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Le père de famille : comédie

en 5 actes et en prose ; avec


un Discours sur la poèsie
dramatique / [par D. Diderot]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Diderot, Denis (1713-1784). Auteur du texte. Le père de famille :
comédie en 5 actes et en prose ; avec un Discours sur la poèsie
dramatique / [par D. Diderot]. 1758.

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L E ¡

PERE DE FAMILLE.
C 0 z)
EN CINQ ACTES, ET EN PROSE,

AVEC UN DISCOURS
i
SUR LA POESIE DRAMATIQUE.
0~<'7<~t–

Horat.
decor naturis dandus g.
annis,
A SON ALTESSE SERÉNISSIME
MADAME LA PRINCESSE
D E
NASSAU SAARBRUCK.

MADAME,

En fbumettant le Perede
au jugement de VOTRE AJL-
TESSE SE'RE'NISSIME,
je ne me ims point diHimuté ce qu'l!
avoit à redouter. Femme éclai-
en
rée, mere tendre, quel eft le fenti-
que vous n'eu~iez exprimé
ment
plus de délicateSe que lui ?
avec
Quelle eft l'idée que vous n'euf-
fiez rendue d'une manière plus tou-
chante ? Cependant ma témérité ne
fe bornera pas, MADAME à vous
offrir un fi foibic hominage. Quel-
diAance qu'il y ait de l'ame
que
d'un poëte à celle d'une mere j'ose-
rai defcendre dans la vôtre y lire
fi je le fçais, & révéler quelques-
unes des pensées qui l'occupent.
Puisiez-vous les reconnoître & les
avouer.

Lorfque le Ciel vous eut accordé


des enfans ce fut ain~I que vous
vous parlâtes voici ce que vous
vous êtes dit.

Mes enfans font moins à moi


peut-être par le don que Je leur ai
fait de la vie, qu'à la femme
rner-
cenaire qui les alaita. CeA
en pre-
nant le foin de leur éducation que
je les revendiquerai fur elle. Ce~t
l'éducation qui fondera leur
recon-
noi~ance & mon autorité. Je les
élèverai donc.
Je ne les abandonnerai point fans
réferve à l'étrangerni fubalterne.
au
Comment l'étranger y prendroIt-U
le même intérêt que mol ? Comment
le fubalterne en ïerolt-11 écouté
com-
nie mol ? Si ceux que j'aurai conAI-
tué les censeurs de !a conduite de
monnts, fe diibient au-dedans d'eux-
mcmes aujourd'hui mon ~czW~,
demain z/y~ mon //z~ ils exa-
gcreroicnt le peu de bien qu'il feroit
s'il taifbit le mal ils l'en reprcn-
droient mollement~ &: ils devien-
droient ainfi tes adulateurs les plus
dangereux.
Il teroit à Souhaiter qu'un enfant
Cut élevé par fbn fupéricur &: le
mien n'a de Supérieur que moi.
C'eA à moi à lui inspirer le libre
exercice de fa ranbn n je veux que
fon ame ne fe rcmpliSe pas d'erreurs
&: de terreurs telles que l'homme
s'en failbit à lui-même fous un état
de nature Imbécllle &; Sauvage.
Le méninge eA toujoursnuluble.
Une erreur d'eïprit fumt `J
pour cor-
rompre le goût & la morale. Avec
une feule idée &uue, on peut deve-
nir barbare on arrache les
pinceaux
de la main du peintre
on brifë le
cheM'œuvre du Aatuaire
on brûle
un ouvrage de génie on fe fait une
ame petite & cruelle; le Sentiment
de la haine s'étend; celui de la bien.
veillance fe refferre; vit
on en tran-
fe, & l'on craint de mourir. Les
vûes
étroites d'un uuHtuteur puuUanime
ne réduiront pas mon fils dans cet
état, ~i;e puis.
Après le libre exercice de ïa rai.
fon, un autre principe
que je ne ce~
~erai de lui recommander;
c'eA la
~ncérité avec foi-même. Tranquille
alors fur les préjugés auxquels
notre
fbibleHë nous expose le voile tom-
beroit tout à- coup & un trait de
lumiere lui montreroit tout l'édifice
de fes idées renverfé qu'il diroit
froidement ce que je croyois vrai,
étoit faux ce que j'aimois comme
bon ) étoit mauvais ce que j'admi-
rois comme beau ctolt difforme
mais il n'a pas dépendu de moi de
voir autrement.
Si la conduite de l'homme peut
avoir une bafe folide dans la' confi-
dération générale, fans laquelle on
ne fe réfout point à vivre dans l'ef-
time & le re~peQ: de foi-même, fans
lefquels on n'ofe gueres en exiger
des autres dans les notions d'ordre,
d'harmonie, d'intérêt de bien&i&n-
ce & de beauté, auxquelles on n'eA
pas libre de fe refluer, & dont
nous portons le germe dans
nos
cœurs, où il fe déploye & fe forti-
fie fans cène dans le fentiment
de
la décence & de l'honneur; dans
la
fainteté des loix pourquoi
appuye-
rai-je la conduite de
mes encans fur
des opinions panageres, qui
ne tien-
dront ni contre l'examen de la rai-
fon ni
contre le choc des payons
plus redoutables
encore pour l'er-
reur que la ralfbn ?
II y a dans la
nature de l'homme
deux principes oppofés 1 amour-
propre qui nous rappelle à nous, &
la bienveillance qui
nous répand.
Si l'un de ces deux reflorts
venoit à
fe brider,
on feroit ou méchant jufL
qu'à la fureur, ou généreux jusqu'à
la folie. Je n'aurai point vécu fans
expérience pour eux, fi je leur ap-
prens à établir un juâe rapport en-
tre ces deux mobiles de notre vie.
C'eA en les éclairant fur la valeur
réelle des objets, que je mettrai un
frein à leur imagination. Si je réufHs
à difliper les prefHges de cette magi-
cienne qui embellit la laideur, qui
enlaidit la beauté qui parc le men-
fonge, qui ob&urclt la vérité, & qui
nous joue par des ipeQres qu'elle fait
changer de formes & de couleurs
& qu'elle nous montre, quand il
lui plaît & comme il lui plaît ils
n'auront ni craintes outrées ni defirs
déréglés.
Je ne me fuis pas promis de leur
ôter toutes les fantaisies; mais j'ef-
pere que cette de faire des heureux i
nw ~r
la feule qui puiffe consacrer les
au-
tres, fera du nombre des fantaifies
qui leur referont. Alors fi les ima-
ges du bonheur couvrent les murs
de leur Séjour, ils en jouiront. S'ils
ont embelli des jardins~ ils s y pro-
meneront. En quelqu'endroit qu'ils
aillent ils y porteront la fërë-
nitë.
S'ils appellent autour d'eux les
Arti~es, &- s'ils en forment de
nom-
breux atteliers le chant groaicr de
celui qui fe fatigue depuis le lever
du foleil jusqu'à fon coucher,
pour
obtenir d'eux un morceau de pain,
leur apprendra que le bonheur
peut
ctre aufH à celui qui fcie le marbre
& qui coupe la pierre
que la puIC.
fance ne donne pas la paix de Famé,
& que le travail ne l'ôte pas.
Auront ils élevé un édifice au
fond d'une forêt? ils ne craindront
pas de s'y retirer quelquefois avec
eux-mêmes avec l'ami qui leur dira
la vérité avec l'amie qui fçaura par-
ler à leur coeur avec moi.
J'ai le goût des chofes utiles & fi
je le fais paffer en eux, des façades,
des places publiques les toucheront
moins qu'un amas de fumier fur le-
quel ils verront jouer des enfanstout
nuds tandis qu'une payfanne affife
fur le feuil de fa chaumière, en tien-
dra un plus jeune attaché à fa mam-
melle, & que des hommes bafannés
s'occuperont en cent manières di-
verfes de la fubfiftance commune.
Ils feront moins délicieufement
émus à l'aSpeQ: d'une colonnade
que fi traverfant un hameau, ils re-
marquent les épis de la gerbe fortir
par les murs entrouverts d'une fer-
me.
Je veux qu'ils voyent la mISere
a6n qu'ils y foient fentibles, & qu'ils
Sachent par leur propre expérience
qu'il y a autour d'eux, des hommes
comme eux, peut-être plus eSïen-
tiels qu'eux, qui ont à peine de la
paille pour Se coucher, & qui man-
quent de pain.
Mon fils fi vous voulez conno!-
tre la vente Sortez, lui dirai-je ré-
pandez-vous dans les diS~ërentescon-
ditions voyez les campagnes;
en-
trez dans une chaumière interrogez
icelui qui l'habite
ou plutôt regar-
dez fon lit, fon pain, ~a demeure
fon vêtement & vous fçaurez
ce
que vos flateurs chercheront à vous
dérober.
Rappeliez-vous Souvent à
vous-
même qu'il ne faut qu'un feul hom-
me méchant & puijfïant pour que
cent mille autres hommes pleurent,
gémiGent & maudINent leur exiC.
tence.
Que cette eipece de méchans qui
boulever&nt le globe & qui le
ty-
ranni~ënt~ font les vrais
auteurs du
jbl~jfpheme.
Que la nature n'a ppint fait d'ef.
cÏaves, & que pef~bnne fous le Ciel
na plus dautorité qu'elle.
Que l'idée délayage a pris naiiL
fance dans l'e~u~on du fang &
au
milieu des conquêtes.
Que les hommes n'auroient au-
cun befoin d'être gouvernes s'ils
n'étoient pas méchans & que
par
conféquent le but de toute autorité
doit être de les rendre bons.
Que tout f~ème de morale,
tout refîbrt politique qui tend à éloi-
gner l'homme de l'homme, eft mau-
vais.
Que fi les Souverains font les
~euls hommes qui foient demeurét
dans l'état de nature où le re~enti-
mcnteA Punique loi de celui qu'on
oSen~e la limite du juAe & de l'in-
ju~e eft un trait délié qui fe dé-
place ou qui di~paroit à l'oeil de
l'homme irrité.
Que la juAIce eA la premiere
vertu de celui qui commande &
la feule qui arrête la plainte de ce-
lui qui obéit.
Qu'il eft beau de fe foûmettre
jfbi-même à la loi qu'on Impose &
qu'il n'y a que la nécefHté & la gé-
néralité de la loi qui la faffent aimer.
Que plus les Etats font bornés,
plus l'autorité politique fe rappro-
che de la puiffance paternelle.
Que fi le Souverain a les qualités
d'un Souverain fes Etats feront tou-
jours a~ez étendus.
Que fi la vertu d'un particulier
peut fe Soutenir fans appui il n'en eft
pas de même de la vertud'un peuple.
Qu'il faut récompenser les gens de
mérite encourager les hommes in-
du~rieux;
du~neux approcher de foi Ie$ uns
&: les autres.
Qu'il y a par-tout des hommes
de génie &: que c'eA Souverain
au
à les faire paroitre.
Mon fils, c'eSt dans ta prospérité
que vous vous montrerez bon mais
c'eA l'adver~té qui vous
montrera
grand. S'il eft beau de voir l'homme
tranquille, c'eA au moment où les
lu
hafards fe railemblent ~ur IuL
Faites le bien; &: Songez
que la
néceffité des évenemens eA égale fur
tous.
Soumettez-vous-y &
accoutu-
~ez-vous à regarder d'un même œil
le coup qui frappe l'homme &
qui
le renverfe & la chute d'un arbre
qui bri~roit Sa Statue.
Vous êtes mortel comme un au~
Vr~t'
tre & lorïquc vous tomberez un
peu de pouffiere vous couvrira com*
me un autre.
Ne vous promettez point un bon-
heur fans méiange mais faites-vous
un plan de bienfaifance que vous
opposez à celui de la nature qui
nous opprime quelquefois. C'eA
amH que vous vous élèverez pour
ainfi dire au-deffus d'elle par Pcx'
cellence d'un ~y~ème qui repare les
désordres du Hen. Vous ferez heu-
reux le ~bir~ fi vous avez fait plus de
bien qu'elle ne vous aura fait de
mal. Voila l'unique moyen de vous
réconcilier avec la vie. Comment
haïr une exigence qu'on ~c rend
douce à ~bi-mêmc par l'utilité dont
elle eft aux autres a
Persuadez vous que la
vertu e~
tout, & que la vie n'eA nen &:
vous avez de grands talens, vous fe-
rez un jour compte parmi les héros.
Rapportez tout au dernier
mo.
.ment; à ce moment où la mémoire
des faits les plus ec!atans
ne vaudra
pas te ibuvenir d'un verre d'eau pré-
senté
par humanité à celui qui avolt
~bif.
Le cqeur del'homme eA tantôt
Serein &: tantôt couvert de
nuages
mais~c<peurdc rhomme de bien
Semb~ab}ç au ipe~acle de la
nature
eft toujours grand & beau;
tran-
quille ou agité.
Songez~u danger qu'it y auroit a
~e ~ire t~ée d'un bonheur qui fût
toujours le n~én;e, tandis
que la con.
ditîon de l'homme varie ~ahs ceSe.
L'habitude de, la vertu eâ la ~eule
que vous puisiez contra Sër jfans
'ti~Hite pour ravenir. Tôt .ciû
'craintepÓút':ra-\Jenl"r. du tard
tard
les autres font importunes.
torique !a pa~oh tombé hon.
te, rënnui~ la douleur commen-
cent. Alors on craint de & regarder.
La vertu fe voit elle-même toujours
avec cpmplaliançç.
Le vice &: la
vertu travaillent
~burdement en nous. Ils H y jfbrit
pas
oi~jfs un momenr. Chacun: mme de
~bn côte. Mais le méchant ne s'oc-
cupe pasàjfe rendre méchant,corn'
me l'homme de bien a fe rendre
bon. Celui-ta eA lâche dans le parti
qu'il a pris ~il n'dfe fe per~ionner.
Faites-vous un but qui puISe être
cetui de toute votre vie.
Voila .MADAME, les.penfées J fées
que médite une Mere telle que vous,
& les discours que fes enfans enten-
dent d'elle. Comment âpres cela un
petit événement dome~ique une
intrigue d amour où les détails ~nt
aujfl! frivoles que le ~nd~ ne
vous
paroîtroient-ils' pas m~pides ? Mais
j'ai compté fur l'indulgence dé VO-
TRE ALTESSE SE'RE'NIS-
S I & fi elle daigne me fbute-
ME

nir,1 peut-ctre
A.'
me trouverai-Je un
jour moins au defrous de l'opinion
favorable dont elle m'honore.
Puiïle l'ébauche que je viens de
tracer de votre caraûcre & de vos
fentimens, encouragerd'autres fem-
mes à vous Imiter! Purent-elles
concevoir qu'elles paffent à mesure
que leurs enfans croient &: que
elles obtiennent les longues années
qu'elles ïe promettent, elles Hniront
par être elles-mêmes des enfans
ndes, qui redemanderont vain
en
une ~ndrejfîe quelles n'aurontpas
retienne.
Je ~uis ~vec un très-profond re~
P~,
MADAME,
DE VOTRE ALTESSE SÉRÉNISSIME,
P~~O~VjV~C~.
Monteur D'ORBESSON, P~
Famille.

