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(Carlos Lévy) Cicero Academicus. Recherches Sur PDF
(Carlos Lévy) Cicero Academicus. Recherches Sur PDF
162
CARLOS LEVY
CICERO ACADEMICUS
Ouvrage
l'Université
publié avec
de Paris
le concours
XII - Val
du de
C.N.R.S.
Marne et de
Montaigne
AVANT-PROPOS
PRÉSENTATION
DE LA NOUVELLE ACADÉMIE
ET DE L'ACADÉMISME CICERONIEN
CHAPITRE I
LA NOUVELLE ACADÉMIE :
HISTOIRE ET DÉFINITION DES PROBLÈMES
16 Arcésilas est comparé par Lucullus (§ 13) aux seditiosi dues, toujours
désireux de justifier leur cause en cherchant dans l'histoire de Rome d'illustres
précédents. Sur la tradition des populäres, cf. l'article de Z. Yavetz, Leuitas
popularis, dans Λ § R, N.S., 10, 1965, p. 97-114.
17 Plutarque, Adu. Col., 25 f, 1121f-1122a, dit qu'Arcésilas prétendait si
peu à l'originalité qu'il était accusé par ses adversaires d'interpréter à tort les
Présocratiques, Socrate et Platon comme des philosophes de Γέποχή. Plutarque
avait lui-même écrit un livre dans lequel il cherchait à démontrer l'unité de
l'Académie postplatonicienne: Περί τοΰ μίαν είναι τήν από του Πλάτωνος
Ακαδήμειαν (η. 63 du Catalogue de Lamprias).
18 La source de Cicéron et de Plutarque en ce qui concerne la thèse de
l'unité de l'Académie fut Philon de Larissa, cf. infra, p. 299.
19 K. G. Zumpt, Über den Bestand der philosophischen Schulen in Athen und
die Succession der Scholarchen, Berlin, 1843; U. von Wilamowitz-Moellendorf,
Antigonos von Karystos, Berlin, 1881, réimpr. Berlin-Zürich, 1965, Excursus 2,
p. 263-291.
14 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
Arcésilas
Arcésilas23 est né en Éolide, vers 315 av. J.-C. et, après des étu
des de mathématiques dans sa ville natale, il suivit à Athènes l'en-
24 Diog, Laërce, IV, 29 et Numénius, ap. Eusèbe, Praep. Ev., XIV, 5, 11,
frg. 25 Des Places.
25 Diog. Laërce, IV, 42.
26 Ibid., 32.
27 Ibid., 39.
28 Ibid., 60.
29 II n'y avait cependant pas de véritable hostilité de la part d'Arcésilas à
l'égard du pouvoir royal puisqu'il entretenait de bonnes relations avec le com
mandant de la garnison macédonienne et ne voyait pas d'inconvénient à fêter
l'anniversaire du fils d'Antigone, cf. Diog. Laërce, IV, 39 et 41. De ces anecdotes
on retire donc l'impression qu'Arcésilas, sans pratiquer une attitude de résistan
ce cohérente, tenait néanmoins à marquer par un certain nombre de gestes que
l'Académie ne voulait pas être inféodée au nouveau pouvoir.
30 Diogene Laërce dit, IV, 32, dit qu'il paraissait avoir Platon en admiration
et qu'il avait acquis ses œuvres. Cette dernière affirmation est assez surprenant
e, car qu'y avait-il de remarquable à ce qu'un scholarque de l'Académie possé
dât les textes fondamentaux de son école? L'interprétation que nous proposons
de ce passage est celle-ci : Arcésilas ne s'était pas contenté d'utiliser l'exemplai
re commun de l'œuvre platonicienne, il en avait fait faire une copie qui était
son bien propre.
16 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
Le dogmatisme ésotérique
31 Cicéron, Ac. post., I, 12, 45 : «Arcésilas disait que rien ne peut être connu
avec certitude, pas même ce que Socrate s'était réservé comme objet de scien
ce».
32 L'allusion à la sagesse socratique dans le texte cicéronien est une réfé
rence à Platon, Apologie, 21a.
33 O. Gigon, Zur Geschichte der sogennanten Neuen Akademie, dans ΜΗ, Ι,
1944, (p. 47-64), p. 54, a bien mis en évidence cette volonté de continuité d'Arcé-
silas, mais a sous-estimé la difficulté qu'il y avait à se réclamer de Socrate tout
en excluant ce point fixe qu'était pour le maître de Platon la conscience de
l'ignorance.
34 C. Lévy, Scepticisme et dogmatisme. . ., cf. la n. 2, et J. Glucker, op. cit.,
p. 296 sq.
35 Cf. l'annexe «Quelques remarques à propos des images de la Nouvelle
Académie dans le Contra Academicos de Saint Augustin», p. 641-644.
36 A. Geffers, De Nova Academia Arcesila auctore constituta, Göttingen,
1842, p. 18 : Haec ... id aperte monstrant, quod verisimile esse diximus, ipsum
vere et ex animo veterum Academicorum amplexum esse et tuitum doctrinam,
eamque tradidisse nullis, nisi qui essent idonei.
LA NOUVELLE ACADÉMIE 17
45 Cicéron, Ac. post., I, 12, 46 : Huic rationi quod erat consentaneum facie-
bat, ut contra omnium sententias dicens in earn plerosque deduceret, ut cum in
eadem re paria contrariis in partibus momenta rationum inuenirentur, facilius ab
utraque parte adsensio sustineretur.
46 A. M. Ioppolo, Doxa ed epoche in Arcesilao, dans Elenchos, 4, 1984,
p. 317-363, et Opinione e scienza, Naples, 1986.
47 Cf., pour ne citer que quelques titres d'une bibliographie qui devient
tout à fait impressionnante : H. Cherniss, The riddle of the early Academy, New
York, 19622; H. J. Krämer, Der Ursprung der Geistmetaphysik, Amsterdam, 1964
et Piatonismus und hellenistische Philosophie, Berlin-New York, 1971 : M. Isnar-
di Parente, Studi sull'Accademia platonica antica, Florence, 1979, ainsi que les
deux remarquables éditions publiées dans la collection « La scuola di Piatone » :
Speusippo, frammenti, Naples, 1980 et Senocrate-Ermodoro, frammenti, Naples,
1982.
48 H. J. Krämer, Piatonismus. . ., p. 14-58.
LA NOUVELLE ACADÉMIE 21
règles très strictes, celles-là même que nous trouvons dans les
Topiques d'Aristote. A la maïeutique de Socrate, à la recherche du
Bien, but ultime de la dialectique platonicienne, l'Ancienne Acadé
mie aurait donc substitué un formalisme étroit opposant sur toute
question le pour et le contre selon un scénario immuable. La véri
table innovation d'Arcésilas serait selon Krämer - qui se refuse à
parler de «scepticisme» à propos de la Nouvelle Académie et préfè
re le terme «d'aporétisme» - d'avoir su utiliser avec un talent
exceptionnel cette technique pour la réfutation du stoïcisme. Nous
ne sommes pas convaincu de l'existence d'une telle continuité,
mais ce problème des formes de la dialectique dans l'Ancienne et
la Nouvelle Académies est trop important et trop complexe pour
que nous l'évoquions ici rapidement et il sera étudié lorsque nous
analyserons la position de Cicéron sur ce sujet49.
Par ailleurs, si l'on peut difficilement ne pas être d'accord
avec ce savant lorsqu'il affirme que la critique du sensualisme,
menée avec tant de vigueur par Arcésilas, perpétuait une tradition
platonicienne d'hostilité au monde des sensations, présenté comme
celui de l'aparallaxie, de l'impossibilité de différencier les contrair
es, encore faut-il remarquer que le scholarque a toujours procédé
de manière critique, qu'il n'a jamais cherché à opposer à la doctri
ne stoïcienne des représentations la théorie d'un flux dans lequel il
serait impossible de percevoir les véritables réalités, et surtout qu'il
y a chez Platon, corrélativement au rejet de tout critère sensoriel,
une valorisation (nuancée à l'occasion, mais indiscutable) de la
connaissance intellectuelle, alors que la Nouvelle Académie a rejeté
l'idée que la raison puisse être un critère de vérité. Or la thèse de
Krämer ne nous paraît pas expliquer de manière satisfaisante
pourquoi Arcésilas s'est différencié avec tant de force de l'Ancien
ne Académie et ce qu'est devenu chez lui le second volet du dipty
queplatonicien50.
En réalité, son interprétation, comme toutes celles qui cher
chent à rattacher directement ou indirectement le fondateur de la
Nouvelle Académie à Platon, se heurte à une objection qui a été
61 Sur l'image de Pyrrhon chez Cicéron, cf. infra, p. 368-370. Aristoclès, ap.
Eusèbe, Praep. Ev., XIV, 18, 29, dit qu'il n'y eut pas de scepticisme pyrrhonien
entre Timon et Enésidème. Diogene Laërce, IX, 115-116, mentionne deux tradi
tions : selon Ménodote, Timon n'eut pas de successeur; selon Sotion et Hippobot
e, il y eut au contraire une continuité à peu près parfaite entre Timon et Sextus
Empiricus. J. Glucker, op. cit., p. 351-356, a montré de manière très convaincant
e que la deuxième tradition de Diogene n'est pas le fait de Sotion et d'Hippobo-
te, qui vécurent l'un et l'autre au début du IIe siècle av. J.-C, mais fut élaborée
par l'école de Sextus Empiricus, qui cherchait à prouver sa légitimité pyrrho
nienne.
62 Sur la date d'Enésidème, on accepte aujourd'hui l'argumentation de
V. Brochard, op. cit., p. 244-245, qui a montré que le Tubéron auquel Enésidème
dédia son œuvre était très vraisemblablement L. Aelius Tubero, l'ami de Cicé
ron. Selon Photius, Bibliothèque, 212, 170 a, Enésidème reprochait aux Acadé
miciens de son époque de se rapprocher du stoïcisme au point de sembler être
des Stoïciens en lutte contre d'autres Stoïciens et cela peut être interprété com
meune réaction aux exégèses de la pensée de Camèade données par Métrodore
de Stratonice et Philon de Larissa, cf. à ce sujet p. 290-300. Cette datation de
Brochard pose un problème très considérable, celui de l'absence chez Cicéron
de toute référence au restaurateur du pyrrhonisme, en dehors de Luc, 10, 32,
qui est généralement compris comme une allusion au scepticisme pyrrhonien,
cf. M. Dal Pra, op. cit., t. 2, p. 352, et infra, p. 270, n. 81. L'explication donnée
par Dal Pra au silence de Cicéron est que le mouvement lancé par Enésidème
était encore trop faible à cette époque pour que l'Arpinate pût s'y intéresser.
J. Glucker, op. cit., p. 116, n. 64, a suggéré astucieusement que Cicéron n'a pas
voulu parler d'une œuvre qui certainement critiquait son maître Philon et l'ac
cusait d'être devenu un dogmatique.
63 E. Saisset, Enésidème, Paris, 1840, ne voyait aucune différence entre le
scepticisme de Pyrrhon et celui d'Enésidème. Il était ainsi l'héritier de toute une
tradition, marquée notamment par les noms de Montaigne et de Pascal, qui a
vu dans l'œuvre de Sextus Empiricus l'expression la plus parfaite du pyrrhonis
me. Il est à remarquer cependant que Sextus, Hyp. Pyr., I, 30, 210 reproche à
Enésidème son héraclitéisme. Cette question très controversée a fait l'objet de
LA NOUVELLE ACADÉMIE 25
nombreuses études, dont les plus complètes sont celle de G. Capone Braga,
L'Eracliteismo di Enesidemo, dans RF, 22, 1932, p. 33-47, et surtout celle
d'U. Burkhard, Die angeblichte Heraklit-Nachfolge des Skeptikers Aenesidem,
Bonn, 1973. Burkhard montre qu'en se réclamant d'Heraclite, Enésidème atta
quait le stoïcisme à sa racine, et souligne que, malgré une analyse identique du
phénomène, il existe une différence fondamentale entre les deux philosophes :
pour Heraclite les contradictions du phénomène conduisent au dogmatisme
ontologique, alors que pour Enésidème elles sont le fondement même du scepti
cisme.
64 M. Conche, Pyrrhon ou l'apparence, Villers-sur-Mer, 1973. Un excellent
compte-rendu de cette œuvre a été donné par V. Goldschmidt, dans REG, 1974,
87, p. 461-462. On peut tenter de résumer la thèse de Conche en disant que pour
lui Pyrrhon est celui qui a le plus profondément subverti la métaphysique aris
totélicienne en éliminant le concept même d'être au profit de l'apparence. Une
très intéressante synthèse des recherches actuelles sur le pyrrhonisme originel
a été faite par G. Reale, Ipotesi per una relettura della filosofia di Pino di Elide,
dans Lo scetticismo antico. . ., t. 1, p. 245-334. Il distingue huit interprétations
modernes du pyrrhonisme de Pyrrhon, avant de qualifier lui-même celui-ci
d'«éléatisme en négatif». Tout en considérant que Pyrrhon fut un cas unique et
qu'il y eut par la suite une reformulation de son message en fonction des
concepts de la philosophie grecque, il n'établit pas entre Pyrrhon et le sceptici
sme tardif la même coupure radicale que M. Conche.
65 Pour le problème essentiel de la hiérarchie des témoignages sur Pyrrhon,
cf. F. Decleva Caizzi, Prolegomeni ad una raccolta delle fonti relative a Pirrone di
Elide, dans Lo scetticismo antico, 1. 1, p. 95-141.
66 Cf., par exemple, le frg. 61 d Decleva-Caizzi, où Pyrrhon est comparé au
dieu Soleil. A. A. Long, Timon of Phlius : Pyrrhonist and satirist, dans PCPhS,
N.S., 24, 1978, (p. 68-91), p. 84, a fort justement souligné la ressemblance qu'il y
avait sur ce point entre les Pyrrhoniens et les Epicuriens.
67 Ces vers, que l'on trouve dans Sext. Emp., Adu. math., XI, 20=frg. 62
Decleva Caizzi, sont d'une grande importance pour la compréhension du pyrr
honisme originel :
26 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
vers69. Il y est dit, en effet, que pour Pyrrhon les choses sont «éga
lement indifférentes, impossibles à mesurer et ne permettant aucu
ne décision», et que l'on doit donc être «sans opinion, sans inclina
tion et inébranlable». Quelle que soit donc la chose dont il s'agisse,
«il ne faut pas plus l'affirmer que la nier, ou bien l'affirmer et la
nier à la fois, ou bien ni l'affirmer ni la nier». G. Reale parle très
justement à propos de ce texte d'une «indifférence ontologique»
qui fonde «l'indifférence gnoséologique»70;
- le témoignage de Cicéron, déconcertant dans la mesure où
l'Arpinate ne mentionne Pyrrhon que comme un moraliste indiffé
rent à tout ce qui n'est pas le souverain bien71. En réalité, cette
image de Pyrrhon ne contredit pas celle donnée par Timon et elle
confirme que le pyrrhonisme, à l'instar de cette sagesse de l'Inde
par laquelle Pyrrhon fut si fortement influencé72, était une ascèse
vers la disparition de tout désir.
69 Eusèbe, Praep. Ev., XIV, 18, 1-4 = frg. 53 Decleva Caizzi. Sur la personn
alitéd'Aristoclès, cf. l'article F. Trabucco, II problema del De philosophia di
Aristocle di Messene e la sua dottrina, dans Acme, 11, 1958, p. 97-150. Sur le pas
sage lui-même, cf. M. R. Stopper, Schizzi Pirroniani, dans Phronesis, 28, 1983,
p. 265-197. Stopper essaie d'y démontrer que Pyrrhon ne rejetait pas le principe
de non-contradiction, et que le Pyrrhon de Timon ne diffère pas nécessairement
de celui d'Énèsidème.
70 G. Reale, op. cit., p. 324.
71 Cf., par exemple, Luc, 42, 130, où sont comparées les morales d'Ariston
et de Pyrrhon : Huic (-Aristoni) summum bonum est in rebus neutram in partem
moueri, quae αδιαφορία ab ipso dicitur. Pyrrho autem ea ne sentire quidem
sapientem, quae απάθεια nominatur.
72 Diog. Laërce, IX, 61, raconte comment Pyrrhon suivit l'expédition
d'Alexandre et rencontra les gymnosophistes indiens. Sur les contacts entre le
souverain et les sages de l'Inde, cf. Strabon, Geo., XV, 1, 61; 63-5, ainsi que
Plutarque, Alex., 64 sq. L'étude la plus récente et la plus complète sur les origi
nes orientales de la pensée pyrrhonienne est celle d'E. Plintoff, Pyrrho and
India, dans Phronesis, 25, 1980, p. 135-164, qui ne s'est pas contenté de parler
d'une influence indienne, mais a cherché à identifier le courant spirituel précis
qui a pu séduire Pyrrhon et en a conclu qu'il s'agit de l'école de Sanjaya.
73 V. Brochard, op. cit., p. 68.
74 Diog. Laërce, IX, 62.
28 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
78 Montaigne, Essais, II, 12, p. 502 éd. P. Villey, Paris, 19783. Montaigne suit
fidèlement Sextus Empiricus, qu'il ne connaissait que dans la traduction latine
d'Estienne. M. Conche, La méthode pyrrhonienne de Montaigne, dans Bull. soc.
am. Mont., 10-11, 1974, p. 47-62, a essayé de montrer que, malgré sa dépendanc
e par rapport à Sextus, le scepticisme de Montaigne serait un véritable pyrrho-
nisme, tel que lui-même entend ce concept, c'est à dire une pensée de l'apparen
ce pure. On ne peut malheureusement le suivre dans cette démonstration, tant
sont nombreux les passages qui montrent que le doute de Montaigne porte sur
la possibilité d'accéder à l'être.
79 Cf. Geli., Noci. Att., XI, 5, 8 : Academici autem illud nihil posse compre-
hendi quasi comprehendunt et nihil posse decerni quasi decernunt, Pyrrhonii ne
id quidem dicunt.
80 II serait fastidieux et probablement impossible de recenser tous les tex
tes de philosophes dans lesquels Académiciens et Pyrrhoniens sont ainsi distin
gués. Citons à titre d'exemple l'article «Pyrrhon» du Dictionnaire historique et
critique de P. Bayle, lui-même réputé être un esprit sceptique : « ces derniers (les
Pyrrhoniens) diffèrent d'Arcésilas et de ses disciples en ceci qu'ils supposaient
qu'il était impossible de trouver la vérité et qu'ils ne décidaient pas qu'elle était
incompréhensible», p. 100 du 1. 12 de l'éd. Desœr, Paris 1820.
81 Nous avons vu, cf. supra, p. 15, qu'Arcésilas mettait en doute son propre
doute. Quant à Camèade, il répondait à Antipater, qui lui objectait que la propos
ition «rien ne peut être perçu» contenait au moins une affirmation, qu'elle ne
souffrait aucune exception, cf. Cicéron, Luc, 9, 28.
82 pyrrhon disait qu'il est difficile d'èrôûvai τον άνθρωπον, de se dépouiller
de l'homme. Il y a dans cette étonnante formule une autre forme d'exprimer
son idéal ά'άπάθεια, cf. Ant. Car. ap. Diog. Laërce, IX, 66 et Aristoclès ap. Eus.,
Praep. Ev., XIV, 18, 26. = frgs 15 Α-B Decleva Caizzi; cf. C. Waddington, Pyrr
hon et le pyrrhonisme, Paris, 1876, p. 338 : «dépouiller l'homme . . . extirper ou
regarder comme n'existant pas les sentiments, les instincts et les besoins inhé
rents à notre nature ».
30 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
Arcésilas et le Lycée
fondateur de l'Académie. Selon lui, en effet, c'est par prudence et par crainte
que Platon refusa de s'en prendre au «prince des philosophes».
89 Puisque l'isosthénie de la Nouvelle Académie concernait les discours,
alors que celle des Pyrrhoniens était une égalité des contraires dans les choses
elles-mêmes.
90 A. Weische, Cicero und die Neue Akademie, Münster, 1961.
91 Ibid., p. 18.
92 Ibid., p. 73-82.
32 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
95 A. Manzoni, Les fiancés, chap, 108, p. 104 de l'éd. des Œuvres complètes,
Ed. du Delta, Paris, 1968, trad. Rey-Dussueil.
96 E. Pistelli, Ritratto di Cameade, dans Pegaso, 1, fase. 2, 1929, (p. 3-13),
p. 3.
97 Strabon, Geo., XVII, 3, 22 et Plutarque, Quaest. conu., VIII, 1, 717 d.
Dans le texte de Plutarque, l'un des convives, Florus, propose de fêter l'anniver
saire de Cameade en même temps que celui de Platon.
98 Les fragments de Camèade ont été réunis par B. Wisniewski, Karneades
Fragmente, Text und Kommentar, Wroclaw- Varsovie-Cracovie, 1970, et par H. J.
Mette, Weitere Akademiker heute (Fortsetzung von Lustr. 26, 7-94), von Lakydes
bis zu Kleitomachos, dans Lustrum, 27, 1985, (p. 39-148), p. 53-141.
99 Sur la vie de Camèade et sa formation, cf. E. Zeller, Die Philosophie. . .,
31, p. 514-518 et l'article de H. von Arnim, Karneades, dans RE, 10, 1919,
p. 1964-1985. Cet article a été complété par A. Weische dans RE, sup. 11, 1968,
p. 853-856. Camèade naquit à Cyrène en 219 ou en 214 av. J.-C. et il vécut qua
trevingt dix ans, cf. Cicéron, Luc., 6, 16 et Censorinus, De die natali, 15, 3. Sur
sa formation philosophique, cf. Diog. Laërce, IV, 62 et Cicéron, Luc., 30, 98.
100 Diog. Laërce, IV, 62 et Val. Max., VIII, 7, 5.
34 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
101 L'épisode est raconté par Cicéron, De rep., III, 6, 9; 12, 21; 19, 29 sq.;
Ait., XII, 23, 2; Plutarque, Cato M., 221 sq.; Macrobe, Saturnales, I, 5, 13; Elien,
Var. hist., Ill, 17. Ces témoignages ont été regroupés par G. Garbarino, Roma e
la filosofia greca dalle origini alla fine del II secolo A.C., t. 1, Turin, 1973, textes
77 à 91.
102 Cf. le chapitre suivant, p. 76-78.
103 V. Brochard, op. cit., p. 163.
104 L. Robin, op. cit., p. 76.
105 C. Martha, Le philosophe Camèade à Rome, dans Etudes morales sur
l'Antiquité, Paris, 1889, p. 61-134. Tout en qualifiant, (p. 65), la Nouvelle Acadé
mie d'« école dégénérée de Platon», C.Martha écrit à propos de l'ambassade
carnéadienne : « Camèade n'est pas, comme on le répète, un sophiste, mais un
véritable philosophe qui, dans sa constante dispute avec les Stoïciens, a presque
toujours eu la raison de son côté ».
106 Diog. Laërce, IV, 63 : δεινώς τ ην έπιπληκτικος καί έν ταΐς ζητήσεσι δύσ-
μαχος. Cf. également Numénius ap. Eusèbe, Praep. Ev., XIV, 7, 15, frg. 26 Des
Places. Il peut sembler paradoxal de qualifier Camèade de dialecticien, alors
que lui-même comparait la dialectique à Pénélope défaisant la nuit ce qu'elle
avait fait le jour ou au poulpe dévorant ses tentacules, cf. Cicéron, Luc, 29, 95 ;
Stobée, Flor., LXXXII, 13, p. 118 M. Il est certain que les divers sens du terme
« dialectique » constituent une difficulté non négligeable, cf. P. Hadot, Philoso-
LA NOUVELLE ACADÉMIE 35
La dialectique carnéadienne
phie, dialectique, rhétorique dans l'Antiquité, dans AssPh, 39, 1980, p. 139-166.
Nous aurons à étudier dans le détail la nature de la dialectique néoacadémicienn
e. Pour l'instant, nous entendons simplement par «dialectique» le fait que la
réflexion de Camèade s'est exprimée en relation, et le plus souvent en opposit
ion,à la pensée d'autrui.
107 Cicéron, Luc, 24, 78 (à propos de l'assentiment du sage); Fin., V, 30, 84 :
uirtus satis habet ad uitatn beatam praesidii, quod quidem Carneadem disputare
solitum accepimus, sed is ut contra Stoicos, quod studiosissime semper refellebat. ;
Nat. de., Ill, 17, 44 : Haec Carneades aiebat, non ut deos tolleret . . . sed ut Stoicos
nihil de dis explicare conuinceret.
108 Sext. Emp., Adu. math., VII, 159.
109 Numénius, ap. Eusèbe, Praep. Εν., XIV, 8, 737 b-c, frg. 27 Des Places :
τΗγε δ' ούν και ούτος καί άπέφερεν άντιλογίας τε και στροφός λεπτολόγους συνέ
φερε τη μάχη ποικίλλων έξαρνητικός τε καί καταφατικός τε ην κάμφιτέρωθεν
άντιλογικός · εί τε που έδει τι καί θαΰμα εχόντων λόγων, έξηγείρετο λάβρος οϊον
ποταμός ροώδης, [σφοδρως ρέων], πάντα καταπιμπλάς τα τηδε καί τάκείθι, καί
είσέπιπτε καί συνέσυρε τους άκούοντας δια θορύβου.
36 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
110 Cicéron, Ac. Post., I, 12, 46, semble vouloir différencier au moins partie
llement Camèade d'Arcésilas (Carneades autem), malheureusement notre frag
ment de la dernière version s'arrête précisément à cet endroit. Il ne pouvait de
toute façon s'agir véritablement d'une rupture, puisque lui-même écrit, Nat. de.,
I, 5, 1 1 : Haec in philosophia ratio . . . profecta a Socrate, repetita ab Arcesila,
confirmata a Cameade . . . Par ailleurs, dans Luc, 18, 59, Cicéron se montre peu
enclin à accepter l'idée que Camèade ait pu atténuer Γέποχή héritée d'Arcésil
as.
111 Cette différence de situation a été bien mise en lumière par M. Dal Pra,
op. cit., t. 1, p. 168. Les successeurs immédiats d'Arcésilas (Lacyde, Evandre,
Hégésinos) ne semblent guère avoir brillé par leur génie, à tel point qu'A. Gef-
fers, op. cit., p. 6, s'est demandé comment des personnages aussi médiocres
avaient pu être scholarques de l'Académie.
112 Diog. Laërce, IV, 62 : ει μη γαρ ην Χρύσιππος, ούκ άν ην έγώ. Camèade
parodiait ainsi la formule par laquelle on avait exprimé l'importance de l'ap
port de Chrysippe à la philosophie stoïcienne, cf. Diog. Laërce, VII, 183.
113 Nous résumons ainsi l'exposé qui est donné de sa philosophie dans Sext.
Emp., Adu. math., VII, 150 sq.
LA NOUVELLE ACADÉMIE 37
L'éthique
126 S. Nonvel Pietri, Cameade, Padoue, 1978, p. 16; cf. également A. Russo,
Scettici antichi, Turin, 1978, p. 213-283.
127 G. Striker, dans Sceptical strategies, p. 70 sq., établit une différence entre
l'éthique, où les thèses de Camèade n'auraient eu d'autre raison d'être que la
critique du stoïcisme, et l'epistemologie, où il ne se serait pas contenté de crit
iquer le Portique.
128 C. Lévy, Opinion et certitude dans la philosophie de Camèade, dans
RBPh, 58, 1980, p. 30-46. Nous étudierons plus loin le passage du Lucullus (48,
148) où Catulus rapporte ce que son père lui disait être la sententia carneadia
sur l'assentiment du sage, cf. infra, p. 80, 275.
129 La thèse d'un retour de l'Académie au dogmatisme sous l'influence de
Camèade a été formulée de manière selon nous peu nuancée par R. Hirzel, op.
cit., t. 3, p. 181.
130 Cicéron, Luc, 45, 139: quanquam Clitomachus adf irmabat numquam se
intellegere potuisse quid Cameadi probaretur. Cette phrase a été parfois compris
e comme un jugement de Clitomaque sur l'ensemble de la philosophie de son
maître. Le contexte laisserait plutôt penser que cette formule, qui pouvait fort
bien n'être qu'une boutade, concernait uniquement la position de Camèade sur
le problème du souverain bien.
LA NOUVELLE ACADÉMIE 41
et que, par ailleurs, Cicéron dit à propos d'une des définitions car-
néadiennes du τέλος que le scholarque la défendait contra Stoicos,
c'est-à-dire pour les besoins de la disputatio, nullement comme une
doctrine131. Nul ne songerait donc à contester que Camèade ait eu
pour premier objectif de soumettre à rude épreuve les moralistes
dogmatiques, et tout particulièrement les Stoïciens. Peut-on cepen
dantestimer qu'il avait des convictions personnelles sur les ques
tions éthiques? C'est en tout cas la thèse qu'a cherché à établir
J. Croissant dans un article qui, près d'un demi-siècle après sa
publication, reste l'étude la plus complète sur la morale de Camèade
132.Nous n'avons pas à nous prononcer pour l'instant sur l'exi
stence de ces «idées directrices fermes et personnelles»133, mais à
montrer de manière très succincte comment se pose le problème
de la cohérence des différents témoignages sur cette partie de la
philosophie carnéadienne.
A propos du souverain bien, Camèade reprochait aux Stoïciens
de n'avoir pu donner une définition purement intérieure du souve
rainbien («il n'est d'autre bien que l'honnête») qu'en appelant
indifférents les biens de nature que le Lycée incluait dans le
τέλος 134. Mais surtout, il critiquait ce qui était l'essence même de la
morale stoïcienne, la continuité entre l'instinct, qui pousse l'hom
me dès sa naissance à rechercher ce qui est bon pour lui, et la fin
morale qui elle aussi s'inscrit dans l'ordre naturel, mais autrement,
par harmonie consciente avec le λόγος universel. D'une manière
plus générale, il mettait en cause le postulat fondamental des doc
trines hellénistiques, à savoir l'idée que la nature devait constituer
X alpha et X omega de toute morale et il semble clair maintenant que
la diuisio carneadia, loin d'être un simple instrument pédagogique
pour la transmission des diverses formules du τέλος του βίου const
ituait en réalité l'armature d'une réfutation des systèmes coupab
lesaux yeux de Camèade d'une faute majeure : l'incapacité de
réaliser leur prétention à découvrir dans les premières pulsions
naturelles la définition du bien ultime 135.
La physique
que de Cicéron dans les livres II et IV du De finibus, dans REL, 62, 1984, p. 111-
127.
136 Sur cette question, cf. infra, p. 496-508.
137 Cicéron, Luc, 45, 139 : ut Calliphontem sequar, cuius quidem sententiam
tant studiose defensitabat ut earn probare etiam uideretur.
138 J. Glucker, op. cit., p. 48, parle d'une optical illusion à propos de l'appa
renteopposition de Camèade à Platon.
139 Diog. Laërce, IV, 62.
140 L. Robin, op. cit., p. 103-105; S. Nonvel-Pieri, op. cit., p. 52-53; Dal Pra,
op. cit., I, p. 187.
LA NOUVELLE ACADÉMIE 43
les physiciens, même si le nom du scholarque n'y est pas cité une
seule fois? Il y a là un problème de méthode difficile à trancher,
mais qui ne met pas en cause l'essentiel, c'est-à-dire la volonté car-
néadienne de ruiner la conception stoïcienne d'un monde organ
iquement cohérent, régi par la Providence, caractérisé par une soli
darité à la fois verticale (l'enchaînement des causes) et horizontale
(la relation entre les êtres) qui ne laisse que peu de place au libre-
arbitre. Parce que le stoïcisme est un système et que tous ses él
éments (μέλη et non μέρη, pour reprendre la distinction de Marc-
Aurèle 141) sont indissociables, en épargner une partie eût été légit
imerl'ensemble. C'est pourquoi le scholarque a soumis à sa critique
tous les aspects de cette physique.
La théologie stoïcienne peut être très sommairement caractéris
ée, d'un côté, par la volonté de concilier le rationalisme absolu et
les mythes de la religion populaire, de l'autre, par l'exaltation de la
Providence qui régirait le monde de façon à combler de bienfaits
l'être le plus proche de Dieu, l'homme. Pour montrer à quelles
absurdités pouvait conduire une interprétation rationaliste de la
mythologie, Camèade utilisa son arme préférée, le sorite, qui, de
manière insensible, amenait l'interlocuteur à admettre une propos
ition opposée à celle qu'il soutenait au début. Ce n'est donc pas un
hasard si l'article le plus complet sur les sorites carnéadiens contre
le polythéisme fut écrit par celui qui révéla la signification dialecti
que de la philosophie de la Nouvelle Académie, P. Couissin 142. Mais
L. Robin a eu raison de souligner que les sorites n'étaient pas la
seule forme de critique dirigée par Camèade contre la théologie
stoïcienne, car on trouve chez Cicéron comme chez Sextus ou chez
Porphyre d'autres arguments conformes à la méthode dialectique
néoacadémicienne, c'est-à-dire consistant à tirer des propositions
stoïciennes des conséquences parfaitement contradictoires avec ces
thèses143. Quant à la réfutation de l'idée que se faisait le Portique
de la Providence, Camèade la fondait sur la confrontation entre
l'optimisme de ce dogme et l'existence de tous les fléaux qui acca-
144 Cicéron, Nat. de., III, 25, 65-31, 78. Nos manuscrits contiennent une
lacune avant le § 65, correspondant au passage consacré aux fléaux naturels.
145 Ibid., 17, 44.
146 A. Bouché-Leclercq, L'astrologie grecque, Bruxelles, 19632, repr. anastati-
que de l'éd. de 1899, p. 571 : «De Camèade aux Pères de l'Eglise, la lutte contre
l'astrologie n'a pas cessé un instant ; mais ce fut, pour ainsi dire, un piétinement
sur place, car les premiers assauts avaient mis en ligne presque tous les argu
ments qui, par la suite, se répètent et ne se renouvellent plus».
147 L'attitude de Cicéron à l'égard de la divination a été étudiée par F. Guil-
laumont, Philosophe et augure. Recherches sur la théorie cicéronienne de la divi
nation, Bruxelles, 1984.
148 L. Credaro, op. cit., 1. 1, p. 58, a soutenu la thèse selon laquelle les crit
iques de Camèade à l'encontre de la théorie stoïcienne de la divination furent
recueillies par Clitomaque dans une œuvre qui aurait servi de source à Cicéron
pour le deuxième livre du De diuinatione. Le problème est que Cicéron dit au
§ 97 de ce livre : uidesne me non ea dicere quae Carneades, sed ea quae princeps
Stoicorum Panaetius dixerit? Pour A. S. Pease, éd. De divinatione, Darmstadt,
19732, p. 26, Cicéron a su combiner la source néoacadémicienne et Panétius.
149 Cf. également le § 88 : Nominai etiam Panaetius, qui unus e Stoicis astro-
logorum praedicta reiecit.
LA NOUVELLE ACADÉMIE 45
150 A. Schmekel, Die philosophie der mittleren Stoa, Berlin, 1892, p. 191. M.
Van Straaten, op. cit., p. 87, admet que Panétius ait été influencé par la critique
carnéadienne de la divination, mais ne croit pas qu'il y ait eu chez lui un refus
total de celle-ci.
151 L'expression est d'A. Yon dans son édition du De fato, Paris, « Les Belles
Lettres», 1933, p. XIV. On trouvera une synthèse des travaux sur les sources du
De fato dans O. Hamelin, Sur le De fato, publié par M. Conche, Ed. de Mégare,
1978, p. 5-7. L'hypothèse de l'utilisation par Cicéron d'une œuvre d'Antiochus,
reposant elle-même sur la dialectique carnéadienne, est aujourd'hui la plus
communément admise.
152 Cicéron, De fato, 11, 23.
153 La première thèse est celle défendue par M. Dal Pra, op. cit., 1. 1, p. 230,
n. 136 et par L. Robin, op. cit., p. 128-129; celle d'A. Weische est exposée in Cice
ro und die Neue Akademie, p. 47, «Der Ursprung der abendländischen Auffassung
des Willens».
46 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
ne semble pas avoir péché par excès d'originalité158, son rôle fut
néanmoins considérable, parce qu'il servit directement ou indirec
tement de source à tous ceux qui voulaient exposer la philosophie
de la Nouvelle Académie, Cicéron bien sûr, mais probablement auss
iPlutarque159 et Sextus Empiricus 16°. Cependant, malgré le soin
extrême avec lequel il avait consigné les pensées de son maître, il
ne jouit pas dans l'Académie d'une autorité incontestée, puisque
Métrodore de Stratonice, dont Augustin nous dit qu'il fut le pre
mier à ramener l'Académie «sous les lois de Platon», se considérait
comme le seul véritable détenteur de la philosophie de Camèade et
prétendait que si la Nouvelle Académie avait défendu l'idée d'une
acatalepsie universelle, c'était uniquement pour lutter contre le
stoïcisme161. Clitomaque, au contraire, restait fidèle à la suspension
universelle du jugement, à Γέποχή περί πάντων et il donnait de la
philosophie du πιθανόν une expression si figée et si minutieuse162
que l'on comprend qu'elle ait pu être interprétée comme une véri
table doctrine. Ce conflit entre les deux disciples et exégètes de la
pensée carnéadienne est présent dans le Lucullus à propos de la
sagesse, que Clitomaque concevait comme étrangère à l'erreur,
tandis que Métrodore et, après lui, Philon de Larissa admettaient
que le sage pourrait comme tout mortel donner dans certaines ci
rconstances son assentiment à l'opinion. La divergence entre Acadé
miciens sur ce point précis a été diversement appréciée. Considérée
pendant longtemps comme un clivage important, elle a été minimi-
J. Glucker, op. cit., p. 107 sq. Clitomaque resta à la tête de l'Académie jusqu'en
110 av. J.-C.
158 Cicéron, Or., 16, 51 : Camèade affirmait que Clitomaque disait les mê
mes choses que lui, mais que Charmadas les disait aussi de la même façon.
159 Pour H. von Arnim, S.V. F., I, p. XIV, les deux traités antistoïciens de Plu
tarque ont pour source une œuvre de Clitomaque. Cette thèse a été contestée
par M. Pohlenz, Plutarchs Schriften gegen die Stoiker, dans Hermes, 74, 1939,
p. 133, qui a plaidé pour une source tardive, mais perpétuant la tradition de la
Nouvelle Académie. Sur ce problème de sources, cf. D. Babut, Plutarque et le
stoïcisme, Paris, 1969, p. 25 sq., qui souligne la part originale de Plutarque dans
l'élaboration de ces traités. Ce même problème a été étudié par J. Glucker, op.
cit., p. 276-280, avec le souci de montrer que rien dans ces dialogues ne permet
de prouver l'existence de l'Académie à l'époque de Plutarque.
160 Clitomaque est cité plusieurs fois par Sextus Empiricus, cf. Hyp. Pyr., I,
33, 220 et 230; Adu. math., II, 20; IX, 1 et 182.
161 Métrodore de Stratonice était un transfuge de l'école épicurienne, cf.
Diog. Laërce, X, 9. C'est dans Contra Ac, III, 41, qu'Augustin fait de lui l'initi
ateur du retour au platonisme dogmatique. Dans YAc. ind., XXVI, 4 sq., il est dit
que Métrodore prétendait avoir été le seul à comprendre la pensée de Camèad
e.
162 Cicéron cite très précisément le premier des quatre livres que Clitoma
que avait écrits sur Γέποχή (Luc, 31, 98) et le livre envoyé par Clitomaque au
poète Lucilius (ibid., 32, 104).
48 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
sée par M. Dal Pra, qui l'a interprétée comme une divergence de
forme, beaucoup plus que de fond 163. Quel que soit le jugement que
l'on porte sur la question, et nous aurons à nous prononcer à ce
sujet, on ne peut contester un fait essentiel : après Camèade, la
Nouvelle Académie commence à s'interroger sur elle-même, sur le
sens d'une dialectique qu'elle avait jusqu'alors pratiquée de manièr
e systématique, mais en se gardant bien de préciser ce qui relevait
des impératifs de la lutte contre le stoïcisme et ce qu'elle pouvait
assumer. De manière assez paradoxale, ce fut Clitomaque, défen
seurintransigeant de 1 'εποχή et virtuose de la réfutation des dog
matiques, comme l'atteste Sextus, qui donna la version la plus posi
tive du πιθανόν carnéadien, tandis que Métrodore, que l'on consi
dère comme le premier responsable de l'affaiblissement de Γέποχή
de la Nouvelle Académie, peut apparaître d'un certain point de vue
comme le lontain précurseur de l'interprétation «dialectique», fo
rmulée par P. Couissin, et qui a aujourd'hui la faveur de tant de
chercheurs.
Philon de Larissa
163 Cicéron, Luc, 18, 59; 21, 67; 24, 78; 35, 112. En refusant l'assentiment
même occasionnel du sage, Clitomaque restait dans la tradition d'Arcésilas.
Contrairement à M. Dal Pra, op. cit., t. 1, p. 297-298, G. Striker, Sceptical strate
gies,p. 55-57, a accordé une très grande importance à ce différend des disciples
de Camèade.
164 Dans l'article de la RE, XIX, 2, 1938, col. 2535-2537, von Fritz donne
pour Philon les dates suivantes: naissance 161/160 av. J.-C; accède à la fonc
tion de scholarque en 110/109; meurt en 86-85. Cette datation est contestée par
T. Dorandi, Filodemo e la fine dell'Academia (PHerc 1021, XXXIII-XXXVI), dans
CronErc, 16, 1986, p. 113-118 : naissance 158 et 84/3 pour la mort. Par ailleurs,
contrairement à ce qu'affirme D. Sedley dans son compte-rendu de J. Glucker,
The end of the Academy, Phronesis, 26, 1981, p. 67-75, rien ne prouve que Philon
ait abandonné l'interprétation de Clitomaque avant ses livres romains, cf. infra,
p. 267, n. 75.
LA NOUVELLE ACADÉMIE 49
165 L. Robin, op. cit., p. 133; J. Glucker, op. cit., p. 88 : Philo was mediocre
and colourless. Until his election to the exalted position of Plato's successor, no
one had heard of him. . .
166 plutarque, Cicéron, 3, 1, dit même de Philon de Larissa qu'il était celui
des disciples de Clitomaque que les Romains admirèrent le plus.
167 Cicéron, Tusc, II, 3, 9.
168 Cicéron, Luc, 4, 11-12.
169 Ibid.
170 Cicéron, Ac. post., I, 4, 14 : Quamquam Antiochi magister Philo, magnus
uir, ut tu existimas ipse, negai in libris, quod coram etiam ex ipso audiebamus,
duas Academias esse erroremque eorum qui ita putarunt coarguit.
171 Sex. Emp., Hyp. Pyr., I, 33, 235; cf. infra, p. 295-297.
50 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
183 Cicéron, Luc, 43, 132: «Antiochus, qui se targuait d'être Académicien,
était, à peu de chose près un Stoïcien tout à fait authentique». Il est à remar
quer,cependant, que, même dans le Lucullus, Cicéron a des paroles d'estime et
d'amitié pour son ancien maître, cf. 35, 113 : . . .Antiochus in pritnis, qui me
ualde mouet, uel quod amaui hominem, sicut ille, me, uel quod ita iudico, politis-
simum et acutissimum omnium nostrae memoriae philosophorum.
184 Augustin, Contra Ac, III, 6, 15.
185 Cf. le jugement, provisoire et néanmoins sévère, de J. Glucker, p. 379.
Pour une approche beaucoup plus favorable à Antiochus, cf. A. Michel, La phi
losophie en Grèce et à Rome de - 130 à 250, dans Encyclopédie de la Pléiade,
Histoire de la philosophie, t. 1, Paris, 1969, p. 794-801.
186 Sur la vie et les activités philosophiques d'Antiochus d'Ascalon, nous
renvoyons le lecteur à J. Glucker, passim, et plus précisément p. 1-31, p. 98-120,
où il démontre qu'Antiochus ne fut jamais scholarque en titre de l'Académie.
187 Cicéron, Luc, 22, 69.
188 Augustin, Contra Ac, III, 18, 41.
189 Diog. Laërce, IV, 42.
190 Cicéron, Luc, 22, 70. Sur la présence chez Plutarque, Cicéron, 4, 1 sq., de
la tradition hostile à Antiochus, cf. D. Babut, op. cit., p. 198, qui fait remarquer
que dans d'autres Vies (Lucullus, 42, 3 et Brutus, 2, 3), Plutarque est plus neutre
à l'égard de l'Ascalonite. Pour Babut, c'est le passage de la Vie de Cicéron qui
reflète la véritable opinion de Plutarque à l'égard d'Antiochus. Sur la date pré
cise de la sécession d'Antiochus, cf. D. Sedley, op. cit., p. 70, qui, contestant la
LA NOUVELLE ACADÉMIE 53
datation proposée par Glucker (début des années 90), fait coïncider cet événe
ment avec le départ en exil des Académiciens.
191 Cicéron, Brutus, 91, 315.
192 Ibid., p. 112.
193 Sur l'œuvre de M. Giusta, cf. infra, p. 66-68.
194 Sur ce point, cf. notre article, La dialectique. . ., p. 124-125.
54 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
Conclusion
199 Sur l'importance de cette différence entre hommes et dieux dans l'œu
vrede Platon, cf. notamment G. Vlastos, Socrates disavowal of knowledge, dans
PhQ, vol. 35, η. 138, 1985, p. 1-31.
56 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
20 Ibid., p. 309.
21 Cicéron, Ait., XII, 52, 3, cf. infra, p. 181-186.
22 Comme l'avait justement souligné P. Boyancé dans son article Les mé
thodes de l'histoire littéraire : Cicéron et son œuvre philosophique, repris dans
REL, 14, 1936, p. 288-309; Études sur l'humanisme cicéronien, Bruxelles, 1970,
(p. 199-221), p. 204.
CICÉRON ET LA NOUVELLE ACADÉMIE 65
40 P. Grimai, Cicéron était-il philosophe?, dans REA, 64, 1962, (p. 117-126),
p. 121.
41 Ibid.
42 Dans son récent Cicéron, Paris, 1986, P. Grimai consacre le chapitre
XVII, p. 345-370, à l'analyse des traités philosophiques cicéroniens.
43 P. Grimai, Les jardins romains, Paris, 19843, p. 71-72, p. 363.
44 P. Grimai, Contingence historique et rationalité de la loi dans la pensée
cicéronienne, dans Helmantica, 28, 1977, p. 201-209.
45 A. Michel, Les rapports de la rhétorique et de la philosophie dans l'œuvre
de Cicéron. Essai sur les fondements philosophiques de l'art de persuader, Paris,
1960.
46 Cf. ibid., p. 233 : «II essaie donc de reconstruire dans l'Idéal ce qu'il n'est
pas sûr d'observer dans une réalité toujours obscurcie».
72 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
54 U.
« Ibid.
Knoche, Cicero : Ein Mittler griechischer Geisteskultur, dans Hermes,
87, 1959, p. 57-74.
55 Κ. Büchner, Cicero, Grundzüge seines Wesens, dans Gymnasium, 62,
1955, p. 299-318, repris dans Das neue Cicero Bild, Darmstadt, 1971, p. 417-445.
Dans ce recueil, les remarques concernant Yadrogantia et la uerecundia se trou
vent p. 428-430.
56 W. Burkert, Cicero als Platoniker und Skeptiker, dans Gymnasium, 72,
1965, p. 175-200.
57 L'anecdote est racontée par Sénèque le Rhéteur, Contr., 7, 3, 9, et par
Macrobe, Sat., 2, 3, 10. Cités par W. Burkert, p. 175.
58 ibid., p. 191-194.
59 Ibid., p. 197.
74 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
60 Ibid., p. 195.
61 Nous avons voulu nous limiter dans cette tentative de status quaestionis
aux travaux qui nous ont paru les plus significatifs de l'évolution de la réflexion
sur le sens de la philosophie cicéronienne. Cela imposait un choix, qui ne cor
respond nullement à la sous-estimation d'autres travaux remarquables, parmi
lesquels ceux de : V. Guazzoni Foa, // metodo di Cicerone nell'indagine filosofica,
dans RFN, 48, 1956, p. 293-315; Κ. Kumaniecki, Tradition et apport personnel
dans l'œuvre de Cicéron, dans REL, 37, 1959, p. 171-183; H. Fuchs, Ciceros Hin
gabe an die Philosophie, dans MH, 16, 1959, p. 1-28; L. Alfonsi, Cicerone filosofo.
Linee per lo studio del suo iter speculativo, dans SÄ, 9, 1961, p. 127-134; J. C.
Davies, The originality of Cicero's philosophical works, dans Latomus, 30, 1971,
p. 105-119.
62 E. Havet, Pourquoi Cicéron a-t-il professé la philosophie académique?,
dans Travaux de l'Ac. des Se. mor. et pol, VIe série, 21 1884, (p. 660-671),
p. 660.
CICÉRON ET LA NOUVELLE ACADÉMIE 75
74 P. Grimai, op. cit., p. 299-300. Paul Emile avait déjà tenu à ce que parmi
les précepteurs de ses fils il y eût des philosophes grecs, cf. Plutarque, Paul
Emile, 6, 8, et l'on sait combien fut importante pour l'hellénisme romain sa
décision de transporter à Rome la bibliothèque du roi Persée. L'ambassade de
155 avait elle-même été précédée vers 169 par celle de Cratète, grammairien
mais aussi philosophe stoïcien, envoyé auprès du Sénat par le roi Attale, cf.
Suétone, De gramm., 2, 1, et Varron, De ling, lot., IX, 1, qui met en évidence
l'inspiration stoïcienne de Cratète. Par ailleurs, le fait qu'en 161 le Sénat ait
demandé au prêteur de M. Pomponius de chasser de Rome rhéteurs et philoso
phes (Suét., De gramm., 25, 1 et Gell., XV, 11, 1, = Garbarino 76) montre bien
que les conservateurs romains n'avaient pas attendu l'arrivée de Camèade pour
s'émouvoir du danger que représentait pour le mos maiorum le succès de l'he
llénisme et plus particulièrement de la philosophie.
75 Plutarque, Cato Maior, 22, 1 sq., et notamment 23, 1 : «il n'agissait point,
comme quelques-uns le croient, par suite d'une hostilité particulière contre Car-
néade, mais d'une aversion générale à l'égard de la philosophie et parce qu'il se
faisait un point d'honneur de mépriser tous les arts et la culture de la Grèce».
76 Plutarque, ibid., 22, 3. C'est dans De or., II, 37, 154-155, que Cicéron
raconte que Scipion, Lélius et Furius, les interlocuteurs du De republica donc,
se trouvaient parmi les auditeurs de Cameade. Dans De or., III, 18, 68, c'est
Q. Mucius Scaevola qui nous est présenté comme ayant écouté l'Académicien
alors que lui-même était adulescens. Par ailleurs, J.-M. André a bien voulu nous
signaler un passage de Varron, Agatho 6 (6), dans Satires Ménippées, 1. 1, J.-P.
Cèbe éd., qui suggère ce que pouvait être l'état d'esprit de certains de ces jeunes
gens :
neque auro aut genere out multiplici scientia
sufflatus quaerit Socratis uestigia.
78 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
Q. Lutatius Catulus
Lucilius
92 Cicéron, Luc, 32, 102 : Accipe quem ad modum eadem dicantur a Clito-
macho in eo libro quem ad C. Lucilium scripsit poetam, cum scripsisset isdem de
rebus ad L. Censorinum, eum qui consul cum M' Manilio fuit. Le fait que Clit
omaque ait pu dédier la même œuvre d'abord au consul, puis au poète, a intri
guéC. Cichorius, Untersuchungen zu Lucilius, Berlin, 1908, p. 41, qui en a déduit
que l'Académicien avait choisi un second dédicataire afin de montrer ainsi sa
condamnation de l'action de Censorinus pendant la troisième guerre punique.
On peut cependant remarquer que Clitomaque, dans la Consolation qu'il avait
adressée à ses compatriotes, combattait l'idée que la ruine de sa patrie pût affli
gerle sage, cf. Tusc, III, 22, 54.
93 Sur ce personnage, cf. l'article Manilius12 de la RE, 14, 1928, p. 1135 sq.,
signé de F. Münzer; G. Garbarino, op. cit., t. 2, p. 417, n. 1.
94 L'intérêt de Clitomaque pour le monde politique romain est confirmé
par le fait que Plutarque, Reg. et imp. apopht., 200 e, mentionne un mot de lui
(très exactement une citation d'Homère) à propos de l'ambassade de Scipion en
Orient.
95 Sur la vie de Lucilius on se reportera à l'article de W. Krenkel, Zur Bio
graphie des Lucilius, dans ANRW, I, 2, 1972, p. 1240-1259 et à l'introduction de
F. Charpin à son édition des Satires, Paris, «Les Belles Lettres», 1978. L'image
que l'on retire des différents témoignages antiques et des Satires elles-mêmes
est celle d'un grand propriétaire foncier, volontairement absent de la vie politi
que, mais observateur caustique de celle-ci. Sur l'appartenance de Lucilius à
l'entourage de Scipion Emilien, cf. P. Grimai, op. cit., p. 342 sq. Sur l'influence
82 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
qu'a pu exercer Panétius sur Lucilius, cf. A. Novara, Les idées romaines sur le
progrès d'après les écrivains de la République, t. 1, Paris, 1982, p. 131-159.
96 G. Garbarino, op. cit., t. 2, p. 486-487.
97 Lucilius, Satires, II, 19, éd. F. Charpin = Fin., I, 3, 9.
Graecum te, Albuci, quam Romanum atque Sabinum
municipem Ponti, Tritanni, centurionum,
praeclarorum hominum ac primorum signiferumque
maluisti dici. Graece ergo praetor Athenis,
id quod maluisti, te, cum ad me accedis, saluto :
χαίρε, inquam, Titel Lictores, turma omnis chorusque :
χαίρε, Titel Hinc hostis mi Albucius, hinc inimicus.
Cicéron lui-même dit au sujet d'Albucius dans le Brutus, 35, 131, qu'il était pae-
ne Graecus et perfectus Epicureus.
98 Sur les «harmoniques» entre la tradition romaine et la philosophie du
Moyen Portique dans la poésie de Lucilius, cf. P. Grimai, op. cit., p. 344.
99 Lucilius, Satires, XXVI, 17 : nec doctissimis (ego scribo, nec scribo indoc-
tissimis ). La deuxième partie du vers est une restitution de Terzaghi dans son
édition des Satires. Les manuscrits donnent nec doctissimis Manilium.
100 Ibid., XXIX, vers 830-833 Marx. Le passage en question est Charmide,
154 b.
CICÉRON ET LA NOUVELLE ACADÉMIE 83
ble génie présent en tout homme101. Cette science des textes plato
niciens et académiciens, il l'avait certainement acquise en les étu
diant sous la direction de Clitomaque, ou en lisant des doxogra-
phies élaborées dans l'Académie;
- on trouve dans les Satires un certain nombre de vers qui
montrent une excellente connaissance du monde philosophique et
de son histoire 102. Pour Marx la source de ceux-ci serait Panétius 103,
mais ne faut-il pas plutôt penser que le poète avait lu le Περί αιρέ
σεων de Clitomaque, cette histoire des sectes philosophiques, dont
on peut imaginer, étant donné le pointillisme de l'Académicien,
qu'elle constituait une véritable mine de renseignements sur les
différentes écoles, et tout particulièrement sur l'Académie?
- le genre satirique, lieu par excellence de l'esprit critique et
même de la dérision, était destiné à coïncider sur certains points
avec la dialectique de la Nouvelle Académie. Lorsque Lucilius
condamne les pratiques divinatoires ou les fictions mythologiques,
n'y a-t-il pas déjà là les prémices du De diuinatione et du De natura
deorum104? D'une manière plus générale, la réflexion du poète sur
la capacité des hommes à se tromper, à confondre la réalité et l'i
l usoire, rejoint le thème central de la philosophie néoacadémicienn
e. En ce sens le omnia fida nera putant du livre XV 10S est beau
coup plus qu'un simple commentaire sur la naïveté des supersti
tieux, il exprime à la fois un état d'esprit et une culture philosophi
que, celle précisément que nous retrouverons dans les Académiq
ues, lorsque Cicéron montrera à Lucullus avec quelle facilité l'es
prit humain confond les représentations vraies et celles qui ne le
sont pas 106.
Le témoignage du De oratore
107 Cicéron, De or., I, 13, 57 : M. Marcellus hic noster . . . turn erat adulescen-
tulus his studiis mirifice deditus. En dehors de ce passage nous ne savons mal
heureusement rien de ce Marcellus.
