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9
-1
-
..
CONTE.
i'L étoit une fois un roi & une reine aux- •
,
nans sortaient d'un bois où ils a voient passé
nuit. Quand ils l'apperçurent ils s'effraye-
nt également. Mon Aimée, dit le prince,
>ici notre ennemi, je me sens
assez de cou-
ge pour le combattre, n'en aurez - vous pas
sez pour fuir toute seule ? Non , s'écria-t-
IIe ie ne vous abandonnerai point; crue)!
)utez-vous ainsi de ma tendresse ? Mais ne
rdonspas un moment, ia baguette nous sera
ut-être d'un grand secours. Je souhaite,
t-elleau nom de la royale Fée Trusio
le le prince soit métamorphosé en portrait,
chameau en pilier, & moi en nain. Le
angement se fit, &: le nain se mit à sonner
cor. Ravagio qui s'avançait à grands pas,
dit : apprends-moi petit avorton de la
,
turc , si tu n'as point vu passer un beau gar-
n , une jeune fille & un chameau ? Ors
us le dirai; répondit le nain : Jaçoient que
'lez en quête d'un gentil damoisel, d'une
lerveillable dame & de leur monture, je les
isai hier à cet ère, qui se pavanaient
pent & réjouis;icel gentil chevalier reçus
t
tou
le les & guerdon des joutes & tournoiemen
qui se firent à l'honneur de Merlusine, quille,
dépeinte en sa vive ressemblance ; mou]
voyez
hauts prudhommes & bons chevaliers y dé
rompirent lances, hauberts, salades & pavois
le conflict fut rude & le guerdon un moul
,
beau fermeillet d'or , acoutré de perles 6
diamans. Au départir, la dame inconnue ml
dit: Nain, mon ami, sans plus longs parle
mens, je te requiers un don au nom de t.
,
plus douce amie; (si n'en serez éconduite
luidis-je, & vous l'octroye à celle conditiol
qu'il soit en mon pouvoir ) ; au cas, dit-elle
qu'aviser tu puisse le grand & décommuna
géant, qui œil porte droit par le milieu d
tront, prie-le moult accortement qu'il vois
tn paix, & nous y laisse; puis elle chassa 50
palefroy & ils s'éloignerent. Par où , di
,
Ravagio ? Jus cette verdoyante prairie,
l'orée du bois, dit le nain. Si tu mens, repli
qua l'ogre sois assuré, petit crasseux, que j
, toi, portrait d
te manderai, ton pilier ton
Merluche. Oncque vilenie ni ia'face n'y eu
en moi, dit le nain ; ma bouche n'est mi
mensongère ; homme vivant ne me peu
trouver en fraude: mais allez vîte, si quére
les occire avant seleil couché. L'ogre s'e!gj
gna ; le nain reprit sa figure, 6c toucha il
portrait oc le pilier, qui devinrent ce qu'ils
devoient être.
Quelle joie pour l'amant & pour la maî-
tresse ! Non, disoit le prince, iti n'ai jamais,
ressenti de si vives allarmes, ma chere Aimée.
Comme ma passion pour vous prend à tous
ttiomens de nouvelles forces, mes inquiétudes
augmentent quand vous êtes en péril, Et
moi, lui dit-elle, il me semble que je n'avois
point de peur, parce que Ravagiô ne mange
pas les tableaux ; que j'étois seule exposée à
sa fureur, que ma figure étoit peu appétis-
sante, qu'enfin je donnerois ma vie pour
conserver la vôtre.
Ravagio courut inutilement ; il ne trouva
ni amant ni la maîtresse : il étoit las comme
1
,
rencontré, dit-il, qu'un nain, un pilier 6c un
tableau. Par mon chef, cQ)ntimola-.t-elle
ce
les étoit. Je suis bien folle de te confier le
soin de ma vengeance,comme si j'étois trop
petite pour le prendre moi-même! ça,
j'y vas; je veux me botter à mon tour, & je ça,
n'irai pas avec moins de diligence que toi.