Monteur LECOMMANDEUR
D'AUVILE', Pere de
Famille.

CECILE~ ~<' du pere de Famille."


SAINT-ALBIN~
SOPHIE, une jeune 7/2C~/2/2J/~

GERMEUIL, M~~
de un du jF~/72J/

MonHeur L E B 0 N ~ï~/ï~
/72~ï
Mademolfelle CLAIRET~
~72~~ C~Z'
LA BRIE, ~jD~/?~
PHILIPPE~ Famille.
ï.
DESCHAMPS.
Ger..
772~
Autres DOMESTIQUES de la ~z.
Madame HEBERT,
Madame PAPILLON, M~~
la

Une des OUVRIERES Madame


Papillon.

M. C~? un pauvre ~o~


UN PAYSAN.
UN EXEMPT.

Za Scène ~/2
Pere de Famille.
dans la ~2
LE
LE
PERE DE FAMILLE,
C 0 Af~ D
Z~
décorée de glaces,
C~ celle du Pere
/72~.
La nuit ~?~ avancée. 7/~?~~
/72~/ï.

A C TE PREMIER.
c .y~ I.
LE PERE DE FAMILLE, LE
COMMANDEUR, CECILE,
GERMEUIL.
Sur le devant de voit
Famille
pas
la tête baiffée,
~y~
I. Partie, A
Un peu fur le fond, vers c~2~~ qui ~?
à l'un des côtés de la Y~~ Comman-
6'y~ /z~~yo/2f une partie de ~'<?/~c.
Z~g C<?~2< un peu Z7/~J près
feu 6'?~
du ~?J /Z~7Z/7!f~/?
~/2~ /Z fauteuil, un livre à la //MJ/?. Il
en interrompt de teins en tems la /<?<?~~
pour ~/Z~/7Z~/2~ Cécile dans les
momens CM elle ~/? occupée ~yo/Z7~ 6'
où il /Z<? ~~f~ en être ~p~C~.
Le Co/72/72~/2~y~ <7~~Z7~
~/7'd lui. C~yo~PCO/Z ~?/2~ dans une
inquiétude qu'on remarque à fes /720M~-
mens.
CECILE.
~~t oncle, qu'avez-vous? Vous
<ivJL me paroiffez inquiet.
LE COMMANDEUR
(~z j-~7~ ~y~/z~).
Ce n'eit rien ma nièce. Ce n'eft rien.
( Les ~y~/zfy~ le point de finir, & le
C<9/72772~/2~ à C'<?/77~ )
Monneur, voudriez-vous bien donner?
( G~/7~<~7 T'tZ /C/2/ Z~ C~/?Z/7Z~/Z~y~~
~~C~j~
J
ce /7M/2/~M/- riPt7/n~nr
~ï~
~M/7Z~ en ~'c7~C. 6'd/77~ re-
~/Z~, ~CO/M/~<'z/ 6'
le Commandeur dit
au Laquais entre)
Des bougies.
( Cependant la ~~c?/-JC s'avance. Le
Cc/72/72~/2~f/ < /2~2~ ~/7~
t~Z~ ($' /20/72//?~/2~ leurs ~7 )
LE COMMANDEUR.
Six cinq.
GERMEUIL.
Il n'e~ pas malheureux.
LE COMMANDEUR.
Je couvre de l'une & je païle l'autre.
C É C I L E.
Et moi, mon cher oncle je
marque
fix points d'école. Six points d école
LE COMMANDEUR.
( <2 6'<?/77Z~7).
Monteur, vous avez la fureur de parler
~r le jeu.
CECILE.
Six points d~école
LE COMMANDEUR.
Cela me dirirait, & ceux qui regardent
Derrière moi m'inquiètent.
C É C I L E.
Six & quatre que j'avois, font dix.
LE COMMANDEUR
(~/OM/~ Germeuil ).
Monueur, ayez la bonté de vous pla-
ter autrement & vous me ferez plaifir.
rn r r
77.
C E ~V
LE PERE DE FAMILLE, LE
COMMANDEUR, CECILE,
GERMEUIL, LA BRIE.
LE PERE DE FAMILLE.
Tr~ St-ce pour leur bonheur, e~i-ce pour
-N–j le nôtre qu'ils font nés ? Hélas
ri l'un ni l'autre
( Brie 'ï~zf avec des ~<?M~~ en r/~c~
Z~z
où il ~/Z/f <S' /)9/Z/ ~/?~~ le /?0~~
de for tir, le Pere de Famille l'appelle)
La Brie q
LA BRIE.
Mon~eur~
(!)
t<E PERE DE
T~t7 FAMILLE~
( apres une petite /7~~ ) pendant laquelle il
a CC/2/2J/~ de <S'C/-O~ZC/I~/).
Où e~: mon fils ?
L A B R I E.
Il eft forti.
LE PERE DE FAMILLE.
A quelle heure ?
LA BRIE.
Monfieur je n'en fçais rien.
LE PERE DE FAMILLE
( encore ~/Z~~J/).
Et vous ne fçavez pas où il e~ aile ?
LA B R 1 E.
Non, Monfieur.
LE COMMANDEUR.
Le coquin n'a jamais rien fcû. Doubla
deux.
C É CI LE.
Mon cher Qncle~ vous n'êtes pas à
vo-
tre jeu.
LE COMMANDEUR.
( ironiquement &0 ~M/yMg/M~ )
Ma nièce fongez au votre.
LE?ERE DE FAMILLE
( La Brie /0~/<3M/~ en y~ /7/'<?/726/2<2y2f 6*
rêvant. )
Il vous a défendu de !e cuivre ?
LA B R I E.
( ~~7M~ ne entendre )
Monteur ?
LE COMMANDEUR.
Il ne répondra pas à cela. Terne.
LE PERE DE FAMILLE
( ~0~ ~/Z ~<3/?2<?/2~f 6' ~~<.2/?~ )
Y a-t-il long-iems que cela dure
LA BRIE
(y~72a/2~ encore de ne pas ~/2~/2~ ).
Monfieur ?
LE COMMANDEUR.
Ni à cela non plus. Terne encore. Les
doublets me poursuivent.
LE PERE DE FAMILLE.
Que cette nuit me paroit longue Ï
LE COMMANDEUR.
Qu'il en vienne encore un & j'ai per.-
du. Le voilà.
( G'72~/Z/)
Riez~ Monteur. Ne vous contraignez pas.
( Z~Z~* ~/? /C/?Z. Z~/7~ M<?/UC~/2/f.
Le C~72~/2~M~ Cécile <$' Gernzeuil ~~<
prochent du Pere de ~/7K'

~C~jV~
LE PERE DE FAMILLE, LE
COMMANDEUR, CECILE,
GERMEUIL.
LE PERE DE FAMILLE.
D Ans quelle inquiétude il me tient
JL~ Où e~-il ? Qu'exil devenu ?
LE COMMANDEUR.
Et qui fçait cela ? Mais vous vous
êtes affez tourmenté pour ce ~oir. Si
vous
m'en croyez, vous irez prendre du
repos.
LE PERE DE FAMILLE.
II n'en e~t plus pour moi.
LE COMMANDEUR.
Si vous l'avez perdu, c'e~
un peu vo-
tre faute & beaucoup celle de ma fceur.
C'ëtoit, Dieu lui pardonne,
une femme
unique pour gâter fes .enfans.
CECILE
C I L

Mon oncle.
(/)-
È

LE COMMANDEUR.
J'avois beau dire à tous les deux pre-
nez-y garde, vous les perdez.
C É C I L E.
Mon oncle.
LE COMMANDEUR.
Si vous en êtes fous à préfent qu'ils
<bnt jeunes, vous en ierez martyrs quand
ils feront grands.
C É C t L E.
Monneur le Commandeur.
LE COMMANDEUR.
Bon e~-ce qu'on m'écoute ici
LE PERE DE FAMILLE.
Il ne vient point
LE COMMANDEUR.
Il ne s'agit pas de foupirer, de gémir
mais de montrer ce que vous êtes. Le tems
de la peine eft arrivé. Si vous n'avez pu la
prévenir, voyons du moins fi vous fçaurez
{a apporter. Entre nous j'en doute.a.
( Z~ ~/Ï< /~)~M~
~O/Z/Zg heures ).
Mais voilà fix heures qui donnent.
Je me fens las J'ai des douleurs dans
I~s jambes comme fi ma goutte vouloit
me reprendre. Je ne vous fuis bon à rien.
Je vais m'envelopper de ma robe de
chambre, & me jetter dans un fauteuil.
Adieu mon frere Entendez-vous
LE PERE DE FAMILLE.
Adieu Monneur le Commandeur~
'II
LE COMMANDEUR.
( en s'en allant).
î.a Brie.
LA BRIE
(du ~Z~ )~
Moqueur.
LE COMMANDEUR.
Hciairez moi & quand mon neveu ~er~
rent;~y vous viendrez m'avertir.
C ~JV
LE PERE DE FAMILLE, CECILE,
GERMEUIL.
LE PERE DE FAMILLE
(~J s'être encore promené ~2~.)
M A fille c'eft malgré moi que vous
avez paffé la nuif.
CÉCILE.
Mon pere j'ai fait
ce que j'ai dû.
LE PERE DE FAMILLE.
Je vous fçais gré de
cette attention
mais je crains que
vous n'en foyez indif-
pofee. Allez vous repofer.
CÉCILE.
Mon pere, il eft tard. Si
vous me per-
mettiez de prendre à votre fanté l'intérêt
que vous avez la bonté de prendre à la
mienne.
LE PERE DE FAMILLE.
Je veux relier. Il faut
que je lui parle.
C É C I L E.
Mon frere n'e~ plus
un enfant.
LE PERE D E FAMILLK.
Et qui fçait tout le mal qu'a pu appor-
ter une nuit ?
CÉ CILE.
Mon pere
LE PERE DE FAMILLE.
Je l'attendrai. Il me verra.
( ~?~
~y~).
~/z~/7Z6/z~ mains fur les

Allez, ma fille, allez. Je fçais que vous

(C~ 6'y~
m'aimez.

mais le Pere
~y~v/~
de Famille le retient <& lui )
Germeuil, demeurez.

C
LE PERE DE FAMILLE,
GERMEUIL.
( marche de cette Scene <?/? lente.)
Z~Z

LEPERE DE FA MILLE,
comme s'il ~o~ /~M/
Cécile).
-1
en /2f aller

~On caractère a tout à fait changé.


Elle n'a plus fa gaieté fa vivacité.
Ses charmes s'effacent.
w i Elle fbunre.
Hélas depuis que j'ai perdu
ma femme
& que le Commandeur s'eft établi chez
moi, Je bonheur s'en eft éloigne
Quel prix il met à la fortune qu'il fait 0
at-
tendre à mes enfans ï Ses vues am-
bitieufes, & l'autorité qu'il prife dans
a
ma maifon me deviennent de jour en
jour plus importunes. Nous vivions
dans la paix &: dans l'union. L'humeur in-
quiète & tyrannique de cet homme
nous
a tous féparés. On fe craint, on s'évite~
on me laiffe; je fuis folitaire au fein de1
ma famille & je péris. Mais le jour
eA prêt à paroîrre, &
mon fils ne vient
point Germeuil, l'amertume a rem-
pli mon ame. Je ne puis plus fupponer
mon état.
G R M E u ï L.
Vous, Monueur ?
LE PERE D E FAMILLE.
Oui~ Germeuil.
GERMEUIL.
Si vous n'êtes pas heureux quel père
l'a jamais été
LE PERE DE FAMILLES
Aucun. Mon ami, les larmes d'un
pere coulent Souvent en fecret
(~y~c~ ilfleure).
Tu vois les miennes Je te montre
~~`~ ma peine.
GERMEUIL.
Monfieur, que faut-il que je rafle?
LE PERE DE FAMILLE.
Tu peux, je crois, la foulager.
GERMEUIL. >
Ordonnez.
LE PERE DE FAMILLE.
Je n'ordonnerai point. Je prierai. Je di-
ui Germeuil, fi j'ai pris de toi quelque
foin fi depuis tes plus jeunes
ans je t'ai
marque de la tendrefle, & fi tu t'en fou-
viens fi je ne t'ai point difhnguc de
mon
fils fi j'ai honoré
en toi la mémoire d'un
ami qui m'eft & me fera toujours préfent.
Je t'amige pardonne c'eft la première
fois de ma vie &: ce fera la dernière.
Si je n'ai rien épargné
pour te fauver de
l'infortune & remplacer
1-
un père à ton
égard t'ai chéri fi je t'ai gardé chez
fi je
moi, malgré le Commandeur à qui tu dé-
plais fi je t'ouvre aujourd'hui
mon cœur~
reconnois mes bienfaits & répons à ma
confiance.
GERMEUIL.
Ordonnez Monteur, ordonnez.
LE PERE DE FAMILLE.
Ne fçais-tu rien de mon fils? Tu es
fon ami, mais tu dois être auffi le mien.
Parle. Rends-moi le repos ou acheve
de me l'ôter Ne fçais-tu rien de mon
fils?
GERMEUIL.
Non, Monfieur.
LE PERE DE FAMILLE.
Tu es un homme vrai, & je te crois.
Mais vois combien ton ignorance doit
ajoûter à mon inquiétude. Quelle e~ la
conduite de mon fils, puifqu'il la dérobe
à un pere dont il a tant de fois éprouvé
l'indulgence &- qu'il en fait my~ere
au
feul homme qu'il aime ? Germeuil, je
tremble que cet enfant.
GERMEUIL.
Vous êtes pere un pere eu: toujours
prompt à s'allarmer.
LE PERE DE FAMILLE.
Tu ne fçais pas, mais tu vas ravoir ce
juger n ma crainte eft précipitée. Dis-
moi, depuis un tems n'as-tu pas remarqué
combien il efi changé
GERMEUIL.
Oui mais c'en: en bien. H eu: moins
,a.
curieux dans fes chevaux fes gens, fon
° équipage moins recherché dans fa paru-
re ? H n'a plus aucune de ces fantaifies
que vous lui reprochiez ? Il a pris en dé-
goût les di~ipations de fon âge ? Il fuit
fes complai~ans fes frivoles amis ? Il ai-
me à paffer les journées rétiré dans fon
cabinet ? Il lif; il écrit il penfë? Tant
mieux. Il a fait de lui-même ce que vous
en auriez tôt pu tard exigé.
LE PERE DE FAMILLE.
Je me difois cela comme toi mais
j'ignorois ce que je vais t'apprendre
Ecoute. Cette réforme dont à ton
avis, il faut que je me félicite & ces ab.
fences de nuit qui m'effrayent
GERMEUIL.
Ces abfences & cette réforme ?
LEPEREDEFAMILLE.
Ont commencé en même-tems i
( Germeuil ~o~ furpris )
Oui mon ami, en même-tems.
GERMEUIL.
Cela eft fingulier.
LE PERE DE FA MILLE.
Cela eft. Hélas, le defordre ne m'eft
connu que depuis peu mais il a duré 10
Arranger & fuivre à la fois deux plans
oppofés l'un de régularité qui nous en
impofe de jour, un autre de déréglement
qu'il remplit la nuit voilà ce qui m'ac-
cable Que malgré fa nerté naturelle,
il fe foit abaiïlé jusqu'à corrompre des va-
lets qu'il fe foit rendu maître des portes
de ma maifon qu'il attende que je ré-
pofe qu'il s'en informe fecretement; qu'il
s'échappe feul à pied, toutes les nuits,
1
par toute forte de tems à toute heure,
c'e~
cM peut être plus qu'aucun pere ne
puiffe fouffrir, & qu'aucun enfant de fon
âge n'eût o(ë. Mais avec
reille conduite, aMeder l'attention
une pa-
aux
moindres devoirs, lau~ëritë dans les prin-
cipes la réferve dans les difcours le
goût
de la retraite, le mépris des distractions.
Ah, mon ami 1 Qu'attendre d'un jeune
homme qui peut tout-à-coup ~e manquer
& ~e contraindre à ce point
dans l'avenir & ce qu'il
?. Je regarde
me laiffe entre-
voir, me glace. S'il n'étoit
que vicieux,
je n'en déféfpérerois pas. Mais s'il joue les
mœurs & la vertu
C E R M E u i L.
En effet, je n'entens
pas cette conduis
te mais je connois votre fils. La fauffeté
e~ de tous les défauts le plus contraire
à
fon caractère.
LE PERE DE FAMILLE.
II n'en eA point qu'on
ne prenne bien.
tôt avec les méchans & maintenant
qui penfes-tu qu'il vive
de bien dorment quand il
r.veille. avec
Tous les gens
p~
1. Partie. A ,––«. 1 · y
Ah,
'8)
Germeuil! Mais
~tais il me femble que
j'entens quelqu'un C'ed lui peut-
être. Eloigne-toi.

