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Anesthésie et myasthénie
S. Lammens, B. Eymard, B. Plaud

La myasthénie est une maladie auto-immune responsable d’une fatigabilité et d’une faiblesse de la
musculature striée squelettique. Elle est plus fréquente chez les femmes. La myasthénie est liée à des
autoanticorps dirigés contre les récepteurs post-synaptiques à l’acétylcholine entraînant un blocage de la
transmission au niveau de la plaque motrice. D’autres maladies auto-immunes peuvent y être associées.
Le traitement repose sur les anticholinestérasiques et les immunosuppresseurs ainsi que le respect des
médicaments contre-indiqués pouvant aggraver les symptômes. Les poussées aiguës peuvent nécessiter
le recours aux immunoglobulines intraveineuses ou des plasmaphérèses. Le thymus serait à l’origine du
déclenchement et de l’entretien de l’auto-immunisation dans la myasthénie. Le recours à l’anesthésie
peut ainsi s’effectuer dans le cadre spécifique d’une thymectomie mais également pour une chirurgie en
urgence ou bien un acte d’obstétrique. La prise en charge périopératoire, pluridisciplinaire, nécessite une
évaluation préopératoire tenant compte notamment de la gravité basée sur des scores cliniques (score
musculaire fonctionnel de la myasthénie notamment), modifie les schémas d’utilisation des agents
anesthésiques (curares notamment), impose une surveillance postopératoire en unité de surveillance
continue, en réanimation ou à proximité immédiate. Dans la plupart des cas l’évolution postopératoire
est simple, superposable à une population normale. Néanmoins, le risque de complication postopératoire
est documenté et concerne essentiellement la fonction respiratoire. Dans ce contexte deux formes graves
doivent être distinguées : la crise myasthénique (poussée aiguë de la maladie) et la crise cholinergique
(surdosage en anticholinestérasiques).
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Mots clés : Myasthénie ; Anticholinestérasiques ; Thymectomie ; Curares ; Obstétrique

Plan terminaison nerveuse d’un neurone moteur d’une part, et le


muscle strié squelettique d’autre part. La connaissance de la
¶ Introduction 1 physiologie neuromusculaire revêt une grande importance en
anesthésie puisque le site d’action des curares est précisément le
¶ Physiopathologie de la transmission neuromusculaire appliquée
récepteur nicotinique à l’acétylcholine de la plaque motrice. Il
à la myasthénie 2
en est de même pour la physiopathologie neuromusculaire,
¶ Diagnostic, traitement 2 déterminante pour la pratique anesthésique, car certains
¶ Stratégie de la prise en charge anesthésique 3 patients proposés pour une chirurgie présentent une anomalie
Évaluation préopératoire 3 de cette transmission neuromusculaire. Quand il existe une
¶ Modifications induites par les médicaments de l’anesthésie 5 anomalie de la transmission du message nerveux, il faut
Curares 5 distinguer les pathologies touchant le récepteur nicotinique à
l’acétylcholine de la plaque motrice telle la dérégulation du
¶ Surveillance instrumentale de la curarisation 6
récepteur (dite basse comme dans la myasthénie ou bien haute
¶ Agents anesthésiques inhalés 6 par lésion du neurone moteur ou brûlures étendues par exem-
¶ Agents anesthésiques intraveineux 6 ple), des anomalies de la libération du neurotransmetteur
¶ Anesthésie locorégionale 6 (l’acétylcholine) tel le syndrome myasthénique de Lambert-
Eaton ou iatrogène [1]. Ces maladies sont rares et, en dehors des
¶ Cas particulier de la grossesse 6
centres spécialisés, la pratique médicale en général, anesthésique
¶ Période postopératoire 6 en particulier, y est peu confrontée. La myasthénie est une
¶ Conclusion 7 maladie auto-immune responsable d’une fatigabilité et d’une
faiblesse de la musculature striée squelettique. Elle constitue, à
l’heure actuelle, la mieux connue des maladies auto-immunes
tant sur le plan de la physiopathologie que du traitement [2, 3].
■ Introduction La connaissance de cette pathologie par le médecin anesthésiste
réanimateur est importante. L’anesthésie peut entraîner des
La transmission neuromusculaire est un mécanisme physio- modifications chez ces patients du fait de l’interaction de
logique complexe permettant la communication entre la nombreux médicaments avec la jonction neuromusculaire. Elle

Anesthésie-Réanimation 1
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36-657-C-10 ¶ Anesthésie et myasthénie