.jlUe mit les bottes de sept lieues, 6: paiîit.
Quel moyen que le prince & la princesse
allassent ass^z vite pour s'echapper de
ces
monstres, avec leurs maudites bottes de sept
lieues? Ils virent venir Tourmentine, vêtue
de peau de serpent, dont les couleurs bigar-
rées surprenoient. Elle portoit
sur son épaule
une massue de fer d'une terrible pesanteur ;
& comme elle regardoit soigneusement de
tous côtes, elle auroit apperçu le prince &
la princesse sans qu'ils étoient dans le fond
d'un bois. ,
L'affaire est sans retour, dit Aimée
pleurant ; voici la cruelle Tourmentine, donten
l aspect me glace le sang elle
; est plus adroite
que Ravagio. Si l'un de nous deux lui parle,
elle nous reconnoîtra & commencera
,
procès par nous manger; il finira bientôt,
notre
comme vous le pouvez croire. A mour, amour,
s écria le prince ne nous abandonne point :
,
est-il sous ton empire des cœurs plus tendres
& des feux plus purs que tes nôtres ? Ah
ma chere Aimée, contmua-t-il, en prenant ,
ses mains & les baisant avec ardeur, êtes-
vous destinée à périr d'une maniéré si barbare?
Non dit-elle, non je sens de certains
,
de , mou-
vemens courage E.x de fermeté qui me ras-
surent : a!lons , petite hag; et te fais ton
.devoir. Je souhaite au no.nde la royale
,
Féq
,
Trusio, ,que.Je chameau soit- une caisse que
y
mail cher prince, soit un bel oranger, & que
métamorphosée en Abeille je vole autour
,
de-lui, Elle frappa à son ordinaire les trois
coups sur chacun d'eux, & le changement
fut assez tôt fait, pour Tourmentine,
que
qui arriva erç ce lieu ne s'en apperçut point.
,
L'affreuse mégère étoit essoufflée, elle s'as-
sit sons iFOr;,¡nger.. La princesse Abeille se
donna le plaisir de la piquer en mille endroits ;
quelque dure que fut sa peau elle la dardoit
& la faisoir crier. Il semblait à, la. voir se rou-
ler & se débattre sur l'herbe un taureau ou
,
un jeiane lion assailli par les mouches ; car.
celle-ci en valoit cent. Le prince Oranger
mouroit de peur qu'dIe.ne se laissât attraper,
&-qu*eMe ne la tuât. Enfin ,Tourmentine tout
en sang s'éloigna , &-!la princesse alloit re-
prendre sa prémiere forme quand malheu-
,
reusement des voyageurs passèrent par le bois :
ayant apptrçu la baguette d'y voire, qui était
fort propre, ils la ramassèrent & l'em porte-
tent. Il n'y a guere de cont.re-temps pUis fâ-
cheux que celui-là. Le. prince & la princesse'
,
K'avoientpas perdu l'usage de la parole : mais
que c'étoit un foible .secours en l'état où ils se
voyoient ! Le prince, accablé de douleur,
poussoit des regrets qui augmentaient sensi-
blement le déplaisir de sa chere Aimée, il s'é»
crioit quelquefois :
Je touchois au moment où ma belle princesse
Devoit couronner ma tendresse ;
Ce doux t'spoir enchantoit tous mes sens.
Amour, qui fais tant de merveilles,
Et dont les traits sont si puissans
Conserve-moi ina chere Abeille ,
,
Fais que son cœur ne change pas ;
Et malgré la métamorphose
Que notre infortune nous cause
Qu'elle m'aime jusqu'au trépas. ,
Que je suis malheureux, continuoit-il, je
me trouve resserré sous l'écorce d'un arbre :
me voilà oranger, n'ai aucun mouvement,
je
que deviendrai-je si vous m'abandonnez,
ma chere petite Abeille ! Mais ajoutoit-il,
pourquoi vous éloigneriez-vous de moi ? Vous
trouverez sur mes fleurs une agréable rosée ,
& une liqueur plus douce que le miel : vous
pourrez vous en nourrir. Mes feuilles vous
serviront de lit de repos, olt vous n'aurez rien
à craindre, de la malice des araignées. Dès
que l'Oranger finissoit ses plaintes, l'Abeille
lui répondoit ainsi :
Prince , ne craignez pas que jamais je TOUS
quitte ,
Rien ne peut ébranler mon coeur j
Faites que rien ne vous agite,
Que le doux souvenir d'en être le vainqueur.