C ~V
LE PERE DE FAMILLE y~
7~ ~~T~/2C~ vers l'endroit où il a entendu
marcher. Il écoute, 6' dit f/72~/2f
JE
n'entens plus rien.
Il Je ~/TO/7~y2~ un peu puis il dit
AHeyons-nous.
Il c~<?/c~ë du repos il /z~/z trouve roz/z~ 6*
il dit
Je ne fçaurois Quels preffentimens
s~élevent au fond de mon ame s'y fuc-
cedent & l'agitent 0 cœur trop
fenfible d'un pere ne peux-tu te calmer
un moment A l'heure qu'il eA, peut-
être il perd là fanté fa fortune
fes moeurs Que ~cais-je ? fa vie
fon honneur. le mien
T/y~ leve ~~M/jM~/M~/z~ <5'
Quelles idées me pourfuivent
S C E NE
LE PER E DE FAMILLE,
UN INCONNU.
Tandis que le Pere de ~z~
/?< entre un inconnu
erre accablé de

homme du ~~p~~
les
/o~en
~j cjc~y~~ ~z~~
C~K~
en
c/M.

~ZC~
peau <~ enfoncé fur les

la peine & la rêverie. ~Z~


/r<~oz/o/2/ ~Z~-

LE PERE DE FAMILLE
qui le voit ~72~ lui, l'attend, l'arrête par
le ~y <& lui dit
Qui êtes-vous~ Où allez-vous ?
L'INCONNU
(/?OZ'/2f de
LE PERE DE FAMILLE.
/).
Qui êtes-vous ? Où aUez-yous ?
L'INCONNU
(point de /W~ ~/2~ ).
LE PERE DE FAMILLE
4~ lentement le C~~C~M de /~7/2CO/2/2M
/0/2/2<3~yc/2~Z' 6' J'~C/
Ciel C'eft lui C'e~ lui.
Mes fune~es prefIentimenS) les voilà donc
accomplis Ah
7//70~~ des accens ~K~~ il s'éloigne,
il revient. Il dit
Je veux lui parler.Je tremble de
l'entendre. Que vais-je ravoir
J'ai trop vécu. J'ai trop vécu.
S./ A L B i N

en ~Wo~2<2/2f de fon ~w~ 6'yo~?~~


~M~ ).
Ah!
LE PERE DE FA MILLE
( ~z~ )
Qui es-tu ? D'où viens-tu?. Aurois-
~e eu le malheur ?
S.*t A L B 1 N
(s'éloignant ~/2C<3/~ )
Je fuis déféfpéré.
LE PERE DE FAMILLE.
Grand Dieu que faut-il que j'a?"
prenne
( )
A R
S/t ÂLBIN
( revenant 6* J~M~2/M ~y~/2~~).
Elle pleure. Elle Soupire. Elle ~bnge à
s'éloigner; & fi elle s'éloigne,je fuis perdu.
LE PERE DE FAMILLE.
Qui, elle ?
S/t A L B 1 N.
Sophie. Non Sophie, non Je
périrai plutôt.
LE PERE DE FAMILLE.
Qui eft cette Sophie? Qu'a-t-elle
de commun avec l'état
où je te vois ce
l'effroi qu'il me caufë ?
S/ i
(~y~
Mon
A L B N
aux pieds ~yo/2~~).
pere vous me voyez à vos pieds.
Votre fils n'eft pas indigne de
vous. Mais
il va périr; il
va perdre celle qu'il chérit
au-delà de la v~e. Vous feul
pouvez la lui
conserver. Ecoutez-moi, pardonnez moi
~ecourez-mo~.
LE PERE DE FAMILLE.
Parle. Cruel enfant,
aye pitié du maî
<e j'endure*
L B t
S/ALBIN K

( MZ//CM~ ~/20M~).
Si j'ai jamais éprouvé votre bonté <t
dès mon enfance j'ai pu vous regarder
comme l'ami le plus tendre fi vous fûtes
le confident de toutes mes joies & de
toutes mes peines, ne m'abandonnez pas.
Confervez-moi Sophie que je vous doi-
ve ce que j'ai de plus cher au monde. Pro-
tégez-la. Elle va nous quitter, rien n'eft
plus certain. Voyez-la détournez-la
de fon projet. La vie de votre fils en
dépend. Si vous la voyez, je ~erai le
plus heureux de tous les enfans & vous
icrez le plus heureux de tous les peres.
LE PERE DE FAMILLE.
Dans quel égarement il eft tombé ? Qui
eâ-eHe, cette Sophie qui e~t-elle ?
S/t A L B 1~
( /C~T~ allant 6' ~/M/7~ avec <?/2f~CZ/M).
Elle eu; pauvre elle en; ignorée elle
habite un réduit obscur mais c'eA un an-
ge c'e~ un ange & ce réduit efi le Ciel.
Je n'en descendis jamais ians être meilleur.
( )
Je ne vois rien dans
~ancmr
ma vie duHpée &
tumultueuse à comparer aux heures in-
nocentes que j'y ai paffées. J'y voudrois
vivre & mourir, duHai-je être méconnu
méprise du re~te de la terre. Je croyois
avoir aimé. Je me trompois C'e~i à.
préfent que j'aime. ( en main
~y~/2~~). Oui. J'aime pour la pre-
miere fois.
LE PERE DE FAMILLE.
Vous vous jouez de mon indulgence
& de ma peine. Malheureux laiiïez-Ià
vos extravagances. Regardez vous &
répondez-moi ? Qu'eïi-ce que cet indigne
traveflifïement? Que m'annonce-t~il?
S.'t A L B i N.
Ah, mon pere c'eH: à cet habit
que je
dois mon bonheur, ma Sophie
ma vie.
LE PERE DE FAMILLE.
Comment ? parlez
S/ A L B ? N.
·
Il a fallu me rapprocher de fon état, il
a fallu lui dérober mon rang, devenir ïbn
égal. Ecoutez, écoutez.
LE PERE DE FAMILLE.
J'écoute & j'anens.
S/t ÂLBIN.
Près de cet a<)'Ic écarté qui la cache
aux yeux des hommes. Ce fut ma der-
Hiere renource.
LE PERE DE FAMILLE.
Eh bien?.
S/t ÀLBIN.
'A côté de ce réduit. Il y en avoit un
autre.
LE PERE DE FAMILLE,
Achevez.
S.t ALBIN.
Je le loue. J'y fais porter les meubles
qui conviennent à un indigent. Je m'y
loge, c~ je deviens fon voifin fous le nom
de Sergi & fous cet habit.
LE PERE DE FAMILLE.
Ah, je refpire Graces à Dieu, du
moins je ne vois plus en lui qu'un intente.
S/t ÂLBIN.
Jugez fi j'aimois Qu'il va m'en
Coûter cher Ah
LE PERE DE FAMILLE.
Revenez à vous &: fongez à mériter
par une entiere confiance le pardon de
votre conduite.
S/t ALBIN.
Mon père, vous fçaurez tout. Hélas, je
n'ai que ce moyen pour vous néchir
La première fois que je la vis,
ce fut à
l'Eglife. Elle étoit à genoux
aux pieds
des autels auprès d'une femme âgée
que
je pris d'abord pour ~a mère. Elle attachoic
tous les regards. Ah mon père quelle
modèle quels charmes Non, je ne
puis vous rendre l'impreHion qu'elle fit
fur moi. Quel trouble j'éprouvai Avec
quelle violence mon cœur palpita Ce
que je reffentis Ce que je devins
Depuis cet infant je
ne penfai, je ne rê-
vai qu'elle. Son image
me fuivit le jour
m obséda la nuit, m'agita
par-tout. J'en
perdis la gaieté, la fanté le
repos. Je ne
pus vivre fans chercher à la
retrouver.
J'allois par-tout où j'efpérois de la
revoir.
Je languiubis, je pérmbis,
vous le
vez lorsque je découvris que
cette fem-
meâgée qui laccompagnoit, fe nommoit
Madame Hébert, que Sophie l'appelloit
fa bonne & que reléguées toutes deux
à un quatrième étage elles y vivoient
d'une vie misérable. Vous avouerai-je
les efpérances que je conçûs alors, les of-
fres que je fis tous les projets que je
formai ? Que j'eus lieu d'en rougir, lorf~
que le Ciel m'eut infpiré de m'établir à
côté d'elle Ah, mon pere, il faut que
tout ce qui l'approche, devienne honnête
ou s'en éloigne. Vous ignorez ce que je
dois à Sophie, vous l'ignorez. Elle m'a
changé. Je ne fuis plus ce que j'étois.
Dès les premiers infians, je fentis les de-
firs honteux s'éteindre dans mon ame le
respect & l'admiration leur fuccéder. Sans
qu'elle m'eût arrêté contenu peut-être
même avant qu'elle eût levé les yeux fur
moi, je devins timide de jour en jour je
le devins davantage c~ bien-tôt il ne me
fut pas plus libre d'attenter à fa vertu qu'à
fa vie.
LE PERE DE FAMILLE.
Et que font ces femmes ? Quelles font
leurs reHburces ?
S/t ALBIN.
Ah fi vous connoi~ez la vie de ces
infortunéesï Imaginez que leur travail
commence a~ant le jour, 8c que fouvent
elles y paffent les nuits. La bonne file au
rouet. Une toile dure & groffiere cA en-
tre les doigts tendres & délicats de So-
phie, & les ble~e. Ses yeux, les plus
beaux yeux du monde, s'ufent à la lu-
miere d'une lampe. Elle vit fous un toît
entre quatre murs tout dépouillés. Une
table de bois deux chaifes de paille, un
grabat i voilà fes meubles. 0 Ciel
quand tu la formas, étoit-ce là le fort que
tu lui deftinois ?
LE PERE DE FAMILLE.
Et comment eûtes-vous accès ? Soyez
vrai.
S.t ALBIN.
Il eu: inoui tout ce qui s'y oppofoit
y
tout ce que je fis. Etabli auprès d'elles je
ne cherchai point d'abord à les voir mais
quand je les rencontrois en descendante
en montant, je les faluois avec respect.
Le loir quand je rentrois (car le jour on
me croyoit à mon travail ) j'allois dou-
cement frapper à leur porte, & je leur
demandois les petits fervices qu'on fë
rend entre voifins comme de l'eau du
feu, de la lumiere. Peu-à-peu elle fe fi-
fent à moi. Elles prirent de la confiance.
Je m'offris à les fervir dans des bagatelles.
Par exemple, elles n'aimoient
pas fortir à
la nuit, j'allois & je venois
pour elles.
LE PERE DE FAMILLE.
Que de mouvemens &- de ~bins Et à
quelle fin Ah fi les gens de bien
Continuez.
S.~ A L B i
Un jour j'entens frapper à
ma porte.
C'étoit la bonne. J'ouvre. Elle
entre fans
parler, s'aflied, & fe met àpleurer. Je
lui demande ce qu'elle Sergi,
a. me dit-
elle, ce n'e~t pas fur moi que je pleure.
Née dans la mifere j'y fuis faite mais
cette enfant me défole Qu'a-t-elle ?
Que vous eft-il arrivé?. Hélas répond
la bonne depuis huit jours
nous n'avons
plus d'ouvrage &~ & nous
nnn' femmes fur le
point de manquer de pain. Ciel m'écriai-
je, tenez, allez, courez. Après cela. je
me renfermai, & l'on ne me vit plus.
LE PERE DE FAMILLE.
J'èntens. Voilà le fruit des fentimens
qu'on leur infpire. Ils ne fervent qu'à les
rendre plus dangereux.
S. A L B 1 N.
On s'apperçut de ma retraite, & je
m'y attendois. La bonne Madame Hëberc
m'en fit des reproches. Je m'enhardis. Je
l'interrogeai fur leur fituation. Je peignis
la mienne comme il me plut. Je propofai
d'anocier notre indigence &: de l'alléger
en vivant en commun. On fit des difficul-
tés. J'infiftai, & Fon confentit à la fin.
Jugez de ma joie ? Hélas, elle a bien
peu
duré, & qui fçait combien ma peine du.
rera î
Hier j'arrivai à mon ordinaire. Sophie
étoit feule. Elle avoit les coudes appuyés
fur fa table, & la tête panchée fur fa main.
Son ouvrage étoit tombé à tes pieds. J'en"
(~0
J I
trai fans qu'elle m'entendît.
m'en Elle ~bupl-
roit. Des larmes s'échappoient d'entre fes
doigts, & couloient le long de fes bras.
Il y avoit déjà quelque tems que je la
trouvois triste. Pourquoi pleuroit-elle ?
Qu'eft-ce qui l'amigeoit ? Ce n'étoit plus
le befoin. Son travail & mes attentions
pourvoyoient à tout. Menacé du ~eul
malheur que je redoutois, je ne balançai
point. Je me jettai à fes genoux. Quelle
fut ~a furprife Sophie lui dis-je, vous
pleurez Qu'avez-vous ? Ne me celez pas
votre peine. Parlez-moi de grace par-
lez-moi. Elle fe taifoit. Ses larmes conti-
nuoient de couler. Ses yeux où la férénité
n'étoit plus, noyés dans les pleurs, ~e tour-
noient fur moi, s'en eioignoient, y re-
venoient. Elle difoit feulement pauvre
Sergi malheureufe Sophie Cependant
j'avois baiffé mon vidage fur fes genoux,
& je mou illois fon tablier de mes larmes.
Alors la bonne rentra. Je me leve. Je
cours à elle. Je l'interroge. Je reviens à
Sophie. Je la conjure. Elle s'obftine au
t:3';1