108 Cicéron n'écrira-t-il pas à Varron lorsqu'il lui dédiera la deuxième ver
sion des Académiques, Fam., IX, 8, 1 : Puto fore ut, cum legeris, mir ere nos id
locutos esse inter nos quod numquam locuti simus. Sed nosti morem dialogo-
rum?
109 Sur l'éloquence d'Antoine, cf. A. Michel, Rhétorique et philosophie . . .
p. 246 sq., et G. Calboli, L'oratore M. Antonio et la Rhetorica ad Herennium, dans
GIF, N.S., 3, 1972, p. 120-177.
110 Antoine se refuse à condamner la culture grecque et il définit sa position
par rapport à la philosophie en citant un vers d'Ennius, ibid., 27, 156: ac sic
decreui philosophari potius, ut Neoptolemus apud Ennium «paucis : nom omnino
haud placet». Cette même référence se trouve dans Tusc, II, 1.
111 Cicéron, De or., II, 27, 156: imminuit enim et oratoris auctoritatem et
orationis fidem.
CICÉRON ET LA NOUVELLE ACADÉMIE 85
112 Ibid., I, 18, 82 : cum pro consule in Ciliciam proficiscens uenissem Athe-
nas ... Il avait été prêteur en 103 et il avait obtenu la Cilicie avec des pouvoirs
proconsulaires, cf. Liv., Epit., XXXIV, 1.
113 Ibid., 83 sq.
114 Ibid., 21, 94, où il dit que c'est après avoir entendu charmadas qu'il écri
vitson libellus sur l'art rhétorique. Il est à noter que Cicéron juge cet opuscule
avec sévérité, Brutus, 44, 163, le qualifiant de sane exilent libellum.
115 Ibid., II, 18, 75. C'est au § 131 de ce même livre qu'Antoine fait l'éloge de
Yusus, de la pratique du forum. Ses attaques contre les rhéteurs se trouvent
dans les § 133 sq.
116 La distinction sera rappelée par Cicéron dans V Orator, 5, 18, avec une
formulation encore plus nettement platonicienne : insidebat uidelicet in eius
mente species eloquentiae . . . Elle est reprise par Quintilien, Inst. or., I, 10, 8; III,
1, 19 et Prœm. de VIII, 13.
117 Ce trait du caractère d'Antoine est bien mis en évidence dans le portrait
que fait Cicéron de cet orateur dans le Brutus, 37, 139. Il y dit, en effet, qu'Ant
oineparaissait toujours se mettre à parler sans aucune préparation, mais qu'en
86 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
réalité il s'était si sérieusement préparé que les juges étaient parfois pris au
dépourvu.
118 De or., III, 20, 75.
119 Ibid.,1, 11,47.
120 Ibid., 11,48-16, 74.
121 Cicéron, Par., Pro, 3 : nihil est tam incredibile quod non dicendo fiat pro
babile, nihil tam horridum, tam incultum quod non splendescat oratione et tam-
quam excolatur.
122 Cicéron, De or., I, 15, 68.
CICÉRON ET LA NOUVELLE ACADÉMIE 87
L'école d'Aristus
135 Aug., Cm. Dei, XIX, 1-2. Sur la formation de la philosophie de Varron,
on consultera l'article M. Terentius Varrò de la RE, Sup. 6, 1935, p. 1172-1177;
D'Agostino, Sulla formazione mentale di Vairone Reatino, dans RSC, 5, 1955,
p. 24-31 ; M. Giusta, op. cit., t. 1, p. 106-112 et 287-288.
136 P. Boyancé, Sur la théologie de Varron, dans REA, 57, 1955, p. 57-75;
nous reviendrons sur cette question, cf. infra, p. 552-556. Sur la présence d'Anti
ochus et de Varron dans la tradition grammaticale latine, cf. A. Michel, Le phi
losophe et l'antiquaire. A propos de l'influence de Varron sur la tradition gramm
aticale, dans Varron, grammaire antique et stylistique latine, Paris, 1978,
p. 162-170.
137 Cicéron, Tusc, V, 8, 22; cf. égalelement Brutus, 97, 332.
CICÉRON ET LA NOUVELLE ACADÉMIE 91
ble confirmée par une lettre à Atticus, écrite d'Athènes même, dans
laquelle il emploie l'expression «sens dessus dessous» (sursum
deorsum) à propos de l'état de la philosophie athénienne138. A cela
on peut ajouter, comme l'a fait J. Glucker139, le fait que, lorsqu'il
envoya son fils faire ses études à Athènes en 45, il l'adressa au Péri-
patéticien Cratippe, pour lequel il éprouvait une grande admirat
ion140, non au successeur d'Aristus, ce qui prouverait sa défiance
envers cette école. Aristus méritait-il si peu d'estime? Plutarque
parle de lui en des termes mesurés, le présentant comme un excel
lenthomme, mais soulignant aussi que dans les débats il était infé
rieur à beaucoup de philosophes141. Ce fut sans doute cette inhabil
eté oratoire qui suscita la réserve de Cicéron, mais elle n'empêcha
pas Brutus de s'attacher à Aristus plus qu'à tout autre philosophe.
Plutarque nous dit, en effet, que le futur tyrannicide ne goûtait
guère la philosophie de la Nouvelle Académie et qu'en revanche il
admirait Antiochus d'Ascalon et fit d'Aristus son ami et son compa
gnon(φίλον δε και συμβιωτήν) 142. Comme pour tous les Romains
que nous avons eu à évoquer, son attachement à l'Académie n'avait
rien d'exclusif, il était le support d'une culture philosophique mar
quée par une curiosité sans entraves doctrinaires. Toutefois, à la
différence d'un Lucullus par exemple, Brutus ne se contentait pas
de généralités, à tel point que, selon son biographe, «il n'y avait
pour ainsi dire aucun philosophe grec dont la doctrine lui fût
inconnue ou étrangère»143. Lorsqu'il arriva à Athènes après le
meurtre de César, et alors même qu'il devait se préparer à la guerr
e,il prit le temps de philosopher avec l'Académicien Théomneste
138 Cicéron, Att., V, 10, 5. Le texte de la lettre est incertain, mais, comme l'a
fait remarquer Glucker, op. cit., p. 112, les seuls mots sûrs philosophia sursum
deorsum, Aristo apud quem eram laissent penser que la personnalité d'Aristus
n'était pas étrangère à l'inquiétude de Cicéron. Contrairement à Glucker, cepen
dant,nous ne considérons nullement invraisemblable le si quid est, est in Aristo,
apud quem eram de Victorius, cette formule nous paraissant bien traduire les
réticences de l'Arpinate à l'égard du frère d'Antiochus.
139 J. Glucker, ibid., p. 119-120. Cratippe avait lui-même été disciple d'Aris
tus, mais il quitta son école pour devenir péripatéticien. Nous savons par Plu
tarque, Cicéron, 24, 7, que l'Arpinate avait obtenu pour ce philosophe le droit de
cité et qu'il avait également demandé à l'Aréopage un décret priant Cratippe
« de demeurer à Athènes et de s'y entretenir avec les jeunes gens pour rehausser
le prestige de la ville».
140 Cicéron, Off., I, 1, 2.
141 Plutarque, Brutus, 2, 3.
142 Ibid. Cf. n. 131 la même expression à propos d'Antiochus.
143 Ibid., 2, 2 : Των δ'Έλληνικών φιλοσόφων ούδενος μέν, ώς άπλως ειπείν,
άνήκοος fjv, ούδ" αλλότριος. Plutarque raconte aussi, ibid., 4, 8, que Brutus ne
cessa d'étudier pendant tout le temps passé dans le camp de Pompée et que, la
veille même de Pharsale, il avait travaillé à rédiger un abrégé de Polybe.
92 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
que Brutus l'ait choisi comme maître suggère qu'il s'agissait d'un
continuateur de la tradition d'Antiochus et non d'un restaurateur
de la Nouvelle Académie150. Ce n'est donc pas à la suspension uni
verselle de l'assentiment que fut formé Horace auprès d'un tel maît
re, encore qu'il évoque une forme du sorite au début de la deuxiè
me épître151, mais à la prudence du jugement, à l'esprit de recher
che et à une éthique du juste milieu. Il est parfois malaisé de dis
tinguer avec précision dans son œuvre ce qui relève de son tempé
rament et ce qui provient de l'enseignement académicien, et cela
d'autant plus que les allusions à l'histoire ou à la philosophie de
l'école platonicienne sont chez lui moins fréquentes que chez Luci-
lius152. Indubitablement ce séjour athénien confirma en lui l'ambi
tion de connaître la vérité des hommes en arrachant par l'ironie
l'enveloppe (la petits) dont ils couvrent leurs turpitudes et de subs
tituer à ce vain jeu d'apparences une juste appréciation des devoirs
de chacun à l'égard de ses parents, de la société ou de l'Etat, cette
sagesse des Socraticae chartae qui, ainsi définie, ressemble étrange
ment au mos maiorum153. Par ailleurs, si l'on rapproche, ce qui à
notre connaissance n'a pas encore été fait, les vers de ÏArs dans
lesquels Horace expose les règles de ce recte sapere du passage des
Partitiones consacré au genre délibératif, on constate qu'il existe
entre ces deux textes une très réelle parenté154. Or, est-il nécessaire
de rappeler que le traité cicéronien, c'est l'Arpinate lui-même qui
nous le dit, a son origine dans l'Académie?
Lucilius, Horace. Le premier et le dernier Romains célèbres
formés dans l'Académie furent donc des poètes satiriques, et même
les plus grands d'entre eux. Peut-être faut-il voir là une sorte d'har
monie entre le genre littéraire le plus spécifiquement romain -
rappelons ici le satura tota nostra est de Quintilien 1S5 - et la pensée
philosophique de l'Académie, les deux ayant pour fin d'amener par
la critique l'homme à une conscience plus exacte de ce qu'il est
réellement. Un autre fait, que nous avons pu constater tout au long
de cette étude, mérite d'être souligné ici : les sympathisants ro
mains de l'Académie étaient des optimates très attachés à l'organi
sationtraditionnelle de la cité, de vigoureux défenseurs des préro
gatives du Sénat. Même s'il est trop tôt pour que nous en dédui
sions des conclusions précises quant à cette rencontre entre le mos
maiorum et la philosophie académicienne, nous pouvons néan
moins déjà rassembler quelques observations.
Les premiers Romains qui fréquentèrent l'Académie étaient,
en règle générale, de hauts personnages à la curiosité intellectuelle
indiscutable, mais n'aspirant pas à une connaissance approfondie
des problèmes théoriques. De passage à Athènes, ils se rendaient
dans la plus ancienne et la plus prestigieuse des écoles philosophi
ques et là, pendant quelques jours, ils discutaient, eux les aristocrat
es de Rome, avec ces aristocrates de la philosophie qu'étaient les
successeurs de Platon. Parce qu'ils se sentaient trop attachés à la
tradition ancestrale pour rechercher une doctrine qui pût se substi
tuerà celle-ci ou même prétendre la justifier, ils appréciaient des
philosophes qui, loin de vouloir leur imposer quoi que ce soit,
savaient défendre et critiquer avec un égal brio tous les systèmes
dans des disputationes qui leur rappelaient les débats des tribu
naux. La suspension du jugement, Γέποχή, d'un Clitomaque ou
d'un Charmadas devenait alors pour eux l'expression de leur pro
pre détachement à l'égard de dogmes étrangers à leur manière de
penser. Ces mêmes hommes se sentaient également proches des
Péripatéticiens, dont l'intérêt pour la rhétorique et la politique, l'a
ttention au sens commun, rejoignaient leurs préoccupations et leur
souci du concret. Ainsi se forma une tradition, à laquelle se ratta
che Cicéron (par l'intermédiaire, en particulier, d'Antoine et de
Crassus, les modèles de sa jeunesse), conciliant Platon, Camèade et
Aristote. Cette continuité ne doit cependant pas occulter un trait
qui est propre à l'Arpinate et à tous les philosophes de son temps :
la volonté de dépasser les généralités, d'aller au fond des problè
mes les plus ardus. Pour nous en tenir aux Académiciens - mais on
155 Quint., Inst. or., X, 1, 93 : Satura quidem tota nostra est, in qua primus
insignem laudem adeptus Lucilius quosdam ita deditos sibi adhuc habet amato-
res, ut eum non eiusdem modo operis auctoribus, sed omnibus poetis praeferre
non dubitent.
CICÉRON ET LA NOUVELLE ACADÉMIE 95
Larissa doit sans doute être expliquée par les ambiguïtés de la pen
sée de celui-ci, par l'absence de maître capable de redonner tout
son lustre à la méthode de Camèade, et aussi par le fait qu'Anti-
ochus avait su habilement récupérer à son profit le prestige de
l'Académie. Mais peut-être y a-t-il des raisons plus profondes qui
nous permettent de mieux comprendre cette absence de la philoso
phie spécifiquement sceptique à une époque où le scepticisme,
comme état d'esprit, n'était nullement négligeable. Si ceux qui
n'adhéraient plus aux valeurs traditionnelles de la cité, ou qui ne
les acceptaient plus de la même manière que leurs ancêtres, ne
furent pas tentés par Γέποχή, n'était-ce pas parce que celle-ci leur
paraissait trop intellectuelle, trop abstraite et, partant, moins pro
pre à exprimer leur détachement de la chose publique que la «so
ciété d'amis» épicurienne? N'était-ce pas aussi parce que les rela
tions entre l'Académie et les optimates, anciennes et parfois pro
fondes, avaient fini par donner l'impression que cette école était
l'alliée de la nobilitas la plus conservatrice? N'était-ce pas, enfin,
parce qu'en dépit du souvenir quelque peu scandaleux de Camèad
e, la philosophie même de la Nouvelle Académie n'était pas sentie
comme pouvant mettre réellement en question les valeurs du mos
maiorum ?
165 Nous n'entrerons pas ici dans le détail des problèmes rhétoriques posés
par le De inuentione. Comme l'a souligné A. Michel dans sa thèse, p. 72 sq., cette
œuvre porte la marque d'influences diverses, celle de Philon bien sûr, mais auss
icelle d'Apollonius Molon, dont le nom «est placé comme une signature à la
fin du premier livre».
166 F. Marx, Prolegomena de l'éd. de la Rhét. ad Her., 1894, s'est fondé sur
AU., XVI, 6, 4, où Cicéron dit qu'il a un uolumen prooemiorum et raconte qu'il
s'est trompé en faisant précéder le De gloria du prooemium d'un des libri Acade-
mici, pour affirmer que l'Arpinate ne recherchait aucun lien véritable entre les
préfaces et le corps du texte. Cf. également le jugement sévère sur ces préfaces
de W. Kroll, dans l'article Tullius de la RE, p. 1091-1092.
167 A. Michel, op. cit., passim, et notamment p. 302 sq. ; P. Giuffrida, / due
proemi del «De inventione» (I, 1-4, 5; II, 1-3, 10), dans Lanx Satura. Nicolao Ter-
zaghi oblata, Gênes, 1963, p. 113-216.
168 F. Solmsen, Drei Rekonstruktionen zur Antiken Rhetorik und Poetik, dans
Hermes, 67, 1932, (p. 133-154), p. 153, où le texte cicéronien est comparé au
Nicoclès d'Isocrate, 5 sq. Cette thèse est aussi, avec quelques nuances, celle de
K. Barwick, Das rednerische Bildungsideal Ciceros, Berlin, 1963, p. 21-24, qui
croit que Cicéron a utilisé non Isocrate lui-même, mais un rhéteur grec à tra
vers une source latine intermédiaire.
100 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
176 Cicéron, Mur., 14, 30, Le fragment du huitième livre des Annales d'En-
nius se trouve également dans Geli., Noci. Au., XX, 10, 1.
177 Contrairement à ce qui a été affirmé par M. Ruch, L'Hortensius de Cicé
ron, histoire et reconstitution, Paris, 1958, p. 33, le Cicéron de la guerre civile n'a
pas abandonné cet idéal, cf. Tusc, I, 4, 7: «inversement, j'entends ne point
sacrifier mon goût ancien pour l'éloquence tout en me consacrant à cet art plus
grand et plus fécond qu'est la philosophie : j'ai toujours estimé en effet que, en
philosophie, l'idéal serait de pouvoir traiter les hauts problèmes dans une for
me riche et brillante».
178 Pline, Hist, nat., XXXV, 64-66; Denys d'Haï., De imitatione, 6, 1 ; on trou
veune allusion à Val. Max., Ill, 3, 7, ext. 3; Plutarque, ap. Stobée, Ed., IV, 20,
34 = frg. 134 Sandbach.
179 P. Giuffrida, op. cit., p. 163.
180 Platon, Banquet, 210 a-b : το κάλλος το επί ότφοΰν σώματι τφ επί έτέρω
σώματι άδελφόν έστι.
102 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
181 Platon, Rep., X, 597 d-e. Sur l'attitude de Platon à l'égard de la peinture,
cf. E. Keuls, Plato on painting, dans AJPh, 95, 1974, p. 100-127; Plato and Greek
painting, Leyde, 1978; D. Babut, Paradoxes et énigmes dans l'argumentation de
Platon au livre X de la République, dans Histoire et structure, à la mémoire de
V. Goldschmidt, Paris, 1985, (p. 122-145), p. 134 sq., qui bat en brèche l'interpré
tation traditionnelle.
182 Cicéron, Inu., II, 2, 6.
183 Cf. P. Aubenque, Le problème de l'être chez Aristote, Paris, 1962, p. 75 :
«pour Aristote, il n'y a pas de philosophes médiocres, mais des hommes qui ont
participé avec plus ou moins de succès, un succès dont eux-mêmes ne pouvaient
pas être juges, à une recherche commune ».
184 Cicéron, op. cit., 4.
185 Cicéron, Fin., II, 1 sq. Notre analyse de ce texte diffère de celle qu'en fait
A. Michel, Rhétorique et philosophie . . ., p. 94. Pour lui, en effet, il y a dans les
propos de l'Arpinate un rapprochement entre la méthode de Gorgias et celle
d'Arcésilas. Nous croyons, au contraire, que Cicéron oppose la manière de pro
céder de Gorgias - parler sur n'importe quel sujet - et la dialectique de Socrate
et d'Arcésilas, qui consiste à critiquer les propos de l'interlocuteur. Il est vrai
CICÉRON ET LA NOUVELLE ACADÉMIE 103
que Cicéron dit qu'il critiquerait plus sévèrement Gorgias, nisi hoc institutum
postea translation ad nostros philosophos. Quels sont les philosophes en ques
tion? Cicéron parle de l'Académie (quod quidetn iam fit etiam in Academia),
mais étant donné que le dialogue est censé avoir lieu en 50, il ne peut s'agir que
de l'Ancienne Académie. Cicéron, lui, prétend rester fidèle à la méthode socrati
que et établir un véritable dialogue avec Torquatus, ce qu'il fera jusqu'au § 17.
186 Cicéron, Inu., II, 3, 9-10, cf. infra, p. 119-121.
187 C'est H. von Arnim, Leben und Werke des Dio von Prusa, Berlin, 1898,
p. 112, qui a le premier accrédité l'idée d'un Philon rejoignant la tradition des
Sophistes.
104 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
188 Cicéron, loc. cit. : uerum hoc quidem nos et in hoc tempore et in omni
uita studiose, quoad facultas feret, consequemur. La formule platonicienne κατά
το δυνατόν se trouve, par exemple, dans Crat., 422 d; Pol. 297 b.
189 Cicéron, Nat. de., I, 3, 6 : principes Uli, Diodotus, Philo, Antiochus, Posidon
ius,a quibus instituti sumus. On notera dans cette phrase l'absence de toute
allusion à l'Epicurien Phèdre, qui fut son premier professeur de philosophie et
pour lequel il conserva toujours beaucoup d'estime, cf. Fam., XIII, 1, 2.
190 Cicéron, Brutus, 91, 315. En ce qui concerne les maîtres stoïciens, Diodot
e est évoqué dans le Brutus, 89, 309; Luc., 36, 115; Tusc, V, 39, 113; Fam., IX,
4; XIII, 6, 4, cf. P. Boyancé, Le stoïcisme à Rome, p. 237; pour Posidonius, cf.
ibid., p. 230-236.
191 J. Glucker, Antiochus . . ., p. 106, insiste fortement sur la valeur histori
que de ce texte, preuve selon lui de la fidélité de l'Arpinate à la Nouvelle Acadé
mie.
CICÉRON ET LA NOUVELLE ACADÉMIE 105
192 Cicéron, Mur., 29, 61-31, 66. Sur l'attitude de Cicéron à l'égard des para
doxes, cf. les études de K. Kumaniecki, Ciceros Paradoxa Stoicorum und die
Römische Wirlichkeit, dans Philologus, 101, 1957, p. 113-134 et d'A. Michel, dans
Cicéron et les paradoxes stoïciens, AAntHung, 16, 1968, p. 223-232. Nous revien
drons sur cette question, cf. infra, p. 434 sq. La critique cicéronienne du stoïci
sme de Caton a été étudiée par A. Michel dans sa thèse, p. 555-556, et il conclut à
l'influence d'Antiochus d'Ascalon.
106 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
193 Cicéron, ibid., 20, 63 : nostri, inquarti, Uli a Piatone et Aristotele, moderati
homines et temperati, aiunt apud sapientem ualere aliquando gratiam; uiri boni
esse misereri . . .
194 Ou plus exactement à la philosophie de l'Ancienne Académie que l'Asca-
lonite prétendait avoir ressuscitée et que Cicéron l'accusera d'avoir trahi. Il est
à cet égard intéressant de comparer le passage du Pro Murena avec Luc, 44,
135, où Cicéron dit que les philosophes de l'Ancienne Académie approuvaient le
juste milieu (mediocritates) et la métriopathie, la modération des passions.
195 Cf. infra, p. 275-276.
CICÉRON ET LA NOUVELLE ACADÉMIE 107
201 Cf. supra, p. 53, n. 194. Diogene Laërce, VII, 25, dit que Polémon avait
reproché à son disciple Zenon de lui avoir volé sa doctrine et de l'avoir travest
ie. Cette anecdote est très caractéristique de ce que fut constamment l'attitude
de l'Académie à l'égard du Portique.
202 II suffit pour s'en convaincre de comparer cette expression avec ce que
dit Varron, porte-parole d'Antiochus, à Cicéron, Ac. post., I, 12, 43 : ab antiquo
rum ratione desciscis et ea quae ab Arcesila nouata sunt probas.
203 Cicéron, Fin., V, 3, 8.
CICÉRON ET LA NOUVELLE ACADÉMIE 109
qu'une telle démarche est sur le fond assez peu satisfaisante, car il
importe beaucoup moins de relever l'hétérogénéité des matériaux
que de comprendre comment le mouvement de la pensée de Cicé-
ron dépasse ces oppositions. Or, il nous apparaît que ce qui domine
dans X excursus, comme cela était déjà le cas dans la première pré
face du De inuentione, c'est la nostalgie d'un temps, plus ou moins
mythifié (celui de Lycurgue ou de Solon en Grèce, de Fabricius ou
de Caton à Rome) où les hommes, ne séparant pas la théorie de la
pratique, avaient l'ambition d'embrasser tout le savoir de leur épo
que et en même temps d'être à la tête de leur cité. Cicéron ne se
résigne pas au morcellement que l'histoire, la tentation de l'isol
ement et la diversification de la culture font subir au génie humain,
il lui importe avant tout d'abolir ces cloisonnements qui ont pour
conséquence que le philosophe se refuse à être pleinement orateur,
que le rhéteur se cantonne dans un fatras de petits préceptes et
que l'un comme l'autre considèrent qu'il ne leur appartient pas de
jouer eux-mêmes un rôle actif dans la vie de la cité. Si l'on accepte
cette idée que l'essentiel dans l'excursus est cette aspiration à
l'homme total, à l'épanouissement simultané de toutes les richesses
que recèle la nature humaine, alors le conflit entre philosophie et
sophistique disparaît, ou en tout cas s'atténue fortement. En effet,
pour Crassus, dont il est évident qu'il reflète au moins partiell
ement les idées de Cicéron, ce combat est secondaire et ce qui compt
e vraiment, c'est de ruiner les frontières artificiellement établies
entre le penser, le dire et l'agir, que ce soit en donnant à l'orateur
la formation philosophique la plus vaste possible, ou en le réinté
grant dans la tradition des plus grands Sophistes, tels Hippias, Pro
tagoras et même ce Thrasymaque de Chalcédoine qui s'oppose si
violemment à Socrate dans la République213. Mais le sens d'une tel
le exigence n'apparaît que très confusément si l'on s'en tient aux
cadres de la pensée grecque, trop profondément marquée par la
lutte de Platon contre la sophistique, et cela explique les incertitu
des, le malaise de la Quellenforschung sur cette question. En réali
té,on ne peut comprendre le raisonnement de Crassus que si l'on
donne toute son importance au passage dans lequel il évoque ces
hauts personnages de Rome qui, dans les générations précédant la
sienne, détenaient à la fois le pouvoir et le savoir, «qu'on allait
trouver pour les consulter non seulement sur le droit, mais sur une
fille à établir, une terre à acheter, un champ à cultiver, bref sur
213 Ibid. Thrasymaque est comparé par Platon, Rép., I, 336 b, à une bête
féroce qui s'élance sur Socrate et ses interlocuteurs «comme pour (les) déchi
rer».
112 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
214 Ibid., 33, 133 : ad quos . . . adibatur, non solum ut de iure ciuili ad eos,
uerum etiam de filia collocanda, de fundo emendo, de agro colendo, de omni
denique aut officio out negotio referretur.
215 Sur la continuité entre Térence et Cicéron sur ce point on se référera
notamment à l'article de D. Gagliardi, // concetto di humanitas da Terenzio a
Cicerone. Appunti per una storia del umanesimo romano, dans P§I, 7, 1965,
p. 187-198.
216 Cicéron, op. cit., 18, 67.
217 Ibid., 21, 80.
218 Cf. infra, p. 319-324.
CICÉRON ET LA NOUVELLE ACADÉMIE 113
Le De republica et le De legibus
219 Ibid., 19, 71 : aut uobis haec Carneadia aut Ma Aristotelia uis compren
dendo est.
220 Cotta s'écrie, en effet, au § 145 : me quidem in Academiam totum compuli
sti.
221 On trouvera une discussion du problème des sources du De re publica
dans l'introduction d'E. Bréguet à son édition du dialogue, Paris, « Les Belles
Lettres», 1980, p. 115-125; pour le De legibus, on se reportera à l'ouvrage déjà
cité de P. L. Schmidt, où est confirmée l'hypothèse généralement acceptée de
l'influence antiochienne du premier livre, cf. infra, p. 509.
114 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
222 Cicéron, Rep., I, 10, 15: sic adfirmat ut oculis ea cernere uideatur aut
tractare plane manu.
223 Ibid., 16 sq.
224 Cicéron, Luc, 39, 122 : Latent ista omnia, Luculle, crassis occultata et cir-
cumfusa tenebris.
225 H. Goergemanns, Die Bedeutung der Traumeinkleidung im Somnium Sci-
pionis, dans WS, N.F. 2, 1968, (p. 46-69), p. 65.
226 Cicéron, Fin., V, 29, 87. Sur ce point, cf. W. Burkert, op. cit., p. 195.
227 Cf. Cicéron, Ac. post., I, 12, 46.
CICÉRON ET LA NOUVELLE ACADÉMIE 115
228 Cicéron, Rep., III, 5,9: ut Cameadi respondeatis qui saepe optimas causas
ingeni calumnia ludificari solet.
229 Ibid., 7, 10 = Lact., epit. 50 (55): non quia uituperandam esse iustitiam
sentiebat, sed ut illos defensores eius ostenderet nihil certi, nihil firmi de iustitia
disputare.
230 Citons notamment, dans une bibliographie considérable : R. Harder,
Über Ciceros Somniurn Scipionis, Halle, 1929, dans Kleine Schriften, Munich,
1960, p. 354-395; P. Boyancé, Etudes sur le songe de Scipion, Paris, 1936; A. Mi
chel, A propos de l'art du dialogue dans le «De republica»: l'idéal et la réalité
chez Cicéron, dans REL, 43, 1965, p. 237-261 ; K. Büchner, Somnium Scipionis,
Quellen, Gestalt, Sinn, Wiesbaden, 1976; J.Fontaine, Le Songe de Scipion, pre
mier Anti-Lucrèce, dans Mélanges Piganiol, t. 3, Paris, 1966, p. 1711-1729.
231 Macrobe, In somn. Scip., I, 2, 1-4 = Rep., V, frg. 3 Bréguet.
116 LA NOUVELLE ACADÉMIE ET L'ACADÉMISME CICÉRONIEN
248 Cicéron, Fin., I, 1, 3 : nee modus est ullus inuestigandi ueri, nisi inuene-
ris, et quaerendi defetigatio turpis est.
249 C'est dans le Lucullus, 112 sq., que se trouve l'évocation la plus frappant
e du désaccord des philosophes, cf. également Nat. de., I, 6, 13, où Cicéron
invite l'Académie à arbitrer le différend sur la nature des dieux. Le consensus
des philosophes, qui marquerait la fin de la recherche, est pour Cicéron le seul
valable et il a reproché aux Stoïciens d'avoir invoqué le consensus populaire, cf.
Nat. de., III, 4, 11 : Placet igitur tantas res opinione stultorum iudicari?
250 Fin., loc. cit.
251 W. Burkert, op. cit., p. 187, qui cite Prot., 333b; Rép., 445b; Leg., 639a.
252 Cf., par exemple, Dim., I, 4, 7 : cum omnibus in rebus temeritas in adsen-
tiendo errorque turpis est . . .; Nat. de., I, 1 : quid tarn indignum sapientis grauita-
te et constantia quam aut fabum sentire aut quod non satis explorate perceptum
sit et cognitum sine ulla dubitatione defendere? Sur ce concept de temeritas, l'un
des points de jonction entre la pratique politique de Cicéron et sa philosophie,
cf. infra, p. 633.
CICÉRON ET LA NOUVELLE ACADÉMIE 121
L'explication existentielle
268 Plutarque, Cicéron, 37, 1 : «II multipliait les conseils à titre personnel
par ses lettres à César et, d'autre part, par ses démarches auprès de Pompée,
tâchait de les adoucir et de les calmer l'un et l'autre ». Lui-même fait état de ces
démarches dans la correspondance, cf. Au., VII, 3, 5 et surtout Fam., XVI, 12,
2 : «pour moi, dès que je fus arrivé à Rome, je n'ai cessé de parler et d'agir en
vue de la concorde». Le Césarien Balbus n'hésita pas à utiliser ce thème de la
concorde pour essayer d'amadouer Cicéron, comme le montre la lettre qu'il lui
envoya au tout début du mois de mars 49 ÇAtt., VIII, 15 A).
269 On peut le constater en lisant notamment les lettres Fam., VII, 3 (à
Marius); Fam., IX, 2, 5, 6, 7 (à Varron); Fam., IX, 16 (à Papirius Pétus).
270 Le fait qu'au milieu même du conflit il pensa la situation en termes de
«thèse» est prouvé par la lettre Ait., IX, 4, du 10 ou 11 mars 49, écrite en grec et
qui est une longue méditation sur la conduite à tenir lorsque la patrie est tom
bée sous la domination d'un tyran.
271 Cf. Leg., I, 20, 53-21, 56.
272 Très significative à cet égard est l'exhortation à Brutus {Brutus, 97, 331),
qui montre que l'Arpinate, au moment même où sa situation est la plus critique,
croit encore à l'avenir de la République.
CICÉRON ET LA NOUVELLE ACADÉMIE 125
Les péripéties
1 Cicéron, Att., XIII, 13, 1 : Me haec solitudo minus stimulât quam ista cele-
britas. Te unum desidero; sed litteris non difficilius utor quam si domi essem.
2 Sur le problème général de la chronologie des Académiques, cf. M. Ruch,
λ propos de la chronologie et de la genèse des «Académiques» et du «De finibus»,
dans AC, 19, 1950, p. 13-26, ainsi que les remarques très judicieuses de J. Beau-
jeu, dans son édition de la correspondance, t. VIII, appendice II, p. 302-321.
3 Cicéron, Att., XII, 23, 2 : Quibus consulibus Carneades et ea legatio
Romam uenerit scriptum est in tuo Annali; haec nunc quaero, quae causa fuerit :
de Oropo, opinor, sed certum nescio; et, si ita est, quae controuersiae. Praeterea,
qui eo temporenobilis Epicureus fuerit Athenisque praefuerit hortis, qui etiam
Athenis πολιτικοί fuerint illustres. Quae te etiam ex Apollodori puto posse inueni-
re.
4 Luc, 45, 137. J. Glucker, Antiochus, p. 40, a considéré que cette demande
de renseignements concernait non pas le Lucullus, mais Fin., II, 8, 59. Cepend
ant,s'il est exact que dans ce passage Cicéron cite une pensée de Camèade, il
130 L'ŒUVRE ET LES SOURCES
Cicéron et Varron
δεινός άνήρ, capable de «faire des reproches à des gens sans repro
che » 23. D'où la crainte qui le rend si hésitant : Varron ne s'estime-
ra-t-il pas mal traité dans ces dialogues, ne croira-t-il pas que leur
auteur a voulu briller à ses dépens? Est-ce pour conjurer cette
appréhension ou parce qu'il estime avoir réellement mieux défen
du la cause de Varron que la sienne propre, en tout cas il tient au
sujet de ces Academica des propos assez surprenants : «Je n'ai pas
réussi à donner l'avantage à la cause que je défends. De fait, les
arguments d'Antiochus sont des plus convaincants : dans la forme
que j'ai pris grand soin de leur donner, ils ont la pénétration d'An
tiochus et mon élégance de style, si j'en suis pourvu»24. Si l'on
admet que cette déclaration est sincère - et rien ne permet de
prouver le contraire - il faut lui accorder une importance certaine
pour l'interprétation générale de la philosophie cicéronienne : le
fait que l'Arpinate ait continué à soutenir la Nouvelle Académie
tout en estimant sa théorie de la connaissance moins vraisemblable
que celle d'Antiochus nous confirme que le pourquoi de son orien
tation philosophique doit être cherché ailleurs que dans un scepti
cisme purement gnoséologique.
Dans cette correspondance, qui nous a permis de retracer dans
ses grandes lignes l'élaboration des Académiques, nous avons vu un
Cicéron bien différent de l'image caricaturale que l'on s'est trop
souvent plu à donner de lui. Loin de proclamer une quelconque
autosatisfaction, il s'interroge sur son œuvre et n'hésite pas à faire
preuve d'humour à l'égard de lui-même, conscient du caractère
excessif de ses inquiétudes et de ses scrupules concernant Varron.
Mais n'y avait-il dans ses atermoiements, dans son irrésolution,
rien d'autre que la crainte de froisser la susceptibilité de l'omnis
cient et irascible destinataire? Il nous semble, au contraire, que,
pour donner tout son sens à cette explication, il faut l'enraciner
dans l'analyse de ce que furent les relations de Cicéron avec Var
ron après le retour en Italie25.
Alors que nous n'avons aucune trace de correspondance entre
eux deux avant 46, Cicéron semble très désireux, aussitôt revenu à
Rome, de nouer des liens plus étroits avec cet homme qu'il présen
tera plus tard comme si impressionnant, voire terrifiant. Des let
tres qu'il lui adressa alors J. S. Reid a dit qu'elles sont cold, forced
and artificial26. Tel n'est pas notre avis et nous pensons, au
contraire, que, par leur sincérité même, elles constituent un docu
ment très précieux sur l'état d'esprit de Cicéron à un moment cru
cial de sa vie. Pourquoi, en effet, ce besoin de se confier à un hom
mequi n'avait jamais été de ses intimes, pourquoi cette insistance à
le rencontrer, qui lui fait écrire: «c'est pourquoi, que tu préfères
Tusculum, Cumes ou encore Rome (ce que je ne souhaite pas du
tout) je ferai en sorte, pourvu que nous soyons ensemble, que cha
cun de nous deux considère le lieu de rencontre choisi comme le
plus approprié possible»27? Le fait d'avoir été ensemble à Dyrra-
chium ne suffit pas à tout expliquer et il faut, en réalité, imaginer
ce que pouvait être le sentiment de solitude de Cicéron à son retour
d'Italie28. Méprisé par les Césariens parce qu'il appartenait au
camp des vaincus, honni par une partie des Pompéiens parce qu'il
avait refusé la lutte à outrance, il se posait certainement autant de
questions sur sa conduite passée que sur l'avenir qui l'attendait.
Dans ce climat d'hostilité et d'incertitude (m tantis tenebris29,
écrit-il), Varron avec sa personnalité massive dut lui apparaître à
la fois comme un compagnon de malheur et comme un modèle
possible même si, au fond de lui-même, il savait fort bien que, mal
gré d'incontestables affinités, il ne pourrait jamais régler sa
conduite sur celle du Réatin. Leur communauté de destin est inter
prétée dans ces lettres non comme le fruit du hasard, mais plutôt
comme la conséquence de leur culture philosophique commune.
Au milieu de leurs concitoyens assoiffés de sang, ils ont incarné le
refus de la violence bestiale, la conscience que la victoire dans la
guerre civile constitue «le terme dernier des maux», le τέλος κακών
de philosophes30. Loin de représenter une adhésion sans réserve,
leur engagement aux côtés de Pompée fut de l'ordre de Yofficium,
cet εΰλογον, ce probabile des philosophes, qui dans un choix consti-
26 J. S. Reid, op. cit., p. 49. Il s'agit des lettres Fam., IX, 1-8.
27 Cicéron, Fam., IX, 1, 2, peu après le 20 avril 46: Quamobrem siue in
Tusculano, siue in Cumano ad te placebit siue (quod minime uelim) Romae,
dummodo simul simus, perficiam profecto ut id utrique nostrum commodissi-
mum esse iudicetur, trad. pers.
28 Sur l'état d'esprit de Cicéron à cette époque, cf. notamment K. Kuma-
niecki : Cicerone e la crisi della repubblica romana, Rome, 1973, p. 442 sq.;
P. Grimal, Cicéron, p. 320-344.
29 Cicéron, Fam., IX, 2, 2.
30 Ibid., 6, 3 : extremum malorum omnium esse ciuilis belli uictoriam.
L'ÉLABORATION DES ACADÉMIQUES 135
31 Ibid., 5, 2 : secuti enim sumus non spem sed officium, reliquimus autem
non officium sed desperationem ; le même langage de la philosophie morale se
retrouve dans la lettre 7, 2, où Cicéron écrit : nullum est άποπροηγμένον quod
non uerear. Nous avons modifié la traduction de J. Beaujeu car il nous semble
qu'il faut conserver dans ce passage une véritable première personne du plur
iel, Cicéron associant sa conduite à celle de Varron.
32 Ibid., 6, 4-6; sur le problème des Βίοι dans la philosophie de Cicéron cf.
M. Kretschmar, Oîium, studia litterarum, φιλοσοφία und βίος θεωρητικός im
Leben und Denken Ciceros, Wurzburg-Aumuhle, 1938, et J.-M. André, L'otium
dans la vie morale et intellectuelle romaine, Paris, 1966, p. 279 sq.
33 Ibid., 1,2: Scito enim me posteaquam in Urbem uenerim, redisse cum
ueteribus amicis, id est cum libris nostris in gratiam.
34 Ibid., 6, 5 : Quod nos quoque imitamur ut possumus et in nostris studiis
libentissime conquiescimus ; cf. également 3, 2.
35 Ibid., 2, 2.
36 Varron, frg. 551 Saturarum Menippearum fragmenta, ed. R. Astbury,
Bibliotheca Teubneriana, Leipzig, 1985 : «Forge ta vie par la lecture et l'écritu
re ». A. Garzetti a écrit très justement au sujet de la conduite de Varron : si
inchinò al più forte, senza umiliarse e conservando la sua independenza, dans
136 L'ŒUVRE ET LES SOURCES
Varrone nel suo tempo, Atti cong. di studi Varroniani, t. 1, Réate, 1976, (p. 91-
110), p. 98.
37 Augustin, Ciu. Dei, XIX, 3.
38 G. Boissier, Etude sur la vie et les ouvrages de M. T. Varron, Paris, 1861,
p. 22.
39 Cicéron, Att., XIII, 19, 4 : Quae autem his temporibus scripsi Άριστοτέ-
λειον morem habent, in quo ita sermo inducitur ceterorum ut penes ipsum sit
principatus. Cf. sur ce point les remarques de G. Zoll, Cicero Piatonis aemulus,
Zurich, 1962, p. 63-68.
40 Cicéron, Tarn., IX, 8, en date du 10 ou du 11 juillet 45.
41 Cicéron, Att., XIII, 25, 3 : male mi sit, si umquam quicquam tam enitarl
42 Cicéron, Fam., IX, 8, 1.
L'ÉLABORATION DES ACADÉMIQUES 137
43 Ibid.
44 Ibid. : Puto fore ut, cum legeris, mirere nos id locutos esse inter nos quod
numquam locuti sumus; sed nosti morem dialogorum.
45 Cf. AU., XIII, 13, 1 : Tu illam iacturam feres aequo animo quod ilia quae
habes de Academicis frustra descripta sunt; multo tarnen haec erunt splendidiora,
breuiora, meliora.
46 Plutarque, Lucullus, 42, 4. En revanche, c'est à la dernière version que se
réfèrent Augustin et Lactance.
47 Cicéron, Att., XIII, 13, 1 : grandiores sunt omnino quant erant Uli, sed
tarnen multa detracta. Sur l'aversion de Cicéron à l'égard d'un langage philoso
phique trop technique, cf. Luc, 48, 147.
138 L'ŒUVRE ET LES SOURCES
on laisse de côté donc les problèmes mineurs, tel celui soulevé par
Plezia à propos du rôle d 'Atticus et d'une éventuelle apologie de la
théorie épicurienne de la connaissance dans la dernière version, il
reste néanmoins un problème très considérable pour qui veut com
prendre l'équilibre général de l'œuvre : le contenu du Catulus. En
effet, alors que le Lucullus nous permet d'imaginer ce qu'étaient
les deux derniers libri Academici, en revanche, le long fragment
que nous avons du premier de ceux-ci nous laisse à peine entrevoir
comment était construit le Catulus et ne nous révèle pas à quoi cor
respondait dans ce dialogue la division de la défense de la Nouvelle
Académie entre Cicéron et Catulus59. Pour pallier cette lacune et
pour réduire autant que possible le caractère arbitraire que comp
orte nécessairement toute reconstitution de texte disparu, nous
croyons nécessaire d'analyser d'abord tout ce qui nous est parvenu
des Académiques, puis d'étudier la question des sources, de façon à
avoir le plus grand nombre d'éléments nous permettant de com
prendre ce qu'était l'architecture de chacune des versions de l'œu
vre.
ANALYSE DE L'ŒUVRE.
SES STRUCTURES RHÉTORIQUES
Le prooemium
8 Cicéron, Ac. post., I, 2, 6 : Quid est enim magnum, cum causas rerum effi-
cientium sustuleris, de corpusculorum - ita enim appellai atomos - concursione
fortuita loqui? Il n'est question dans cette phrase que d'Amafinius, mais elle
pourrait tout aussi bien s'appliquer à Lucrèce, ce qui pose le problème du silen
ce de Cicéron sur l'auteur du De rerum natura, ludi patrii sermonis egestas est
déplorée par Lucrèce dans Re. not., I, 832 et III, 260.
9 Ibid., 3, 12. L'exemple de Brutus est certes philosophiquement approp
rié,mais il ne manque pas de sel quand on sait que Cicéron soupçonnait Var
ron d'être jaloux de Brutus, cf. Ait., XIII, 13, 1 et XIII, 18.
10 Cf., outre le prooemium déjà cité de Fin. I; III, 2, 4; Tusc, I, 3, 5; II, 3, 7;
IV, 3, 6; Nat. de., I, 4, 8; Fat., 1.
11 Cicéron, Ac. post., I, 4, 13 : Istud considerato, nee uero sine te.
12 Ibid., 1, 3 : res eas quas tecum simul didici, mandare monumentis philoso-
phiamque ueterem illam a Socrate ortam Latinis Htteris illustrare, et Augustin,
du., XIX, 3 : Haec sensisse atque doeuisse Academicos ueteres Varrò adserit, auc-
tore Antiocho, magistro Ciceronis et suo, quem sane Cicero in pluribus fuisse stoi-
cum quam ueterem Academicum uult uideri.
144 L'ŒUVRE ET LES SOURCES
livres nous ont pour ainsi dire ramenés chez nous, de façon à ce
que nous puissions connaître un jour qui et où nous sommes (qui et
ubi essemus agnoscere»)13. L'érudit Varron a permis aux Romains
de ne plus être «comme des hôtes de passage dans (leur) propre
ville», il leur a donné les moyens de connaître l'histoire, la géograp
hie,les traditions et la religion de celle-ci, il les a incités à se
connaître en tant que citoyens 14. Il a ainsi appliqué le précepte del-
phique, le «connais-toi toi-même», non pas à la conscience indivi
duelle, mais à la conscience collective, il l'a enraciné dans le temps
et dans l'espace de la cité15. Or, pour Cicéron, cette recherche doit
se poursuivre et s'approfondir dans la philosophie qui, ainsi ancrée
dans la réalité de l'Urbs, donnera à l'homme la plus juste idée de
lui-même. L'itinéraire proposé à Varron est donc, d'une certaine
manière, celui qui l'a conduit lui-même du De republica et du De
legibus aux Académiques16.
Ainsi donc, ce premier livre est dès son début placé sous le
signe de la relation étroite entre l'histoire et la philosophie. Mais
depuis Aristote la philosophie s'interroge sur le sens de sa propre
histoire et la discussion philosophique n'est plus, comme dans les
dialogues platoniciens, une reflexion spontanée (au moins en appar
ence), résultant de rencontres contingentes17. Elle s'inscrit dans
une tradition qu'elle se doit de rappeler et, parce qu'elle oppose
des systèmes de pensée plus que des individus, elle est nécessaire
ment, et de manière plus ou moins explicite, la confrontation de
deux visions de l'histoire de la philosophie. Dans les Académiques
cet aspect est tout particulièrement développé puisqu'avant d'être
traité de manière théorique, c'est à dire à propos du critère de la
connaissance, l'opposition du doute et de la certitude prend la for
me d'un débat sur ce que fut l'histoire de l'école platonicienne.
Le discours de Varron
Cet exposé est le document le plus complet qui nous soit parve
nu sur la pensée d'Antiochus d'Ascalon et, à ce titre, il pose de dif
ficiles problèmes philosophiques. Nous ne chercherons ici qu'à
déterminer aussi précisément que possible quelles sont la thèse et
la méthode qui le caractérisent.
Pour Varron, la philosophie a connu un certain nombre de
tâtonnements avant de parvenir à l'élaboration d'une doctrine parf
aite. Plus exactement, il distingue trois moments, on serait tenté
de dire trois âges :
- l'époque des «physiciens», c'est-à-dire celle d'une réflexion
consacrée exclusivement à l'étude des problèmes naturels18. Il est
à remarquer que Varron est fort bref à leur sujet, laissant sans
doute pour un autre entretien la démonstration que, contrairement
à ce qu'affirmait la Nouvelle Académie, ces physiciens n'étaient
pas des Sceptiques. Si l'on se réfère à la première version, on const
ate que la thèse du dogmatisme des philosophes de la nature est
défendue dans le Lucullus par Lucullus, ce qui suggère qu'il en a
été peu question dans le Catulus dont notre livre est la metaphras
e19;
- la rupture socratique, c'est-à-dire l'abandon de la physique
au profit de la dialectique et de la morale20. Cette image de Socra-
te comme fondateur d'une philosophie délaissant l'univers pour
s'intéresser uniquement à l'homme - «Socrate, de qui dérive toute
notre philosophie relative à la conduite et aux mœurs», dira Cicé-
ron dans les Tusculanes21 - est fort ancienne puisqu'on la trouve
déjà chez Xénophon, et surtout chez Aristote, qui affirme dans la
Métaphysique que «Socrate ne se soucia en rien de la physique»22.
Elle est également présente, avec une forte connotation religieuse,
chez Philon d'Alexandrie, qui s'en est servi pour son interprétation
allégorique de la figure d'Abraham : comme l'Athénien, le patriar-
28 Cicéron, Ac. post., I, 5, 19: primam partem illam bene uiuendi a natura
repetebant eique parendum esse dicebant. Nous montrerons dans la partie consa
créeà l'éthique que, contrairement à ce qu'affirmait Antiochus, le principe de
Γοίκείωσις fut une découverte stoïcienne, même s'il avait des précédents acadé-
mico-péripatéticiens.
29 Ibid., 7, 29. Antiochus pouvait s'appuyer pour attribuer une telle concept
ion à l'Ancienne Académie sur la postérité du livre X des Lois, dans lequel Pla
ton développe une conception de la Providence, en apparence au moins, très
proche de celle des Stoïciens, cf. sur ce point l'excellente étude de J. Moreau,
L'âme du monde de Platon aux Stoïciens, Paris, 1939, notamment p. 80-84.
30 Ibid., 8, 32 : res ... ita mobiles et concitae, ut nihil umquam unum esset
aut constans. Ce passage a été utilisé par H. J. Krämer, Platonismus . . ., p. 62,
pour affirmer la continuité entre Platon, l'Ancienne et la Nouvelle Académies.
31 M. Isnardi Parente, éditrice de Speusippe et de Xénocrate, cf. supra,
p. 20, n. 47, n'a pas fait figurer ce passage dans les témoignages sur la pensée
de ces philosophes.
32 Cf. Isnardi Parente, Speusippo, frg. 34-37 et Senocrate, frg. 92-122.
33 Cicéron, Ac. post., I, 7, 25-29. Sur ce passage cf. infra, p. 552-556.
34 Nous détournons ainsi volontairement de son sens l'expression employée
par H. Cherniss dans le titre de son livre, cf. supra, p. 20, n. 47, qui est consacré
148 L'ŒUVRE ET LES SOURCES
Le discours de Cicéron
40 Cf. sur ce point Sextus, Adu. Math., VII, 16. L'ordre de Xénocrate était :
physique-éthique-logique.
41 P. Boyancé, op. cit., p. 136.
42 Cf. supra, p. 15.
43 Montaigne, Essais, II, 12, p. 502 éd. Villey.
ANALYSE DE L'ŒUVRE 151
Le Lucullus
Le prooemium
52 Cicéron, Ait., XIII, 32, 3, écrite de Tusculum le 19 mai 45 : his libris noua
prohoemia sunt addita, quibus eorum uterque laudatur.
53 Les manuscrits donnent dans cette lettre la graphie prohoemia qui a été
conservée par les éditeurs.
54 M. Ruch, op. cit., p. 263-267; A.B. Krische, op. cit., p. 140, avait, au
contraire, affirmé que la séparation entre les deux préambules se fait au § 9.
55 La tradition purement romaine est celle de la laudatio funebris, dépouill
ée d'ornements rhétoriques. Mais, d'une part, Cicéron se montre fort sévère à
l'égard de cette tradition nationale qu'il estime peu conforme à l'objectivité his
torique (cf. Brutus, 16, 62) et, d'autre part, il reconnaît (De or., II, 84, 341) l'exi
stence d'un certain syncrétisme entre la laudatio grecque et celle des Romains.
Sur la réserve cicéronienne à l'égard de ce genre, cf. M. Durry, Laudatio funeb
riset rhétorique, dans RPh, 68, 1942, p. 105-114.
56 Cicéron, De or., II, 84, 344 : omnes enim hae uirtutes non ipsis tam, qui
eas habent, quant generi hominum fructuosae putantur.
57 Ibid.
58 Cicéron, Luc, 1, 3 : in eodem tanta prudentia fuit in constituendis tempe-
randisque ciuitatibus, tanta aequitas, ut hodie stet Asia Luculli institutis seruan-
dis et quasi uestigiis persequendis. Sur l'organisation des cités d'Asie par Lucull
us, cf. Van Ooteghen, op. cit., p. 35 sq., qui souligne la «mansuétude» dont fit
preuve Lucullus.
59 Ibid., 1, 2.
154 L'ŒUVRE ET LES SOURCES
63 Cicéron, Luc, 2, 5.
64 Cicéron, Fin., I, 1, 2 : «Je trouverais presque plus légitime l'intransigean
ce de tout à l'heure, nous interdisant la philosophie, que cette prétention de
fixer une limite à des choses qui n'en comportent pas et de vouloir de la mesure
en une chose qui vaut d'autant plus qu'elle est la plus grande ».
65 Cf. J.-M. André, op. cit., p. 264 sq., et notamment p. 331 : «Par tempéra
ment et par scrupule Cicéron ne peut accepter la vie contemplative : il peut tout
au plus en accepter l'idée, quand déboires et chagrins le chassent de la vie
sociale ... Ce qui reste bien établi, c'est que l'otium ne saurait avoir pour lui de
valeur absolue, non plus que le Βίος θεωρητικός : il y voit une tâche de vieilles
se, ou plutôt une assurance contre les dangers de la vieillesse, si présents dans
le De senectute et dans le De officiis. C'est la raison pour laquelle nous assistons,
dans les prooemia, au dialogue éternellement recommencé de Cicéron avec sa
conscience»; sur la relation de Yotium et de la dignitas dans Sest., 45, 98, cf. les
articles classiques de P. Boyancé, Cum dignitate otium, dans REA, 43, 1948, p. 5-
22, dans Études..., p. 114-139, et de C. Wirszubski, Cicero's cum dignitate
otium : a reconsideration, dans JRS, 44, 1954, p. 1-13, le premier insistant sur
l'aspect philosophique, et notamment péripatéticien de la formule, le second
sur ses implications politiques. Il est à noter que dans YHortensius, frg. 92
Ruch, Cicéron affirme que la connaissance de la nature doit être l'unique objet
de notre volonté, tout le reste nous étant imposé par la nécessité.
66 Cicéron, Au., II, 16, 3.
1 56 L'ŒUVRE ET LES SOURCES
qu'il faudra aller plus loin dans cette direction et nous demander si
le dialogue tout entier n'est pas, sous une forme indirecte, un
chant à cette libertas que le peuple romain venait de perdre.
Le discours de Lucullus
80 Ibid., 7, 19.
81 P.Valéry: Le cimetière marin, v. 12.
82 Luc, 4, 11-12, cf. supra, p. 52.
160 L'ŒUVRE ET LES SOURCES
102 Ibid., 8, 25 : Mud autem quod mouet prius oportet uideri eique credi,
quod fieri non potest, si id quod uisum erit discerni non potest a falso. Quo modo
autem moueri animus ad appetendum potest, si id quod uidetur non percipitur
accomodatumne naturae sit an alienum? Itemque, si quid offidi sui sit non
occurrit animo, nihil umquam omnino aget, ad nullam rem umquam impelletur,
numquam mouebitur. Nous avons légèrement modifié la traduction de la Pléia
de.Sur le problème philosophique de la ορμή, cf. infra, p. 214, n. 24.
ANALYSE DE L'ŒUVRE 165
105 Cicéron, Luc, 10, 31 : Ergo ei qui negant quicquam posse comprehendi,
haec ipsa eripiunt uel instrumenta uel ornamenta uitae uel potius etiam totam
uitam euertunt funditus ipsumque animal orbant animo, ut difficile sit de temeri-
tate eorum, perinde ut causa postulat, dicere.
106 plutarque, Adu. Coi, 26, 1122 b. Plutarque distingue les critiques adres
séespar les Stoïciens à la suspension universelle de l'assentiment, pour lesquel
les il a un certain respect, de celles formulées par Colotès, qu'il juge inconsé
quentes. L'ouvrage de Colotès avait lui-même pour fin de démontrer qu'une vie
conforme aux préceptes des autres philosophes était impossible.
ANALYSE DE L'ŒUVRE 167
me en politique, peut-il fait sienne une pensée qui «n'a même pas
laissé une étincelle pour percer l'obscurité»109?