Elle ajoutoit à cela n'appréhendez pas que
, jasmins,
; vous
laisse jamais, ni les lys, ni les
i les roses, ni toutes les fleurs des plus char-
pourroient faire com-
lans parterres, ne me
lettre une telle infidélité vous me verrez
, Se
ms cesse voltiger autour de vous, vous
onnoîtrez que l'oranger n'est pas moins cher
l'abeille que le prince Aimé l étoit à la
,
Irincesse Aimée, En effet, elle s'enferma dans
des plus fleurs dans un
me
; grosses , comme
)alais & la véritable tendresse qui trouve des
laissoit d'avoir la
essources par-tout, ne pas
ienne dans cette union.
Le bois où l'oranger étoit, servoit de pro-
nenade à une princesse qui demeuroit dans
.m palais magnifique ; elle avoit de la jeunesse,
de la beauté, de l'esprit ; on l'appelloit Linda.
Elle ne vouloit point se marier, parce qu'elle
craignoit de n'être pas toujours aimée de celui
qu'elle choisiroit pour époux. Et comme elle
avoit de grands biens, elle fit bâtir un château
somptueux, & elle n'y recevoit que des dames
et des vieillards, plus philosophes que galans,
sans permettre qu'aucuns autres cavaliers en
approchassent. La chaleur du jour l'ayant ar-
rêtée dans son appartement plus long-temps
Qu'elle n'auroit voulu elle sortit sur le soir
,
avec toutes ses dames, & vint se promene
dans le bois. L'odeur de l'oranger la surprit
elle n'en n'avoit jamais vu, & elle resta chat'
inée de l'avoir trouvé. On ne comprenoit point
par quel haz^rd il se rencontroit dans un lie
comme celui-là; il fut bien vite cntouré de
toute cette grande compagnie. Linda défendit
qu'on en cueillît une seule fleur & le porta
,
t-lans son jardm où la fidelle abeille le suivit.
,
.Lin(la ravie de son excellente odeur, s'assit
,
dessous ; & sur le point de rentrer dans son
palais, elle alloit prendre quelques fleurs, lors..
que la vigilante abeille sortit , bourdonnant
dessous les feuilles où elle se tenoit en senti-
net'e, & piqua la princesse d'une telle force
qu'elle pensa s'évanouir. Il ne fut plus question,
de dépouiller l'oranger de ses fleurs. Linda re-
vint chez elle toute malade.
Quand le prince put parler en liberté à
Aimée: Quel chagrin vous a pris, ma chere
Abeille lui dit-il contre la jeune Linda ?
, ,
Vous l'avez cruellement piquée. Pouvez-vous
nie faire une telle question , répondit-elle ?
n'êtes-vous pas assez délicat pour comprendre
que vous ne devez avoir de douceurs que pour
moi; que tout ce qui est vous m'appartient,
je
que détends mon bien quand je défends
vos fleurs ? Mais, lui dit-il vous en voyez
,
tomber sans peine; ne vous seroit-il pas égal
que la princesse s'en fûr parée, qu'elle les eût
passées dans ses cheveux ou mises sur son sein.