peut être à l’origine de détresses respiratoires aiguës. Les facteurs musculaire. Lorsque la transmission neuromusculaire échoue au
déclenchants des poussées, leur présentation clinique et leur niveau de trop nombreuses jonctions, il y a une diminution
traitement ainsi que les médicaments contre-indiqués doivent globale de la force musculaire qui se traduit cliniquement par
être intégrés. Dans ce contexte, l’atteinte de la jonction une faiblesse ou une fatigue à l’effort [4].
neuromusculaire est souvent indissociable de celle de la respira- D’autres anticorps ont été détectés chez la moitié des patients
tion et de la déglutition qui en fait la gravité. La prise en charge atteints d’une forme généralisée de myasthénie et chez qui les
périopératoire d’un sujet myasthénique nécessite une évaluation anticorps anti-RnACh sont absents (patients dits séronégatifs).
préopératoire soigneuse, pluridisciplinaire, amenant à contre- Ces anticorps anti-MuSK sont dirigés contre une tyrosine kinase
indiquer l’utilisation de certains médicaments anesthésiques ou de la membrane post-synaptique, MuSK, qui après avoir fixé
à modifier les schémas d’utilisation d’autres produits, afin de l’agrine libérée par le nerf moteur concentre et stabilise le
réduire le risque de complication périopératoire (respiratoire RnACh au niveau de la synapse [5].
notamment). La procédure chirurgicale qui a fait l’objet du plus Plusieurs arguments laissent à penser que le thymus est à
grand nombre de publications sur la prise en charge anesthési- l’origine du déclenchement et de l’entretien de l’auto-
que du myasthénique est la thymectomie souvent effectuée immunisation dans la myasthénie [2, 3]. Le thymus est le siège
dans des centres spécialisés et donc entraînés. Mais le recours à chez 50 % des patients (en grande majorité des sujets de moins
l’anesthésie peut également être nécessaire pour une chirurgie de 40 ans, avec taux élevé d’anticorps anti-RnACh) d’une
en urgence ou bien un acte d’obstétrique dans des structures hyperplasie caractérisée par la présence de centres germinatifs de
moins habituées à ce type de pathologie. type ganglionnaire. Un thymome correspondant à une prolifé-
ration anarchique des cellules épithéliales affecte 20 % des
myasthéniques, en règle plus âgés. De plus, la thymectomie est
■ Physiopathologie souvent bénéfique dans les formes généralisées du sujet jeune
avec anticorps anti-RnACh.
de la transmission neuromusculaire De très nombreux travaux ont, dans les dernières années,
appliquée à la myasthénie permis de mieux cerner l’implication du thymus dans la
maladie. En cas d’hyperplasie et de thymomes, certains lym-
La connaissance des modifications de la jonction neuromus- phocytes thymiques sont sensibilisés au RnACh qui est exprimé
culaire observées dans la myasthénie permet d’expliquer les au niveau des cellules épithéliales et des cellules d’origine
signes cliniques et électrophysiologiques d’une part, et d’autre musculaire (myoïdes). Le caractère primaire ou secondaire de
part d’éviter certaines complications dans le contexte d’une l’autosensibilisation thymique reste discuté.
intervention chirurgicale [1]. La jonction neuromusculaire (JNM) L’hypothèse d’un déclenchement de l’auto-immunisation par
ou plaque motrice est constituée au niveau présynaptique par la une infection virale a également été évoquée mais n’est pas
terminaison, au contact d’une fibre musculaire, de l’axone d’un prouvée à l’heure actuelle [6].
motoneurone. Cet axone contient de nombreuses vésicules
synaptiques d’acétylcholine (ACh) qui est le médiateur de la
transmission neuromusculaire. Un espace étroit, d’environ
■ Diagnostic, traitement
50 nm, appelé fente synaptique, sépare la membrane du La myasthénie est une maladie plus fréquente qu’on ne
motoneurone de celle du muscle. Au niveau post-synaptique se l’estimait initialement. Sa prévalence est estimée aux États-Unis
situe le sarcolemme d’une fibre musculaire, qui présente à ce à 200 par million [7]. Si elle débute à tout âge, de 6 mois à plus
niveau de nombreux replis augmentant la surface d’échange de 80 ans, elle affecte surtout des adultes de moins de 40 ans
(appareil sous-neural). Les récepteurs nicotiniques de l’acétyl- (60 % des cas), en majorité des femmes. La symptomatologie est
choline (RnACh) sont concentrés au sommet de ces replis. Le dominée par une fatigabilité musculaire, c’est-à-dire une
RnACh est une glycoprotéine transmembranaire résultant de diminution de la force musculaire pouvant aller jusqu’à la
l’assemblage de cinq sous-unités polypeptidiques (pentamère) paralysie qui apparaît lors d’efforts répétés ou maintenus. La
délimitant un canal ionique central (adulte : 2a1b1d1E ou force musculaire redevient normale après repos. Dans près de la
fœtal : 2a1b1d1c). Un site de liaison de l’ACh est situé sur moitié des cas, les premières manifestations sont purement
chacune des deux sous-unités a. La fixation d’une molécule oculaires avec ptôsis et diplopie, mais après 1 an d’évolution,
d’ACh sur chacune des deux sous-unités a provoque une chez 80 % à 90 % des patients, d’autres territoires sont affectés,
modification de la conformation allostérique du récepteur les muscles pharyngolaryngés ou les muscles des membres et
entraînant une ouverture du canal ionique et une dépolarisation axiaux (nuque tombante) ou les muscles respiratoires : la
par entrée de Na+ et sortie de K+. La liaison de l’ACh à son myasthénie est alors généralisée. Une minorité de patients
récepteur est transitoire, la dissociation de cette liaison est suivie (10 % à 15 %) n’a qu’une atteinte oculaire après 2 ans : il s’agit
de l’hydrolyse de l’ACh par l’acétylcholinestérase (AChE) de myasthénies oculaires pures qui se voient plus volontiers
présente dans la fente synaptique au niveau de la membrane chez l’homme après 40 ans. L’évolution de la myasthénie est
basale qui recouvre la plaque motrice. La myasthénie est liée à capricieuse, mais elle se caractérise habituellement par :
des autoanticorps dirigés contre les récepteurs post-synaptiques • la survenue de poussées faisant parfois suite à des rémissions ;
à l’ACh entraînant un blocage de la transmission au niveau de • une tendance à l’aggravation dans les premières années : pour
la plaque motrice (bloc neuromusculaire de type post- 85 % des patients, le stade de gravité maximal de la maladie
synaptique) [2, 3]. Ces anticorps provoquent une perte en RnACh est atteint dans un délai inférieur à 3 ans.
fonctionnels par trois mécanismes : La sévérité de la myasthénie est très variable d’un patient à
• les anticorps qui sont divalents pontent les RnACh sur la l’autre et, chez un même patient, d’un moment à l’autre.
surface membranaire. Cela provoque l’internalisation et la L’atteinte des muscles respiratoires thoraciques et diaphragma-
dégradation lysosomale des RnACh, dont la durée de vie est tiques et les troubles sévères de déglutition caractérisent les
en conséquence significativement raccourcie ; formes graves (20 à 30 % des patients) qui peuvent entraîner
• les anticorps provoquent une lyse de la membrane post- une détresse respiratoire mettant en jeu le pronostic vital.
synaptique médiée par le complément. Ces lésions expliquent Le diagnostic de myasthénie repose sur la symptomatologie et
les modifications morphologiques de la jonction neuromus- des investigations complémentaires. Le test à la néostigmine
culaire, à type d’aplatissement des replis post-synaptiques du (anticholinestérasique) complète l’examen clinique. L’électro-
sarcolemme et d’élargissement de la fente synaptique, qui myographie (EMG) révèle, au cours d’une stimulation itérative
sont observées dans la myasthénie ; supramaximale entre 2 et 5 Hz, une diminution progressive de
• dans certains cas, l’anticorps bloque directement l’accès de l’amplitude et de la durée des potentiels recueillis. La diminu-
l’ACh à son site ligand sur le récepteur. tion entre le 2e et le 5e potentiel doit être supérieure à 10 %
La diminution du nombre des RnACh fonctionnels est à pour affirmer le diagnostic. La détection par dosage radio-
l’origine d’une diminution d’amplitude du potentiel de plaque immunologique d’anticorps anti-RnACh présents dans 80 % des
qui devient insuffisant pour entraîner le potentiel d’action cas certifie le diagnostic. Dans la moitié des formes généralisées