Quelle conclusion tirer de l'étude de ce discours? S'il est vrai
que sa construction, avec les deux parties à la fois très bien délimi
tées et très proches sur le fond, a quelque chose de déroutant au
premier abord, le recours aux concepts rhétoriques permet néan
moins de comprendre l'organisation générale de la pensée de Lu-
cullus de manière plus satisfaisante, nous semble-t-il, que les spé
culations sur d'éventuelles incohérences dans l'utilisation des sour
ces. Mais la très étroite imbrication de la confirmatio et de la repre-
hensio, si elle correspond indiscutablement à un souci d'efficacité
oratoire, trouve aussi son explication dans la parenté des doctrines
antagonistes. Lucullus reconnaît lui-même qu'une seule chose, es
sentiel e il est vrai, sépare la Nouvelle Académie du Portique : l'i
nterprétation de l'évidence110. La forme complexe de son exposé, et
notamment la coexistence presque constante de l'affirmation dog
matique et de la dialectique, est donc, au moins en partie, la consé
quence de la difficulté à s'affirmer devant un adversaire qui utilise
à des fins différentes la même terminologie et parfois la même
méthode de raisonnement.
Le discours de Cicéron
123 Cicéron, De or., III, 42, 167 : Est hoc magnum ornamentum orationis in
quo obscuritas fugienda est.
124 Cicéron, Inu., I, 22, 31.
125 Telle est, en tout cas, l'interprétation «positive» que donne Cicéron de ce
débat, tout le problème étant de savoir si Arcésilas et Camèade admettaient
véritablement l'idée de la perfection du sage ou s'ils l'acceptaient dialectique-
ment, pour mettre les Stoïciens en contradiction avec eux-mêmes, cf. infra,
p. 264.
126 Cicéron, Luc, 20, 67-68 : si ulti rei sapiens adsentietur umquam, aliquan-
do etiam opinabitur; numquam autem opinabitur; nulli igitur rei adsentietur.
127 Ibid., 68 : et Stoici dicunt et eorum adstipulator Antiochus.
1 72 L'ŒUVRE ET LES SOURCES
128 Ibid. : Nitamur igitur nihil posse percipi : etenim de eo omnis est
controuersia.
129 La reprise de la partitio se fait dans les § 76-78.
130 Cicéron, De or., III, 53, 203.
131 Cf. M. Plezia, De Ciceronis «Academicis dissertationes très», II, dans Eos,
38, 1937, (p. 10-30), p. 19, et J. Glucker, op. cit., p. 415. L'attaque se trouve dans
les §69-71.
132 Quintilien, Inst. or., VI, 4, 12.
ANALYSE DE L'ŒUVRE 173
133 Cf. supra, p. 52, n. 183 et les jugements positifs sur Antiochus dans Leg.,
I, 21, 54 et Brutus, 91, 305.
134 Les deux explications du § 70 sont nettement différenciées : erant qui
ilium gloriae causa facere dicerent . . . mihi autem magis uidetur non potuisse
sustinere concursum omnium philosophorum.
135 Ibid., 22, 70.
136 Ibid., 25, 80.
174 L'ŒUVRE ET LES SOURCES
teur est visible, se confondant souvent, il est vrai, avec celle du dia
lecticien. Cicéron ne se contente pas de mettre en évidence les
contradictions ou les lacunes de la philosophie de Lucullus, il s'e
xprime comme s'il cherchait à en persuader celui-ci. De là ce harcè
lement de questions - technique dont Quintilien dit que les Socratic
i sont les meilleurs maîtres pour le futur orateur137 - qui sont sui
vies immédiatement d'objections à la réponse que pourrait apport
er l'adversaire138. La forme rapide, concise, est destinée à faire
comprendre à Lucullus que ce qu'il tient pour un dogme n'est
qu'une opinion, à lui montrer qu'il est incapable de définir, ce qui
pour un Platonicien est le signe même d'une réflexion inachevée.
Ailleurs, c'est par l'ironie que l'Arpinate marque sa supériorité;
ainsi lorsque, à propos de ce que les Stoïciens considèrent comme
des cas insolubles pour un dialecticien, il déclare : «qu'ils voient un
tribun, c'est là mon avis; de moi ils n'obtiendront jamais une
exception»139, ou encore lorsqu'il engage un dialogue quelque peu
irrévérencieux avec le Dieu des Stoïciens pour se plaindre d'avoir
été doté par lui de sens très imparfaits 14°. Tout cela donne une allu
reassez enjouée à un passage d'une très grande densité philosophi
que, qui autrement aurait pu être d'une lecture difficile. Il faut
croire cependant que Cicéron se sent peu à l'aise dans une réfuta
tion aussi serrée car c'est avec une satisfaction manifeste qu'après
avoir montré que ni la perception sensorielle ni la dialectique ne
permettent de parvenir à une certitude absolue, il aborde la deuxiè
me partie de son exposé, celle où il va prouver que la Nouvelle Aca
démie ne se contente pas de critiquer les systèmes des autres,
qu'elle a une philosophie qui lui est propre et qui échappe aux apo-
ries du dogmatisme.
Cette confirmatio, présentée comme l'exposé de la sententia de
Camèade, est d'une construction assez déconcertante141. Cicéron
annonce au début que pour éviter d'être accusé d'inventer, il va
citer Clitomaque, et plus précisément le premier livre de son Περί
εποχής. En fait, il s'agit d'une adaptation assez libre - comme le
montre la comparaison avec un passage de Sextus Empiricus déri-
142 Sext. Emp.,Adu. math., XI, 160-161. Pour exprimer l'idée que la suspen
sion du jugement ne contraint le sage ni à l'inaction ni à l'impassibilité Sextus
cite Homère, Od., XI, 529 : ού γαρ άπο δρυός έστι παλαιφάτου,
αλλ' ανδρών γένος ήεν. Cicéron, lui, ne cite pas directement, mais ούδ' από
reprend
πέτρης
la
même métaphore, en lui donnant une ampleur qu'elle n'a pas chez Sextus.
Montaigne adaptera aussi ce passage du Lucullus, cf. Essais, II, 12, p. 506 éd.
Villey.
143 Cicéron, Luc, 32, 101.
144 Ibid., 102.
145 Ibid., 33, 105 : Sic igitur inducto et constituto probabili, et eo quidem
expedito, soluto, libero, nulla re implicato, uides profecto, Luculle, tacere iam
illud tuum perspicuitatis patrocinium.
176 L'ŒUVRE ET LES SOURCES
152 Cicéron, Luc, 25, 113 : Hoc mihi et Peripatetici et uetus Academia conce-
dit; uos negatis, Antiochus in primis . . .
153 Ibid., 36, 115.
154 M. Ruch, loc. cit.
155 Ainsi se trouve esquissée l'idée qui sera exprimée dans Off., I, 43, 153 :
«Les devoirs que l'on déduit de la communauté sociale sont plus appropriés à
la nature humaine que ceux que l'on déduit de la connaissance».
156 Luc, 115.
157 Cicéron, Leg., I, 23, 60-24, 62 et Tusc, V, 24, 68-25, 72.
178 L'ŒUVRE ET LES SOURCES
LES SOURCES
17 Cicéron, Ac. post., I, 4, 14 : quid est enim quod malim ex Antiocho iam
pridem audita recordari?
18 Cicéron, Luc, 2, 4. Trad. pers.
LES SOURCES 187
19 Ibid., 4, 11.
20 Cf. sur ce point les notes 95-97 du chapitre précédent.
21 La référence de Lucullus à Antipater se trouve dans Luc, 9, 28.
22 Cicéron, Ac. post., I, 8, 31.
23 Ibid., 11, 40.
188 L'ŒUVRE ET LES SOURCES
24 Cf. tout particulièrement Fin., V, 25, 74, où Pison, élève d'Antiochus s'e
xprime avec une très grande sévérité à propos de la dette des Stoïciens à l'égard
de l'Ancienne Académie : « à l'exemple de tous les autres voleurs, qui changent
les marques des objets pris par eux, ces philosophes, pour faire emploi de nos
idées comme de leur propriété, ont changé les termes qui étaient comme la
marque des choses». Un tel passage suffit à montrer combien est erronée la
thèse d'un Antiochus entièrement acquis au stoïcisme, récemment reprise par
H. Tarrant, op. cit., p. 122; on nous répliquera peut-être qu'Antiochus pouvait
fort bien, tout en considérant la morale et la physique stoïciennes comme de
simples innovations terminologiques, se rallier à la logique du Portique, jugeant
celle-ci plus rigoureuse que l'idéalisme platonicien. C'est ce que semble suggé
rer Plutarque, Cicéron, 4, lorsqu'il avance l'hypothèse qu'Antiochus abandonna
la Nouvelle Académie «vaincu per l'évidence des sens». Or, quand bien même
on admettrait cette adhésion de l'Ascalonite à la logique stoïcienne - ce qui ne
concorde guère avec l'antistoïcisme qu'il a montré par ailleurs - il resterait à
expliquer comment il pouvait en même temps faire l'éloge de la théorie de la
connaissance de l'Ancienne Académie.
25 Platon, Timée, 47 b.
26 Cicéron, AU., XIII, 19, 3 : In eis quae erant contra άκαταληψίαν praeclare
collecta ab Antiocho Vaironi dedi.
LES SOURCES 189
35 II s'agit du § 34, dont nous aurons à traiter lorsque nous parlerons des
innovations philoniennes, cf. infra, p. 292 sq.
36 Cicéron, Luc, 4, 12 : Turn igitur et cum Heraclitum studiose audir em
contra Antiochum disserentem et item Antiochum contra Academicos . . .
37 Ibid., 6, 18.
194 L'ŒUVRE ET LES SOURCES
Larissa, le tout étant cimenté par quelques passages écrits par Cicé-
ron lui-même40. Les arguments avancés, et surtout le découpage
très arbitraire du texte, n'emportent pas la conviction; toutefois, cet
tethèse pose le véritable problème, qui est celui de la place faite aux
innovations de Philon dans le discours de Cicéron et, pour autant
que l'on puisse le reconstituer, dans celui de Catulus.
Avant même le livre de Lörcher, R. Hirzel avait élaboré une
démonstration très systématique pour prouver que l'Arpinate n'eut
d'autre source pour rédiger son discours que les livres romains de
Philon41. La réfutation de Hirzel a été faite avec vigueur et minutie
par J. Glucker, qui a établi, de manière convaincante selon nous,
que le discours de Cicéron ne comporte aucune originalité doctri
nalesusceptible de le distinguer de la gnoseologie d'Arcésilas et de
Camèade42. A l'opposé de R. Hirzel, d'autres savants, et non des
moindres, en vinrent à supposer qu'après avoir reçu le Sosus, Phi
lon écrivit une seconde œuvre romaine dans laquelle, s'étant aper
çu que les arguments traditionnels de la Nouvelle Académie étaient
bien suffisants pour triompher d'Antiochus, il aurait renoncé à ses
innovations43. Cette conjecture ne mériterait pas qu'on s'y attardât
si elle n'avait été reprise par J. Glucker, qui l'a étayée de toute sa
science, sans pour autant la rendre vraiment acceptable44.
Rappelons, en effet, que l'on chercherait en vain dans les Aca
démiques ou dans quelque autre traité cicéronien la moindre allu
sion à une quelconque réponse au Sosus. Cicéron, qui évoque si
longuement les livres romains de son maître et la réaction qu'ils
provoquèrent chez Antiochus, aurait-il omis de signaler que Philon
avait eu le dernier mot? A cela s'ajoute une considération d'ordre
psychologique, ce qui, il est vrai, lui enlève toute valeur dans la
mécanique de la Quellenforschung traditionnelle. Imagine-t-on,
néanmoins, le scholarque, après avoir écrit un ouvrage dans lequel
il avait pour la première fois fait preuve d'originalité, renier imméd
iatement celui-ci, au risque de paraître donner raison à Anti
ochus, voire céder à ses injonctions? Par ailleurs, même si, comme
cela semblerait résulter d'une nouvelle lecture de l'Index, Philon de
Larissa est mort trois ans plus tard que ne le croyait von Fritz45,
cela ne signifie pas nécessairement qu'il ait mis à profit ce temps
pour se dédire. D'une part, nous ne savons pas avec une certitude
absolue à quelle date Philon est mort46; d'autre part, Cicéron écrit
à propos de son maître; «tant que Philon vécut, l'Académie ne
manqua pas de soutien»47. La manière la moins invraisemblable
d'interpréter une telle phrase est d'y voir une allusion à la seule
œuvre de Philon que mentionne l'Arpinate, les fameux livres ro
mains. Pour nous, cette affirmation de Cicéron prouve que les
innovations philoniennes ne constituaient pas une rupture par rap
port à la philosophie de la Nouvelle Académie, mais bien la réinter
prétation de celle-ci.
Il nous reste cependant toujours à définir la place qu'occupait
le Philon romain dans les Académiques, en tenant compte de ce fait
essentiel que le discours de Cicéron dans le Lucullus apparaît com
me le rejet des innovations philoniennes au profit de l'exégèse
orthodoxe, celle de Clitomaque. Sur ce point nous ajouterons d'ail
leurs un argument auquel la critique ne semble pas avoir songé
jusqu'à présent et que nous trouvons dans le propos que tient Cicé
ron au début de son exposé, juste avant les attaques contre Anti-
ochus : «mais d'abord un mot sur Antiochus, qui a appris chez Phi
lon les thèses que je défends»48. Il y a là certes une connotation
émotive, le rappel du maître commun, et, par là-même, de la trahi
sond 'Antiochus, mais aussi une indication précieuse : si les thèses
que Cicéron défend sont celles-là même qu'Antiochus avait appri
ses chez Philon, il s'agit de celles que le scholarque défendait à
Athènes, lorsqu'il perpétuait la tradition de Γέποχή généralisée,
46 Résumons
45 Cf. supra, p.brièvement
48, n. 164. les données papyrologiques de la question. La
colonne XXIII de Pherc. 1021 se compose de deux parties nettement différen
ciées : la première se rapporte nominalement à Philon, tandis que la seconde
évoque un personnage qui n'est à aucun moment identifié et dont il nous est dit
qu'il mourut sous l'archontat de Nikètès, c'est-à-dire en 84/83, si l'on en croit
les références données par J. Glucker, p. 100, n. 11. Glucker avait affirmé, ibid.,
que la deuxième partie s'appliquerait également à Philon, hypothèse rendue
fragile par le fait que, à cet endroit, il est question d'une vie de soixante et un
(ou soixante-six) ans, alors que, dans le passage précédent, il est dit que le scho
larque avait vécu soixante-quatorze ans. T. Dorandi, op. cit., p. 114, croit avoir
trouvé une mention de Nikètès à la fin de la première partie, ce qui renforcerait
la thèse de Glucker, mais nous sommes bien forcé de constater que dans sa
propre édition de ce passage, seules deux lettres de l'allusion à l'archonte sont
données comme sûres : έπ[ί] Νΐ[κή]του.
47 Cicéron, Luc, 6, 17.
48 Ibid., 22, 69 : Sed prius pauca cum Antiocho, qui haec ipsa quae a me
defenduntur, et didicit apud Philonem tam diu ut constaret diutius didicisse
neminem et scripsit de his rebus acutissime.
LES SOURCES 197
non de celles qu'il avait exposées dans ses livres romains, quand il
avait voulu amorcer l'évolution vers une philosophie moins étroit
ementdépendante de la réfutation du stoïcisme. Tout comme l'avait
fait avant lui Lucullus, Cicéron refuse donc dans son discours de
sortir de la controverse sur le critère de la connaissance, telle que
l'avaient menée Arcésilas contre Zenon et Camèade contre Chry-
sippe et, s'il désavoue Philon au sujet de l'assentiment du sage,
c'est de manière allusive. Nous pouvons donc en conclure que les
innovations philoniennes étaient véritablement évoquées dans le
Catulus, et non dans le Lucullus. A quoi correspondaient les rôles
de Catulus et de Cicéron dans ce dialogue?
En ce qui concerne Catulus, il est clair qu'il blâmait Philon et
qu'il lui adressait, en se référant à son père, des critiques qui rejo
ignaient celles d'Antiochus49 :
49 Ibid., 4, 11 : isti libri duo Philonis, de quibus heri dictum a Catulo est; 12 :
Turn et Ma dixit Antiochus, quae heri Catulus commemorauit a patre suo dieta
Philoni, et alia plura ; 6, 1 8 : et aperte mentitur, ut est reprehensus a patre Catulo,
et, ut docuit Antiochus, in id ipsum se induit quod timebat.
198 L'ŒUVRE ET LES SOURCES
Sosus, philosope
stoïcien Lucullus Caton Varron
.
î Cicéron?
I Catulus,
à la fois
Philon „Cicéron. .Cicéron
exposant
et criti
que?
Un représentant de la Nouv
elle Académie « orthodoxe » : Catulus .Cicéron. .Cicéron
Heraclite de Tyr.
Lucullus Cicéron
§ 13 En premier lieu, en citant les 72 Et (j'en viens) d'abord à ce que
anciens physiciens . . . vous me tu as dit en premier lieu. Nos
paraissez faire ce que font les citations des anciens philoso
citoyens séditieux, quand ils phes, tu les compares à la man
évoquent parmi les anciens les ière dont les séditieux évo
noms d'hommes célèbres qu'ils quent des citoyens illustres en
disent avoir été partisans du les qualifiant de «partisans du
peuple . . . peuple». *
22 Que peut être, en effet, une mé 106 D'où vient la mémoire si nous
moire des choses fausses? Se ne percevons rien? telle était ta
souvient-on de ce qu'on n'a pas question.
saisi et retenu par l'esprit? *
ibid. : Que peut être un art, s'il n'est 107 Et les arts, dis- tu, qu'en advien-
pas composé, non pas d'une ou dra-t-il?
deux perceptions, mais d'un 146 Mais, de même que tu disais
grand nombre de perceptions? que, si rien ne peut-être perçu,
les arts disparaissent . . .
31 Donc, ceux qui disent que rien 99 En effet, il est contre nature
ne peut être compris, nous ar que rien ne soit probable, il
rachent les instruments mêmes s'ensuivrait ce bouleversement
et les parures de la vie, ou plu de la vie dont tu parlais, Lucul-
tôt ils la détruisent de fond en lus.
comble *
44 Et ce qui les convainc surtout 111 Tu n'as pas non plus oublié, Lu-
d'erreur, c'est qu'ils supposent cullus, l'objection d'Anti-
d'accord deux propositions auss ochus . . .
iviolemment contradictoires
que celles-ci . . .
50 II n'y a rien qui puisse être 85 Tu dis que chaque chose a son
transporté de son propre genre propre caractère . . .
dans un autre
51 En second lieu, quant aux v 88 Ces faits sont ceux que tu as
isions vaines (qu'elles soient fo rappelés avec grand détail : les
rmées par la pensée, ce que nous dormeurs, les ivrognes, les fous,
accordons, ou pendant le somm ont, dis-tu, des représentat
eil, ou pendant l'ivresse ou ions .. .
dans la folie) . . . Penses-tu C'est parce qu'Ennius . . .
qu'Ennius . . .
52 Ils sentent ce qu'a senti Alc- 88 Et de même ton Alcméon, qui
méon, et ils disent avec lui ... dit que . . .
52 C'est aussi ce qui arrive aux 89 Que dire des insensés, tel que
fous; au début de l'accès de fo fut, Catulus, ton allié Tudita-
lie ... nus?
204 L'ŒUVRE ET LES SOURCES
LA CONNAISSANCE
CHAPITRE I
LA REPRÉSENTATION
Représentation et théologie
d'autre part, aussi bien Aristote que les Stoïciens ont mis la repré
sentation en relation avec la lumière et la vue 19. Mais cette traduc
tion a un inconvénient majeur, c'est que, de par sa forme passive,
elle correspond beaucoup mieux au φανταστόν, c'est-à-dire au
contenu de la représentation, qu'à la φαντασία elle-même, qui est à
la fois une fonction et le résultat de celle-ci. D'où la nécessité de
dissocier des aspects qui sont en grec indissolublement liés et de
recourir à un mot de forme active, uisio, pour rendre une expres
sion comme κοινή φαντασία τού τε αληθούς και του ψεύδους20.
Cependant, Cicéron ne s'en est pas tenu à cette dichotomie qui était
sans doute la meilleure des solutions à un problème difficile, il a
cherché à mettre un peu de uarietas dans un vocabulaire trop tech
nique en utilisant un terme moins spécifique, species, jusqu'à par
venir, comme l'a remarqué H. J. Härtung, à donner la traduction la
plus exacte de φαντασία, en associant en une même expression,
dans le livre II des Tusculanes, species et uisio 21.
Contrairement aux textes de Diogene Laërce ou de Sextus Em-
piricus relatifs à l'Académie et au Portique, les Académiques ne
sont pas des exposés doctrinaux, mais des dialogues qui cherchent
à donner l'illusion de la vie. Nous croyons qu'il est inutile de privi
légier l'une de ces deux formes de témoignages et qu'il faut au
contraire les confronter sans cesse, conciliant ainsi la méthode dis
cursive, théorique, des deux écrivains grecs avec celle, plus concrèt
e, plus allusive, du Romain. A titre d'exemple, on chercherait en
vain dans le Lucullus un exposé analogue à celui de Sextus sur le
passage de la τύπωσις zénonienne à Γέτεροίωσις chrysippéenne,
parce qu'une telle question était du domaine de la physique et
n'avait donc pas sa place dans une discussion sur le critère de la
vérité. Mais cela ne signifie pas pour autant que ces nuances ne
19 Cf. Luc, 6, 18, où nous apprenons que c'est dans le Catulus que fut utili
sépour la première fois le terme uisum pour traduire φαντασία: tale uisum
-iam enim hoc pro (pavxaaiq. uerbum satis hesterno sermon triuimus . . .; 7, 22; 10,
30; 11, 36; 13, 40 etc.; Fin., III, 9, 31; Nat. de., I, 25, 70. Sur la traduction de
φαντασία par Cicéron, cf. H. J. Härtung, Ciceros Methode bei der Übersetzung
Griechischer philosophischer Termini, Hambourg, 1970, p. 31-34, dont nous re
prenons ici les principales conclusions. Sur la relation φως / φαντασία, cf.
Aetius, Plac, IV, 12, 1 = S.V.F., II, 54, et Aristote, De an., II, 429 a, 3-4.
20 Cette expression se trouve dans Sext. Emp., Adu. math., VII, 164 et 175.
Elle est traduite par Cicéron, Luc, 11, 33 : uisio ueri falsique communis. Il arri
veaussi à Cicéron d'utiliser uisus, cf. Nat. de., I, 5, 12.
21 H. J. Härtung, op. cit., p. 34. Le passage auquel il est fait allusion est
Tusc, II, 18, 42, où Cicéron écrit à propos de la douleur : Ego illud, quicquid sit,
tantum esse quantum uideatur non puto, falsaque eius uisione et specie moueri
homines dico uehementius. L'association de uisio et de species est particulièr
ement propre à rendre le double aspect, actif et passif, du terme grec.
214 LA CONNAISSANCE
36 Sext. Emp., Adu. math., VII, 159-165. Nous étudierons plus loin, cf. infra,
p. 223 sq. la critique carnéadienne de la représentation en tant que critère de la
vérité.
37 Ibid., 160. On trouve la même définition de la spécificité du vivant chez
Philon d'Alexandrie, Leg., I, 30, texte auquel nous nous sommes déjà référé dans
la note 24.
38 F. Sanchez, Quod nihil scitur, éd. et trad, par A. Comparot, Paris, Klinck-
siek, 1984, p. 96, 1180. Le scepticisme de Sanchez comporte certes des éléments
empruntés à la Nouvelle Académie, mais ceux-ci nous semblent relativement
peu importants et, par ailleurs, sa démarche même diffère de celle de Camèad
e, dans la mesure où chez lui l'omniscience et la perfection divines sont affi
rmées dogmatiquement, cf. p. 63, 635-640.
LA REPRÉSENTATION 219
58 Dioclès ap. Diog. Laërce, VII, 49 = S.V.F., II, 52, dit que pour les Stoï
ciens le critère est une représentation ; plus loin, cependant, nous lisons (VII, 54
= S.V.F., II, 105) que l'accord n'était pas complet sur ce point, puisque certains
των αρχαιοτέρων Στοϊκών proposaient comme critère la «droite raison» (ορθός
λόγος), tandis que Boèthos voulait une pluralité de critères et que Chrysippe
lui-même se contredisait, choisissant tantôt la φαντασία καταληπτική, tantôt la
sensation et la prénotion. Cf. également, Sext. Emp., Adu. math., VII, 227 =
S.V.F., II, 56; VIII, 396-7 = S.V.F., II, 91.
59 C. Imbert, op. cit., p. 228. Le triple aspect de cette représentation appar
aîtclairement dans sa définition, cf. Sextus, Adu.math., VII, 248 = S.V.F., I, 59 :
καταληπτική δέ έστιν ή από υπάρχοντος και κατ' αυτό το υπάρχον έναπομεμαγ-
μένη και έναπεσφραγισμένη, οποία ούκ αν γένοιτο άπό μή υπάρχοντος·
LA REPRÉSENTATION 225
60 Cicéron, Ac. post., I, 11, 41-42 : «Visis non omnibus adiungebat fidem, sed
eis solum quae propriam quandam haberent declarationem earum rerum quae
uiderentur : id autem uisum, cum ipsum per se cerneretur, comprehendibile -
feretis haec?». «Nos uero», inquit. «Quonam entm modo καταληπτον diceres?»
«Sed, cum acceptum iam et approbatum esset, comprehensionem appellabat,
similem eis rebus quae manu prehenderentur : ex quo edam nomen hoc duxerat,
cum eo uerbo antea nemo tali in re usus esset, plurimisque idem nouis uerbis -
noua enim dicebat - usus est. Quod autem erat sensu comprehensum, ut conuelli
rottone non posset, scientiam; sin aliter, inscientiam nominabat, ex qua exsisteret
etiam opinio, quae esset imbecilla et cum falso incognitoque communis. 42 Sed
inter scientiam et inscientiam comprehensionem illam, quam dixi, collocabat,
eamque neque in rectis neque in prauis numerabat, sed soli credendum esse dice
bat. E quo sensibus etiam fidem tribuebat, quod, ut supra dixi, comprehensio fac-
ta sensibus et uera esse UH et fidelis uidebatur, non quod omnia quae essent in re
comprehenderet, sed quia nihil quod cadere in earn posset relinqueret quodque
natura quasi normam scientiae et principium sui dedisse t, unde postea notiones
rerum in animis imprimer entur ». Nous avons choisi de conserver dans notre
étude la terminologie traditionnelle («compréhension», «comprehensive»,
« compréhensible »), qui nous paraît la moins mauvaise possible.
61 L'adjectif καταληπτός est rarissime dans cet usage. On le trouve dans un
papyrus d'Herculanum = S.V.F., II, 131, p. 40, ligne 11, et dans un passage du
Manuel d'Épictète, IV, 4, 13, mais cette leçon semble suspecte. En revanche
ακατάληπτος est utilisé comme négation de καταληπτική par Sextus, Adu. math.,
VII, 408. On trouvera une bonne mise au point sur l'ensemble des problèmes
226 LA CONNAISSANCE
relatifs à la φαντασία καταληπτική dans le livre d'A. Graeser, Zenon von Kition,
Positionen und Probleme, Berlin-New York, 1975, p. 39-55.
62 Sext. Emp., Adu. math., VII, 257 : la φαντασία καταληπτική est le critère
lorsqu'elle n'est entravée par aucun obstacle; c'est alors que εναργής ούσα και
πληκτική μόνον ούχι τών τριχών, φασί, λαμβάνεται, κατασπώσα ήμας εις συγκα-
τάθεσιν. Cette interprétation a son origine chez É. Zeller, Die Philosophie . . .,
III, 1\ p. 83. Elle a été affinée par M. Pohlenz, notamment dans Zenon und
Chrysipp, dans Kleine Schuften, I, Hildesheim, 1965, (p. 1-38), p. 14. Pour ce
savant, qui s'appuie sur Sext. Emp., loc. cit., ce fut pour accentuer le monisme
stoïcien que Chrysippe donna ce sens à l'adjectif καταληπτική.
63 Telle était, selon M. Pohlenz, loc. cit., et Die Stoa, 1. 1, p. 60 sq., la signifi
cation première de la φαντασία καταληπτική, que devait modifier Chrysippe. On
trouve également cette interprétation chez E. Bréhier, Chrysippe . . ., p. 97.
64 R. Hirzel, Untersuchungen .... t. 2, p. 182.
65 F. H. Sandbach, Phantasia katalëptikë, dans A. A. Long, Problems in Stoi
cism, Londres, 1971, (p. 9-21), p. 14 : deliberate ambiguity.
66 La présence chez Cicéron de l'adjectif καταληπτός avait déjà intrigué
A. Bonhoeffer, Epictet und die Stoa, Stuttgart, 1890, p. 163, qui avait expliqué
cette singularité par une négligence des Stoïciens, ou bien par une référence à
l'objet qui est «saisi». L'opinion de Bonhoeffer est également celle d'A. J. Vodk
e,op. cit., p. 35, n. 3.
LA REPRÉSENTATION 227
67 Cette hypothèse a été avancée par F. H. Sandbach, op. cit., p. 20, n. 13, et
contestée par A. Graeser, op. cit., p. 47, qui se fonde sur le fait que le καταληπτ
ός cicéronien est quasiment un hapax. L'argument doit-il être considéré com
medécisif? On peut fort bien imaginer que l'utilisation par Chrysippe de l'ad
jectif καταληπτική ait concurrencé le terme zénonien, dont le texte de Cicéron
serait la dernière trace.
68 Sur la thèse de M. Pohlenz, cf. infra, p. 250.
69 F. H. Sandbach, op. cit., p. 20.
228 LA CONNAISSANCE
70 J. S. Reid, ad loc, dit que κατάληψις and φαντασία καταληκτική are cons
tantly interchanged, mais il ne donne aucune preuve de cette affirmation. Plus
subtilement, R. Hirzel, op. cit., p. 188, a écrit qu'entre la φαντασία καταληκτική
et la κατάληψις il n'y a d'autre différence que celle qui sépare la δύναμις et
Γένέργεια·
71 Pour une analyse du concept stoïcien d'αίσθησις, cf. G. Striker, op. cit.,
p. 95, qui ne souligne pas cependant l'originalité du témoignage cicéronien.
72 Diog. Laërce, VII, 52 = S.V.F., II, 71, donne trois sens pour αΐσθησις: le
πνεύμα qui, partant de l'hégémonique, va jusqu'aux sens; la κατάληψις qui se
fait par ceux-ci; l'ensemble de l'appareil sensoriel. Il faut rappeler que, pour les
Stoïciens, les αισθήσεις, contrairement aux représentations, sont toujours
vraies, cf. Aétius, Plac, IV, 9, 4 = S.V.F., II, 78.
LA REPRÉSENTATION 229
ut doceret nullum taie esse uisum a uero ut non eiusdem modi edam a falso pos-
sit esse. Haec est una contentio quae adhuc permanserit. Nous avons modifié sur
un certain nombre de points la traduction de la Pléiade.
83 Sext. Emp., Adu. math., VII, 252 : το δε «οϊα ούκ άν γένοιτο άπο μή υπ
άρχοντος» προσέθεσαν, έπεί ούχ ώσπερ οί άπο της στοάς αδύνατον ύπειλήφασι
κατά πάντα άπαράλλακτόν τίνα εύρεθήσεσθαι, ούτω και οί άπο της 'Ακαδημίας.
Ce même souci de consolider la théorie de la représentation face aux attaques
de l'Académie apparaît dans le fait que, selon Sextus, ibid., 253, les Stoïciens
«récents» (οί δέ νεώτεροι) jugèrent bon de préciser que la καταληπτική φαντα
σία ne pouvait être un critère que si elle n'était entravée par aucun obstacle.
84 Si l'on compare la définition de la «représentation comprehensive», telle
que nous la trouvons, par exemple, chez Sextus, Hyp. Pyr., II, 1, 4 (τής καταληπ-
τικής φαντασίας ούσης άπο υπάρχοντος, κατ' αυτό το υπάρχον έναπομεμαγμένης
και έναπεσφραγισμένης, οϊα ούκ αν γένοιτο άπο μή υπάρχοντος) et la traduction
qui en est donnée par Cicéron au § 18 du Lucullus {uisum igitur impressum
effictumque ex eo unde esset quale esse non posset ex eo unde non esset), il appa-
LA REPRÉSENTATION 233
raît clairement que l'Arpinate a été très gêné par l'absence en latin de terme
équivalent à το υπάρχον, si bien qu'il a été contraint de supprimer le deuxième
élément de la définition. Dans le texte que nous avons traduit, le mouvement
même de la dialectique interdisait une telle facilité, aussi y trouvons-nous l'e
nsemble de la définition. La traduction est-elle pour autant satisfaisante? Elle a
été jugée sévèrement par J. S. Reid, ad loc, qui parle d'un clumsy rendering of
άπο υπάρχοντος, jugement qui nous paraît sévère, dans la mesure où le concept
de υπάρχον lui-même prête à discussion. Dans la proposition οϊα ούκ αν γένοιτο
άπο μή υπάρχοντος, le υπάρχον est-il nécessairement un objet irréel, ou s'agit-il
d'un objet réel autre que celui dont il est question? La deuxième interprétation
a été défendue par J. M. Rist, Stoic philosophy, Cambridge, 1969, p. 136-137, de
manière sans doute excessive car, comme l'a noté A. Graeser, op. cit., p. 55, les
deux sens sont possibles. Or la traduction cicéronienne, en dépit de son appa
rente maladresse, a le mérite de respecter cette ambiguïté.
85 Sext. Emp., Adu. math., VII, 402.
234 LA CONNAISSANCE
91 Ibid., 18, 58 : Veri enim et falsi non modo cognitio, sed etiam natura tolle-
tur, si nihil erit quod intersit, ut etiam illud absurdum sit, quod interdum soletis
dicere, cum uisa in animos imprimantur, non uos id dicere, inter ipsas impressio
nes nihil interesse, sed inter species et quasdam formas eorum. Quasi uero non
specie uisa iudicentur, quae fidem habebunt sublata ueri et falsi nota. J. S. Reid,
ad loc, commente ainsi ce passage : les Académiciens admettraient des différen
ces entre des représentations individuelles, mais contesteraient la possibilité de
distinguer the two classes, true and false. Pour H. J. Krämer, Hellenismus
p. 67, ce passage montrerait comment la Nouvelle Académie a pu transformer
en arguments antistoïciens certains thèmes vétéro-académiciens, comme celui
du κοινόν. Le texte nous paraît devoir être compris à la lumière de ce que dit
Sextus, Adu. math., VII, 409, lorsqu'il parle de choses qui sont identiques κατά
μορφήν et différentes κατά το υποκείμενον. Ce qui importe au dialecticien, c'est
que deux représentations puissent être vécues comme parfaitement semblables,
même si elles correspondent à des objets qui ne le sont pas.
92 Sext. Emp., ibid. Sur l'utilisation de cet exemple dans le Lucullus, cf.
supra, p. 169. Le texte cicéronien sera repris par Montaigne, Essais, III, 13, De
l'expérience, p. 1065 éd. P. Villey : «La conséquence que nous voulons tirer de la
ressemblance des evenemens est mal seure, d'autant qu'ils sont tousjours di
s emblables : il n'est aucune qualité si universelle en cette image des choses que
la diversité et variété. Et les Grecs, et les Latins et nous, pour le plus exprès
exemple de similitude, nous servons de celuy des œufs. Toutesfois il s'est trouvé
des hommes, et notamment un en Delphes, qui recognoissoit des marques de
différence entre les œufs, si qu'il n'en prenoit jamais l'un pour l'autre; et y
ayant plusieurs poules, scavoit juger de laquelle estoit l'œuf. La dissimilitude
s'ingère d'elle mesme en nos ouvrages; nul art ne peut arriver à la similitude . . .
Nature s'est obligée à ne rien faire autre, qui ne fust dissemblable».
93 Cicéron, Luc, 18, 56.
LA REPRÉSENTATION 237
94 Sur le φάντασμα, cf. Diog. Laërce, VII, 50 = S.V. F., I, 59 et 60. Les exemp
lesd'hallucination se trouvent dans les § 88-91 du Lucullus et sont introduits
par la phrase : Dormientium et uinulentorum et furiosorum uisa imbecilliora
esse dicebas quam uigilantium, siccorum, sanorum. Cicéron ne s'est pas contenté
de reprendre les exemples traditionnels des philosophes grecs, il a tenu à se
référer aussi à la littérature latine, évoquant le songe d'Ennius, auquel il avait
déjà fait allusion dans Rep., VI, 10, 10, et à Vittoria de Pacuvius. Au milieu de
ces références littéraires est évoquée une folie hallucinatoire réelle, celle de
Tuditanus, ami de Catulus.
95 Ibid., 28, 90 : Omnia autem haec proferuntur ut illud efficiatur, quo cer-
tius nihil potest esse, inter uisa uera et falsa ad animi adsensum nihil interesse.
96 Ibid., 17, 54: Quaerimus grauitatis, constantiae, firmitatis, sapientiae,
iudicium : utimur exemplis somniantium, furiosorum, ebriosorum.
97 Platon, Théétète, 157 e : όσα τε . . . παραισθάνεσθαι λέγεται.
98 Cicéron, Luc, 28, 90 : Vos autem nihil agitis, cum ilia falsa uel furioso
rum uel somniantium recordatione ipsorum refellitis. Non enim id quaeritur,
qualis recordatio fieri soleat eorum qui experrecti sint, aut eorum qui furere desti-
terint, sed qualis uisio fuerit aut furentium aut somniantium turn cum moueban-
tur.
238 LA CONNAISSANCE
autre est Socrate malade, autre Socrate bien portant99. Selon Lu-
cullus, au contraire, l'unité du sujet dans le temps est justement ce
qui lui permet de combattre les φαντάσματα, d'en percevoir l'inanit
é. Dans le stoïcisme, le temps intérieur ne se divise pas, l'instant
où l'erreur se produit ne peut être séparé de celui où l'on en prend
conscience, le rêve est indissociable du réveil et l'hallucination du
moment où, la crise s'atténuant, la raison commence à reprendre
ses droits. Lieu de toutes les représentations et de tous les assenti
ments, le λόγος peut connaître l'erreur et l'illusion, mais celles-ci
ne se définissent que par rapport à cette norme, à cette loi de la
nature, qu'est la perception immédiate des choses réelles .
Pour donner quelque efficacité à ses arguments, la Nouvelle
Académie devait donc opposer à la conception prébergsonienne
d'un temps vécu dans la continuité, le fractionnement, l'atomisa-
tion de la vie intérieure. Mais précisément, si chaque moment a
une singularité irréductible, comment attribuer une valeur général
e à l'expérience vécue par un individu dans des circonstances bien
déterminées, comment passer de la confusion entre deux objets
semblables, ou de la vision fantasmatique, à l'affirmation, si dog
matique dans son énoncé même, «qu'il n'existe pas une seule
représentation issue d'un objet vrai qui ne puisse avoir les même
caractères quand elle est issue du faux»100? Socrate avait montré
que les illusions des sens n'étaient pas un argument suffisant
contre Protagoras, parce qu'elles pouvaient être parfaitement inté
grées à la thèse que la sensation est science, et il est donc d'autant
plus intéressant de chercher par quel processus la dialectique de la
Nouvelle Académie concluait au contraire à la nécessité du doute
universel101.
L'originalité des Néoacadémiciens réside dans le fait d'avoir
appliqué le sorite aux représentations, inventant ainsi bien avant
Descartes le «malin génie»102. Pour comprendre l'audace d'une tel
le démarche, et en tout cas la rupture apparente qu'elle supposait
avec le fondateur de l'école, il faut se rappeler le passage de la
République où Platon écrit : «Dieu est absolument simple et vrai, en
acte et en parole ; il ne change pas lui-même de forme et ne trompe
99 Platon, ibid., 158b, cf. Sext. Emp., Hyp. pyr., I, 32, 218 : τους δέ ανθρώ
πουςάλλοτε άλλων άντιλαμβάνεσθαι παρά τας διαφόρους αυτών διαθέσεις · τον
μέν γαρ κατά φύσιν έχοντα εκείνα των έν τχ\ ΰλη καταλαμβάνειν α τοις κατά
φύσιν ίχουσι φαίνεσθαι δύναται, τους δέ παρά φύσιν α τοις παρά φύσιν.
100 Cicéron, Luc, 26, 83 : nullwn esse uisum uerum a sensu profectum, cui
non appositum sit uisum aliud, quod ab eo nihil intersit quodque percipi non
possit.
101 'Platon, op. cit., 157e-160e.
102 Sur le sorite, cf. infra, p. 242, 313.
LA REPRÉSENTATION 239
les autres ni par des fantômes, ni par des discours, ni par l'envoi
de signes, à l'état de veille ou en songe»103. Or, parce que les Stoï
ciens ont fait de ce Dieu de vérité le support de leur théorie de la
connaissance, parce qu'ils ont construit une doctrine de la μαντεία
fondée sur l'idée que la nature divine est étrangère au mensonge,
la Nouvelle Académie a imaginé un «grand trompeur», négatif parf
ait du Dieu de Platon et de Zenon, et dont on a tout lieu de croire
qu'il n'était pour elle qu'un moyen de subvertir la logique stoïcien
ne. Le point de départ du raisonnement est l'origine divine que le
Portique attribue aux songes. Or ceux-ci sont des images à la fois
fausses, puisque ne correspondant à aucun objet réel présent, et
probabiles, puisqu'elles sollicitent l'assentiment. C'est là qu'inter
vient le sorite, cette transition insensible et continue entre deux
réalités différentes, voire contraires: «si un dieu vous présente
dans le sommeil une représentation telle qu'elle soit probable,
pourquoi ne le présenterait-il pas telle qu'elle soit semblable à une
représentation vraie, puis telle qu'elle en soit difficilement distin
guée, et finalement telle qu'il n'y ait pas entre elles de différence
du tout»104. Si Dieu est dans ce cas là responsable de mon erreur -
mais là encore l'Académicien mutile le temps stoïcien, car le rêve,
qui est phantasme quand il se produit, peut se révéler prédiction
vraie lorsqu'il est interprété en fonction de l'avenir - pourquoi ne
pas admettre une extension de l'erreur, à la fois qualitative et
quantitative? La représentation fausse devient alors parfaitement
identique à la représentation vraie et, de ce fait, toute représentat
ion peut être indifféremment vraie ou fausse. Lucullus tentera de
réfuter ce sorite en disant que personne ne pourrait concéder à la
Nouvelle Académie «que tout est possible à Dieu ou qu'il fera tout
ce qui est possible»105, annonçant ainsi l'argument cartésien de l'i
ncompatibilité de la ruse avec la toute-puissance divine : «Quoi qu'il
semble», dira en effet Descartes, «que vouloir tromper soit une
marque de subtilité et de puissance, toutefois, vouloir tromper
témoigne sans doute de la faiblesse ou de la malice»106. Mais les
arguments théologiques n'ont pas de prise sur un adversaire qui,
103 Platon, Rep., II, 382 e : Κομιδη άρα ό θεός άπλοΰν και αληθές εν τε έργω
και εν λόγφ, και ούτε αυτός μεθίσταται οΰτε άλλουςούθ' έξαπατφ, ούτε κατά φαντα
σίαςούτε κατά λόγους οΰτε κατά σημείων πομπός, υπαρ ούδ' δναρ.
104 Cicéron, Luc, 15, 49 : si tale uisum obiectum est a deo dormienti ut pro
babile sit, cur non etiam ut ualde ueri simile, cur deinde non ut difficiliter a uero
internoscatur, deinde ut ne internoscatur quidem, postremo ut nihil inter hoc et
illud intersit?
105 Ibid., 16, 50 : Quis enim tibi dederit aut omnia deum posse, aut ita factu-
rum si possit ?
106 Descartes, Méditation quatrième, 43, p. 456 éd. Alquié, t. 2.
240 LA CONNAISSANCE
nous l'avons vu, prétend s'interdire dans cette question toute inter
rogation sur Dieu et agit comme s'il se contentait de révéler aux
Stoïciens les contradictions inhérentes à leur conception de la divi
nité. L'Académicien n'oppose pas un dieu trompeur au Dieu stoï
cien (au sens d'une confrontation entre deux principes adverses), il
affirme pouvoir le déduire de celui-ci : puisque Dieu envoie, selon
les Stoïciens, des rêves que l'on vit comme vrais alors qu'ils ne sont
qu'illusion, il serait logique de conclure que son essence est de
tromper. Autrement dit, la Nouvelle Académie ne professe pas un
manichéisme avant la lettre, ce qui constituerait véritablement une
rupture avec Platon, elle veut montrer aux Stoïciens que, si l'on
prétend prouver la présence de Dieu au monde, on aboutit à des
conclusions opposées à celles que l'on avait prévues. D'une manièr
e plus générale, il est certain que la faille de Zenon aux yeux du
Néoacadémicien est d'avoir admis qu'il existe des représentations
fausses. La dialectique peut alors à plaisir jouer sur les définitions
et les limites, montrer que la distinction est arbitraire, que le mon
de des sensations est trop souvent décevant pour qu'il soit possible
d'y établir avec certitude la différence entre le vrai et le faux. De ce
point de vue, l'épicurisme, sous ses dehors naïfs, est infiniment
plus difficile à réfuter, car en proclamant la vérité de toutes les
sensations, il ne donne aucune prise à la dialectique. L'Académic
ien peut railler la balourdise des philosophes du Jardin, se gaus
serde l'absurdité qui consiste à prétendre que le soleil est aussi
petit qu'il le paraît, rien n'y fait, son incapacité à subvertir ce syst
èmeest totale107. Bien plus, n'utilise-t-il pas à sa manière le principe
épicurien du semel10*, quand il oppose aux Stoïciens l'idée que, si
une représentation nous a trompés, aucune autre ne peut être
considérée comme absolument sûre? Toutes les perceptions sont
vraies, affirme Epicure, car admettre une seule exception serait
détruire toute la confiance que l'on a dans le sens. Vous reconnaiss
ez, dit de son côté l'Académicien aux Stoïciens, que nous donnons
parfois notre assentiment à des représentations fausses, donc il
n'existe pas de φαντασία dont on puisse prétendre sans risque d'er
reur qu'elle est vraie. Ce parallèle permet de mieux comprendre
quelle place la Nouvelle Académie a assigné à Epicure dans tout ce
débat sur la connaissance. Elle l'a certes considéré comme un
adversaire à la fois dérisoire et irritant (puisque se refusant à
107 Cicéron, Luc, 26, 82 : Sed ab hoc credulo, qui numquam sensus mentiri
putat, discedamus. Sur la doctrine d'Épicure en ce qui concerne le soleil, cf.
ibid., et Diog. Laërce, X, 91.
108 Ibid., 25, 79 : Eo enim rem demittit Epicurus, si unus sensus semel in uita
mentitus sit, nulli umquam esse credendum. Cf. Plutarque, Adu. Col., 1123 c.
LA REPRÉSENTATION 241
109 Lucrèce, Nat. re., IV, 473-477, dit à propos de ceux qui ne croient pas la
connaissance possible: «Je leur demanderai à mon tour comment, n'ayant
jamais rencontré la vérité, ils savent ce qu'est savoir et ne pas savoir; d'où leur
vient la notion du vrai et du faux; comment ils sont parvenus à distinguer le
certain de l'incertain» (trad. Ernout légèrement modifiée). Cet argument est
proche de celui d'Antiochus, qui objectait à Philon que l'on ne pouvait à la fois
affirmer l'existence de représentations vraies et fausses et l'impossibilité de dif
férencier celles-ci, cf. Luc, 14, 44 et 34, 111. Il n'est nullement impossible que le
poète vise l'Académie.
110 Ibid., 32, 101 : Quod est caput Epicuri? «Si ullum sensus uisum falsum
est, nihil percipi potest». Quod uestrum? «Sunt falsa sensus uisa». Quid sequitur?
Vt taceam, conclusio ipsa loquitur : «nihil posse percipi». Non concedo, inquit,
Epicuro. Certa igitur cum ilio, qui a te totus diuersus est : noli mecum, qui hoc
quidem certe, falsi esse aliquid in sensibus, tibi adsentio.
111 Cette différence d'attitude entre les Stoïciens et les Épicuriens est parfai
tement résumée dans l'exposé que fait Cicéron des quatre capita permettant
d'aboutir à la conclusion qu'il n'existe aucune représentation dont on puisse
affirmer avec certitude qu'elle est vraie : Horum quattuor capitum secundum et
tertium omnes concedunt. Primum Epicurus non dat; uos, quibuscum res est, id
quoque conceditis. Omnis pugna de quarto est. (Luc, 26, 83). Les propositions
sur lesquelles tous s'accordent sont l'impossibilité de percevoir les représenta-
242 LA CONNAISSANCE
tions fausses (c'est à dire de parvenir à travers elles à la perception d'un objet
réel, ou de l'objet réel leur correspondant) et le fait que «parmi les représentat
ions entre lesquelles il n'y a pas de différence, il est impossible que les unes
puissent être perçues et les autres non». La première proposition, rejetée par
les Épicuriens, est l'affirmation de l'existence de représentations fausses. La
dernière, objet du litige entre les Académiciens et les Stoïciens, est précisément
qu'il n'y a pas « une seule représentation vraie issue des sens dont on ne puisse
rapprocher une représentation qui n'en diffère en rien et qui ne peut être per
çue».
112 Sext. Emp., Adu. math., VII, 13, dit qu'Eubulide ne s'intéressait qu'à la
logique. Diog. Laërce, II, 108, lui attribue, outre le sorite, les sophismes du ment
eur, du voilé, etc. Il se rattachait, au moins partiellement, à la dialectique
socratique par l'intermédiaire de son maître Euclide. Sur le sorite, cf. l'article
de G. Sillitti, Alcuni considerazioni sull'aporia del sorite, dans Scuole socratiche
minore e filosofia ellenistica, G. Giannantoni ed., Bologne, 1977, p. 75-92.
113 Horace, Ep., II, 1, 36-49.
114 J. Barnes, Medicine, experience and logic, dans Science and speculation,
J. Barnes, J. Brunschwig, M. Burnyeat eds., Paris, 1982, p. 24-68.
115 Diogene Laërce, IV, 33, dit qu'Arcésilas utilisait les arguments dialecti
ques des Érétriens, c'est à dire de l'école de Ménédème et il cite, tout de suite
après, les vers d'Ariston et de Timon dans lesquels Arcésilas était accusé d'avoir
pillé, entre autres, Ménédème et Diodore Cronos. Nous n'entrerons pas ici dans
le détail de ceux que l'on a appelés les «petits Socratiques», cf. sur ce point
M. Giannantoni, op. cit., Mais les quelques témoignages dont nous disposons
LA REPRÉSENTATION 243
laissent penser qu'Arcésilas sut fort bien les exploiter dans sa lutte contre le
stoïcisme.
116 Cicéron, Nat. de., II, 56, 140.
CHAPITRE II
1 Cicéron, Luc, 12, 37 : His satis cognitis, quae iam explicata sunt, nunc de
adsensione atque approbatione, quant Graeci ονγκατάθεσιν uocant, pauca dice-
mus, non quo non latus locus sit, sed paulo ante iacta sunt fundamenta.
2 Ibid., 24, 78 : Nam Mud, nullt rei adsensurum esse sapientem, nihil ad
hatte controuersiam pertinebat. . . Illud certe opinatione et percepitone sublata
sequitur, omnium adsensionum retentio, ut, si ostendero nihil posse percipi, tu
concédas numquam adsensurum esse. La suspension universelle de l'assent
iment, cette εποχή περί πάντων que Cicéron traduit par omnium adsensionum
retentio découle donc nécessairement de la démonstration qu'il n'existe aucune
représentation dont on puisse être absolument certain qu'elle soit vraie.
246 LA CONNAISSANCE
3 Cf. note 1.
4 Cf. Brutus, 30, 114 : orationis genus. . . exile nee satis populari adsensioni
accomodatum; ibid., 49, 185, à propos de l'effet produit par l'éloquence: uulgi
adsensu et populari adprobatione iudicari solet.
5 Adsensus est employé en Luc, 13, 39; 18, 59; 28, 90; 38, 107; Fin., III, 8,
29; 9, 31; Nat. de., Il, 2, 4.
6 H. J. Härtung, op. cit., p. 74 sq., admet lui-même que son interprétation
peut souffrir des exceptions, mais ne cite pas les passages que nous avons évo
qués.
7 Cicéron, Fin., III, 9, 31 : summum munus esse sapientis obsistere uisis
adsensusque suos firme sustinere. Cet emploi est attesté dans le Lucullus même,
lorsque Cicéron écrit : sensus ipsos adsensus esse (Luc, 33, 108).
8 Ibid., 34, 108 : credoque Clitomacho ita scribenti, Herculi quendam labo-
rem exanclatum a Cameade quod, ut feram et immanent beluam, sic ex animis
nostris adsensionem, id est opinationem et temeritatem extraxisset.
9 A. Michel, Rhétorique et philosophie dans les traités de Cicéron, art. cit.,
p. 139.
L'ASSENTIMENT, Ι/έποχή ET LE PROBABILISME 247
10 Adsensionem sustinere: Ac. post., I, 12, 45; Luc, 17, 53; 21, 68; 30, 98;
adsensionem cohibere : Nat. de., I, 1 ; sustinere se ab adsensu omni : Luc, 15, 48;
33, 107; adsensum retinere : ibid., 18, 57; adsensum sustinere : ibid., 32, 104; 33,
108.
11 Cicéron, AU., XIII, 21, 3, lettre datée du 27 ou 28 août 45 par J. Beaujeu,
qui note, ad loc, que Cicéron avait utilisé le verbe inhibere dans un passage du
De oratore (I, 153).
12 Lucilius, frg. 1305 Marx: sustineas currum, ut bonus saepe agitator,
equosque. Atticus ayant pris sur lui de corriger dans le texte cicéronien sustinere
en inhibere, Cicéron lui demande de revenir à la version initiale : quare faciès ut
ita sit in libro quem ad modum fuit ; dices hoc idem Vaironi, si forte mutauit.
248 LA CONNAISSANCE
397, où il est explicitement question des Stoïciens, montre que des adjectifs
comme ακούσιος, εκούσιος, άβούλητος, étaient bien employés à propos de l'a
ssentiment. L'erreur de V. Brochard dans sa thèse, De assensione Stoici quid sen-
serint, Paris, 1879, aura été précisément d'affirmer de manière très vigoureuse
le caractère volontaire de la connaissance selon les Stoïciens, sans avoir montré
la spécificité de leur concept de «volonté».
23 Cicéron, Fat., 18, 42 = S.V.F., II, 974.
24 Aulu-Gelle, Noct. Au., VII, 2, 11 = S.V.F., II, 1000: impetus uero consilio-
rum mentiumque nostrarum actionesque ipsas uoluntas cuiusque ipsa propria et
animorum ingenia moderantur. Dans son article Fato e volontà umana in Crisip-
po, dans AAT, 109, 1975, p. 187-230, P. L. Donini s'est efforcé de démontrer que
le témoignage de Cicéron et celui d'Aulu-Gelle seraient incompatibles parce que
le premier laisserait une place à l'indéterminisme tandis que le second exprimer
ait dans toute sa rigueur la théorie chrysippéenne du destin. Cette interprétat
ion, bien que solidement argumentée, ne nous paraît pas entièrement convainc
ante.S'il est vrai que Cicéron ne précise pas ce que peut être la nature d'un
individu, alors qu 'Aulu-Gelle précise les facteurs (innés et acquis) constitutifs de
celle-ci, cela ne signifie pas pour autant que dans le témoignage cicéronien la
nature individuelle soit un élément d'indéterminisme. En effet, tout comme le
cône ou le cylindre ne naissent pas ex nihilo, mais sont le produit d'une élabo
ration, la nature individuelle peut être conçue comme la résultante d'un ensemb
le de facteurs. Si l'on admet cette explication qui n'est pas exprimée dans le
texte, mais que celui-ci n'interdit pas de formuler, on établira qu'il existe entre
les deux témoignages une différence d'approche plus qu'une contradiction réell
e.Sur une éventuelle modification par Chrysippe de la manière dont Zenon
concevait la réponse humaine au stimulus de la sensation, cf. supra, p. 214,
n. 24.
252 LA CONNAISSANCE
l'homme et le monde, qui fait que l'âme est attirée par l'évidence et
lui cède le plus souvent, la ressentant comme un οίκεΐον, comme
quelque chose qui lui est approprié29. Cette adhésion immédiate
est donc commune à tout le genre humain, et même au règne ani
mal dans son ensemble, puisque, comme le dit Lucullus «de même
qu'il est impossible que l'être animé ne désire pas ce qui lui paraît
convenir à sa nature (c'est ce qu'on appelle οίκείωσις en grec), ain
siil est impossible qu'il n'adhère pas à une chose évidente, si elle
se présente à lui»30. Mais, alors que l'animal en reste à ce stade
d'adhésion instinctive à la représentation évidente, chez l'homme,
être de raison, le problème de l'usage des φαντασίαι se pose en des
termes spécifiques.