~lence. Le déféfpoir s'empare de moi. Je


marche dans la chambre fans fçavoir ce
que je fais. Je m'écrie douloureusement,
c'eSt fait de moi. Sophie, vous voulez
nous quitter c'efi fait de moi. A ces mots
fes pleurs redoublent, & elle retombe fur
fa table comme je l'avois trouvée. La
lueur pâle & fombre d'une petite lampe
éclairât cette fcene de douleur qui a duré
toute la nuit. A l'heure que le travail eft
cenfé m'appeller, je fuis (brti~ Se je me
retirois ici accablé de ma peine.
LE PERE DE FAMILLE.
Tu ne penfois pas à la mienne.
S/ ALBIN.
Mon pere.
LE PERE DE FAMILLE.
Que voulez-vous ? Qu'espérez-vous ?
S.' A L B i N.
Que vous mettrez le comble à tout
ce
que vous avez fait pour moi depuis que
je Suis que vous
verrez Sophie que
vous lui parlerez que
LE PERE DE FAMILLE.
Jeune intense 1 Et fçavez vous qui
elle eft ?
S~ÂLBIN.
C'eft là fon fecret, Mais fes mœurs,
fes fentimens fes discours, n'ont rien de
conforme à fa condition présente. Un au-
tre état perce à-travers la pauvreté de fon
vêtement. Tout la trahit jufqu'à~e ne
fçais quelle fierté qu'on lui a infpirée &
qui la rend impénétrable fur fon état
Si vous voïez fon ingénuité, fa douceur
fa modeâie Vous vous fouvenez bien
de maman Vous foupirez. Eh bien
c'en:-elle. Mon papa, voyez-la & fi
votre fils vous a dit un mot
LE PERE DE FAMILLE.
Et cette femme chez qui elle eit, ne
vous en a rien appris ?
S.t ALBIN.
Hélas, elle e~: auni réfervée que So-
phie I Ce que j'en ai pû tirer, c'eft que
cette enfant eft venue de province implo-
rer ranin:ance d'un parent qui n'a voulu
ni
ni la voir ni la fecourir. J*ai prontë de
cette confidence pour adoucir fa mifere
fans onenfer fa déîicatefle. Je fais du bien
à ce que j'aime & it'ny a que moi qui
!e fçache.
LE PERE DE FAMILLE.
Avez-vous dit que vous aimiez ?
S/t A L B 1 N
( ~~C T~ZT/~C~ ).
Moi, mon père ?.. Je n'ai pas même
entrevû dans l'avenir le moment où je
l'oferois.
LE PERE DE FAMILLE.
Vous ne vous
croyez donc pas aimé ?
S.' A L B i N.
Pardonnez-moi. Hélas, quelque-
fois jel'ai crû
LE PERE DE FAMILLE.
Et fur quoi r
S.~t A L B i N.
Sur des chofes legéres qui fe tentent
mieux qu'on ne les dit. Par exemple, elle
prend intérêt à tout ce qui touche.
me
Auparavant, fba vifage seciairciabit
à
7.7~
7 P~~ ~·
mon arrivée fon regard s'animoit elle
avoit plus de gaieté. J'ai crû deviner qu'el-
le m'attendoit. Souvent elle m'a plaint
d'un travail qui prenoit toute ma journée.
Je ne doute pas qu'elle n'ait prolongé le
~ien dans la nuit pour m'arrêter plus long-
rems e
LE PEP.E DE FAMILLE.
Vous m'avez tout dit ?
S/t A L B 1 N.
Tout.
LE PERE DE FAMILLE
( M/M~H/ ).
Allez vous repofer Je la verrai.
S.t A L B 1 N.
Vous la verrez ? Ah mon pere, vous
la verrez Mais fongez que le tems
preffe
LE PERE DE FAMILLE.
Allez & rougiffez de n'être pas plus
occupé des allarmes que votre conduite
m'a données, & peut me donner encore.
S/ ALBIN.
Mon père vous n'en aurez plus.
S C E ~V
LE PERE DE FAMILLEy~
D E l'honnêteté, des vertus, de l'in-
digence, de la jeuneîïe, des char-
mes, tout ce qui enchaîne les âmes bien
nées A peine délivre d'une inquié-
tude, je retombe dans une autre. Quel
~brt' Mais peut être m'allarmai je
encore trop tôt. Un jeune homme
paffionné, violent, s'exagère à lui-même,
aux autres. Il faut voir. Il faut ap-
peller ici cette fille l'entendre, lui
par-
ler. Si elle e~ telle qu'il
me la dépeint
je pourrai ImiéreHer, l'obliger. Que
~ais-je ?
a
S CE NE 7 ~T.

LE PERE DE FAMILLE, LE
COMMANDEUR en robe de c~a~~
~/Z bonnet de nuit.

H LE COMMANDEUR.
bien Monfieur d'OrbeHbn vous
JLj avez vû votre fils? De quoi s'agit-il ?
LE PERE DE FAMILLE.
Monfieur le Commandeur vous le
fçaurez. Entrons.
LE COMMANDEUR.
Un mot, s'il vous plaît. Voilà votre
~ils embarqué dans une aventure qui va
vous donner bien du chagrina n'eâ-ce
pas?
LE PpRE DE FAMILLF.
Mon frere
LE COMMANDEUR.
Afin qu'un jour vous n'en prétendiez
caufe d'ignorance je vous avertis que
votre chere fille & ce Germeuil que vous
gardez ici malgré moi,
1
r~ vous en préparent
de leur côté & s'il plaît à Dieu, ne
vous
en laiueront pas manquer.
LE PERE DE FAMILLE.
II'
Mon frere, ne m'accorderez-vous pas
un Infant de repos ?
LE COMMANDEUR.
Ils s'aiment 3 c'cA moi qui vous le dis~
LE PERE DE FAMILLE
( ~Mf~/2~).
Eh bien, je le voudrois.
( Z~ Pere de entraine le Comman-
deur hors de la Scène, tandis ~M~F~~ ).
LE COMMANDEUR.
Soyez content. D'abord ils ne peuvent
ni fe ~unrir, ni fe quitter. Ils fe brouil-
lent fans ce~Ic, & font toujours bien. Prêts.
à s'arracher les yeux fur des riens, ils ont
une ligue offenfive & défenfive envers
& contre tous. Qu'on s'avife de
remar-
quer en eux quelques-uns des défauts dont
~s fe reprennent
on y fera bien venu. c),
~pa
Hâtez-vous de les féparer c'eit moi qui
vous le dis.
LE PERE DE FAMILLE.
Allons, Monfieur le Commandeur
entrons. Entrons, Monfieur le Comman-
deur.
ACTE SECOND.
S C E NE
LE PERE DE FAMILLE, CECILE,
Mademoifelle CLAIRET, Monfieur LE
BON, UN PAYSAN, Madame PA-
PILLON Marchande à la toilette <zv~
une ~y~f 0~/Y~f LA BRIE, PHI-
LIPPE ~/72<?/?~7M<' qui vient fe préfenter,
Un Homme vêtu de noir qui a l'air d'un
pauvre ~0/2MM~ 6' qui /?.
Toutes ces ~zy!~ arrivent les unes après
les autres. Le payfan fe f~/2f~<?M~
corps Z?a/2C~ey~'yo/! bâton. Madame Pa-
~Z~O/Z dans un /r~Z/~ J~~M~
vifage avecfon'mouchoir fa fille de ~<?~-
~/?<~0~ COfC avec un petit
C~I~O/Z fous le ~/U~. A~3/7/ Le Bon ~/2
étalé yZ~T~~y~un C(Z/Z~ Z ~<9//Z-
~0~ e~l
vêtu de noir
me ~~M <?/? retiré â,~l'écczrt, ~7~
f/~C~Z/f dehoaf
dans un coin auprès 1 <z~j~/z~ Z~zZ'~
~49)
en 6* en /~7~.
~a~ La
l

fc~zg ~~fo~~ <$'


le un f/~T~ ~yz~J que
Z~ Bon ~a~Z~ ~~c~ /0~
la /?- boutique de Af~/TM
~P~
<$' tout le
Il
~?-~<ï~~ précédée de

/2f ~o~ c~
P~Z. E/ ~c7zo/Z
en un <i

fa W~ fur une
côté de cette f~. Le
M~7<;
C~~ c/? ~o~ ~M~~7
~a~
~C~ ~? ~~0/M
Celle de C<?~~
~<?/
LE PERE DE FAMILLE

Ah
( au ). 7~
c~ft vous qui venez enchérir n~
le bait de mon fermier-1de Limeuil. J'en

C/
fuis content. H eA exad. II des
a enfans.
Je ne ~is pas fâché qu'il Me

(M: avec moi


fes affaires. Retournez-vous-en.

Papillon d'approcher).
CÉCILE
(~ Madame Papillon
M apportez, vous de belles chofes?
LE PERE DE FAMILLE
(~/?/Z Intendant ).
Eh bien. Monfieur le Bon,
qu'eft-cc
qu'il y a
M.~ PAPILLON.
(~a C~).
Mademoifëtle
vous allez voir.
· M.'Le BoN.
Ce débiteur dont le billet e~
échu de-
puis un mois, demande
encore à différer
ion payement.
LE PERE DE FAMILLE.
Les tems font durs
accordez lui le
délai qu'il demande. Rifquons
~m~plûtô~ue de le ruiner.une petitepet~te
P<z< que la Scène ~ic~<
V Madame
Papillon &fafille de boutique déployent
fur des fauteuils des Perfes, des Indiennes,
de Hollande 6'C. Cécile tout
C/Z~Zf~/ZC~~ regarde approuve
defapprouve fait mettre à part, 6'C. ).
M/LE BoN.
Les ouvriers qui travailloient à votre
maifon d'Or~gny font venus.
LE PERE DE FAMILLE.
Faites leur compte.
M/ L E BON.
Cela peut aller au-delà des fonds.
LE PERE DE FAMILLE.
Faites toûjours. Leurs besoins font plus
prenans que les miens & il vaut mieux

(~).
que je fois gêné qu'eux.

CédIC) n'oubliez pas mes pupilles. Voyez


s'il n'y a rien là qui leur convienne.

/C~ avec
lui 6'
C~
( 7c~ il apperçoit le pauvre.honteux. 7/~

dit bas )
7/ ~ZC~ vers

Pardon, Monfieur je ne vous voyois


mr fdomefHques m'ont
pas. Des embarras
occupé. Je vous avois oublié.
( 7<?~~ MP< tire une bouife qu'il lui
~0/2/2~ 6' tandis qu'il de recon.
6' ~M~V~/Ï~ l'autre Scène avance).
M.~ CLAIRET.
Ce deflern eA charmant.
CÉCI LE.
Combien cette pièce
M.~ PAPILLON.
Dix louis, au jufte.
M. CLAIKET.
C'en: donner.
( Cécile paye).
LE PERE DE FAMILLE
( en revenant ~J 6' d'un ton de C~/M~
~z~O/z ).
Une famille à élever un état à foute"
nir, & point de fortune
CÉCILE.
Qu'avez-vous-là, dans ce carton ?
LA FILLE DE BOUTIQUE.
Ce font des dentelles.
(Z~<?~yo/ïc~/?o~).
CÉCILE
( vivement ).
Je ne veux pas les voir. Adieu Ma-

(Af~ C~J~<6'
dame Papillon.

y~ ~o/zf). M.' LE B O N.
Ce volim qui a formé des prétentions
fur votre terre, s'en dëhïieroit peut-être,