2 Anesthésie-Réanimation

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Anesthésie et myasthénie ¶ 36-657-C-10

Tableau 1.
Stratégie thérapeutique au cours de la myasthénie.
Paramètres Thymome, sévérité, âge
Toujours Anticholinestérasiques (Tableau 2), respect des contre-indications médicamenteuses (Tableau 7)
Si thymome Thymectomie associée à une radiothérapie et éventuellement une chimiothérapie en cas de caractère invasif
Forme généralisée du sujet jeune Thymectomie sauf si présence d’anticorps anti-MuSK
(jusqu’à 40-45 ans), même si légère
Forme sévère ou invalidante - Corticoïdes (plutôt sujet jeune), azathioprine (plutôt sujet âgé)
- Association corticoïdes + azathioprine : si inefficacité d’un seul médicament
En cas de poussée sévère (fausses routes, - Mesures de réanimation : sonde gastrique, ventilation
troubles respiratoires) - Immunoglobulines polyvalentes intraveineuses, plasmaphérèses
- Relais par corticothérapie et/ou azathioprine
Si résistance à un traitement bien conduit - Vérifier qu’il ne s’agit pas d’une erreur diagnostique (par exemple, une myopathie mitochondriale : biopsie
musculaire)
- Rechercher une affection associée à la myasthénie : dysthyroïdie, lupus, maladie de Biermer notamment
- Essayer un autre immunosuppresseur : mycophénolate mofétil, cyclophosphamide en bolus, rituximab.
Utilité des plasmaphérèses ou des immunoglobulines intraveineuses, tant que l’équilibre n’est pas obtenu
Si atteinte purement oculaire après 2 ans Anticholinestérasiques mais souvent peu efficaces, correction par prisme si la paralysie des muscles oculaires
(myasthénie oculaire pure) n’est pas trop variable. Si ces moyens sont insuffisants et que le dédoublement de la vue est très gênant :
corticothérapie à dose faible.

Tableau 2.
Médicaments anticholinestérasiques.
Dénomination Présentation Posologie Délai d’action Durée d’action
® -1
Néostigmine (Prostigmine ) Ampoules 0,5 mg ml s.c. ou i.m. : pour le traitement 2 à 5 amp
par jour en 4 à 6 injections
pour le test 1 amp
i.v. : 0,5 à 1 mg 1 minute 70-80 minutes
s.c. ou i.m. : 5 mg 10 minutes 2 heures
Pyridostigmine (Mestinon®) Comprimés 60 mg 4 à 8 cp en 3-4 prises 2 heures 3-4 heures
Ambémonium (Mytélase®) Comprimés 10 mg 3 à 10 cp en 3-4 prises 15-20 minutes 5-6 heures
s.c. : sous-cutané ; i.m. : intramusculaire ; i.v. : intraveineux ; amp : ampoule ; cp : comprimé.

