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Les Mille et une nuits

racontées à Bébé, par Mme


Doudet

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque municipale de Toulouse


Lefèvre, Théodore (pseud. Mme Doudet). Les Mille et une nuits
racontées à Bébé, par Mme Doudet. 1884.

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BIBLIOTHÈQUE DE BÉBÉ

LES

PAR MME DOUDET

PARIS
LIBRAIRIE DE THÉODORE LEFÈVRE ET C
ÉMILE GUÉRIN, ÉDITEUR
RUE DES POITEVINS
ORDRE DES CONTES

ALADIN OU LA LAMPE MERVEILLEUSE.

ALI-BABA ET LES QUARANTE VOLEURS.

LE CHEVAL ENCHANTE.

HISTOIRE D'ALI-COGIA, MARCHAND DE BAGDAD.

LE PECHEUR ET LE GENIE.

LES TROIS MERVEILLES.

HISTOIRE DU DORMEUR ÚVEILLÉ.


ALADIN
OU LA LAMPE MERVEILLEUSE
nurent l'aisance pour la première fois Il paraissait avoir pris Aladin en
de leur vie, et de riches vêtements grande affection et, presque chaque
remplacèrent les misérables haillons jour, il faisait avec l'enfant une pro-
qui les couvraient. menade à travers la ville, le rensei-
Ayant su, par ses bienfaits, gagner gnant complaisamment sur tout ce
la confiance et l'amitié de ceux qu'il qu'il ignorait, lui donnant de sages
appelait sa belle-sœur et son neveu, conseils, agissant en un mot comme
le magicien venait souvent s'asseoir à eût fait un oncle véritable.
leur table : il captivait leur attention Un matin, il dit à Aladin qu'il voulait
par le récit de ses voyages. lui montrer de belles choses, comme

il n'en avait jamais vu, et il l'em- découvert une grosse pierre munie
mena bien loin, bien loin, hors de la d'un anneau.
ville. Après une longue marche, ils Ala-
— Prenez cet anneau, dit-il à
arrivèrent en un endroit désert. Là, din stupéfait de ce qu'il venait de voir,
s'étant arrêté, le magicien alluma un et levez la pierre, en prononçant le
grand feu d'herbes sèches. Après y nom de votre père ; elle viendra à vous
avoir jeté une pincée d'une poudre sans peine.
qu'il avait sur lui, il prononça quel- Aladin obéit et souleva en effet sans
ques paroles cabalistiques. Au même effort la lourde pierre. Elle fermait
instant, la terre s'ouvrit et laissa à l'entrée d'un caveau dans lequel un
escalier de quelques marches donnait tal; de rouges, de verts, de bleus, de
accès. violets, de jaunes. Les blancs étaient
— Mon neveu, dit le magicien, vous des perles; les luisants et transpa-
allez descendre dans ce souterrain qui rents, des diamants; les rouges, des
communique avec trois salles voûtées, rubis; les verts, des émeraudes; les
dans lesquelles vous verrez des vases bleus, des turquoises; les violets, des
remplis d'or et d'argent. Mais gardez- améthystes; les jaunes, des saphirs;
vous bien d'y toucher, car vous péri- et ces fruits étaient tous d'une grosseur
riez à l'instant. et d'une perfec-
Après avoir tra- tion telles qu'on
versé ces salles, n'avait encore
vous pénétrerez rien vu de pareil
dans un grand au monde.
jardin dont les ar- Aladin, qui n'en
bres sont chargés connaissait pas la
de fruits magni- valeur, ne fut pas
fiques dont vous touché à la vue
pourrez cueillir de ces fruits qui
la quantité qui n'étaient point de
vous fera plaisir. son goût, comme
Vous verrez dans l'eussent été des
une niche une figues, des raisins
lampe allumée et les autres fruits
que vous m'ap- excellents qui
porterez. sont communs en
Et il lui mit Orient. Il s'ima-
au doigt un an- gina que tous ces
neau destiné à le fruits n'étaient
protéger contre que du verre
tout ce qui pour- coloré et qu'ils
rait lui arriver de mal. ne valaient pas davantage.
Aladin fit ainsi que lui avait dit le Néanmoins, la diversité de tant de
magicien. Arrivé,dans le jardin, il prit belles couleurs, la beauté et la gros-
la lampe dans la niche, l'éteignit et la seur extraordinaires de chaque fruit
mit dans une poche de son habit. lui donnèrent envie d'en cueillir de
Il s'arrêta ensuite à considérer les toutes les sortes. En effet, il en prit
fruits extraordinaires dont les arbres plusieurs de chaque couleur et il en
du jardin étaient chargés. Chaque emplit ses poches; il en enveloppa
arbre en portait de différentes cou- même dans les plis de sa ceinture
leurs : il y en avait de blancs, de lui- qui était d'une étoffe de soie très
sants et transparents comme du cris- ample. Ainsi chargé de richesses sans
le savoir, il lui apparut.
revint sur — Que me
ses pas. Ar- veux-tu? dit
rivé en haut il à Aladin;
de l'escalier, me voici prêt
il demanda àt'obéircom.
à son oncle me ton es-
de l'aider à clave et l'es-
sortir du clave de tous
trou. ceux qui ont
— Donnez- l'anneau au
moi lalampe doigt.
auparavant, En tout
répondit le autre temps
magicienqui et en tout
avait hâte autre occa-
de posséder sion, Ala-
cette lampe din, qui n'é-
dont vous tait pas ac-
connaîtrez coutumé à
plus tard la de pareilles
propriété. visions, eût
Il avait en- pu être saisi
voyé Aladin de frayeur
la chercher, et perdre la
au lieu d'y aller lui-même, parce que parole; mais, occupé uniquement du
tout autre qu'Aladin eût péri en danger où il était, il répondit sans
la prenant dans la niche où elle se hésiter :
trouvait. — Qui que tu sois, fais-moi sortir
Aladin, qui était entêté, répondit à de ce lieu, si tu en as le pouvoir.
son oncle qu'il lui donnerait la A peine eut-il prononcé ces mots
lampe lorsqu'il serait hors du tpou. que la terre s'ouvrit et qu'il se trouva
Furieux de cette résistance, le magi- hors du caveau et à l'endroit juste-
cien prononça des paroles magiques ment où le magicien l'avait amené.
et aussitôt le caveau se referma. Lorsque ses yeux purent soutenir
Le pauvre enfant était depuis deux l'éclat du grand jour, il se tourna du
jours dans l'obscur souterrain, en proie côté de la ville et l'aperçut au loin.
aux tortures de la faim, lorsque, en Il reconnut le chemin que le nlagi-
joignant ses mains pour implorer Dieu, cien lui avait fait suivre et il put arri-
il frotta par hasard l'anneau qu'il por- ver jusqu'à la maison où il demeurait.
tait au doigt. Au même instant, un génie En entrant chez sa mère, la joie
de la revoir et la faiblesse dans la- sable fin, elle se mit à la frotter. Au
quelle il était de n'avoir pas mangé même instant, apparut devant elle un
depuis près de trois jours, lui cau- génie de taille gigantesque qui lui dit
sèrent un évanouissement qui dura d'une voix tonnante :
quelque temps. Sa mère, qui l'avait — Que me veux-tu ? me voici prêt à
déjà pleuré comme perdu ou comme t'obéir comme ton esclave et l'esclave
mort, en le voyant en cet état, ne de tous ceux qui ont la lampe à la
négligea aucun soin pour le faire main.
revenir. Dès qu'il eut recouvré ses Quoique bien effrayée, elle eut la
esprits, il se réconforta par un bon présence d'esprit de dire qu'elle dési-
repas et put ensuite raconter à sa rait avoir de quoi manger.
mère ce qui venait de lui arriver. Le génie disparut et, un moment
Quand il eut achevé, elle éclata en plus tard, il revenait chargé d'un grand
injures contre l'imposteur qui s'était bassin et de douze plats de métal rem-
dit le frère de son mari. plis des mets les plus exquis. Après
Au bout de quelque temps, les res- avoir déposé le tout au milieu de la
sources lais- salle, il dis-
sées par le parut de nou-
magicien se veau.
trouvant Aladin et
épuisées, Ala- sa mère fi-
din dit à sa rent un repas
mère qu'il tel qu'ils n'en
allait essayer avaien t ja-
de vendre la mais fait de
lampe qu'il leur vie et
avait rappor- après lequel
tée du sou- il leur resta
terrain. encore de
— La voi- quoi vivre
là, répondit- largement
elle, mais elle pendant deux
est bien sale; jours.
pour peu Lorsque les
qu'elle soit provisions fu-
nettoyée, je rent épuisées,
crois qu'elle Aladin porta
aura plus de un des plats
valeur. chez un orfè-
Et, prenant vre pour le
de l'eau et du vendre. Ce-
lui-ci, après l'avoir examiné et pesé, au sultan lui offre un présent. Avons-
déclara qu'il était d'argent pur et va- nous quelque chose qui soit en pro-
lait soixante-douze pièces d'or, qu'il portion de la requête que vous me
compta sur-le-champ à Aladin, très dites de lui adresser?
étonné que ce plat eût une telle valeur. offrir au
— Ma mère, vous pourrez
Aladin et sa mère vécurent ainsi sultan un présent digne de lui. Vous
plusieurs années, en vendant au fur et rappelez-vous ces fruits transparents
à mesure les que j'ai rap-
plats et le bas- portés du sou-
sin d'argent. terrain et que
Lor squ' ils nouspensions
eurent tout être des ver-
vendu, ils res colorés?
eurentdenou- J'ai app-pis, en
veau recours fréquentant
à la lampe des joailliers,
magique qui que ce sont
devint pour des pierre-
eux une sour- ries d'un prix
ce intaris- Inestimable.
sable de ri- Il insista
chesses. tellement que
Un jour, sa mère prit
Aladin se lespierreries,
trouva sur les mit dans
le passage de un linge et se
lafille du rendit au pa-
sultan, jeu- lais. Introdui-
ne princesse te auprès du
d'une éblouis- sultan, elle
sante beauté; s'inclina pro-
il en devint fondément
éperdument amoureux et il supplia sa devant lui et, tenant toujours à la main
mère d'aller au palais demandep au le linge qui renfermait les pierreries,
sultan la main de sa fille. elle lui exposa humblement la de-
La mère d'Aladin représenta bien à mande téméraire de son fils.
son fils quelle folie ce serait pour de Le sultan écouta la mère d'Aladin
petites gens comme eux d'élever leurs avec beaucoup de douceur et de bon té,
prétentionsjusqu'à 1a fille du souverain. sans donner aucune marque de co-
— Vous savez qu'il est d'usage que lère ou d'indignation et même sans
celui qui a quelque grâce à demander prendre sa demande en raillerie. Avant
de lui répondre, il s'informa de ce Mais il avait compté sans la lampe
qu'elle portait enveloppé dans un merveilleuse qui, cette fois encore,
linge. Aussitôt elle en vida le con- vint au secours d'Aladin.
tenu dans un vase qui se trouvait au Aussi put-il à peine en croire ses
pied du trône. yeux lorsque, le lendemain, il vit en-
On ne saurait exprimer la surprise trer au palais quarante esclaves ha-
et l'admiration du sultan lorsqu'il vit billés magnifiquement, portant chacun
rassemblées dans ce vase tant de pier- un grand bassin d'or massif, plein jus-
reries si précieuses et si parfaites. qu au bord de diamants, de perles, de
Quand il les eut examinées, il s'a- rubis et d'émeraudes, de la plus grande
dressa à la mère d'Aladin : beauté.
— Ma bonne femme, lui dit-il, allez Derrière eux, venait Aladin qui, se
annoncer à votre fils que j'agrée sa de- prosternant devant le sultan, le supplia
mande et qu'il deviendra mon gendre de lui accorder la main de la princesse.
dès qu'il m'aura envoyé quarante Le sultan tint sa parole. Les noces
grands bassins d'or massif pleins de furent célébrées avec la plus grande
pierreries semblables à celle que vous pompe. A la mort du sultan, sa fille
venez de m'apporter. lui succéda et partagea la puissance su-
Il pensait mettre à si haut prix la prême avec Aladin. Les deux époux
main de sa fille qu'Aladin serait forcé régnèrent ensemble pendant de lon-
de renoncer à son extravagant projet. gues années, chéris de tous leurs sujets.
ALI-BABA ET LES QUARANTE VOLEURS
Les cavaliers, qui étaient au nombre Elle s'ouvrit toute grande et il entra.
de quarante, mirent pied à terre non Ali-Baba fut surpris de se trouver
loin de là et attachèrent leurs che- dans une grotte spacieuse et éclairée
vaux à des arbres. Chacun d'eux ayant par d'étroites ouvertures pratiquées
pris derrière la selle de sa monture dans le haut du rocher. Cette grotte
un sac qui paraissait fort pesant, ils renfermait des monceaux de richesses
s'approchèrent tous d'un rocher es- de toutes espèces et surtout une im-
carpé qui se trouvait précisément à mense quantité de sacs d'or monnayé.
côté de l'arbre où Ali-Baba était caché. Émerveillé, Ali-Baba alla chercher
Il ne s'était pas trompé : ces hom- ses trois ânes et les chargea de sacs
mes étaient bien des voleurs qui, sans de pièces d'or qu'il prit la précaution
de dissimuler
sous des bran-
chages. Il partit
ensuite pour la
ville, après avoir
refermé la porte
du rocher au
moyen des paro-
les magiques que
nous connaissons.
Lorsqu'il mon-
tra à sa femme
l'or qu'il appor-
tait, celle-ci ne
put en croire ses
yeux. Comme il
eût été trop long
même, une porte s'ouvrit dans le ro- de compter une à une tant de pièces
cher. Lorsque tous les voleurs furent de monnaie, elle pensa que le plus
entrés, elle se referma derrière eux. simple serait de' les mesurer : mais,
Au bout d'un temps assez long ils n'ayant pas de boisseau, elle alla prier
en sortirent tous, mais sans leurs sacs. Cassim de lui en prêter lIn.
Lorsqu'ils furent dehors, le chef dit Cassim n'étant pas chez lui, elle
à la porte : « Sésame, referme-toi! » s'adressa à sa femme. Celle-ci, con-
et celle-ci se referma aussitôt. naissant la pauvreté de son beau-frère
Les quarante voleurs partis, Ali- et curieuse de savoir quelle espèce de
Baba descendit de son arbre et, cu- grains il pouvait avoir à mesurer, eut
rieux de voir ce qu'il y avait à l'inté- l'idée d'appliquer adroitement du suif
rieur du rocher, il s'approcha de la au-dessous de la mesure.
porte et dit : « Sésame, ouvre-toi! » Dès que la femme d'Ali-Baba eut
mesuré tout l'or, elle reporta le bois- primable lorsqu'elle vit qu'Ali-Baba
seau chez sa belle-sœur, sans s'aper- avait de l'or en quantité telle qu'il
cevoir que deux pièces de monnaie y était obligé de le mesurer. Elle en fit
étaient restées attachées. part à son mari qui en conçut une ja-
L'étonnement de celle-ci fut inex- lousie mortelle.