LE PEH.E DE FAMILLE.
Je ne me iaiHerai pas dépouiller. Je
ne facriMerai point les intérêts de
mes en-
fans à l'homme avide & injure. Tout
ce
que je puis, c'e~i de céder, fi l'on veut,
ce que la pourfuite de ce. procès Ç.S pourra
me coûter. Voyez.
( Monfieur le Bon fort).
LE PtRE DE FAMLLLE
( le rappelle lui dit)
A-propos, Monfieur le Bon. Souve-
nez vous de ces gens de province. Je
viens d'apprendre qu'ils ont envoyé ici
un de leurs encans tâchez de me le dé-
couvrir.
( <i la F/7~ ~Mi
J OCC~70Ma ~ï).
Vous n'êtes plus à mon fervice. Vous
connoiniez le dérèglement de mon fils.'
Vous m'avez menti. On ne ment pas chez
moi.
CÉCILE
( ~/M~C~/Z~).
Mon pere.
LE PEKE DE FAMILLE:
Nous fommes bien étranges. Nous les
aviHubns. Nous en fanons de malhonnê-
tes gens &: lorfque nous les trouvons
tels nous avons l'injustice de
nous en
plaindre.
(~j~).
Je vous laine votre habit, 8c je
vous
accorde un mois de vos gages. Allez.
(~ /~7~).
EA-ce vous dont
on vient de me parlera
PHILIPPE.
Oui, Monteur.
1
LE PERE DE FAMILLE.
Vous avez entendu pourquoi je le
ren-
voye. Souvenez-vous-en. Aliez~ &:ne
MIez entrer perfonne.
c
LE PERE DE FAMILLE,
CECILE.
LE PERE DE FAMILLE.
jYt A fille
avez-vous rcnëchir
C E'C I L E.
Oui mon pere.
LE PERE DE FAMILLE.
Qu'avez-vous résolu ?
C E'C I L E.
De faire en tout votre volonté.
LE PERE DE FAMILLE.
Je m'attendols à cette réponfe.
CECIL'E.
Si cependant il m'étoit permis de choi-
fir un état.
LE PERE DE FAMILLE
Quel eft celui que vous préféreriez ?..<
Vous hë~iez. Parlez, ma nlle.
CE'CI LE.
Je préférerois la retraite.
LE PERE DE FAMILLE.
Que voulez-vous dire ? Un couvent ?
C E'CI E.
L
Oui mon pere. Je ne vois que cet ade
contre les peines que je crains.
LE PERE DE FAMILLE.
Vous craignez des peines, & vous ne
penfez pas à celles que vous me cauferiez ?
Vous m'abandonneriez? Vous quitteriez
la maifon de votre pere, pour un cloître
la fociété de votre oncle, de votre frere
& la mienne pour la fervitude ? Non
ma fille cela ne fera point. Je refpecie
la vocation religieufe mais ce n'efi
pas
la vôtre. La Nature en vous accordant
les qualités foetales, ne vous devina point
à l'inutilité. Cécile vous (bupirez.
Ah fi ce deffein te venoit de quelque
caulè fecrete tu ne fçais pas le fort que
tu te préparerois. Tu n'as pas entendu les
gémiffemens des infortunées dont tu irois
augmenter le nombre. Ils percent la nuit
c~ le filence de leurs prions. CeU alors,
mon enfant, que les larmes coulent ame-
tes & fans témoin,
f~n & quee les couches fo.
litaires en font arrofées Madernoifelle,
ne me parlez jamais de couvent. Je
'n'aurai point donné la vie à un enfant; je
ne l'aurai point élevé je n'aurai point tra.
vaille fans relâche à anurer fon bonheur,
pour le laiffer defcendre tout vif dans un
tombeau c~ avec lui mes efpérances &
celles de la Société trompées. Et qui la
repeuplera de citoyens vertueux fi les
femmes les plus dignes d'être des
mères
de famille s'y refufent ?
CÉCILE.
Je vous ai dit, mon pere, que je ferois
en tout votre volonté.
LE PERE DE FAMILLE
Ne me parlez donc jamais de couvent.
CÉCILE.
Mais j'ofe efpérer que vous ne contrain-
drez pas votre fille à changer d'état, &
que du-moins il lui fera permis de paffer
des jours tranquilles & libres à côté de
vous.
~49;
LE PERE DE DE FAMILLE.
Si je ne confidérois
que moi, je pour~
rois approuver ce parti. Mais je dois
ouvrir les yeux fur un tems où je vous
ne ferai
plus Cécile la Nature fes vûes
a
&- fi vous regardez bien
vous verrez
ia vengeance fur tous
ceux qui les ont
trompées les hommes punis du cëlibac
par le vice les femmes par le mépris &:
par l'ennui. Vous connoiffez les diffé-
rens états dites-moi en e~-il un plus
triAe & moins confidéré
que celui d'une
fille âgée ? Mon enfant, pafle
trente ans
on fuppofe quelque défaut de corps
d'efprit à celle qui n'a ou
trouvé perfonne
qui fût tenté de fupporter
avec elle les
peines de la vie. Que cela foit
l'âge avance les charmes pailent ou non,>
les
hommes s'éloignent, la mauvaife
humeur
prend on perd fes
parens, fes connoir.
fances, fes amis. Une fille Surannée
plus autour d'elle
na
que des indirférens qui
la négligent,
ou des ames intéreffées qui
comptent fes jours. Elle le fent; elle s'en
p..<'
afflige elle vit ~ansvqu'on
J
la confole &:
meurt fans qu'on la pleure.
CÉCILE.
Cela e~ vrai. Mais eH-il
un état fans
peine 3 & le mariage n a-t-il pas les fien.
nés?
LE PERE D E FAMILLE.
Qui le ~aiï. mieux que moi ? Vous
l'apprenez
état que
les
la Nature
jours. Mais c'e~
impose. Ceil la
me
un
cation de tout ce qui refpire. Ma fille,vo-
celui qui compte fur
un bonheur fans me'
lange, ne connoîtni la vie de l'homme,
ni
les deneins du Ciel fur lui. Si le mariage
expofe à des peines cruelles, c'ell
aumia
fource des plaifirs les plus doux.
Où font
les exemples de l'intérêt
pur & ~ncere
de la tendreffe réelle, de la connancc
in-
time, des fecc.urs continus, des fatisfac-
nons réciproques, des chagrins
des foupirs entendus des larmespartages, 1
confon- J
dues, ~i ce n'e~ dans le mariage?
Qu'cfr-
ce que rhommc de bien préfère à fa fem-
me? Qu y-a-t-il
au monde qu'un pere
aime plus que fon enfant ?.. 0
lien ~acre
des époux, je penfe à vous,
mon ame
s'échauffe &: s'élève 0 noms tendres
de fils &: de fille je ne vous prononçai
jamais fans treilaillir fans être touché 1
Rien n'e~t plus doux à mon oreille rien
n'en: plus intérenant à mon
cœur.
cile, rappellez-vous la vie de votre
Cé-
mere
en eit-il une plus douce que celle-d'une
femme qui a employé fa journée à
rem-
plir les devoirs d'époufe attentive, de
mère tendre, de maitrene compatiffan-
te ?.. Quel fujet de rénéxions délicieufes
elle emporte en fon cœur) le foir, quand
elle fe retire 1
C É C I L E.
Oui, mon pere. Mais où font les fem-
mes comme elle & les époux comme
3
~ous?
LE PERE DE FAMILLE.
Il en ei~ mon enfant; & il
ne tiendroit
qu'à toi d'avoir le fort qu'elle
eut.
CÉCILE
S'il fuffifoit de regarder autour de foi
d'écouter fa raifon & fon cœur.
LE PERE DE FAMILLE.
Cécile vous baiffez les yeux. Vous
tremblez. Vous craignez de parler
Mon enfant, laiffe-moi lire dans ton ame.
Tu ne peux avoir de fecret pour ton pere;
& fi j'avois perdu ta confiance c'eA en
moi que j'en chercherois la raifon Tu
pleures.
C É C I L E.
Votre bonté m'afflige. Si vous pouviez
me traiter plus févérement.
LE PERE DE FAMILLE.
L'auriez-vous mérité ? Votre
cœur vous
feroit-il un reproche ?
CÉCILE.
Non mon pere.
LE PERE DE FAMILLE.
Qu'avez-vous donc?
CÉCILE.
Rien.
LE PERE DE FAMILLE
Vous me trompez, ma fille.
1
CÉCI LE.

Je fuis accablée de
votre tendreté
Je voudrois y répondre.
LE PERE DE FAMILLE.
Cécile, auriez vous distingué quel-
qu'un ? Aimeriez-vous?
CÉCILE.
Que je ferois à plaindre
LE PERE DE FAMILLE.
Dites. Dis mon enfant. Si tu ne me ~up~
po~es pas une ievérité que je ne connus
jamais tu n'auras pas une réferve dépla-
cée. Vous n'êtes plus un enfant. Com-
ment blamerois-je en vous un fentiment
que je fis naître dans le cœur de votre
mere? 0 vous qui tenez fa place dans ma
maison &; qui mee la représentez imitez-
la dans la tranchée qu'elle eut avec celui
qui lui avoit donné la vie & qui voulut
fon bonheur & le mien Cécile, vous
ne me répondez rien ?
C É C I L E.
Le fort de mon frere me fait trembler.
~4;
rr FAMILLE.
LE PERE DE 1

Votre frere eft un fou.


CECILE.
Peut-être ne me trouveriez-vous
plus pas
raifonnable que lui.
LE PERE DE FAMILLE.
Je ne crains pas ce chagrin de Cécile.
Sa prudence m'efr
connue & je n'attens
que l'aveu de fon choix pour !e confir-
mer.
( ilefe tait. attend
moment; puis il continue tou férieux
<~ 772~2~
un peu C~Y'/z ).
Il m'eût été doux d'apprendre fën-
vos
timens de vous-même mais de quelque
maniere que vous m'en in~ruinez, je ~e-
rai Satisfait. Que ce foit
par la bouche de
votre oncle, de votre irere, ou de Ger-
meuil, il n'importe. Germeuil e~
notre
ami commun Ccfc un homme ~ge <Sc
difcret. Il a ma confiance. Il ne me
paroît pas indigne de la vôtre.
CE CIL 1:.
C'ef~ ain~ que j'en penfe.
LE PERE DE FAMILLE.
Je lui dois beaucoup. Il eft tems que je
m'acquitte avec lui.
C É C I L E.
Vos enfans ne mettront jamais de bor-
nes ni à votre autorité ni à votre recon-
noiffance Ju~qu~ préfent il vous a
honoré comme un pere &: vous Favez
traité comme un de vos enfans.
LE PERE DE FAMILLE.
Ne fçauriez-vous point ce que je pour-
rois faire pour lui ?
CÉCILE.
Je crois qu'il faut le confulter lui-mê-
me. Peut-être a-t-il des idées. Peut-
être. Quel confeil pourrois- je vous
donner?
LE PERE DE FAMILLE~
Le Commandeur m'a dit un mot.
CÉCILE
(~~c ~n~cz~).
J'ignore ce que c'en: mais vous con-
noiffez mon oncle. Ah mon père, n'en
croyez rien.
LE PERE DE FAMILLE.
Il faudra donc que je quitte la vie fans
avoir vu le bonheur d'aucun de
fans. Cécile Cruels enfansmes que en-
vous ai-je fait pour me défoler ? J'ai
perdu la connancc de
ma fille. Mon fils
se~ prëcipire dans des liens
que je ne puis
approuver, & qu'il faut que je rompe.

~c~~v~
LE PERE DE FAMILLE,
CECILE, PHILIPPE.
PHILIPPE.
T~/T On~eur', H y a là deux femmes qui
J.vi. demandent à vous parler.
LE PERE DE FAMILLE.
Faites entrer.
( C~7~ retire. ~z~
dit ~7?~~).
Cécile1
CÉCILE.
Mon pere.
"1
LE PERE DE
V~ f FAMILLE;
Vous ne m'aimez donc plus ?
(Les femmes annoncées <?/Zf/~7Zf
fort avec fon ~O~OZ' ZMJ~~).

C 7
LE PERE DE FAMILLE, SOPHIE,

~)
M.~ HEBERT.
LE PERE DE FAMILLE
( <cd~~f Sophie dit d'un ton
<~
T L ne m'a point trompé. Quels char-
mes Quelle modèle! Quelle dou-
ceur' Ah'!
M.~ H É B E R T.
Monfieur nous
nous rendons à vos
ordres.
LE PERE DE FAMILLE.
C'en: vous, Mademoifelle qui vous
appellez Sophie ?
S 0 P H 1 E
(~M~Z~ WK~'1.
Oui, Monfieur.
LE PERE DE FAMILLE
(~ Madame Hébert).
Madame, j'aurois un mot à dire à Ma-
demoifelle. J'en ai entendu parler & je
m'y intéreffe.
( Madame Hébert fe /).
(~72~f~ /2~y). S 0 P H 1 E

Ma bonne?
LE PERE DE FAMILLE.
Mon enfant remettez- vous. Je ne
vous dirai rien qui puiHe vous faire de la
peine.
S 0 P H 1 E.
Hélas!
( Madame TT~/r j~~y~ ~y~
~y~ elle tire fon oMy/ <s' travaille).
LE PERE DE FAMILLE
( conduit Sophie a M/Z~ C~~Z/~ 6' /~y~
côté de /~z).
D'où êtes-vous, Mademoiselle ?
S o P H l E.
Je fuis d'une petite ville de province.
LE. PERE DE FAMILLE.
Ya t il long-tems que vous êtes à
Paris?
S 0 P H E.
1
Pas long-tems, & plût
au Ciel que je
< n'y fuflë jamais venue
LE PERE DE FAMILLE.
Qu'y faites-vous?
S O P H I E.
7 gagne
ma vie par mon travail.
LE PERE DE FAMILLE.
Vous êtes bien jeune.
S 0 P H i E.
J'en aurai plus long-tems à fouffrir.
LE PERE DE FAMILLE.
Avez-vous Monfieur
votre père ?
S 0 p H i E.
Non Monueur.
LE PERE DE FAMILLE.
Et votre mère ?
S 0 P H 1 E.
Le Ciel me l'a confervée. Mais
elle a
eu tant de chagrins fa ïanté eft fi chan-
celante, &amuerefi grande
LE PERE DE FAMILLE.
Votre mere eft donc bien pauvre ?
S o p H i E.
Bien pauvre. Avec cela, H n'en eA
point au monde dont j'aimaue mieux être
la fille.
LE PERE DE FAMILLE.
Je vous loue de ce fentiment
vous pa-
roiuez bien née. Et qu'étoit votre pere
S o p H i E.
Mon pere fut un homme de bien. H
n'entendit jamais Je malheureux, fans
en
avoir pitié. Il n'abandonna pas fes amis
dans la peine & il devint
pauvre. Il eut
beaucoup d'enfans de ma mère
nous de-
meurâmes tous fans reffource à fa mort.
Fërois bien jeune alors. Je
me fbuviens à
peine de ravoir vû. Ma mère fut obligée
de me prendre entre fes bras, & de m'é-
lever à ia hauteur de fon lit
pour l'em-
braner & recevoir fa bënëdiaion. Je
pleurois. Hélas je ne fëntois
pas tout ce
que je perdois .1
g LE PERE DE FAMILLE.
Elle me touche. Et qu'efi-ce qui vous
a fait quitter la maifon de vos parens 8c
votre pays?
SOPHIE.
Je fuis venue ici avec un de mes frères
? implorer l'amfiance d'un parent, qui a été
R bien dur envers nous. Il m'avoit vue au-
ë trefois en province. Il paroiffoit avoir pris
g de l'afïedion pour moi, & ma
mere avoit
g efpérë qu'il s'en reuouviendroit. Mais il
a
fermé fa porte à mon frere, &L il m'a fait
h dire de n'en pas approcher.
LE PERE DE FAMILLE.
Qu'eA devenu votre frère ?
B SOPHIE.
II s'efi mis au Service du Roi. Et moi
je fuis re~ée avec la perfonne
que vous
voyez, & qui a la bonté de me regarder
comme ton enfant.
LE PERE DE FAMILLE.
Elle ne paroît pas fort aifee.
S0 p H i E.
Elle partage avec moi
ce qu'elle a.
LE PERE DE FAMILLE.
Et vous n'avez plus entendu parler de
ce parent ?
S O P E.
H I
Pardonnez-moi, Monfieur. J'en ai reçu
quelques fecours. Mais de quoi cela fert-il
à ma mere 1
LE PERE DE FAMILLE.
Votre mere vous a donc oubliée ?
S 0 P H 1 E. S
Ma mere avoit fait un dernier enbrt
pour nous envoyer à Paris. Hélas, elle ai-
tendoit de ce voyage un fuccès plus heu-
reux. Sans cela, auroit-elle pû fe réfoudre
à m'éloigner d'elle ? Depuis elle n'a plus
t
~û comment me faire revenir. Elle me
mande cependant qu'on doit me repren- S
dre & me ramener dans peu. Il faut que ~e
quelqu'un s'en foit chargé par pitié. Ho, ~fi
nous fommes bien à plaindre
LE PERE DE FAMILLE.
Et vous ne connoîtriez ici perfonne qui
pût vous recourir?
SOPHIE.
Perfonne.
LE PERE DE FAMILLE.
J Et vous travaillez pour vivre
SopHiE.
Oui Monteur.
LE PERE DE FAMILLE.
Et vous vivez feules ?
S O P H I E.
Seules.
LE PERE DE FAMILLE.
Mais qu'eA-ce qu'un jeune homme
dont on m'a parlé, qui s'appelle Sergi, &
qui demeure à côté de vous ?
M.~ H É B E R T
( ~~C vivacité quittant fon ~Z~/),
Ah Monfieur, c'eA le garçon le plus
honnête
SOPHIE.
C'eft un malheureux qui
gagne fon
~` pain
comme nous & qui a uni fa mifere
M à la nôtre.