sans anticorps anti-RnACh, d’autres anticorps, également La prise en charge de la crise myasthénique impose une
pathognomoniques, anti-MuSK sont retrouvés. Tous ces tests hospitalisation en réanimation pour un traitement symptoma-
sont parfois négatifs ne rejetant pas le diagnostic lorsque le tique des défaillances, le traitement de la cause déclenchante
tableau clinique est évocateur. Si la vision double ou la chute de (infection par exemple), l’administration d’anticholinestérasi-
paupière sont isolées, il est recommandé de faire une imagerie ques intraveineux, d’immunoglobulines intraveineuses et
cérébrale (scanner ou imagerie par résonance magnétique [IRM]) éventuellement des séances de plasmaphérèse. Enfin, la thy-
pour éliminer une lésion cérébrale. mectomie peut entraîner une amélioration prolongée [9]. C’est
Le pronostic de la myasthénie dépend des troubles de la principalement dans ce contexte que le médecin anesthésiste est
déglutition et de l’atteinte respiratoire [8]. L’atteinte respiratoire sollicité.
peut être provoquée par deux mécanismes, la crise cholinergi-
que ou la crise myasthénique. La crise cholinergique est liée à
un surdosage en anticholinestérasiques qui provoquent une
paralysie par bloc nicotinique, la paralysie respiratoire peut être ■ Stratégie de la prise en charge
précédée de signes d’intoxication aux anticholinestérasiques
(myosis, nausées, douleurs abdominales, diarrhée, hypersaliva- anesthésique
tion, sueur). La crise myasthénique est liée à une poussée
évolutive de la maladie. Évaluation préopératoire
La stratégie thérapeutique générale pour la myasthénie est
présentée dans le Tableau 1. Celle-ci comprend toujours en
première intention, le respect des contre-indications médica- Estimation de la gravité de la myasthénie
menteuses et le recours aux anticholinestérasiques (Tableau 2). La gravité de la maladie est évaluée sur la fonction respira-
Une prise en charge en réanimation est indiquée lorsqu’existent toire. Dans le Tableau 3 est présenté un score fonctionnel sur
des manifestations mettant en jeu le pronostic vital. En cas de 100 prenant en compte l’atteinte des différents groupes muscu-
thymome, l’exérèse chirurgicale est proposée, complétée par une laires. Celui-ci est reproductible et permet un suivi rapproché.
radiothérapie si le thymome est invasif. Les autres moyens
Dans le Tableau 4 est présentée l’échelle américaine de la
thérapeutiques répondent à deux objectifs :
Myasthenia Gravis Foundation of America [11] qui comporte
• le traitement de fond de la myasthénie : thymectomie,
cinq stades de gravité croissante. L’atteinte de la musculature
corticothérapie, immunosuppresseurs [6] ;
• le traitement à court terme d’une poussée sévère : plasma- pharyngolaryngée ou thoracique fait craindre des complications
phérèses, immunoglobulines intraveineuses. respiratoires postopératoires [12].
Mis à part le thymome, les indications dépendent de trois La fonction respiratoire est toujours quantifiée avant toute
paramètres : l’âge, la sévérité de la myasthénie (troubles de intervention chirurgicale par des épreuves fonctionnelles
déglutition, troubles respiratoires, important retentissement respiratoires (EFR) (notamment la pression inspiratoire maxi-
socioprofessionnel), les contre-indications inhérentes à une male et la capacité vitale). Les EFR permettent d’avoir une
classe médicamenteuse (ex : diabète décompensé et corticothé- valeur de référence et entrent dans les scores prédictifs de
rapie, dysfonction hépatique et azathioprine). ventilation mécanique postopératoire (Tableau 5) [13].

Anesthésie-Réanimation 3
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Tableau 3. Tableau 4.
Score musculaire fonctionnel (maximum 100 points) établi par l’équipe Classification clinique de la myasthénie selon l’échelle de la Myasthenia
de réanimation de l’hôpital Raymond Poincaré de Garches [10]. Gravis Foundation of America [11].
Membres supérieurs étendus à l’ho- Pendant 150 secondes = 15 points, Classe I Atteinte limitée à un groupe musculaire (oculaire le plus
rizontale en antépulsion (manœu- pendant 100 secondes = 10 points, souvent)
vre de Barré) pendant 50 secondes = 5 points, Classe II Faiblesse légère affectant des muscles autres qu’oculaires
pendant 10 secondes = 1 point
Les muscles oculaires peuvent être touchés
Membres inférieurs, patient en dé- Pendant 75 secondes = 15 points, IIa : atteinte prédominant aux membres, aux muscles
cubitus dorsal, cuisses fléchies à 90° pendant 50 secondes = 10 points, axiaux, ou les deux
sur le bassin, jambes fléchies à 90° pendant 25 secondes = 5 points, IIb : atteinte prédominant aux muscles oropharyngés,
sur les cuisses (manœuvre de Min- pendant 5 secondes = 1 point respiratoires ou les deux
gazzini) Classe III Faiblesse modérée affectant des muscles autres qu’oculai-
res. Les muscles oculaires peuvent être touchés
Flexion de la tête, malade en décu- Contre résistance : 10 points
IIa : atteinte prédominant aux membres, aux muscles
bitus dorsal Sans résistance : 5 points axiaux, ou les deux
Impossible : 0 point IIb : atteinte prédominant aux muscles oropharyngés,
respiratoires ou les deux
Passage de la position couchée à la Sans l’aide des mains : 10 points
Classe IV Faiblesse sévère affectant des muscles autres qu’oculaires
position assise Avec l’aide des mains : 5 points
Les muscles oculaires peuvent être touchés
Impossible : 0 point
IVa : atteinte prédominant aux membres, aux muscles
axiaux, ou les deux
Oculomotricité extrinsèque Normale : 10 points IV b : atteinte prédominant aux muscles oropharyngés,
Ptôsis isolé : 5 points respiratoires ou les deux
Diplopie : 0 point Classe V Myasthénie très sévère : intubation avec ou sans ventila-
tion mécanique
Occlusion palpébrale Complète : 10 points
Si uniquement sonde nasogastrique → IVb
Incomplète : 5 points
Nulle : 0 point

Mastication Normale : 10 points Tableau 5.


Score de Leventhal ou score de prédiction du risque de complication
Diminuée : 5 points
respiratoire postopératoire [13].
Nulle : 0 point
Item Points
Déglutition Normale : 10 points
Durée de la maladie > 6 ans 12
Dysphagie sans fausse route :
Autre maladie respiratoire associée 10
5 points
Pyridostigmine > 750 mg j-1 8
Dysphagie avec fausse route :
0 point Capacité vitale < 2,9 l 4
Total 34
Phonation Voix normale : 10 points Score < 10 : extubation postopératoire immédiate
Voix nasonnée : 5 points Score 10-12 : zone d’incertitude
Aphonie : 0 point Score > 12 : ventilation mécanique postopératoire

Pathologies associées Tableau 6.


