Vous êtes sur la page 1sur 23

EMILIEN CHESNOT

omnis
suivi de : ​autre le rêve

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
2014-2015

in Plexus-S

1
2
omnis I 

 
avoir
demeuré ici
à tenir le corps en idée

tête implique

de loin
dans son pluriel

longues persévérances
offertes aux yeux

3
omnis qui
ne se divise en rien

qui porte tous les noms


à la fois

exhumant
le dedans du visible

blanc
cassé sur blanc
 

4
il y a
penser lourd

corps des nuits répétées


leurs liens
sous moi serrés solides

penser ce qu’il y a
blanc à penser

5
un moment de l’œil
d’où est exclu tout centre

jour comme
valeur de blanc

à quoi une main


a consenti ​   
 

6
   
omnis
qui parle de tout
d’une voix la seule

sèche en son tracé


de fil sur la page

l’unique apparaît
lorsque visible se ferme

de toute forme
 

7
existence minuit

décentré de soi

au profit
d’un espace ​all-over

aller et
retour de la main

inexactement la même
 

8
ne plus faire que toucher
perception pas même

mais ce qui au-dedans

est ouvert

de plus intime chemin    


 

9
qui produit toutes choses
omnis
 
depuis sa matière même

c’est tracer
que fendre silence de la page
en long en large

blanc sur blanc


de multiples manières

10
cherchant où est le
centre

errant la page

fil

pas plus qu’ouvrir en chacun


le tracé vers ailleurs
vers l’autre du trait  

11
omnis de tout genre
même au bord d’exister

comprendre non et
symétrie pas plus

pas sentir pas voir

deviner le bord
d’où la vie
   

12
 

omnis II 

13
vaste comme vide
ce dès la peau

vous êtes venus


le regard veuf
de tout réel

la pensée faisant
ponctuation
d’un ciel à l’autre

omnis autre nom du blanc

oublié là
en sa transparence

on mesure des angles


on s’achève de penser

trop lourd

silence d’avant silence

dans la parole d’un


ligne est disperse et
mise en altérité

14
profondeur entrevue
depuis l’aigu de l’œil
 

en une courbe
confirme l’arc
par quoi
le monde donné à voir
donné à sentir

jets de fil 

15
omnis pour une
mise en commun des têtes

affirmer devenu fragile


les mains derrière
sombrées dans l’intransitif

tout trait poussé


passé au degré logique

un peu de cela ​omnis

doigts pris
occupés de fil
coupés du reste

 
 

16
 
je viens dire la menée
de la main
à travers la page

17
la page en long en large
par ailleurs abordée

comme effet du silence


avoir permis le trait

oui à la poussière
elle qui ne peut rester
sans acte
sans naissance

18
omnis
ce que l’on y voit
ne se comprend pas

nous avons été


langage des cercles

19
cela résiste qui
ne fait pas pensée

plus ou moins un objet


aux contours de la main

je me tais

dans l’image de la main


qui va le temps tissé

20
autre le rêve
(extraits)

dans le rêve qui demeure rêvé, sans jamais prendre corps ni couleur, le
regard ralentit jusqu’à devenir immobile : il retourne et vérifie le réel,
devenu égal à se le figurer

il y a cela dans la mémoire qui fait chair du vécu, qui fait du présent
une épaisseur sans fond, et je considère comme certain que le rêve né
de cette mémoire ne peut nous quitter sans se perdre

dans le rêve d’alors, je suis ramené successivement avec et sans mon


enveloppe dans les lieux qui, trop peu nombreux, ont fait mon
identité : tour à tour incarné et fantôme, je suis dans le plein espace de
ma tête comme un œil au milieu du monde, flottant au gré du vent et
voyant ce qui s’impose à lui

reste le même désir de perdre l’existence dans un dédale de têtes,


toutes distinctes les unes des autres, toutes au nombre de deux

supposer qu’il y a réel, et que celui-ci est en fait une demande de réel,
c’est approcher le mouvement profond de l’esprit qui le contient: par
là je viens toucher le rapport entre le mouvement intérieur et le
bougé du monde qui s’y accorde

aux pulsions que le rêve renferme et projette à une infinie distance en


nous-mêmes, nous apportons la plus faible attention, il devient ainsi
possible de dériver loin de notre centre, lentement, en décrivant des
cercles de plus en plus lâches et de plus en plus irréguliers au tracé

21
ici, nulle surface ne vient s’asseoir en profondeur - et le corps pendant
lequel je dors n’est que la manifestation la plus matérielle de ce que
peut être un corps

d’un long trait blanc, on rassemble les deux côtés d’une idée mal
jointe

on tient à peu de chair, un amalgame de mots et de matière qui gîte


dans les lézardes d’un très lent affaissement vers l’avant ; on se tait ; on
reste debout, malgré l’impossibilité de tenir, dans le rêve qui en tête
devient indifférent à son incohérence

liaisons distendues, menaçantes dans leur lâcheté, liaisons qui se


multiplient et forment dans la tête, quand on n’y pense pas, un réseau
dont chaque élément est libre relativement à un autre

ainsi le passé ne me revient qu’inventé, par le passé je crois à


l’avènement d’une vie nouvelle, sans cesse devancée par ce qu’il aura
fallu traverser pour en arriver à son invention

ce qu’on a oublié, on l’a oublié depuis toujours

dans le rêve, le noir nous rappelle que nous avons oublié de garder le
corps opaque à toute intrusion de la pensée

ce n’est pas que nous sommes en train de vieillir, c’est que la


proportion entre passé, présent et avenir se modifie sans cesse - ou
alors, on vieillit sans rien devoir au temps

22
ce qui dans le sommeil nous accueille en premier n’est pas le rêve,
mais un état d’inconscience où se délite toute l’idée qu’on se faisait du
sommeil avant d’y parvenir - en cela, cela seul, le sommeil est
semblable à la mort

ici l’on voit que la tête fonctionne comme une chambre faiblement
éclairée, dont la seule lumière provient de la persistance d’images que
nous reconnaissons sans savoir où nous les avons fabriquées, en quels
temps, en quels lieux, sans savoir même si nous en sommes les
créateurs

d’aussi loin que je sois pensé, ou rêvé, je n’en cesse pas moins de vivre
: par contre les blancs dont je fais l’expérience sont peut-être dus au
fait même que je sois pensé, rêvé, c’est-à-dire présent (au degré
logique) dans une autre sphère que la mienne

ainsi l’infini me sépare de mon image : je n’ai pas de prise sur elle, il
m’est seulement possible de cesser d’exister où je suis - commencer à
vivre implique de savoir qu’on ne se détruira nulle part ailleurs qu’en
nous-mêmes

c’est que la matière dont la réalité est faite forme quelque chose
comme un axe, dont le rêve recoupe le chaos en même temps qu’il
s’ordonne autour de lui et l’affronte

23

Vous aimerez peut-être aussi