LE PERE DE FAMILLE.
Eit-ce là tout ce que
vous en ï~avez ?
S o p H i E.
Oui, Monfieur.
(64
LE PERE DT~E
C FAMILLE.
Eh bien Mademoifelle ce malheu-
reux-là.
0 p H i E.
S
Vous le connoiHez ?
LE PERE DE FAMILLE.
Si je le connois c'e~t mon fils.
S 0 P H 1 E.
Votre fils
M.~HÉB ERT.
(en /72~~ ~7M).
Sergi
LE PERE DE FAMILLES
Oui~ Mademoifelle.
SOPHIE.
Ah, Sergi, vous m'avez trompée 1
LE PERE DE FAMILLE.
Fille auHi vertueufe que belle, connoif-
fez le danger que vous
avez couru.
S0 p H i E.
Sergi eA votre fils
LE PERE DE FAMILLE.
Il vous eïtime, vous aime mais fa
3
paffion
panion prépareroit votre malheur & le
~en fi vous la nourriniez,
So p H i E.
Pourquoi fuis-je venue dans cette ville ?
Que ne m'en fuis je allée lorfque
mon
cœur me le difoit t
LE PERE DE FAMILLE.
Il en eft tems encore. Il ~aut aller
re-
trouver une mere qui vous rappelle, &
à qui votre féjour ici doit caufer la plus
grande inquiétude. Sophie,
vous le vou-
lez ?
SOPHIE.
Ah, ma mere, que vous dirai-je ?
LE PEkE DE FAMILLE

·
1 ( Madame
Madame, vous reconduirez
~~).
cet enfant,
j'aurai foin que vous
ne regrettiez pas
ht peine que
(A~~<? 7~
vous aurez prife.

LE PERE DE FAMILLE

Mais,
(~/Z/2~~ a
Sophie,
~~).
fi je
vous rends à votre
mère, ce~ à vous à me rendre mon fils.
1 Partie.
1. D
'<w~.<i~1,
E
p.
1~
C'e~ à vous à lui1 apprendre
#'
ce que l'on
doit à fes parens vous le fçavez fi bien.
S O PI E.
H
Ah Sergi pourquoi.
LE PERE DE FAMILLE.
Quelque honnêteté qu'il ait mis dans
fes vues, vous l'en ferez rougir. Vous lui
annoncerez votre départ, & vous lui or [
donnerez de finir ma douleur & le trouble S
de fa famille.
S 0 P H 1 E.
Ma bonne.
M.~ HÉBERT.
Mon enfant.
S O P H I E
(en s'appu .yant fur elle).
Je me fens mourir
M.~ H É B E R T.
Monteur nous allons nous retirer. &
attendre vos ordres.
S 0 P H i E.
Pauvre Sergi! Malheureuse Sophie!
Elle fort ~p~~y~~ M~7z<? ~~).
S C E NE
LE PERE DE FAMILLE~.
O Loix cruels
du mondeï 0
préjugés
II y a déjà fi
peu de
femmes pour un homme qui penfe &
qui
fënt. Pourquoi faut-il que le choix
en foit
encore fi limite 1 Mais mon fils ne
tardera pas à venir. Secouons, s'il ~e
peut, de mon ame rimpreHion que cet
enfant y a faite. Lui repréfenterai j e
comme il me convient, ce qu'il me doit,
ce qu'il fë doit à lui-même, fi mon cœury
eït d'accord avec le ~en?

jV C
LE PERE DE FAMILLE,
S.~ A L B 1 N.
S~. A L B 1 N
( en <$' avec ~~c~).
ivi. On père.
( Z<? 7~ Famille fi promene<5'
ille fe & garae lè
~2C~).
S/ ALBIN
( ~2~/2~ ~/Z ~/2~p/).
Mon pere.
LE PERE DE FAMILLE
(J'Zf~ <$' d'un tonférieux).
Mon ~!s vous n'êtes pas rentré en
vous-même, fi la raifon n'a pas recouvré
fes droits fur vous, ne venez
pas aggraver
vos torts & mon chagrin.
S.~ ALBIN.
Vous m'en voyez pénétré. J'approche
de vous en tremblant. Je ferai
tran-
quille & raifonnable Oui, je le fe-
rai. Je me le fuis promis. >
(Le Pere de Famille continue de fepromener),
S/ A L B 1 N
( s'approchant avec timidité lui dtt ~M
voix ~~6 (~ ~72~/2~).
Vous l'avez vue ?
LE PERE DE FAMILLE.
Oui, je l'ai vûe. Elle e~ belle & je
la crois fage. Mais qu'en prétendez-vous
w -i i
faire? Un amusement r Je ne le fbunriro~
pas. Votre femme? Elle ne vous convient
pas.
S.'t ALB IN
( M~ CC/a/M ).
Elle eft belle, elle eft fage & elle ne
me convient pas Quelle efc donc la fem"
me qui me convient ?
L& PERE DE FAMILLE.
Celle qui par fon éducation fa nait.
(ance, fon état & <a fortune peut affûret
votre bonheur & fatisfaire à mes e<pe*
rances.
S.t A L B 1 1~
Ainn le mariage ~era pour moi un Ïien
d'intérêt & d'ambition ? Mon pere vous
~'avez qu'un fils ne le facrifiez pas à des
vues qui remplirent le monde d'époux
Malheureux. Il me faut une compagne
honnête & fenfible qui m'apprenne à
Supporter les peines de la vie, 6c non une
femme riche & titrée qui les accroiffe.
Ah fouhaitez-moi la mort & que le Ciel
me raccorde plûtôt qu'une femme comme
j'en vois
LE PERE DE FAMILLE.
Je ne vous en propofe aucune mais g
je ne permettrai jamais que vous foyez à $
celle à laquelle vous vous êtes follement I.
attaché. Je pourrois u~er de mon autorité
&: vous dire Saint-Albin, cela me dé-
plaît cela ne fera pas n'y penfez plus.
Mais je ne vous ai jamais rien demandé
fans vous en montrer la raifon. J'ai voulu
m'obéifïanf,
que vous m'approuvamezen
& je vais avoir la même condefcendance.
Modérez-vous, & écoutez-moi.
Mon fils il y aura bien-tôt vingt ans
premierés larmes
que je vous arrofai des
que vous m'ayez fait répandre. Mon cceur g
s'épanouit en voyant en vous un ami que )!
la Nature me donnoit. Je vous reçus entre
vous
mes bras, du fein de votre mere &
devant vers le Ciel & mêlant ma voix E
à vos cris~ je dis à Dieu ô Dieu qui m'a-
vez accordé cet enfant, fi je manque aux
ibins que vous m'impofez en ce jour, ou
s'il ne doit pas y répondre, ne regardez
point à la joie de fa mère; reprenez-le.
(7i )
Voilà le vœu que
7U6~je fis fur vous & fur
moi. Il m'a toûjours été préfent. Je ne
vo~s ai point abandonné au foin du mer-
cenaire. Je vous ai appris moi même à
par!er, à penfer, à fentir. A mefure que
vous avanciez en âge, j'ai étudié vos pen-
chans j'ai formé fur eux le plan de votre
éducation &: je l'ai fuivi fans relâche.
Combien je me fuis donné de peines pour
vous en épargner ? J'ai réglé votre fort à
venir fur vos talens & fur vos goûts. Je
n'ai rien négligé pour que vous paruffiez
avec diAincHon. Et lorfque je touche au
moment de recueillir le fruit de ma fblli-
citude lorfque je me félicite d'avoir un
fils qui répond à fa naiffance qui le deftine
aux meilleurs partis, & à fes qualités per-
fonnelles qui l'appellent aux grands em<
plois, une pafuon infënfée la fantaine
d'un infant aura tout détruit; & je verrai
fes plus belles années perdues fon état
manqué &: mon attente trompée & j'y
confentirai ? Vous l'êtes-vous promis ?
S.*ALBIN.
TUT T
Que je fuis malheureux
LE PERE DE FAMILLE.
Vous avez un oncle qui vous aime
qui vous devine une fortune confiera-
Se
,1
ble un pere qui
vous a confacré fa vie, & J
qui cherche à vous marquer en tout fa
ten-
drene un nom, des
parens des amis, les
prétentions les plus flateufes & les mieux
bondées, & vous êtes malheureux? Que
vous faut-il encore ?
Ctt AA L B I N.
0. S
Sophie, le cœur de Sophie, & l'aveu
de mon pere.
LE PERE DE FAMILLE. J!

Qu'ofez-vous me propofer ? De
parla,
t
ger votre folie & le blâme général qu'elle N
encourroit ? Quel exemple à donner
aux
peres & aux enrans ? Moi, j'autoriferois
par une fbibleue honteuse le déibrdre de
la ïbciété la contuuon du fang &: des
rangs, la dcgradation des ramilles
S.t A L B 1 N.
Que je fuis malheureux Si je n'ai pas
celle que j'aime, un jour il faudra
que je
fois à celle que je n'aimerai
pas. Car je
n'aimerai jamais que Sophie. Sans ceffe
j'en comparerai une autre avec elle. Cette
autre fera malheureufe je le ferai aufu
vous le verrez & vous en périrez de re-
gret.
LE PERE DE FAMILLE.
J'aurai fait mon devoir, & malheur à
vous fi vous manquez au vôtre.
S' A L s i N.
Mon pere ne m'ôtez
pas Sophie.
LE PERE DE FAMILLE.
Ceffez de me la demander.
S/t A L B i N.
Cent fois vous m'avez dit qu'une ~ëm-
me honnête étoit la faveur la plus grande
que le Ciel pût accorder. Je l'ai
trouvée
& c'en: vous qui voulez m'en priver
Mon
père, ne me l'ôtez pas. A préfent qu'elle
fçait qui je tuis~
que ne doit-elle pas at-
tendre de moi ? S/ A!bin fera-t-il
moins
généreux que Sergi ? Ne
me rotez pas.
Ce~t elle qui a rappelle la
vertu dans mon
cœur. Elle feule peut ['v cconferver.
eut Fy
LE PERE DE FAMILLE.
C'e~-à-dife, que fon exemple fera
ce
que le mien n'a pû faire.
S/t ALBIN.
Vous êtes mon pere &
vous comman-
dez. Elle fera ma femme & c'e~t autre1
un
empire.
LE PERE DE FAMILLE.
Quelle différence d'un
amant à un
époux1 D'une femme à une maîtreHe
Homme fans expérience,
tu ne fçais pas
cela.
S/t A L B 1 N.
J'efpere l'ignorer toûjours.
,i,'
LE Pl~LE DE FAMILLE.
Y a-t-il un amant qui voye fa maîtreHe
avec d autres yeux, & qui parle autre- S
ment ?
S.t ALBIN.
Vous avez vû Sophie Si je la quitte
pour un rang des dignités, des e~péran-
ces, des préj ugés je ne méritai pas de la
connoître. Mon pere mépriseriez-vous
afïez votre fils pour le croire ?
LE PERE DE FAMILLE.
Elle ne s'eA point avilie en cédant à
votre paffion. Imitez-la.
B S~t ALB I N.-
Je m'avilirois en devenant fon époux P
LE PERE DE FAMILLE.
B Interrogez le monde.
JJ S.'t A L B 1 N.
g Dans les chofes indinerentes je pren-
drai le monde comme il eft mais quand
B il s'agira du bonheur ou du malheur de ma
Et 0
vie du choix d'une compagne.
LE PERE DE FAMILLE.
Vous ne changerez pas fes idées. Con-
formez-vous y donc.
?:
S S.* A L B 1 N.
Ils auront tout renverse tout gâté
y
fubordonné la nature à leurs misérables
conventions, & j'y Souscrirai ?
LE PERE DE FAMILLE.
Ou vous en ferez méprifé.
S.t A L B 1 N.
Je les fuirai.
LE PERE DE FAMÎLLË.
'Leur mépris vous fuivra & cette fem*
me que vous aurez entraînée ne fera pas
moins à plaindre que vous. Vous l'ai<-
mez ?
S.~t A L B i
Si je l'aime!
LE PERE DE FAMILLE.
Ecoutez, & tremblez fur le fort que
vous lui préparez. Un jour viendra que
vous Sentirez toute la valeur des facrifices
que vous lui aurez faits. Vous vous trou-
verez feul avec elle fans état fans for-
tune, fans connderation $ l'ennui & le
chagrin vous faifiront. Vous la haïrez 3
vous l'accablerez de reproches. Sa pa-
tience & fa douceur achèveront de vous
aigrir vous la haïrez davantage vous
haïrez les enfans qu'elle vous aura don-
nés & vous la ferez mourir de douleur.
S/ A L B ]t N.
Moi!
LE PERE DE AMILLE.
Vous.
s. t A L B 1 N.'
Jamais jamais.
LE PERE D E FAMILLE.
La pamon voit tout éternel, mais la
nature humaine veut que tout finiffe.
S/t ALBIN.
Je ceîïerois d'aimer Sophie 1 Si j'en
étois capable j'ignorerois, je crois fi je
vous aime.
LE PERE DE FAMILLE.
Voulez-vous le ravoir & me le prou-
ver ? Faites ce que je
vous demande.
S.*t ALBIN.
Je le voudrois en vain. Je ne puis. Je
fuis entraîné. Mon
pere je ne puis.
LE PERE DE FAMILLE.
In(cn(ë vous voulez être pere ? En
connoiflez-vous les devoirs ? Si vous les
connoiuez, permettriez-vous à votre fils
ce que vous attendez de moi
S/t AL B I N.
Ah fi j'ofois répondre.
LE PERE DE FAMILLE.
Répondez.
LBIN.
S.'t A T
Vous me le permettez~
LE PEKEDEFAMILLE.
Je vous l'ordonne.
S.'t ALBIN.
Lorsque vous avez voulu
ma mere;
lorfque toute la famille fe fouleva l'

contre
vous; lorfque mon grand-papa vous
pella enfant ingrat, & ap-
que vous 1 appel-
lâtes au -fond de
votre ame pere cruel
qui de vous deux avoit raifbn? Ma
étoit vertueufe & belle mere
Sophie.
comme
elle étolt &ns fortune Sophie
comme
Tous l'aimiez comme j'aime Sophie. Sou~
frites vous qu'on
vous l'arrachât? mon
pere & n'ai-je pas un cœur auffi ?
LE PEKE DE FAMILLE. ?
J'avois des renburces,
votre mere F
avoit de la nal~lance.
SC.t ALBIN.
Ai L B I N
?
!jr'j

Qui fçait encore ce qu'eA Sophie ?