Epictète dit quelque part que «toute âme est naturellement
portée à donner son assentiment au vrai, à le refuser à l'erreur, à
le retenir en présence de ce qui est incertain»31 et, ailleurs32, il
interprète l'erreur comme une faute involontaire, affirmant com
meDescartes que l'âme ne refusera jamais une représentation clai
redu bien33. Si la qualité de l'assentiment révèle donc la manière
dont un individu a réalisé ou trahi sa nature rationnelle, le fait
même d'assentir spontanément34 à ce que l'on croit être l'évidence
est la marque de la perfection de l'ordre naturel chez ceux-là
mêmes qui ne s'en sont pas montrés dignes. Et si le faux assent
imentest, selon Caton, plus étranger à nous que les autres choses
35 Cicéron, Fin., III, 5, 18 : A falsa autem assensione magis nos alienatos esse
quant a ceteris rebus, quae sint contra naturam, arbitrantur.
36 Sur le providentialisme stoïcien, cf. infra, p. 578-581.
37 Platon, Phédon, 65 c : λογίζεται δέ γέ που κάλλιστα δταν αύτην τούτων
μηδέν παραλυπη μήτε ακοή μήτε όψις μήτε άλγηδων μηδέ τις αλλ' ότι
καθ'ηδονή,
μάλιστα αυτή καθ' αυτήν γίγνηται, έώσα καίρειν το σώμα καί, δσον δύναται,
μή κοινωνοοσα αύτω~ μηδ άπτομένη όρέγηται τοΟ δντος. Trad. Vicaire légèr
ementmodifiée.
L'ASSENTIMENT, ί'έπΟχή ET LE PROBABILISME 255
l/εποχη
Le problème de Visosthénie
rique60. Et, après tout, qu'est-ce qui permet de rejeter cette hypo
thèse et pourquoi attribuer a priori au scholarque une rigueur dont
il ne fut peut-être pas capable?
Là réside sans aucun doute le mystère d'Arcésilas, le secret de
la mutation qu'il a fait subir à l'Académie, et le sens que l'on donne
à son εποχή détermine dans une très large mesure l'image que l'on
a de la Nouvelle Académie. Il s'agit, en définitive, de choisir entre
deux traditions, celle hostile au scholarque qui présente sa pensée
comme un fatras d'influences mal assimilées, et celle de Cicéron et
de Plutarque qui affirment la fidélité d'Arcésilas à Platon. Mais,
peut-être faut-il, auparavant, mieux préciser les données du problè
me?
La distinction entre deux formes ά'εποχί] néoacadémicienne
n'est pas entièrement convaincante, parce que le principe d'isos-
thénie est déjà d'une certaine manière présent dans la critique de
la représentation «comprehensive». En effet, lorsque Arcésilas dit
qu'à toute représentation vraie correspond une représentation
fausse qui lui est parfaitement identique, que faut-il sinon expr
imerla force égale du vrai et du faux dans le monde des représen
tations? Il n'est pas impossible à cet égard que la métaphore de la
balance, utilisée par Lucullus pour illustrer l'effet de la représentat
ion «comprehensive», ait été une réponse à l'image de l'équilibre
des plateaux, image par excellence de l'isosthénie61. Faut-il pour
autant conclure qu'il y a sur ce point concordance parfaite entre la
Nouvelle Académie et les Pyrrhoniens? Malgré leur rareté, les
témoignages incitent à plus de prudence. Le Pyrrhonien croit, en
effet, que l'isosthénie est présente dans le monde des phénomènes
et qu'il suffit d'avoir le «double regard» dont parle Timon pour la
percevoir. En revanche, l'isosthénie que l'Académicien attribue aux
représentations ne repose sur aucun postulat ontologique ni phé
noménologique, elle exige la médiation du sorite qui donne une
signification universelle à l'erreur des sens, elle est une construc
tion dialectique destinée à inspirer la méfiance à l'égard des sensat
ion.La sagesse que la Nouvelle Académie oppose à celle des Stoï
ciens n'est nullement l'indifférence aux apparences, mais la convic
tion que l'erreur est possible quelle que soit l'évidence de la repré
sentation.
Mais cette analyse éclaire un aspect seulement du problème. Si
l'isosthénie des représentations n'était qu'un moyen mis au service
de la critique du stoïcisme, pourquoi Arcésilas faisait-il sienne
l'isosthénie des discours, ces paria momenta rationum pour repren-
60 Cf. supra, p. 9, n. 2.
61 Cicéron, Luc, 12, 38, cf. supra, n. 14.
262 LA CONNAISSANCE
67 Cf. infra, p. 417. Ce climat de rivalité entre Zenon et l'Académie est très
sensible chez Numénius, ap. Eusèbe, Praep. Ev., XIV, 5, 10, 729 b-6, 14, 733 d =
frg. 25 Des Places.
68 Platon, Pol., 275 b, cf. Théétète 172 c-177 c, à propos du philosophe.
69 Cf. les frgs 41 sq. Isnardi Parente et le commentaire ad loc.
70 Nous aborderons plus loin, cf. infra, p. 325, le problème du débat entre
Académiciens et Stoïciens à propos de la sagesse.
L'ASSENTIMENT, ί'έποχή ET LE PROBABILISME 265
sage. D'une manière plus générale, il faut rappeler quel choc cons
titua pour les philosophes de l'Académie l'apparition de ces syst
èmes qui, sous une forme ou sous une autre, se targuaient de pou
voir dire la nature des choses et d'offrir à l'homme une règle de
conduite infaillible. Pyrrhon lui-même ne promettait-il pas de révé
lerune «parole de vérité», expression sur laquelle on discutera
encore longtemps, mais qui nous paraît très caractéristique de l'es
prit de la philosophie hellénistique71? Face à des doctrines qui
transformaient la φιλοσοφία en σοφία, qui semblaient entraver la
liberté de la réflexion théorique, que pouvait faire le chef de l'école
platonicienne sinon lutter pour rétablir les droits de la recherche?
D'où la valorisation de tout ce qui, dans Platon, est mise en éviden
ce de la faiblesse humaine. On aurait tort de croire que cet effort
exégétique se limitait à certains dialogues, comme le Théétète. En
effet, un témoignage tardif, mais fort intéressant, les Prolegomena
in Platonis philosophia, permet de penser que même le Phédon
était invoqué à l'appui du scepticisme, les Néoacadémiciens ar
guant que, du fait de son incarnation, l'âme est incapable de perce
voirquoi que ce soit avec certitude72. Il y a là quelque chose qui
ressemble fort à une racine métaphysique de la philosophie d'Arcé-
silas. Cette interprétation pessimiste de Platon s'accompagna de
l'utilisation des procédés chers aux dialecticiens issus de Socrate;
elle provoqua aussi la recherche de surprenantes convergences,
comme le montre l'invocation de certains Présocratiques. Cepend
ant,nous reconnaissons que cela ne suffit pas à expliquer que des
générations de scholarques de l'Académie aient eu comme centre
de leur réflexion et de leur recherche ce problème de l'assent
iment,si étroitement lié à la pensée stoïcienne, à tel point qu'en
lisant les témoignages antiques on arrive à se demander si le débat
sur Γέποχή n'avait pas fini par stériliser toute la capacité d'innova
tion des philosophes de l'Académie. Nous avons là, en réalité, la
manifestation d'un phénomène qui s'est bien souvent reproduit
73 Numénius, ap. Eusèbe, Praep. Ev., XIV, 7, 14, 736 d = Numénius, frg. 26
Des Places : και γαρ αυτός έπετήδευε την εις έκάτερα έπιχείρησιν και πάντα
άνεσκεύαζε τα ύπο τών άλλων λεγόμενα · μόνφ δ' έν τφ περί τής εποχής λόγω
προς αυτόν διέστη, φας αδύνατον είναι άνθρωπον όντα περί απάντων έπέχειν. δια-
φοράν δ' είναι άδήλον και άκαταλήπτον και πάντα μέν είναι ακατάληπτα, ού πάν
ταδ' άδηλα.
L'ASSENTIMENT, Ι/έποχή ET LE PROBABILISME 267
74 Cicéron, Luc, 18, 59 : Ex his ilia necessario nata est εποχή, id est adsensio-
nis retentio, in qua melius sibi constitit Arcesilas, si uera sunt quae de Cameade
non nulli existimant.
75 Nous trouvons un peu plus loin dans ce même paragraphe la première
allusion à ce problème : « Or, on nous disait hier que Camèade avait l'habitude
de se laisser aller à affirmer que le sage aura parfois des opinions, c'est à dire
qu'il lui arrivera de commettre des fautes» (Çarneaden autem etiam heri audie-
bamus solitum esse eo delabi interdum ut diceret opinaturum, id est peccaturum
esse sapientem). Contrairement à Bréhier et Goldschmidt qui ont fait porter
interdum sur delabi, nous croyons que cet adverbe est en situation de prolepse
et concerne peccaturum, car il y a contradiction à faire figurer solitum esse et
interdum dans la même proposition. A l'appui de notre interprétation, nous
citerons aussi le § 112, où la proposition sapientem interdum opinari est présent
ée comme le point sur lequel la dialectique carnéadienne pourrait rejoindre,
malgré une opposition de façade, la philosophie du Lycée : ne Cameade quidem
huic loco ualde repugnate. L'erreur des traducteurs de «La Pléiade» s'explique
peut-être par le fait qu'au § 67 Cicéron écrit : Carneades non numquam secun-
dum illud dabat, adsentiri aliquando, transformant ainsi en position occasionn
elle du scholarque ce qui au § 59 lui était attribué comme une doctrine perma
nente (solitum esse). Ces variations font assurément problème, et ce d'autant
plus qu'au § 78, l'interprétation de Philon et de Métrodore est exposée de
manière très sèche : Licebat enim nihil percipere et tarnen opinari, quod a Car-
neade dicitur probatum. J. Glucker, Antiochus. . ., p. 76, n. 218, et p. 396, a distin
guétrois interprétations de la pensée de Camèade en ce qui concerne le problè
me de l'opinion du sage :
- celle de Clitomaque, pour qui le sage n'admettait que dialectiquement
la possibilité pour le sage d'assentir à l'opinion ;
- celle de Philon et de Métrodore;
- la «middle of the road» interpretation : celle qui procède de manière
atténuée, en ajoutant des adverbes comme non numquam, interdum, ou al
iquando (Luc, 59, 67, 112). Or la distinction entre la deuxième et la troisième
interprétation nous paraît pécher par excès de subtilité. S'il est vrai que Cicéron
n'a exprimé aucune atténuation au § 78, il dit dans ce même paragraphe : Clito-
machi plus quant Philoni aut Metrodoro credens, ce qui implique que la «voie
moyenne», si elle existe, ne peut être que celle de Métrodore. Or Métrodore ne
joue aucun rôle dans ce dialogue et, de surcroît, le non nulli existimant du § 59
est plus apte à exprimer la position commune à Philon et à Métrodore qu'une
exégèse propre à Métrodore, qui se vantait d'avoir été le seul à comprendre Car-
néade, cf. supra, p. 47, n. 161. Les arguments qui ont été avancés par D. Sedley,
The end of the Academy, p. 71, pour montrer que Philon aurait adopté l'inte
rprétation métrodorienne avant même ses livres romains ne nous paraissent pas
concaincants. Nous ne croyons pas, cf. infra, p. 292-294, que le § 34 puisse être
considéré comme métrodorien ou philonien, et, de même, nous ne comprenons
pas comment la position de Catulus au § 148 pourrait être métrodorienne, alors
268 LA CONNAISSANCE
fique. Il s'est donc agi pour eux de donner une expression formelle
du probable tout aussi rigoureuse que celle des arithméticiens, le
jugement de probabilité étant pour eux d'une vérité logique abso
lue;
- la conception subjectiviste, illustrée en particulier par De
Finetti, diffère de la précédente en ceci qu'elle nie précisément le
caractère exclusivement logique de ce jugement et qu'elle accorde
une place aux degrés de croyance, à l'intensité de la conviction du
sujet.
103 Cf. l'article de M. F. Burnyeat, Can the Sceptic live his scepticism ?, dans
Doubt and dogmatism. .., p. 20-53, repris dans The skeptical tradition, p. 11 Τ
Ι48, qui constitue une excellente étude de la manière dont le problème se pose
dans le néopyrrhonisme.
L'ASSENTIMENT, ί'έποχή ET LE PROBABILISME 279
131, nous ne croyons pas qu'il y ait eu une référence à Aristote dans l'utilisation
par la Nouvelle Académie de ce concept, cf. infra, n. 108.
107 Sénèque, Benef., IV, 33, 2-3 : respondebimus numquam expectore nos cer-
tissimam rerum comprehensionem, quoniam in arduo est ueri exploratio, sed ea
ire qua ducit ueri similitudo. Omne hac uia procedit officium : sic serimus, sic
nauigamus, sic uxores ducimus, sic liberos tollimus. . . Sequimur qua ratio, non
qua ueritas traxit. Trad. F. Préchac modifiée. Sénèque répond à un objecteur qui
lui demande comment il fera le bien sans savoir s'il a affaire à un ingrat ou
pas.
On trouvera un commentaire très dense de ce passage dans l'ouvrage de
F.-R. Chaumartin, Le De beneficiis de Sénèque, sa signification philosophique,
politique et sociale, Lille, 1985, p. 92-97. Ce savant s'est tout particulièrement
intéressé à l'interprétation que les chercheurs modernes ont donné du concept
d'eöXoyov et, après une minutieuse étude, il conclut que le sens de «vraisembla
ble» doit être préféré à celui de «fondé en raison». Nous croyons, cependant,
que V. Goldschmidt, op. cit., p. 139, n. 6, a eu raison de souligner que l'on a trop
tendance à durcir une opposition que le mouvement de la doctrine stoïcienne
permet de dépasser.
κ» Dans son argumentation visant à montrer que Γεΰλογον d'Arcésilas ne se
réfère pas dialectiquement au concept zénonien, A. M. Ioppolo, op. cit.,
p. 125 sq., accorde une grande importance au fait que le terme de κατόρθωμα
n'est nulle part attesté comme zénonien. A cela il nous semble que l'on peut
opposer plusieurs arguments :
- l'argument a silentio, nullement négligeable quand on sait quelle part
infime de la littérature stoïcienne nous est parvenu;
- chez Cicéron lui-même, Off., I, 3, 7, la distinction fondamentale est cel
leentre i'officium medium et Xofficium perfectum, κατόρθωμα étant seulement
le terme en quelque sorte technique pour désigner celui-ci. Il ne faut donc pas
s'étonner outre mesure qu'il ne figure pas dans les rares fragments de Zenon
qui nous sont parvenus;
L'ASSENTIMENT, ί'έποχή ET LE PROBABILISME 281
112 Cf. la définition de la φαντασία πιθανή selon les Stoïciens, dans Sextus,
Adu. math., VII, 242 = S.V.F., II, 65 : πιθαναί μέν ούν είσίν αϊ λείον κίνημα περί
ψυχήν έργαζόμεναι. . .
113 Cf. supra, p. 245.
114 Dans un passage auquel nous avons déjà fait allusion (cf. supra, n. 66),
Sextus différencie le πιθανόν carnéadien de celui des Sceptiques authentiques.
Il souligne que les Pyrrhoniens suivent passivement l'apparence et lui obéissent
comme l'élève obéit au maître, alors que le πιθανόν de Camèade et de Clitoma-
que comporte une forte inclination de l'assentiment. Nous croyons avoir mont
ré,op. cit., p. 38-40, que, contrairement à ce qui a été affirmé par R. Hirzel, op.
cit., t. 3, p. 174, ce témoignage ne signifie pas qu'il y avait de la part de Camèad
e un assentiment véritable au probable.
115 Sext. Emp., Adu. math., VII, 242-253.
L'ASSENTIMENT, ί'έποχή ET LE PROBABILISME 283
L'apport cicéronien
133 Ibid., 12, 27 : tu ergo, cum te nihil ueri scrire dicas, unde hoc uerisimile
sequeris ?
L'ASSENTIMENT, Ι/έποχή ET LE PROBABILISME 291
134 J.
135
136 Cf.Glucker,
supra, p. op.
286.
197.cit., p. 64-88, cf. V. Brochard, op. cit., p. 197 et M. Dal
Pra, op. cit., t. 1, p. 310-315.
137 II reconnaît cependant lui-même ne pas pouvoir préciser le sens de cette
ενάργεια, cf. ibid., p. 78 : What was this concept of ενάργειας πάθος and how was
it used? We have no safe evidence beside Luc. 34, and we can only guess. Perhaps
it was meant to refute such arguments as those presented in Luc. 53ff... It is,
perhaps, against such Stoic counter-arguments that the upholders of a milder ver
sion of Carneadean scepticism admitted that some sense-perceptions are, indeed,
more perspicua, while still maintaining that even they are not entirely indistin
guishable from false ones.
292 LA CONNAISSANCE
138 Numénius, ap. Eusèbe, Praep. Eu., XIV, 9, 739 b = frg. 28 Des Places.
139 Numénius était l'auteur d'un traité Sur les secrets de Platon, cf. frg. 23
Des Places.
140 Ce concept de συνήθεια joue un rôle assez important dans le combat
entre la Nouvelle Académie et le Portique. Nous savons par Plutarque, Comm.
not., 1, 1059 b, qu'Arcésilas était accusé par les Stoïciens d'avoir voulu ruiner la
συνήθεια, l'expérience commune. Chrysippe, pour préparer les arguments les
plus aptes à défendre celle-ci avait d'abord écrit {Luc, 27, 87 et Diog. Laërce,
VII, 192 et 198) un ouvrage κατά τής συνήθειας, dont les Stoïciens eux-mêmes
étaient fort fiers, cf. J. S. Reid, ad loc., avant de réfuter lui-même les arguments
qu'il avait développés. Dire donc que la συνήθεια avait vaincu Γέποχή, c'était
faire le constat d'une victoire stoïcienne sur la Nouvelle Académie.
L'ASSENTIMENT, L εποχή ET LE PROBABILISME 293
141 Cicéron, Luc, 11, 34: Simili in errore uersantur cum conuicio ueritatis
coarti perspicua a perceptis uolunt distinguere et conantur ostendere esse aliquid
perspicui, uerum illud quidem impressum in animo atque mente, neque tarnen id
percipi atque comprendi posse. H. Tarrant, Scepticismus. . ., p. 49-53, écrit à pro
pos du concept ά'ένάργεια : there can be little doubt that an orthodox Carneadean
would not have embraced the concept with any enthusiasm. Mais, comme le
remarque d'ailleurs Tarrant lui-même, p. 49, l'hostilité de Camèade et de Clit
omaque était dirigée contre Γένάργεια au sens fort du terme, c'est à dire contre
la relation quasi automatique établie par les Stoïciens entre l'évidence et l'a
ssentiment. Or ce qui est dit au § 34 s'accorde parfaitement avec la paraphrase
de Clitomaque du § 99 : la critique carnéadienne conteste l'existence d'une
représentation infaillible, mais admet qu'il existe des similia ueri qui sont non
comprehensa neque percepta neque adsensa. De même, nous ne comprenons pas
ce qui permet à Tarrant d'affirmer, p. 50, qu'au § 34 Antiochus évoque the Aca
demics of his own days.
294 LA CONNAISSANCE
estime que la discussion est malgré tout possible avec «ceux qui
s'efforcent de faire comprendre la différence entre l'incertain et ce
qui ne peut être perçu et de distinguer les deux choses», autrement
dit avec l'école de Camèade. A partir de là, et jusqu'au § 40, où il
emploie le terme d'Academici, Lucullus parle de ces philosophes en
utilisant la troisième personne du pluriel. Pourquoi au § 34 celle-ci
désignerait-elle soudainement d'autres gens qu'eux? Rien, absolu
mentrien, dans la lettre du texte ni dans son esprit n'indique un tel
changement;
- ajoutons encore ceci : dans le témoignage de Numénius,
l'évidence des sensations est ce qui conduit Philon à rejeter la sus
pension universelle du jugement. Dans celui de Cicéron, au contrair
e, il faut, quel que soit le caractère persuasif de l'évidence, maint
enir la suspension du jugement. Il est donc pour le moins para
doxal d'affirmer que les deux relèvent d'une même inspiration. En
fait, Numénius essaie de rendre compte, à sa façon, des innovat
ionsphiloniennes, alors que Lucullus reste fidèle à son projet ini
tial et ne s'intéresse pas aux dissidences de la Nouvelle Académie.
142 Cf. note précédente et Sext. Emp., Adu. math., VII, 171.
143 Cicéron, Luc, 13, 40 : Eorum quae uidentur, alia uera sunt, alia falsa, et
quod falsum est, id percipi non potest : quod autem uerum uisum est, id omne
taie est ut eiusdem modi falsum etiam possit uideri. Et quae uisa sint eius modi
ut in eis nihil intersit, non posse accidere ut eorum alia percipi possint, alia non
possint. Nullum igitur est uisum quod percipi possit.
L'ASSENTIMENT, L'ènO%i] ET LE PROBABILISME 295
pût être perçu (c'est ainsi, en effet, que nous rendons le terme άκα-
τάληπτον), si par perception il fallait entendre la définition donnée
par Zenon : une représentation - tel est le mot dont nous avons usé
hier pour traduire φαντασία - une représentation donc imprimée et
formée d'après l'objet dont elle provient et qui ne pourrait pas être
telle si elle ne provenait pas de cet objet. Cette définition de Zenon
nous la considérons comme tout à fait rigoureuse : comment, en
effet, pourrait-il y avoir une compréhension propre à donner la
sécurité de la connaissance et la certitude, si elle peut tout aussi bien
être fausse? En critiquant et en rejetant cette définition, Philon sup
prime la distinction entre le connu et l'inconnu, ce qui implique que
rien ne peut être connu ; l'imprudent est renvoyé là où il ne veut sur
tout pas aller. C'est pourquoi tout notre discours contre l'Académie
vise désormais à maintenir cette définition que Philon a voulu ren
verser » 144.
A la lecture de ce passage, nous comprenons que la nouveauté
introduite par Philon dans la Nouvelle Académie ne fut pas de
modifier tel ou tel concept, mais d'ajouter à la formule consacrée
«rien ne peut être perçu» la restriction «si l'on entend la percept
ion au sens stoïcien». Autrement dit, tout en affirmant que la réal
ité peut être appréhendée, il rejetait le critère du Portique, la
représentation «comprehensive». Pour Lucullus, défenseur sans
nuance de la logique de Zenon et qui ne conçoit pas d'autre moyen
de percevoir les choses que l'évidence sensorielle, il y a là une
inconséquence majeure, si bien que tout en accusant Philon d'avoir
menti et d'avoir travesti la pensée de ses prédécesseurs, il souligne
l'échec du scholarque dans sa tentative pour se distinguer d'Arcési-
las et de Camèade. Ce jugement partisan, expression d'une pensée
systématiquement hostile à Philon, n'est guère étonnant dans la
bouche du défenseur d'Antiochus. Il faut en faire abstraction, nous
demander quel était le sens du changement accompli par Philon et
comprendre les raisons qui l'avaient motivé.
144 Ibid., 6, 18 : Philo autem, dum noua quaedam commouet, quod ea sustine-
re uix poterai quae contra Academicorum pertinaciam dicebantur, et aperte men-
titur, ut est reprehensus a pâtre Catulo, et, ut docuit Antiochus, in id ipsum se
induit, quod timebat. Cum enint ita negaret quicquam esse quod comprehendi
posset - id enim uolumus esse άκατάληητον - si Mud esset, sicut Zeno definiret,
tale uisum - iam enim pro φαντασία uerbum satis hesterno sermone triuimus -
uisum igitur impressum effictumque ex eo unde esset quale non posset ex eo unde
non esset, id nos a lenone definitum rectissime dicimus : qui enim potest qui
cquam comprehendi, ut plane confidas perceptum id cognitumque esse, quod est
tale, quale uel falsum esse possit? Hoc cum infirmât tollitque Philo, iudicium tol-
lit incogniti et cogniti, ex quo efficitur nihil posse comprehendi; ita imprudens eo
quo minime uolt reuoluitur. Qua re omnis oratio contra Academiam suscipitur a
nobis ut retineamus earn definitionem quam Philo uoluit euertere. Trad, personn
elle.
296 LA CONNAISSANCE
145 Sext. Emp., Hyp. Pyr., I, 33, 235 : oi δέ περί Φίλωνα φασιν δσον μεν έτη
τφ στωικφ κριτερΐω, τουτέστι τη καταληπτικη φαντασία, ακατάληπτα είναι τα
πράγματα, οσον δέ έπί τη φύσει των πραγμάτων αυτών καταληπτά.
146 Ce que reconnaît Lucullus lui-même quand il affirme au § 16 : Philone
autem uiuo patrocinium Academiae non defuit.
147 Sext. Emp., Adu. math., VII, 165 : ούτε ούν ή άλογος αίσθησις οΰτε ό
λόγος ην κριτήριον.
L'ASSENTIMENT, ί'έποχή ET LE PROBABILISME 297
148 Photius, Bibl., 212, 169 b : διαφοραν των τε Πυρρωνίων και των 'Ακαδη
μαϊκών είσάγων μικρού γλώσση αύτη ταοτά φησιν, ώς οί μέν από τής 'Ακαδημίας
δογματικοί τέ είσι καί τα μέν τίθενται αδιστάκτως, τα δέ αίρουσιν αναμφιβόλως
170 a : το γαρ αμα τιθέναι τι καί αίρειν αναμφιβόλως, αμα τε φάναι κοινώς ύπ-
άρχειν καταληπτά, μάχην όμολογουμένην εισάγει, έπεί πως οΐόν τε γινώσκοντα
τόδε μέν είναι αληθές τόδε δέ ψευδός έτι διαπορείν και διστάσαι, καί ού σαφώς
το μέν έλέσθαι, το δέ περιστήναι.
149 R. Gélibert, Philon de Larissa et la fin du scepticisme académique, dans
Permanence de la philosophie, Mélanges offerts à J. Moreau, Neuchâtel, 1977,
p. 82-126. R. Gélibert adopte, p. 114, au § 170 a une correction qui avait été pr
écédemment proposée par R. Hirzel, op. cit., t. 3, p. 233, et il remplace καταληπτά
par son contraire. Nous croyons cependant qu'il faut conserver tel quel le texte
des manuscrits, car ce que reproche Enésidème aux Académiciens c'est de pra
tiquer l'isosthénie sur fond de compréhensibilité de la réalité.
298 LA CONNAISSANCE
DE LA PRÉNOTION À LA SAGESSE
1 Cicéron, Luc, 7, 21-23; 10, 31; 12, 38. Cicéron emploie lui-même au § 21
l'expression series . . . maiora nectens.
2 Sur la nécessité de ne pas perdre de vue le caractère dynamique de cette
series, cf. supra, p. 164.
3 Cicéron, Luc, 21 : «les choses qui ne sont pas perçues par les sens eux-
mêmes, mais qui le sont cependant d'une certaine manière ; par exemple : ceci
est blanc ...» Trad. pers.
4 Ibid. : ... sine quibus nec intelligi quicquam nec quaeri, cf. également Ac.
post., I, 11, 42. On trouvera des éléments qui rappelent le texte cicéronien dans
Sext. Emp., Adu. math., VII, 343-345.
5 L'expression se trouve dans Sext. Emp., ibid., 373 = S.V.F., I, 64.
302 LA CONNAISSANCE
24 Cicéron, Luc, 47, 142 : Aliud iudicium Protagorae est . . . aliud Cyrenaico-
rum . . . aliud Epicuri . . . Plato autem omne iudicium ueritatis ueritatemque
ipsam abductam ab opinionibus et a sensibus cogitationis ipsius et mentis esse
uoluit.
25 Cicéron, Or., 3, 10 : Has rerum formas appellai ιδέας ille non intellegendi
solum sed etiam dicendi grauissimus auctor et magister Plato, easque gigni negat
et ait semper esse ac ratione et uia disputetur, id est ad ultimam sui generis for-
mam speciemque redigendum. Cf. l'exposé varronien de l'idéalisme, supra,
p. 147.
308 LA CONNAISSANCE
33 J. S. Reid, ad loc.
34 Cicéron, Luc, 33, 106 : Si igitur memoria perceptarum comprehensarum-
que rerum est, omnia quae quisque meminit, habet ea comprehensa atque percep-
ta. Falsi autem comprehendi nihil potest, et omnia meminit Siron Epicuri dogmat
a; uera igitur Ma sunt omnia.
35 Ibid.
DE LA PRÉNOTION À LA SAGESSE 311
tète36: «(le non-être) n'a pas, s'il est permis de le dire, moins
d'existence que l'être lui-même; car ce n'est pas le contraire de
l'être qu'il exprime, c'est seulement autre chose que lui». L'idée
d'une mémoire des choses fausses n'apparaît donc philosophique
ment scandaleuse à Lucullus que parce que celui-ci n'a pas su défi
nirce qu'est l'erreur. Ainsi, une fois de plus, le débat entre la Nouv
elle Académie et le Portique perpétue, sous des formes différent
es, une question qui était au centre de la réflexion platonicienne.
36 Platon, Sophiste, 258 b : ουδέν ήττον, ει θέμις ειπείν, αύτοΰ του δντος
ουσία εστίν, ούκ εναντίον έκείνφ σημαίνουσα άλλα τοσούτον μόνον, έτερον εκεί
νου.
37 Sur cette question, cf. les articles déjà cités de P. Hadot, Philosophie,
dialectique, rhétorique dans l'Antiquité et Les divisions des parties de la philoso
phie dans l'Antiquité.
38 P. Hadot, Les divisions. . ., p. 205.
κατ' 39 Cf. Alex. Aphr., In Arist. Top., p. 3 ALD = S.V.F., II, 124 : μόνος ό σοφός
αυτούς διαλεκτικός.
40 Cf. supra, p. 34, n. 106.
312 LA CONNAISSANCE
41 Cicéron, Luc, 28, 91 : Dialecticam inuentam esse dicitis, ueri et falsi quasi
disceptatricem et iudicem. Cuius ueri et falsi, et in qua re? In geometriane quid
sit uerum aut falsum dialecticus iudicabit an in litteris et in musicis? At ea non
nouit. In philosophia igitur. Sol quantus sit quid ad ilium? Quod sit summum
bonum quid habet ut queat iudicare? Quid igitur iudicabit? Quae coniunctio,
quae diiunctio uera sit, quid ambigue dictum sit, quid sequatur quamque rem,
quid repugnet. Si haec et horum similia iudicat, de se ipsa iudicat; plus autem
pollicebatur. Trad. Bréhier-Goldschmidt modifiée.
42 Cf. la note de Reid ad loc, qui cite le Gorgias, 453 d.
43 Platon, Charmide, 175 e : φαΟλον ζητητήν; 176a: λήρον.
44 Ibid., 166e: μόνη τών άλλων επιστημών, αυτή τε αύτης εστίν καί των
άλλων επιστημών επιστήμη.
DE LA PRÉNOTION À LA SAGESSE 313
49 Horace, Ep., II, 1, 47; Sext. Emp., Adu.math., I, 68-69; VII, 418-421.
50 Cicéron, Luc, 29, 94 : ut agitator callidus, prius quant ad finem ueniam,
equos sustinebo, eoque magis, si locus, is, quo ferentur equi, praeceps erit. Trad.
Bréhier-Goldschmidt légèrement modifiée. Pour J. Barnes, op. cit., p. 55, Chry
sippe perçoit quel est le dernier cas clair, après lequel l'arrêt est nécessaire.
51 Ibid., 93 : Per me uel stertas licet, inquit Carneades, non modo quiescas.
Sed quid proficit? Sequitur enim qui te ex somno excitet et eodem modo interro-
get. Trad, pers.
52 Ibid., 92: «La nature ne nous a pas donné la connaissance des limites
qui nous permettrait de définir exactement une réalité ». Trad. pers.
53 Sur la signification philosophique du sorite chez les Néoacadémiciens,
cf. H. J. Krämer, op. cit., p. 75-77.
DE LA PRÉNOTION À LA SAGESSE 315
54 Cicéron, ibid., 96, cf. le développement de Sext. Emp. sur les άναπόδεικτ
οι λόγοι dans Hyp. Pyr., II, 13, 157.
55 Ibid. : «Si diets nunc lucere et uerum diets, lucet; diets autem nunc lucere
et uerum dicis : lucet igitur».
56 Ibid. Nous n'avons pas pu consulter l'ouvrage consacré au «menteur»
par A. Rüstow, Die Lügner. Theorie, Geschichte und Auflösung, Diss. Erlangen,
1910, et cité par H. J. Krämer, op. cit., p. 59, n. 221.
316 LA CONNAISSANCE
gnée dans Or., 32, 113-33, 117. Sur la relation entre dialectique et rhétorique, cf.
A. Michel, Rhétorique et philosophie, p. 158-234.
61 Cette expression se trouve dans Brutus, 89, 309. La métaphore de la pau
me et du point appliquée à la relation de la rhétorique et de la dialectique figu
redans Or., 32, 113 et dans Fin., II, 6, 17; elle a été reprise par Quintilien, Inst.
or., II, 20, 7. Sur les deux utilisations de cette méthaphore par Zenon, cf. l'arti
clede J. P. Dumont, L'âme et la main. . ., op. cit.
62 Cicéron, Orator, 32, 115.
63 Ibid. : Nouerit primum uim, naturam, genera uerborum et simplicium et
copulatorum; deinde quoi modis quidque dicatur; qua ratione uerum falsumne
sit iudicetur; quid efficiatur e quoque; quid cuique consequens sit quidque
contrarium; cumque ambigue multa dicantur, quo modo quidque eorum diuidi
explanarique oporteat.
64 Cicéron, Brutus, 30, 114-116.
318 LA CONNAISSANCE
le, sans que l'on ait cherché à appréhender la logique des propos
cicéroniens. Ce qu'il faut espérer d'une approche plus globale, ce
n'est pas une réponse définitive sur le problème de fond, mais des
indications sur la manière dont les Académiciens percevaient et
expliquaient eux-mêmes cet aspect de la philosophie.
Paradoxalement, puisqu'il est difficile d'évoquer la Nouvelle
Académie sans penser à la disputatio in utramque partent romaine
de Camèade sur la justice, Cicéron, lui, emploie le plus souvent
l'expression contra omnium sententias dicere10. H. J. Krämer, à qui
ce détail n'a pas échappé, en a conclu que la seule innovation d'Ar-
césilas par rapport aux joutes dialectiques qui avaient lieu dans
l'Ancienne Académie, fut de se réserver systématiquement le rôle
du contradicteur71. En réalité, c'est Cicéron lui-même qui nous
interdit d'interpréter cette volonté de contradiction systématique
comme une simple variante d'exercices scholastiques antérieurs. A
cet égard, le texte le plus complet, le plus clair dans sa formulat
ion, est la préface du second livre du De finibus dans lequel l'Arpi-
nate, exprimant son peu de goût pour Yoratio continua, se réclame
de Socrate qui, dit-il, contrairement à Gorgias, ne cherchait pas à
faire étalage de sa science, mais à connaître les opinions des gens
et, le cas échéant, à les réfuter72 : «cette pratique», poursuit-il,
«abandonnée par ceux qui ont suivi, fut reprise par Arcésilas qui
décida que ceux qui voulaient l'entendre ne devaient par lui poser
de questions mais faire connaître eux-mêmes leur opinion; après
quoi, il prenait le contre-pied de celle-ci, mais en laissant ceux qui
l'écoutaient se défendre aussi longtemps qu'ils en étaient capab
les». On ne saurait être plus catégorique dans l'affirmation que la
Nouvelle Académie rompit avec la tradition des successeurs imméd
iatsde Platon pour renouer avec la dialectique socratique, les phi
losophes dogmatiques étant, à l'inverse, implicitement assimilés à
des continuateurs de la sophistique. Nous ne reviendrons pas sur le
problème des origines de la philosophie d'Arcésilas, l'important
étant ici de constater qu'à tort ou à raison la Nouvelle Académie
rattachait à Socrate sa pratique de la réfutation systématique. Car-
néade, lui-même, dont la postérité a surtout retenu l'image d'un
virtuose de la défense du pour et du contre à propos d'un même
thème, est présenté au début du De natura deorum comme le digne
81 Cicéron, Fat., I, 1 : Quod autem in aliis libris feci, qui sunt de natura deo
rum, itemque in Us, quos de diuinatione edidi, ut in utramque partem perpetua
explicaretur oratio, quo facilius id a quoque probaretur, quod cuique maxime pro
babile uideretur, id in hac disputatione de fato casus quidam ne facerem impe-
diuit.
82 Ibid., 2, 4.
83 Cicéron, Luc, 3, 7 : Nos autem, quoniam contra omnis dicere quae uiden-
tur solemus. . . ; neque nostrae disputationes quicquam aliud agunt nisi ut in
utramque partem dicendo eliciant et tamquam exprimant aliquid, quod aut
uerum sit aut ad id quant proxime accédât. Trad. pers.
324 LA CONNAISSANCE
jamais que tout leur système était orienté vers un idéal irréalisable,
ce en quoi ils avaient la même attitude que leurs adversaires épicu
riens. Il ne suffisait pas, cependant, pour être convaincants de fon
der leur argumentation sur l'existence passée ou future d'un ou
deux sages et c'est dans une lettre de Sénèque que nous trouvons la
réflexion la plus cohérente sur cette question. A ceux (évidemment
des Platoniciens) qui objectent au stoïcisme que la vertu et le bon
heur sont l'apanage des dieux, l'homme devant se contenter de leur
image, il réplique que si la raison des dieux est parfaite, celle des
hommes est perfectible92. Autrement dit, peu importe de savoir si
le sage existe ou s'il a existé, puisque, de toute façon son existence
est inscrite dans la réalisation des virtualités de la raison, dont la
perfectibilité a pour aboutissement l'identification de la volonté
humaine à celle de Dieu.
L'exaltation du bonheur du sage figure dans divers textes cicé-
roniens, et notamment dans le second livre du De natura deorum,
où Balbus s'exprime en des termes qui préfigurent ceux employés
par Sénèque93. Elle est, en revanche, absente du discours de Lu-
cullus, et cela s'explique aisément. En effet, Balbus ou Sénèque se
placent du point de vue de l'achèvement de la raison, tandis que
Lucullus se consacre essentiellement à la représentation, c'est-à-
dire à la source de l'activité rationnelle. Compte tenu, cependant,
du fait que dans le stoïcisme l'origine contient potentiellement la
fin et que celle-ci, pour être comprise, doit être « référée au début »,
parler de la représentation «comprehensive» ou de l'assentiment,
c'est déjà parler de la sagesse, puisqu'on en établit le principe natur
el94. Il n'y a donc rien d'étonnant à voir Lucullus affirmer que le
sage est le seul objet de son discours. Ce qu'il dit du sapiens concer
ne essentiellement la constance de la science95 : le sapiens est cer-
pouvait ne pas être conscient de sa sagesse. Cf. sur ce point Plutarque, Sto. rep.,
19.
96 Platon, Rep., VI, 500 e : θείφ δη καί κοσμίφ ο γε φιλόσοφος ομιλών κοσ-
μιός τε καί θείος εις το δυνατόν άνθρώτκρ γίγνεται. Trad. Chambry modifiée.
97 G. Vlastos, Socratic knowledge and Platonic pessimism, dans PhR, 66,
1957, p. 226-238, article écrit à propos du livre de J. Gould, The développement
of Plato's ethics, New York, 1955, qui opposait Socrate, inventeur de l'aventure
éthique individuelle et Platon, promoteur dans les Lois d'une morale autoritaire
et inquisitoriale.
98 Cf. la métaphore des ténèbres in Ac. post., I, 12, 44.
99 Epiphanios, Panarion haer., III, 29, cité par H. J. Krämer, op. cit., p. 53,
n. 209 : Άρκεσίλαος εφασκε τφ θεφ έφικτον είναι μόνφ το αληθές, άνθρώπφ δ' ου
Καρνεάδης τα αυτά τφ εΑρκεσιλάω έδόξασεν.
328 LA CONNAISSANCE
102 On pourrait nous objecter que Cicéron n'hésita pas lui même à défendre
l'assassinat politique lorsque l'assassin était de son bord. Il est certain qu'enga
gé dans une vie politique marquée par l'omniprésence de la violence, il ne fut
pas lui-même irréprochable. Il faut cependant remarquer que la violence n'est
jamais pour lui une fin en soi, qu'elle lui apparaît comme un mal nécessaire,
lorsque tous les autres recours ont été épuisés, pour revenir à un état de droit.
Sur ce point, cf. P. Grimai, Cicéron, p. 257 et A. Michel, op. cit., p. 562-567.
103 Cicéron, Ait., VII, 1,6; σοφιστεύω se trouve en IX, 9, 1.
104 Ibid., IX, 10.
105 Cf. supra, p. 272.
106 Sur la conception de la sagesse dans le Pro Murena, cf. supra, p. 106.
330 LA CONNAISSANCE
L'ÉTHIQUE
Dans cette partie consacrée aux problèmes de l'éthique, nous
étudierons successivement et en prenant comme point de départ la
partie du Lucullus consacrée au dissensus des moralistes :
- comment la doxographie morale cicéronienne, loin d'être
un instrument neutre d'exposé des opinions, reflète dans ses varia
tions le conflit entre la Nouvelle Académie et le Portique sur la
question du souverain bien, mais aussi les phénomènes d'osmose et
de synthèse entre les deux grandes «divisions» de Chrysippe et de
Camèade ;
- comment, dans le De finibus, la réflexion cicéronienne,
organisée autour du concept à tous égards essentiel d'oùcEÎcocnç,
aboutit d'abord à la dislocation de la morale des Epicuriens et de
celle des Stoïciens - ce qui entraîne la condamnation de leur
anthropologie et de leur théorie des valeurs -, puis à la mise en
cause de l'outil critique lui-même;
- comment le désaccord de fond entre l'Académicien Cicé-
ron et le stoïcisme reste intact, quoi qu'on en ait dit, dans les Tus-
culanes, mais se trouve exprimé sous une forme différente, le pla
tonisme, cette fois clairement assumé, permettant de comprendre
pourquoi le naturalisme hellénistique a abouti à de telles apories;
- comment, enfin, le De republica, le De legibus et le De offi-
ciis, s'ils paraissent sur bien des points étrangers à la philosophie
de la Nouvelle Académie, ne contredisent pas les raisons fonda
mentales pour lesquelles Cicéron s'est reconnu en celle-ci.
CHAPITRE I
DISSENSUS ET DOXOGRAPHIE
sance aussi bien des sources utilisées par l'Arpinate que de la logi
que qui sous-tend sa réflexion7.
Une analyse même rapide des § 128 à 141, dans lesquels Cicé
ron démontre à Lucullus la difficulté de faire un choix parmi les
très nombreuses solutions proposées au problème du souverain
bien, révèle trois moments bien différenciés : tout d'abord une pré
sentation des diverses opinions, construite selon la diuisio de Car-
néade; ensuite un exposé des différences jugées irréductibles entre
Antiochus d'Ascalon et les Stoïciens; enfin un deuxième aperçu du
problème téléologique, organisé cette fois conformément à la mé
thode de Chrysippe et conduisant à l'affirmation que Yhonestas
stoïcienne est la plus probable de toutes les définitions du τέλος8.
Toutefois, le pourquoi d'un tel cheminement n'apparaissant pas
immédiatement avec clarté, il nous faut revenir sur chacune des
étapes de cette démonstration.
La première diuisio, celle que nous avons identifiée comme
l'une des formes de la Carneadia diuisio, a pour but de mettre en
évidence la multiplicité des doctrines qui, avec une égale assuranc
e, ont voulu imposer leur conception du souverain bien. Cicéron
se contente de résumer très brièvement chacune d'entre elles, se
gardant bien de porter des jugements de valeur individuels, et de
cette breuitas naît la rapidité étourdissante de l'énumération9. Par
ailleurs, l'impression de dissensus est d'autant plus grande que sont
mentionnées les filiations philosophiques, les disciples s'ingéniant
à ne pas imiter leurs maîtres (ainsi pour les Stoïciens Ariston et
Erillus, en désaccord avec Zenon) ou à fonder des chapelles rival
es, l'exemple donné étant celui des épigones de Socrate et de Pla
ton i0.
doctrine du Portique est identifié à celui de l'Ancienne Académie, revu par Anti-
ochus, tandis qu'ici la référence est faite directement à Platon.
En ce qui concerne les chapelles socratiques, le ulli donné par les manusc
rits à la fin du § 129 fait assurément problème car il y a là une mauvaise lectu
re par le scribe de ce qui était dans l'archétype le nom d'un groupe de philoso
phes.Il a été corrigé en Ertili par Madvig dans ses Emendationes in Ciceronis
libros philosophiae, Copenhague, 1826, correction qui est mentionnée et adoptée
par Plasberg, ad /oc, et par G. Giannantoni dans ses Socraticorum reliquiae,
Rome, 1983, t. 1, III, F 17. Elle s'appuie sur le fait que dans De or., III, 16, 62,
Cicéron mentionne les disciples d'Erillus parmi les épigones de Socrate. Elle est
cependant contestable, dans la mesure où Erillus a déjà été évoqué au § 129.
C'est pourquoi nous choisissons la correction de Reid, Elii, qui de surcroît est
plus proche du texte des manuscrits. Les Ηλιακοί sont mentionnés à côté des
Erétriens dans Diog. Laërce, II, 105, ce qui correspond exactement au texte
cicéronien.
11 La coupure entre les abiecti et les autres se fait au § 130 avec la phrase :
Has igitur tot sententias ut omittamus, haec nunc uideamus quae diu multumque
defensa sunt.
12 La coupure à l'intérieur même de la catégorie des abiecti entre, d'une
part, les relicti platoniciens et, d'autre part, les véritables indifférentistes est
marquée, ibid., par la phrase : Hos si contemnimus et iam abiectos putamus, illos
certe minus despicere debemus.
13 Comme cela est signalé par Reid, ad loc, la même expression est
employée pour désigner Zenon dans Fin., III, 2, 5. La différence est que dans le
Lucullus les deux termes sont associés, alors que dans le De finibus la qualité
DISSENSUS ET DOXOGRAPHIE 341
d'inuentor est contestée au Stoïcien : eorum princeps, non tam rerum inuentor
fuit quant uerborum nouorum.
14 Remarquons que le seul qui ne puisse être rattaché d'une manière ou
d'une autre au platonisme est Pyrrhon. Cela marque une différence par rapport
à l'excursus du De oratore, cf. infra, note 16.
15 Luc, 42, 131 : Alii uoluptatem finem esse uoluerunt, quorum princeps
Aristippus, qui Socraten audierat, unde Cyrenaici. Post Epicurus, cutus est disci
plina nunc notior, neque tarnen cum Cyrenaicis de ipsa uoluptate consentiens.
L'un des éléments de la stratégie antiépicurienne des Académiciens sera de
montrer que le Jardin n'a pas pu se différencier véritablement des Cyrénaïques,
cf. infra, p. 401.
16 De or., III, 17, 62 sq. Il est à noter qu'au § 62 les Pyrrhoniens sont ment
ionnés parmi les écoles qui se réclamaient de Socrate, alors que dans le Lucull
us rien de tel n'est affirmé à propos de Pyrrhon. Cela prouve qu'il y avait plu
sieurs versions de cette histoire de la philosophie socratique et qu'elles avaient
en commun de rattacher un très grand nombre de philosophes à la pensée du
maître de Platon.
17 Plus exactement le τέλος de Platon n'est indiqué que de manière tout à
fait incidente, à travers la réflexion sur le souverain bien d'Erillus, cf. supra,
n. 10. Pour M. Giusta, op. cit., I, p. 243, cette absence s'expliquerait par une
mention de Platon et des Stoïciens avant Erillus dans les τέλη ψυχικά des Vêtus-
342 L'ÉTHIQUE
ta placita. Une telle explication est en elle-même fort peu convaincante : en ver
tude quelle logique Cicéron aurait-il choisi Erillus et omis Platon? De surcroît,
M. Giusta ignore cette distinction entre les écoles tombées en désuétude et les
autres, alors qu'elle est essentielle dans cette version de la Carneadia diuisio.
J. Glucker, op. cit., p. 57, a justement remarqué que Platon ne pouvait être ment
ionné parmi les relicti, mais cela n'explique pas qu'il ne figure pas dans l'e
nsemble de la diuisio. On sait que les philosophes du moyen-platonisme, faisant
référence au Théétète, 176 a-b, définiront par Γόμοίωσις θεφ le souverain bien
platonicien, cf. Philon, Fug., 63; Apulée, De Plat., II, 23, 252; Plutarque, De sera
num. uind., 5, 550 d etc. Si Camèade ne faisait pas figurer Platon dans sa diui
sio, qui donc a entrepris le premier de formuler le τέλος platonicien sur le
modèle des τέλη recensés par Camèade? W. Theiler, Die Vorbereitung. . ., p. 50-
53, a attribué cette innovation à Antiochus, mais cela ne correspond pas à la
définition du souverain bien de l'Ancienne Académie que nous trouvons dans le
livre V du De finibus, incontestablement antiochien, quoi qu'en ait dit Giusta,
op. cit., 1, p. 64-100. Il est affirmé chez Stobée, Ed., II, 6, 3, p. 21 M. que le τέλος
de Socrate et de Platon est le même que celui de Pythagore, Γόμοίωσις θεφ.
Mais quelle est la source de Stobée, ou plus exactement d'Arius Didyme? S'il est
vrai qu'en ce qui concerne l'exposé de la morale péripatéticienne (ibid., II, 6,
7-17, p. 68-95 M.) les ressemblances avec Fin., V, sont nombreuses, comme cela
a été souligné notamment par M. Pohlenz dans les Grundfragen . . ., p. 36 sq.,
cela ne prouve pas nécessairement que l'exposé de la δόξα de Platon ait la
même origine. Il est à remarquer que Γόμοίωσις θεφ se trouve exprimée sous
une forme non stéréotypée chez Cicéron, Tusc, V, 25, 70 (studium . . . illius
aeternitatem imitandi).
18 Cicéron, Luc, 43, 132.
19 Ibid.
DISSENSUS ET DOXOGRAPHIE 343
29 Ibid., 139.
30 Ibid., 140.
31 Ibid., 141.
32 Le véritable problème est donc, en éthique comme en logique, celui du
statut de l'assentiment.
346 L'ÉTHIQUE
La «division» de Chrysippe
suit : // he did, his table must have been superseeded by the more sophisticated
and fuller one produced by Carneades, which appears to have soon become the
«archetype» for all future divisions of his sort. Dans un cas comme dans l'autre,
ce qui est ignoré c'est l'importance de la doxographie dans la lutte entre la Nouv
elle Académie et le Portique. En revanche, la présence de la diuisio stoïcienne
dans le Lucullus a été bien mise en évidence par A. Michel, Doxographie. . .,
p. 116, et L'épicurisme et la dialectique de Cicéron, dans Actes du VIIIe Congrès
de l'Ass. G. Budé, Paris, 1969 (p. 393-410), p. 402. Sur la diuisio de Chrysippe
chez Sénèque, cf. P. Grimai, La critique de l'aristotélisme dans le «De uita bea
ta», dans REL, 45, 1967, p. 396-418.
38 Notamment chez M. Giusta, chez qui la conviction de l'existence de
Vetusta placita conduit à nier toute évolution.
39 Nous avons nous-même commis cette erreur dans Un problème doxogra
phique. . ., où nous n'avons pas suffisamment distingué ce que pouvait être le
contenu initial de la Chrysippea diuisio et ce qu'il devint par la suite.
40 Cf. A. Döring, op. cit., p. 165; J. Glucker, op. cit., p. 54. Le Περί τελών de
Chrysippe est mentionné par Diogene Laërce, VII, 85 et 87, tandis que le titre
Περί τέλους se trouve ibid., 91, et chez Plutarque, Sto. rep., 19, 1042 e. Nous
remercions D. Babut de nous avoir signalé que, dans ce même traité, le § 1035 b
montre que Chrysippe pouvait employer le pluriel τέλη pour exposer la doctri
ne de son école sur le souverain bien, sans visée doxographique.
41 La thèse de l'équivalence du singulier et du pluriel dans les titres d'ou
vrages philosophiques a été défendue par M. Schaefer, Ein frühmittelstotsches
System der Ethik bei Cicero, Munich, 1934, p. 84.
DISSENSUS ET DOXOGRAPHIE 349
42 Cicéron, Luc, 45, 138 = S.V.F., III, 21 : Testatur saepe Chrysippus très
solas esse sententias quae defendi possint de finibus bonorum : circumcidit et
amputât multitudinem; aut enim honestatem esse finem aut uoluptatem aut
utrumque; nom qui summum bonum dicant id esse, si uacemus omni molestia,
eos inuidiosum nomen uoluptatis fugere sed in uicinitate uersari, quod facere eos
etiam, qui illud idem cum honestate coniungerent, nec multo secus eos qui ad
honestatem prima naturae commoda adiungerent. Trad. Bréhier-Goldschmidt
légèrement modifiée.
43 Compte tenu, évidemment, du fait que la préoccupation ontologique, si
importante dans le Philèbe (cf. notamment l'article de K. M. Sayre, The Philebus
and the Good, dans Plato's late ontology, Princeton, 1983, p. 118-136) est absente
de la diuisio du scholarque stoïcien.
44 Sur le plaisir épicurien, cf. infra, p. 396. Diogene Laërce, VII, 103, cite le
Περί ηδονής, dans lequel Chrysippe affirmait que le plaisir n'est pas un bien,
350 L'ÉTHIQUE
mais fait partie des αδιάφορα κατ' είδος προηγμένα, cf. également Fin., Ill, 5, 17.
Dans ce passage il est dit que «la plupart» des Stoïciens ne rangeaient pas le
plaisir parmi les choses que l'homme recherche dès sa naissance. Quels étaient
donc les hétérodoxes ? Sans doute Panétius et ses disciples, puisque nous savons
par Sextus Empiricus qu'il admettait l'existence d'un plaisir κατά φυσίν {Adu.
math., XI, 73). Sur ce point cf. R. Philippson, Das erste Naturgemäße, dans Phi-
lologus, 87, 1932 (p. 445-466), p. 457, et M. Van Straaten, op. cit., p. 188-189.
45 Cf. infra, p. 390.
46 Sénèque, Vit. be., 7, 3 : Virtutem in tempio conuenies, in foro, in curia,
pro mûris stantem, puluerulentam, coloratam, callosas habentem manus, uolupta-
tem latitantem saepius ac tenebras captantem circa balinea, et sudatoria ac loca
aedilem metuentia, mollem, eneruem mero atque unguento madentem, pallidam
ac fucatam.
47 Ibid., 15, 1.
48 En effet, les solutions rejetées par Chrysippe sont celles que Camèade
intégrera à sa diuisio et l'on peut donc supposer que Hiéronyme, Dinomaque et
l'Ancienne Académie figuraient déjà dans la classification du Stoïcien.
DISSENSUS ET DOXOGRAPHIE 351
53 Cette
54 Les τέλη
volonté
ψυχικά
d'affirmer
sont examinés
l'originalité
par M.duGiusta
stoïcisme
ibid.,par
p. rapport
327-411. à Aristote
est patente dans le discours de Caton, Fin., III, 13, 43-44. Cf. également la lettre
85 de Sénèque, dans laquelle est traitée dans le détail la question de l'originalité
l'éthique stoïcienne par rapport à celle de l'Ancienne Académie et du Lycée.
55 Cf. Fin., III, 12, 41.
56 Sur la permanence d'un antistoïcisme chez Antiochus, cf. supra, p. 188,
n.24.
57 La réflexion d'Antiochus sur la doxographie morale fut certainement
importante et variée, puisque l'exposé doxographique de Varron, dans August
in, du. Dei., XIX, 1, d'inspiration antiochienne, diffère sur plusieurs points de
celui que nous trouvons dans le livre V du De finibus.
DISSENSVS ET DOXOGRAPHIE 353
La Carneadia diuisio
sans doute par le fait que Diodore et Hiéronyme apparaissaient dans la doxo-
graphie morale comme ayant proposé des fins différentes de celle de l'Ancienne
Académie et d'Aristote, cf. Luc, 42, 131 : ambo hi Peripatetici et Fin., V, 5, 14 :
Hieronymum quem iam cur Peripateticum appellent nescio.