Si le patient présente une masse médiastinale antérieure Pathologies auto-immunes associées à la myasthénie et leurs implications
(thymome), il y a un risque d’obstruction trachéobronchique ou anesthésiques.
vasculaire lors de l’induction anesthésique, voire lors de Pathologie associée Implications anesthésiques
l’installation en décubitus dorsal. La réalisation de courbes
débit-volume en position assise puis couchée peut aider pour Thyroïdite Hypo- ou hyperthyroïdie symptomatique
évaluer le retentissement ventilatoire de la masse médiasti- Lupus érythémateux Risque thrombotique
nale [14]. D’autres maladies auto-immunes peuvent être associées disséminé Risque d’endocardite
à la myasthénie [2, 3]. Ces pathologies peuvent avoir des impli- Polyarthrite rhumatoïde Risque d’intubation difficile
cations anesthésiques propres et doivent donc être recherchées Risque de luxation atloïdoaxoïdienne (ris-
(Tableau 6). De même, les troubles hydroélectrolytiques doivent que de tétraplégie)
être systématiquement recherchés chez les patients traités par Anémie de Biermer, anémie Risques propres à l’anémie
corticoïdes au long cours. hémolytique
Traitement anticholinestérasique, prémédication
La conduite à tenir concernant les anticholinestérasiques est respiratoire est indispensable pour optimiser la fonction
discutée. Plusieurs attitudes sont proposées. Si la pathologie est ventilatoire du patient. La multidisciplinarité (médecin anesthé-
équilibrée, la poursuite du traitement jusqu’à l’intervention est siste, neurologue, chirurgien et kinésithérapeute) dans la prise
souhaitable. L’autre attitude est d’interrompre le traitement en charge périopératoire de ces patients est souhaitable.
anticholinestérasique au moins le jour de l’intervention, La prémédication doit éviter les médicaments ayant un effet
notamment si l’utilisation de curares est envisagée et nécessaire dépresseur respiratoire de durée d’action prolongée. Les benzo-
car les anticholinestérasiques diminueraient l’efficacité des diazépines, susceptibles d’aggraver une myasthénie, ne sont pas
curares non dépolarisants [15] et allongeraient la durée d’action indiquées (Tableau 7). De nombreux médicaments interfèrent
du suxaméthonium [16]. Si la pathologie du patient est mal avec la jonction neuromusculaire et sont susceptibles d’aggraver
équilibrée par le traitement médicamenteux, des séances de la maladie, pouvant aller jusqu’à provoquer des crises myasthé-
plasmaphérèse ou l’administration d’immunoglobulines intra- niques. Ces interactions doivent être envisagées dès la période
veineuses en préopératoire immédiat pourraient être bénéfi- préopératoire afin de limiter au maximum le risque d’erreurs en
ques [17] . Une préparation préopératoire par kinésithérapie per- et postopératoire [18]. Le Tableau 7 présente les principaux

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Tableau 7.
Médicaments (DCI) susceptibles d’aggraver la myasthénie [18].
■ Modifications induites
Contre-indication Contre-indication
par les médicaments de l’anesthésie
absolue (aggravation relative (précaution
clinique fréquente) d’emploi car Curares
aggravation clinique Les curares agissent directement au niveau de la jonction
possible ou neuromusculaire, leur pharmacodynamie est donc fortement
exceptionnelle) modifiée dans la myasthénie [19] . Pourtant, ils ne sont pas
Antibiotiques Aminosides Lincosamides contre-indiqués dans la myasthénie mais leur utilisation est
Colistine Cyclines per os restreinte à des indications formelles (type de chirurgie notam-
Cyclines injectables Aminosides locaux ment). Il faut connaître les particularités pharmacodynamiques
induites par la myasthénie et dans tous les cas évaluer le degré
Télithromycine Quinolones
de curarisation à l’aide d’un monitorage quantitatif. Les
Macrolides et apparen- modifications rapportées dépendent de la classe pharmacologi-
tés
que des curares et de la sévérité de l’atteinte.
Médicaments cardio- Quinidiniques Lidocaïne
vasculaires Procaïnamides Inhibiteurs calciques Curares dépolarisants (suxaméthonium)
Bêtabloquants Furosémide À l’inverse de ce qui est décrit pour les maladies musculaires
(y compris collyres) Brétylium (myopathie), le suxaméthonium n’est pas contre-indiqué en cas
Psychotropes et médi- Diphénylhydantoïne Lithium de myasthénie [1, 20]. Le suxaméthonium est un agoniste partiel
caments du système Benzodiazépines
du RnACh, c’est-à-dire qu’il possède une partie des propriétés