Le soir même, Cassim vint trouver couverte qu'il avait faite et même des
Ali-Baba et, lui montrant les pièces paroles magiques qui ouvraient et re-
d'or attachées au-dessous du boisseau, fermaient la caverne de voleurs.
il lui demanda d'où lui venait tout Dès le lendemain matin, l'avide
cet or. Ali-Baba, poussé par son bon Cassim partit pour la grotte avec dix
naturel, instruisit son frère de la dé- mulets. Grâce aux paroles cabalis-
tiques que lui avait indiquées son frère, ché à la rassurer, partit sans retard
il ouvrit la porte du rocher qu'il re- pour la forêt avec ses trois ânes.
ferma derrière lui, lorsqu'il eut pé- Lorsqu'il vit le corps mutilé de son
nétré dans l'intérieur de la grotte. frère, il comprit que le malheureux
Les richesses qu'il vit dépassaient avait été surpris par les voleurs. Dési-
de beaucoup ses espérances. Après les reux de lui rendre les derniers devoirs,
avoir bien examinées, il mit en tas les il plaça les restes de Cassim sur l'un de
sacs d'or qu'il se proposait d'emporter ses ânes et, après avoir chargé les deux
et il se disposa à sortir pour les charger autres sacs pleins d'or, il reprit le
sur ses mulets. S'approchant de la chemin de la ville.
porte, il va pour prononcer les mots Il ne fit entrer chez lui que les deux
qui servent à l'ouvrir, mais il se trouve ânes chargés d'or et conduisit l'autre
qu'il les a oubliés. Il a chez sa belle-sœurdont
beau chercher, il lui le désespoir fut indes-
est impossible de se criptible à la nouvelle
les rappeler; force lui de la mort tragique de
est donc de rester en- son époux.
fermé. Comme il importait
Le soir, les voleurs que personne ne se
revinrent au rocher et doutât de l'existence
surprirent Cassim. de la gpotte, Ali-Baba
Sans écouter ses sup- résolut de ne pas faire
plications, ils lui Ôtè- connaître aux autori-
rent la vie sur-le- tés de la ville de quelle
champ. Ils ne s'expli- façon était mort Cas-
quèrent pas comment sim. Il fallait pour
quelqu'un avait pu cela que tout le
avoir connaissance du monde crût qu'il était
secret de leur cachette, et, pour épou- mort naturellement.
vanter quiconque voudpait tenter d'y Parmi les esclaves de Cassim, se
pénétrer, ils firent quatre parties du trouvait une jeune fille fort intelli-
cadavre de Cassim, et les placèrent gente, nommée Morgiane. Ali-Baba
à dpoite et à gauche de la porte, à lui dit de quoi il s'agissait.
l'intérieur de la grotte. Ceci fait, ils Morgiane commença par répandre
partirent, sans s'être aperçus qu'il leur adroitement dans la ville le bruit que
manquait les sacs qu'Ali-Baba avait son maître venait d'être pris d'un mal
emportés. subit, puis qu'il venait de mourir.
La femme de Cassim, ne voyant pas Le lendemain, au lever du soleil, elle
revenir son mari, fut dans une grande alla trouver un savetier très âgé et
inquiétude. Elle fit part de ses alar- fort habile dans son métier.
mes à Abi-Baba qui, après avoir cher- — Moustafa, lui dit-elle; prenez ce
qui vous est nécessaire pour coudre la chambre où l'on avait déposé le
et venez avec moi, mais à la condi- corps. Le lui montrant, elle lui dit :
tion que je vous banderai les yeux — Moustafa, je vous ai amené ici
pour faire le chemin. pour recoudre ces quatre quartiers.
Le savetier fit quelques difficultés, Quand vous aurez fini, je vous don-
mais une pièce d'or le décida. Il se laissa nerai une autre pièce d'or.
bander les yeux et Morgiane le condui- Le savetier se mit à la besogne et s'en
sit jusqu'à la maison de son maître. acquitta parfaitement. Lorsqu'il eut
Elle ne lui enleva le bandeau que dans terminé, Morgiane lui donna la pièce