61 Ibid., 8, 23 : Sic exclusis sententiis reliquorum cum praeterea nulla esse
possit, haec antiquorum ualeat necesse est. C'est en des termes très proches
qu'Augustin parle de la manière dont Varron avait rejeté les autres teleologies
pour ne retenir que celle de l'Ancienne Académie, cf. Ciu. Dei, XIX, 1 : quo
modo autem refutatis ceteris unam eligat, quant uult esse Academiae ueteris
. . . longum est per omnia demonstrare.
62 Ibid., 16: Ille igitur uidit, non modo quot fuissent adhuc philosophorum
de summo bono, sed quot omnino esse possent sententiae.
63 Sur Aristote et la doxographie morale, cf. W. F. R. Hardie, Aristotle's
ethical theory, Oxford, 1968, p. 28-45.
64 Aristote, Eth. Nie, 1, 1, 1094 a, 1-2: πάσα τέχνη καί πάσα μέθοδος,
ομοίως δέ πραξις τε καί προαίρεσις άγαθοΰ τινός έφίεσθαι δοκεΐ.
65 La même comparaison avec la médecine et la navigation se trouve chez
Aristote après l'énoncé du principe technique universel, loc. cit., 7-10.
DISSENSUS ET DOXOGRAPHIE 355
66 Cf. Fin., III, 7, 24 et Sénèque, Ep., 85, 31-32, où est soulignée cette diffé
rence fondamentale entre l'éthique des Péripatéticiens et celle des Stoïciens.
67 Sénèque, ibid., 9, 15: Summum bonum extrinsecus instrumenta non
quaerit, domi colitur, ex se totum est.
68 Cicéron, Fin., V, 6, 17 : Constitit autem fere inter omnes. . . Pourquoi ce
fere qui introduit une légère restriction? Parce que Camèade reconnaissait que
les indifférentistes faisaient exception au principe de sa diuisio, cf. ibid., 8, 23.
Mais nous savons par ailleurs, cf. supra, n. 10, qu'il établissait un rapproche
ment entre la teleologie d'Erillus et celle de Platon. Si, comme nous pensons
pouvoir le démontrer, la Cameadia diuisio n'était rien d'autre qu'un instrument
dialectique et même polémique, le silence sur la teleologie platonicienne pouv
ait faire du fondateur de l'Académie le recours vers lequel il faudrait se tour
ner, une fois démontrées les contradictions des philosophies hellénistiques.
69 Cf. infra, p. 404.
70 Cicéron, Fin., III, 7, 1.
356 L'ÉTHIQUE
la nature». Pourquoi ce choix? Sans doute parce que les deux der
niers principes étaient ceux que Chrysippe s'était refusé à considé
rer comme de véritables réponses au problème du τέλος, l'absence
de douleur n'étant pour lui qu'une forme du plaisir et les πρώτα
κατά φύσιν ne pouvant en rien rehausser la vertu71. On a parfois
présenté la Chrysippea diuisio comme une esquisse de celle de Car-
néade, alors que, selon nous, l'Académicien avait pour dessein non
de parfaire la tâche de Chrysippe, mais bien d'en prendre le
contrepied. En prétendant que sa «division» était la seule possible,
il semblait sans doute faire preuve lui-même de dogmatisme, mais
n'était-ce pas là une sorte de provocation à l'égard des Stoïciens
qui, dans ce domaine aussi, excluaient toute incertitude72? Il leur
démontrait ainsi que si les formules du τέλος étaient multiples, il
était également vain de croire qu'il n'existait qu'une seule façon de
les réduire à quelques types. Son dogmatisme apparent était celui
d'une contradiction ironique et habilement menée, non celui d'un
philosophe cherchant à imposer sa vérité.
Ajoutons qu'en mettant l'accent sur la distinction chère aux
Stoïciens entre l'effort fait pour atteindre le souverain bien et la
possession de celui-ci, Camèade révélait l'isolement du Portique,
car aucune autre école n'avait proposé un τέλος se définissant par
une intention coupée de son résultat. Remarquons, enfin, que, pas
plus dans cette version de la Carneadia diuisio que dans celle du
Lucullus, il n'est question de la conception platonicienne du souve
rainbien, alors que les philosophes du moyen-platonisme répéte
rontà satiété que pour le fondateur de l'Académie le souverain
bien était Γόμοίωσις θεώ κατά το δυνατόν73. La permanence de ce
silence, a priori très étonnant, nous prouve qu'il résultait chez Car-
néade d'une volonté délibérée, que nous aurons à interpréter.
Une fois les principes de la diuisio ainsi exposés, Pison cite les
représentants de chacune des doctrines74:
71 Cf. infra, p. 406. La relation entre les κατά φύσιν et le τέλος stoïcien est
une question immense que nous ne traiterons ici que dans la mesure où elle
concerne le débat entre la Nouvelle Académie et le Portique. Sur ce problème,
cf., parmi beaucoup d'autres titres, M. Reesor, The indifférents in Old and Midd
leStoa, dans TAPhA, 82, 1951, p. 102-110; I. G. Kidd, The relation of Stoic inte
rmediates to summum bonum, with relation to change in the Stoa, (CQ, N.S., 5,
1955, p. 181-194), dans A.A. Long, Problems in Stoicism, p. 150-172, sous le
titre : Stoic intermediates and the end for man.
72 Nous avons mis en évidence ce point dans notre article Un problème
doxographique . . ., p. 246.
73 Cf. supra, n. 17.
74 Cicéron, Fin., V, 7, 17-20.
DISSENSUS ET DOXOGRAPHIE 357
- le plaisir : Aristippe ;
- l'absence de douleur: Hiéronyme;
- la jouissance des prima naturae : Camèade, mais dialecti-
quement (non Me quidem auctor, sed defensor disserendi causa);
- l'effort pour atteindre les prima naturae : les Stoïciens.
75 Ibid., 21.
76 Ibid., 20 : At uero facere omnia ut adipiscamur quae secundum naturam
sunt, etiamsi ea non assequamur, id esse et honestum et solum per se expetendum
et solum bonum Stoici dicunt.
77 Ibid., 8, 22 : Restant Stoici, qui cum a Peripateticis et Academicis omnia
transtulissent, nominibus aliis easdem res secuti sunt. L'argument est certes car-
358 L'ÉTHIQUE
néadien, cf. Tusc, V, 41, 120, mais on voit mal comment Cameade aurait pu
dans la même diuisio attribuer à la fois aux Stoïciens une fin simple et une fin
mixte. Il y a là soit un amalgame de deux versions de la Carneadia diuisio, soit
une utilisation maladroite par Antiochus de cette classification et d'un thème
cher au scholarque de la Nouvelle Académie.
78 Ibid., 23 : lam explosae eiectaeque sententiae Pyrrhonis, Aristonis, Erilli,
quod in hune orbem quem circumscripsimus incidere non possunt, adhibendae
omnino non fuerunt.
79 Sénèque, Ep., 71, 4 : Nec multis uerbis nec circumitu longo quod sit sum
mum bonum colliges.
DISSENSUS ET DOXOGRAPHIE 359
Stoïciens (et d'une manière plus générale tous ceux qui donnaient à
l'éthique un point de départ naturel) à être logiques avec eux-
mêmes, à ne pas «oublier en chemin» les πρώτα κατά φυσίν et à
s'interroger sur la relation véritable qu'il y avait dans leur système
entre la tendance naturelle et le souverain bien80.
Nous avons tenté de comprendre ce qu'étaient à l'origine les
«divisions» de Chrysippe et de Camèade et nous en avons conclu
qu'elles doivent être interprétées l'une et l'autre dans le contexte
des antagonismes entre écoles, puisque le Stoïcien cherchait à se
différencier des Péripatéticiens et que, de son côté, l'Académicien
avait pour dessein de construire une doxographie qui fût en elle-
même une réfutation du Portique. Or, si nous revenons à notre
point de départ, c'est-à-dire au Lucullus, et si nous comparons ces
résultats à l'analyse que nous avons faite du passage consacré dans
ce dialogue aux moralistes, deux directions de recherches appar
aissent :
- nous avons montré que Cicéron utilisait dans le Lucullus
successivement la «division» de Chrysippe et celle de Camèade,
avec des intentions différentes, mais en les considérant l'une et
l'autre comme des moments également essentiels de son investiga
tion sur le souverain bien. Sans renier son appartenance à la Nouv
elle Académie, il concilie donc deux systèmes qui à l'origine
étaient parfaitement antagonistes et cette acceptation, même relati
visée par la suspension du jugement, de la démarche stoïcienne,
pose le difficile problème de l'attitude de l'Arpinate à l'égard de la
morale de Chrysippe;
- mais cette question de fond, qui dominera toute la suite de
notre recherche, ne peut être correctement abordée que si aupara
vant nous nous sommes demandé à quoi correspondent exactement
les multiples doxographies du τέλος que l'on trouve dans l'œuvre
cicéronienne. Il ne suffit pas, en effet, d'être remonté aux deux
archétypes, il faut, si nous voulons comprendre plus précisément
quelle fut l'évolution des deux «divisions» originelles et, partant,
quelle vision Cicéron pouvait avoir de l'histoire de la philosophie
morale, débrouiller quelque peu l'écheveau terriblement compli
qué des multiples variantes doxographiques dont il se sert. A titre
d'exemple, nous parlons de Carneadia diuisio aussi bien à propos
de la doxographie exposée par Pison dans le De finibus que de celle
que nous avons trouvée dans le Lucullus, et il est certain qu'il exis
teentre les deux des similitudes indéniables, par exemple l'accent
80 Cf. Fin., IV, 11, 23: quo loco corpus subito deserueritis et 14, 39: Cum
autem ad summum bonum uolunt peruenire, transiliunt omnia. . .
360 L'ÉTHIQUE
mis dans les deux textes sur l'incapacité des philosophes à s'accor
der au sujet du τέλος, ou la présence des trois fins retenues par
Camèade. Mais cela ne doit pas nous conduire à sous-estimer les
différences. Ainsi, tout l'appareil des concepts moraux (sagesse,
οίκείωσις, distinction entre l'effort et le résultat), si important dans
l'exposé de Pison, est absent du Lucullus, où le but n'est pas de
poser les bases d'une critique du stoïcisme, mais de montrer la
multiplicité et la vanité des dogmatismes. Nous pouvons déduire de
cet exemple que la Carneadia diuisio ne fut pas un cadre rigide que
des auteurs aussi différents que Cicéron et Clément d'Alexandrie
auraient repris de manière plus ou moins fidèle et que nous
devrions nous contenter de retrouver dans sa version originelle81.
Elle nous semble au contraire devoir être comprise comme une
structure souple, sans cesse modifiée au fil des débats, enrichie par
ceux-ci et adaptée par ses utilisateurs à la finalité des ouvrages
dans lesquels ils l'incluaient. C'est dans cet esprit donc que nous
analyserons ses très nombreuses variantes.
81 Ce qui suppose déjà que Camèade lui-même n'ait donné qu'une seule
version de sa diuisio. Or cela n'a rien d'une certitude.
DISSENSUS ET DOXOGRAPHIE 361
tantôt évoqué et tantôt omis lorsqu'il s'agit des ueteres82? Sur ces
points, et quelques autres, M. Giusta et J. Glucker ont formulé des
remarques fort pertinentes, mais qui pour l'instant n'ont pas dé
bouché sur une explication d'ensemble rendant compte de chacun
de ces changements83. Parce que nous nous sommes heurté à la
même difficulté, nous avons préféré nous limiter provisoirement à
une analyse ne visant nullement à être exhaustive, mais dont nous
pensons qu'elle peut contribuer à apporter un début de réponse au
problème posé.
Fin., II, 34
Fins mixtes
Polémon et Aristote : uirtus + prima naturae
Calliphon : uirtus + uoluptas
Diodore : uirtus + uacuitas doloris
Fins simples
Aristippe : uoluptas
Tusc, V, 84-85
Fins simples
Les Stoïciens : honestum
Epicure : uoluptas
Hiéronyme : uacuitas (doloris)
Camèade : naturae primis bonis aut omnibus aut maxumis fruì
Fins mixtes
Les Péripatéticiens et, à peu de chose près, l'Ancienne Académie :
tria genera bonorum
Calliphon et Dinomaque : uoluptas + honestas
Diodore : indolentia + honestas
84 Cf. Leg., I, 13, 38; Fin., II, 11, 35-38; Fin., III, 9, 30-31 ; Fin., IV, 13, 34-17,
48; Oft., 1,2, 6.
85 Dès le De legibus, loc. cit., Cicéron faisait la distinction entre les philoso
phiesde Yhonestas (au sens large, c'est à dire non chrysippéen) et les fines
DISSENSUS ET DOXOGRAPHIE 363
Camèade et ses disciples ont eu beau jeu de soutenir que par leur
refus d'inclure les πρώτα κατά φυσίν dans le souverain bien les
Stoïciens prônaient une morale semblable à celle d'Ariston, Erillus
ou Pyrrhon, et, en revanche, dans le livre III du De finibus, Caton
englobe dans une même condamnation ces philosophes et ceux de
la Nouvelle Académie91;
- ils peuvent être considérés comme un élément caractéristi
que de la doxographie cicéronienne parce qu'ils ne figurent pas
chez Arius Didyme et que, par ailleurs, on ne retrouve pas dans la
doxographie de Clément d'Alexandrie la mention du caractère
éphémère de leur philosophie, qui est si fréquente chez l'Arpina-
te92.
95 Sénèque, Ep., 94, 2 = S.V.F., I, 358 : Ariston Stoicus e contrario hanc par
tent leuem existimat et quae non descendat in pectus usque, anilia habentem
praecepta. Trad. Noblot légèrement modifiée. Cf. également, ibid., 89, 13 =
S.V.F., I, 357: moralem quoque, quant solam reliquerat, circumcidit. Nam eum
locum qui monitiones continet, sustulit et paedagogi esse dixit, non philosophi.
96 Cf. Galien, Hipp, et Plat, decr., VII, 2, 2 = S.V.F., 111, 256.
97 Diog. Laërce, VII, 160 = S.V.F., I, 351. Cf. le commentaire d'A. M. Ioppol
o, dans Lo stoicismo . . ., p. 66.
98 Cf. le texte cité à la note 96 et infra, p. 417.
99 Cf. Fin., IV, 15, 40, où Cicéron condamne la leuitas d'Erillus parce que
celui-ci a accepté de prendre en compte les κατά φύσιν, mais sans les référer au
souverain bien. Ce même grief de double τέλος sera adressé par les Académic
iens à Chrysippe, cf. Plutarque, Com. not., 26, 1071 a.
DISSENSUS ET DOXOGRAPHIE 367
116 Le développement le plus important sur les sententiae relictae étant pré
cisément celui du Lucullus.
117 Cf. Un problème doxographique. . ., p. 247-248.
118 Cf. supra, p. 109-113.
372 L'ÉTHIQUE
119 Cicéron, Fin., IV, 18, 49: Quis igitur tibi istud dabit praeter Pyrrhonem,
Aristonem eorumue similes, quos tu non probas ?
120 Cicéron, Fin., V, 8, 23.
DISSENSUS ET DOXOGRAPHIE 373
121 Cicéron, Fin., II, 11, 35 : Una (finis) simplex, cuius Zeno auctor, posita in
décore tota, id est in honestate. Nam Pyrrho, Aristo, Erillus iam diu abiecti; Off.,
I, 2, 6 : Ita propria est ea praeceptio stoicorum, academicorum, peripateticorum,
quoniam Aristonis, Pyrrhonis, Erilli iam pridem explosa sententia est.
374 L'ÉTHIQUE
122 Cette antériorité philosophique est soulignée en des termes peu flatteurs
pour Zenon dans la cinquième Tusculane, 12, 34 : Et, si Zeno Citieus, aduena
quidam et ignobilis uerborum opifex, insinuasse se in antiquam philosophiam
DISSENSUS ET DOXOGRAPHIE 375
aspect de ce système fondé sur l'idée que le monde est non pas
l'image de la perfection, mais la perfection même, et qui, en tant
que tel, ne pouvait être accepté par des gens se réclamant de l'au
teur du Tintée 123. Face à cette contradiction, les Académiciens nous
semblent avoir eu trois réactions :
- la première est une attitude de combat, marquée par la
volonté de montrer l'inconséquence de la théorie stoïcienne de
Yhonestas, soit en mettant en évidence les difficultés que comport
ait le fait de dériver le souverain bien de Γοίκείωσις (c'est le prin
cipe de la Carneadia diuisio), soit en exploitant dialectiquement la
Chrysippea diuisio pour assimiler les Stoïciens aux indifférentis-
tes124;
- dans d'autres textes, Yhonestas figure à côté du plaisir, de
l'absence de douleur ou des prima naturae comme l'une des solu
tions possibles. Cette présentation, plus neutre, met entre parenthès
es la vocation antistoïcienne que nous croyons avoir été originell
ement celle de la Carneadia diuisio. Elle s'explique sans doute par le
fait que la «division», avait été aussi utilisée comme une méthode
d'exposé des doctrines téléologiques, non dépourvue de significa
tion dialectique, mais ne visant plus à isoler les philosophes du
Portique 125;
- le dernier cas de figure est celui où l'Académicien se fait
lui-même le défenseur de Yhonestas, soit pour réfuter l'épicurisme
(c'est ce que nous voyons au second livre du De finibus), soit pour
faire de ce concept le patrimoine commun à l'Académie, au Lycée
et au Portique 126.
uidetur, huius sententiae gravitas a Platonis auctoritate repetatur, apud quem sae-
pe haec oratio usurpata est, ut nihil praeter uirtutem diceretur bonum.
123 Nous reviendrons sur ce problème de la situation de la Nouvelle Acadé
mie par rapport au Tintée, cf. le chapitre V, 2.
124 Cette première attitude peut donc être déduite de la version de la Car
neadia diuisio que nous trouvons dans Fin., V et de l'ensemble de la réfutation
téléologique du stoïcisme dans Fin., IV.
125 Cette présentation doxographique de Yhonestas est celle du Lucullus, du
livre V des Tusculanes et de Fin., II, 11, 34.
126 Cf. Fin., II, 11, 35, et les doxographies de Leg., I et de Off., I.
376 L'ÉTHIQUE
Ι/ΟΙΚΕίΩΣΙΣ
1 Spinoza, Eth., Ill, Prop. VII : « L'effort par lequel chaque chose s'efforce
de persévérer dans son être n'est rien en dehors de l'essence actuelle de cette
chose», trad. C. Appuhn, Paris, Garnier, 1953. On trouvera quelques remarques
sur la survivance du concept α'οίκείωσις, notamment au moyen âge, dans S. G.
Pembroke, Oikeiôsis, dans A.A. Long, Problems in Stoicism, p. 115 et p. 141,
n. 10.
2 Ibid., VIII : Conatus, quo unaquaeque res in suo esse perseuerare conatur,
nullum tempus finitum sed indefinitum inuoluit.
3 M. de Unamuno, Le sentiment tragique de la vie, trad, par M. Faure
Beaulieu, Paris, Gallimard, 1937, p. 11.
378 L'ÉTHIQUE
4 Ibid., p. 46.
5 Ce reproche est formulé par Cicéron à l'égard d'Épicure à plusieurs
reprises : cf. Luc, 30, 97; Fin., I, 7, 22; Fin., II, 2, 4-5, etc. Sur le rejet par Épicu-
NATURE ET ÉTHIQUE DANS LE DE FINIBUS 379
donc, est le souverain bien pour Epicure parce que «tout être ani
mé, dès sa naissance, le recherche et s'y complaît comme dans le
plus grand des biens; il déteste la douleur, comme le plus grand
des maux et, dans la mesure de ses forces, il s'éloigne d'elle»6.
Parce qu'ils n'ont pas le jugement perverti par l'opinion, les nourr
issons, semblables en cela aux animaux, savent spontanément, ins
tinctivement, reconnaître ce qui est bon et sont donc, selon l'e
xpression d'Epicure rapportée par Cicéron au livre II, «les miroirs
de la nature»7.
Cette même référence à l'enfant et à l'animal comme expres
sion de l'ordre naturel se retrouve dans l'exposé de Caton qui affi
rmeque «dès que l'être animé est né ... il se met en harmonie avec
lui-même et il est intéressé à se conserver et à aimer sa constitution
ainsi que tout ce qui est propre à conserver cette constitution»8.
La preuve en est, ajoute-t-il, que les enfants, avant même de ressent
ir plaisir ou douleur, recherchent les choses qui leur sont salutai
res et refusent celles qui leur sont nuisibles. A l'origine il y a donc
l'amour de soi, lequel s'exprime par un mouvement vers l'extérieur
qui contient instictivement en lui-même la science de ce qui est bon
ou mauvais pour un être vivant particulier.
C'est en des termes très proches, encore que moins techniques,
puisqu'il ne parle ni de conciliano ni de commendatio, que Pison
9 Ibid., V, 8, 24 : Omne animal se ipsum diligit ac, simul ut ortum est, id agit,
ut se conseruet, quod hic ei primus ad omnetn uitam tuendam appetitus a natura
datur, se ut conseruet atque ita sit affectum, ut optime secundum naturam affec-
tum esse possit. La différence entre le vocabulaire de Pison et celui de Caton ne
semble pas avoir été relevée par les commentateurs. Elle est pourtant d'une cer
taine importance, si l'on tient compte du fait que pour le disciple d'Antiochus
les innovations stoïciennes sont uniquement terminologiques.
10 Ibid., 23 : Ergo instituto ueterum, quo etiam Stoici utuntur, hinc capiamus
exordium.
11 Sext. Emp., Adu. math., XI, 96 = Usenet 398 : αλλ' είώθασί τίνες τών άπο
τής Επικούρου αίρέσεως . . . λέγειν δτι φυσικώς και άδιδάκτως το ζώον φεύγει
μεν τήν άλγηδόνα, διώκει δέ τήν ήδονήν. Une telle affirmation pose évidemment
le problème de la source utilisée par Cicéron. Madvig dans son édition du De
finibus, p. LXII, a proposé l'Épicurien Phèdre, dont l'Arpinate parle avec symp
athie, cf. Nat. de., I, 33, 93; Phil., V, 5, 13. En revanche, pour R. Hirzel, op. cit.,
t. 2, p. 687 sq., il s'agirait de Philodème, qui aurait lui-même utilisé Zenon de
Sidon. Dans l'ouvrage qu'il a consacré à l'épicurisme cicéronien, H. Uri, Cicero
und die epikureische Philosophie, Munich, 1914, p. 31, parle d'une Épicurien
récent, mais souligne très fortement, p. 35-39, la cohérence entre le premier et
NATURE ET ÉTHIQUE DANS LE DE FINIBUS 381
qui n'est pas le cas chez Cicéron 14. Mais ce qu'il importe avant tout
de déterminer, c'est si Antiochus d'Ascalon, qui défendit la thèse de
l'origine académico-péripatéticienne de Γοίκείωσις, fit œuvre de
faussaire ou d'archéologue de la philosophie, s'il a cherché à res
taurer la philosophie morale des penseurs dont il se réclamait ou
s'il leur a attribué a posteriori un concept élaboré en fait par le
stoïcisme.
De nombreux savants ont cherché dans les quelques fragments
moraux de l'Ancienne Académie ainsi que dans l'œuvre d'Aristote
et de ses successeurs la présence, ou au moins la trace de Γοίκείω-
σις. C'est ainsi qu'en 1926, H. von Arnim soutint que non seulement
ce concept mais toute la philosophie des «choses conformes à la
nature» avait été élaborée dans l'école péripatéticienne15. Il fon
dait cette opinion sur deux passages de Théophraste relatifs à
Γόικειότης, qu'il nous faudra analyser plus loin; sa thèse fut repri
se et développée par Dirlmeier qui vit en Théophraste le véritable
créateur d'une morale naturelle progressive16.
Contrairement à von Arnim, M. Pohlenz revendiqua pour le
Portique l'invention de Γοίκείωσις et nia que l'Ascalonite eût dispo
sé de preuves sérieuses pour l'attribuer à l'Ancienne Académie et
au Lycée17; cette thèse, renforcée par les arguments d'autres sa
vants18, est aujourd'hui la plus communément acceptée.
Citons enfin l'article de C. O. Brink, qui, tout en maintenant la
distinction entre Γοίκείωσις stoïcienne et Γοίκειότης péripatéticien-
14 Cf. Stobée, loc. cit. Dans le discours de Pison, l'inclusion du plaisir par
miles corporis commoda est un problème laissé provisoirement de côté sous le
prétexte que, quelle que soit la réponse qu'on y apporte, elle ne modifie pas en
profondeur le souverain bien des ueteres, cf. Fin., V, 16, 45. Sur ces textes, cf.
M. Pohlenz, Grundfragen. . ., p. 28. Β. Inwood, Ethics. . ., p. 218-223, a essayé de
montrer que le concept de πρώτον οίκείον ne serait pas originellement stoïcien,
mais aurait son origine dans la Carneadia diuisio. S'il est vrai que l'importance
de celle-ci fut considérable, le témoignage de Cicéron en Luc, 138, nous paraît
démontrer que le concept fut primitivement stoïcien et que Camèade ne le
reprit que dialectiquement.
15 H. von Arnim, Arius Didymus' Abriß der peripatetischen Ethik, dans
SAWN, 203, 3, 1926.
16 F. Dirlmeier, Die Oikeiosis-Lehre Theophrasts, Leipzig, 1937, qui va
même jusqu'à contester, p. 48, que Zenon ait jamais utilisé le concept d'oiiCEÌu)-
σις; cf. également P. Merlan, Philologische Wochenschrift, 58, 1938, p. 177-182,
recension de Dirlmeier, à qui il reproche, p. 182, de ne pas avoir accordé suff
isamment d'importance au rôle de l'Académie dans l'élaboration du concept;
O. Regenbogen, RE, sup 7, 1940, p. 1493 sq., qui n'hésite pas a affirmer, p. 1494,
que Γοίκείωσις est un Zentralbegriff de la pensée de Théophraste.
17 M. Pohlenz, dans Grundfragen. . ., p. 1-47.
18 A. M. Lueder, Die philosophische Persönlichkeit. . ., p. 26, n. 15. P. Mor
aux, Der Aristotelismus bei den Griechen, Berlin-New York, 1973, p. 314-344,
qui insiste beaucoup sur le caractère de choix subjectif inhérent à Γοίκείωσις.
NATURE ET ÉTHIQUE DANS LE DE FINIBUS 383
ne, admit une certaine confusion entre les deux concepts chez Cicé-
ron, Arius Didyme ou les Stoïciens tardifs19.
Ce qui fait la difficulté de cette question, c'est que l'on trouve
chez différents philosophes antérieurs aux Stoïciens des éléments
qui sont comme des indices annonciateurs de la théorie de
Γοικειωσις et qui n'ont cependant pas la cohérence systématique
de celle-ci. Or, même si ces rapprochements sont intéressants, il ne
faut pas oublier que Γοικειωσις n'est pas un concept isolé, mais
bien une philosophie complexe de l'homme dans sa relation avec la
nature, qu'on ne peut réduire à quelques intuitions éparses, même
si celles-ci ont contribué à sa formation.
C'est ainsi que le Papyrus de Berlin, ce document si passion
nant pour la connaissance du moyen-platonisme, présente Socrate
comme l'inventeur de Γοικειωσις 20. Or, quand on se reporte à
l'œuvre de celui-ci, qu'y trouve-t-on? Certes, dans le Charmide,
Socrate, paraphrasant l'exposé de Critias, identifie Γοίκεΐον et le
καλόν et, dans la République, il affirme que l'enfant qui aura reçu
une éducation musicale saura accueillir avec enthousiasme la rai
δι'
son οικειότητα, mais il n'y a évidemment rien dans tout cela qui
constitue une réflexion comparable à celle que l'on trouve dans le
stoïcisme sur la relation de l'être vivant à lui-même dès la naissanc
e21. On pourrait faire la même remarque pour Aristote, dont plu
sieurs passages révèlent une grande attention à l'enfance et aux
données naturelles immédiates, sans que cela se soit véritablement
cristallisé en une doctrine systématique semblable à celle de
Γοικειωσις22.
avec les sociétés humaines : bien qu'il existe, disait-il, une parenté
entre les hommes (οίκειότητος ούσης ήμΐν προς τους ανθρώπους) il
est cependant inévitable de punir ceux qui nuisent à leurs semblab
les. Théophraste affirmait donc l'existence d'un lien naturel unis
sant les hommes, mais, à en juger en tout cas par cette citation, il
n'en précisait pas l'origine. Dans le stoïcisme, au contraire, l'ins
tinct social est défini comme l'extension aux autres de l'amour que
l'être humain se porte à lui-même.
Le deuxième, dans lequel il est plus difficile d'établir exacte
mentla partie theophrastienne, complète admirablement le précé
dentpuisqu'il contient l'idée que tous les hommes, grecs ou barbar
es,sont parents, et que ce lien s'étend au monde animal26.
Ι^'οίκειότης de Théophraste était donc l'affirmation de l'unité du
vivant et l'assimilation de celui-ci à une grande famille. Or, il y a
une très grande différence entre la prise de conscience de cette
communauté et l'effort par lequel l'homme cherche d'abord à
assurer la permanence de sa constitution puis s'affirme en tant
qu'être social. Comme cela a été très justement souligné par H. C.
Baldry, Γοίκειότης de Théophraste est l'extension du concept de
φιλία à tout le règne animal, beaucoup plus que l'invention d'une
notion originale27. Par ailleurs, la relation entre l'égoïsme et l'a
ltruisme n'a pas dans la doctrine stoïcienne la même généreuse simp
licité que dans la pensée du Péripatéticien. Plutarque se moque de
Chrysippe qui, prétend-t-il, répétait ad nauseam que dès le moment
pas adopté cette méthode qui lui avait si bien réussi dans le Lucul-
lus? Il est hasardeux de conjecturer sur ce point, mais il n'est pas
indifférent qu'il ait substitué à la métaphore de la maison, dont les
utilisateurs du terme grec n'avaient vraisemblablement plus cons
cience, celle, beaucoup plus forte, parce que neuve, de la concilia
no et de la commendano11. Son choix a été certainement détermin
é, dans le premier cas, par la terminologie rhétorique - le bon
orateur est celui qui sait se concilier son public -, dans le second,
par la métaphore de la lettre de recommandation que l'on trouve
dans l'exposé de Caton34. Il n'en reste pas moins vrai qu'il a ainsi
utilisé, pour désigner une tendance naturelle commune selon les
Stoïciens à tous les êtres vivants, des mots appartenant au vocabul
aire des relations humaines et surtout exprimant un type de rela
tions très répandu à Rome. Alors que Γοίκείωσις stoïcienne crée la
société humaine par cercles concentriques à partir de la tendance
naturelle, le langage cicéronien procède de manière exactement
inverse, il humanise ou, plus exactement, il romanise la nature.
Sans doute ne faut-il pas exagérer l'importance d'une métaphore,
mais nous ne croyons pas forcer le sens de celle-ci en établissant à
partir d'elle que, même lorsque Cicéron traite des problèmes philo
sophiques les plus généraux, Rome est présente à son esprit et
marque sa vision du monde.
De Camèade au De finibus
44 Nous savons fort peu de chose sur ce philosophe, cf. Kalliphon 3, RE,
10, 1919, p. 1656, art. de von Arnim. Il est mentionné chez Cicéron en Luc, 42,
131; Fin., II, 6, 19 et 11, 34; Fin., IV, 18, 49; Fin., V, 8, 21 et 25, 73; Tusc, 30, 85
et 31, 87; Off., Ill, 33, 119. Le fait que Cicéron différencie nettement Calliphon
des Péripatéticiens, cf. Luc, toc cit., prouve que ce philosophe n'appartenait
pas à la mouvance aristotélicienne. On peut déduire son appartenance à la
sphère épicurienne de ce qu'il professait que la vertu a son origine dans le plai
sir, cf. Clément Al., Strom., II, 21, 128.
45 Clém. Al., toc cit. : κατά δέ τους περί Καλλιφώντα ένεκα μέν της ηδονής
παρεισήλθεν ή αρετή, χρόνφ δέ ύστερον το περί αυτήν κάλλος κατιδοΰσα ίσότι-
μον έαυτήν τη άρχη . . . παρέσχεν. Μ. Giusta, t. 1, ρ. 257, a rapproché ce texte de
Fin., V, 25, 73, où Pison s'en prend, en des termes il est vrai assez proches à des
uoluptarii. L'identification est contredite par le fait que Calliphon a déjà été cité
au § 73. Les gens visés par Pison sont donc d'autres Épicuriens, probablement,
comme l'a suggéré J. Martha, ad loc, ceux qui étaient mentionnés en I, 20, 69, à
propos d'une théorie quelque peu hétérodoxe de l'amitié.
NATURE ET ÉTHIQUE DANS LE DE FiNIBUS 391
46 J. Croissant, op. cit., p. 561. Il est à signaler que pour J. Croissant, ibid.,
p. 560, Camèade considérait vraiment la thèse de Calliphon comme la plus pro
bable.
47 Sur ces problèmes de sources, cf. supra, p. 353, n. 59. Sur le rejet du
τέλος de Camèade, cf. Fin., II, 12, 38 : Reicietur etiam Carneades, nec ulla de
summo bono ratio aut uoluptatis non dolendiue particeps aut honestatis expers
probabitur.
48 Cicéron, Fin., V, 28, 83-85.
392 L'ÉTHIQUE
gées contre le Jardin et qui, pour cela, veulent donner une présen
tationargumentée de la doctrine, il ne se range pas du côté de ceux
qui, à l'intérieur même de son école, estiment que la sensation ne
suffit pas à juger du bien et du mal et qu'il faut recourir à la rai
son et aux prénotions : son effort est de nature pédagogique, il
n'implique nullement une mutation sur le fond 58. Torquatus reste
donc, en fait, fidèle à cette idée si chère à Epicure que la dialecti
que est inutile et que la philosophie se doit de retrouver à travers
les mots ordinaires l'évidence sensorielle 59. Lorsque le Maître s'i
nterroge sur ce qu'est le temps, il refuse une analyse qui serait pure
ment conceptuelle et il invite, au contraire, ses disciples à réfléchir
sur les sensations et les phénomènes auxquels est liée cette no
tion 60. Cette méthode est évidemment à mettre en relation avec la
conception de l'origine du langage, telle qu'elle est exposée par
Epicure dans la Lettre à Hérodote et par Lucrèce au cinquième
livre de son poème 61 :
At uarios linguae sonitus natura subegit
mittere et utilitas expressit nomina rerum.
*3 Cicéron, Fin., II, 3, 8 : Omnes enim iucundum motum, quo sensus hilare-
tur, Graece ήδονήν, Latine uoluptatem uocant.
64 Ibid., 20 : Unum est sine dolore esse, alterum cum uoluptate.
65 Ibid., 8, 23 = Usener, 67.
66 Ibid., 2, 4, avec citation de Platon, Phèdre, 237 b. Sur cette revendication
de la définition face à l'épicurisme, cf. C. Lévy, op. cit., p. 122-123.
NATURE ET ÉTHIQUE DANS LE DE FINIBUS 397
67 Platon, Rep., IX, 584 e-585 a : θαυμάζοις αν ούν ει καί άπειροι αληθείας
περί πολλών τε άλλων μη υγιείς δόξας εχουσιν, προς τε ήδονήν καί λύπην καί το
μεταξύ τούτων οΰτω διάκεινται ώστε, δταν μεν επί το λυπηρόν φέρωνται, αληθή
τε οίονται καί τω δντι λυπούνται, δταν δέ από λύπης επί το μεταξύ, σφόδρα μεν
οϊονται προς πληρώσει τε καί ήδονη γίγνεσθαι, ώσπερ προς μέλαν φαιόν άποσκο-
ποΰντες απειρία λευκοΰ, καί το άλυπον ούτω προς λύπην άφορωντες απειρία
ηδονής άπατώνται;
68 Cf.
69 Plutarque,
Gell., Noct.
NonAit.,
posse.
IX,. .,5, 8,4 =
1091
Isnardi
d. Parente 117 et, plus généralement,
les fragments 112àll6dece recueil.
398 L'ÉTHIQUE
elle avait eu sur ce problème une position qui, au moins par cer
tains aspects, n'était pas très éloignée de celle d'Épicure.
C'est quasiment un lieu commun chez les historiens de l'épicu-
risme que de souligner l'écrasante responsabilité qu'aurait Cicéron
dans l'image caricaturale trop souvent donnée de cette doctrine70.
Par un étrange paradoxe, lui dont on s'est si longtemps plu à souli
gner la dépendance par rapport aux modèles grecs, serait le seul
coupable du mépris dans lequel fut si longtemps tenue cette doctri
ne! Une telle accusation est à tous égards injuste. Non seulement
elle fait abstraction de l'importance considérable du témoignage
cicéronien pour notre connaissance de ce système et du jugement
positif qu'il porte sur Epicure dans les Tusculanes (annonçant celui
de Sénèque dans le De vita beata11), mais elle néglige le fait que, si
l'Arpinate retrouve à travers sa sensibilité de Romain les thèmes de
la polémique philosophique antiépicurienne, il n'est nullement l'i
nventeur de ceux-ci. En effet, celui que Schopenhauer appelle «le
grand docteur en félicité»72 fut, de son vivant même, en butte à
des attaques d'une extrême violence de la part de ses rivaux, atta
ques qui bien évidemment se reportèrent après sa mort sur ses dis
ciples et sa doctrine, si bien que même les railleries de Y In Pisonem
ne paraissent pas beaucoup plus violentes que celles que l'on trou
ve,par exemple, dans les traités antiépicuriens de Plutarque73.
Mais, dit-on, Cicéron a eu le tort de traduire ηδονή par uolup-
tas, terme uniformément péjoratif dans l'éthique romaine, alors
que le mot grec avait une acception philosophique beaucoup plus
vaste et peut désigner, notamment chez Aristote, le plaisir qui s'a
ttache à la spiritualité la plus haute et au bonheur. En effet, tout en
reconnaissant que les plaisirs du corps, «par une sorte de droit
d'héritage», semblent être les seuls possibles, le Stagirite s'insurge
contre cette croyance et objecte que s'y tenir c'est nier que l'hom
me heureux puisse vivre agréablement74. A l'inverse, Cicéron dans
le De finibus n'admet pas que uoluptas soit employé pour désigner
autre chose que le plaisir physique et il reconnaît lui-même le
abusé de l'autorité des dieux pour tromper les humains, si longue que soit ta
vie, Catulle, tu devras bien des joies à cet amour qui n'a rien reçu ». Nous avons
légèrement modifié la traduction de H. Bardon, Catulli carmina, Bruxelles,
1970. Le fait qu'à la fin de son poème Catulle supplie les dieux de prendre en
pitié ses souffrances montre que cette œuvre n'est pas celle d'un philosophe
épicurien. Sur le problème de la prière dans l'épicurisme, cf. M. Gigante, La
bibliothèque de Philodème et l'épicurisme romain, Paris, 1987, p. 75.
80 L'image de la courtisane dans l'assemblée de matrones se trouve en Fin.,
II, 4, 12; l'expression gaudere nosmet omittendis doloribus, en I, 10, 56.
NATURE ET ÉTHIQUE DANS LE DE FINIBUS 401
81 Ibid., II, 10, 32 : Qui igitur conuenit ab alia uoluptate dicere naturam pro-
ficisci, in alia summum bonum ponere ?
82 Cf. supra, p. 357.
83 Op. cit., 12, 35 : Epicurus autem cum in prima commendatione uolupta-
tem dixisset, si earn quant Aristippus, idem tenere debuti ultimum bonorum quod
Me; si earn quam Hieronymus, fecisset idem, ut uoluptatem illam (Aristippi) in
prima commendatione poneret.
402 L'ÉTHIQUE
Aucun des deux griefs qui ont été adressés au τέλος du Jardin
ne semble à première vue applicable à celui du Portique. En effet,
on sait à quel point les philosophes de cette école étaient fiers de la
cohérence de leur doctrine et avec quel soin méticuleux ils démont
raient la parfaite rationalité de chacun des aspects de celle-ci. Par
ailleurs, ils ne pouvaient évidemment pas être accusés d'avoir mép
risé Yhonestas, puisque, au contraire, celle-ci était l'aboutissement
de toute leur éthique. C'est sans doute parce que les différences
entre les deux doctrines paraissaient trop importantes pour qu'el
les pussent avoir été critiquées à partir d'un même point de vue,
que les ressemblances, entre les livres II et IV du De finibus passè-
86 Sénèque, Ep., 121, 15 : unicuique aetati sua constitutio est, alia infanti,
alia puero, alia seni : omnes ei constitutioni conciliantur in qua sunt, trad. Pré-
chac modifiée. Sur cette lettre, cf. le commentaire de J. Brunschwig, The cradle
argument, p. 135 sq., qui établit une comparaison très intéressante avec ΓΈΘικη
στοιχείωσις du Stoïcien Hiéroclès. Sur ce texte, cf. également B. Inwood, Hiero-
cles : theory and argument in the second century AD, dans OSAPH, 2, 1984,
p. 151-183.
87 Épictète, Entretiens, I, 6, 20-21 : Δια τούτο αίσχρόν έστι τω άνθρώπφ
άρχεσθαι και καταλήγειν δπου και τα άλογα, άλλα μάλλον ένθεν μεν αρχεσθαι,
καταλήγειν δέ εφ' δ κατέληξεν έφ' ημών και ή φύσις. Κατέληξεν S έπί θεωρίαν
και παρακολούθηση/ και σύμφωνον διεξαγωγήν τη φύσει.
88 Spinoza, Traité théologico-politique, p. 87 du tome 2 de l'édition Ap-
puhn.
NATURE ET ÉTHIQUE DANS LE DE FINIBVS 405
98 G. Striker, op. cit., p. 160 : There is evidence that at least one prominent
(if late) Stoic did not think of oikeiosis as the basis of the Stoic doctrine. Cepen
dantG. Striker reconnaît, ibid., que la formule du τέλος de Posidonius que nous
trouvons chez Clément d'Alexandrie, Strom., II, 21, 129, n'est pas véritablement
hétérodoxe : το ζή"ν θεωροϋντα την των όλων άλήθειαν και τάξιν και συγκατασ-
κευάζοντα αυτήν κατά το δυνατόν, κατά μηδέν άγόμενον ύπο τοΰ αλόγου μέρους.
Nous remarquerons que le κατά το δυνατόν et l'allusion à Γάλογον μέρος sont
plus platoniciens que stoïciens, mais s'agit-il d'une modification de fond? Posi
donius contestait que Γοίκείωσις se fasse uniquement vers le καλόν, cf. Galien,
Hipp, et Plat., V, 5, 8-11. Cependant, cette innovation ne doit pas faire oublier
qu'il ne rejetait pas le dogme lui-même de Γοίκείωσις et que, comme l'a souli
gnéI. G. Kidd, op. cit., p. 163, la reconnaissance de l'existence en l'âme de puis
sances irrationnelles ne l'empêchait pas de définir comme fin la victoire la plus
complète possible de la raison, dans une ligne doctrinale qu'il croyait être celle
de Zenon et de Cléanthe.
99 Cf. Sénèque, Ep., 92, 5 : Antipater aliquid se tribuere dicit externis, sed
exiguum admodum.
100 A. A. Long, Carneades and the Stoic telos, dans Phronesis, 12, 1967, p. 59-
90. Avant Long les problèmes de la teleologie stoïcienne avaient été étudiés par
O. Rieth, Über das Telos der Stoiker, dans Hermes, 69, 1934, p. 13-45, qui s'était
proposé d'analyser l'évolution du τέλος stoïcien entre Chrysippe et Posidonius.
Pour Rieth, p. 33-34, la seconde formule d'Antipater serait une arme contre Car-
néade. Sur ce même problème, cf. G. Striker, Antipater or the art of living, dans
The norms of Nature, p. 185-204, qui considère que la critique carnéadienne
avait conduit les Stoïciens à une meilleure compréhension et à une expression
plus claire de leur doctrine.
408 L'ÉTHIQUE
101 Cicéron, Fin., III, 7, 22 = S.V.F., III, 18 et 497. «Le souverain bien consist
e à vivre en s'appuyant sur la connaissance certaine des choses qui arrivent
naturellement, en choisissant celles qui sont conformes à la nature et en reje
tant celles qui lui sont contraires, en d'autres termes vivre en accord conscient
et en harmonie avec elle ». Nous avons modifié légèrement la traduction Martha
en renforçant le sens de scientia et de conuenienter qui nous paraissaient ren
dus de manière trop anodine.
102 Sur le détail de l'apport de Chrysippe à la teleologie stoïcienne, cf. Long,
op. cit., p. 60-68. Chrysippe a ajouté la mention de la φύσις à la formule de
Zenon. Il a introduit le concept ά'έπιστήμη dans la définition du τέλος (cf. Plu-
tarque, Comm. not., 16, 1066 d = S.V.F., II, 1181, attribution probable à Chrysipp
e, qui n'est pas expressément mentionné); il a, enfin, enraciné le τέλος dans
l'action grâce au concept α'έμπειρία, cf. Diog. Laërce, VII, 87 = S.V.F., III, 4.
Par ailleurs, comme le suggère Long, p. 65, il n'est pas impossible que ce soit
Chrysippe lui-même qui ait utilisé le premier le concept d'éicXo^ dans la teleo
logie stoïcienne, comme on peut le déduire de Plutarque, Comm. not., 22, 1069 d
= S.V.F., III, 167.
NATURE ET ÉTHIQUE DANS LE DE FINIBUS 409
103 Cf. Stobée, Ed., II, 6, 6, p. 39 M. = S.V.F., III, Diog., 44; Diog. Laërce,
VII, 88 = S.V.F., III, Diog. 45; Clément Al., Strom., II, 21, 129 = S.V.F., III, Diog.
46.
104 V. Goldschmidt, op. cit., p. 140.
105 M. Van Straaten, op. cit., p. 146, qui critique A. Bonhöffer, Die Ethik des
Stoikers Epiktet, Stuttgart, 1894, p. 181 et M.Schäfer, op. cit., p. 18; 304-305.
L'argumentation de Van Straaten est que Diogene n'avait cédé en rien sur le
point crucial, à savoir sur la valeur des κατά φύσιν: «ainsi nous sommes d'opi
nion que la polémique déclenchée par Camèade, au cas où elle aura eu de l'i
nfluence, n'en aura eu que sur la façon de formuler dont Diogene et ses disciples
se servaient pour donner leur définition du τέλος». Sur le τέλος de Diogene, cf.
également l'article d'A. Bonhöffer, Die Telosformel des Stoikers Diogenes, dans
Philologus, 67, 1908, p. 582-605.
106 Sénèque, Ep., 9, 14.
107 La première formule d'Antipater, ou tout au moins celle que l'on peut
supposer comme telle par sa ressemblance avec celle de Diogene, se trouve chez
Clément Al., Stom., II, 21, 129 = S.V.F., III, Antipater 58, et ajoute à la notion de
choix chère à Diogene celle de la tension, de l'effort : . . . τφ διηνεκώς καί άπα-
410 L'ÉTHIQUE
110 Cicéron, Fin., 6, 22 : Huic in eius modi similitudine omnia sint facienda
ut conliniet, et tarnen, ut omnia faciat, quo propositum assequatur, sit hoc quasi
ultimum quale nos summum in uita bonum dicimus; illud autem ut feriat quasi
seligendum, non expetendum. Par seligendum Cicéron traduit ληπτόν, par expe-
tendum αίρετόν. Nous avons modifié la traduction Martha et traduit conliniet
par « viser juste », ce qui nous paraît plus exact que «atteindre le but».
111 Marc-Aurèle, Pensées, VI, 50, 2, traduction personnelle. Έαν μέντοι βία
τις προσχρώμενος ένίστηται, μετάβαινε έπί το εύάρεστον και άλυπον και συγχρώ
εις αλλην άρετήν τη κωλύσει και μέμνησο, δτι με(? υπεξαιρέσεως ωρμας, δτι και
των αδυνάτων ούκ ώρέγου. Il est vrai que Marc-Aurèle ne parle pas spécifique
ment du sage dans cette phrase, mais son propos nous paraît particulièrement
propre à illustrer la relation de la teleologie et du monde, telle qu'elle apparaît
dans la définition d'Antipater.
112 Cela est reconnu par A. A. Long, op. cit., p. 80 : It is clear front Cicero that
Carneades regards this proposition - Antipater's definition of the telos - as absurd
on the argument that happiness and virtue are made to depend purely upon str
iving after the attainment of κατά φύσιν, which in any case possess no positive
value for the Stoics. Antipater semble surtout avoir voulu montrer à Cameade
qu'il était possible d'exprimer le τέλος stoïcien en termes de τέχνη στοχαστική
sans pour autant le dénaturer. Sa deuxième formule nous apparaît comme une
manœuvre tactique destinée à embarrasser Camèade, non comme une tentative
412 L'ÉTHIQUE
pour échapper à sa critique. D. Babut. op. cit., p. 338, attache beaucoup d'im
portance au Άντίπατρον ύπο Καρνεάδου πιεζόμενον chez Plutarque, Comm. not.,
27, 1072 f. Il ne faut pas cependant oublier que c'est là le point de vue d'un
Académicien qui avait tout intérêt à présenter un Antipater incapable de résis
terà la dialectique carnéadienne. S'il est vrai qu'Antipater écrivait en pensant
aux arguments carnéadiens - cf. Plutarque, De garrulitate, 514 d, que nous
remercions D. Babut de nous avoir signalé - il est à remarquer que, pour les
Stoïciens, la formule d'Antipater ne constituait pas une rupture par rapport aux
précédentes, et que, pour les Académiciens, elle était aussi absurde que les
autres.
113 Cet aspect a bien été souligné par M. Soreth, op. cit., p. 69.
114 Philo, AL, Mos., II, 151.
NATURE ET ÉTHIQUE DANS LE DE FINIBUS 413
118 Cf. Cicéron, Fin., IV, passim, et plus précisément 15, 40, 42, et Plutarque,
Com. not., 23, 1069 e - 27, 1072 f. Sur ce dernier texte et sur l'accusation de
double τέλος lancée par les Académiciens contre les Stoïciens, cf. D. Babut, op.
cit., p. 336-342.
119 S'il est vrai que Plutarque, op. cit., 27, 1071 f, fait une allusion à la
controverse entre Chrysippe et Ariston, d'une manière générale, il élude le pro
blème de l'identification historique, alors que celui-ci est posé chez Cicéron
avec une très grande clarté, cf. Fin., IV, 28, 78 : «quand ils veulent maintenir la
logique de la première thèse ils versent du côté d 'Ariston ; quand ils cherchent à
éviter cette conséquence, en fait ils défendent les mêmes thèses que les Péripa-
téticiens sans démordre de leur terminologie».
120 Nous avons mis ce point en évidence dans La dialectique. . ., p. 120.
NATURE ET ÉTHIQUE DANS LE DE FINIBUS 415
tous ces prétendus biens ne sont pas des biens; ce sont des «choses
préférées»121.
Ce texte pose un problème intéressant : dans quelle mesure les
philosophes de l'Ancienne Académie et du Lycée considéraient-ils
les biens du corps comme partie intégrante du souverain bien, au
même titre que la beauté morale, mais simplement avec une im
portance moindre? Il y a là, assurément, de la part de Cicéron et
de sa source Antiochus, une présentation fort libre de l'éthique
d'Aristote, puisque celui-ci, s'il estimait qu'un certain nombre de
conditions étaient nécessaires pour que la vertu pût atteindre au
bonheur, n'affirma jamais que la fin résidait dans le développe
ment simultané des facultés de l'âme et du corps122. Mais il est vrai
aussi que l'essentiel doit être recherché ailleurs que dans une défi
nition exacte de ces philosophies, car le stoïcisme est d'abord crit
iqué de l'intérieur, la référence à l'Ancienne Académie et au Lycée
apparaissant surtout comme l'illustration philosophique du sens
commun. En effet, la réfutation cicéronienne a la forme d'un syll
ogisme dont la majeure est donnée par la théorie stoïcienne de la
commendatio, et que l'on peut reconstituer ainsi 123 :
- Les Stoïciens proclament que la nature nous a recommand
és à nous-mêmes et que c'est dans cet amour de la vie qu'il faut
trouver la définition du souverain bien.
- Or l'homme est composé d'une âme et d'un corps.
- S'il veut persévérer dans son être, il lui faut donc assurer
la sauvegarde de l'un comme de l'autre.
121 Cicéron, Fin., IV, 8, 20 : Alia quaedam dicent, credo, magna antiquorum
esse peccata, quae Me ueri inuestigandi cupidus nullo modo ferre potuerit. Quid
enim peruersius, quid intolerabilius, quid stultius quam bonam ualetudinem,
quam dolorum omnium uacuitatem, quam integritatem oculorum reliquorumque
sensuum ponere in bonis potius quam dicerent nihil omnino inter eas res Usque
contrarias interesse? ea enim omnia quae itti bona dicerent praeposita esse, non
bona. . .
122 Comme le fait Cicéron dans son exposé de la philosophie des antiqui,
Fin., IV, 7, 16. G. Striker, The role. . ., p. 150, a fort bien montré comment une
telle interprétation de la pensée aristotélicienne n'est pas illégitime, même si
elle attribue à Aristote quelque chose qu'il jamais affirmé : This is not of course
Aristotle's own argument, but it looks like a sensible attempt to account, in Aristo
telian terms, for the things Aristotle had mentioned as necessary for happiness
without relating them to his main argument.
123 Cicéron, ibid., 9, 25 sq.
416 L'ÉTHIQUE
124 Sur cette question on se reportera à l'article de T. Irwin, Stoic and Aris
totelian conceptions of happiness, dans The norms of Nature, (p. 205-244),
p. 231 sq.
125 Cf. ibid., 8, 20 : sumenda potins quant expetenda.
126 Ibid., 21, 60: «il (Zenon) s'est laissé séduire par la magnificence et la
pompe des mots. Si ce qu'il dit il le pensait en donnant aux mots leur sens véri
table, quelle différence y aurait-il entre lui et Pyrrhon ou Ariston? Si au contrai
re il ne les approuvait pas ... à quoi bon cette discordance de langage?»
127 Ibid., 9, 21 : (Haec uideîicet est correctio philosophiae ueteris et emenda-
tio) quae ontnino aditum habere nullum potest in urbem, in forum, in curiam.
Quis enim ferre posset ita loquentem eum qui se auctorem uitae grauiter et
sapienter agendae profiteretur, nomina rerum commutantem, cum idem sentirei
quod omnes, quibus rebus eandem uim tribueret alia nomina imponentem, uerba
modo mutantem, de opinionibus nihil detrahentem ?
NATURE ET ÉTHIQUE DANS LE DE FINIBUS 417
128 Ibid., 13, 34 : Quo modo autem optimum, si bonum praeterea nullum est.
129 La dialectique de la Nouvelle Académie était donc orientée de telle sorte
que les Stoïciens se voyaient faire le procès qu'ils avaient eux-mêmes fait à Aris
tonet Erillus.
130 Nous avions déjà signalé la nécessité d'aller vers une interprétation phi
losophique de l'accusation de plagiat, cf. La dialectique. . ., p. 125.
131 Platon, Ep., VII, 343 a-b (cf. Cratyle, 384 d-e) : "Ονομα τε αυτών φαμεν
ουδέν ούδενί βέβαιον είναι, κωλύειν δ" ουδέν τα νυν στρογγυλά καλούμενα ευθέα
κεκλήσθαι τά τε ευθέα δή στρογγυλά και ουδέν ήττον βεβαίως εξειν τοΐς μεταθε-
μένοις και έναντίως καλουσιν.
418 L'ÉTHIQUE
132 Celui-ci est ainsi exprimé en Fin., IV, 7, 16 : Omnis natura uult esse
conseruatrix sui, ut et salua sit et in genere conseruetur suo. . . Tout le problème
est donc dans la définition de la nature humaine. Cicéron accepte provisoire
ment l'anthropologie dualiste des Antiqui, mais celle-ci n'a pas pour lui de
valeur absolue, elle est à la fois une arme contre la prétention du stoïcisme à la
certitude et un moyen de faire progresser une réflexion qui ne se reconnaît
entièrement ni dans l'éthique d'Antiochus ni dans celle du Portique.