Non, lui dit l'abeille, d'un ton assez aigre, la
chose ne m'est pas égale; je connaiS, ingrat,
que vous êtes plus touché pour elle que pour
moi ! Il y a aussi une grande différence entre
une personne poile , richement vétu« , qui
tient un rang considérable, ou une princesse
infortunée, que vous avez vue couverte d'une
peau de tigre, au milieu de plusieurs monstres,
qui ne lui ont donné que des manières dures &C
barbares, dont la beauté est trop médiocre
pour vous arrêter. Elle pleura en cet endroit,,
autant qu'une abeille est capable de pleurer ;
quelques fleurs de l'amoureux oranger en fu-
rent mouillées, & son déplaisir d'avoir cha-
griné sa princesse alla si loin que toutes ses
,
feuilles jaunirent, plusieurs branches séche-
rent, & il en pensa mourir. Qu'ai-je donc fait,
s'écria-t-'! belle abeille ? Qu'ai-je fait pour
,
m'attirer votre courroux, Ah ! vous voulez sans
doute m'abaiidoni,ler ; vous êtes déjà !asse de
vous être attachée à un malheureux comme
moi ! la nuit se passa en reproches ; mais au
point du jour, un zéphir obligeant qui les
,
avoit écoutés, lesobhjea Ht-" se racommocler : il
ne pouvoit leur rendre un service lus-.,iré ible
Cependant Linda qui mouroit d'envie
,
d'avoir un bouquet de fleurs d'oranges, se leva
fort matin ; elle descendit dans son parterre,
& fut pour en cueillir. Mais comme elle avan-
çoit la main elle se sentit piquer si violemment
,
par la jalouse abeille que le cœur lui en man-
,
qua. Elle rentra dans sa chambre de fort mau-
vaise humeur : je ne comprends point, dit-elle,
ce que c'est que l'arbre que nous avons trouvé:
mais aussi-tôt que je veux en prendre le plus
petit bouton , des mouches qui le gardent,
me pénetrent de leurs piqûres.
Une de ses filles, qui avoit de l'esprit &
,
qui étoit fort gaie lui dit en riant : Je suis d'a-
,
vis madame, que vous vous armiez comme
,
une amazone ; & qu'à l'exemple de Jason, lors-
qu'il fut conquérir la Toison d'Or, vous alliez
courageusement prendre les plus belles fleurs
de ce joli arbre. Linda trouva quelque chose
de plaisant dans cette idée ; & sur le-champ
elle se fit faire un casque couvert déplumes, ,
une légere cuirasse , des gantelets ; & au son
des trompettes, des timbales, des fifres & des
hautbois, elle entra dans son jardin suivie
de toutes ses dames qui s'étoient armées à,
y
son exemple, & qui appelaient cette fête la
guerre des mouches & des amazones. Linda
tira son épée de fort 1.onne grâce, Fuis frap-
pant sur la plus belle branche de l'oranger :
Paroissez, terribles abeilles, s'écria-t-elle, pa-
roissez je viens vous défier ; serez-vous assez
,
vaillantes pour défendre ce que vous aimez î
Mais que devint Linda & toutes celles
,
qui l'accompagnoient lorsqu'elles entendi-
, hélas pi-
rent sortir du tronc de l'oranger un
;toyable suivi d'un profond soupir & qu'eT-
, ,
les virent couler du sang de la branche
coupée ? Ciel ! s'écrra-t-elle qu'ai-je fait ?
,
Quel prodige ! Elle prit la branche ensanglan-
tée elle la rapprocha inutilement pour la
rejoindre ; elle se sentit saisir d'une frayeur &
9
,
souhaitoit d 'elle. La grâce &: le bon air don
elle parloit intéressa toute l'assemblée £
lorsqu elle dit a Trusio qu'elle avoit fait ,
tan
de merveilles par la vertu de
son nom & d
sa baguette, il s'éleva un cri de joie dans 1
saI!e & chacune pria la Fée d'achever
, c
grand ouvrage.
Trusio, de son côté, ressentoit
un p!aisi
extrême de tout ce qu 'elle entendoit ; elle serr
étroitement la princesse entre ses bras. Puisqu
je vous ai été si utile sans
vous connoitre , IL
dit-elle, jugez, charmante Aimée à présen
,
que je vous coonoÍs, de ce que je veux fair
pour votre service. Je su:s amie du roi votr
pere & de la reine votre mere. Allons promp
tement, dans mon char volant, à I'Is!e-Heu
reuse, où vous serez reçus comme vous lj
méritez l'un & l'autre.