d'or promise, lui banda de nouveau les Laissons Ali-Baba jouir de ses ri-
yeux et le reconduisit à son échoppe. chesses et parlons des quarante vo-
De cette façon, Cassim fut enterré leurs. Un mois environ après le jour
sans qu'il parût rien de la manière dont où ils avaient tué Gassim, ils revinrent
il était mort. Quelques jours après, sa à la grotte. Leur étonnement fut grand
veuve retourna dans sa famille qui quand ils ne retrouvèrent plus les
habitait une ville voisine. Ali-Baba restes mutilés qu'ils y avaient laissés ;
vint occuper l'ancienne demeure de il augmenta encore lorsqu'ils cons-
son frère, gardant à son service Mor- tatèrent la disparition de nombreux
giane dont il avait pu apprécier le dé- sacs d'or, car Ali-Baba était venu en
vouement et l'intelligence. prendre presque chaque jour.
— Quelqu'un encore connaît le de Moustafa qui travaillait encore sans
secret de notre cachette, dit le capi- lumière, bien que la nuit fût presque
taine. Il faut le découvrir et le faire tombée. Il lia conversation avec lui,
périr. Qui de vous veut se rendre à la s'étonnant qu'à son âge il eût encore
ville pour le rechercher? la vue aussi bonne.
Plusieurs s'étant offerts, le capitaine — Que direz-vous donc, répondit le
choisit le plus adroit. Celui-ci se dé- savetier, quand vous saurez que j'ai
guisa en marchand et se rendit à la recousu un mort alors que le jour était
ville. Un soir, il passa devant l'échoppe à peine levé?

Voyant qu'il était sur la piste qu'il savetier qui, -uin bandeau sur les yeux,
cherchait, notre voleur demanda au conduisit le voleur à travers la ville.
savetier de lui montrer la maison où — Nous devons être arrivés, dit-il
il avait fait une si étrange besogne. en s'arrêtant devant la maison de Cas-
— Je l'ignore, car l'on m'y a con-
sim où demeurait Ali-Baba.
duit les yeux bandés. Le voleur fit une marque sur la porte
— Eh bien ! reprit le voleur, lais- de cette maison et courut annoncer la
sez-vous encore bander les yeux et bonne nouvelle à ses compagnons.
peut-être vous souviendrez-vous du Le lendemain matin, Morgiane re-
chemin que l'on vous a fait faire. marqua le signe fait sur la porte. Pen-
Quelques pièces d'or décidèrent le sant que cette marque pouvait avoir
été faite dans une mauvaise intention, aux voleurs de reconnaître la maison
elle fit le même signe sur toutes les d'Ali-Baba. Aussi le capitaine prit-il le
portes des environs. parti de se faire conduire lui-même
De cette façon, il fut impossible par le savetier et de bien fixer dans sa

mémoire le chemin que celui-ci lui à l'intérieur de chacun d'eux, il fit ca-
faisait prendre et l'aspect de la maison. cher un des voleurs. Un seul des vases
Lorsqu'il sut reconnaître la maison était plein d'huile.
d'Ali-Baba, il acheta vingt mulets et S'étant lui-même déguisé en mar-
quarante grands pots de grès. Il mit chand, il se rendit à la ville avec ses
deux de ces pots sur chaque mulet et, mulets chargés comme nous venons
de le dire, et passa devant la maison qu'elle approcha du premier pot de
d'Ali-Baba. Celui-ci se trouvait devant grès, elle entendit le voleur qui y était
sa porte. renfermé lui dire : « Capitaine, est-il
— J'amène, lui dit-il, cette huile temps? »
pour le marché de demain et je ne sais Morgiane sut maîtriser sa frayeur
où loger dans cette ville que je ne et, contrefaisant sa voix, elle répon-
connais pas. Vous m'obligeriez en me dit : « Pas encore, mais bientôt ! »
recevant chez vous, avec ma marchan- Et, passant devant chaque pot, elle
dise, jusqu'à demain matin. entendit la même question et fit la
Ali-Baba était très hospitalier; met- même réponse. Arrivée devant le qua-
tant aussitôt sa maison à la disposi- rantième vase, qui était plein d'huile,
tion du prétendu marchand d'huile, elle y remplit sa cruche, puis remonta
il fit conduire les mulets à l'écurie à sa cuisine. Elle versa cette huile dans
et placer les pots dans le jardin. une marmite, et la mit sur le feu. Lors-
Le soir de ce jour-là, Morgiane qu'elle fut bouillante, elle alla en ver-
vit, dans le jardin, le capitaine don- ser sur la tête de chaque voleur. De
ner ses dernières instructions à ses cette façon, ils périrent tous brûlés.
hommes enfermés dans les vases de Lorsque le chef des voleurs vint
grès. Elle crut qu'il s'assurait que sa chercher ses hommes et qu'il les vit
marchandise était bien en ordre. tous morts, il comprit que son projet
Un peu plus tard, la lampe qui éclai- avait été déjoué et ne songea qu'à s'en-
rait la cuisine vint à s'éteindre faute fuir. Ayant voulu escalader le mur,
d'huile. Morgiane n'en avait plus et il tomba si malheureusement qu'il se
elle eut l'idée d'en prendre dans un tua.
des vases déposés dans le jardin, se Pour récompenser Morgiane de son
disant que son maître la paierait au intelligence et de son dévouement, Ali-
marchand le lendemain matin. Baba lui donna la liberté et la maria à
Elle descendit donc au jardin. Lors- son fils.
Un certain roi de Perse était si cu- palme qu'il était allé cueillir à trois
rieux de tout ce qui tenait du mer- lieues de distance de la ville, dans le
veilleux qu'il avait l'habitude de ré- seul endroit des environs où l'on pût
compenser avec la plus grande libéra- trouver des palmiers.
lité ceux qui pouvaient lui montrer Émerveillé, le roi demanda à l'In-
des choses extraordinaires. dien à quelle somme il fixait le prix
Un jour, un Indien lui amena un de son cheval. Celui-ci répondit qu'il
cheval artificiel doué de la faculté mer- ne voulait pas le vendre, mais qu'il ne
veilleuse de pouvoir transporter, en le donnerait qu'en échange de la main
quelque lieu que ce soit et avec la ra- de la princesse, fille du roi.
pidité d'une flèche, quiconque connaî- Le roi avait un si vif désir de pos-
trait la manière de s'en servir. Pour séder le cheval enchanté, qu'il parut
convaincre le roi, il sauta en selle, hésiter sur le parti qu'il devait prendre ;
tourna une cheville placée au cou du mais son fils, Firouz-Schah, que la pro-
cheval, et, à l'instant même, cheval position de l'Indien avait indigné, lui
et cavalier s'élevèrent à une si grande représenta qu'un homme d'une aussi
hauteur dans les airs que le roi et sa basse naissance ne pouvait devenir le
cour les perdirent de vue. gendre d'un roi de Perse.
Il y avait à peine un quart d'heure — Vous avez raison, répondit le roi,
que l'Indien était parti quand on le mais je pense que cet Indien n'a pas
vit reparaître, tenant à la main une dit son dernier mot et qu'il renoncera
sa prétention extravagante. Avant la dernière discussion du marché, je souhai-
terais que vous fissiez vous-même l'essai de ce cheval pour que vous m'en
disiez votre sentiment.
Dans l'espoir que le prince deviendrait
favorable à sa demande, l'Indien n'eut
garde de refuser. Le fils du roi sauta en
selle et aussitôt tourna la cheville qu'il
avait vu l'Indien tourner peu de temps
auparavant. Au même instant, il fut enlevé
avec la rapidité d'une flèche et bientôt
disparut dans les airs.
L'Indien exposa au roi que le prince ve-
nait de commettre une grande imprudence
en partant sans écouter les instructions
qu'il voulait lui donner sur la manière
d'arrêter le cheval et de le faire revenir
en arrière. Le roi dit alors à l'Indien que
sa tète répondrait de la vie du prince, et
il le fit saisir par ses gardes.
En moins d'une heure, Firouz-Schah
se vit si haut qu'il ne distinguait plus rien
sur la terre. Il songea alors il revenir au
lieu d'où il était parti et, pour cela, il
imagina de tourner à contresens la
même cheville, mais le cheval n'en con-
tinuait pas moins sa course vertigineuse.
Après avoir tourné plusieurs fois en vain
cette cheville, il désespérait de pouvoir ja-
mais s'arrêter lorsque, vers le soir, il aper-
eut une autre cheville qu'il n'avait pas -
encore remarquée. Il la tourna et aussitôt
le cheval se mit à descendre. La nuit était
arrivée; il fut impossible au prince de
voir où il allait tomber.
Au bout d'un temps assez long, le cheval
s'arrêta et Firouz mit pied à terre. Après
avoir cherché à reconnaître, au milieu des
ténèbres, le lieu où il se trouvait, il vit qu'il
était sur la terrasse d'un palais. Il décou-
vrit aussi un escalier dans lequel il s'en-
gagea, espérant rencontrer quelqu'un qui
pùt lui donner à manger, car il avait que celui-ci serait heureux de connaître
grand' faim. sa future belle-fille, il supplia la prin-
Il arriva ainsi dans une salle faible- cesse de l'accompagner. Elle accepta et
ment éclairée où reposait, sur un lit tous deux prirent place sur le cheval
magnifique, une princesse d'une si enchanté qui, en un instant, les enleva
merveilleuse beauté qu'il en tomba dans les airs. Firouz le gouverna si bien
amoureux dès qu'il la vit. Le bruit qu'au bout de quelques heures ils étaient
qu'il avait fait en entrant ayant réveillé arrivés à peu de distance de la capitale
la princesse, il se prosterna devant de la Perse. Tournant la cheville placée
elle, lui dit qu'il était près de l'oreille droi-
le fils du roi de Perse te du cheval, le prince
et lui raconta l'aven- le fit arrêter à la porte
ture extraordinaire d'un palais situé aux
qui venait de lui environs de la ville.
arriver. Il y installa sa fiancée
Elle lui répondit et, monté sur un che-
qu'elle-même était la val ordinaire qu'il fit
fille du roi de Ben- seller, il se dirigea
gale et elle mit son seul vers le palais de
palais à sa disposi- son père.
tion. Après lui avoir Le roi de Perse re-
fait donner à man- çut son fils en versant
ger, elle ordonna des larmes de joie.
qu'on le conduisît Le voyant sain et
dans un apparte- sauf, il donna aussi-
ment du palais. tôt l'ordre de mettre
Le lendemain, l'Indien en liberté.
lorsqu'il fut bien re- Lorsqu'il eut ra-
posé, Firouz-Schah conté à son père tout
alla présenter ses ce qui lui était arrivé
hommages à la prin- depuis le jour où le
cesse et au roi son père. Le prince de cheval enchanté l'avait enlevé dans
Perse vécut ainsi quelque temps très les airs, Firouz-Schah ajouta qu'il
heureux à la cour de Bengale, appré- avait amené avec lui la princesse de
ciant chaque jour davantage les quali- Bengale qu'il désirait épouser et il
tés de la princesse. Ayant conçu le pro- le supplia de lui accorder son con-
jet de l'épouser, il s'en ouvrit au roi sentement. Le roi, qui aimait beau-
ainsi qu'à elle-même et fut agréé. coup son fils, fixa la célébration du
Rempli de joie, il résolut de retour- mariage au lendemain.
ner sans délai en Perse pour obtenir le L'Indien avait juré de se venger de
consentement de son père. Pensant la captivité qu'il avait subie. A peine
sorti de prison, il apprit que le prince devait épouser. Il se rendit aussitôt au
Firouz avait ramené du Bengale une palais où elle se trouvait et se présenta
princesse merveilleusement belle qu'il au concierge comme envoyé par le roi