Chimère.
LE P~~B DE FAMILLE.
à
S.'t Artin
ALBIN.
Des refiburces ? l'amour Findigence
m'en fourniront.
LE PERE DE FAMILLE.
Craignez les maux qui vous attendent.
S/t ALBIN.
Ne la point avoir, e~ le feul
que je re<
doute.
LE PERE DE FAMILLE.
Craignez de perdre ma tendreHe.
S-t AL BI N.
Je la recouvrerai.
LE PERE DE FAMILLE.
Qui vous l'a dit?
S/t A L B I N.
Vous verrez couler les pleurs de So-
phie j'embrafferai
vos genoux;
fans vous tendront leurs bras mes en-
innocens,
& vous ne les repouHerez
pas.
LE PERE DE FAMILLE.
11 me connoît trop bien
(~ petite paufe il prend l'air
ton le ~p/~y~
Mon fils je vois que je vous parle
en
8o)
que la raifon n'a plus d'accès auprès
vain
1

de vous ) & que le moyen dont je craignis


toujours d'user, eft le feul qui
me re~e.
J'en uferai, puifque vous m'y forcez. Quit<
tez vos projets. Je le veux & je vous
l'ordonne par toute l'autorité qu'un
père
a fur fes enfans.
S.t A L B 1 N
( avec ~/ï~~or~~c/z~y0~).
L'autorité, l'autorité; ils n'ont que
ce
mot.
LE PEKE DE FAMILLE.
Reipectez-Ie.
1
S.'t A L B 1 N
(~Z~ 6*2~/2f).
Voilà comme ils font tous. C'e~t am~t
qu'ils nous aiment. S'ils étoient nos
enne-
mis, que broient-ils de plus ?
LE PERE DE FAMILLE.
Que dites-vous ? Que murmurez-vous?
S/t A L B 1 N
(~/o~.y~yze).
Ils fe croyent fages parce qu'ils ont
d'autres paffions que les nôtres.
LE
<')
LE PuKE DE
rt n t7
FAMILLE.
T
Taifez-vous.
aifez.
S.'ALBiN.
Ils ne nous
ont donné la vie que pour
en difpofer.
LE PERE DE FAMILLE.
i aiïez-vous.
S.' ALBI N.
Ils la rempHaent d'amertume
& corn.
ment ~ent-ils touchés de nos peines?
ils y font ~aits.
LE PE~E ÛE FAMILLE.
Vousoubliezquije~Isoeàquivous
parlez. Taifez-vous,
ou craignez d'attirer
fur vous la
marque la plus terrible du cour.
roux des pères.
S.'ALBIN.
Des pères .1 Des pères Il ny en a
point. Un y a que destyrans.
LE PERE DE FAMILLE.
0 CielI
S.' A niN.
Oui, des tyrans.
T
LE PERE DE FAMILLE.
Eloignez-vous de moi enfant ingrat
6e dénature. Je vous donne ma malédic-
tion. AMex loin de moi.
(Z~/z/y j 'f~ Mais à peine <ï-f-
~<~ ~~i~ que fon pere court après /M~ 6'
~~):
Ou vas-tu, malheureux?
S/ A L B 1 N.
Mon père.
LE PERE DE FAMILLE
(~y6~ dans M/Z~M~M~ 6'y<?/ met
~2CM~).
Moi, votre père ? Vous, mon fils ? Je
ne vous fuis plus rien. Je ne vous ai jamais
rien été. Vous empoifonnez ma vie. Vous
Souhaitez ma mort. Eh pourquoi a-t-elle
été fi long-tems dinerée ? Que ne fuis-je
à côté de ta mere Elle n'eA plus, & mes
jours malheureux ont été prolongés.
S/ALBIN.
Mon père.
LE PERE DE FAMILLE.
Eloignez vous. Cachez moi vos lar-
<nes.Vous déchirez mon cceur, & je
ne
puis vous en chauer.

C J? 7.
LE PERE DE FAMILLE, S.~ ALBIN,
LE COMMANDEUR.
( Le Commandeur
entre. ~f-ï
étoit aux genoux ~y~/2~~ leve <5'
qui
le Pere de Famille ~/2jyo/ïyaM~
la tête ~2~~yM/ mains
homme <). comme un

(en
LE COMMANDEUR
le /MM~/zf ~z~ ~~r~<
mene fans écouter ).
T Iens. Regarde. Vois dans quel état
tu
A le mets. Je lui avois prédit que tu
le ferois mourir de douleur, &
tu vérifies
ma prédi~ion.
( Pendant que le Commandeur parle le Pere
Famille fe /<?~ 6' s'en
~o/c a ~'y~<' ).
va. ~zf-
LE PERE DE FAMILLE
( en retournant vers fon ~j ).
Où allez-vous? Ecoutez
votre oncle.
C jV A
6.~ ALBIN, LE COMMANDEUR.
S/ÂLBIN.
T~Arlez donc Monneur je vous
y
JL écoute Si c'eA un malheur que
de l'aimer, il eft arrivé & je n'y fçais
plus de remede Si on me la refufe
qu'on m'apprenne à Foublier L'ou-
blier Qui? Elle? Moi ? Je le pour.
rois ? Je le voudrois ? Que la malédiction
de mon pere s'accompliffe fur moi ja-
mais j'en ai la penfée
LE COMMANDEUR.
Qu'eft-ce qu'on te demande ? De laif-
fer là une créature que tu n'aurois jamais
dû regarder qu'en panant qui eft &n&
bien fans parens, fans aveu qui vient 1
de je ne fçais où, qui appartient à je ne
fçais qui & qui vit je ne fçais comment. s
On a de ces filles-là. Il y a des fous qui fe v~
ruinent pour elles mais épouser ï épou-
fer1. 't
S.tÂLBIN
( avec MC~/ïC~).
Monfieur le Commandeur.
LE COMMANDEUR.
Elle te plaît? Eh bien, garde-la. Je
t'aime autant cène-là qu'une autre. Mais
îanïe-nous efpérer la fin de
cette intrigue~
quand il en'fera tems.
S/ÂLBIN
(~?z/-).
LE COMMANDEUR..
Où vas-tu ?
S.' A L B i N.
Jo m'en vais.
LE COMMANDEUR.
( en ~T~/M).
As-tu oublié que je te parle
au nom de
ton père ?
S~ALBIN.
Eh bien, Monfieur dites. Déchirez-
moi déféfpérez-moi. Je n'ai qu'un
mot
à répondre. Sophie fera
ma femme.
LE COMMANDEUR.
Ta femme ?
S/ALBINT:
Oui~ ma femme.
LE COMMANDEUR.
Une fille de rienï
S.' A L B I N.
Qui m'a appris à méprifer tout qui
ce
vous enchaîne & vous avilit.
LE COMMANDEUR. 1
N'as-tu point de honte ?
S-t ALBIN.
De la honte ?
LE COMMANDEUR.
Toi, fils de Monfieur d'Orbeffon!
ne.
veu du Commandeur d'Auviié
S.t ALBIN.
Moi, fils de Monfieur d'Orbefïbn, &
votre neveu.
LE COMMANDEUR.
Voilà donc les fruits de cette éducation
merveilleufe dont ton pere étoit ~i vain? 1$
Le voilà ce modele de tous les jeunes
gens de la Cour & de la Ville Mais
tu te crois riche peut-être p
f S/ALBIN.
Non.
o LE COMMANDEUR.
Scais'tu ce qui te revient du bien de ta
mere
S/ÂLBIN.
Je n'y ai jamais penfé &: je ne veux
pas le fçavoir.
LE COMMANDEUR.
Ecoute. C'étoit la plus jeune de ~xr
enfans que nous étions, & cela dans
une
province où l'on ne donne rien aux filles.
Ton pere qui ne fut pas plus fenfé
que
toi, s'en entêta & la prit. Mille écus de
rente à partager avec ta <œur. C'e~ quin-
ze cents francs pour chacun voilà toute.
votre fortune.
S.'ALBIN.
J'ai quinze cents livres de rente
LE COMMANDEUR.
Tant qu'elles peuvent s'étendre.
S/ALBIN.
Ah, Sophie, vous n'habiterez plus fous
un toit Vous ne fentircz plus les atteinte&
:88~
de la mifere. J'aiLouin
quinze cents livres de
rente
LE COMMANDEUR.
j'
Mais tu peux en attendre vingt-cinq
mille de ton père &: prefque le double
de moi. S/ Albin, on fait des folies, mais
0~ n'en fait pas de plus cheres.
S.~ A L B I N.
Et que m'importe la richeffe fi je n'ai
pas celle avec qui je la voudrois partner?
LE COMMANDEUR.
ïnfen~!-le
S.' A L B 1 N.
Je fçais. C'en: ainn qu'on appelle
ceux
qui préfèrent à tout une femme jeune
vertueufe & belle, & je fais gloire d'être
à la tête de ces fous-là.
LE COMMANDEUR. &
Tu cours à ton malheur.
S ALBIN.
S/ A L B 1 N.
Je mangeois du pain, je bûvois de l'eau t
à côté d'elle, & j'étais heureux.
LECOMMANDEUR,
Tu cours à ton malheur,
S/ALBIN:
J'ai quinze cents livres de rente. .1
LE COMMANDEUR.
Que feras-tu ?
S.t A L B 1 N.
Elle fera nourrie logée vêtue ~c
nous vivrons. 111
LE COMMANDEUR.
Comme des gueux.
S.t A L B I N.
Soit.
1. LE COMMANDEUR.
Cela aura pere, mere freres foeurs~
& tu ëpouferas tout cela.
S.~ A L B i N.
J'y fuis réfblu.
LE COMMANDEUR.
Je t'attens aux enfans.
S.~ÂLBIN.
Alors je pl'adrefïerai à toutes les ames
fenfibles. On me verra. On verra la com.
pagne de mon infortune. Je dirai mon
nom, 6( je trouverai du fecours.
LE ~OMMA~DEUR. 1
Tu connois bien les hommes. 1
S.' ALBIl~.
Vous les croyez méchans.
LE COMMANDEUR. 1

Et j'ai tort.
~S.~ÂLBIN. 1
Tort ou raifon; il me refera deux ap-
puis avec lesquels je peux défier l'univers,
l'amour qui fait entreprendre, & la fierté
qui fçait fupporter On n'entend tant S
de plaintes dans le monde,
que parce que S
le pauvre eïi fans courage. &
que le
riche eA fans humanité S
LE COMMANDEUR. S
J'entens. Eh bien aye-Ia, ta So-
phie. Foule aux pieds la volonté de ton S
père, les loix de la décence, les bienféan- E
ces de ton état. Ruine-toi. Avilis-toi. Rou- &
le-toi dans la fange. Je ne m'y oppofe plus. g
Tu fervir~ d'exemple à
tous les cnrans qui
ferment roreille à la voix de la raifon qui
fe précipitent dans des engagement hon-
teux qui a~igent leurs parens & qui
9'~
tr~m- Tu l'auras ta So~
deshonorent leur nom.
phie, puifque tu l'as voulu mais tu n'au-
ras pas de pain à lui donner ni à fes en"
fans qui viendront en demander à ma
porte.
S.t A L B i N.
C'eSt ce que vous craignez.
LE COMMANDEUR.
Ne fuis-je pas bien à plaindre ?. Je
me fuis privé de tout pendant quarante
ans. J'aurois pû me marier, & je me fuis
refufé cette confolation. J'ai perdu de vue
les miens pour m'attacher à ceux-ci. M'en
voilà bien récompense Que dira-t-on
dans le monde ? Voilà qui fera fait je
n'oferai plus me montrer. Ou fi je parois
quelque part & que l'on demande qui
eft cette vieille Croix qui a l'air fi cha-
grin ? on répondra tout bas c'eft le Com-
mandeur d'Auvilé. L'oncle de ce jeune
fou qui a époufé Oui. EnSuite on
fe parlera à l'oreille. On
me regardera. La
honte & le dépit me faifiront. Je me le-
verai. Je prendrai ma canne & je m'en
Mat. Non i-J_.i
( 9~)
je voudrois pour tout ce
que je poffede lorfque tu graviffois le
long des murs du Fort S/ Philippe,
que
quelqu'Anglois, d'un bon coup de bayon-
nette, t'eût envoyé dans le rbïle, & que
tu y furies demeuré enfeveli avec les au-
tres. Du-moins on auroit dit c'en: dom-
mage c'étoit un fujet; & j'aurois pû fol-
Hciter une grace du Roi
pour rétabliae-
ment de ta ~œur. Non, il eft inoui qu'il
y ait jamais eu un pareil mariage dans une
famille.
S/ A L B 1 N.
Ce fera le premier.
r. LE COMMANDEUR.
Et je le fouffrirai?
S/ A L B 1 N.
S il
vous plaît.
LE COMMANDEUR.
Tu le crois ?
S/ A L B 1 N.
Apurement.
Afl'ûrément.
LE COMMANDEUR.
Allons, nous verrons.
S. ALBIN.
Tout e~i vû~
C .y.
SAINT-ALBIN, SOPHIE,
M.~ HEBERT.
(Tandis que ~f~z/z continue comme
étoit 6'/Z ~/2~ J~2~
6'/7~Zf dans les intervalles du ~O~O/O-
gue de Albin.
S/ALBIN
(après M~ ~7/-0/7ZM~~ 6'f).
O Ui, tout eA vu Ils ont conjuré
contre moi. Je le fens
S O P H I E
( d'un /0/Z~~jc <S' plaintif).
On le veut. Allons, ma bonne.
S/ALBIN.
C'e~: pour la premiere fois
que mon
pere eft d'accord avec cet oncle cruel.
S O P H I E
( en ~~M/z~ ).
Ah quel moment
M.~ HÉ B E R T
Il eft vrai mon enfant.
S 0 PPHI
H I E.
Mon cceur fe trouble.
S-' BI N.
AL
Ne perdons point de tems. Il faut Fal~
1
ier
1er trouver.
S 0 P H I E. 1

Le voilà ma bonne. C'eA lui.