Linda les pria de rester un jour chez elle
pendant lequel elle leur fit de riches présent
& la princesse Aimée quitta sa
peau de tigr
pour prendre des habits d'une beauté incom
parable. Que l'on comprenne à présent la joi
de nos tendres amans : oui qu'on la
, corn
prenne si 'on peut ; mais il faudroitpour ce.!
1
FIN;
FLOR1NE ?
CONTE.
[L
v avoit autrefois, dans le royaume de
Isie des Fleurs, une reine qui perdit dans
,
ne grande jeunesse, le roi son mari qu'elle
imoit tendrement, & de qui elle étoit aimée
e même ; cette tendresse réciproque avoit
onné la vie à deux princesses parfaitement
elles, que la reine leur mere faisoit élever avec
3us les soins possibles, & elle avoit le plaisir
e voir tous les jours augmenter leurs agré-
tens. L'aînée, nommée Florine, étoit à l'âge
e quatorze ans, devenue incomparable en
eauté, ce qui causa quelque inquiétude à la
eine parce qu'elle savoit que la reine des
,
îles en auroit de la jalousie.
La reine des Isles, qui croyoit être la plus
telle personne du monde, exigeoit de toutes
ps belles personnes, une reconnoissance de la
upériorité de sa beauté. Etant poussée par
ette vanité, elle avoit obligé le roi son mari
à conquérir toutes les isles qui étoient
ai
voisinage de la sienne, & le roi qtfi étoit «qui
table & qui n avoit fait cette entreprise
qu<
pour satisfaire la reine, ne songeant encore
après sa conquête, qu'à ce qui pouvoit lu
faire plaisir, n imposa
pour loi à tous les prin
ces qu 'il avoit soumis, que l'obligation d'en-
voyer ^toutes les princesses de leur san<*,
aussi-tôt qu'elles seroient à l'âge de quinze
ans, faire hommage à la beauté de la reine s;
femme.
La reine de l'Isle des Fleurs, qui savoi
cette obligation songea aussi-tôt que sa fille
,
aînée eut quinze ans, a la conduire aux pied'
du trône de la superbe
reine. La beauté de la
jeune princesse avoit déjà
tant fait de bruit
qu'il s'étoit répandu par-tout, &
que la reine
des^ Isles qui beaucoup entendu
, en avoit
paner , l 'attendoit avec une inquiétude qui
étoit le présage de la jalousie dont elle
, se
trouva saisie dans la suite ; elle fut véritable
ment éblouie d'une beauté si éclatante, & n
put s'empêcher de demeurer d'accord qu'elle
n avoit jamais rien vu de si beau ; s'entend
qu'elle jugeoit que c'étoit après elle l'a-.
-
mour propre qui la possédoit absolument,
, car
l'empêchoit de croiFe la princesse plus belle
qu elle \ elle la traitoit même assez civilementÀ
dans la pensée qn'dle ne lui ôteroit pas la
supériorité. M.I s les acclamations
que tous
les hommes & toutes les femmes de
sa cour
donnoient a la beauté de la princesse causè-
rent un si grand dépit à la reine, qu'elle en
perdit toute contenance ; elle se retira dans son
cabinet faisant la malade pour n'être plus
,
si,
témoin des triomphes d'une aimable rivale,
& elle fit dire à la reine de l'Isle des Fleurs,
qu elle ne la pourront plus voir à cause
de l incommodité qui lui étoit survenue ,
:
qu'elle lui consei'loit de plus de se retirer dans
ses états , & d'y ramener la princ?s;e sa fille.
La reine des Fleurs qui avoit autrefois fait
,
un assez long c:éÍ('ur en cette cour, y avoit fait
amitié avec la dame d'honneur de la reine
laquelle lui conseilla canfidemment de ,
ne pas
demander à prendre congé de la reine & de
,
songer a sortir de ses états, le plus prompte-
ment qu'il lui seroit possible.
