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Fragmens.

Orphée, Homère, Hésiode, Pindare, Anacréon,


Sappho, Tyrtée, Stésichore, Solon, Alcée de
Mytilène, Ibycos, Alcman, Bacchylide de Céos,
Théocrite, Bion de Smyrne, Moschos, Callimaque
de Cyrène, Coluthos, Musée le Grammairien,
Tryphiodore, Apollonios de Rhodes, Pseudo-
Oppien, Oppien de Corycos, Synésios de Cyrène

Desrez, Paris, 1838

Exporté de Wikisource le 9 décembre 2020

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FRAGMENS D’ALCÉE.

I.

Jupiter nous inonde des pluies glaciales par torrents, le


ciel est obscurci par tous les frimas, bientôt l’hiver
enchaînera le cours des fleuves impétueux. Chassons ce
triste hiver en faisant briller nos foyers d’une flamme
étincelante, en remplissant nos coupes du vin le plus
délicieux.

II.

Buvons ! buvons ! Pourquoi attendre l’heure des


flambeaux, l’éclat du jour ne nous suffit-il pas ? Bacchus, le
joyeux fils de Jupiter et de Sémélé, nous a donné le vin pour
noyer nos peines dans l’oubli. Emplissez cette coupe,
emplissez-la jusqu’au bord ; inondez votre cœur de ce doux

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nectar : voici l’heure où va paraître l’astre qui dévore les
champs. Nous sommes au temps le plus enflammé de
l’année. Nos prairies dévorées par la soif invoquent la pluie.
C’est l’instant de nous enivrer : c’est l’instant de forcer les
plus sobres à boire à longs traits. Amis, plantons, plantons
la vigne de préférence à tout autre arbre.

III.

Pourquoi laisser notre âme se courber sous le poids des


chagrins. L’homme qui fléchit sous le malheur n’est plus un
homme. Dieu puissant de l’Inde, toi seul peux relever celui
qui souffre en le plongeant dans les délices de l’ivresse.

IV.

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Là roule sourdement le flot impétueux ; plus loin retombe
un autre flot qui s’élance avec fureur. Les vagues
déchaînées nous environnent de toutes parts, le noir navire
qui nous porte crie et se rompt sous le souffle impétueux
des enfants de Borée. Nous ne reposons plus que sur la mer
orageuse. C’est d’elle que dépend notre ruine. Toutes nos
voiles brisées pendant l’orage ont disparu. Les flancs de
notre navire sont fracassés : nous ne pouvons plus jeter
l’ancre.

V.

La pauvreté est un mal terrible, insupportable ; elle abat les


plus grands peuples quand elle se réunit à sa sœur
l’inquiétude.

VI.
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L’homme riche est un grand homme et le pauvre un
misérable sans aucune valeur.

VII.

Amis, profitez de l’histoire d’Admète ; ne vous attachez


qu’aux hommes estimables ; fuyez plus que la mort la
société des lâches : nul ne les respecte, pas même leurs
semblables.

VIII.

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Pourquoi l’homme ne peut-il percer de son regard tous les
voiles qui nous dérobent les replis secrets du cœur humain,
le voir tel qu’il est, le refermer ensuite et pouvoir alors
choisir son ami ?

IX.

Une écrevisse ayant vu prendre un serpent par une tortue ne


put s’empêcher de dire : « Si mon frère le serpent n’avait
pas usé de tant de détours et de sinuosités, il ne serait pas
mort. » Ce qu’il y a de mieux à faire c’est de marcher
toujours droit.

X.

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Pallas ! reine glorieuse, gouvernez toujours notre cité et nos
citoyens, sans douleur, sans trouble, sans jamais verser le
sang de nos frères. Et vous père des dieux, vous Olympie,
mère de l’abondance, accordez-nous les dons de Cérès.
Qu’ils nous soient apportés par les Heures éclatantes de
grâce sous leurs belles couronnes. Exaucez aussi mes vœux,
ô respectable Proserpine, et que Lesbos soit toujours
florissante en obéissant à vos saintes lois !

XI.

Je porterai mon glaive sous une branche de myrte ;


j’imiterai Harmodius et Aristogiton, qui immolèrent le tyran
et établirent dans Athènes l’égalité des lois. O généreux
Harmodius ! en quittant la terre tu n’es pas mort : tu vis
toujours dans ces îles bienheureuses où se trouvent Achille
aux pieds légers et l’intrépide fils de Tydée. Oui je porterai
mon glaive sous une branche de myrte comme le firent
Harmodius et Aristogiton lorsqu’ils tuèrent le tyran
Hipparque dans le temple des Panathénées. Que votre gloire
soit éternelle dans le monde, cher Aristogiton ! parce que

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vous avez tué le tyran et établi dans Athènes l’égalité des
lois.

XII.

Que ne suis-je une belle lyre d’ivoire, une lyre


resplendissante comme celles des belles Lesbiennes dans
nos fêtes solennelles ; que ne suis-je l’or le plus éclatant, et
qu’une femme brillant de tout l’éclat de ma beauté eût envie
de me porter sur son sein !

XIII.

À SA MAITRESSE.

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Buvez avec moi, vieillissez avec moi, portez des couronnes
avec moi. Folâtrez avec moi, soyez sage lorsque j’ai de la
sagesse. Mais prenez garde aux hasards dont la vie est
pleine. Il n’est pas de pierre sous laquelle un scorpion ne
puisse se glisser : craignez à chaque instant qu’il ne vous
surprenne. Il faut se défier de tout ce qui se cache sous les
ténèbres.

XIV.

Quand vous êtes au port et que la mer immense semble dans


sa colère battre les cieux, vous pouvez alors examiner de
sang-froid si vous avez la force de braver ces dangers, si
vous pouvez espérer de les éviter. Mais une fois lancé sur
les flots, vous ne pouvez plus revenir : il faut voguer et
suivre le vent qui vous entraîne.

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XV.

Il est deux sortes de pudeur, l’une salutaire, le plus précieux


ornement de la beauté, l’autre qui se change en honte, qui
mène à la peur et qui devient la ruine des familles.

FIN D’ALCÉE.

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