pour lui amener sur le cheval enchanté guisé en derviche, il partit le jour
la fiancée du prince. Celle-ci prit place même à sa recherche.
en croupe derrière l'Indien et, immé- L'Indien n'arrêta son cheval que
diatement, ils disparurent tous deux dans un pays très éloigné qui se trouva
dans les airs. être le royaume de Cachemire. A peine
Lorsque Firouz apprit l'enlèvement la princesse et lui eurent-ils mis pied
de la princesse, il résolut de faire tout à terre, qu'ils se virent entourés par
son possible pour la retrouver et, dé- une troupe de cavaliers. C'était le sul-
tan de Cachemire qui revenait de la convinrent en secret qu'elle feindrait
chasse avec sa suite. de revenir insensiblement à la raison,
Aussitôt la princesse implora leur grâce au nouveau traitement qu'il
protection contre son ravisseur. Elle lui ferait suivre.
raconta avec un tel accent de sincé- Le sultan fut rempli de joie lors-
rité l'odieux enlèvement dont elle avait qu'il vit que la folie de celle qu'il
été victime, que le sultan fit sur-le- aimait n'était pas incurable. Firouz
champ trancher la tète à l'Indien. lui annonça un jour qu'il pourrait mon-
La beauté de la princesse produisit trer à tous la princesse en pleine pos-
sur le cœur du sultan une si profonde session d'elle-même si on lui amenait
impression qu'il forma aussitôt le des- son cheval enchanté. Elle en avait,
sein de l'épouser. Il l'emmena dans disait-il, conservé un sortilège qui ne
son palais. Pour échapper à ce nou- pouvait être dissipé que par certains
veau danger et garder la foi jurée au parfums dont il possédait le secret.
prince de Perse, la fille du roi de Ben- Impatient de voir se réaliser son
gale prit le parti de feindre qu'elle plus cher désir et pour rendre plus
venait de perdre subitement la rai- éclatante la guérison de la princesse,
son. Dès lors, elle commença à dire le sultan fit immédiatement amener
tant d'extravagances que tout le monde le cheval enchanté sur une place pu-
crut qu'elle était devenue folle. Très blique de la ville. Le prétendu méde-
affligé, le sultan assembla les méde- cin fit mettre la princesse en selle,
cins de la cour et tous déclarèrent puis plaça tout autour du cheval des
incurable la folie de la princesse. cassolettes allumées sur lesquelles il
Les choses en étaient là lorsque Fi- jeta plusieurs sortes de parfums qui ré-
rouz, déguisé en derviche, arriva dans pandirent aussitôt beaucoup de fumée.
la capitale du Bengale, après avoir par- Feignant de prononcer des paroles
couru plusieurs pays, sans découvrir magiques, Firouz attendit que la fumée
le moindre indice pouvant le mettre fÍlt assez épaisse pour dissimuler ses
sur les traces de celle qu'il cherchait. mouvements. Lorsqu'il jugea le mo-
En causant avec des habitants de ment propice, il sauta en croupe der-
la ville, il apprit la folie de la prin- rière la princesse, tourna la cheville
cesse, les circonstances qui l'avaient du départ et, au même instant, le che-
amenée, l'exécution de l'Indien, et il val les emporta dans les airs à la grande
ne douta pas que ce fut sa fiancée qui stupéfaction de tous les assistants.
feignait la folie pour ne pas épouser le Quelques jours après, le mariage
sultan de Bengale. Se donnant comme des deux fiancés fut célébré avec la
médecin, il se présenta au palais pour plus grande pompe. Des fêtes magni-
guérir la princesse. fiques eurent lieu dans la capitale de
Celle-ci le reconnut de suite et ils la Perse et dans celle du Bengale.
HISTOIRE D'ALI-COGIA
MARCHAND DE BAGDAD

