbre d’entre
elles était l’argument de saint
Anselme, appelé aussi « argument
ontologique ». C’était tout simple : Dieu
est parfait ; la perfection implique
l’existence ; donc Dieu existe.
Kant a réduit en pièces l’argument
ontologique : Dieu n’est pas un
phénomène dont nous puissions nous
faire quelque idée claire que ce
soit. Nous sommes incapables de rien
dire de certain de Dieu. Nous ne
pouvons ni prouver ni réfuter son
existence.
Une preuve irréfutable de l’existence
de Dieu n’est pas seulement
impossible. Elle serait surtout une
catastrophe. Une catastrophe, bien
sûr, pour les incroyants, pour les
athées, pour les ennemis de Dieu. Mais
une catastrophe aussi pour les croyants
et pour toutes les Églises. Ce qui fait la
puissance de Dieu aux yeux des
hommes, c’est que, même quand nous
croyons en lui, nous ne savons pas s’il
existe. Le mystère est au cœur de la foi.
Comme beaucoup de grands
savants, Bertrand Russell ne croyait pas
à Dieu. Un de ses amis lui demanda
pourtant un jour ce qu’il répondrait à
Dieu si, par extraordinaire, il se
retrouvait après sa mort en face du juge
suprême, créateur de toutes
choses. Russell réfléchit un instant. Et il
lâcha : « Pas assez de preuves ! »
Je crains que le Prix Nobel ne se soit
laissé entraîner par ses habitudes de
logicien et de mathématicien. Dieu n’a
que faire de preuves : il les laisse aux
savants et aux philosophes. Dieu n’est
pas une expérience de physique : il ne
cherche pas à s’imposer de façon
décisive. Dieu n’est pas une équation : il
fuirait plutôt l’évidence. Dieu n’est pas
un politicien : il ne tente pas de se faire
élire à coups de promesses et
d’arguments. L’ambition de Dieu n’est
pas d’être irréfutable. S’il existe, il lui
suffit d’une seule chose : il lui suffit
d’être – et c’est assez.
Dieu, par essence, est inconnu et
caché. Dans la religion juive, il est à
peine permis de prononcer son nom. Il
déclare à Moïse que le voir, c’est
mourir. Quand les légions romaines
envahissent le Saint des Saints du
Temple de Jérusalem, lieu mystique par
excellence où seul le Grand-Prêtre avait
le droit de pénétrer, elles découvrent
avec stupeur un sanctuaire entièrement
vide et nu. Dans la religion
musulmane, il est interdit de le
représenter. Son évidence détruirait
toute religion. Dieu est une idée pure
dans un autre monde que le nôtre. Il est
tension. Il est espérance. Il est un rêve
infini. Kant l’a vu mieux que les
théologiens et les Pères de
l’Église : Dieu n’est pas un savoir. Il est
une croyance.
croire et savoir
ou
Un chemineau navarrais
Nous joua de la guitare.
Ah ! que j’aimais la Navarre
Et l’amour et le vin frais…
Je remercie
Homère, Platon, Virgile, Lucrèce, saint
Augustin, Montaigne, Descartes, Pascal, S
et les autres du bonheur qu’ils m’ont
donné.
*
**
Parmi nombre d’autres ouvrages, je
dois beaucoup à deux livres dont je me
suis abondamment servi :
Jeanne Hersch, L’Étonnement
philosophique, « Folio », Gallimard ;
Trinh Xuan Thuan, La Mélodie
secrète, Fayard.
*
**
Je remercie Dominique Arnouil qui
me supporte depuis longtemps – et qui
déchiffre mon écriture.