133 F. Nuyens, L'évolution de la psychologie d'Aristote, Paris-Louvain, 1948.
La critique de Nuyens a été faite par W.F.R. Hardie, Aristotle's treatment of the
relation between the soul and the body, dans PhO, 14, 1964, p. 53-72. Hardie
reproche essentiellement à Nuyens d'être victime de l'illusion d'une évolution
linéaire de la pensée d'Aristote. La thèse de la permanence d'Aristote dans le
dualisme a été récemment défendue par H. Robinson, Aristotelian dualism, dans
OSAPh, 1, 1983, p. 123-144, qui, avec un certain nombre de nuances, rapproche
Aristote de Descartes.
420 L'ÉTHIQUE
144 Sénèque, Ep., 124, 8 : Quare autem bonum in arbore animalique muto
non est? quia nec ratio. L'argument stoïcien pour refuser toute valeur réelle à
ce qui dans l'homme n'est pas spécifiquement humain est que le bien véritable
ne se révèle que dans l'achèvement. Une telle conception confirme l'originalité
de l'idée stoïcienne du temps, qui devient «comme le lieu de l'achèvement brus
queet immédiat» (V. Goldschmidt, op. cit., p. 217). Le thème de la hiérarchie de
la nature dans sa version stoïcienne est développé par Diog. Laërce, VII, 86. Il
est fort probable qu'il remonte au traité de Zenon, περί άνθρωπου φύσεως, puis
que celui-ci est cité au début du § 87. D. Babut nous a signalé qu'une idée analo
gue à celle exprimée par Cicéron dans les livres IV et V du De finibus se trouve
attribuée aux Stoïciens et retournée contre eux dans Plutarque, De uirt. mor.,
12, 451 b sq.; cf. sur ce point l'introduction à l'édition qu'il a donnée de ce trai
té,Plutarque, De la vertu éthique, Paris, 1969, p. 62-64.
145 Cicéron, Fin., IV, 12, 31 : Hummus in Croesi diuitiis obscuratur, pars est
tarnen diuitiarum. Quare obscurentur etiam haec, quae secundum naturam esse
dicimus, in uita beata : sint modo partes uitae beatae. Cicéron reprend ainsi, en
l'interprétant autrement, la métaphore utilisée par Caton en III, 14, 45. Pour
celui-ci, qui exprime la pensée d'Antipater, la position consistant à accorder une
très petite valeur aux πρώτα κατά φύσιν n'empêche pas qu'il y ait un saut qualit
atifentre eux et le souverain bien.
424 L'ÉTHIQUE
146 Lucrèce, Nat. re., Ill, 16, dans l'éloge d'Épicure : diffugiunt animi terro-
res. La proposition omnium cupiditatum ardore restincto se trouve en Fin., I, 13,
43. Sur la nature «technique» des vertus épicuriennes, cf. Diog. Laërce, X, 138
= Usener 504 : Δια δέ τήν ήδονήν και τας άρετας αίρεΐσθαι, ού δί αύτάς. Pour
une analyse détaillée de cette question, on se reportera à V. Glodschmidt, La
doctrine d'Épicure et le droit, Paris, 1977, p. 144 sq.
NATURE ET ÉTHIQUE DANS LE DE FINIBUS 425
tus154 : «il y a quelque chose qui ne nous est pas permis à nous, qui
leur est permis à eux»: un Romain, héritier des uiri boni qui ont
prouvé dans l'action ce que les philosophes cherchent à fonder
dans la théorie, ne peut outrager leur mémoire en réduisant leur
conduite à des motivations égoïstes, il ne lui est pas moralement
permis de prétendre que leur courage avait en réalité comme fin la
recherche du plaisir. Cependant cette exaltation des valeurs romai
nes n'est pas le simple rappel de la tradition et tout ce passage
nous paraît confirmer ce qu'a finement observé M. Bellincioni à
propos d'un autre texte155: sulla realtà che descrive egli entende
sopratutto incidere in senso formativo. Cicéron ne se contente pas
de rappeler le mos maiorum et de l'utiliser comme le plus puissant
des arguments, imperceptiblement il le modèle, il en exprime l'e
ssence à travers des notations qui sont autant de ponts jetés vers la
philosophie. Il nous suffira pour le montrer de citer ici deux phras
esqui, situées à quelques paragraphes d'intervalle, paraissent
contradictoires et qui, en réalité, préparent la définition du coura
ge telle qu'elle sera donnée dans le De officiis 156 :
Fin., II, 19, 60 : «Et les hommes de courage, font-ils des supput
ations de plaisirs, quand ils marchent au combat, quand ils ver
sent leur sang pour la patrie? N'est-ce pas plutôt une certaine
ardeur, un certain élan qui les excite?».
Cette présentation de la fortitudo comme d'un mouvement
trouvant sa justification dans la noblesse de sa fin va à l'encontre
non seulement de l'utilitarisme épicurien, mais aussi de l'interpré
tation du courage civique proposée par Aristote157. Celui-ci, en
effet, tout en reconnaissant que la fin du courage est nécessaire
ment belle, affirme cependant que si les citoyens se battent coura
geusement, c'est aussi par crainte des peines infligées par la loi.
conquête de la libertas se situe en 20, 66. Elle a une importance politique certai
ne dans le contexte de la dictature césarienne.
154 Ibid., 21, 68 : sed tarnen est aliquid quod nobis non liceat, liceat Ulis.
155 M. Bellincioni, op. cit., p. 101, à propos du Lélius.
156 Cicéron, Fin., II, 19, 60 : Quid? Fortes uiri uoluptatumne calculis subduc-
tis proélium ineunt, sanguinem pro patria profundunt, an quodam animi ardore
atque impetu concitati? Ibid., 22, 73 : Sed ad illum redeo. Si uoluptatis causa cum
Gallo apud Anienem depugnauit prouocatus . . . ullam ob causant nisi quod ei
talia facta digna uiro uidebantur, fortem non puto; Off., I, 19, 62-63 : Sed ea ani
mi elatio quae cernitur in periculis et laboribus, si iustitia uacat pugnatque non
pro salute communi, sed pro suis commodis, in uitio est; non modo id enim uir-
tutis non est, sed est potius immanitatis omnem humanitatem repellentis. Itaque
probe definitur a stoicis fortitudo cum earn uirtutem esse dicunt propugnantem
pro aequitate.
157 Aristote, Eth. Nie, III, 8, 1116a 18-20. Sur le concept de courage chez
Aristote, cf. D. Charles, op. cit., p. 166-167.
428 L'ÉTHIQUE
158 Platon est cité immédiatement après, au § 63, où est reproduit un passa
ge
du Lâches, 182 e- 183 a.
159 Cicéron, Fin., III, 19, 64.
NATURE ET ÉTHIQUE DANS LE DE FINIBUS 429
166 Com. pet., 5, 16 : Quisquis est enim qui ostendat aliquid in te uoluntatis,
qui colat, qui domum uentitet, is in amicorum numero est habendus. Sur Vamici-
tia dans le vocabulaire politique latin, cf. J. Hellegouarch', op. cit., p. 41-62.
167 Cicéron, Pro Rose. Am., 38, 111 : Idcirco amicitiae comparantur ut com
mune commodum mutuis officiis gubernetur.
168 Cicéron, Inu., II, 55, 166: «L'amitié consiste à vouloir faire du bien à
quelqu'un simplement par affection pour lui, avec un sentiment réciproque de
sa part». Le caractère provisoire de cette définition apparaît au § 167, où Cicé
ron écrit : « quelle est la vérité définitive dans ce domaine, il nous faudra l'envi
sager ailleurs».
169 Le Lysis platonicien, longtemps considéré comme un dialogue mineur à
cause de son caractère aporétique, a connu récemment une sorte de réhabilita
tion grâce à quelques remarquables études, cf. D. K. Glidden, The «Lysis» on
loving one's own, dans CQ, XXXI, 1931, p. 39-59; L. Versenyi, Plato's Lysis, dans
Phronesis, 20, 1975, p. 185-198, et le livre de M. Lualdi, // problema della filoso
fia e il Liside platonico, Milan, 1974, où la réflexion sur l'amitié est envisagée
comme l'instrument d'une pédagogie de l'être.
NATURE ET ÉTHIQUE DANS LE DE FINIBVS 43 1
nir de ce mouvement? Cela n'est pas dit dans ces pages. On peut
donc affirmer que celle-ci constituent un jalon important, mais un
jalon seulement, de la réflexion cicéronienne sur l'amitié. Elles ont
pour but de ruiner une opinion que Cicéron considère comme faus
seet de servir de prolégomènes à la doctrine de l'amitié, telle
qu'elle sera exposée dans le De amicitia.
Ce traité permettra à Cicéron de pallier le manque que nous
avons signalé et d'enrichir le mos maiorum d'une amitié parfaite,
celle de Scipion et de Laelius, alors que dans le De finibus il avait
dû se contenter de faire appel à la mythologie et de rappeler la
légende d'Oreste et de Pylade176. Mais surtout, il contient la solu
tion à toutes les antinomies à travers une définition qui, amalga
mant des éléments philosophiques divers, fonde l'amitié sans pour
autant la couper de la réalité historique et sociale. Sans entrer
dans le détail de cette œuvre si attachante, nous dirons que, com
mecela était le cas pour le courage, la réponse de l'Arpinate est
faite de la conciliation des contraires ou, plus exactement, de la
démonstration du caractère plus apparent que réel des contradict
ions. Cette ambition d'aller au-delà de ce qui paraissait être un
ensemble d'obstacles infranchissables est évidente sur plusieurs
points :
- Yamicitia a pour Cicéron son origine dans la nature, c'est-
à-dire dans la tendance instinctive de l'homme à aimer177. Cepend
ant,la véritable amitié n'est pas une passion irréfléchie, mais la
forme la plus lucide de ce sensus amandi. Il s'agit de retrouver à
travers la raison un lien aussi fort, aussi parfait, que celui qui lie
les enfants aux parents, et cela n'est possible que si les amis sont
l'un et l'autre des gens vertueux. Dans ce processus, qui consiste à
reconstruire ce qui était au départ donné par la nature, on recon
naîtbien évidemment la démarche caractéristique des Stoïciens,
lesquels avaient enraciné dans la φυσίς le ό αγαθός τω άγαθω μόνος
μόνω φίλος de Platon178;
- l'originalité de l'Arpinate est de ne pas se contenter de cet
teréférence à la nature, tant il sait qu'elle n'empêche nullement les
Stoïciens de prôner une vertu qu'il considère comme inhumaine.
176 Ibid., 79. Sur le Laelius, cf., en dehors de l'ouvrage de M. Bellincioni déjà
cité, l'article d'A. Michel, Le «Caton» et le «Laelius», originalité philosophique et
expression personnelle dans deux traités cicéroniens, dans VL, 85, 1982, p. 12-18.
177 Cicéron, Laelius, 8, 27. L'origine de l'amitié se trouve donc dans Γοίκείω-
σις, puisqu'elle est l'extension du sentiment naturel d'affection qui unit les
parents et les enfants. Il est à cet égard intéressant de constater à quel point ce
passage du Laelius est proche des propos de Caton sur la sociabilité, cf. Fin.,
III, 19, 62.
178 Platon, Lysis, 214 d.
NATURE ET ÉTHIQUE DANS LE DE FINIBUS 433
relier : d'un côté, les vertus que les Épicuriens respectent et même
pratiquent tout autant que les autres philosophes, de l'autre, une
conception erronée de la nature humaine. Le paradoxe suprême
est à ses yeux qu'en prétendant découvrir les motivations les plus
secrètes de l'agent moral, les Épicuriens ont abouti en fait à une
doctrine sans prise sur la réalité car fondée sur une logique étran
gère à celle-ci. Parce qu'ils ont voulu tout ramener au plaisir, qui
n'est nullement spécifique de l'homme, ils ont été contraints d'éta
blir une dichotomie entre la pratique morale et la théorie qui
aurait dû rendre compte de celle-ci. Dans cette même inspiration
Sénèque comparera l'épicurisme à un homme courageux revêtu
d'une robe de femme184. La longue explication qui est faite par
Cicéron de la lettre d'Épicure mourant à Hermarque est destinée à
montrer, par delà le cas particulier du fondateur du Jardin, que
l'Épicurien ne peut se montrer courageux devant la souffrance et
la mort qu'en se contredisant lui-même, en reniant les principes de
la doctrine qu'il professe; il est donc, comme dira Épictète, «l'a
ccusateur de ses propres dogmes»185.
La tentative pour déduire les vertus du plaisir et de l'intérêt
conduit donc à un échec d'autant plus flagrant qu'il se traduit par
une rupture entre la philosophie et la vie chez ceux-là mêmes qui
prétendent connaître les «biens de la vie»186. Mais n'en est-il pas de
même lorsque, au lieu de privilégier ce que l'homme a de commun
avec les autres êtres vivants, on finit par faire de lui une exception
dans le règne vivant? N'y a-t-il pas aussi un décalage, si l'on peut
dire, par le haut, entre l'axiologie stoïcienne et celle qui est déduite
de la nature mixte de l'homme et de l'observation minutieuse des
comportements humains? Les paradoxes stoïciens n'aboutissent-ils
pas par une ambition et un idéalisme excessifs au même irréalisme
que l'égoïsme absolu des Épicuriens? Cicéron annoncerait-il Pascal
et sa fameuse pensée sur l'ange et la bête?
187 Sur les Paradoxes, cf., outre les ouvrages cités supra, p. 105, la très inté
ressante étude de F. Stok, Omîtes stultos insanire. La politica del paradosso in
Cicerone, Pise, 1981, qui montre comment Cicéron a su élaborer une pratique
du paradoxe stoïcien qui constitue l'un des aspects positifs de sa philosophie
morale.
188 Cicéron, Fin., IV, 27, 74.
189 J. Brunschwig, Le modèle conjonctif, op. cit. Le texte de J. Rist dont la
critique a servi de point de départ à cette étude se trouve dans Stoic philosophy,
p. 81-96.
190 Ibid., p. 179.
436 L'ÉTHIQUE
191 Cf. Plutarque, Comm. not., 37, 1078 e = S.V.F., II, 480. J. Brunschwig,
op. cit., p. 64, souligne le caractère antiaristotélicien de cette proposition.
192 Plutarque, ibid., 37, 1078 a-e.
193 Ibid., 1078 d.
194 Ibid., 1078 a-c. La transition entre les deux passages est marquée par
ένταοθα δήπου.
195 Ibid., 1078 a : τούτο μέτρον αμα και τριών έστι και τεσσάρων, τριών μέν
δτι τοις δύο εις μέμικται τεσσάρων δε οτι δυσί μεμιγμένος ίσον εσχηκε πλήθος
οις μίγνυται.
NATURE ET ÉTHIQUE DANS LE DE FINIBUS 437
196 Nous rencontrons sur ce point une difficulté qui a été soulignée par
J. Brunschwig, op. cit., p. 68, à savoir la présence dans un certain nombre de
textes relatifs au stoïcisme de la notion de nombre appliquée à l'éthique. Pour
J. M. Rist, Stoic philosophy, p. 82, il faudrait renoncer à donner à nwnerus ou à
αριθμός un sens Tellement quantitatif et traduire par « aspect ». Pour J. Brunschw
ig, en revanche, on ne peut exclure ainsi totalement l'interprétation quantitati
ve et il faut voir dans ces αριθμοί «les différents «articles», les multiples
«items», qui sont tous présents, remplis ou satisfaits, sans aucune exception,
dans le καλόν ou dans le κατόρθωμα, et dont il suffit que l'un soit absent, ou
transgressé, pour que l'on tombe aussitôt de la perfection absolue dans son
contraire ». Avant de se prononcer sur ces deux interprétations possibles, il faut
nous semble-t-il, souligner la spécificité de chacune des occurrences de ces ter
mes. Cicéron emploie quasi à côté de numéros en se référant à Zenon (Fin., IV
20, 56 = S.V.F., 11) et il serait bien intéressant de savoir si cette atténuation est
de son fait, s'il l'a trouvée dans une source académicienne ou si elle remonte au
Stoïcien lui-même, ce que semble contredire le fait que Caton, lui, dit (ibid., Ill,
7, 23 = S. F.F., Ill, 11) : omnes numéros uirtutis continent. Dans Diogene Laërce,
VII, 100 =*= S.V.F., III, 83, les «nombres» du καλόν sont mis en relation avec les
quatre vertus cardinales. Chez Marc-Aurèle, III, 1, 2, les αριθμοί du καθήκον
semblent être conçus sur le modèle des fonctions vitales, alors qu'en VI, 26, 3,
ils sont comparés aux lettres qui forment un nom. Chez Philon d'Alexandrie,
Her., 299, les αριθμοί de la vertu sont les quatre phases de son développement.
L'impression que nous retirons de cette analyse rapide est que les analyses de
Rist et de Brunschwig ne sont pas nécessairement contradictoires. Rien n'est,
de toute évidence, plus étranger au stoïcisme que l'arithmétique morale telle
que Cicéron l'attribue aux « Anciens ». La différenciation se fait sur fond de par
faite unité. Tout comme la respiration, par exemple, peut être perçue et étudiée
isolément, mais n'a de sens que par rapport à la vie dont elle est à la fois un
aspect et un élément constitutif, les αριθμοί du bien moral sont à la fois autono
mes et inséparables de la vertu. En ce sens, il sont à la vie morale ce que la
représentation, l'assentiment, la mémoire, les prénotions sont à la connaissanc
e.
438 L'ÉTHIQUE
197 Cf. Cicéron, Fin., IV, 31, 32, 57, 58, 67.
198 Cf. supra, p. 423.
199 Cicéron, Mur., 31, 65.
200 Cf. Fin., IV, 24, 65.
NATURE ET ÉTHIQUE DANS LE DE FINIBUS 439
201 Ibid.
440 L'ÉTHIQUE
est le point précis sur lequel Cicéron diverge d'Antiochus, car nous
aurons l'occasion d'y revenir lorsque nous traiterons des Tuscula-
nes. En revanche, il nous paraît important de montrer que cette
disputano n'a rien d'artificiel et qu'il faut, pour en apprécier la
signification, la situer à la fois dans l'itinéraire philosophique de
l'Arpinate, et dans son expérience de la guerre civile et de la dicta
ture.
Du point de vue philosophique, il est clair que le De finibus
apporte une clarification par rapport au Lucullus sur le problème
de l'identité ou de la différence entre l'Ancienne Académie et le
Portique. La thèse d'Antiochus, qui avait alors été combattue sans
ménagement et même dans un esprit polémique, a eu deux avocats,
Cicéron et Pison, et la question a été traitée en profondeur, sereine-
ment, ce qui a permis non pas de trancher le dilemme, mais d'en
démontrer le pourquoi. En effet, il apparaît que le mouvement par
lequel est niée puis reconnue l'originalité du Portique par rapport
aux Antiqui n'est pas une oscillation gratuite et qu'il correspond à
une contradiction interne au stoïcisme206: celui-ci prétend soumett
re l'homme à la loi commune de la nature et il fonde l'éthique sur
le premier mouvement instinctif, mais, par ailleurs, il fait fi de cet
temême nature en déniant toute valeur aux biens du corps. Pour le
Cicéron du De finibus, si on juge le système de Zenon en tant que
naturalisme, il se révèle qu'il est incohérent et qu'il n'apporte rien
par rapport aux Antiqui. Mais si, au contraire, on le prend pour
lui-même, c'est à dire en faisant abstraction de sa prétention à être
une description exacte de la réalité, alors il faut lui reconnaître une
perfection logique incomparable, parce qu'il est le fait d'une raison
qui n'obéit qu'à sa propre loi.
Aux yeux de Cicéron, le stoïcisme est un échec ou un plagiat en
tant que naturalisme, mais une construction admirable en tant
qu'expression de l'exigence morale la plus absolue. Il le considère
comme un idéalisme fourvoyé dans le monde de l'instinct et de la
sensation, comme une antilogie inconsciente que le dialecticien se
doit de mettre en lumière, à l'instar sans doute de Socrate révélant
à ses interlocuteurs qu'ils se contredisaient, alors même qu'ils
croyaient être cohérents. Il faut que les Stoïciens choisissent entre
l'instinct et une perfection spécifiquement humaine, il faut qu'ils
comprennent que l'autarcie de la vertu n'est pas inscrite dans la loi
de la vie.
Le De finibus s'achève donc sur un dilemme : d'un côté, le sens
commun, une sagesse ne présumant pas de l'homme, et la volonté
de privilégier l'âme sans ignorer le corps; de l'autre, une cohéren-
213 Plutarque, Caton, 78, 2 : είσελθών δέ καί κατακλιθείς έλαβεν εις χείρας
των Πλάτωνος διαλόγων τον περί ψυχής.
CHAPITRE III
aussi ces débats sur les sources, dont nous n'hésiterons pas à dire
qu'ils sont particulièrement décevants en ce qui concerne cette
œuvre. Et pourtant, si l'on admet, ce qui devrait être une évidence,
que les Tusculanes forment un tout dont les éléments n'ont pas été
disposés de manière indifférente et ne doivent donc pas être arbi
trairement dissociés, comment s'engager dans des études de détail
sans avoir au préalable tenté de définir ce que Cicéron a voulu
exprimer en rédigeant ce texte? Notre projet est, en tout cas, de
montrer qu'il y a dans ces disputationes une double cohérence,
interne et aussi par rapport au De finibus, qui transcende les
contradictions ponctuelles et dont l'explication ne peut être trouvée
que dans l'inspiration platonicienne de l'Arpinate, et plus précisé
mentencore dans son appartenance à la Nouvelle Académie. Il ne
suffit pas, cependant, de montrer que le ciment existe, il faut aussi
comprendre comment la diversité, voire l'hétérogénéité des maté
riaux utilisés, loin de constituer un obstacle à l'unité de l'ensemble,
est, au contraire, ce qui rend possible celle-ci.
La double cohérence
3 Cicéron, Tusc, IV, 38, 82 : Scire autem nos oportet, cognitis quoad pos
sunt ab homine cognosci, bonorum et malorum finibus, nihil a philosophia posse
out maius out utilius optavi quam haec quae a nobis hoc quadriduo disputata
sunt.
L'INSPIRATION NÉOACADÉMICIENNE DES TUSCULANES 447
sachant que celle-ci est au moins criticable, cf. la proposition si ita esset, où le
subjonctif n'est pas seulement dû à l'attraction modale, mais comporte une
nuance d'irréel. Il s'agit donc pour lui de montrer qu'il y a une cohérence par
faite dans le système stoïcien, mais que celle-ci repose sur une hypothèse, qui,
elle, n'a rien de certain. Nous reviendrons sur ce problème de l'hypothèse et de
la comparaison entre le système stoïcien et la géométrie, cf. infra, p. 546-549.
8 Pour J. Humbert, traducteur des Tusculanes dans la Collection des Uni
versités de France, le début du § 47 constitue une objection directement formul
ée par l'interlocuteur de Cicéron. L'analyse des paragraphes précédents mont
requ'en réalité c'est Cicéron lui-même qui reprend la critique qui lui avait été
adressée au § 32 et qui s'efforce de la réfuter : At enint eadem Stoici «praeci-
pua» uel «producici» dicunt quae «bona» isti. Dicunt Uli quidem, sed Us uitam
beatatn completi negant; hi autem sine Us esse nullam putant aut, si sit beata,
beatissimam certe negant.
9 Cf. supra, p. 351.
L'INSPIRATION NÉOACADÉMICIENNE DES TUSCULANES 449
14 Ces deux «divisions» nous ont été transmises par Stobée, Ed., II, 6, 2,
p. 14-15 M. (Philon) et p. 16-18 M. (Eudore).
15 R. Hirzel, op. cit., t. 3, p. 490-491. Hirzel a été là victime des préjugés de
la Quellenforschung, pour qui il était indispensable de trouver non seulement
une source, mais surtout une source écrite. Cette grossière erreur ne doit cepen
dantpas entraîner une condamnation globale de cette recherche sur les Tuscu
lanesqui est riche d'intuitions fécondes.
16 A. Grilli, II piano delli scritti filosofici di Cicerone, dans RSF, 26, 1971,
p. 302-305. Grilli essaie assez laborieusement de démontrer qu'il y a une très
grande similitude entre le plan des œuvres philosophiques de Cicéron, tel qu'il
se trouve au début du second livre du De diuinatione et la «division» de Philon
de Larissa.
17 Cf. supra, p. 346, n. 35.
18 Pour Eudore, loc. cit., les éléments fondamentaux de la philosophie
morale sont au nombre de trois : le θεωρητικόν, Γόρμητικόν et le πρακτικόν. En
ce qui concerne la première partie, on peut noter les différences suivantes par
L'INSPIRATION NÉOACADÉMICIENNE DES TUSCULANES 451
25 II est vrai que, dans Fin., IV, 27-29, cette possibilité est, elle aussi, rejetée,
puisqu'elle constitue la lecture « indif férentiste » du stoïcisme. Néanmoins, il lui
est accordé une cohérence formelle, or les Tusculanes envisagent précisément le
stoïcisme de ce point de vue.
26 Cf. supra, p. 441.
27 Cf. supra, p. 421.
28 K. Reinhardt, art. Poseidonios3, RE, 221, 1953, p. (558-826), p. 582.
29 Cicéron, Tusc, I, 24, 56 : animum ipsum -, si nihil esset in eo nisi id, ut
per eum uiueremus, tam natura putarem hominis sustentari quant uitis, quant
arboris; haec enim etiam dicimus uiuere. Item si nihil haberet animus hominis
nisi ut appeteret aut fugeret, id quoque esset ei commune cum bestiis. Les irréels
du présent montrent bien que le processus est exactement l'inverse de celui que
454 L'ÉTHIQUE
liste défendue par Cicéron lorsqu'il avait réfuté Caton et par Pison
dans son exposé de la philosophie péripatéticienne, l'accent était
mis sur la continuité naturelle, l'âme apparaissant comme ajout
certes précieux, mais n'altérant en rien l'unité du vivant30. Dans ce
premier livre des Tusculanes, au contraire, elle n'est plus seul
ement ce degré supplémentaire de perfection dans la hiérarchie de
la vie, elle témoigne de la présence du divin dans l'homme. Les
passages du De finibus que nous avons cités faisaient de l'âme
l'aboutissement d'un processus naturel, alors qu'ici ce qui intéresse
Cicéron, c'est son altérité par rapport à celui-ci. L'autorité sur
laquelle il s'appuie n'est plus Polémon ni Aristote, mais Platon,
comme le montrent des citations très précises du Ménon et du Phé-
don31. L'évocation de la réminiscence, de l'enfermement de l'âme
dans le corps, l'allusion au caractère irréel de tout ce qui a un
début et une fin, confirment ce que suggérait déjà la désagrégation
de la métaphore de la vigne, c'est-à-dire l'abandon d'une philoso
phie de la continuité naturelle et le passage à une anthropologie
d'un autre type.
C'est une démarche identique, à savoir l'utilisation d'un même
thème pour dire des choses différentes, que nous trouvons dans les
références à l'Apollon Pythien et au γνώθι σεαυτόν32. Rappelons
brièvement ce qu'il en est, puisque cette question a déjà été très
abondamment étudiée33. Cicéron mentionne pour la première fois
le précepte delphique à la fin du premier livre du De legibus, puis
dans Fin. V (discours de Pison), et enfin dans le premier et le der
nier livres des Tusculanes 34. P. Boyancé a écrit des choses fort jus
tes sur les points communs - réels et nombreux - entre ces textes,
mais il convient aussi de mettre l'accent sur ce qui les sépare35. S'il
36 J. Pépin, op. cit., notamment p. 125, où il est très fortement affirmé que
l'anthropologie de la première Tusculane ne peut avoir sa source dans le dualis
me d'Antiochus d'Ascalon. Les deux références cicéroniennes que nous donnons
se trouvent respectivement en Fin., V, 16, 44, et en Tusc, I, 22, 52.
37 Sur ce point tous les savants que nous avons cités sont d'accord, la
divergence concernant donc la manière dont le dialogue platonicien a été inter
prété par la ou les sources de Cicéron, ou encore par l'Arpinate lui-même.
38 Sur l'auteur dont Cicéron se serait inspiré pour écrire ce livre, cf. infra,
p. 509.
39 S'il est vrai, en effet, que dans cette partie du De legibus le corps n'est
pas expressément traité de simple récipient, il n'en reste pas moins vrai qu'au
cunevaleur positive ne lui est accordée, cf. en particulier, au § 60 : quom ani
mus cognitis perceptisque uirtutibus a corporis obsequio indulgentiaque discesse-
rit. Nous sommes là bien loin de la tonalité de Fin., IV, où il s'agit de faire
admettre aux Stoïciens que le corps ne peut être totalement négligé. Cette diffé
rence peut donc s'expliquer par le caractère dialectique de la critique du stoïci
sme ou par une évolution de la pensée d'Antiochus, les deux hypothèses n'étant
pas au demeurant incompatibles, puisqu'il est fort vraisemblable que celui-ci
resta, au moins un certain temps après sa rupture avec la Nouvelle Académie,
marqué par les méthodes de cette école.
40 J. Pépin, op. cit., p. 165: «C'est donc de Posidonius qu'ont chance de
provenir les critiques adressées par Cicéron au souverain bien tel que le concev
aitAntiochus».
456 L'ÉTHIQUE
L'interprétation néoacadémicienne
für das erste Buch der Tusculanen, dans RM, 36, 1881, p. 506-523. La thèse de
Corssen reçut notamment l'appui de M. Pohlenz, Die Stoa, t. 2, p. 115.
44 K. Reinhardt, op. cit. Nous avons déjà eu l'occasion de contester, cf.
supra, p. 453, la manière dont ce savant interprétait la présence de la métaphor
e de la vigne dans Tusc. I. De même, nous n'interprétons pas comme il le fait,
p. 577-578, la doxographie de l'âme (cf. infra, p. 458) dans le sens d'un dévoile
ment de la vérité qui serait la confirmation de ce que nous trouvons en Fin., V,
10, à propos des recherches des Péripatéticiens : quae ex cognitione facilior facta
est inuestigatio rerum occultissimarum.
45 R. Hirzel, op. cit., t. 3, p. 342-406.
46 R. Miller- Jones, Posidonius and Cicero's Tusculan Disputations I, 17-81,
dans CPh, 18, 1923, p. 202-238.
47 Sext. Emp., Hyp. Pyr., II, 5, 31.
48 Cicéron, Luc, 40, 124.
458 L'ÉTHIQUE
49 Cicéron, Tusc, l, 11, 23 : Harum sententiarum quae uera sit, deus aliqui
uiderit; quae ueri simitlima, magna quaestio est.
50 Sur cette question fort complexe on se reportera à l'article de C. Lefeb-
vre, Quinta natura et psychologie aristotélicienne, dans RPhL, 69, 1971, p. 5-43;
cf. également E. Bignone, op. cit., t. 1, p. 226-272.
51 Cf. le § 67, où la connaissance de l'âme est celle de « sa force, sa sagacité,
sa mémoire, son mouvement, sa rapidité». Le rôle de la mémoire est magnifié,
dans la tradition platonicienne de la réminiscence, au § 57. Par ailleurs, il est à
remarquer que Cicéron, fidèle en cela à la tradition d'Arcésilas, n'affirme pas
dogmatiquement l'impossibilité de connaître la nature de l'âme.
52 Ibid. : Non ualet tantum animus, ut se ipse uideat. - At ut oculus, sic ani
mus se non uidens alia cernii . . . uim certe, sagacitatem, memoriam, motum,
celeritatem uidet. Haec magna, haec diuina, haec sempiterna sunt. Qua facie qui-
dem sit, aut ubi habitet, ne quaerendum quidem est., trad. pers. Cette comparai
son entre l'œil et l'âme a son origine dans le Premier Alcibiade, 132 d, où la
tonalité est, cependant, nettement moins pessimiste. Elle a été reprise par Aris-
tote, cf. Bignone, loc. cit., p. 243-244. Le reproche que l'on peut faire à Bignone
est que dans son désir d'utiliser cette Tusculane comme témoignage sur le pre
mier Aristote, il ignore presque totalement le rôle de la Nouvelle Académie.
L'INSPIRATION NÉOACADÉMICIENNE DES TUSCULANES 459
est divin, qui est éternel. Pour ce qui est de savoir quelle est sa phy
sionomie ou sa demeure, la question ne mérite même pas d'être
posée». Cicéron ne renie donc nullement ce qu'il a écrit dans le
Lucullus et dans cette même Tusculane au sujet de la doxographie
de l'âme, simplement le travail philosophique lui a permis de défi
nir une vraisemblance, l'origine divine de l'âme, et une méthode
qu'il estime féconde, l'analyse reflexive des capacités de l'intellect.
On est frappé de constater à quel point, sur cette question
comme sur tant d'autres, Cicéron et Philon d'Alexandrie sont à la
fois très proches et très éloignés l'un de l'autre. Dans De mutatione
nominum, l'Alexandrin, reprenant en des termes légèrement diffé
rents la métaphore de l'œil et de l'âme, dit que celle-ci n'a pas
besoin d'une lumière extérieure pour lancer ses regards, car elle
est elle-même lumière; puis, voulant justifier l'incapacité dans la
quelle se trouve l'homme de percevoir Dieu, il ajoute53: «Qu'y a-
t-il d'étonnant que l'Être soit imperceptible aux hommes, quand
l'esprit qui est en chacun de nous est inconnaissable? Qui a vu, en
effet, l'essence de l'âme? Son manque de clarté a suscité des mil
liers de disputes chez les sophistes qui ont apporté des avis contrai
res ». Les thèmes sont exactement les mêmes dans ce texte que ceux
que nous avons relevés chez Cicéron et l'allusion aux disputes des
Sophistes correspond évidemment à la doxographie que Philon n'a
pas jugé bon d'exposer. Cependant, cette identité ne doit pas diss
imuler la différence qui existe dans la finalité des deux raisonne
ments. Pour Philon, il s'agit avant tout d'expliquer pourquoi, alors
que la Révélation a eu lieu, Dieu demeure inconnu, et sa descrip
tion de l'ignorance dans laquelle se trouve l'homme de la nature
divine s'inscrit sur fond de certitude absolue54. Chez Cicéron, au
contraire, cette certitude n'existe pas : il y a eu passage, de la divers
itédes hypothèses sur la définition de l'âme à l'affirmation de
l'origine divine de celle-ci, mais cette ascension ne doit pas être
considérée comme l'abandon de Γέποχή de la Nouvelle Académie.
En effet, si l'Arpinate a tenu à aller le plus loin possible dans le
probable, il n'a jamais affirmé, ni même suggéré, qu'il estimait
avoir franchi la limite entre le vraisemblable et la vérité. Pour s'en
convaincre, il suffit de comparer deux passages assez éloignés l'un
de l'autre dans le livre.
Au § 24, l'interlocuteur dit quelle séduction exerce sur lui l'hy-
53 Philon Al., Mut., 10 : τίς γάρ ψυχής ούσίαν ειδεν;ΤΗς ή άδηλότης μυρίας
έριδας σοφισταΐς έγέννησεν εναντίας είσηγουμένοις γνώμας ... Cf. également
Somn., I, 30-34.
54 Ce point a été admirablement mis en lumière par V. Nikiprowetzky, Le
commentaire de l'Écriture chez Philon d'Alexandrie, Leiden, 1977, p. 183-202.
460 L'ÉTHIQUE
55 Cicéron, Tusc, I, 31, 78 : Laudo id quidem, etsi nihil nimis oportet confi-
dere.
56 Cf. Platon, Phédon, 114 d.
57 Cette nouvelle anthropologie occupe les paragraphes 77 à 94 de
Tusc, I.
58 Cf. ibid., § 77.
59 Cf. les § 79 à 81.
L'INSPIRATION NÉO ACADÉMICIENNE DES TUSCULANES 461
66 On peut mettre en relation cette idée avec la lecture que faisait la Nouv
elle Académie du Phédon, cf. supra, p. 265.
67 Cicéron, Tusc, 1, 33, 80.
68 Ibid., 81.
L'INSPIRATION NÉOACADÉMICIENNE DES TUSCULANES 463
69 Ibid., I, 12, 27. Sur les cosci, cf. Varron, Ling, lai., VII, 28 : et primum
«cascum» significai uetus; secundo eins origo Sabina, quae usque radices in
Oscam linguam egit. Cascum uetus esse significai Ennius, quod ait :
quam prisci cosci populi genuere Latini (Ann., 2, 4).
Sur la critique par Ennius de la religion polythéiste, cf. P. Grimai, Le siècle ....
p. 223.
70 Les textes aristotéliciens cités par R. Miller- Jones, op. cit., p. 207, (Eudè-
me, frgs 39 et 44 Rose; Méta., 1074 b 1-14) ne sont pas convaincants. Il eût été
plus pertinent d'évoquer le De caelo, 1, 270 b 5-8, et les textes cités par Pease,
Nat. de., I, p. 295.
71 Cicéron, De nat. de., II, 3, 12 : Itaque inter omnis omnium gentium sum
maconstat; omnibus enim innatum est et quasi insculptum esse deos. Malgré la
présence de l'adjectif innatus il ne faut pas conclure que pour les Stoïciens la
croyance en Dieu était antérieure à l'expérience, cf. supra, à propos des prénot
ionsp. 348. Sur le consensus stoïcien, cf. R. Schian, Untersuchungen über das
«argumentum e consensu omnium», Hildesheim-New York, 1973, p. 134-141, qui
parle fort justement d'un Neufundierung des Arguments in der Stoa.
72 Cicéron, Tusc, I, 15, 35 : Quodsi omnium consensus naturae uerisimile
est.
464 L'ÉTHIQUE
83 Philon Al., Fug., 182. Cette métaphore est très proche de celle, stoïcienne,
que nous trouvons chez Aetius, Plac, IV, 8, 1 = S.V.F., II, 850, où il est question
des πνεύματα νοερά qui vont de l'hégémonique aux sens. Sur les métaphores
stoïciennes, cf. l'important ouvrage de K. H. Rolke, Bildhafte Vergleiche bei den
Stoikern, Hildesheim - New York, 1975.
84 Ibid., 162.
85 Cf. ce qui est dit de Socrate en I, 41, 97-98, où est évoqué le raisonne
ment de Socrate dans XApologie, cf. supra, n. 62.
86 Ibid., 42, 100, où est réaffirmée l'image que la Nouvelle Académie avait
donnée de Socrate : suum illud, nihil ut adfirmet, tenet ad extremum.
L'INSPIRATION NÉOACADÉMICIENNE DES TUSCULANES 467
La liberté de l'Académicien
105 Ibid., Ill, 21, 51 : tantum admonebo, si maxime uerum sit ad corpus
omnia referre sapientem siue, ut honestius dicam, nihil facere nisi quod expédiât,
siue omnia referre ad utilitatem suam, quoniam haec plausibilia non sunt, ut in
sinu gaudeant, gloriose loqui desinant. La présence du potentiel montre bien que
pour Cicéron la véracité de l'épicurisme est une hypothèse qu'on ne peut écart
er.
106 Ibid., IV, 21, 47 : Digladientur Uli per me licet, cui nihil est necesse nisi
ubi sit illud quod ueri simillimum uideatur anquirere.
472 L'ÉTHIQUE
Ainsi, il sait gré aux Stoïciens d'avoir su formuler avec une rigueur
inégalée une tradition qui à ses yeux est socratique et romaine, cel
lede la condamnation des passions, envisagées comme des mala
diesde l'âme, et il fait sienne leur étiologie de la passion 107 : omnes
perturbationes iudicio censent fieri et opinione, parce qu'il estime
qu'elle est la plus appropriée à la condamnation de ce phénomène,
Cependant, il ne se tient pas pour autant obligé d'adhérer à ce qui
dans le stoïcisme sous-tend la définition de la passion comme juge
ment, à savoir la physique de l'âme. En simplifiant quelque peu, on
pourrait dire qu'il transforme en méthode ce qui pour les Stoïciens
est description exacte de la réalité. Cette discontinuité fait assuré
mentproblème. Il faut dans un premier temps en déterminer la
nature, puis tenter de comprendre pourquoi elle est tout autre cho
sequ'une incohérence.
te une unité, aussi pour Panétius». Il est fort possible que Panétius ait considé
rablement développé des métaphores destinées à montrer que l'homme est le
point d'achèvement de la nature universelle et contient en lui tous les moments
de celle-ci, et que cela ait donné lieu à des interprétations dualistes. L'exégèse
de Van Straaten a été reprise par A. J. Voelke, op. cit., p. 116-117.
132 Cf. supra, p. 461.
133 Galien, op. cit., V, 7, 3 = frg. 421 a Theiler.
134 Ibid., 7, 50 = frg. 421 b Theiler. Pour J. Pigeaud, op. cit., p. 267, il s'agi
rait là d'un subterfuge, ou d'une habileté de Posidonius qui n'aurait pas voulu
assumer les conséquences ultimes de son dualisme. Nous croyons que l'on peut
éviter un tel procès d'intention à ce grand philosophe, si l'on tient compte
d'abord de la présentation pour le moins tendancieuse que fait Galien de ses
écrits et, en second lieu, de la relation très particulière de la philosophie sto
ïcienne au langage dualiste platonicien. I. Hadot, Seneca und die römischen Tra-
L'INSPIRATION NÉOACADÉMICIENNE DES TUSCULANES 479
dition der Seelenleitung, Berlin, 1969, p. 76, exclut que Posidonius ait professé
un dualisme de type platonicien. En revanche, la thèse d'une différence radical
e entre Posidonius et Chrysippe a été défendue par A. Glibert-Thirry, La théorie
de la passion chez Chrysippe et chez Posidonius, dans RPhL, 75, 1977, p. 393-
435.
135 Ibid., 6, 34 = frg. 417 Theiler.
136 M. Laffranque, Poseidonios d'Apamée, Paris, 1964, p. 516.
137 Galien parle en V, 1 de δυνάμεις à propos de la psychologie platonicienn
e, mais en V, 4, 3, il se ravise et précise qu'il s'agit de μόρια.
480 L'ÉTHIQUE
De l'existence à l'idéal
138 Sur l'orientation philosophique de Galien, cf. Ph. De Lacy, Galen's Plato-
nism, dans AJP, 93, 1972, p. 27-39, et l'article de J. Atkinson, Galen's philosophic
al eclectism, qui sera publié dans ANRW, II, 36, 4.
139 Cicéron, Fin., IV, 9, 23.
140 M. Pohlenz, Das zweite . . ., p. 34-35.
141 Cicéron, Tusc, II, 12, 29. Cicéron y établit une opposition entre l'am
pleur de l'intérêt suscité par Zenon lorsqu'il nie que la douleur soit un mal et
les moyens dérisoires (ineptias) mis aü service de sa démonstration. Sénèque
exprimera la même aversion à l'égard des syllogismes stoïciens qualifiés à' inep
tias Graecas dans Ep., 82, 8. Sur le problème général de la relation entre Sénè
queet Cicéron, cf. P. Grimai, Sénèque juge de Cicéron, MEFRA, 96, 1984, p. 655-
670.
L'INSPIRATION NÉOACADÉMICIENNE DES TUSCULANES 481
142 Ibid. La différence entre les deux œuvres est que, dans le De finibus IV,
Cicéron se contente de dénoncer et de condamner le stoïcisme, alors que tout
au long des Tusculanes il accepte d'utiliser ce que le Portique peut apporter à sa
propre démarche.
143 La proposition Non ego dolorem dolorem esse nego se trouve ibid., 14, 33,
dans une phrase de caractère très philosophique, mais le soin même avec lequel
Cicéron l'a ouvrée nous invite à voir là l'écho d'une expérience personnelle,
d'une souffrance secrète. L'incohérence des Épicuriens est mise en évidence en
7, 17 : Epicurus uero ea dicit, ut mihi quident risus captare uideatur.
144 Cf. ibid., 15, 35-17, 41, pour l'effort, et 18, 42-22, 53, pour le raisonne
ment. Le thème de la tension reparaît en 23, 54, enrichi des considérations sur
la cause de la souffrance.
145 Ibid., 14, 33.
146 Cf. supra, p. 408-418.
482 L'ÉTHIQUE
147 Cicéron, op. cit., III, 32, 77 : Nam Cleanthes quidem sapientem consolatur,
qui consolatione non eget.
148 Ibid., Ill, 23, 79 : Chrysippi ad ueritatem firmissima ad tempus aegritudi-
nis difficilis. Magnum opus est probare maerenti illum suo iudicio et quod se ita
putet oportere facere maerere.
149 Ibid., où Cicéron établit un rapprochement entre sa méthode de consola
tion et ses plaidoiries.
•s« Très révélatrice à cet égard est cette phrase que Cicéron adresse à son
interlocuteur, mais qui le concerne tout aussi bien lui-même (IV, 27, 59) : simul
as enim quaerere te de sapiente, quaeris autem fortasse de te. L'intérêt porté au
sage n'a rien d'impersonnel, il est à la fois le résultat d'une expérience et une
tentative pour se délivrer des séquelles de celle-ci.
151 Ibid., Ill, 31, 76.
L'INSPIRATION NÉOACADÉMICIENNE DES TUSCULANES 483
152 Ibid., IV, 29, 62 : Quare omnium philosophorum, ut ante dixi, una ratio
est medendi, ut nihil quale sit Mud quod perturbet animum, sed de ipsa perturba-
tione dicendum.
153 J. Pigeaud, op. cit., p. 250 : «Selon un procédé constant chez lui, il s'agit
de montrer la rencontre et l'accord entre la philosophie révélée par les Grecs,
mais construite et élaborée, avec la philosophie naturelle des Romains, qui se
manifeste dans le langage; une étude sémantique prouve d'ailleurs la supériorit
é de la philosophia naturalis sur l'artefact». Pour Cicéron, le fait qu'en latin la
maladie chronique de l'esprit se dise insania prouve que dans la tradition
romaine « la sagesse est la santé de l'âme, tandis que l'absence de sagesse en est
comme la maladie, que nous appelons folie et aussi démence» (III, 5, 10). Ce qui
fait donc la supériorité de la langue latine, c'est de déterminer immédiatement
une conception de la passion et de la sagesse, qualité que l'on ne retrouve pas
dans le grec, où μανία et μελαγχολία n'ont pas la précision du couple insa-
nia/furor.
484 L'ÉTHIQUE
154 Sur ce point notre analyse diverge de celle de J. Brunschwig, op. cit.,
p. 70-72, qui donne une interprétation pessimiste de la conception stoïcienne de
la passion, cf. p. 71 : «Si en effet la passion se réduisait à n'être qu'un jugement
erroné, sans être simultanément une maladie de l'âme, il suffirait de corriger
l'erreur du jugement, comme on corrige une erreur de calcul ou de grammaire,
pour annihiler la passion. Or nous constatons que les Stoïciens ne font manifes
tementaucune confiance à une thérapeutique intellectuelle de ce genre. Chry-
sippe souligne au contraire à l'envi l'impuissance du logos envers le passion
né ... ». Que la passion soit chez les Stoïciens, et en tout cas chez Chrysippe,
une maladie de l'âme tout entière entraîne selon nous une seule conclusion : la
guérison sera totale ou ne sera pas. La difficulté de l'entreprise va donc de pair
avec l'importance de l'enjeu, mais le fait même que Cléanthe et Chrysippe aient
écrit des consolations prouve qu'ils ne concevaient pas cette guérison totale
comme impossible. Le défaitisme sur le front de la passion constituerait une
incompréhensible exception à l'optimisme stoïcien.
155 Cf., à l'intérieur même du passage sur les etymologies, loc. cit., l'idée que
les Stoïciens ont conservé la tradition socratique, «à savoir que quiconque n'a
pas la sagesse n'a pas la santé». Cela ne signifie évidemment pas qu'il fasse de
Socrate un moniste avant la lettre ; simplement, il décèle entre le maître de Pla
ton et les Stoïciens un point commun qui lui paraît essentiel, le rejet total de la
passion. Que les Stoïciens aient exprimé cette idée au moyen d'une physique
moniste de l'âme, donne pour Cicéron plus de cohérence à leur philosophie de
la sérénité parfaite, mais n'implique pas qu'ils aient raison en ce qui concerne
la psychologie, au sens premier du terme.
L'INSPIRATION NÉO ACADÉMICIENNE DES TUSCULANES 485
160 M. Giusta, op. cit., I, p. 355 s., où les rapprochements sont faits avec le
livre III du De finibus et avec Sénèque, Ep., 41 ; 74; 76 et 85.
161 Cf. supra, p. 448.
162 Cf. Sénèque, Ep., 85, 17. Les philosophes de l'Ancienne Académie sont
désignés dans cette lettre comme ceux pour qui les deux approches aboutissent
à des résultats différents.
163 Cf. Fin., V, 28, 84-85.
164 Cf. supra, p. 440.
L'INSPIRATION NÉOACADÉMICIENNE DES TUSCULANES 487
de son ancien maître et les propos que nous trouvons sur cette
même question dans certaines lettres de Sénèque 165.
En quoi Cicéron se différencie-t-il donc du stoïcisme? En ceci
que dans la dernière Tusculane, comme c'était déjà le cas dans la
réfutation du discours de Pison, il ne prétend pas avoir d'autre cri
tère que la cohérence logique pour approuver l'identification de la
uirtus à la uita beata. Alors que Sénèque ne dissocie pas la perfec
tion du raisonnement de la vérité de la doctrine, l'Arpinate, au
contraire, se place du seul point de vue de la constantia, ce qui lui
permet de rendre hommage à Théophraste, qui, tout en étant à
l'opposé des Stoïciens sur cette question du bonheur, avait su se
montrer très rigoureux dans le raisonnement166. Il n'y a pas dans
les Tusculanes de dogme de la uita beata, mais la thèse d'une raison
qui, tout en formulant la plus haute exigence de rigueur, sait
qu'elle ne peut appréhender avec certitude la réalité des choses.
Dans la philosophie stoïcienne il n'est formulé aucun doute sur le
fait qu'il n'existe pas d'autre bien que Yhonestum; pour Cicéron,
l'inventeur, le garant d'une telle théorie, c'est Platon, qui incarne
donc la rationalité suprême, mais dont nous savons aussi qu'il n'a
jamais été considéré par lui comme infaillible167.
Notre analyse des livres précédents nous avait déjà montré que
dans les Tusculanes le stoïcisme ne figure jamais pour lui-même,
qu'il y apparaît comme une province du platonisme, dont les res
sources sont constamment utilisées pour l'illustration de celui-ci,
mais auquel il faut rappeler sans relâche où se trouve la légitime
autorité. C'est très exactement ce que nous retrouvons dans ce der
nier livre, puisque, pour démontrer la thèse à laquelle il est consac
ré,Cicéron annonce qu'il va remonter à Platon, qualifié un peu
plus loin de «source pure et sacrée»168. Deux passages platoniciens
sont cités169 pour montrer que le fondateur de l'Académie avait
déjà exclu qu'il pût exister un bien autre que la vertu, et, une fois
l'appropriation du principe ainsi effectuée, Cicéron se sent tout à
fait libre d'utiliser chez les Stoïciens ce qui lui paraît participer de
cette inspiration ou être susceptible de la renforcer. Le retour à
Platon n'exprime donc pas une nostalgie stérile, il est la condition
préalable à l'adoption d'un langage nouveau. Il s'agit donc de per-
174 Ibid., 39, où il est dit que si l'âme ne se laisse pas aveugler par les
erreurs, « elle devient la pensée parfaite, c'est-à-dire la raison accomplie qui est
aussi la vertu » (fit perfecta mens, id est absoluta ratio, quod est idem uirtus). Ce
que l'on ne trouve pas chez Cicéron, c'est le thème du passage, fondamental
dans le stoïcisme, comme le montrent non seulement le discours de Caton, mais
aussi la lettre 121 de Sénèque. Un Stoïcien approuverait sans réserve Cicéron,
lorsqu'il dit que la raison est propre à l'homme et à la divinité mais, contraire
ment à lui, il s'efforcerait de montrer que l'homme reproduit en lui-même le
mouvement de la nature, qu'il est semblable à l'animal avant d'être lui-même,
c'est-à-dire raison.
175 Nous verrons plus loin, cf. p. 527, que Panétius avait défini Γοίκείωσις
sociale autrement que ne l'avait fait l'Ancien Portique et qu'il avait évité tout
rapprochement entre la société humaine et les sociétés animales. En revanche,
la lecture du § 11 d'Off., I, 4, 11, montre que Panétius était resté fidèle à l'An
cien Portique en ceci que, dans son exposé du dogme de Γοίκείωσις, il souli
gnait tout ce qui est commun à l'homme et à l'animal : «chaque espèce d'êtres
vivants a reçu de la nature de veiller sur elle-même, sur sa vie, sur son corps,
d'éviter ce qui paraît nuisible, de rechercher et de se procurer tout ce qui est
nécessaire à la vie, comme la nourriture, le gîte et autres choses du même genr
e.C'est encore chose commune à tous les êtres vivants que le désir de s'unir en
vue de la procréation, et ce souci des êtres que l'on a pu engendrer ». Chez Cicé
ron, au contraire, tous ces aspects communs entre l'homme et l'animal, qui sont
essentiels à l'unité du stoïcisme, se trouvent occultés, parce que l'anthropologie
cicéronienne reste dans ce livre V celle du Premier Alcibiade.
176 Cicéron, ibid., 38.
177 Cf. Apologie, 20 e; Rép., III, 359 d; Philèbe, 12 c; nous retrouverons la
notion de fas lorsque nous évoquerons la traduction cicéronienne du Timée, cf.
infra, p. 569.
490 L'ÉTHIQUE
178 Le portrait du sage (24, 68-25, 72) est explicitement organisé selon la
succession : physique, éthique, logique, cf. § 68 : triplex Me animi fetus existet,
unus in cognitione rerum positus et in explicatione naturae, alter in descriptione
expetendarum fugiendarumue rerum et in ratione uiuendi, tertius in iudicando
quid cuique rei sit consequens, quid répugnons.
179 Cicéron, Fin., III, 22, 73 et Tusc, V, 24, 69-25, 70.
180 Cf. notamment le De uita beata et la lettre 85 de Sénèque.
181 Cicéron, Tusc, V, 29, 83.
182 Ibid.
L'INSPIRATION NÉOACADÉMICIENNE DES TUSCULANES 491
Conclusion
187 Ibid., 2, 5. Cet éloge de la philosophie a été étudié par H. Hommel, Cice-
ros Gebetshymnus an die philosophie, Tusculanen V, 5, dans SHAW, 1968, 3.
L'INSPIRATION NÉOACADÉMICIENNE DES TUSCULANES 493
tant dans la voie qui conduit à Plotin 189. Est-elle pour autant parfai
tement convaincante et ne peut-on reprocher à l'Arpinate, par ai
lleurs si attentif aux souffrances de ceux qui ne sont pas sages et
aux conditions réelles d'une victoire sur la passion, de raisonner à
son tour quasi corporis simus expertes, lorsqu'il adopte l'anthropol
ogie du Premier Alcibiade? Dans les Tusculanes, la passion, le désir
ne sont envisagés que du point de vue de leur éventuelle guérison,
mais qu'en est-il de ceux ne veulent pas ou ne peuvent pas être
guéris? Autrement dit, comment s'articulent chez Cicéron ces deux
mondes que le stoïcisme avait prétendu unifier, celui de la raison
et celui de l'instinct, quand l'élément de référence n'est plus la per
fection du sage, mais la communauté des hommes, et plus précisé
ment la cité?
vons aborder ici que d'un seul point de vue, celui de la relation de
Cicéron à la Nouvelle Académie. Cette relation, en effet, apparaît
paradoxale, voire conflictuelle dès que le problème abordé est celui
de la société et des valeurs qui la fondent. Comment et en quoi l'Ar-
pinate demeure-t-il fidèle à la Nouvelle Académie malgré ce qui
paraît constituer une divergence profonde? Tel sera le centre de
notre recherche.
1 Pour une étude plus complète des deux discours constituant l'antilogie
du De republica . . ., on se reportera aux articles de J.-L. Ferrary, Le discours de
Philus . . ., cf. supra, p. 78, n. 78, et Le discours de Laelius dans le troisième livre
du De republica de Cicéron, MEFRA, 86, 1974, p. 745-771.
2 II est à remarquer que dans le discours de Philus aucun Sophiste n'est
nommément cité, sans doute parce qu'un aveu d'emprunts à la sophistique était
difficilement concevable, même dans un exercice dialectique, pour des gens se
réclamant de Platon; quant aux Épicuriens, ils sont évoqués de manière trans
parente en III, 15, 24, lorsque Cicéron fait allusion à des philosophes pour qui
le sage aime la bonté et la justice non pour elles-mêmes, mais parce qu'elles
sont une source de bonheur, alors que la méchanceté produit nécessairement
l'inquiétude. Sur cette question, cf. V. Goldschmidt, La doctrine d'Êpicure. . .,
passim, et plus précisément, p. 72 sq.