Il y avait à Bagdad un marchand, tres qu'il alla vendre à Damas. De là,


nommé Ali-Cogia, qui résolut de faire il se rendit à Alep, à Mossoul et dans
le pèlerinage de la Mecque. Comme il un grand nombre de villes, de sorte
avait une somme de mille pièces d'or que sept ans s'étaient écoulés depuis
qui l'eût embarrassé pendant son son départ de Bagdad, quand il son-
voyage, il prit un vase, y mit les gea à y revenir.
pièces d'or ; puis, ayant achevé de le Jusqu'à ce moment, Agib n'avait
remplir avec des olives, il le porta pas pensé au dépôt qui lui avait été
chez son voisin Agib, qu'il pria de le confié. Mais, un soir qu'il soupait en
lui garder pendant son absence. Agib famille, sa femme ayant témoigné le
lui permit de déposer son vase dans sa désir de manger des olives, il se sou-
cave, lui promettant qu'il le retrouve- vint du vase d'Ali-Cogia et, pensant
rait à la même place. que ce dernier était mort, il voulut
Ali-Cogia partit donc pour la Mec- aller prendre les olives. Il descendit
que ; quand il se fut acquitté des devoirs à la cave et trouva les olives gâtées.
de son pèlerinage, il vendit les mar- Ayant vidé le contenu du vase dans
chandises qu'il avait apportées et, avec un plat, il découvrit les pièces d'or et
l'argent qu'il gagna, il en acheta d'au- s'en empara.
Le lendemain, il acheta des olives — Est-il possible, s'écria-t-il, que cet
et les mit à la place des vieilles. homme, que je regardais comme mon
Un mois après, Ali-Cogia revint de ami, m'ait fait une pareille infidé-
son long voyage ; il alla trouver son lité !
ami et lui demanda son vase. Il le Il réclama à Agib les mille pièces
trouva à l'endroit où il l'avait laissé, d'or ; mais celui-ci déclara qu'il ne sa-
mais il n'y retrouva pas une seule vait pas ce qu'il y avait dans le vase
pièce d'or. Ali-Cogia demeura saisi et soutint qu'il n'y avait pas touché.
d'étonnement et, levant les mains et Ali-Cogia adressa alors au Calife
les yeux au ciel : une pétition dans laquelle il se plai-
gnait de son dépositaire infidèle. Une — Tais-toi, lui dit alors le Calife,
audience lui fut accordée pour le tu es un voleur. Qu'on le pende !
lendemain, et Agib fut convoqué pour Et aussitôt tous les enfants se jetè-
la même heure. rent sur le prétendu Agib.
Le soir de ce jour, le Calife, passant Le véritable Calife, qui regardait le
dans une des rues de Bagdad, s'arrêta jeu, admira la sagesse de ce jugement
à regarder des enfants qui jouaient. et, le lendemain, il se fit amener l'en-
Il entendit l'un d'eux dire aux autres : fant qui l'avait prononcé.
— Jouons au Calife. Je suis le Ca- On fit avancer Ali-Cogia et Agib.
life, amenez-moi Ali-Cogia et Agib. Le Calife leur dit de plaider chacun
La proposition fut acceptée avec joie. leur cause et que cet enfant leur ren-
Quand l'enfant qui avait parlé eut draitjustice. Ils parlèrent chacun à leur
pris la gravité d'un Calife, un autre, tour et, Agib ayant proposé de faire
faisant fonctions d'officier, lui en serment qu'il disait la vérité, l'enfant
amena deux représentant Ali-Cogia demanda que les olives d'Ali-Cogia
et Agib. fussent examinées par des marchands
Celui qui jouait le rôle d'Ali-Cogia experts. Ceux-ci déclarèrent qu'elles
raconta ce qui s'était passé. L'autre étaient bonnes et de l'année. Alors
répondit ce qu'avait répondu le vrai l'enfant, regardant le Calife, lui dit :
Agib à Ali-Cogia, et voulut faire ser- — Commandeur des croyants, c'est
ment qu'il disait la vérité. à Votre Majesté de condamner sérieu-
Avant de lui faire prêter serment, le sement et non pas à moi.
petit Calife se fit amener deux enfants Le Calife fit punir sévèrement Agib,
qu'on lui présenta comme marchands après que celui-ci eut rendu à Ali-
d'olives. Ceux-ci examinèrent celles du Cogia l'argent qu'il lui avait volé, et,
vase que leur montra Ali-Cogia et dé- après avoir embrassé l'enfant, il le
clarèrent qu'elles étaient de l'année. renvoya avec une bourse de cent piè-
Agib voulut se défendre encore. ces d'or.
LE PECHEUR ET LE GÉNIE

Il y avait autrefois un pêcheur fort Un jour que, comme à l'ordinaire,


âgé qui, tous les matins, de très bonne il avait jeté ses filets, sentant une
heure, allait à la pêche pour subvenir grande résistance, il crut avoir fait
aux besoins de sa femme et de ses bonne pêche et s'en réjouissait déjà;
trois enfants. mais il n'amena que la carcasse d'un
âne, ce qui lui causa une grande dé- Je suis un de ces esprits rebelles
ception. Lorsqu'il eut raccommodé ses qui se sont opposés à la volonté de
filets que la carcasse de l'âne avait Dieu. Tous les autres génies s'étaient
rompus, il les jeta une seconde fois, soumis à Salomon prophète de Dieu;
mais il n'y trouva, en les retirant, nous fûmes deux qui ne voulûmes pas
qu'un grand panier rempli de gravier nous soumettre. Pour me punir, il
et de fange. La troisième fois, il n'a- m'enferma dans ce vase sur le cou-
mena que des pierres et des coquilles. vercle duquel il imprima son sceau où
Comme il s'était fait une loi de ne le nom de Dieu était gravé, et me fit
jeter ses filets que quatre fois chaque jeter à la mer.
jour, il était désolé de les avoir déjà J'étais déjà depuis plus de trois
jetés trois fois sans rien prendre. Il les siècles dans ma prison lorsque je ju-
nettoya avec soin, parce que le gra- rai que, si quelqu'un me délivrait, je
vier et la fange les avaient salis, et le tuerais et ne lui accorderais d'autre
tenta une dernière épreuve. grâce que celle de choisir le genre de
Lorsqu'il les retira, il fut très étonné mort qu'il préférerait. Tu vois bien
d'y trouver un vase de cuivre jaune, qu'il faut que je te tue.
fermé, et portant l'empreinte d'un — C'est ainsi, s'écria le pêcheur,
sceau. L'ayant ouvert avec son cou- que vous rendez le mal pour le bien.
teau, il en sortit une fumée fort épaisse Je vous ai délivré de l'horrible prison
qui, se réunissant, forma un génie où vous étiez enfermé et vous allez me
d'une grandeur si démesurée que le tuer pour me récompenser du service
pêcheur fut effrayé et voulut prendre que je vous ai rendu !
la fuite; mais il était si troublé qu'il — Tu as entendu mon histoire, dit
lui fut impossible de marcher. le génie ; dépêche-toi de choisir de
— Salomon, s'écria le génie, grand quelle manière tu veux mourir.
prophète de Dieu, pardon ! Jamais je Ce discours affligea fort le pêcheur;
ne m'opposerai à vos volontés, j'obéi- mais, en réfléchissant, il vit un moyen
rai à tous vos commandements! d'échapper au sort qui l'attendait.
— Esprit superbe, que
dites-vous? — Avant que je choisisse de quelle
dit le pêcheur; il y a plus de dix- façon je veux mourir, dit-il au génie,
huit cents ans que Salomon est mort. je vous conjure de me dire si vous
— Parle-moi plus civilement avant étiez bien réellement dans ce vase.
que je ne te tue, répondit le génie. — Par le grand nom de Dieu, je te
— Et pourquoi me tueriez-vous, jure que j'y étais enfermé.
repartit le pêcheur; avez-vous oublié — Eh bien, reprit le pêcheur, je ne
déjà que je viens de vous mettre en puis vous croire, à moins que vous ne
liberté? me fassiez voir la chose.
— Non, je ne l'ai pas oublié,
dit le Aussitôt, il se fit une dissolution du
génie, mais je suis obligé de te tuer ; corps du génie qui rentra dans le vase
écoute plutôt mon histoire. d'où il était sorti quelques instants au-
un mail dont il creusa le manche et y — Tenez, sire, dit-il ; exercez-vous
renferma le remède dont il voulait avec ce mail et poussez cette boule
user. Il prépara aussi une boule et le avec jusqu'à ce que vous sentiez votre
lendemain il alla trouver le roi et le corps tout en sueur.
pria de se rendre dans le lieu destiné Le roi prit le mail et poussa son
à jouer au mail. cheval après la boule qu'il avait jetée.
Lorsque le roi s'y fut rendu à che- Il continua ce jeu assez longtemps ;
val, le médecin s'approcha de lui et, puis, ainsi que le lui avait recom-
lui présentant les objets qu'il avait mandé le médecin, il retourna dans
préparés : son palais, entra au bain et se coucha
lution qu'il avait prise de le faire tuer. quand parut le médecin Douban, qui
En entendant cet ordre cruel, le méde- s'avança jusqu'au pied du trône royal,
cin Douban fut consterné. Il supplia le portant un gros livre qu'il présenta
roi de ne pas lui ôter la vie ; les cour- au roi. Celui-ci prit le livre et ordonna
tisans qui étaient présents joignirent au bourreau de faire son devoir. La
leurs supplications aux siennes, mais tête fut coupée et tomba dans -uin bassin
le roi ne voulut rien entendre. préparé à cet effet. A peine Peut-on po-
— Puisque rien ne peut vous fléchir, sée sur la couverture du livre, comme
lui dit alors le médecin, accordez-moi le médecin l'avait recommandé, que
la liberté d'aller le sang s arrêta.
jusque chez moi Alors elle ouvrit
afin de dire un les yeux et pre-
dernier adieu à nant la parole :
ma famille et de — Sire, dit-
léguer mes livres elle, que Votre
à des personnes Majesté ouvre le
capables d'en livre.
faire un bon Le roi l'ouvrit,
usage. J'en ai un et comme le pre-
entre autres dont mier feuillet était
je veux faire pré- collé au second,
sent à Votre Ma- pour le tourner
jesté; il contient plus facilement
des choses fort le roi porta son
curieuses dont la doigt à sa bouche
principale est et le mouilla de
que, quand on sa salive. Il fit la
m'aura coupé la même chose jus-
tête, si Votre Ma- qu'au sixième
jesté veut bien feuillet, et ne
prendre la peine d'ouvrir le livre au voyant pas d'écriture àlapage indiquée :
sixième feuillet et lire la troisième — Médecin, dit-il à la tête, il n'y a
ligne de la page à main gauche, ma rien d'écrit.
tête répondra à toutes les questions — Tournez encore quelques feuil-
que vous lui ferez. lets, répondit la tête.
Le roi, curieux de voir une chose si Le roi continua d'en tourner, en por-
extraordinaire, remit sa mort au len- tant toujours le doigt à sa bouche,
demain et le renvoya chez lui pour jusqu'à ce que le poison dont chaque
mettre ordre à ses affaires. feuillet était imbu, venant à faire son
Le jour suivant, tous les officiers effet, le prince tomba au pied de son
étaient réunis dans la salle d'audience trône dans de grandes convulsions.
Quand la tête vit que le roi n'avait — Prends tes filets, lui dit-il, et suis-
plus que peu d'instants à vivre : moi.
— Tyran, s'écria-t-elle, voilà de Ils descendirentdans une vaste plaine
quelle manière sont traités les princes qui les conduisit à un grand étang si-
qui, abusant de leur autorité, font pé- tué entre quatre collines. Lorsqu'ils fu-
rir les innocents ! rent au bord de cet étang, le pêcheur vit
La tête eut à peine achevé ces pa- qu'il était rempli d'une grande quan-
roles que le roi tomba mort et qu'elle- tité de poissons, et il remarqua avec
même perdit aussi le peu de vie qui une grande surprise qu'il y en avait de
lui restait. quatre couleurs différentes : des blancs,
— Si le roi grec, continua le pê- des rouges, des bleus et des jaunes.
cheur, avait voulu laisser vivre le Le génie lui ayant ordonné de jeter
médecin, Dieu l'eût aussi laissé vivre ses filets, il obéit et amena quatre pois-
lui-même; mais il rejeta ses humbles sons, un de chaque couleur.
prières et Dieu l'en punit. Il en est — Porte ces poissons à ton sultan,
de même de toi, ô génie! Si j'avais lui dit le génie, et il te donnera plus d'ar-
pu te fléchir tout à l'heure par mes gent que tu n'en as manié dans toute ta
prières, maintenant j'aurais pitié de vie. Tu peux venir tous les jours pêcher
toi à mon tour. Mais tu as été impi- dans cet étang; mais je t'avertis de ne
toyable; à présent, moi non plus, je ne jeter tes filets qu'une fois chaque jour,
me laisserai pas toucher. Je vais te autrement il t'arriverait malheur.
laisser dans ce vase et te rejeter à la Après avoir dit ces mots, il frappa la
mer. terre de son pied. Alors la terre s'ouvrit
— Pêcheur, s'écria le génie ; je te et se referma après l'avoir englouti.
promets, si tu me rends la liberté, de ne Le pêcheur se rendit immédiate-
te faire aucun mal, et de t'enseigner au ment au palais du sultan. Celui-ci,
contraire un moyen de devenir riche. après avoir beaucoup admiré ces pois-