nerveux central pharmacologiques de l’agoniste naturel, l’acétylcholine (le
Carbamazépine
suxaméthonium est composé de deux molécules d’acétylcholine
Phénothiazine disposées bout à bout). Ainsi, la réduction du nombre de
IMAO RnACh observée dans la myasthénie entraîne une diminution
Divers Magnésium i.v. Magnésium per os de la puissance du suxaméthonium c’est-à-dire une augmenta-
Dantrolène Quinquina tion des besoins pour observer le même effet [1]. La dose active
D Pénicillamine Dérivés nicotiniques 95 % (DA95 ou dose entraînant 95 % de dépression de la force
Quinine (sevrage tabagique) musculaire évaluée à l’adducteur du pouce) du suxaméthonium
chez le patient myasthénique est ainsi 2,6 fois plus élevée que
IMAO : inhibiteurs de la monoamine oxydase ; DCI : dénomination commune chez le sujet normal : 0,8 mg kg–1 vs 0,3 mg kg–1[20]. La sévérité
internationale ; i.v. : intraveineux.
de la pathologie influe sur ce résultat. Ainsi, chez un patient en
rémission complète, un cas clinique rapporte l’absence de
résistance au suxaméthonium (DA50 = 0,08 mg kg–1 et DA90
médicaments pouvant aggraver une myasthénie et classés en = 0,2 mg kg–1) [21]. En revanche, les patients myasthéniques
deux catégories. Celle pour laquelle l’aggravation clinique est présentent un risque accru de bloc neuromusculaire de phase II
fréquente et représente donc une contre-indication absolue à suite à l’injection itérative de suxaméthonium [16]. Les traite-
leur utilisation dans le contexte d’une myasthénie. La seconde ments anticholinestérasiques, s’ils sont poursuivis en préopéra-
comprend des médicaments à utiliser avec précaution en toire immédiat, peuvent réduire le métabolisme du
fonction du bénéfice attendu et des risques encourus, représen- suxaméthonium et entraîner un allongement de sa durée
tant ainsi une contre-indication relative. À noter également que d’action [22] . Au total, chez le patient myasthénique il est
l’allopurinol potentialise l’effet de l’azathioprine, imposant de nécessaire d’augmenter les doses de suxaméthonium. Une dose
réduire la dose des deux tiers et de surveiller étroitement la de 1,5 à 2 mg kg –1 semble suffisante pour l’induction en
numération formule sanguine (NFS). L’injection d’iode pour séquence rapide [23] qui reste la règle en cas de suspicion
examen radiologique de contraste peut induire une décompen- d’estomac plein ou de situation à risque, même en cas de
sation aiguë. Elle est donc déconseillée en cas de poussée. Pour myasthénie [24]. Enfin, il faut éviter les réinjections et monitorer
ce qui concerne les vaccinations, le retentissement sur la la curarisation avant d’administrer un curare non dépolarisant
myasthénie est mal documenté. La vaccination contre la (si cela est indiqué) afin de s’assurer de l’absence de curarisation
poliomyélite, le tétanos et la grippe n’entraîne pas d’aggravation prolongée ou bien encore pour détecter un bloc de phase II.
lorsque la myasthénie est bien contrôlée. Les vaccins vivants
(par exemple le vaccin antipolio buccal) sont formellement Curares non dépolarisants
contre-indiqués chez les patients sous corticoïdes ou immuno- Compte tenu de la physiopathologie de la myasthénie, la
suppresseurs. L’interféron alpha peut aggraver, voire induire une sensibilité aux curares non dépolarisants est augmentée,
myasthénie. Enfin, l’utilisation de patch de nicotine pour le correspondant à une réduction des besoins variable selon la
sevrage de l’intoxication tabagique peut également aggraver la gravité et l’évolutivité de la myasthénie [25]. Il est donc indis-
myasthénie. À l’issue de la consultation d’anesthésie, le patient pensable de titrer la réponse clinique (par exemple débuter par
doit être informé des bénéfices et des risques de la stratégie 1/10e de la DA95) sous couvert d’un monitorage instrumental de
médicale retenue, et notamment celui de détresse respiratoire la curarisation. Pour le vécuronium, la DA95 chez le myasthéni-
postopératoire pouvant nécessiter une assistance ventilatoire que est réduite de 45 % [26] à 60 % [27] par rapport à celle du
(invasive ou non) plus ou moins prolongée. La surveillance de sujet normal (Tableau 8). L’atracurium est 1,7 à 1,9 fois plus
ces patients en réanimation ou en unité de surveillance conti- puissant chez le sujet myasthénique que chez le sujet nor-
nue est donc à programmer dès cette étape d’évaluation. mal [28]. La sensibilité des patients myasthéniques est également