3 Cf. ce qui est dit en III, 8, 12 : Nam ab Chrysippo nihil magnum nec
magnificum desideraui, qui suo quodam more loquitur, ut omnia uerborum
momentis, non rerum ponderibus examinet. La justice est définie par les Stoï
ciens comme Γέπιστήμη άπονεμητική τής αξίας έκάστφ, cf. Stobée, Ed., Π, 6, 5,
p. 30 M = S. F.F., Ill, 262.
4 Ibid., 6, 9 (Lact., Inst., V, 14, 5).
LA CITÉ, LA LOI ET LE DEVOIR 497
7 C'est ainsi que dans le discours de Lélius, De rep., III, 22, 23, la loi uni
verselle est définie en termes indéniablement stoïciens : est quidem uera lex rec
taratio, naturae congruens, diffusa in omnis, constans, sempiterna, quae uocet ad
officium iubendo, uetando a fraude deterreat, cf. la définition zénonienne in Nat.
de., I, 14, 36 = S.V.F., I, 162 : Zeno naturalem diuinam esse censet eamque uim
obtinere recta imperantem, prohibentemque contraria.
8 J.-L. Ferrary, op. cit., p. 135, cf. Platon, Rép., IV, 443 d : ή δικαιοσύνη . . .
ού περί τήν έξω πραξιν των αύτοϋ, άλλα περί την εντός, ώς αληθώς περί εαυτόν
και τα έαυτοΰ.
9 Cicéron, De rep., Ill, 8, 12 : maxime munifica et liberalis et quae omnis
magis quam sepse diligit, aliis nata potius quam sibi.
10 Cf. J.-L. Ferrary, op. cit., p. 135, qui cite Platon, Rép., IV, 443 d et Aristot
e, Eth. Nie, V, 1, 1130a 3 et 6, 1134b 6-7. Le discours de Philus a été utilisé
comme témoignage sur le περί δικαιοσύνης perdu aristotélicien par P. Moraux,
Le dialogue «Sur la Justice», Louvain-Paris, 1957, p. 65-79.
11 Platon, Rép., I, 335 e et 345 d-e. La tonalité polémique du discours de
Philus ne doit pas occulter qu'il pose un problème véritable, celui de la relation
qui existe chez Platon entre la justice conçue comme une parfaite harmonie
intérieure et la justice telle qu'on l'entend dans un monde qui n'a rien d'idéal.
Cette question a donné lieu a un intéressant débat, amorcé par l'étude de
D. Sachs, A fallacy in Plato's Republic, dans PhR, 72, 1963, p. 141-158, qui avait
LA CITÉ, LA LOI ET LE DEVOIR 499
23 Ibid., 6, 20-25. Cf. Cicéron, De rep., III, 16, 26 : Quid ergo iustus faciet, si
forte naufragium fecerit et aliquis imbecillior uiribus tabulant ceperit?.
24 Ibid., 31-35.
25 Ibid., 7, 14-20.
26 L'auteur du Commentaire affirme que Γοίκείωσις est κηδημονακή (8, 5),
c'est-à-dire qu'elle constitue la prise de conscience immédiate de ce qui nous est
proche et cher. Mais c'est précisément parce que nous aimons plus ceux qui
nous sont les plus proches que Γοίκείωσις est disqualifiée comme fondement de
la justice.
LA CITÉ, LA LOI ET LE DEVOIR 503
se30. Pour Cicéron, Yoptimus status ciuitatis n'a rien d'une utopie,
car il s'est totalement incarné dans la Rome des maiores. Cette
divergence est un élément majeur de l'originalité de la pensée cicé-
ronienne, et il faut préciser quelle relation cette philosophie de
l'histoire entretient avec la philosophie.
A la fin du premier livre, Scipion, qui s'est défini comme un
homme ni étranger à la culture grecque ni disposé à abandonner
pour elle la tradition de ses ancêtres, décide d'abandonner provi
soirement la spéculation théorique pour aborder un sujet sur le
quel il sait que l'on veut connaître son avis31. Il se propose, en
effet, de montrer que la constitution romaine, telle qu'elle a été
patiemment élaborée par les maiores est de loin la meilleure de
toutes et qu'elle doit servir d'exemple pour la description de Yopt
imusstatus rei publicae. Cette méthode est présentée plus loin com
metout à fait originale (nos uero uidemus et te quidem ingressum
ratione ad disputandum noua, quae nusquam est in Graecis libris),
car les philosophes grecs, dit Cicéron, ont procédé de deux manièr
es32: Platon a imaginé une cité idéale, sans doute magnifique,
mais «sans aucun rapport avec la vie et les mœurs des humains»;
Aristote et ses disciples ont, eux, fait un tableau des différentes
constitutions existantes, mais sans se référer à un modèle, sine ullo
certo exemplari formaque rei publicae33. Chez Platon il y a dissocia
tion de la réalité terrestre et de la perfection, chez Aristote igno
rance de la seconde au profit de la première. Cicéron est, lui, à la
fois plus idéaliste que Platon, puisqu'il veut que Yoptimus status
ciuitatis soit éternel, alors que dans la République le but recherché
est de conférer à la cité une durée très grande, mais non infinie34,
et au moins aussi réaliste qu'Aristote, puisqu'au lieu de s'intéresser
à différentes constitutions il va en étudier une sous tous les as
pects. Mais cette manière de procéder va provoquer une double
30 Ibid., Ill, 8, 12 = Lact., Inst., V, 16, 2-4 : aut nullam esse iustitiam, aut, si
aliqua, summam esse stultitiam quoniam sibi noceret alienis commodis consu-
lens.
31 Ibid., I, 46, 70.
32 Ibid., Π, 11, 21 : «Certes, et nous voyons aussi que tu as commencé à
parler selon une méthode d'exposé nouvelle, inconnue dans la littérature grec
que». Sur l'originalité de cette méthode, cf. V. Pöschl, Römischer Staat und grie
chisches Staatsdenken bei Cicero, Darmstadt, 19742, p. 110-115; E.Berti, // «De
Re publica» di Cicerone e il pensiero politico classico, Padoue, 1963, p. 59; A. Mi
chel, A propos de l'art du dialogue dans le de Republica, dans REL, 43, 1965,
p. 237-261.
33 Cicéron ne mentionne pas nommément Aristote, mais il n'est pas diffici
le de reconnaître un ouvrage comme la Constitution des Athéniens dans la des
cription qui est faite de la seconde catégorie d'études philosophico-politiques.
34 Platon, Rép., VIII, 546 a.
LA CITÉ, LA LOI ET LE DEVOIR 505
36 Ibid.,
35 Cicéron,
66 :Deut rep.,
ciuitate
II, 38,
maxima
64. reapse cerneretur quale esset id quod ratio
oratioque describeret.
37 Cf. sur ce point l'excellent commentaire d'E. Berti, op. cit., p. 57-78.
38 Cicéron, loc. cit. : Sin autem sine ullius populi exemplo genus ipsum
exquiris optimi status, naturae imagine utendum est nobis, quoniam tu hanc ima-
ginem urbis et populi ni. . .
39 Cicéron, op. cit., II, 1,3: facilius autem quod est propositum consequar, si
nostram rem publicam uobis et nascentem et crescentem et adultam et iam fir-
mam atque robustam ostendero, quam si mihi aliquam, ut apud Platonem Socrat
es, ipse finxero.
40 Cf. supra, p. 421.
506 L'ÉTHIQUE
41 Cf. l'opposition en I, 29, 45, entre le sage qui a une connaissance certai
ne des systèmes politiques et de leurs cycles de transformations et l'homme
politique qui, lui, se caractérise par la prudentia, vertu éminemment pratique
puisqu'elle est à la fois prévision et capacité d'action. Sur le princeps cicéronien
on se reportera aux études devenues classiques de P. Grenade, Autour du «De
Republica», dans REL, 29, 1951, p. 162-183 et Essai sur les origines du principal,
Paris, 1961 ; E. Lepore, // princeps ciceroniano e gli ideali politici della tarda
repubblica, Naples, 1954.
42 Sur cet aspect de la question cf. V. Pöschl, op. cit., p. 24-39.
43 Cicéron, De rep., I, 34, 51 : si unus satis omnia consequi posset, nihil opus
esset pluribus. Il est vrai que cette phrase se trouve dans le discours de défense
de l'oligarchie, qui n'exprime pas la pensée de Scipion, mais il est hors de doute
que chacun des plaidoyers pour les constitutions simples contient à ses yeux
une parcelle de vérité et, par ailleurs, l'Africain ne cache pas que s'il devait
lui-même choisir un régime simple ce serait la royauté, cf. ibid., 54.
44 Cf. infra, p. 514.
LA CITÉ, LA LOI ET LE DEVOIR 507
à montrer que la théorie du principat ne constitue pas une rupture par rapport
au mos maiorum.
51 Ibid., I, 19, 31.
52 Cicéron, Ait., IV, 18, 2 : «Notre cité a perdu, mon cher Pomponius, non
seulement toute sa substance et son sang, mais même cette couleur et cette fo
rme qu'elle avait autrefois», trad. Constane modifiée.
53 Cf. supra, p. 503.
la cité, la loi et le devoir 509
54 Cette question a été quelque peu délaissée par les spécialistes de Platon,
cf. J. P. Maguire, Plato's theory of natural law, dans YCS, 10, 1947, p. 151-178;
H. Koester, ΝΟΜΟΣ ΦΥΣΕΩΣ, The concept of natural law in Greek thought,
dans Religions in Antiquity, Essays in memory of E. R. Goodenough, Leiden,
1968, p. 521-541 ; M. Ostwald, Plato on Law and Nature, dans Interpretations of
Plato, H. F. North ed., Leiden, 1977, p. 41-63. L'attitude de Platon à l'égard de ce
problème a été remarquablement replacée dans le contexte général de la pensée
hellénique par M. Gigante, ΝΟΜΟΣ ΒΑΣΙΛΕΥΣ, Naples, 1956, p. 253-267, avec,
notamment, une comparaison entre Platon et Pindare.
55 Cicéron, Phil., XI, 28 : est enim lex nihil aliud nisi recta et a numine deo-
rum tracta ratio imperans honesta, prohibens contraria.
56 M. Pohlenz, Die Stoa, II, p. 126, avait attribué comme source à ce pre
mier livre un traité d'Antipater de Tarse. L'influence d'Antiochus a été au
contraire soulignée, à juste titre selon nous, par P. Boyancé, L'éloge de la philo
sophie dans le De legibus I, 58-62, dans Ciceroniana, 2, 1975, p. 21-42 et par
510 L'ÉTHIQUE
R. Horsley, The Law of Nature in Philo and Cicero, dans HTR, 1978, p. 35-59.
Cette hypothèse a été récemment acceptée par J. Turpin dans l'article qu'elle a
consacré au De legibus, Cicéron De legibus I-II et la religion romaine, dans
ANRW, II, 16, 3, p. 1877-1908.
57 Platon, Lois, X, 890 d : νόμφ αύτφ βοηθήσαι καί τέχνη ως έστον φύσει ή
φύσεως ούχ ήττονα εΐπερ voö γέ έστιν γεννήματα κατά λόγον ορθόν. . .
58 Ibid., 897 d.
59 Sur le principe d'automotion dans les Lois, cf. infra, p. 605.
60 Platon, op. cit., 899 b (trad. Dies légèrement modifiée) : επειδή ψυχή μέν ή
ψυχαί πάντων τούτων αίτιαι έφάνησαν, άγαθαί δέ πασαν άρετήν, θεούς αύτας
είναι φήσομεν, είτε έν σώμασιν ένοΰσαι, ζφα δντα, κοσμουσιν πάντα ούρανον,
εϊτε δπη τε καί δπως.
LA CITÉ, LA LOI ET LE DEVOIR 511
que «ce n'est pas la nature, ni la volonté humaine qui est la mère
de la justice, mais bien notre faiblesse» et qu'il est préférable de
commettre l'injustice ou au moins de conclure un pacte permettant
une neutralisation des égoïsmes plutôt que de vivre dans un état
d'affrontement perpétuel65. Une telle démonstration ne corres
pondexactement à aucun des discours sophistiques de l'œuvre pla
tonicienne. Néanmoins, elle présente un important point commun
avec les propos de Thrasymaque dans la République66. En effet,
comme cela a été souvent souligné, Thrasymaque ne fait pas réfé
rence à la nature, il identifie la justice à ce qui est avantageux pour
le plus fort et il aboutit ainsi à un relativisme proche de celui de
Protagoras67. Cependant, l'idée que toutes les lois ne sont pas l'e
xpression du pouvoir du plus fort et que certaines résultent de l'im
possibilité pour un individu ou un groupe d'imposer sa volonté, ne
se trouve pas dans le discours de Thrasymaque, mais dans celui de
Glaucon, qui, lui, semble faire du contrat social l'origine de toutes
les lois68.
Cette permière partie de l'argumentation, tout en récusant
l'idée d'un fondement naturel de la justice, prépare la subversion
du concept de nature tel que l'entendaient les Stoïciens. En effet, à
partir du moment où il est établi que ce que l'homme préfère c'est
commettre impunément l'injustice, il peut être affirmé que «tous
les êtres, hommes et bêtes, sont poussés vers la satisfaction de
leurs besoins par la nature, qui les guide»69. G. Watson, dans l'arti
clequ'il a consacré à la loi naturelle dans le stoïcisme, a rappelé
fort opportunément que la première occurence de l'expression νο
μός φύσεως chez Platon se trouve dans la bouche de Calliclès qui,
affirmant sans nuances le droit du plus fort à imposer sa volonté
fia les lois fatales». Ces lois ne se confondent pas avec l'Intellect,
elles renvoient à un Nomothète dont elles sont l'expression, mais
dont elles n'épuisent pas l'être. Les choses sont plus claires encore
en ce qui concerne les lois de la cité. Dans le Politique, l'Étranger
explique au jeune Socrate, qui a du mal à admettre que l'on puisse
gouverner sans loi, que «l'idéal n'est pas que la force soit aux lois,
mais à un roi sage»74. La loi est comparée à «un homme buté et
ignorant», qui promulgue des interdictions et se contente d'exiger
leur respect en s'opposant aux suggestions nouvelles, elle est une
prescription générale, concernant la moyenne des citoyens et igno
rant les individualités, elle a un caractère transitoire, semblable en
cela aux indications que donnerait à son malade un médecin parti
en voyage75. Seul le Politique pourrait dire ce qui à chaque mo
ment est bon pour chacun, mais Platon est suffisamment désabusé
pour exclure qu'un tel gouvernant idéal puisse réellement exister.
Ce pessimisme s'exprime dans les Lois en des termes qui annon
cent Camèade. N'est-il pas dit, en effet, à propos de l'homme poli
tique76: «la nature mortelle le poussera toujours à l'ambition et à
l'égoïsme, car elle fuira déraisonnablement la douleur et poursui
vra le plaisir, tiendra plus de compte de l'un et de l'autre que du
juste et du meilleur, et, faisant en soi-même l'obscurité, s'emplira
finalement et emplira la cité tout entière de toute espèce de maux».
C'est parce que la divinité a dispensé bien chichement à l'homme le
νους qui, lui, n'est serviteur d'aucune loi, mais doit être au contrai
re le maître universel, que l'on doit se résigner à «prendre le
second parti, l'ordonnance et la loi, qui ne voient et ne considèrent
que la généralité, mais sont impuissantes à saisir le détail»77.
Quant à la relation que la loi édictée par le législateur doit avoir
avec la loi naturelle, elle apparaît clairement dans un passage du
livre VIII, où il est question de l'interdiction de l'homosexualité78.
Platon note que si l'on se conformait à la nature en proclamant
purement et simplement le caractère antinaturel d'une telle prati
que, ce langage serait dépourvu de persuasion et n'aurait de ce fait
aucune efficacité. Parce que, dit-il, une telle manière de procéder
«ne serait nullement dans le ton de nos cités», il faut trouver un
74 Platon, Pol., 294 a, Commentant ce qui est dit dans le Politique à propos
de la loi, J. de Romilly, op. cit., p. 190-191, y voit deux caractéristiques de la
pensée de Platon : d'une part, la défiance à l'égard de l'écrit ; d'autre part, le
mouvement ascendant qui fait que ce qui apparaissait comme un terme se révè
len'être qu'un palier qu'il faut dépasser.
75 Ibid., 295 c-d.
76 Platon, Lois, IX, 875 b-c.
77 Ibid., 875 d.
78 Ibid., VIII, 836 a-842 a.
LA CITÉ, LA LOI ET LE DEVOIR 515
79 Cicéron, Leg., I, 6, 18: «la Loi est la raison souveraine incluse dans la
nature, qui nous ordonne ce que nous devons faire et nous interdit le contrair
e». On trouve une définition très proche de celle-ci dans le discours de Lélius,
cf. supra, n. 7.
80 Cf. supra, p. 116.
516 L'ÉTHIQUE
II est fait état dans ces passages d'une même expérience, celle
de civilisation où la Loi est dès l'enfance le texte de référence. On a
depuis longtemps souligné que si le jeune Grec apprenait à lire
dans l'Iliade, l'enfant romain, lui, avait pour livre de lecture la loi
des XII Tables93. La même opposition doit être évidemment établie
entre hellénisme et judaïsme. Nous ne prétendons pas qu'il faille
trouver dans cette différence la seule source de l'originalité de Phi-
Ion et de Cicéron, mais cette imprégnation dès le plus jeune âge du
sentiment de la perfection de la Loi contribue à expliquer que l'un
et l'autre aient si facilement fait leur la théorie du νόμος φύσεως.
Une telle démarche n'a rien d'un jeu intellectuel, car il est remar
quable que, dans les deux textes que nous avons cités, il y ait une
allusion au mépris dont fait l'objet la loi. Cela nous confirme que
pour Philon et pour Cicéron la philosophie n'est pas seulement
recherche théorique, elle a aussi pour ambition d'enrayer un pro
cessus de décadence.
Cependant, la doctrine du νόμος φύσεως n'est pas un moyen,
pour ainsi dire, neutre, son utilisation a pour conséquence inéluc
tablel'universalité. En effet, à partir du moment où l'on identifie à
la loi naturelle une législation particulière, celle-ci devient jusque
dans ses aspects les plus particuliers le bien commun de l'humanit
é tout entière. Cela, Cicéron et Philon l'ont compris et admis. En
effet, alors que le De legibus eût pu ne concerner que Rome, l'Arpi-
nate écrit : «tout notre discours tend à l'affermissement des États,
à la consolidation des cités et à la guérison des peuples», si bien
que dans un ouvrage récent K. Girardet a interprété le traité com
meun programme nullement utopique, devant s'appliquer à l'Em
pire et destiné à éviter que celui-ci ne passe ad uim a iure94. Ce
même esprit de partage du νόμος se retrouve chez Philon d'Alexand
rie, qui donne une expression philosophique au prosélytisme ca
ractéristique du judaïsme hellénistique lorsque, dans le De spedali-
bus legibus, c'est-à-dire dans le traité consacré aux rites les plus
spécifiques de la religion juive, il invite à accueillir avec faveur les
prosélytes qui «sont venus s'intégrer à une nouvelle République
chérie de Dieu»95.
96 Sur l'estime portée par l'Arpinate à Panétius, cf. supra, p. 461, n. 60.
97 Cicéron, Off., Ill, 2, 7-3, 12 et Au., XVI, 11, 4.
98 Ibid., 4, 20 : Nobis autem nostra Academia magnam licentiam dat ut,
quodcumque maxime probabile occurrat, id nostro ture liceat defendere.
522 L'ÉTHIQUE
l'intérieur des deux premiers traités fait que le choix stoïcien n'est
jamais inconditionnel. Cette démarche semble a priori plus difficile
pour le De officiis dans la mesure où, cette fois, ce n'est plus à des
fragments de stoïcisme que nous avons affaire, mais à une œuvre
qui dans sa conception même porte la marque d'un très grand phi
losophe stoïcien.
Sans entrer dans le détail des débats de la Quellenforschung
nous dirons, en effet, que nous ne croyons pas à l'existence d'une
source secondaire. L'allusion à Posidonius au § 159 du livre I, dont
on a fait parfois grand cas, ne constitue nullement la reconnaissan
ce par Cicéron de l'utilisation de ce philosophe, mais au contraire
l'affirmation que celui-ci a traité là d'un faux problème99. Nous
n'accordons pas beaucoup plus d'importance à la mention d'Anti-
pater de Tyr dans la conclusion du second livre 10°. Cicéron dit bien
que ce philosophe stoïcien avait estimé que Panétius aurait dû trai
ter de l'utilité de la santé et de la fortune, toutefois il s'agit d'un
point très précis qui, comme l'a signalé R. Hirzel, figurait proba
blement dans le résumé d'Athénodore, et rien ne prouve que l'œu
vred'Antipater ait été employée par Cicéron pour combler les lacu
nesde sa source principale101. Les allusions à Posidonius et à Anti-
pater de Tyr sont intéressantes parce qu'elles nous permettent de
mieux connaître dans leur diversité les opinions des Stoïciens sur
les καθήκοντα, elles n'ont, pour ainsi dire, aucune importance pour
la compréhension du traité cicéronien.
111 Ibid.
112 M. Van Straaten, Panétius.. ., p. 197-198.
113 Cicéron, Off., I, 15, 46 : Quoniam autem uiuitur non cum perfectis homi-
nibus planeque sapient ibus, sed cum iis in quibus praeclare agitur si sunt simula
cra uirtutis ... Ce texte a été interprété comme une renonciation à la doctrine
stoïcienne de la sagesse par R. Hirzel, op. cit., t. 2, p. 271 ; A. Schmekel, op. cit.,
p. 211. En réalité, Panétius, à supposer que cette remarque soit de lui, ne faisait
que reprendre un constat commun aux Stoïciens, celui de la rareté de la sagess
e. Il n'est dit nulle part expressément qu'il considérait la réalisation de celle-ci
comme impossible.
114 Cf. M. Van Straaten, op. cit., p. 199 sq.
115 Sur la différence entre les deux conceptions de la sagesse, cf. supra,
p. 355 sq.
526 L'ÉTHIQUE
120 I. Hadot, La tradition stoïcienne. . ., art. cit. Mme Hadot a montré com
ment les adversaires des Gracques ont trouvé une justification idéologique dans
la philosophie de Panétius.
121 Cicéron, ibid. : In primis autem uidendum erit ei qui rem publicam admi-
nistrabit ut suum quisque teneat neque de bonis priuatorum publice diminutio
fiat.
122 Ibid., Ill, 7, 33 : Eius modi igitur credo res Panaetium persecuturum fuis
senisi aliqui casus aut occupano eius consilium peremisset.
123 Cf. ibid., 8 et 34 : Hanc igitur partent relictam explebimus nullis admini-
culis, sed, ut dicitur, Marte nostro. On trouvera dans l'introduction du Père Tes-
tard, p. 41, n. 2, la longue liste des hypothèses de sources qui ont été avancées
pour contredire Cicéron et dans le détail desquelles il nous semble inutile d'en
trer.
LA CITÉ, LA LOI ET LE DEVOIR 529
rement son intérêt propre, s'était réfugié dans une casuistique qui
le conduisait à assimiler la loi morale au droit civil 13°. Ainsi, dans le
cas du marchand qui arrive à Rhodes au moment d'une disette
avec un chargement de blé, mais qui sait également qu'un convoi
de navires céréaliers se dirige vers l'île, il préconisait le silence sur
ce dernier point, arguant que le droit oblige le marchand à vendre
une marchandise sans défauts mais ne le contraint pas à sacrifier
son bénéfice131. Antipater de Tarse, au contraire, maintenait l'esprit
et la lettre du stoïcisme en se refusant à établir la moindre distinc
tion entre l'intérêt général et celui de l'individu, et en invoquant le
caractère naturel du lien social132.
Nul ne peut évidemment dire avec certitude ce qu'était la posi
tion de Panétius sur tous ces cas. On notera cependant que son dis
ciple Hécaton s'était montré beaucoup plus proche de Diogene que
d'Antipater dans les livres qu'il avait écrits sur le devoir pour
Q. Tubéron 133. N'avait-il pas affirmé que «c'est le fait du sage, en
ne faisant rien contre les usages, les lois et les institutions, d'avoir
soin de son patrimoine», si bien que Cicéron lui reproche d'avoir
fondé le devoir sur une interprétation personnelle de l'utilité beau
coup plus que sur Yhumanitas134? Cette orientation de la pensée
d'Hécaton prouve que l'enseignement philosophique de Panétius
ne conduisait pas nécessairement à l'humanisme et I. Hadot a pu
même dire que le Rhodien fut un des Stoïciens dont l'enseignement
incarnait le moins cet idéal135. On pouvait donc fort bien se récl
amerdu Rhodien pour faire prévaloir l'intérêt particulier sur le sen
timent d'appartenance à la communauté humaine. Pourquoi donc
Cicéron, dans un traité dont les deux premiers livres ont pour sour
ce Panétius, a-t-il choisi la thèse d'Antipater contre celle de Diogè-
136 Regulus est sans doute le personnage historique le plus souvent cité
dans ce troisième livre, cf. les paragraphes 99, 102-105, 108, 110-11, 113, 115.
C'est cette présence qui rend selon nous quelque peu vaines les tentatives de
Pohlenz, toc. cit., pour montrer que Cicéron aurait choisi Antipater contre Dio
gene parce qu'il aurait utilisé Athénodore qui, tout en suivant l'ouvrage d'Héca-
ton, aurait lui-même préféré Yhumanitas d'Antipater au réalisme de Diogene.
Une telle hypothèse, déjà fragile en elle-même, ignore de surcroît la réalité de la
pensée cicéronienne. Ce qui est premier dans la conscience de l'Arpinate, c'est
Régulus. A supposer même que la reconstitution de Pohlenz soit vraie, il reste
raità expliquer pourquoi Cicéron a adopté l'interprétation d'Athénodore et non
celle d'Hécaton. Or cette explication ne peut être trouvée que dans la manière
dont Cicéron conçoit la tradition romaine.
137 Ibid., 16, 65.
138 Ibid., 68 : non placuisse maioribus nostris astutos.
LA CITÉ, LA LOI ET LE DEVOIR 533
139 Ibid., 17, 69 : Sed nos ueri iuris germanaeque iustitiae solidam et expres-
sam effigiem nullam tenemus, umbra et imaginibus utimur.
534 l'éthique
Conclusion
σις telle que la concevaient les Stoïciens, les Épicuriens ou les Péri-
patéticiens. Elle est un idéal vers lequel tendent tous ceux qui sont
à la recherche de la sagesse et du bonheur;
- même si le bonheur leur est inaccessible, les hommes peu
vent vivre et même incarner pleinement les valeurs morales, s'ils
respectent l'impératif catégorique de Yhumanitas, qui exprime la
véritable nature de l'homme et annihile dans la raison pratique les
limites de la raison théorique.
Dans cette recherche philosophique la Nouvelle Académie aura
fourni à Cicéron les instruments dialectiques lui permettant de
montrer les insuffisances du naturalisme éthique et par là même
de restaurer les droits de la recherche et de la transcendance. Sur
le fond, nous croyons avoir montré l'harmonie entre Cicéron et
Camèade quant à la nécessité de définir de la manière la plus
intransigeante la spécificité de l'homme, tout en rejetant sa divini
sation. Ce que l'un et l'autre reprochent par dessus tout aux Stoï
ciens, c'est d'être tombés dans deux excès contradictoires : ils ont
animalisé l'homme en distinguant dans sa vie une période où il ne
se différencie pas des bêtes; ils l'ont divinisé en croyant trouver
dans cet instinct les prémices d'une perfection égale à celle des
dieux. Il reste que l'effort cicéronien pour inscrire l'éthique dans
une perspective platonicienne conduit à poser en lui-même le pro
blème de la relation entre l'homme, le monde et Dieu.
CINQUIEME
PARTIE
ι
LA PHYSIQUE
Notre méthode dans cette dernière partie sera la même que
celle que nous avons choisie pour traiter de l'éthique. Partant du
passage du Lucullus consacré au dissensus des philosophes, nous
suivrons l'Arpinate dans sa recherche, l'ordre dans lequel les trai
tés ont été écrits correspondant aux différentes étapes de celle-ci,
et nous tenterons de montrer que, même si le désaccord des physi
ciens paraît a priori beaucoup plus difficile à dissiper que celui des
moralistes, la démarche cicéronienne ne varie pas. Cicéron cherche
à orienter les systèmes dogmatiques vers des conclusions bien dif
férentes de celles auxquelles parviennent les Épicuriens et les Stoï
ciens, mais aussi à mettre en évidence ce qui est commun, sinon à
tous les philosophes, du moins à un grand nombre d'entre eux.
Tout comme le dissensus des moralistes aboutissait à l'exaltation
dans le dernier livre des Tusculanes de l'unité de la philosophie,
celui des physiciens doit être perçu comme un pôle négatif, auquel
correspond le pôle positif du De fato où l'Arpinate révèle - de
manière, nous semble-t-il, plus partielle et moins rigoureuse que
dans les Tusculanes - ce qu'il croit être la position commune aux
doctrines physiques antagonistes.
Peut-être nous faut-il préciser pourquoi nous avons choisi cet
ordre des parties de la philosophie, car, si la construction même du
Lucullus nous imposait d'étudier d'abord la question de la connais
sance,il eût été théoriquement possible de mettre en second le pro
blème de la physique et en troisième celui de l'éthique. Une telle
succession eût même été plus conforme à la tradition néoacadémic
ienne, qui plaçait la physique avant l'éthique, et eût trouvé une
justification supplémentaire dans le fait que notre travail se serait
achevé ainsi par l'étude de la question la plus importante aux yeux
de Cicéron, celle du fondement de la morale. A cela il ne suffit pas
de répondre que nous avons suivi pour l'essentiel l'ordre dans
lequel l'Arpinate lui-même évoque son œuvre philosophique au
début du second livre du De diuinatione. L'argument chronologi
que doit être étayé par un argument philosophique, qui est celui-
ci : la logique et l'éthique nous sont apparues dans l'œuvre cicéro
nienne comme les figures d'une question plus essentielle, celle-là
même dont traite la physique : qu'est-ce que la nature? Tous les
problèmes que nous avons abordés jusqu'à présent se sont révélés
être autant de manières d'aborder le problème de cette définition.
Etudier la physique, ce n'est donc pas pénétrer dans un domaine
nouveau, mais approfondir la même interrogation, ou, plus préci
sément encore, affronter la question des questions.
CHAPITRE I
LE DISSENSUS EN PHYSIQUE
La construction du passage
par Platon dans le Timée? Rien dans les témoignages sur ces philo
sophes ne permet de l'affirmer avec certitude, même si le fait que
Cicéron ait traduit le Timée peut être interprété comme la preuve
de l'importance que cette œuvre continuait d'avoir dans l'enseign
ement de son maître, Philon de Larissa26. Nous essaierons, cepen
dant, de montrer dans notre étude livre III du De natura deorum
comment peuvent s'articuler la dialectique antistoïcienne de la
Nouvelle Académie et les grands principes de la cosmologie du
Timée.
Les quelques lignes que Cicéron consacre à la géométrie et à
ses incertitudes permettent d'aborder l'un des problèmes les moins
étudiés de la pensée néoacadémicienne : sa conception du rôle des
mathématiques. Sur ce point la solution de continuité entre Car-
néade et les philosophes de l'Ancienne Académie apparaît très nett
e. N'allait-il pas, en effet, jusqu'à contester que deux grandeurs
égales à une même troisième soient égales entre elles27? On sait
quelle importance, au contraire, les mathématiques avaient chez
Speusippe ou chez Xénocrate28. Ce dernier comparaît la géométrie
et l'astronomie à des anses de la philosophie, mais Aristote n'avait
pas tort, nous semble-t-il, lorsqu'il disait, en parlant, selon toute
vraisemblance, des successeurs de Platon29: «les mathématiques
sont devenues pour les modernes toute la philosophie, quoiqu'ils
disent qu'on ne devrait les cultiver qu'en vue du reste». L'attitude
de Camèade à l'égard des mathématiques doit donc être interpré
tée comme une réaction contre la place excessive que celles-ci
avaient prise dans l'Ancienne Académie. Mais cela ne signifie pas
pourtant que sa critique de cette science ait été dépourvue de toute
racine platonicienne. C'est ce que l'on perçoit quand on fait le rap
prochement entre le passage du dissensus consacré à la géométrie
et ce que Platon affirme de celle-ci dans la République.
Que dit, en effet l'Arpinate, dont les propos, quelle que soit la
source directe du discours, ont leur origine chez Camèade? Que les
géomètres construisent des démonstrations qui se veulent rigou
reuses et même contraignantes, mais qu'ils le font à partir d'axio-
26 Ce point a été justement souligné par D. Sedley, The end of the Academy,
p. 72.
27 Galien, De opt. doctr., 2, 45, p. 83, 3 Marquardt.
28 Cf. H. Cherniss, op. cit., p. 35 sq.
29 Aristote, Méta., A, 992 a 33-992 b 2 : άλλα γέγονε τα μαθήματα τοις νυν ή
φιλοσοφία, φασκόντων άλλων χάριν αυτά δεΐν πραγματεύεσθαι. On comprend
plus précisément ce que veut dire le Stagirite quand on se reporte à Diog. Laër-
ce, IV, 10, où il est dit que Xénocrate chassait de son école ceux qui n'avaient
pas étudié la musique, la géométrie et l'astronomie, en leur reprochant de ne
pas posséder «les anses» de la philosophie.
548 LA PHYSIQUE
La doxographie physique
tique, est resté fidèle à son maître en ceci que, tout en rejetant la
transcendance de Γεΐδος, il n'a jamais fait de celui-ci quelque chose
de matériel ni de dynamique54. Or, sur ces points essentiels, Antio-
chus se différencie aussi bien de l'Académicien que du Péripatéti-
cien. En affirmant que le principe actif ne peut exister sans matièr
e, il rompt avec la tradition platonicienne55. En employant le te
rme de δύναμις là où Aristote parle d'eïôoç, il montre que son inter
prétation de l'immanence est celle des Stoïciens, non celle du Stagi-
rite56. A partir de là, peu importe que nous trouvions, ici une allu
sion à Platon, là une mention du cinquième élément aristotéli
cien57. Plus exactement, ces allusions apparaissent comme les s
ignes quelque peu dérisoires de la volonté de s'annexer une doctri
ne, le stoïcisme, devant laquelle Antiochus abdiquait, en réalité, son
originalité d'Académicien. Cette acceptation sans réserve de la phy
sique stoïcienne, d'autant plus surprenante que dans le De legibus
nous avions trouvé un certain nombre d'éléments qui témoignaient
d'une tentative antiochienne pour préserver un tant soit peu de
transcendance58, est particulièrement manifeste dans l'évocation
de la ratio perfecta inhérente au monde ou dans l'interprétation
anthropocentriste de la prudentia divine59. Les rapprochements
avec le second livre du De natura deorum confirment, si besoin
était, que nous avons là un passage qui est stoïcien non seulement
dans son contenu, mais aussi dans sa forme60.
Dans l'article qu'il a consacré à la théologie de Varron61,
P. Boyancé a souligné à juste titre la nécessité d'interpréter la doc
trine varronienne en se référant au maître académicien du Réatin,
Antiochus, et il a montré, dans la continuité de W. Theiler62, qu'il
n'était point besoin de supposer une source stoïcienne pour expli-
quer le rôle joué dans les Antiquités divines par cette âme du mon
dedont les statues des dieux seraient les représentations 63. En
revanche, sa démonstration nous paraît moins convaincante, lors
qu'il fait d'Antiochus un témoin fidèle de la pensée de Xénocrate 64.
Si nous ne contestons pas que Varron ait connu par Antiochus un
certain nombre d'aspects de la physique du scholarque de l'Ancien
ne Académie, il nous paraît pour le moins hasardeux de raisonner
comme s'il y avait entre Xénocrate, Antiochus et le moyen-platonis
me une continuité philosophique sans faille. Un savant aussi atta
ché que H. J. Krämer à réduire l'originalité du Portique par rap
port à l'Ancienne Académie est contraint de reconnaître qu'il existe
entre les deux pensées un certain nombre de différences fonda
mentales 65. Or la partie du discours de Varron- Antiochus que nous
avons analysée nous est apparue, malgré quelques oripeaux acadé
miciens, très profondément stoïcienne. L'origine d'un tel texte n'est
pas à chercher dans le désir de donner un témoignage rigoureux,
mais dans la prétention de démontrer que l'Académie était la sour
ce à laquelle le stoïcisme avait puisé l'essentiel de sa doctrine phys
ique. Alors que dans le domaine de l'éthique, Antiochus s'était pré
valu de cette théorie, ô combien discutable, pour reprendre contre
le Portique bon nombre des thèmes de la Nouvelle Académie, nous
ne connaissons rien de tel de sa part en ce qui concerne la physi
que.Le caractère peu satisfaisant d'un point de vue philosophique
de la démarche de l'Ascalonite - mais peut-être faut-il lui accorder
le bénéficer de doute, compte tenu du caractère lacunaire de nos
sources - n'empêcha pas un Romain épris de certitudes et soucieux
de préserver la religion nationale de faire de cette doctrine le fon
dement de sa théologie. Dans le panthéisme antiochien, Varron
pouvait trouver l'expression philosophique de sa thèse selon laquell
e la religion primitive des Romains avait été aniconique jusqu'au
moment où Tarquin l'Ancien avait fait venir d'Etrurie un artiste
pour lui commander une statue de Jupiter 66. L'esprit de sympathie
dans lequel les Stoïciens et, peut-on supposer, Antiochus lui-même,
avaient fait l'exégèse de la mythologie lui permettait d'établir, par
un certain nombre de moyens qu'il n'est pas utile d'énumérer ici,
l'harmonie entre théologie civile et théologie philosophique 67. Enf
in, ce qu'Antiochus lui avait appris de Xénocrate l'autorisait à
63 Varron, Ant. diu., frg. XVI, 6 Agahd = Augustin, Ciu. Dei, VII, 5.
64 P. Boyancé, op. cit., p. 77.
65 H. J. Krämer, loc. cit.
66 Varron, Ant. diu., frg. I, 59 Agahd = Augustin, Ciu. Dei, III, 4.
67 Ibid., frg. I, 54 a Agahd = Augustin, Ciu. Dei, VI, 6. P. Boyancé a fort
justement remarqué que, sur ce point, la position de Varron diffère de celle
556 LA PHYSIQUE
Mucius Scaevola, qui, lui, critiquait sévèrement la théologie des poètes, cf.
Augustin, ibid., IV, 27.
68 Cf. Pline l'Ancien, Hist, not., XXXV, 160. Ce point a été souligné par
J. Carcopino, La basilique pythagoricienne de la Porte Majeure, Paris, 1927,
p. 204, et par P. Boyancé, op. cit., p. 70, n. 3.
CHAPITRE II
Problèmes de méthode
1 Nous serons amené à citer bon nombre de ces travaux dans le cours de
ce chapitre. Pour une bibliographie plus systématique, on se reportera au
remarquable ouvrage d'A. J. Kleywegt, Ciceros Arbeitsweise im zweiten und drit
ten Buch der Schrift De Natura Deorum, Groningen, 1961, p. 1-9.
2 Cicéron, Nat. de., Ill, 40, 95 : Haec cum essent dicta, ita discessimus ut
Velleio Cottae disputatio uerior, mihi Balbi ad ueritatis similitudinem uideretur
esse propensior.
558 LA PHYSIQUE
12 Le problème des sources de ces deux livres ne peut être abordé ici,
même de manière superficielle. Disons simplement que, pour l'exposé épicurien
du premier livre, la Quellenforschung a majoritairement proposé comme source
Zenon de Sidon, tandis que R. Philippson a tenté de démontrer la présence de
Philodème, cf. notamment son article, Zur epikureischen Götterlehre, dans Her
mes, 51, 1916, p. 568-608. En ce qui concerne le discours de Balbus, la recher
che des sources s'est organisée autour de deux pôles, Posidonius et Panétius.
L'hypothèse posidonienne a eu comme principal défenseur K. Reinhardt, Posei-
donios, Munich, 1921, p. 224-239, tandis que M. Pohlenz a dans de nombreux
articles souligné ce qu'il considérait comme l'apport panétien. On trouvera un
exposé détaillé de ces problèmes dans A. S. Pease, op. cit., p. 42-48.
LE LIVRE III DU DE NATURA DEORUM ET LE T1MÉE 561
13 Cicéron, Nat. de., I, 44, 123 : Epicurus re tollit, oratione relinquit deos. La
critique que fait Cotta du discours contient dans ce même paragraphe une allu
sion très précise au περί θεών de Posidonius et cela a suffi pour que certains
savants considèrent ce philosophe comme la source de cette réfutation, cf.
C. Thiaucourt, op. cit., p. 219-220, et A. Schmekel, op. cit., p. 85-104. De manière
beaucoup plus prudente, C. Vick, Karneades' Kritik der Theologie bei Cicero und
Sextus Empiricus, dans Hermes, 37, 1902 (p. 228-248), p. 230, écrit : es lasst sich
nicht leugnen, dass sich einige Punkte in Cottas Rede finden, die auf Entlehnung
aus Posidonios schliessen lassen; cette intuition est appuyée chez lui par une
comparaison entre le texte cicéronien et un passage de Sextus, Adu. math., IX =
Adu. phys., I, 13-193, qui serait selon lui d'origine posidonienne. La plupart des
savants admettent contre Thiaucourt et Schmekel que la source principale est
Clitomaque et non Posidonius, la présence de ce dernier pouvant fort bien s'ex
pliquer par le fait que la Nouvelle Académie excellait à opposer les Stoïciens et
les Épicuriens.
14 Cicéron, Nat. de., III, 1, 4.
15 Ibid., 3-4.
16 M. Hadas-Lebel, dans son édition du De Prouidentia dans la collection
«Sources chrétiennes», Lyon, 1973 a examiné le problème des sources tout en
affirmant vouloir se garder d'une «Quellenforschung trop systématique», cf.
p. 65-67. Elle conclut donc à la probabilité d'une source néoacadémicienne,
mais souligne la nécessité de confirmer cette hypothèse par d'autres analyses.
17 Philon Al., Prou., II, 2.
562 LA PHYSIQUE
18 Cotta a une haute idée de ses responsabilités en tant que pontife romain,
affirmant (3, 5) qu'il est déterminé à défendre la religion de ses ancêtres et
qu'aucun discours ne l'éloignera de celle-ci.
19 Cf. T. Zielinski, Cicero im Wandel. . ., p. 55. La nature profondément
religieuse de la pensée de Cotta a été, au contraire, affirmée avec beaucoup de
force par G. W. R. Ardley, Cotta and the theologians, dans Prudentia, S, 1973,
p. 33-50, qui n'hésite pas à affirmer : he must in justice have an honoured place
in the gentile praeparatio evangelica.
20 J.-L. Girard, Probabilisme, théologie et religion : le catalogue des dieux
homonymes dans le «De natura deorum» de Cicéron (III, 42 et 53-60), dans Hom
mages à R.Schilling, H. Zehnacker et G. Hentz éds., Paris, 1983 (p. 117-126),
126.
LE LIVRE III DU DE NATURA DEORUM ET LE TIMÉE 563
ce qui est mal, et donc qu'il a hésité entre les deux29. Double
contradiction, puisque le mal est par nature étranger aux dieux et
que, par ailleurs, l'omniscience divine exclut tout doute. D'une
manière plus générale, reconnaître à un dieu des vertus humaines,
c'est introduire une faille dans sa perfection, car cela suppose qu'il
ait dû surmonter une épreuve et donc qu'il est soumis à cette résis
tance des choses qui est le lot des humains. Imaginer un dieu cou
rageux équivaut à admettre qu'il ressent la douleur, qu'il a su
affronter un péril et qu'il ne diffère pas de l'homme30. Tout com
meCicéron, dans le De finibus, objectait à Caton que la vertu ne
peut exister sans une matière qui lui soit extérieure et dans laquelle
elle puisse manifester sa force, Cotta réplique à Balbus que proje
ter sur un dieu les vertus humaines c'est implicitement dégrader
son essence, car on suppose ainsi un domaine étranger ou même
hostile au divin31. Selon lui, le Stoïcien aboutit donc, en quelque
sorte par excès de zèle, à une conclusion inverse à celle qui était
recherchée : en voulant trop bien définir la perfection divine, il
aboutit à sa négation32.
L'idée que la providence est incompatible avec la nature divine
parce qu'elle supposerait un manque, une faiblesse, nous la trou
vons aussi chez Lucrèce33: «quel bénéfice, écrit celui-ci, des êtres
jouissant d'une éternelle béatitude pouvaient-ils espérer de notre
reconnaissance pour faire quoi que ce soit en notre faveur?». Ev
idemment l'esprit dans lequel Lucrèce développe cet argument dif
fère de celui qui anime la dialectique de Cotta; on comprend néan
moins qu'un philosophe du Jardin ait cru retrouver dans le dis
cours de Cotta cette idée, essentielle à l'épicurisme, que les dieux
ne s'occupent pas du monde, car si tel était le cas, ils ne seraient
pas des dieux.
Pour nier la providence divine, il est une autre méthode, moins
spéculative, moins abstraite, qui consiste à montrer que le monde,
loin d'être le lieu idyllique que supposerait l'existence d'une volon-
29 Ibid., 38.
30 Ibid. : Nam fortis deus intellegi qui potest, in dolore an in labore an in
periculo? Quorum deum nihil attingit.
31 Sur le problème de l'autarcie de la vertu, cf. supra, p. 437.
32 La dialectique néoacadémicienne cherche à enfermer les Stoïciens dans
une aporie : d'une part, les dieux ne peuvent pas ne pas être vertueux (§ 39 : nec
uirtute Ulla praeditum deum intellegere qui possumus ?), d'autre part, on ne peut
sans contradiction leur attribuer les vertus humaines. Cette même méthode est,
avec quelques nuances, celle de Sextus Empiricus, op. cit., § 176.
33 Lucrèce, Re. nat., V, 165-167 :
. . . Quid enim inmortalibus atque beatis
gratta nostra queat largirier emolumenti,
ut nostra quicquam causa gerere adgrediantur?
566 LA PHYSIQUE
40 Dans cette même réponse (§ 97), Philon impute aux «Sophistes» cette
argumentation antifataliste.
41 Sur le Timée ciceronien, cf. R. Giomini, Ricerche sul testo del «Titneo»
ciceroniano, Rome, 1967. L'hypothèse selon laquelle Arcésilas aurait accordé
une importance particulière au Timée a été défendue par C. Moreschini, Atteg
giamenti scettici ed atteggiamenti dogmatici nella filosofia accademica, dans PP,
24, 1969, (p. 426-436), p. 428-429.
568 LA PHYSIQUE
des choses qui sont nées, l'ouvrier est la meilleure des causes et le
modèle est unique et identique à lui-même. On voit donc que toute
l'architecture de la démonstration platonicienne, et partant le myt
he lui-même, reposent sur cette évidence que le monde est beau.
Mais de quel ordre est ce σαφές, qu'est-ce qui le fonde, qu'est-ce
qui permet à Platon d'évacuer avec une si déconcertante facilité
l'hypothèse de la laideur du monde? Cet optimisme, si l'on s'en
tient au texte lui-même, n'a d'autre justification que le sentiment
religieux et la tradition. Platon dit, en effet, dans un premier temps
qu'il n'est même pas permis (δ μηδ' ειπείν τινι θέμις48) d'affirmer
que le monde n'est pas beau et l'on voit que l'expression utilisée est
empreinte de religiosité, ce que Cicéron sentira fort bien, puisqu'il
le traduira par fas nee est. Un peu plus loin, c'est l'autorité d'hom
mes sages (παρ' ανδρών φρονίμων) qui est invoquée à l'appui de cet
tecroyance49. N'est-ce pas une assise bien fragile pour un édifice
si gigantesque?
J. Moreau, qui a bien senti l'importance de ce problème, a
cherché à lui apporter une solution en affirmant que c'est en fait
la volonté de penser le monde comme un tout qui conduit Platon à
professer un tel optimisme50. Un tel raisonnement veut montrer la
parfaite cohérence de la pensée platonicienne, son caractère systé
matique, mais il est permis justement de se demander pourquoi
Platon n'a pas jugé bon de donner une telle formulation métaphys
ique, pourquoi il a estimé préférable de sortir de l'ontologie pour
invoquer un argument extérieur, bien plus faible en apparence que
celui qu'il aurait formulé s'il avait raisonné à partir de l'identité de
l'Un et du Bien? N'est-ce pas parce qu'il ne jugeait pas que la cons
cience religieuse et la tradition étaient des arguments de peu de
poids, et parce que dans un είκώς μΰθος il voulait éviter le système
clos, qui eût été le signe d'une prétention à la science certaine51.
religion rather than of «scientific theology». S'il est vrai que le langage de Timée
est empreint de religiosité, l'expression de «théologie scientifique» nous paraît
peu apte à qualifier le projet platonicien.
52 Cette expression est de J. Moreau, op. cit., p. 171.
53 V. Goldschmidt, Le système stoïcien. . ., p. 79.
54 Cf. le début du discours de Balbus, Nat. de., II, 2, 4.
ss Cf. ibid.
LE LIVRE III DU DE NATURA DEORUM ET LE TIMÊE 571
Deos esse
Quales
67 Ibid., 5, 11-12.
68 Ibid., 12 : Nonne mauis illud credere, quod probari potest, animos prae-
clarorum hominum, quales isti Tyndaridae fuerunt, diuinos esse et aeternos,
quant eos qui semel cremati essent equitare et in ade pugnare potuisse? Pease
remarque très justement, ad loc, que probari n'indique nullement dans cette
phrase une certitude rationnelle, mais correspond au πιθανόν des Académic
iens.
69 II est vrai qu'au §62 du livre II, Balbus fait état de cette même tradi
tion: cum remarièrent animi atque aeternitate fruerentur, rite di sunt habiti. Mais
une telle affirmation est en contradiction avec la thèse stoïcienne d'une survie
limitée de l'âme. Au contraire, Cotta ne serait en contradiction avec lui-même
que s'il affirmait dogmatiquement que l'univers est un simple jeu de forces
matérielles. Or tel n'est pas le cas.
LE LIVRE III DU DE NATURA DEORUM ET LE TIMÊE 575
Nat. de., III, 8, 21 : «quand tu nies qu'il puisse y avoir quoi que
ce soit de meilleur que le monde, qu'entends-tu par "meilleur"? Si
c'est "plus beau", je suis d'accord, si c'est "plus approprié à nos
nécessités", je suis d'accord aussi, mais si tu dis que rien n'est plus
sage que le monde, je ne suis plus du tout d'accord ».
Ce texte doit être selon nous rapproché de : Tintée, 30a : «onc-
ques ne fut permis, oncques n'est permis au meilleur de rien faire,
sinon le plus beau ».
Dans la phrase que nous venons de citer, Platon est d'une très
grande précision dans la mesure où, de toute évidence, il établit
une hiérarchie entre le Démiurge qui est άριστος et le monde créé
qui n'est, si l'on peut dire, que κάλλιστον70. Pour les Stoïciens, en
revanche, il n'y a aucune transcendance du Bien, la bonté étant
l'attribut de la φύσις. La dialectique néoacadémicienne, elle, a ceci
de particulier qu'elle procède négativement; elle rejette l'idée selon
laquelle il n'y aurait rien de meilleur que le monde, tout en recon
naissant à celui-ci, comme Platon, la plus grande beauté, mais elle
n'affirme pas explicitement qu'il existe un créateur de l'univers
auquel seul pourrait s'appliquer le qualificatif d'&pujxoç. Confront
é au dogmatisme naturaliste des Stoïciens, le dialecticien n'a pas à
élaborer un mythe explicatif, il se doit de montrer à ses interlocu
teurs que, sur le modèle du syllogisme qui leur sert à démontrer
que nihil mundo melius, on peut construire des raisonnements
aboutissant à des conclusions absurdes tel celui-ci71 : ce qui
connaît l'écriture est meilleur que ce qui ne la connaît pas - or rien
70 Cicéron, Nat. de., III, 8, 21 : Sed cum mundo negas quicquam esse melius,
quid diets melius? Si pulchrius, adsentior; si aptius ad utilitates nostras, id quo
que adsentior; sin autem id dicis, nihil esse mundo sapientius, nullo modo pror-
sus adsentior. . . Dans la suite de la phrase. Cotta dit que c'est la raison elle-
même qui le conduit à rejeter la doctrine stoïcienne, affirmation qu'il ne faut
pas interpréter dans le sens d'un rationalisme athée, car le pontife cherche, au
contraire, à montrer quelles sont les limites de la raison. Platon, Timée, 30 a :
θέμις δ' οΰτ' ήν οΰτ' έστιν τφ άρίστφ δραν άλλο πλην το κάλλιστον (cf. aussi
29 a). On pourra objecter à notre analyse de cette phrase que Platon lui-même
utilise le qualificatif d'apurtoç à propos du monde, cf. 92 c. A cela il est possible
de répondre que le κόσμος est pour l'auteur du Timée «très bon» en tant
qu'image (είκών) du Dieu intelligible et qu'il s'agit donc d'une excellence qui
renvoie au Bien, ce qui n'est évidemment pas le cas dans le stoïcisme. Par ail
leurs, ce passage du Timée n'est pas le seul où Platon affirme la supériorité du
Bien par rapport au Beau, cf. en particulier Hippias Mineur, 297 b-c, où le Bien
est le père du Beau et Philèbe, 65 a, où le Beau apparaît comme la manifestat
ion du Bien. Sur cette question, cf. K. Katsimanis, Etudes sur le rapport entre le
Beau et le Bien chez Platon, Lille, 1977, p. 197-205.
71 Cicéron, ibid., 9, 23 : Zenonis enim uestigiis hoc modo rationem poteris
concludere : quod litteratum est id est melius quant quod non est litteratum; nihil
autem mundo melius : litteratus igitur est mundus.
576 LA PHYSIQUE
72 Ibid., 9, 26 : «En effet, la distinction n'est pas faite entre ce qui est bien
et ce qui est excellent, entre la nature et la raison». Cette phrase nous semble
bien résumer l'ambiguïté du discours de Cotta. Prise dans son contexte imméd
iat,elle signifie que les Stoïciens, qui croient démontrer la rationalité du mond
e,aboutissent, sans s'en apercevoir, à faire de la nature un ensemble de forces
fonctionnant sans aucune présence divine. Mais cette exigence de rigueur dans
la définition de la natura et de la ratio peut également être interprétée, en te
rmes platoniciens, comme la volonté de distinguer la φύσις et le νους.
73 Ibid., 11, 27 : At enim quaerit apud Xenophontem Socrates unde animum
arripuerimus si nullus fuerit in mundo. Et ego quaero unde orationem, unde
numéros, unde cantus ... Le passage de Xénophon auquel il est fait allusion se
trouve dans Mém., I, 4, 8, et il avait été cité par Balbus en II, 6, 18. Ce même
argument socratique se trouve dans le Philèbe, 30 a, mais il semble bien qu'il
soit resté lié au nom de Xénophon, comme le montre le fait que Sextus Empiri-
cus, Adu. phys., I, 92-94, ne mentionne aucune autre autorité que celle de l'au
teur des Mémorables. A cela il y a probablement comme raison le fait que le
fondateur du stoïcisme avait fait grand usage de ce traité, cf. Sext. Emp., ibid.,
101 = S.V. F., I, 113. Par ailleurs, il est à remarquer que Platon dans le Timée
n'utilise pas cet argument, qui n'eût pas été conforme à la méthode qu'il avait
choisie, et donne de la composition des âmes une formule différente de celle de
l'âme du monde (41 d), cf. A. E. Taylor, op. cit., p. 255 : Timaeus is no «pant
heist» or «emanationist». He regards the souls of individual men as inferior in
quality to the soul of the κόσμος or those of the planets and stars, just as the soul
of one man may be inferior to soul of another. But our souls are neither «parts»
of the cosmic soul nor «emanations» of it. On ne saurait mieux expliquer pour
quoi les Stoïciens ont pu s'appuyer sur le Socrate des Mémorables, tandis que la
Nouvelle Académie rejetait une manière de raisonner trop immanentiste.