Cette perspective désarma le pê- sons, ordonna à son grand-vizir de
cheur, qui ôta alors le couvercle du donner au pêcheur qui les avait ap-
vase. Il en sortit de la fumée, et le portés une somme de quatre cents
génie reprit sa forme de la même ma- pièces d'or. Le pêcheur reçut la
nière qu'il l'avait fait la première fois; somme, et garda toujours envers le
puis, s'adressant au pêcheur : génie une profonde reconnaissance.
LES TROIS MERVEILLES

désir, essaya d'amener les deux plus


Un sultan des Indes avait trois fils :
jeunes à céder à leur frère aîné la
Houssain, Ali et Ahmed. Son frère étant
mort, laissant une fille encore très
main de la princesse ; mais, ni l'un ni
l'autre ne voulant y consentir, il les
jeune, nommée Nourounnihar, il la re-
fit venir devant lui :
cueillit et la fit élever dans son palais
avec ses propres enfants. — J'ai décidé, leur dit-il, que vous
Cette jeune princesse était douée
partiriez tous trois pour aller voyager
d'une grande beauté et, à mesure et j'accorderai la main de ma nièce
Nourounnihar à celui de vous trois qui
qu'elle avançait en âge, on découvrait
en elle des qualités non moins remar-
me rapportera la rareté la plus cu-
quables que les traits de son visage ;
rieuse et la plus extraordinaire. Pour
l'achat de cet objet et les frais de
aussi, les princes ses cousins avaient-
votre voyage, je vous donnerai à cha-
ils pour elle une grande affection, et
chacun d'eux avait le secret désir de
cun la même somme.
l'épouser. Le sultan leur fit aussitôt remettre
Leur père, ayant découvert leur la somme qu'il leur avait promise et, le
lendemain de grand matin, ils partirent à trente bourses à l'enchère. Il appela
habillés en marchands, chacun avec le crieur et demanda à voir ce tapis
un seul officier déguisé en esclave. qui lui parut d'un prix exorbitant.
Ils se rendirent ensemble au premier —Votreétonnementsera encore plus
gîte où le chemin se partageait en trois. grand, lui dit le crieur, quand vous
Ils convinrent que leur voyage serait saurez que j'ai ordre de le faire monter
d'un an et se donnèrent rendez-vous jusqu'à quarante bourses. Mais vous
au même conviendrez
endroit. Le qu'il vaut
premier ar- bien ce prix-
rivé devait là, car, en
attendre les s'asseyant
autres, afin sur ce tapis,
qu'ils se pré- on est aussi-
sentassen t tôt transpor-
ensemble té à l'endroit
devant leur où l'on dési-
père. re aller.
Après s'ê- Houssain,
tre souhaité voulant se
réciproque- convaincre
ment un heu- de la vérité
reux voyage, de ce que di-
ils se séparè- sait le crieur,
rent et pri- s'assit avee
rent chacun lui sur le ta-
un chemin pis; et ayant
différent. formé le sou-
Houssain, hait d'être
ayant enten- transporté
du dire des a u k han ?
merveilles dans son ap-
du royaume partement,
de Bisnagar, se dirigea de ce côté et il s'y trouva à l'instant. Il lui compta
arriva à Bisnagar, environ trois mois alors aussitôt la somme de quarante
après. Il se logea dans un khan des- bourses et y ajouta vingt pièces d'or
tiné aux marchands étrangers et se comme gratification.
rendit à l'un des quartiers de la ville. Convaincu que ce tapis merveilleux
Pendant qu'il s'y promenait, il vit lui obtiendrait la main de Nouroun-
passer un crieur portant un tapis d'en- nihar, il resta quelque temps encore à
viron six pieds carrés et qui le criait Bisnagar, puis résolut d'aller attendre
pomme artificielle qu'il criait trente- faisant flairer par la personne ma-
cinq bourses. « Seigneur, lui dit le lade. » Quelques personnes confir-
crieur, cette pomme n'a l'air que de mèrent ce que le crieur avait dit;
peu de chose; cependant, il n'y a pas Ahmed compta aussitôt au crieur
de malade que cette pomme ne gué- quarante bourses d'or. Quelque temps
risse et cela se fait simplement en la après, il reprit la route des Indes et ar-

riva heureusement à l'endroit où ses cette princesse était dangereusement


deux frères l'attendaient. malade. Ali et Ahmed virent la
Lorsque les trois princes furent même chose. Mais Ahmed montra à
réunis, ils se montrèrent l'un à l'autre ses frères la pomme qu'il avait rap-
les curiosités qu'ils avaient rapportées. portée, leur indiqua sa propriété mer-
Houssain ayant regardé dans le tuyau veilleuse et proposa d'en faire l'expé-
d'ivoire, en souhaitant de voir Nou- rience sur la princesse Nourounnihar.
rounnihar, annonça à ses frères que Les princes s'assirent tous trois sur
le tapis de Houssain, et ayant souhaité deux premiers objets seraient demeurés
d'être transportés dans la chambre de inutiles, puisque vous n'auriez pu vous
la princesse, ils y furent en un ins- rendre immédiatement auprès d'elle. Il
tant. Ahmed se levant s'approcha du faut donc recourir à une autre expé-
lit de la princesse et lui mit la pomme rience. Prenez chacun un arc et une
merveilleuse sous les narines. Aussitôt flèche et rendez-vous à la plaine des
la princesse ouvrit les yeux et demanda exercices des chevaux. Je déclare que
à se lever, j'accorderai
comme si la main de la
elle sortait princesse à
d'un long celui qui
sommeil. aura tiré le
Ses femmes plus loin.
lui ayant dit Aussitôt
ce qui venait les princes
de se passer, se rendirent
elle remer- avec leur
cia les prin- père et sui-
ces ses COll- vis d'une
sins et prin- grande foule
cipalement àl'endroitin-
Ahmed. diqué. Hous-
Alors les sain tira le
trois frères premier,
allèrent pré- maislaflèche
senter leurs de son frère
respects au Ali tomba
sultan et lui plus loin que
montrer la sienne.
leurs mer- Quant à celle
veilles. d'Ahmed, on
Après avoir la perdit de
examiné ce vue et per-
que chacun rapportait : « Mes enfants, sonne ne la vit tomber. On la chercha,
dit le sultan à ses fils, les trois objets mais inutilement, de sorte que le sul-
que vous avez rapportés vous laissent tan se déclara en faveur d'Ali et donna
dans une parfaite égalité, car sans le des ordres pour les préparatifs du ma-
tuyau d'Ali vous n'auriez pas su que riage de ce prince et de Nourounnihar,
vous alliez perdre la princesse, sans la mariage qui se fit quelques jours après
pomme d'Ahmed vous n'auriez pu la avec une grande pompe et une grande
guérir, et sans le tapis de Houssain les magnificence.
LE DORMEUR ÉVEILLÉ