Tableau 8.
Doses actives 95 % (DA95*) exprimées en mg kg-1 des curares chez des sujets sains indemnes (contrôles) et présentant une myasthénie [23, 26, 28].

Suxaméthonium Atracurium Vécuronium


Contrôle Myasthénie Contrôle Myasthénie Contrôle Myasthénie
N 20 10 10 5 10 5
DA95* 0,310 0,820 0,240 0,140 0,036 0,0020
N : nombre de patients. * Dose entraînant à l’adducteur du pouce une diminution de 95 % de la hauteur de la 1re réponse (T1) du train-de-quatre par rapport à la valeur
contrôle (TO).

Anesthésie-Réanimation 5
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36-657-C-10 ¶ Anesthésie et myasthénie

augmentée pour le cisatracurium [29] et le mivacurium [30] . clinique rapporte un retard de réveil de 12 heures après utilisa-
Comme pour le suxaméthonium, les anticholinestérasiques tion de rémifentanil chez une patiente myasthénique opérée
peuvent interférer avec le métabolisme du mivacurium et d’une thymectomie mais sans prouver de relation de cause à
augmenter sa durée d’action. effet [43].
Le sugammadex, nouvel agent décurarisant, est une gamma
cyclodextrine encapsulant spécifiquement et uniquement les
curares stéroïdiens (rocuronium, vécuronium) pourrait présenter ■ Anesthésie locorégionale
un intérêt dans cette pathologie neuromusculaire du fait de
l’abscence d’effet sur le métabolisme de l’acétylcholine. Mais Les anesthésiques locaux interfèrent également avec la
aucune donné dans cette indication n’est actuellement transmission neuromusculaire [44]. Ils peuvent donc théorique-
disponible. ment être à l’origine d’une diminution de la force musculaire si
les concentrations plasmatiques sont importantes. Mais aucune
complication de ce type n’a été décrite chez les patients
■ Surveillance instrumentale myasthéniques.
Quand l’intervention le permet, l’anesthésie locorégionale
de la curarisation semble préférable à l’anesthésie générale en raison de son
moindre retentissement respiratoire. Il est conseillé de diminuer
Classiquement, le monitorage de la curarisation doit être les doses d’anesthésiques locaux par rapport au sujet sain [14].
réalisé au muscle sourcilier pour l’induction et à l’adducteur du La péridurale thoracique a été proposée pour l’analgésie per-
pouce pour la décurarisation. Chez le patient myasthénique, la et postopératoire des thymectomies [14, 45-47]. Cette technique
sensibilité des différents groupes musculaires aux curares peut paraît intéressante en complément d’une anesthésie générale
être modifiée par rapport au sujet sain. Une étude a montré que intraveineuse utilisant le rémifentanil, elle permet en effet de
le monitorage de la curarisation à l’orbiculaire de l’œil peut limiter fortement l’utilisation de morphiniques en postopéra-
surestimer le bloc neuromusculaire chez le patient myasthéni- toire [41]. Comme tout bloc périmédullaire, le rapport bénéfice
que [31] . L’atteinte quasi constante des muscles oculaires (fonction respiratoire)/risque (complication de la technique et
explique sans doute ce résultat. De plus, la sensibilité des surveillance dans un environnement adapté) doit être correcte-
différents groupes musculaires aux curares est différente en ment évalué. Dans le contexte de la myasthénie, les séries
fonction de l’évolution de la maladie. Ainsi, si chez le patient publiées sont trop faibles, peu ou pas comparables dans le
ayant une myasthénie oculaire pure, le monitorage à l’orbicu- temps pour pouvoir faire des recommandations de grade élevé.
laire de l’œil surestime le bloc neuromusculaire, ceci n’est plus
vérifié chez le patient ayant une myasthénie généralisée [31]. De
même, chez un patient atteint de myasthénie oculaire unilaté- ■ Cas particulier de la grossesse
rale, le monitorage du muscle sourcilier controlatéral n’est pas
fiable pour prédire les conditions d’intubation [32]. L’évaluation La grossesse a une influence variable sur l’évolution de la
chez le myasthénique du rapport de train de quatre (Td4) par myasthénie. Elle peut entraîner une aggravation surtout dans les
EMG au niveau des muscles hypothénars de la main avant trois premiers mois et pendant le post-partum, ou plus rarement
l’administration de tout myorelaxant permettrait de prédire la une rémission de la maladie [6, 48-50]. A contrario, la myasthénie
sensibilité aux curares non dépolarisants. Ainsi, le rapport de a peu d’influence sur le déroulement de la grossesse et de
Td4 avant curarisation est inférieur à 0,9, la sensibilité aux l’accouchement. Il faut néanmoins être prudent et l’accouche-
curares est plus importante et les doses injectées doivent être ment doit être programmé dans un centre disposant d’une
moindres par rapport à des sujets myasthéniques ayant un réanimation pour la parturiente et le nouveau-né. Le traitement
rapport supérieur à 0,9 [33]. de la myasthénie doit être optimisé durant la grossesse, l’accou-
Au total, l’évaluation de la gravité de la maladie selon les chement et le post-partum. L’analgésie péridurale est une
classifications de Garches [10] et de la Myasthenia Gravis indication médicale dans la myasthénie [51]. Elle est réalisée en
Foundation of America [11] couplée à celle de la valeur du associant systématiquement un morphinique afin de diminuer
rapport de Td4 avant l’induction à l’adducteur du pouce les doses d’anesthésiques locaux. Il faut en revanche éviter
(inférieur ou supérieur à 0,9) permettraient de prédire la l’utilisation de clonidine qui majore le bloc moteur et le risque
sensibilité aux curares non dépolarisants. d’hypotension. La combinaison rachianesthésie-péridurale est
également possible chez ces patientes [51]. Si une anesthésie
générale est indispensable, le suxaméthonium n’est pas contre-
■ Agents anesthésiques inhalés indiqué dans la myasthénie mais une dose plus élevée est
nécessaire (1,5 à 2 mg kg–1). Une myasthénie néonatale est à
Les agents halogénés interfèrent avec la transmission neuro- craindre chez 20 à 30 % des nouveau-nés au cours des 24 pre-
musculaire [34] . Cet effet est plus marqué chez le patient mières heures. La prise en charge systématique en néonatologie
myasthénique [35] avec là encore une variabilité en fonction de des nouveau-nés de mère myasthénique semble donc justifiée.
la gravité de la maladie. Il a de plus été démontré (chez le sujet
sain) que l’hypothermie et les agents anesthésiques inhalés
potentialisent l’action des curares dépolarisants et non dépola- ■ Période postopératoire
risants [36, 37]. Les agents anesthésiques inhalés peuvent être
utilisés pour l’entretien de l’anesthésie chez les patients Il faut anticiper une prise en charge en unité de surveillance
myasthéniques mais il semble préférable d’éviter l’association continue. Actuellement, l’extubation précoce est le plus souvent
aux curares. possible à condition que l’évaluation préopératoire et l’anesthé-
sie aient été bien conduites. L’utilisation de curares non
dépolarisants majorerait le risque de complications respiratoi-
■ Agents anesthésiques res [46] . Les critères d’extubation du myasthénique sont les
mêmes que pour le sujet sain. Plusieurs scores prédictifs de
intraveineux ventilation mécanique postopératoire ont été proposés mais ils
n’ont qu’une valeur indicative [12, 13, 52, 53]. La faiblesse muscu-
Le thiopental, le propofol, l’étomidate et la kétamine peuvent laire postopératoire pose des problèmes diagnostiques. Elle peut
être utilisés dans la myasthénie. Les opiacés posent le problème être liée à un effet résiduel des agents anesthésiques (agent
de la dépression respiratoire induite. Les opiacés de très courte halogéné et curare notamment), à une crise myasthénique ou à
durée d’action comme le rémifentanil semblent intéressants une crise cholinergique. L’attitude à adopter vis-à-vis de la
dans ce contexte. Des cas cliniques rapportent l’utilisation de reprise immédiate ou non des anticholinestérasiques n’est pas
rémifentanil chez des patients myasthéniques pour différents tranchée. La reprise différée permettrait d’éliminer le risque de
types de chirurgie sans complications respiratoires [38-42]. Un cas crise cholinergique et de simplifier le diagnostic étiologique

6 Anesthésie-Réanimation

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Anesthésie et myasthénie ¶ 36-657-C-10

■ Références
.

