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RECIT DE PARCOURS

Si j’ai traversé la danse singulière à différentes époques et ce depuis 2004, je


vois que le récit de parcours varie à chaque fois qu’il est à écrire.
La première rencontre a été suivie d’une dizaine de DS, échelonnée jusqu'à ce
jour, ainsi que la traversée des trois autres dispositifs. Quelles sont les
différences pour les transitions d’époques ? et les cycles de retour des questions
qui nous animent ?

La première rencontre en danse singulière m’avait conduit à faire la « Formation


à l’animation avec mise en jeu du corps » en 2005. Formation qui m’a nourri
intensément, particulièrement sur la question des enveloppes. Et je reviens avec
un problème d’enveloppe !

En fait, le fil de cet actuel récit de parcours en avril 2023, fait suite à l’acte
d’engagement au D3, tombé du ciel il y a quelques jours et il va devoir faire un
peu de ménage avec une conviction ancienne et récurrente :
je ne pensais pas être capable de tenir le cadre d’un voyage en Danse
singulière, et notamment pour le temps 4, le moment de parole.

« Etre capable de » était aussi relié à ma pratique engagée de danseuse et


chercheuse, avec les risques de faire, pour la danse singulière, des décalages ou
des pas de côté mal gérés :
Le risque de trop me décaler par rapport à ma pratique de danse contemporaine,
en création, sur scène et en pédagogie correspondante, pour conduire le bateau
qui était le mien…
Le risque de rajouter du chaos au chaos en pleine situation d’un voyage en DS ?
Et moi qui suit chaotique, je sais aussi à quel point la parole a du pouvoir.

Un problème d’enveloppe

Il s’est passé au cours de ces dernières semaines un événement bascule.


Créée pour le lien Parent Enfant, la structure psy dans laquelle j’interviens 4
jours par mois depuis 30 ans, a vécu il y a environ 5 ans un changement
d’équipe, les anciens étant partis en retraite ou ailleurs.

Et la clinique précédente a peu a peu disparu, toute cohérente et vivante qu’elle


était. Mes interventions étaient nommées « Médiation corporelle à usage
thérapeutique », usage thérapeutique du fait que l’équipe de l’Unité d’Accueil
répondait avec l’ensemble de ses membres, à un projet pertinent pour accueillir
les patients. Donc je n’étais pas thérapeute, j’offrais des espaces et dispositifs où
le corps est en jeu.

A l’hôpital, il y a depuis plusieurs années, des pressions d’en haut pour faire de
nous des techniciens lors de l’accompagnement de souffrances psychiques. La
nouvelle équipe a peu à peu perdu le projet précédent et au passage bien sûr, le
rapport au corps. Elle s’est étrangement clivée. Pour l’histoire, comme
j’interviens seulement 4 jours par mois, c’est aussi une place de témoin que j’ai,
face à la clinique de l’accueil qui tisse sa continuité, jour après jour.

Ma décision récente de quitter cette structure a déclenché chez moi une prise de
conscience : j’ai soudain réalisé que l’équipe précédente avait du me protéger
des remontées de la folie des patients dans le groupe ou des transferts en tous
genres. Si l’équipe fait enveloppe, ça travaille pour de bon. Mais dans l’équipe
actuelle, de plus en plus clivée, je me suis retrouvée régulièrement mise en
danger, ainsi que d’autres personnes, pour arriver à faire mon travail avec les
mères auxquelles je m’adresse, et à le mettre en lien au travail d’équipe.

Disponible ?
Au milieu de ces moments d’intense solitude, non dansés non chantés, j’ai
participé en avril à un weekend de Danse Singulière, à l’invitation de Candice,
sans présumer de ce qui m’attendait.
Le deuxième jour à ma grande surprise, je voyais enfin possible de me projeter
dans cette place aventureuse d’institu-trice DS : dont celle d’accueillir la parole
des participants au voyage du temps 4, en proposant un espace dont je puisse
assurer les sécurités élémentaires, y compris dans les paroles qui dansent, autour
du feu ancestral qui nous réunit. Avec la conscience de la communauté de
solitudes.

Un rituel

Quelque chose est apparu aussi à ce dernier voyage en DS : cette connection au


présent collectif dans un cadre qui la permet, m’a rappelé le sens du rituel
exploré dans une série de stages que nous avions créés avec deux autres
danseuses.

Ces stages d’une semaine de Danse comme rituel, Danse comme performance ,
ont dessiné une aventure pendant 10 ans au Jardin. L’accés à « l’étrangeté » dont
parle Marc, me rappelle ce que l’on trouvait dans le Rituel avec des cadres
précis, inspirés de différentes traditions, puis ramenés à nos questions ou
situations et réinventés pour les danser. Ces formes étaient recomposées par
thème pour chaque évènement.
La richesse des expériences étaient au rendez vous, source d’aventures en tous
genres du côté de la dynamique corps individuel/corps collectif… , mais
retrouver maintenant la rigueur du dispositif Danse Singulière qui sous-tend un
enjeu exigeant et puissant, cœur du dispositif Kairos, c’est si bon dans ces temps
pluvieux d’un social en galère.

Ces moments Kairos qui nous permettent d’être disponible aux infos de
l’inconscient collectif, nous offrent après la rencontre première des participants
et la mise en place des bases, de quoi tisser par les danses le fond vivant de notre
humanité inspirée, le jeu renouvelé de soi et du groupe. Sans projet dans
l’instant, nous partageons ce qui arrive, bizarre ou pas, nous pouvons nous offrir
l’accueil de nos transformations, nous sommes étonnés des façons différentes
de les conter et en faisons, si on peut, un langage partagé. Si on est allé en enfer
on dit qu’on a rencontré Hades et qu’on lui a dit des choses qu’il n’avait pas
encore entendues. Si on a croisé la tisseuse d’étoiles, on s’est rendu compte de la
beauté du cri qui vient d’être poussé, juste à côté de soi. On ne le raconte pas
dehors et on ne le filme pas.

Alors pour finir, avoir vécu cette dernière session « comme un rituel » a été
bien inspirant et devient pour moi une piste à suivre, avec un zeste du joyeux
concept d’indexicalité, source de la poésie, comme dirait mon ethnologue
préféré. Peut être ça m’aidera à me taire quand il faut écouter.

Et comme c’est l’heure de l’apéro, je vous confie que cette allusion au rituel est
juste une lumière perso, que je ne mettrai d’aucune façon en annonce officielle,
sous la photo du grand prêtre Marc en costume d’apparat ! (quoi que ☺))
A la bonne vôtre !

Mireille Feyzeau
Avril 2023

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