Sous le règne du calife I-Iaroun-al- d'argent comptant, et il la destina à


Raschild, il y avait à Bagdad un mar- se donner tous les plaisirs.
chand fort riche qui vivait avec sa En peu de temps, il se fit une so-
femme et son fils nommé Abou-Hassan ciété de jeunes gens de son âge et de
qui avait alors environ trente ans. sa condition et voulut leur faire par-
Ce marchand étant venu à mourir, tager les jouissances qu'il se promet-
Abou-Hassan se trouva en possession tait à lui-même. Mais il en usa si lar-
d'immenses richesses, et comme son gement tout d'abord qu'au bout d'une
père, pendant sa vie, ne lui avait année la somme qu'il avait destinée à
donné que ce qui était strictement ses plaisirs se trouva épuisée. Aussi-
nécessaire pour son entretien, il ré- tôt ses amis l'abandonnèrent, et cette
*
solut de se dédommager et de ne se conduite l'attrista bien plus que tout
refuser aucun plaisir. l'argent qu'il avait dépensé avec de si
Pour cela il partagea son bien en indignes amis. Dans sa douleur il se
deux parts. Il employa la première promit de ne donner à manger, de sa
à acheter des terres et des maisons, vie, à aucun homme de Bagdad.
dont il se fit un revenu suffisant pour Il prit alors l'argent de son revenu
vivre à son aise; mais il se promit de qu'il avait mis en réserve, et résolut
ne toucher en rien à ces sommes, et d'en tirer chaque jour une somme dé-
de les amasser à mesure qu'il les rece- terminée et suffisante pour souper con-
vrait. L'autre moitié de son bien con- venablement, lui et une autre personne ;
sistait en une somme considérable mais il jura que cette personne serait
un étranger arrivé cite de votre heu-
le jour même et reuse arrivée, je
qu'il renverrait le vous supplie de
lendemain, ne le me faire l'honneur
recevant à sa ta- de souper chez
ble qu'une seule moi et de passer
fois. Pour cela, il cette nuit dans ma
allait chaque soir maison.
s'asseoir au bout Puis il lui ex-
du pont de Bagdad pliqua l'habitude
et, lorsqu'il voyait qu'il avait d'invi-
un étranger, il ter ainsi chaque
allait l'inviter à jour le premier
souper et à passer étranger qui se
sous son toit la présentait à lui.
première nuit de son séjour dans la Le calife accepta l'invitation qui lui
ville. Il avait soin de l'informer était faite et suivit Abou-Hassan qui,
qu'une fois sorti de chez lui, il ne lui ne se doutant nullement que son hôte
parlerait plus et ne le regarderait était le calife lui-même, le traita
même plus, et il était très exact dans comme son égal. Il le conduisit chez
l'observation de cette règle. lui où sa mère leur servit un excellent
Il vivait ainsi depuis quelque temps repas; puis, sur la fin du jour, il fit
déjà, lorsqu'un soir que, comme à apporter des lumières et placer près
l'ordinaire, il était assis au bout du de lui les bouteilles et les tasses ; et,
pont, le calife Haroun-al-Raschid se s'étant servi à boire, il en offrit au
présenta, mais déguisé de manière calife :
crue personne ne pouvait le reconnaî- — Goûtez, seigneur, lui dit-il, vous
« .L
i
tre. Le calife, voulant trouverez ce vin bon.
juger de toutes choses H aroun - al-Raschid
par lui-même, allait, voyant que Abou-Has-
tous les premiers du sàn avait l'esprit très
mois, sur les grands enjoué, se faisait un
chemins conduisant plaisir de l'exciter à
à Bagdad. boire, afin de le mieux
Ce iour-là, il venait connaître parla gaieté
de débarquer
fj y
de l'autre côté du pont, que le vin lui communiquait. Il lui
déguisé en marchand de Mossoul et demanda son nom et à quoi il s'oc-
suivi d'un esclave. Abou-Hassan se cupait ; Abou-Hassan lui raconta alors
leva et, après l'avoir gracieusement son histoire entière, et ils continuè-
salué : rent de causer jusque bien avant dans
— Seigneur, lui dit-il, je vous la nuit. Alors le calife, feignant
féli-
d'être très fatigué, dit qu'il avait be- autres vieillards qui s'assemblent chez
soin de repos, remercia Abou-Hassan lui chaque jour. Dans leurs concilia-
de son hospitalité, et, pour lui prouver bules, il n'y a médisance ni calomnie
sa reconnaissance, lui demanda s'il qu'ils ne mettent en usage contre tous
ne pouvait lui être utile en rien. les habitants du quartier. Aussi, la
— Mon bon seigneur, lui répondit seule chose que je demanderais à Dieu
Abou-Hassan, je vous remercie de serait d'être calife un jour seulement.
l'intérêt que vous me témoignez; Je ferais donner cent coups de bâton
mais je puis vous assurer que je n'ai à chacun des quatre vieillards, et
ni chagrin, ni affaire, ni désir; je quatre cents à l'iman, pour leur ap-
n'ai pas la moindre ambition et je prendre à ne plus troubler ainsi le
suis très content de mon sort. Je vous repos de leurs voisins.
avouerai néanmoins qu'une chose me Le calife trouva le souhait d'Abou-
fait de la peine. Hassan très plaisant, et il lui inspira
Il y a, vous le savez, dans chaque l'idée de s'en faire un divertissement.
quartier de la ville, une mosquée où Avant de se séparer, ils voulurent boire
un iman fait la prière avec les fidèles. ensemble une dernière fois; le calife
L'iman de mon quartier est un par- se saisit de la bouteille et des tasses,
fait hypocrite et il s'est associé quatre et dans celle d'Abou-Hassan il jeta
une pincée d'une poudre san, il se plaça dans un
qu'il avait toujours sur petit cabinet élevé, d'où
lui. Abou-Hassan prit il pouvait, par une ja-
la tasse et la vida d'un lousie, voir tout ce qui se
trait. Mais à peine eut-il passait sans être vu.
bu que la poudre fit son Puis les officiers et les
effet et il tomba dans un dames entrèrent et cha-
profond sommeil. Le ca- cun prit sa place accou-
life appela son esclave. tumée.
— Prends cet homme Alors, comme le jour
dans tes bras, lui dit-il, commençait à paraître,
et emporte-le; mais remarque bien l'officier qui était près du lit approcha
cette maison pour l'y rapporter quand du nez d'Abou-Hassan une petite épon-
je te le commanderai. ge trempée dans du vinaigre. Abou-
Haroun-al-Raschid sortit de la mai- Hassan éternua aussitôt, et ouvrit les
son avec son esclave, mais il laissa yeux. Il se vit dans une grande cham-
la porte ouverte, contrairement à ce bre superbement meublée, et environ-
que lui avait recommandé Abou-Has- né de jeunes dames, dont plusieurs
san. tenaient à la main des instruments de
Le calife rentra dans son palais par musique. Il vit sur son lit une cou-
une porte secrète, fit déshabiller Abou- verture de brocart avec des perles et
Hassan et le fit coucher dans son des diamants ; près de lui un habit de
propre lit. Puis il fit venir tous les même étoffe, et sur un coussin un
officiers et toutes les dames du palais bonnet de calife.
et leur fit savoir qu'il désirait que le — Bon, pensait-il, me voilà calife !
lendemain on rendît à celui qui était C'est un songe, effet du souhait dont
à sa place les mêmes devoirs qu'on je m'entretenais tout à l'heure avec
était habitué à lui rendre à lui-même, mon hôte.
et qu'en toute occasion on ne manquât Il refermait les yeux pour dormir,
pas de le traiter de « Commandeur quand un eunuque s'approcha:
des croyants ». Les officiers et les — Commandeur des croyants, lui
dames comprirent que le calife VOll- dit-il respectueusement, le jour com-
lait se divertir et répondirent par une mence à paraître ; il est temps que Votre
profonde inclination. En se couchant, Majesté se lève pour faire sa prière.
Haroun-al-Raschid donna ordre à Abou-Hassan fut très surpris d'en-
Mesrour, chef des eunuques, de venir tendre ces paroles. Un moment après :
l'éveiller de très bonne heure. — Commandeur des croyants, re-
Le lendemain matin, Mesrour n'eut prit l'eunuque, Votre Majesté aura
garde de manquer à l'ordre qu'il avait pour agréable que je lui répète qu'il
reçu. Dès que le calife fut entré dans est temps qu'elle se lève, car le soleil
la chambre où dormait Abou-Has- va paraître.
Abou-Hassan ouvrit alors les yeux ri de même s'il n'eût craint de mettre
et vit distinctement ce qu'il n'avait vu fin à cette scène.
que confusément d'abord. Il se leva — Quelle merveille ! s'écria le pré-
sur son séant d'un air riant; aussitôt tendu calife; j'étais hier soir Abou-
les dames du palais se prosternèrent Hassan et je suis ce matin le Comman-
devant lui, et lui souhaitèrent le bon- deur des croyants !
jour, ce dont il fut enchanté. Les officiers l'habillèrent et, quand
En ce moment Mesrour entra et se ils eurent achevé, précédé de Mesrour
prosterna devant lui. et suivi des dames et des officiers, il
— Commandeur des croyants, lui entra dans la salle du conseil et s'assit,
dit-il, Votre Majesté me permettra de aux acclamations de tous les huissiers.
lui représenter que beaucoup de ses Pendant qu'Abou-Hassan se rendait
sujets attendent son lever pour lui pré- dans la salle du conseil, le calife s'é-
senter leurs suppliques, et qu'elle n'a tait rendu dans un autre petit cabinet
que le ternps d'aller monter sur son d'où il pouvait voir ce qui se passait
trône pour tenir conseil. au conseil.
— A qui donc parlez-vous, dit Abou- Quand il se vit entouré des officiers
Hassan, et quel est celui que vous ap- du palais, Abou-Hassan ne douta plus
pelez Commandeur des croyants? qu'il ne fût calife, et le grand vizir lui
— Votre Majesté, reprit Mesrour, ayant dit que les autres officiers étaient
n'est-elle pas le Commandeur des à la porte, attendant la permission
croyants, le monarque du monde, et d'entrer pour lui rendre leurs hom- .
le vicaire sur la terre du prophète en- mages, Abou-Hassan ordonna aussitôt
voyé de Dieu? qu'on les fît entrer. La porte fut alors
A ces paroles, Abou-Hassan partit ouverte et les émirs et les principaux
d'un grand éclat de rire et le calife eût officiers de la cour, tous en habits de
cérémonie, lui rendirent leurs respects. bourse et la porta à la mère d'Abou-
Lorsque cette cérémonie fut termi- Hassan; il lui dit que le calife lui en-
née, Abou-Hassan appela le chef de voyait ce présent, ce qui la surprit
police : beaucoup, car elle ignorait ce qui se
— Juge de police, lui dit-il, allez passait au palais. Dès que le vizir fut
sans perdre de temps dans la mosquée revenu et eut rendu compte de sa
de tel quartier de la ville ; vous y trou- mission, le chef des eunuques annonça
verez l'iman et quatre vieillards. Sai- que le conseil était fini.
sissez-vous de leurs personnes; faites On conduisit alors Abou-Hassan
donner à chacun des quatre vieillards dans l'appartement où le couvert était
cent coups de nerf de bœuf et quatre rnis et on lui servit un repas magni-