d’une faiblesse musculaire postopératoire. Dans tous les cas, leur


réintroduction est titrée, en débutant le plus souvent à la moitié
de la dose en préopératoire. En cas de détresse respiratoire, la [1] Naguib M, Flood P, McArdle JJ, Brenner HR. Advances in
ventilation non invasive semble une alternative intéressante à neurobiology of the neuromuscular junction: implications for the
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mettraient de limiter au maximum le risque anesthésique chez [7] Phillips LH. The epidemiology of myasthenia gravis. Semin Neurol
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diate est le plus souvent possible. Néanmoins, la période
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postopératoire s’organise en unité de surveillance continue afin [9] Gronseth GS, Barohn RJ. Practice parameter: thymectomy for
de pouvoir détecter et prendre en charge immédiatement toute autoimmune myasthenia gravis (an evidence-based review): report of
détresse ventilatoire. L’analgésie obstétricale par voie périmé- the Quality Standards Subcommittee of the American Academy of
dullaire n’est pas contre-indiquée en cas de myasthénie. Neurology. Neurology 2000;55:7-15.
L’utilisation du suxaméthonium n’est pas contre-indiquée dans [10] Gajdos P, Chevret S, Clair B, Tranchant C, Chastang C. Clinical trial of
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La myasthénie est une pathologie auto-immune postoperative mechanical ventilation in myasthenia gravis.
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synaptiques à l’acétylcholine du muscle strié squelettique. [14] Abel M, Eisenkraft JB. Anesthetic implications of myasthenia gravis.
Le traitement comporte toujours des anti- Mt Sinai J Med 2002;69:31-7.
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cholinestérasiques ainsi que le respect des contre-
myasthenic patient. Influence of anticholinesterase therapy.
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une myasthénie. Les corticoïdes et les immuno- [16] Baraka A, Baroody M, Yazbeck V. Repeated doses of suxamethonium
suppresseurs sont utilisés comme traitement de fond dans in the myasthenic patient. Anaesthesia 1993;48:782-4.
les formes invalidantes. L’exérèse d’un thymome est [17] Juel VC. Myasthenia gravis: management of myasthenic crisis and
impérative. Les immunoglobulines intraveineuses ou les perioperative care. Semin Neurol 2004;24:75-81.
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La chirurgie proposée à ces patients peut être spécifique [19] Baraka A. Anaesthesia and myasthenia gravis. Can J Anaesth 1992;39:
de la maladie (thymectomie), ou non (acte en urgence, 476-86.
obstétrique). [20] Martyn JA, Richtsfeld M. Succinylcholine-induced hyperkalemia in
L’évaluation préopératoire de ces patients est acquired pathologic states: etiologic factors and molecular
multidisciplinaire et repose essentiellement sur la mechanisms. Anesthesiology 2006;104:158-69.
répétition de scores cliniques musculaires fonctionnels. [21] Abel M, Eisenkraft JB, Patel N. Response to suxamethonium in a
Dans la grande majorité des situations l’évolution myasthenic patient during remission. Anaesthesia 1991;46:30-2.
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d’une population témoin. [23] Eisenkraft JB, Book WJ, Mann SM, Papatestas AE, Hubbard M.
L’atteinte de la respiration et de la déglutition fait la Resistance to succinylcholine in myasthenia gravis: a dose-response
gravité de cette maladie. Dans le contexte postopératoire study. Anesthesiology 1988;69:760-3.
deux entités cliniques doivent être distinguées : la crise [24] Devys JM, Debaene B, Plaud B. Anesthesia for urgent abdominal
myasthénique et la crise cholinergique. surgery and myasthenia gravis. Can J Anaesth 2002;49:215-6.
Pour l’anesthésie générale, la préférence va actuellement à [25] Itoh H, Shibata K, Nitta S. Difference in sensitivity to vecuronium
between patients with ocular and generalized myasthenia gravis. Br
l’anesthésie intraveineuse totale, les agents halogénés J Anaesth 2001;87:885-9.
étant souvent mal adaptés au contexte (retentissement [26] Eisenkraft JB, Book WJ, Papatestas AE. Sensitivity to vecuronium in
sur la force musculaire). myasthenia gravis: a dose-response study. Can J Anaesth 1990;37:
L’anesthésie locorégionale est une alternative intéressante 301-6.
quand la chirurgie le permet ainsi que pour le contrôle de [27] Nilsson E, Meretoja OA. Vecuronium dose-response and maintenance
la douleur postopératoire. Elle n’est pas contre-indiquée requirements in patients with myasthenia gravis. Anesthesiology 1990;
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urgence ou de suspicion d’estomac plein (césarienne). 402-6.
Les curares non dépolarisants peuvent être utilisés mais [29] Baraka A, Siddik S, Kawkabani N. Cisatracurium in a myasthenic
les besoins sont considérablement réduits. Le monitorage patient undergoing thymectomy. Can J Anaesth 1999;46:779-82.
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Anesthésie-Réanimation 7
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36-657-C-10 ¶ Anesthésie et myasthénie

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S. Lammens, Chef de clinique-assistant des Hôpitaux.


Département d’anesthésie-réanimation chirurgicale, Samu, CRHU de la Côte-de-Nacre, Université de Caen Basse-Normandie, avenue de la Côte-de-Nacre,
14000 Caen, France.
B. Eymard, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Centre de référence des affections neuromusculaires Paris-Est, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Université Paris VI, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris,
France.
B. Plaud, Professeur des Universités, praticien hospitalier (benoit.plaud@hmn.aphp.fr).
Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale, Samu94-Smur, CHU Albert Chenevier-Henri Mondor, Université Paris XII, 51, avenue du
Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94000 Créteil, France.
Unité Inserm U686 Biologie des fonctions neuromusculaires normales et pathologiques, Centre universitaire des Saints-Pères, 45, rue des Saints-Pères,
75270 Paris cedex 06, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lammens S., Eymard B., Plaud B. Anesthésie et myasthénie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Anesthésie-Réanimation, 36-657-C-10, 2010.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

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