LE LIVRE III DU DE NATURA DEORUM ET LE TIMÊE 577
Mais n'y a t-il pas une contradiction dans le fait que ce même
Camèade qui combattait chez les Stoïciens tout ce que Platon avait
lui-même combattu dans la religiosité de son époque, ait si viv
ement attaqué la croyance stoïcienne en la providence, alors que les
philosophes du Portique étaient en droit d'invoquer le livre X des
Lois, dans lequel le fondateur de l'Académie condamne avec beau-
82 Ibid., 899 d.
83 Platon, Ménon, 80 a et c.
84 Id., Lois, X, 899 d-905 d.
85 Ibid., 903 d : κατά δύναμιν την τής κοινής γενέσεως.
580 LA PHYSIQUE
86 Cicéron, Nat. de., II, 62, 154: Principio ipse mundus deorum hominum-
que causa factus est, quaeque in eo sunt ea parata ad fructum hominum et inuen-
ta sunt. Sur l'inutilité de corriger le texte des manuscrits, cf. Pease, ad loc.
87 Cf. supra, p. 535.
LE LIVRE III DU DE NATURA DEORUM ET LE TIMÊE 581
104 J. Linderski, Cicero and Roman divination, dans PP, 37, 1982 (p. 12-38),
p. 37-38 : when the gods started talking the language of Caesar, he preferred not to
believe in their enunciations.
105 Cf. Dim., II, 54, 110.
106 Ibid., 9, 22-23 et 47, 99. Sur le problème général de la relation entre rel
igion et politique dans la Rome de la fin de la République, cf. l'article de P. Jal,
Les dieux et les guerres civiles dans la Rome de la fin de la République, dans
REL, 40, 1962, p. 170-200.
107 Ibid., 24, 53.
108 Ibid., 52.
586 LA PHYSIQUE
109 Cf. ibid., 12, 28 : ut ordiar ab haruspicina, quant ego rei publicae causa
communisque religionis colendam censeo ; 33, 70 : retinetur autem et ad opinio-
nem uulgi et ad magnas utilitates rei publicae mos, religio, disciplina, ius augu-
rium, collegi auctoritas. Sur ces deux passages, cf. F. Guillaumont, op. cit., p. 45-
46; J. Lindersky, op. cit., p. 15-16. Sur le problème général de l'attitude de Cicé
ron face à la religion d'Etat, cf. R. J. Goar, Cicero and the state religion, Amster
dam,1972.
110 Cf. Augustin, du. Dei, VI, 6 (= Varron Ant. diu., frag. I, 54 a Agahd) :
magis earn ex utraque tentperatam quant ab utraque separatam intellegi uoluit.
111 II a été justement remarqué par A. Guillaumont, op. cit., p. 167, que la
critique cicéronienne de la divination est bien plus radicale que celle de Camèad
e dont la critique ne visait pas la divination en elle-même, mais la doctrine que
les Stoïciens professaient à propos de celle-ci. Nous avons tenté de montrer que
Camèade se situait dans la tradition de Platon ; il faut ajouter que c'est ainsi que
le moyen-platonisme semble avoir compris sa dialectique dans ce domaine :
Plutarque n'a-t-il pas écrit un traité Περί μαντικής δτι σφζεται κατά τους
'Ακαδημαϊκούς (η. 71 du Catalogue de Lamprias)?
LE LIVRE III DU DE NATURA DEORUM ET LE TIMÊE 587
lecture dogmatique d'une pensée qui était dans son essence même
dialectique explique que l'épicurien Valléius ait pu approuver le
discours de Cotta, dont les arguments contre la providence divine
(en réalité contre la conception stoïcienne de celle-ci) pouvaient lui
paraître très proches de ceux du Jardin;
- Cicéron connaît, lui, le caractère dialectique des argu
ments de Camèade, mais il sait aussi que ceux-ci, une fois énoncés,
ont acquis une autonomie par rapport à l'intention du scholarque.
Comment, en effet, réfuter celui qui prendrait à la lettre sorites et
syllogismes et en conclurait à la supériorité du système de Straton
de Lampsaque? Cette ambiguïté l'incite donc à donner sa préféren
ce à la physique stoïcienne, mais sans qu'un tel choix implique une
rupture par rapport à la Nouvelle Académie. En restant fidèle dans
ce domaine aussi à la suspension du jugement de la Nouvelle Aca
démie, et en condamnant la divination avec plus de force encore
que ne l'avait fait celle-ci, l'Arpinate défend cette transcendance de
Dieu qui ne pouvait avoir de place dans le système stoïcien. Il le
fait à sa manière, c'est à dire sans déprécier la nature et sans
renier cet absolu que représente pour lui la perfection passée de la
res publica.
au destin considéré comme activité, car c'est lui qui soulève le plus
grand nombre de problèmes, d'ordre physique, éthique et dialecti
que».Comme l'imitateur de Plutarque, Cicéron connaissait les trois
aspects de la question du destin et, comme lui, il a entrepris de le
traiter dans l'ordre pratiqué par l'école dont il se réclamait. L'al
ternative qu'avait énoncée P. Boyancé - le De fato ressortit-il à la
logique ou à la physique? - n'est donc pas fondée puisque l'Arpina-
te avait abordé le concept de fatum dans la multiplicité de ses
aspects, et qu'il n'avait laissé de côté aucune de ses implications, ni
physique, ni morale, ni logique. Seul l'état actuel de l'œuvre a pu
donner l'impression qu'il s'était limité à étudier la question des
possibles;
- s'il est vrai que l'œuvre reprenait la division tripartite de
la philosophie et que seule la partie qualifiée par Cicéron lui-même
de «logique» nous est parvenue, pourquoi avoir inclus celle-ci dans
notre étude de la physique? La raison en est double. D'une part,
nous avons analysé à propos du Lucullus les problèmes relatifs à
l'assentiment5. D'autre part, l'ambition qu'avait Cicéron d'être ex
haustif, ne l'a pas empêché de souligner la relation privilégiée
entre le De natura deorum, le De diuinatione et le De fato. Il est
intéressant à cet égard de citer ce qui est dit dans la préface du
second livre du De diuinatione, lorsque le traité sur le destin est
annoncé comme devant parfaire la réflexion consacrée à la physi
que6:
«Pour que celle-ci soit pleinement et parfaitement achevée,
nous avons entrepris d'écrire à propos de la divination les livres que
voici. Si nous leur ajoutons, comme nous en avons l'intention, une
œuvre sur le destin, toute cette question aura été étudiée avec suff
isamment d'ampleur».
Associer le De fato aux ouvrages traitant de la physique, c'est
peut-être en trahir la lettre, puisque nous n'en possédons que la
partie consacrée à la logique, mais c'est aussi, nous semble-t-il, res
ter fidèle à l'intention de l'Arpinate qui, tout en étant conscient de
la complexité du concept de fatum, a considéré que, prise dans son
ensemble, l'œuvre qu'il y consacrait, avait une sorte de parenté
naturelle avec celles où avaient été étudiés le problème des dieux et
celui de la divination.
L'intérêt porté par les savants à la place du destin dans la phi
losophie du Portique a eu cette conséquence fâcheuse que le De
net, ut sit in nostra potestate nobisque pareat, nee id sine causa, eius rei enim
causa ipsa natura est. Sur le problème des «futurs contingents» chez Aristote,
cf. le chap. IX du De interpretatione, où il est affirmé que le discours ne saurait
être conforme à quelque chose qui n'existe pas encore. L. Robin, Aristote, p. 168,
a vu dans cette position « un échec évident » à l'égard d'autres aspects de la pen
"sée
forme
d'Aristote,
" éternelle
dans; delal'existence,
mesure oùà «de
titre l'existence
de " fin " suprême,
même ded'une
la "fin" à titre
pensée " qui de
se
pense elle-même", devrait en effet résulter, au contraire, une détermination
sans défaillance». Dans ce même passage, Robin souligne la relation entre la
doctrine aristotélicienne des «futurs contingents» et le «mécanisme contingen-
tiste» d'Épicure. Sur le rejet épicurien du principe du tiers exclu, cf. Cicéron,
Luc, 30, 97, et Nat. de., I, 25, 70.
29 Platon écrit dans le Phèdre, 245 c, qu'il faut se faire des idées vraies sur
l'âme «en observant ses états et ses actes», cf. infra, n. 53; Camèade appliquait
à sa manière cette méthode, puisque, se refusant à chercher dans un principe
physique l'explication de la liberté, il raisonne à partir de l'expérience de celle-
ci, cf. Fat., 24-25.
30 Cicéron, Fat., 14, 31 : Carneades genus hoc totum non probabat et nimis
inconsiderate concludi hanc rationem putabat. A. Yon, p. XL VIII, fait un rappro
chement fort juste entre le passage de Cicéron où est exposée la réponse de
Chrysippe à l'argument de Γάργος λόγος et Sénèque, Nat. quaest., 2, 32. A tra
vers ces deux textes, il apparaît que Chrysippe répondait à ceux qui utilisaient
un tel argument (les Mégariques, et peut-être Arcésilas) que l'action (par exemp
le appeler un médecin quand on est malade), loin d'être inutile par rapport au
destin, se trouve elle-même inscrite dans celui-ci.
31 Ibid. : vi Si omnia antecedentibus causis fiunt, omnia naturali conligatione
conserte contexteque fiunt; quod si ita est, omnia nécessitas efficit; id si uerum
est, nihil in nostra potestate; est autem aliquid in nostra potestate; at si omnia
LE DE FATO ET LA TRADITION DU PHÈDRE 597
fiunt, omnia causis antecedentibus fiunt; non igitur fato fiunt, quaecumque
fiunt ».
32 Plutarque, Sto. rep., 46, 1055 e : (ώστ'ή την) άνίκητον και άνεκβίαστον
και περιγενητικήν απάντων ή ειμαρμένη δύναμιν άπόλλυσιν ή ταύτης οϊαν άξιοι
Χρύσιππος ούσης το έπιδεκτικον του γενέσθαι πολλάκις εις το αδύνατον έμπεσεΐ-
ται · και παν μέν αληθές άναγκαΐον εσται, τη κυριωτάτη πασών ανάγκη κατειλημ-
μένον, παν δε ψευδός αδύνατον, την μεγίστην έχον αίτίαν άντιπίπτουσαν αύτφ
προς το αληθές γενέσθαι, (ώστ'ή την) est une addition de Pohlenz qui paraît
indispensable pour la compréhension du texte. Nous avons modifié sur un cer
tain nombre de points la traduction Bréhier-Goldschmidt.
598 LA PHYSIQUE
de : «si tout arrive par des causes antécédentes ... la nécessité fait
tout».
Mais, par ailleurs, il serait erroné de dire que Chrysippe nous
est présenté seulement comme une sorte de Diodore clandestin et
honteux. Il est, en effet, tenu compte dans un deuxième temps de
son effort pour insérer la liberté humaine dans la trame du destin
en établissant une distinction entre les «causes principales et par
faites», présentes de toute éternité dans l'ordre naturel, et celles
«auxiliaires et prochaines» qui font que le possible devient réel36.
Nous ne reviendrons pas ici sur la métaphore du cylindre, car ce
n'est pas la doctrine stoïcienne en elle-même qui nous importe ici,
mais la manière dont elle est appréhendée par Cicéron37. Or, tout
comme il était précédemment reproché à Chrysippe de chercher à
se distinguer de Diodore par des modifications purement verbales,
cette fois il est démontré aux partisans de la liberté qu'avec sa
théorie des causes procatarctiques le Stoïcien arrive au même
résultat qu'eux, pour peu qu'ils admettent eux-mêmes que l'assent
iment ne se produit jamais sans une représentation antérieure38. La
conclusion de l'Arpinate est donc que c'est une question de forme
et non de fond qui sépare les parties en présence39.
Alors que Camèade ne semble avoir tenu aucun compte des
efforts de Chrysippe pour échapper à l'accusation de fatalisme
absolu, il y a dans le De fato cicéronien un état d'esprit différent,
qui substitue à l'alternative pure et simple une progression vers le
thème du consensus. La thèse sur laquelle sont censées se recon
naître les parties antagonistes est celle-ci : la représentation précè
de l'assentiment, mais cela ne signifie pas pour autant qu'elle en
soit nécessairement la cause, puisque «dans certains cas il est vrai
40 Ibid. : .. .ut quibusdam in rebus uere did possit, cum hae causae ante-
gressae sint, non esse in nostra potestate, quin Ma eueniant, quorum causae fue-
rint; quibusdam autem in rebus causis antegressis in nostra tarnen esse potestate,
ut Mud aliter eueniat ...
41 Cf. supra, p. 485-492.
42 Cf. supra, p. 414.
LE DE FATO ET LA TRADITION DU PHÈDRE 601
Carnéade et le Phèdre
46 A. Yon, p. 23, n. 4.
47 Comme cela était le cas dans le dernier livre des Tusculanes.
48 Cf. supra, p. 376.
LE DE FATO ET LA TRADITION DU PHÈDRE 603
définition de ce même être qui a pour nom «âme» dans notre par
ler à tous?
L'Athénien. - C'est bien là ce que j'affirme. S'il en est ainsi,
regrettons-nous quelque insuffisance dans cette preuve, donnée
par nous, que l'âme est identique au principe de la génération et
du mouvement ... ?
Clinias. - Nullement; nous avons, au contraire, adéquatement
démontré que l'âme est le plus ancien de tous les êtres, du moment
que nous l'avons démontrée principe de mouvement.
La tradition du Phèdre
62 Telle qu'elle est présentée par Socrate lui-même dans l'Apologie, cf.
supra, p. 999, n. 41.
63 Cf. supra, p. 45. Pour M. Dal Pra, op. cit., 1. 1, p. 244, Camèade s'en
serait, au contraire, tenu à l'alternative : la liberté du mouvement volontaire ou
le nécessitarisme. Si tel avait été le cas, s'il s'en était tenu à une isosthénie
rigoureuse, il eût été certainement plus proche des Pyrrhoniens que de Platon.
L'étude du témoignage cicéronien nous a permis de constater que :
- Camèade n'exprime pas cette alternative dans l'absolu, mais contre les
Stoïciens ;
- le libre-arbitre n'est pas pour lui une hypothèse parmi d'autres, mais
celle qui permet d'apporter une solution à un problème que les Épicuriens et
les Stoïciens sont incapables de résoudre.
608 LA PHYSIQUE
L'originalité cicéronienne
liatio sibi, le désir instinctif qu'a tout être de préserver son existen
ce et Yhonestum, le bien moral, qui suppose que l'on admette de
perdre celle-ci au nom de valeurs plus hautes. Mais le plus import
ant peut-être est ce crucior qui annonce, dans le domaine de l'ac
tion, le distrahor du Lucullus et qui exprime admirablement à la
fois la finitude de l'entendement et l'expérience douloureuse de
cette «faculté positive de se déterminer pour l'un ou l'autre de
deux contraires, c'est-à-dire de poursuivre ou de fuir, d'affirmer ou
de nier», pour reprendre les termes que Descartes emploie à pro
pos de la volonté dans une lettre à Mesland". Une fois encore,
donc, l'explication existentielle contribue à étayer l'analyse concept
uellede la philosophie cicéronienne.
à des moyens paradoxaux dans leur forme, puis elle avait évolué
lentement non pas vers le retour à ce qu'elle était antérieurement,
mais vers un état s 'enrichissant de l'expérience de cette lutte.
Lorsqu'il affirmait que tous les discours sur la réalité ont une
force équivalente, lorsqu'il faisait de Γέποχή universelle le maître
mot de son Académie, Arcésilas paraissait rompre avec une tradi
tionplatonicienne, à laquelle nous savons pourtant qu'il a procla
mé sa fidélité. La solution à cette contradiction est d'admettre qu'il
trouvait là le moyen le plus efficace de défendre ce qu'il considér
ait comme la quintessence de la pensée de Platon, à savoir le rejet
de la divinisation de l'homme et de la certitude qui ne se remet pas
en cause. Aristote, qui pourtant n'avait guère ménagé Platon,
n'avait pas provoqué dans l'Académie de réaction comparable à
celle que suscitèrent Zenon et Epicure, sans doute parce que mal
gré le caractère systématique et dogmatique de sa pensée, il avait
su garder aux yeux des Académiciens une juste mesure dans son
appréciation des possibilités humaines. Le sage, et tout particuli
èrement le sage stoïcien, qui instaurait hic et nunc l'ordre de la per
fection absolue, leur apparaissait au contraire comme une nou
veauté radicale, d'autant plus redoutable qu'elle pouvait être per
çue comme la solution admirablement simple aux problèmes posés
par la théorie des Formes. En construisant leur système sur le
principe d'une continuité dynamique permettant les sauts qualitat
ifs, les Stoïciens semblaient avoir relégué le dualisme platonicien
au rang d'archaïsme philosophique. D'où le gigantesque effort de
l'Académie pour démontrer que le stoïcisme ne faisait que reprend
re, sous une forme nouvelle, d'anciennes erreurs.
Il ne suffisait pas à la Nouvelle Académie d'affirmer que sa
source d'inspiration était Socrate et Platon, il lui fallait préciser
quelle relation sa dialectique entretenait avec ceux-ci. Nous som
mes peu enclin à croire qu'elle ait strictement délimité un «Platon
sceptique» auquel elle se serait référé comme à une autorité. Bien
évidemment, les dialogues aporétiques étaient pour elle un terrain
d'élection, mais peut-on sérieusement penser que des scholarques
de l'école platonicienne se soient interdit, par exemple, la lecture et
le commentaire de la République, qui est tout sauf un dialogue apo-
rétique. La lecture du discours de Philus nous a montré que l'exé
gèse de cette œuvre était d'autant plus délicate qu'elle ne pouvait
être dissociée du contexte de la lutte contre le stoïcisme, dans
laquelle elle apparaissait nécessairement comme un enjeu. D'où
cette solution, au moins aussi tactique que philosophique, consis
tant pour Camèade, d'une part, à formuler une critique de princi
pe à l'égard de Platon parce que celui-ci avait clos sa recherche sur
la justice, et, d'autre part, à réfuter non pas la définition platoni
cienne elle-même, mais le fondement que les Stoïciens donnaient à
PHILOSOPHIE ET TRADITION 625
5 Quintilien, Inst. or., XI, 1, 15, se référant à Diu. in Caec, 36: cum otnnis
arrogantia odiosa est, turn ilia ingeni atque eloquentiae multo molestissima.
6 Cf. Platon, Lois, VII, 792 d (condamnation de la προπέτεια vers les plai
sirs); Aristote, Eth. Nie, VII, 1150b 19-25 (la προπέτεια comme forme de Γάκρα-
σία); Diog. Laëce VII, 48 et Épictète, Entretiens, III, 22, 104 (critique stoïcienne
de la προπέτεια); Sext. Emp., Hyp. Pyr. I, 177 et 186 (la προπέτεια est la caracté
ristique des philosophes dogmatiques). On trouve chez Cicéron une platonisa-
tion intéressante de ce concept de temeritas dans un passage du De diuinatione
(I, 29, 60 et 61) où il traduit la République, IX, 571 c-572 a. En effet, là où Platon
écrit simplement δύο είδη pour désigner les parties concupiscible et irascible de
l'âme, il traduit par duabus temerariis partibus, faisant ainsi de la temeritas le
principe contraire du λόγος. A l'opposé de la temeritas se trouve la uerecundia,
qualité platonicienne par excellence, cf. Vom., IX, 22, 5 : Ego seruo et servabo
(sic enim assueui) Platonis uerecundiant, phrase écrite dans un contexte humor
istique - il s'agit de railler la liberté de langage des Stoïciens - mais qui expri
me fort bien l'une des raisons les plus profondes de l'attachement de l'Arpinate
à la tradition platonicienne.
7 Cf. supra, p. 508. Sur l'utilisation de temeritas dans le langage politique
romain, et tout particulièrement cicéronien, cf. A. Weische, Studien zur Politi
schenSprache der Römischen Republik, Münster, 1966, p. 28-38, qui signale fort
opportunément (p. 30) que, dans Rab. Post., 1, 2, temeritas est qualifié de grauis-
simum uerbum. La double signification, philosophique et politique, du terme
peut être mise en évidence par le rapprochement de deux passages. Dans le Pro
Marcello, 2, 7, Cicéron utilise pour faire l'éloge de César un lieu commun philo
sophique : numquam enim temeritas cum sapientia commiscetur neque ad consi-
lium casus admittitur; dans le De officiis, I, 8, 26, César est donné comme
l'exemple de l'homme que la temeritas conduit à renverser «tous les droits
divins et humains». On peut interpréter de diverses manières cette contradict
ion, mais, quelle que soit l'explication choisie, ce diptyque montre à quel point
le problème de la temeritas dans la philosophie et dans la cité est présent à
l'esprit de Cicéron. Il s'agit là d'un élément de continuité particulièrement
important dans la vie et la pensée cicéroniennes. Rappelons, en effet, que déjà
dans la préface rhétorico-philosophique du premier livre du De inuentione, la
décadence de la civilisation est imputée à l'arrivée au pouvoir d'hommes quali
fiésde temerarii atque audaces (3, 4).
PHILOSOPHIE ET TRADITION 631
te fut souvent sévère et n'a pas peu contribué à donner une fausse
image de sa philosophie. Or, si l'on est en droit d'estimer que l'Ac
adémie fut un peu trop facilement invoquée dans ces circonstances,
on ne doit pas oublier pour autant que quelques années plus tard
Cicéron devait redonner sa signification première à l'enseignement
de Philon de Larissa.
1 Augustin, Conf., VI, 11, 18; Be. uit. I, 4: diu gubernacula mea repugnan-
tia omnibus uentis in mediis fluctibus Academici tenuerunt. Sur la traduction
(Γέποχή par Cicéron, cf. supra, p. 247.
2 Cf. depuis l'ouvrage pionnier d'E. Gilson, Introduction à l'étude de Saint
Augustin, Paris, 1943, p. 48-55; M. Testard, Saint Augustin et Cicéron, Paris,
1958, t. 1, p. 81-129; J. A. Mourant, Augustine and the Academics, dans Ree. Aug.,
4, 1966, p. 67-96; J. Heil, Augustine's attack on skepticism, the Contra Academic
os, dans HThR, 65, 1972, p. 99-116; C. Kirwan, Augustine against the skeptics,
dans The skeptical tradition, p. 205-223.
3 Augustin, Retr., I, 1, 4.
638 QUELQUES REMARQUES SUR LE CONTRA ACADEMICOS
4 Id., Contra Ac, III, 18, 41: Tullius noster ... impatiens labefactari uel
contaminari quidquid amauisset.
5 Id., Conf., III, 4, 7.
6 E. Gilson, op. cit., p. 49.
7 K. Mourant, op. cit., p. 74.
8 Cf. E. Gilson, p. 49.
9 Cf. la dédicace à ce personnage au début du Contra Ac. et le commentair
e de K. Mourant, p. 85.
QUELQUES REMARQUES SUR LE CONTRA ACADEMJCOS 639
10 Cf. ce que dit Augustin sur le but de son œuvre dans Contra Ac, III, 14,
30.
11 Ibid. : Hoc enim ipso ostenditur nihil quamlibet copiosissimis subtilissi-
misque argumentis posse suaderi, cui non ex parte contraria, si adsit ingenium,
non minus acriter, uel fonasse acrius resistatur.
12 Ibid., 6, 13 : Proteus enim Me in imaginem ueritatis inducitur.
13 L'expression est d'E. Gilson, p. 49.
14 Cf. Contra Ac, 1, 3, 7.
15 Cf. notre conclusion, p. 745.
16 Op. cit., § 9 : Veritatem autem illam solum Deum nosse arbitror, aut forte
hominis animam, cum hoc corpus, hoc est tenebrosum carcerem, dereliquerit.
640 QUELQUES REMARQUES SUR LE CONTRA ACADEMICOS
17 Cf. En., I, 2, 7 et III, 4, 1, où le corps est défini comme «la seule et der
nière trace des choses d'en haut dans la dernière des choses d'en bas».
18 Contra Ac, II, 5, 11-12.
19 Cf. supra, p. 15.
20 Ce même dogmatisme négatif apparaît en Conf., V, 10, 19 : de omnibus
dubitandum esse censuerant nec aliquid ueri ab nomine comprehendi posse
decreuerant.
QUELQUES REMARQUES SUR LE CONTRA ACADEMICOS 641
pies de Zenon, plus subtils que les autres21 : «et comme ils avaient
appris du même Zenon qu'il n'y avait rien de plus vil que l'opinion,
ils en déduisirent très habilement que, si rien ne pouvait être perçu
et si opiner était parfaitement vil, le sage ne devait jamais approuv
er». La relation dialectique, si bien mise en évidence par Cicéron,
est ainsi transformée en filiation philosophique.
A la fin de cet exposé, Augustin éprouve le besoin de préciser
qu'il a parlé bona fide et que toute omission de sa part ne pourrait
être qu'involontaire22. Mais n'est-il pas difficile de croire qu'il se
soit exprimé ex animi sententia23, alors que dans la dernière partie
de l'œuvre il avancera une interprétation qui sera en totale contra
diction avec ce qu'il a affirmé dans ce passage? En réalité, on com
prend qu'il n'y a pas véritablement incohérence, si on se reporte à
ce qu'il dit dans les Confessions24 à propos de ce qu'il avait cru
être la philosophie néoacadémicienne. Ce qu'a voulu faire l'auteur
du Contra Academicos au début de ce second livre, c'est présenter
l'image communément admise de la Nouvelle Académie, image
dont il va mettre en évidence toutes les contradictions philosophi
ques, avant d'affirmer qu'elle ne correspond pas à ce que fut l'éco
le d'Arcésilas et de Camèade. Cependant, à l'intérieur même de ce
livre, l'intervention d'Alypius25 constitue une première prise de
distance par rapport à la vulgate néoacadémicienne exposée et
réfutée par Augustin. Ainsi Alypius affirme26 que «la scission d'où
est née la Nouvelle Académie était dirigée moins contre l'Ancienne
doctrine que contre les Stoïciens», ce qui correspond à l'interpréta
tion de Métrodore et du Philon des livres romains. Il présente, en
fait, quelques uns des éléments à partir desquels Augustin élabore
ra son interprétation définitive.
C'est après avoir porté tout au long du second livre et dans la
première moitié du troisième de rudes coups à la philosophie du
doute systématique, qu'Augustin va révéler ce qu'il appelle totum
Academicorum consilium27, c'est-à-dire la théorie d'un enseigne
ment ésotérique à l'intérieur de l'Académie d'Arcésilas et de Car-
21 Contra Ac, II, 5, 11 : Et cum ab eodem lenone accepissent, nihil esse tur-
pius quant opinari, confecerunt callidissime, ut si nihil percipi posset, et esset opi
nano turpissima, nihil unquam sapiens approbaret.
22 Ibid., 12.
23 Ibid.
24 Cf. η. 20.
25 Contra Ac, Π, 6, 14-15.
26 Ibid., 14 : Nouae Academiae discidium, non tarn contra ueterem concep-
tum quam contra Stoicos arbitror esse commotum.
27 Ibid., III, 17, 37. Cf. notre article Scepticisme et dogmatisme . . .,
p. 344 sq.
642 QUELQUES REMARQUES SUR LE CONTRA ACADEMICOS
28 Ibid.
29 Ibid., 38 : prudentissime atque utilissime.
30 Ibid., 18, 40.
31 Ibid., 42.
32 Ibid., 17, 37 : audite iam paulo non quid sciant, sed quid existimem.
33 Ibid., 20, 43 : Ait enim Ulis morent fuisse occultandi sententiam suant, nec
earn cuiquam nisi qui secum ad senectutem usque uixisset aperire consuesse.
QUELQUES REMARQUES SUR LE CONTRA ACADEMICOS 643
39 Augustin, Lib. arb., II, 3, 7; Ciu. dei, XI, 26; Trin., XV, 12, 21, cf. E. Gil-
son, op. cit., p. 54-55.
BIBLIOGRAPHIE
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Chaque fois qu'elle existe, nous avons utilisé l'édition des «Belles-Let
tres»(Collection des Universités de France), en signalant, le cas échéant,
les modifications que nous avons apportées au texte ou à la traduction.
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111 f: p. 469, n. 97. Vit. be., 7, Ζ: p. 350, n.46; 13, 6 :
Fat., 568 c-d : p. 609, n. 71 ; 569 c-d : p. 434, n. 184; 15, 1 : p. 350, n. 47.
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Gar., 514 d: p. 412, n. 112. Contr., 7, 3, 9 : p. 73, n. 57.
Non posse, 8, 1091 d : p. 397, n. 68; Sext. Emp.
16, 1098 a-b : p. 426, n. 152; 1099 c-d : Hyp. Pyr., I, 3: p. 28, n.75; 8:
ibid.. p. 255, n.42; 33: p. 47, n. 160; 177:
Quaest. conu., VIII, 1, 717 d: p. 33, p. 630, n.6; 186: p. 630, n.6; 210:
n.97. p. 24, n.63; 218: p. 238, n.99; 220:
Reg. imp. apopht., 200 e : p. 81, p. 11, n. 7, p. 47, n. 160; 227 : p. 283,
n.94. n. 118; 230 : p. 47, n. 160; 232 : p. 257,
Ser. num., 550 d : p. 342, n. 17. n.9; 234: p. 9, n.2; 235: p. 296,
Sto. rep., 8, 1034 f : p. 148, n. 36; 10, n. 145; II, 4 : p. 232, n.84; 31 : p. 457,
1035 b: p. 348, n.40; 1035 f: p. 318, n.47; 81: p. 249, n. 18; 157: p. 315,
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Virt. mor., 12, 451 : p. 423, n. 144. 156-157: p. 256, n.47; 158: p. 279,
Porphyre n.105; 159: p. 35, n. 108; 159-165:
Abst., II, 20-32 : p. 43, n. 143; III, 25, p. 218, n.36; 160: p. 218, n.37; 163:
1-3 : p. 43, n. 143. p. 219, n.39; 164: p. 213, n.20; 165:
Pyrrhon (éd. Decleva Caizzi) p. 296, n.147; 171: p. 294, n. 142;
fg. 15 ab : p. 29, n. 82; fg. 53 : p. 27, 173: p. 289, n. 130; 176: p. 283,
n.69; fg. 61 d : p. 25, n.66; fg. 62 : n. 118; 211 : p. 395, n. 59; 227 : p. 224,
p. 25, n. 67. n.58; 229-231: p. 212, n. 15, 17, 18;
QUINTILIEN 241-252: p. 234, n.86; 242: p. 209,
Inst. or., I, 10, 8: p. 85, n.116; II, n. 8, p. 282, n. 112; 248 : p. 224, n. 59;
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n.116; VI, 4, 12: p. 172, n. 132; p. 226, n.62; 343: p. 301, n.4; 402:
pr. VIII, 13: p. 85, n.116; X, 1, 35: p. 233, n. 85; 408 : p. 225, n. 61, p. 230,
678 INDEX LOCORUM
η. 78; 409 : p. 236, η. 91; 416 : p. 257, Gèo., XV, 1, 61 : p. 27, n. 72; XVII,
η. 48; Vili, 70: p. 216, η. 29; IX, 1: 3, 22 : p. 33, n. 97.
p. 47, η. 160; 71-74 : p. 464, η. 73; 73 : Suétone
ibid., η. 74; 92-94 : p. 576, η. 73; 140 : Gram., 3: p. 79, n.84; 25: p. 77,
p. 43, η. 143; 162: p. 564, η. 28; 182: n. 74.
p. 47, η. 160; 182-190: p. 43, η. 142; TERENCE
190 : p. 578, η. 80; 396-7 : p. 224, η. 58; Ad., 68-70: p. 523, n. 104; 490:
397: p. 250, η. 22; XI, 73: p. 350, p. 615, n. 91.
η. 44; 96: p. 380, η. 11; 160-161: Eunuque, 591 : p. 447, n. 4.
p. 175, η. 142. Val. Max.
Speusippe Ill, 3, 7 ext. 3 : p. 101, n. 178; VIII,
fgs 34-37 Isn. Par. : p. 147, n. 32. 1,5: p. 328, n. 100.
Stobée Varron
Flor., LXXXII, 13, p. 188 M: p. 34, Ant. diu., fg. I, 54 Agahd : p. 555,
n. 106. n.67; XVI: p. 555, n. 63.
Eel, I, 41, 34, p. 267 M: p. 216, Ling, ht., VII, 28 : p. 463, η. 69; IX,
n.31; II, 6, 2, p. 14-15 M: p. 450, 1 : p. 77, η. 74.
n. 14; 3, p. 21 M : p. 342, n. 17, p. 488, Sat. Mén., Agathon(6) 6(Cèbe) : p. 77,
n.170; 4, p. 24 M: p. 577, n.74; 5, n. 76; fg. 551 Astbury : p. 135, n. 6.
p. 30 M: p. 496, n.3; 6, p. 39 M: Xénophon
p. 409, n. 103, p. 410, n. 107; p. 40 M : Mém., I, 1, 11-13 : p. 145, n. 22.
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p. 398; 243; 558-560.
- et la dialectique : p. 321-323; Brutus (M.Iunius): p. 75; 91-92; 124
-et l'éthique: p. 343; 352; 380; n. 272; 125; 130; 132; 143; 191-192;
382; 392; 393; 443; 453; 486; 500; 443.
501 ; 506; 510-514 (le problème de Q. Caecilius Metellus Numidicus :
la loi). p. 78.
Antipater de Tarse : p. 29, n. 81 ; 161 ; Calliclès : p. 124.
229; 407-413; 522, 531-532. Calliphon: p. 42; 350; 357; 361-363;
M. Antonius (Antoine, orateur) : p. 84- 390.
87; 94. Camèade : passim.
Apollonius Molon : p. 99, n. 165; 103. - différentes interprétations : p. 32-
Apulée : p. 146. 48;
Aratos de Soloi : p. 170; 541.
Arcésilas : passim. - le
l'ambassade
problème : de
p. 76-78
la connaissance
; :
- différentes interprétations : p. 9- p. 210; 218; 233; 246; 266-285;
32; 289-290; 295-298; 308; 314; 319;
- le
et
sa Camèade
dialectique:
problème : de
p. p.35-37;
la112;
connaissance:
319-324; - positions
321;
sa diuisio
344; :sur
350;
p. 353-360;
le souverain bien :
p. 230; 232; 243; 254-257; 259- p. 386-389;
265; 268-270; 278-282; 327; - critique du souverain bien stoï
- le problème de l'éthique: p. 413; cien: p. 408-413;
436; 544. - à propos du chagrin : p. 468 ;
680 INDEX NOMINUM ANTIQUORUM
180; 186-188; 191; 198; 208; 214- Plutarque: p. 2; 10; 13; 18, n.41; 47;
M'216;
Manilius:
222; 231.
p. 181. 57; 137; 179; 469; 609.
Polémon: p. 15; 20; 53; 147; 189;
Marc Aurèle : p. 43; 220; 222; 411. 344; 392; 416; 439.
L. Marcius Censorinus : p. 81. Pompée (Cn. Pompeius Magnus) :
M. Marcellus : p. 84. p. 122; 124, n.268; 134; 329; 585.
Melissos : p. 550. M. Pomponius : p. 77, n. 74.
Ménédème (rhét) : p. 85. Porphyre : p. 149, n. 39.
Métrodore de Scepsis : p. 86; 110. Posidonius: p. 104; 406; 455; 472;
Métrodore de Stratonice : p. 46-48 ; 478-479; 522.
56; 80; 151; 171; 267; 271-275; 293; Prodicos : p. 358.
296. Protagoras: p. 258; 307; 512.
Mithridate : p. 89. Pyrrhon: p. 4-6; 9; 17; 22-31; 110;
Mnésarque : p. 85. 179; 234; 255-256; 260-265; 269-
Q. Mucius Scaevola : p. 77, n. 76. 270; 293; 315; 341, n. 16; 342; 362;
P. Nigidius Figulus : p. 121, n. 255. 364-372; 417.
Pacuvius : p. 237, n. 94. Pythagore: p. 17; 79, n. 85; 95; 114-
Panétius: p. 44; 54; 76; 81, n. 95; 83; 115; 121, n. 255; 474; 555-556.
113; 114; 317; 428; 460-462; 472- Scipion Emilien (P. Cornelius Scipio
473; 477-478; 521-525; 560. Aemilianus): p. 76-77; 79; 81; 113;
L. Papirius Paetus : p. 124, n. 269; 116; 154; 438; 505-508.
p. 138, n. 52. P. Seruilius Geminus : p. 236.
Parménide : p. 289; 368, n. 107; 550. Q. Seruilius Geminus : p. 236.
Paul Emile (L. Aemilius Paullus) : Siron : p. 310.
p. 77, n. 74. Socrate: p.2; 12; 13, n. 17; 18, n.4;
Périclès:p. 100; 112. 19, n. 42; 21; 82; 111; 114; 120;
Persée : p. 77, n. 74. 142; 145; 150; 151; 159; 160; 172;
Philodème : p. 380, n. 11. 176; 237; 243; 258; 265; 269; 319-
Philon d'Alexandrie: p. 2; 18, n. 41; 321; 339; 341; 368, n. 107; 456.
56; 145; 168; 459; 466; 480; 516; Sophistes: p. 32; 34; 37; 86; 103,
561; 610. n. 187; 111; 115; 179; 219; 262;
Philon de Larissa : passim 284; 485-497; 510; 512; 513; 515.
- différentes interprétations : p. 48- Sosus: p. 191-193; 198.
51; Sotion: p. 24, n. 61.
- sa présence à Rome : p. 87-88 ; Speusippe : p. 20; 55; 146; 264; 397.
- influence sur Cicéron : 96-118; Sphairos : p. 216.
- source du Lucullus : 194-201 ; Staséas de Naples : p. 89.
- ses innovations : p. 290-300 ; Stilpon : p. 368, n. 107.
- sa « division » : p. 450. Straton de Lampsaque : p. 32 ; 538 ;
Pison (M. Pupius Calpurnianus Piso 544; 577-578.
Frugi): p. 89; 184; 360; 381; 425; P. Sulpicius Rufus : p. 317.
441. Terence: p. 112; 523, n. 104.
Platon : passim Thaïes : p. 550.
- racines plat, de la N.A. : p. 17-20; Théophraste: p. 14, n. 21; 31-32; 148;
264-266; 353; 382; 384; 551-552.
- platonisme de Cicéron: p. 68-70; Théomneste : p. 92.
119-121; Timon: p. 9: 23; 24, n. 61; 25; 27;
- leet problème
le De inuentione
de la justice
: p. 101-102;
: p. 496- 255; 261.
Tullia : p. 125.
508; Varron (M. Terentius) : p. 3; 75; 77;
89-90; 95; 105; 124; 132-137; 139-
- le
la Phèdre
Timée : : p.p. 567-571
divination :602-607.
582-583; ; 143; 145-152; 178; 181; 187-189;
191; 198; 199-200; 214-215; 226;
Plotin : p. 2; 55; 149, n. 39; 611. 553-554.
682 INDEX NOMINUM ANTIQUORUM
Xénocrate: p. 20; 147; 149; 150; 189; 214-217; 220; 223-240; 243; 249-
363; 544; 547; 556. 257; 259; 264; 309; 317; 325; 339;
Xénophane : p. 550. 392; 407-408; 416; 428; 433; 443;
Xénophon : p. 145. 452 ; 461 ; 479 ; 527 ; 529.
Zenon (stoïcien): p. 1; 15; 19; 36; 54; Zeuxis: p. 101-102.
75; 108; 148-149; 172; 177; 187-190;
INDEX DES PHILOSOPHES POSTÉRIEURS À L'ANTIQUITÉ
Bayle : p. 29, n. 80. n. 78; 60; 150; 175, n. 142; 176; 236;
Berkeley : p. 222. 467; 617-620.
Descartes : p. 227; 219; 239; 253; 298; Ortega y Gasset : p. 60.
611, n. 82; 617. Rousseau : p. 46.
S. Foucher : p. 59; 60, n. 4. J. de Salisbury : p. 59.
Hegel : p. 10, n. 5. F. Sanchez : p. 218; 269.
Hobbes: p. 46; 391.
Hume: p. 2; 45; 60. Schopenhauer : p. 398; 422.
Kant : p. 22; 60; 258; 275-276. Spinoza: p. 377; 404.
Kierkegaard : p. 6. Unamuno : p. 377.
Montaigne: p. 2; 24, n. 63; 28; 29, Valéry : p. 156; 159; 498; 560.
INDEX DES AUTEURS D'ARTICLES
ET OUVRAGES CRITIQUES
G. Achard: p. 633, η. 13. 32, 33; 76, η. 72; 90, η. 136; 95,
J.-M. André: p. 77, η. 76; 125, η. 276; η. 157; 98, η. 162; 104, η. 190; 115,
135, η. 32; 155, η. 65; 402, η. 84. η. 230; 125, η. 276; 144, η. 14; 146,
L. Alfonsi : ρ. 74, η. 61 ; 79, η. 82. η. 25; 149, η. 39; 150, η. 51; 155,
D. Amand : ρ. 594, η. 23; 612, η. 85. η. 65; 178, η. 158; 308, η. 28; 347,
W. S. Anderson : ρ. 93, η. 152. η. 36; 454, η. 33, 35; 509, η. 56; 516,
G. W. Ardley : ρ. 562, η. 19. η. 83; 554, η. 61 ; 555, η. 64, 67; 589,
Η. von Arnim : p. 9, η. 1 ; 19, η. 43; 33, η. 2.
η. 99; 47, η. 159; 103, η. 187; 109, Ε. Bréguet: p. 113, η. 221.
η. 205; 382, η. 15; 389, η. 44. E. Bréhier : ρ. 219, η. 40; 226, η. 63;
Ε. P. Arthur : ρ. 230, η. 80. 337, η. 2.
Ε. Asmis: p. 161, η. 91; 184, η. 14; Κ. Bringmann : ρ. 67, η. 30.
303, η. 13; 379, η. 5; 395, η. 58, 62. CO. Brink: p. 383, η. 19; 384, η. 24;
Α. Ε. Astin: p. 76, η. 71. 385, η. 26.
J. Atkinson : ρ. 480, η. 138. V. Brochard: p. 17, η. 39; 23, η. 60;
P. Aubenque : ρ. 102, η. 183. 24, η. 62; 26, η. 67; 27, η. 73; 34,
D. Babut: p. 147, η. 159; 52, η. 190; η. 103; 38, η. 118; 50, η. 176; 251,
102, η. 181; 146, η. 27; 412, η. 112; η. 22; 270, η. 81; 291, η. 137; 591,
414, η. 118; 423, η. 144; 474, η. 116; η. 8.
569, η. 48; 589, η. 4; 608, η. 68. J. Brunschwig : ρ. 209, η. 6 ; 379, η. 6 ;
Η. C. Baldry : ρ. 385, η. 27. 381, η. 12; 404, η. 86; 435, η. 139;
Η. Bardon : ρ. 79, η. 82, 84; 400, η. 79. 436, η. 191; 437, η. 196; 476, η. 124;
J.Barnes: p. 19, η. 43; 242, η. 114; 484, η. 154.
314, η. 50. C. Β. Brush : ρ. 60, η. 7.
Κ. Barwick : ρ. 99, η. 168; 109, η. 206. Κ. Büchner : ρ. 73, η. 55; 115, η. 230.
J. Beaujeu: p. 129, η. 2; 131, η. 10; R. Büttner : ρ. 79, η. 82; 80, η. 91 ; 273,
135, η. 31; 140, η. 58; 182, η. 4, 5, 9; η. 97.
183, η. 12; 247, η. 11; 617, η. 100. R. Bultmann : ρ. 167, η. 108.
E.Becker: p. 152, η. 51. W. Burkert: p. 73, η. 56, 57; 97,
W. Beierwates : ρ. 167, η. 108. η. 162; 116, η. 237; 119, η. 251.
M. Bellincioni : ρ. 398, η. 70; 427, U. Burkhard : ρ. 25, η. 63.
η. 155; 429, η. 163.
E. Berti : ρ. 504, η. 32. M. Burnyeat : ρ. 5, η. 12; 19, η. 43; 26,
η. 67; 39, η. 125.
R. Bett : ρ. 604, η. 54; 605, η. 57.
E. Bickel : ρ. 18, η. 41. G. Capone Braga : p. 24, η. 63 ; 258,
Ε. Bignone: p. 394, η. 56; 458, η. 50; η. 52; 271, η. 87; 278, η. 103.
566, η. 37; 613, η. 87. Α. Carlini : ρ. 18, η. 41.
G. Boissier : ρ. 136, η. 38; 429, η. 165. C. Chappuis : ρ. 54, η. 195; 353, η. 59.
Α. Bonhoeffer : ρ. 228, η. 66; 409, D. Charles : ρ. 346, η. 33; 427, η. 157.
η. 105. F. Charpin : ρ. 81, η. 95; 83, η. 101.
S. Botros : ρ. 591, η. 7. J.-M. Charrue : ρ. 611, η. 84.
Α. Bouché-Leclercq : ρ. 44, η. 146. F.-R. Chaumartin : ρ. 280, η. 107; 531,
P. Boyancé : ρ. 14, η. 21 ; 67; 68, η. 31, η. 133.
INDEX DES AUTEURS D'ARTICLES ET OUVRAGES CRITIQUES 685
I. G. Kidd: p. 356, η. 71; 406, η. 97; N. Madvig : p. 61, n. 9; 304, n. 15; 340,
407, η. 98. n. 10; 364, n. 89; 380, n. 11.
C. Kirwan : p. 637, η. 2. A. Magris : p. 612, n. 85; p. 614, n. 89.
F. Ν. Klein : p. 167, η. 108. J.P. Maguire: p. 509, n. 54; 512,
A. J. Kleywegt : p. 557, η. 1 ; 559, η. 9; n. 67.
572, η. 58, 61. H. I. Marrou : p. 520, n. 93.
U. Knoche : p. 73, η. 54. C. Martha : p. 34, n. 105; 390, n. 45.
Η. Koester : p. 509, η. 54. F. Marx : p. 83, n. 102, 103; 99, n. 166.
Η. J. Krämer : p. 11, η. 6; p. 20, η. 47, A. Meillet : p. 287, n. 126.
48; p. 21, η. 50; p. 31; p. 32, η. 94; S. Mekler: p. 46, n: 15.
147, η. 30; 236, η. 91; 314, η. 53; P. Merlan : p. 382, n. 16.
315, η. 56; 318, η. 69; 319, η. 71; H. J. Mette : p. 9, n. 1 ; 33, n. 98.
327, η. 99; 553, η. 52; 554, η. 54; A. Michel : p. 52, n. 185; 54, n. 198; 60,
555, η. 65; 571, η. 57. n. 4; 66, n. 27; 71, n. 45; 72, n. 47,
R. Kraut : ρ. 262, η. 64. 49; 84, n. 109; 90, n. 136; 92, n. 146;
W. Krenkel : ρ. 81, η. 95. 98, n. 163, 167; 102, n. 185; 105,
M. Kretschmar : ρ. 135, η. 32. n. 192; 109, n.207; 117, n.238; 121,
Α. Β. Krische : ρ. 139, η. 58; 153, η. 54; n. 258; 142, n. 7; 154, n. 62; 246,
189, η. 27; 194, η. 38. n. 9; 317, n.60; 329, n. 102; 338,
W. Kroll : ρ. 99, η. 166; 109, η. 205. n. 6; 347, n. 37; 376, n. 127; 387,
L. Krumme : ρ. 571, η. 56. n. 33; 445, n. 1, 2; 454, n. 33; 504,
Κ. Kumaniecki : ρ. 74, η. 61 ; 105, n. 32.
η. 192; 133, η. 25; 134, η. 28; 435. R. Miller- Jones : p. 457, n. 46; 463,
Η. E. Kyburg : ρ. 276, η. 102. n. 70.
J. Laborderie : ρ. 144, η. 17. E. L. Minar: p. 38, n. 119; 99, n. 165,
Υ. Lafranee : p. 273, η. 91. 167.
M. Laffranque : p. 479, η. 136. S. Mekler: p. 46, n. 157.
Ν. Lambardi : p. 96, η. 159. A. Momigliano : p. 95, n. 1 57.
R. Mondolfo : p. 208, n. 4.
M. Le Blond : p. 279, n. 106. P. Moraux: p. 75, n. 66; 322, n. 79;
C. Lefebvre : p. 458, n. 50. 324, n. 84; 384, n. 24; 498, n. 10;
U. Legeay : p. 63, n. 16. 500, n. 17.
F.Leo: p. 63, n. 18. J. Moreau: p. 17, n. 38; 147, n. 29;
E. Lepore : p. 506, n. 41. 365, n. 94; 366, n. 99; 568, n. 42, 43;
J. H. Lesher : p. 26, n. 68. 569, n. 50; 570, n. 52; 571, n. 57.
C. Lévy: p. 16, n. 34; 40, n. 128; 41, Moreschini: p. 125, n. 277; 286,
n. 135; 56, n. 201; 117, n. 239; 281, n. 122; 567, n. 41.
n. 111; 356, n. 72; 363, n. 87; 364, A. Mourant : p. 637, n. 2 ; 638, n. 9.
n. 90; 371, n. 117; 396, n. 66; 518, Mras : p. 552, n. 43.
n. 88; 641, n. 27. Müller : p. 256, n. 44.
. .
A. S. Pease: p. 44, n. 148; 461, n. 63; n. 85; 530, n. 127; 569, n. 48; 591,
463, n. 70; 541, n. 2; 558, n. 4, 5; n. 11; 596, n. 28; 613, n. 87.
559, n. 8, 9, 10; 560, n. 12; 566, H. Robinson : p. 419, n. 133.
n. 34. R. Robinson : p. 448, n. 32.
S. G. Pembroke : p. 377, n. 1 ; 383, G. Rodier: p. 543, n. 11.
n. 222; 386, n. 30. K. H. Rolke : p. 466, n. 83.
T. Penelhum: p. 617, n. 100; 618, M. Ruch : p. 101, n. 177; 129, n. 2; 130,
n. 102. n. 4; 152, n. 51; 153, n. 54; 156,
J. Pépin : p. 353, n. 59; 454, n. 33; 455, n. 72; 161, n. 92; 163, n. 98; 170,
n. 36; 554, n. 51. n. 118; 176, n. 150; 177, n. 154; 179,
J. Perret : p. 92, n. 149. n. 163.
H. Peter: p. 97, n. 161. J. de Romilly : p. 497, n. 6; 512, n. 67;
R. Philippson : p. 65, n. 23; 195, n. 43; 514, n. 74.
350, n. 4; 383, n. 19; 384, n. 23; 445, A. Russo : p. 40, n. 126.
n. 2; 472, n. 106; 560, n. 12. A. Rustow : p. 315, n. 56.
F. Picavet: p. 38, n. 117. D.Sachs: p. 498, n. 11.
J. Pigeaud : p. 395, n. 59; 420, n. 136; E. Saisset : p. 24, n. 63.
469, n. 100; 472, n. 109; 473, n. 110; S. Sambursky : p. 591, n. 7; 599, n. 36;
478; n. 134; 483, n. 153. 601, n. 44.
E. Pistelli : p. 33, n. 96. F. H. Sandbach: p. 211, n. 13; 226,
O. Plasberg : p. 140, n. 58; 340, n. 10. n. 65, 67, 69.
K. M. Sayre : p. 349, n. 43.
E. Plintoff : p. 27, n. 72. M. Schaefer : p. 348, n. 41.
M. Plezia: p. 98, n. 163; 139; 140, R. Schian : p. 463, n. 71.
n. 58; 172, n. 131; 195, n. 43. H. Schlottmann : p. 152, n. 51.
V. Pöschl : p. 504, n. 32. A. Schmekel: p. 45, n. 150; 525,
M. Pohlenz : p. 147, n. 159; 97, n. 160; n. 113; 561, n. 13.
226, n. 62, 63; 227, n. 68; 249, n. 16, W. Schmid : p. 65, n. 25.
18; 303, n. 13; 353, n. 59; 383, n. 19; C. Schmidt : p. 59, n. 2.
445, n. 2; 456, n. 41, 43; 472, n. 106; O. E. Schmidt : p. 107, n. 197.
473, n. 112; 480, n. 140; 509, n. 56; P. L. Schmidt: p. 97, n. 162; 113,
522, n.99, 101; 531, n. 130; 532, n. 121; 116, n. 237; 516, n. 81; 519,
n. 136; 560, n. 12. n. 91.
R. Poncelet : p. 96, n. 159; p. 210, n. 9. M. Schofield : p. 19, n. 43.
H. Ranft: p. 121, n. 258. W. Schubart : p. 18, n. 41.
G. Reale: p. 25, n.64; 27, n. 70; 369, D. Sedley: p. 5, n. 12; 48, n. 164; 52,
n. 110. n. 190; 267, n. 75; 379, n. 5; 547,
M. E. Reesor : p. 591, n. 7. n. 26; 598, n. 34.
O. Regenbogen : p. 382, n. 17. O. Seel : p. 69, n. 35.
J.S. Reid: p. 79, n. 82; 118, n.241; D. R. Shackleton Bailey : p. 181, n. 2.
130, n. 6; 134, n. 26; 139; 140, n. 58; R.W. Sharpies: p. 591, n. 7; 613,
141, n. 1 ; 145, n. 22; 228, n. 70; 233, n. 87.
n. 85; 260, n. 58; 286, n. 121; 310, H. E. Smokier : p. 276, n. 102.
n. 33; 312, n. 42; 340, n. 10, 13; 344, F. Solmsen : p. 32, n. 93; 99, n. 168.
n. 26; 392, n. 52. M. Soreth : p. 410, n. 109; 412, n. 113.
K. Reinhardt : p. 453, n. 28; 457, n. 44; J. Soubiran : p. 541, n. 2.
475, n. 122; 560, n. 12. L. Stein : p. 249, n. 18.
O. Rieth : p. 407, n. 100. F. Stok:p. 435, n. 187.
J. M. Rist: p. 233, n. 84; 250, n. 20; C. Stough : p. 38, n. 120.
388, n. 39; 429, n. 163; 437, n. 196; H. Strache : p. 54, n. 196; 346, n. 34.
594, n. 21. G. Striker: p. 19, n. 43; p. 22, n. 55;
L. Robin, n. 22, n. 51, 52, 53; 26, n. 67; p. 30, n. 85; 40, n. 127; 48, n. 163;
34, n. 104; 39, n. 123; 42, 130; 43, 223, n. 55, 56; 228, n. 71; 273, n. 97;
n. 143; 45, n. 153; 49, n. 165; 346, 384, n. 23; 407, n. 98, 100; 415,
n. 33; 369, n. 111; 500, n. 13; 517, n. 122.
INDEX DES AUTEURS D'ARTICLES ET OUVRAGES CRITIQUES 689
Pag.
Avant-propos IX
Introduction 1
Première partie
Conclusion 54
692 TABLE DES MATIÈRES
Pag.
Chapitre II - Cicéron et la Nouvelle Académie : origines et
évolution d'un choix 59
Deuxième partie
Le Lucullus 152
Le prœmium, p. 152; La mise en scène : la mer comme «exci
tantà douter», p. 157; Le discours de Lucullus, p. 159; Le
discours de Cicéron, p. 168.
TABLE DES MATIÈRES 693
Pag.
Chapitre III - Les sources 181
Troisième partie
LA CONNAISSANCE
Pag.
Doute et action : Cicéron fondateur du probabilisme? 276
Quatrième partie
L'ÉTHIQUE
Présentation 335
Pag.
Chapitre II - Nature et éthique dans le De finibus 377
ί'οίκείωσις 377
Modernité du problème : conatus spinoziste et « agonie » una-
munienne, p. 377; Ι/οΐκείωσις : origine et extension du
concept, p. 378.
La philosophie des passions dans les livres II, III et IV .... 468
La liberté de l'Académicien, p. 468 ; Monisme ou dualisme de
l'âme?, p. 472; De l'existence à l'idéal, p. 480.
Perfection et philosophie dans Tusc. V 485
Conclusion 492
Cinquième partie
LA PHYSIQUE
Pag.
Introduction 539
Introduction 589
Camèade dans le De fato 593
Camèade et le Phèdre 602
La tradition du Phèdre 607
L'originalité cicéronienne 614
Conclusion : la religion de Cicéron 617
Pag.
Interprétation d'ensemble de la Nouvelle Académie 623
Cicéron et la Nouvelle Académie 628
Bibliographie 645
Indices 671
Index locorum, p. 671; Index nominum antiquorum, p. 679;
Index des philosophes postérieurs à l'Antiquité, p. 683 ; Index
des auteurs d'articles et ouvrages critiques, p. 684.