cents à l'iman ; puis vous leur ordon- fique. Ayant demandé à l'une des
nepez de changer de mosquée, avec dames qui le servaient qu'elle lui por-
défense de jamais remettre les pieds tât à boire, la dame courut au buffet
dans le quartier d'où ils auront été et revint avec un verre plein de vin dans
chassés. lequel elle avait adroitement jeté une
Le prétendu calife s'adressa ensuite pincée de la poudre dont le calife s'était
au grand vizir. — Faites-vous donner sepvi le jour précédent. Abou-Hassan
par le grand trésorier, lui dit-il, une vida le verre et, comme la veille, il
bourse de mille pièces d'or, et allez au tomba dans un profond sommeil.
quaptiep d'où vient le juge de police la Le calife sortit alors de l'endroit où
porter à la mère d'un certain Abou- il était caché, il fit dépouiller Abou-
Hassan, surnommé « le débauché », Hassan de son habit de calife, et lui
il est connu dans ces environs. fit remettre celui qu'il portait la veille;
Le grand vizir se fit donner la puis il ordonna à son esclave de le re-
porter chez lui, et de se retirer en lais- nais mon égarement; j'ai été abusé par
sant la porte ouverte. un songe, et je suis maintenant bien
Abou-Hassan fut fort surpris en convaincu que je suis votre fils Abou-
s'é veillant de se retrouver chez lui. Sa I-Iassan et non pas le Commandeur
mère étant entrée et voyant qu'il la des croyants.
regardait avec des yeux étonnés : — Mon fils, s'écria la mère, je suis
— Qu'avez-vous, mon fils, lui dit- ravie de vous entendre parler si rai-
elle, et que vous est-il sonnablement; mais
arrivé ? il faut que je vous
Aussitôt il lui dé- dise ma pensée sur
clara qu'il était non votre aventure : l'é-
pas son fils, mais le tranger qui soupa un
Commandeur des soir chez vous laissa
croyants. Sa mère la porte ouverte en
s'appliqua à lui prou- s'en allant, et je crois
ver qu'il n'était pas que c'est ce qui donna
dans son bon sens au démon l'occasion
pour tenir un pareil d'y entrer et de vous
discours; Abou-Has- jeter dans l'illusion
san entendit ces re- où vous étiez.
montrances paisible- Le concierge de
ment ; mais, sa mère l'hôpital des fous fut
lui ayant raconté ce appelé et, ayant re-
qui était arrivé à connu qu'Abou-Has-
l'iman et aux quatre san avait recouvré
vieillards, il affirma son bon sens, lui
à sa mère que c'était rendit la liberté.
lui qui les avait fait Le lendemain, la
châtier et se mit à première personne
crier si fort que les qu'il vit fut ce même
voisins accoururent, le saisirent et marchand de Mossoul, de qui lui étaient
l'emmenèrent à l'hôpital des fous, où venus tous ses malheurs. Aussi il se
le concierge, pour le calmer, le régala garda bien de lui adresser la parole.
de cinquante coups de nerf de bœuf. Mais le prétendu marchand alla l'abor-
Il resta quelque temps sans vouloir der, et fut si aimable qu'il l'emmena
reconnaître qu'il n'était pas le calife. chez lui une seconde fois; seulement
Enfin un jour que sa mère était allée il lui fit promettre de fermer la porte
le voir : en s'en allant.
— Eh bien, mon fils, lui dit-elle, Ils soupèrent ensemble, et, à la fin
comment vous trouvez-vous? du repas, le calife jeta comme la pre-
— Ma mère, répondit-il, je recon- mière fois une pincée de poudre dans
la tasse d'Abou-Hassan qui s'endormit revint prendre possession de l'appar-
aussitôt. L'esclave le prit, sur un si- tement que lui avait donné le calife.
gne de son maître, et ils se rendirent Celui-ci, pour mettre le comble à ses
au palais. Le calife commanda qu'on bontés, lui fit épouser une jeune es-
mît à Abou-Hassan l'habit qu'on lui clave de sa femme Zobéide. Elle se
avait mis la première fois et qu'on le nommait Nouzhatoul Aouadat.
couchât sur le sofa où il s'était en- Ils vécurent heureux assez long-
dormi alors qu'il se croyait Comman- temps. Mais comme chaque jour ils
deur des croyants. faisaient bonne chère, sans s'occuper
Le lendemain, lorsque Abou-Hassan de la dépense, ils eurent vite dépensé
ouvrit les yeux, tous les instruments tout ce qu'ils avaient.

de musique jouèrent à la fois, et les Alors Abou-Hassan, pour avoir de


officiers et les dames se mirent à l'argent, imagina une ruse qui réussit
danser autour de lui, si bien qu'il se parfaitement.
crut redevenu calife. — Je vais faire le mort, dit-il à sa
A ce moment le vrai calife se mon- femme; vous m'ensevelirez et vous
tra et tout le monde se tut. Il raconta irez tout en larmes trouver Zobéide
alors à Abou-Hassan comment on qui ne manquera pas de vous faire
l'avait endormi et le plaisir qu'il en présent d'une forte somme pour aider
avait eu; puis, pour le consoler des aux frais de mes funérailles. Après
mauvais traitements qu'il avait reçus cela, vous ferez la morte à votre tour
à l'hôpital des fous, il lui assigna un et je me rendrai dans un grand dé-
appartement dans son palais, et lui fit sespoir chez le calife qui ne manquera
donner une bourse de mille pièces d'or. pas non plus de me faire de riches
Abou-Hassan se hâta d'aller racon- présents.
ter à sa mère ce qui s'était passé et La chose se passa comme il l'avait
prévu. Zobéide se montra d'une gran- pièce de brocart qui couvrait Abou-
de générosité envers son esclave, et llassan.
Abou-Hassan revint de chez le calife — Commandeur des croyants, c'est
avec une bourse de cent pièces d'or. moi qui suis mort le premier ; don-
Cependant, Haroun-al-Itaschid s'é- nez-moi les mille pièces d'or.
tait rendu chez Zobéide pour lui dire Et aussitôt il alla se jeter aux pieds
combien il partageait sa douleur de du calife, pendant que sa femme, qui
la mort de son esclave. Zobéide assura s'était comme lui débarrassée de son
à son époux que Nouzhatoul Aouadat linceul, se prosternait devant Zo-
était en parfaite santé et que c'était béide.
Abou-Hassan qui était mort. Le calife lIaroun-al-llaschid et son épouse
soutint le contraire ; alors, ne pouvant rirent beaucoup de l'idée qu'avait eue
s'entendre, ils se rendirent à l'appar- Abou-Hassan et celui-ci reçut les mille
tement d'Abou-Hassan et de sa femme. pièces d'or promises par le calife, tan-
Ceux-ci, couchés au milieu de la dis que Zobéide en faisait donner au-
chambre, contrefaisaient les morts. tant à son esclave pour lui témoigner
A cette vue, Haroun-al-Raschid et la joie qu'elle avait de ce qu'elle fut
son épouse furent saisis d'étonnement. encore en vie.
— Je donnerais mille pièces d'or, Abou-Hassan et sa femme conser-
s'écria le calife au bout d'un moment, vèrent toujours les bonnes grâces du
à celui qui me dirait qui est mort le calife et de Zobéide, et acquirent de
premier des deux. , leur libéralité de quoi subvenir large-
A peine eut-il prononcé ces paroles ment à tous leurs besoins pour le reste
qu'une voix se fit entendre sous la de leurs jours.

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