La dame d'honneur qui étoit bonne
per-
sonne , & qui avoit promis amitié à la reine
de Isle des Fleurs étoit embarrassée entre
1
,
les devoirs de l'amitié & la fidélité qu'elle
,
devoit a la reine \ elle crut prendre
un juste
tempéramment, en avertissant seulement la
reine son amie , que la reine sa maître'se avoit
quelque mécontentement qu'elle ne pouvoit
lui dire ; elle crut pouvoir seulement
lui conseiller de se retirer dans ses états
sans perdre aucun temps ; &c quand elle y
seroit d'empêcher durant six mois la princesse
sa fille de sortir de son palais , pour quelque
cause que ce fut; elle lui promit de plus, d'em-
ployer pendant ce temps-là tout son crédit &
toute son industrie pour adoucir l'esprit de la
reine sa maîtresse.
La reine de l'Isle des Fleurs, qui avoit com-
pris par les discours mystérieux de son amie,
que la princesse sa fille avoit beaucoup à crain-
dre de la vengeance de la reine, & que c'étoit
parce qu'elle se sentoit fort offensée du grand
bruit que la beauté de cette charmante prin-
cesse avoit fait à sa cour , la ramena dans ses
états, & la conduisit dans son palais en toute
diligence. 1
,
le moindre secours. Elle voyoit bien quelque
remède contre la faim la soif elle prit des
truits ; elle se servit de sa blanche main pour
prendre de l'eau & en boire. Mais quel se-
ours pouvoit - elle se promettre contre les
bêtes sauvages? elle ne pouvoit s'ôter de la
pensée qu'elle étoit en danger d'en être dé-
vorée. *
<
,
a reine , elle lui représenta si fortement le
ort qu'elle se faisoit en proposant une pa-
eille récompense pour un petit chien, qu'elle
a fit résoudre de renoncer à un dessein il
îizarre.
La reine ne fut peut-être pas fâchée qu'on
ui eût fourni un prétexte pour
manquer
Je parole à un homme de si mauvaise mine.
Le conseil étant assemblé la princesse y fit
,
résoudre qu'on offriroit à cette homme si laid
de grandes richesses pour le prix du petit ,
,
Ichien ; & que s'il les refusoit, on le feroit
(sortir du
royaume , sans qu'il parlât davan- ...
tage à la r,ine : cet homme refusa les
richesses & se retira. La princesse rendit
compte à la reine de la résolution du conseil,
& de celle de cet homme qui s'éto t retiré
,
après avoir refusé les richesses qu'on lui
avoit certes. La reine dit que tout cela
s'étoit passé dans l'ordre ; mais que, comme
elle étoit maîtresse de sa personne, elle
par-
tire it le lendemain après lui avoir remis la
,
couronne, & iroit errer par le monde jus-
, La
qu'à qu'elle eût trouvé son petit chien.
princesse effrayée de la résolution de la rei-
ne , qu'elle aimoit véritablement n'oublia
,
r:enpO'Jr la faire changer; elle l'assura avec
une gé.iérosité sans égale qu'elle n'accep-
,
teroit jamais la couronne. Dans le temps
qu'elles étoient dans une conversation si triste,
un dts principaux officiers de la maison de la
reine se présenta à la porte de son cabinet,
pour l'avertir que la mer étoit couverte de
vaisseaux : les deux princesses se mirent sur
un balcon & virent une armée qui s'appro-
,
choit du port à toutes voiles ; & l'ayant
considérée, elles jugèrentpar sa magnificence,
qu'elle ne venoit pas pour faire la guerre :
elles voyoient tous les vaisseaux couverts de
mille marques de galanterie; ce n'étoit que
pavillons, enseignes banderolles & flammes
,
de soie de toutes couleurs : elles furent con-
firmées dans celte pensée quand eiles virent
, vaisseaux qui
avancer un des plus petits por-
toit des enseignes blanches en signe de paix.
