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4 ième Récit de parcours D3 Mai 23 Isa Lamotte L’Estaque

Trop de maux tuent les mots?


D’où je viens ? Avoir envie d’écrire un énième récit de parcours pour un détroit qui s’annonce très
serré … 15 personnes 15 textes? Combien de mots? Combien de temps ?
Je suis de mauvaise humeur …
A qui j’adresse les miens? Des personnes invitées et qui peut être ne sont pas animées par leur
propre désir d’en être ...Les bords me sont momentanément peu sûrs et je sais pourtant que nous
retomberons sur nos pattes …

Il y a qqs semaines ‘’ j’étais en psychiatrie ‘’, j’étais usagère de la psychiatrie, peu à peu je me suis
enfoncée dans une crise existentielle profonde et grave, la peau à vif et le dedans mort, le corps
d’abord qui ne répond plus et la tête qui ne peut pas voir les signaux du corps...la tête qui mouline à
vide et le corps peu à peu qui s’arrête ...je ne dors plus je ne mange plus, je ne bouge plus …
L’intransformable, l’incontournable innommable, le rien mortifère jusqu’à flirter avec la mort …

L’effondrement comme unique chance de lâcher enfin lâcher le poids du drame et d’apprendre à
vivre autrement …
L’Insupportable …ce qui n’est plus portable. Ce qui empêche le mouvement ou ce qui enfin ouvre
une faille pour le libérer …
Il y a une fissure, une fissure dans tout, comme ça, la lumière peut entrer L.Cohen

Chance / risque de l’effondrement qui arrête, qui exhibe une vulnérabilité béante, l’obscénité , qui
oblige à se mettre à l’abri. Plus de peau protectrice, nécessité de trouver une autre contenance pour
cicatriser.
Ne plus avoir à donner le change, à faire semblant, se retrouver dans un en dehors de chez soi très
dedans, où personne que l’on connaît ne peut me voir écrasée, presque morte mais vivante.
Nécessité d’être soustraite à certains regards pour se reconstituer…
S’enfermer dans un espace que pour soi, une chambre à soi, n’en sortir que pour marcher dans le
parc, faire des tours de parc comme premiers mouvements possibles sans parler à personne à part
des bonjours parce que plutôt crever que de renier l’Autre...
Puis peu à peu chercher des lieux pour donner forme … trouver l’Art-thérapie et surtout rencontrer
une personne qui me ré-assure qui ne thérapise pas trop …
Aimer cet espace libre de 16H à 17H30 tous les jours où chacun.e vient bricoler puis me lever enfin
pour participer aussi aux groupes : Danse thérapie, Du corps à la trace, Théâtre , Arts plastiques,
Terre.

Et enfin donner forme en esquivant les moments de parole ou il faut parler de ces émotions, je parle
mais je ne réponds pas aux consignes , je parle de ce que je vois, de ce que ça m ‘évoque … puis
peu à peu je regarde autour, je regarde ce qui se passe pour les autres, dans cette espace libre de
16H surtout , et j’y retouve cet espace vide de projets, et c’est là que ça se passe, chacun s’organise
ou se désorganise, on colorie, on fait rien, on parle, on malaxe, gribouille, peint , colorie, reproduit,
crée, tisse, colle , découpe, déchire, rarement on se met en colère, on est parfois nombreux.ses dans
cette espace fermé et balisé dans le temps, on est très différent.es mais ensemble, dans cette période
de vie sensible, douloureuse et on ne nous demande rien et c’est là qu’on est , qu’on est vraiment
là.
Cette simplicité complexe d’être là !
Au bout de 9 semaines , ma peau commence à se reconstituer et parce que je ne suis pas seule
dehors, je décide de sortir le 30 décembre, je quitte ce dedans jusque là nécessaire qui soudain
devient trop, la protection devient presque enfermement, kaïros ! projection de l’ élan vital sur ce
passage symbolique d’une nouvelle année.
Puis j’ai besoin de maintenir le lien avec des personnes restées dedans, l’homme aux chats, le jeune
légionnaire moldave, la robuste Leïla avec son chapeau à pompons, le jeune et beau J qui est là
depuis longtemps sans prendre de médicaments, le jeune E qui ayant été mis dehors de l’institution
depuis un an , fait le mur presque chaque soir pour se retrouver dedans et voir les chats et les
ami.es en cachette dans le parc !!!!
Dedans, dehors ! Dehors dedans !
Participer à des groupes dehors d’auto-support, ( des personnes concernées par une même
problématique s’organisent entre elles pour se fortifier , se soutenir ) la fameuse phorie
réciproque ! Celle qui favorise la re-co -naissance, la considération, le sentiment d’utilité ...
Des fils se tissent, des chevêtres que chacun bricole ensemble ou seul.es nous humanisent à
nouveau.
« Créer c’est ébranler le monde » R Barthes mais c’est avant tout s’ébranler , se mettre en
mouvements, sortir de l’impossible dévastateur…

La Danse Singulière en italique ou pas offre un espace où s’ébranler, s’ébranler c’est vivre, être là !
La chance toujours risquée de remettre en jeu ce qui nous traverse, de donner forme à son kaïros
au-delà d’un espace social ou avec et malgré lui …
Les dispositifs kaïros comme unique façon d’ouvrir des brêches, fissures, interstices, failles, niches,
cabanes pour transformer, traverser, enformer pour ne pas mourir !
Avoir envie de me nourrir de cette lisière, travailleuse sociale, usagère de la psychiatrie,
participante au laboratoire de Danse Singulière pour penser , élaborer des espaces suffisamment
contenants et sécures pour qu’il s’y déroule ce qui doit se tramer, pour sortir des espaces mortifères
des obligations de résultats, de la vraie folie de l’être humain celle de seulement enfermer , étouffer
et détruire ...

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