La reine avoit ordonné qu'on courût au port,
qu'on allât au-devant de cette armée pour
savoir d'où elle éteit ; & elle fut bientôt aver-
tire que c'étoit le prince de l'Isle des Emerau-
es, qui demandoit la liberté de descendre
ans ses états , & de lui venir offrir ses très-
umbles respects. La reine envoya ces prin-
ipaux officiers jusqu'au vaisseau du prince
our lui faire ses complimens, & l'assurer
u'il étoit très-bien venu. Elle l'attencloit
ssise sur son trône qu'elle quitta quand
,
lie le vit paroître ; elle alla même quel-
ues pas au-devant de lui. Cette entrevue
e fit avec une grande civilité de part et d'au-
re, & la conversation fut fort spirituelle.
La reine fit conduire le prince dans un
ppartement magnifique : il demanda une
udience particulière & elle lui fut accor-
,
ée pour le lendemain. L'heure de l'audien-
:e étant venue , le prince fut introduit dans
e cabinet de la reine , qui n'avoit que la
)rincesse sa sœur auprès d'elle ; il dit à la
einc, en l'abordant qu'il avoit des cho-
,
es à lui dire , qui eussent pu surprendre
oute autre personne ; mais qu'elle en re-
onnoitroit facilement la vérité par des cir-
,
:onstances qui n'étoient sues que d'elle. Je
uis continua t-il à dire, voisin des états
-
le la reine des Istes ; les miens sont
une
)éninsule, qui a un passage dans son royau-
ne. Un jour étant animé par la passion que
a vois pour la chasse je suivis un cerf jus-
ques dans une de ses forêts ; j'eus le malheu
de la rencontrer & ne l'ayant pas crue h
,
reine parce qu'elle n'avoit pas grande suite
,
je ne m'arrêtai pas pour lui rendre ce qu
lui étoit dû. Vous savez mieux que person
ne , dit-il encore, qu'elle est très vindica-
tive & qu'elle a une puissance de féerie ad
,
mirahle ; ]e l'éprouvai sur l'heure la terc
,
s'ouvrit sw'is mes pieds &C j ; me trouva
,
dans une région éloignée transformé er
,
petit chien, & c'est où j'ai eu l'honneur d<
vous voir. Six mois étant expirés, la ven-
geance de la reme n'étant pas encore com-
plette elle me métamorphosa en hideux
, &
vieil!ard en cet état j'eus tant de peui
,
de vous être désagréable que j'allai m'en-
,
foncer dans J'endroit le plus épais d'un bois ,
où j'ai encore passé trois mois; mais j'ai été
assez heureux pour y rencontrer une fée se-
conrab!e qui m'a délivré de la puissance
,
de la superbe reine des Isles & m'a ayerti
,
de tout ce qui vous étoit arrivé & du lieu
,
où je pourrois vous rencontrer. J'y viens
pour vous offrir les hommages d'un coeur
qui ne connoît pas d'autre puissance qiîe la
vôtre , madame , depuis le premier jour
je
que vous ai rencontrée dans le désert.
' Après ce discours le prince continua à
,
ire à la reine ; que les Fées onses du
mauvais usage que la reine des Isles a voit
ait de ses dons de féeries , les lui avoient
6tés. Le prince eut ensuite, avec la reine ,
plusieurs autres conversations , où ils con...
vinrent ensemble de se her de nœuds éter-
nels ; & cette résolution ayant été rendue
publique fut reçue avec dts applaudisse-
,
mens universels. Ce n'éto't pas sans raison ;
car jamais sujets n'ont vécu sous une domi-
nation si douce ; ils en jouirent même près
d'un siècle. Le roi & la reine les ayant gou-
vernés ensemble & vécu dans une par-
,
faite sécurité jusqu'à une extrême vieillesse..
FIN.
TOURS DE FILOUS.
UN jeune provincial étant à Paris et ayant
entendu parler des mouchoirs de Perse,
commedemouchoirsfortàlamode, s'informait
dans les maisons où il alloit, si on pourroit lui en
faire avoir. Une fille qui, par différens stra-
tagèmes faisoit souvent d. 5 dupes, ayant su
,
le goût de notre provincial, se présenta à
i lui comme il passoit dans la rue : Monsieur