S/ALBIN. 1

Oui, Sophie, oui, c'eA moi. Je fuis 1

Sergi. 1
SOPHIE E
(M/Z/Z/M). 1
Non, vous ne l'êtes pas. (~~ re-
tourne vers Madame Hébert). Que je fuis
malheureuse Je voudrois être morte. Ah,
ma bonne A quoi me fuis.-je engagée
Que vais-je lui apprendre ? Que
va-t-il
devenir ? Ayez pitié de moi. Dites-lui.
1.
S.t ALBIN.
Sophie, ne craignez rien. Sergi
aimoit S.t Albin vous
vous adore, & vous
paHionnë. le
voyez l'homme le plus vrai & l'amant
plus
S O PT) HU I E
(foupire /?~/Ï~7M/M )
Hélas
S.t AL B I N.
Croyez que Sergi ne peut vivre,
ne
veut vivre que pour vous.
S O PE. H I
Je le crois, mais à quoi cela iert-il?
S.t ÂLBIN.
Dites un mot.
1 S O P H I E.
Quel mot ?
S.t ALBIN.
Que vous m'aimez. Sophie m'aimez-
vous ?
SOPHIE
( y~~T~ ~2~C/7!Zf)
Ah fi je ne vous aimois pas1
S.~ L B i N.
A
Donnez-moi donc votre main. Rece-
vez la mienne, &: le ferment que je fais
ici à la face du Ciel 6c de
cette honnête
femme qui nous a fervi de
mere, de n'ê-
tre jamais qu'à vous.
'$<!)
OOPHIE.
D u T
Hélas, vous ~avez qu'une
nUe bien
née ne reçoit & ne fait de fermens qu'aux
pieds des autels. Et moi
ce n'eft pas
que vous y conduirez. Ah, Sergi
C eft à-présent
r
que je fens la di~ance qui
nous répare.
S-t,A L B 1 N

(~~c~o~~).
Sophie & vous auni ?
S 0 p H 1 E.
Abandonnez-moi à
ma devinée,
rendez le repos à
un pere qui vous aime.
S.'A L B 1 N.
Ce n'e~ pas
vous qui partez. CeA lui.
le le reconnois cet homme dur
& cruel.
S 0 P H 1 E. t
II ne FeA point. Il
vous aime.
S.'ALBIN.
IImamaudif.Um'achanë.IInelui
refloit plus qu'à fe fervir de
m'arracher la vie. vous pour
S 0 P HI E.
1
Vivez~Sergi.
S.' A L B 1 N.
Jurez donc que vous ferez à
moi ~a!~
gré lui.
S
0 P H 1 E. v

Moi,Sergi?Ravirunn!sà~bnpere~
J'entrerois dans
une famille qui me re~
jette
S.* A L B
i N.
Et que vous importe
mon père. mon
oncle, ma fœur, & toute
ma famille, fi
vous m'aimez ?
S 0 P H I E.
Vous avez une fœur ?
S.~ÂLBIN.
Oui Sophie.
0 P H I E.
S
Qu'elle eft heureufe!
S/ A L B 1 N.
Vous me déféfpérez.
S o p n i E.
J'obéis à vos
parens. Puîné le Ci$I
vous accorder un jour une époufe qui
foit digne de
vous, ce qui vous aime au-
tant que Sophie I
o/ALBIN.
Et vous le Souhaitez ?
SOPHIE~
Je le dois.
S/ ÂLBIN.
Malheur à qui vous a connue, & qui
peut être heureux fans vous
S O P H I E.
Vous le ferez. Vous jouirez de
toutes
les bënëdiâions promifes
aux enfans qui
re~peaeront la volonté de leurs
parens.
J'emporterai celles de votre
pere. Je re.
tournerai feule à ma mifere &
vous
vous rcCbuviendrez de moi.
S.t A L B I N.
Je mourrai de douleur, &
vous l'aurez
voulu.
( en la regardant ~?<7~).
Sophie.
SOPHIE.
Je reCens toute la peine
que je vous
caufe.
S.* ALBIN
( en la regardant encore).
Sophie
SOPHIE
(~ Madame Hébert en fanglotant).
0 ma bonne que fes larmes me font
de mal Sergi n'opprimez pas
mon
ame ~bible. J'en ai aiïez de ma dou-
leur.
(~~ c~~<? ~A: ~y~ mains).
Adieu, Sergi.
S.' A L B I
Vous m'abandonnez ?
S 0 p H i E.
Je n'oublierai point ce que vous avez
fait pour moi. Vous m'avez vraiment ai-
mée. Ce n'eft pas en defcendant de votre
état, c'eâ en refpec~ant mon malheur &
mon indigence que vous l'avez montré.
Je me rappellerai Souvent ce lieu où je
vous ai connu. Ah~ Sergi
S.tt A L B I N.
Vous voulez que je meure.
S 0 p H E. i
C'efimoi, c'eA moi qui fuis à plaindre.
S.~ A L B 1 N.
Sophie o4 allez-vous ?
~100)
SOPHIE.
P tï T

Je vais ujbir ma devinée, partager les


peines de mes ~œurs, &: porter les mien-
nes dans le ~ein de ma mere. Je fuis la plus
jeune de tes enfans. Elle m aime. Je lui
dirai tout & elle me confolera.
A i. B I N.
S.~t
Vous m'aimez & vous m'abandonnez?

(~).
S0 P H 1 E.
Pourquoi vous ai-je connu Ah

S/t A L B 1 N.
Non, non. Je ne le puis. Mada.
me Hébert, retenez. la Ayez pitié de
nous.
M.~ HÉBERT.
Pauvre Sergi
S.'t A L B 1 N
( ~/?~).
Vous ne vous étoignerez J'i-
pas
rai. Je vous fuivrai. Sophie
arrê-
tez Ce n'en: ni par vous ni
par moi
que je vous conjure Vous avez résolu
mon malheur & le vôtre. C'eft au nom
(ioiy

~–––––
~paren~rue~S;ievousp~ .,1.,

J~e pourrai ni )c,oir. ni )escn~


üane
SOPHIE.
1

Aimez vos
bliez- moi.
parens. Obë~ez-Jcur.
e
S-t
Ou. ~u
4~f;–~ J~,
A
L 'B I N
(qui
-f en la rete·
ecrie en retc-.

fez pas S. Albin


S 0 P H1 E

( a ~~7~ m;~ ).
Ma honnc,
venez, venez. Arrachez-

~<
i~cidici.
S.'ALBIN
(~j~ relevant).
P
I
(~ 7/ ~~to~Vou.;econd~~
te.. Oui vous i'y conduit.
I~
-<). f e
S C E N E X.
S.~ ALBIN, CECILE~
GERMEUIL.
(Pendant ~M~?~/M C~f~/ï~ Cécile
6* (~<<).
GERMEUIL
(j~/rcM/z~r~~o/ï~ 6' regardant f~/M~
~z~z~ ~c~)
L E voilà, !e malheureux Il eft acca-
blé, & il ignore que dan~ ce ma~
ment. Que je le plains! MademoMeUe~
parlez~lui.
CECILE.
S.< Albin.

~ï~
(qui ne les
<~v~
S/t A
mais
LBI~
enterd
leur criefans les regarder):
Qui que vous ~byez, allez retrouver
les barbares qui vous envoyent. Retirez-
vous.
C E C 1 L F.
Mon frere, c'ejft moi c'e~ Cécile qui
cot~oît votre peine, qui vienc à vous.
('03)
~'03;
S~. AA L B I N
(~M/ dans la ~<~M~ ):
Retirez-vous.
CE CI LE.
Je m'en irai fi je vous afflige.
S/t ALBIN~.
Vous m'affligez.
Cécile s'en va rappelle
d'une voixfoible & ~~M/d).
Cécile.
'< `<
CECILE
(~ rapprochantt ~yc/ï~~).
Mon frere.
S.~t AL

/).
B 1 N
( /?~/M/ïfpar la ~M clzanger de fi..
~~0~ ~M
Elle m'aimoit. Ils
me l'ont ôtëe. EUe
me fuit.

Plût
~A au Ciel L
~).
GERMEUIL
lui-méme).

S.tt At.BIN~
J'ai tout perdu Ah
CECILE.
II vous refte
une fœur un ami.
104)
S/t ALBIN
A T 1
(~ t~C M~C~).
Cue~Germeuil?
CECILE
Le voilà.
S/t ALBIN
(~/?~2~ ~0/72~ ~Z'J-
~).' z7

M'a ~œur laiïïez-nous.

C
S.~ALBIN, GERMEUIL.
(~2~
O Ui.
S/ALBIN
<$'

C'e~ le ~ëu!
~).
parti qui me
re~e. & jy ~is réfbtu Gcr<
Meuil, personne ne nous entend ?
GERMEUIL.
Qu'avez-vous à me dire ?
S.'t A L B 1 N.
J'aime Sophie ~en fuis aime. Vous ai-
mez Cécile, &r Cécile vous aime.
GERMEUIL.
Moi Votre ïceur
S.t ALBIN.
Vous, majeur. Mais lamemeper~cu~
tion qu'on me-fait, vous attend; & ~i vousr
avez du courage, nous irons Sophie Cé-~
cile vous & moi chercher le bonheur loin
de ceux qui nous entourent & nous tyran-
nifent.
GERMEUIL.
Qu'ai-je entendu ? Il ne me man-
quoit plus que cette confidence Qu'o-
fez-vous entreprendre, &: que me confei~
lez-vous ? C'eA ain~ que je reconnoïtrois
les bienfaits dont votre pere m'a comblé
depuis que je respire ? Pour prix de fa ten-
dreffe je remplirois fon ame de douleur
& je renverrois au tombeau en maudiffant
le. jour qu'il me reçut chez lui ?
S/t ALBIN.
Vous avez des fcrupules n'en parlons
plus.
GERMEUIL.
L'action que vous me propofez &
celle que vous avez réfolue font deux
crimes
( avec ~~c~).
S.~ Albinabandonnez votre projet.
Vous avez encoutu la diigrace de
votre
père & vo~ al-1 la e
fur'
le bfâme public

~Q~~
pou~.te des

P~rez.Q~~e~~c~
vous
Joi~ dé~ërer celle
peines vous
ou.

'<< j
t
t ALBIKT.
S.<
Si je ne pem Compter fur votre fècours
épargnez-moi
vos con~s.
')
CERMEUfL. jj
Vous vous perdez. N
S.'ALBI~

pj~ou~~
~e~brtene~jetfë.
GERMEUIL. JN

f ~~i-jedouleur
à votre N
apportera fa Dere
votre oncle.? Oncle cruel! Neveu

confier vos deÍfeins ?


.Vous ne fçavez
Pourquoi
vous ai-je vu ?
ici M
Al. 1 N.
S.' LBIN. jj;
comn~ ~aaez-mol. Je
eoc'pte fur votre di&rëtion.
t
N
GERMEUIL.
C TLf~TTr
r Ou courez-vous ?
S.t A L B 1 îf.
M'afmrer le feul bien dont je faite cas;
& m'éloigner d'ici pour jamais.

C A~
GERMEUIL~
T E Sort m'en veut-il affez Le voilà ré-
folu d'enlever fa maïtreuë & il igno-
re qu'au même infant fon oncle travaille
à la faire enfermer Je deviens coup-
fur-coup leur confident & leur compli-
ce. Quelle utuation eA la mienne! Je
ne puis ni parler, ni me taire ni agir,
ni cener. Si l'on me Soupçonne feule-
ment d'avoir fervi l'oncle, je fuis un
traître aux yeux du neveu, & je
me des..
honore dans l'efprit de fon En-
pere
core fi je pouvois m'ouvrir à celui-ci.
Mais ils ont exigé le fecret Y man-
qMr, je ne le puis ni ne le
Voila ce que le Commandeur
dois.
a vu lor~
qu'il s'eA adreflë à moi, à moi qu'il dé-
teUe, pour l'exécution de l'ordre injure
S~~En~e
tune & &
~ne
~"<- fa nieee,
prenant <à~.
nièce, deux appas eauxquels'
pas qu'on un
4e m'embarquer dans
complot qui me
&
;)
fon but eft
auMu~ il

~S~
la
ifs' en félicite Si îon chofe faite,
neveu le pré vient,
Il fe croira joué
furieux. Il éclatera. il fera
Mais Cécile 1-çait
mon innocence. Eh
de la
~e qui <ë <bu)evera
le' cri
~n-'
On n'entendra qu-etfe,&,e
moins pour fauteur d'un r~
n'en

u~
Dans quels embarras
i~ ont
prefi-J'
le neveu itidiferétion parmé-
par l'oncle
Et toi. pauvre innocente
dont les intérêts
ne touchent perronne
deux hommes violens1
qui ont égaiement rë<b)u
ta ruine
M~neT~r"
L"n m'attend
nou~h~r~P-–––
pour fa eon~.er,
nous d'abord de h ietire de
En&Ke. Nous cachet
verrons.
.~M~~<-0/h/
ACTE TROISIEME.
S c
GE RMEUIL, CECILE.
GERMEUIL
( d'un ton /~p/zf )
i~j[ADEMOISELLE.
CÉCILE.
Laiflez-moi.
GERMEUIL.
Mademoifelle.
CÉCILE.
Qu'oïez-vous me demander? Je fece<
vrois la maîtreHë de mon frere chez moi
chez moi dans mon appartement dans
la maifon de mon pere Lain'ez-moi,
vous
dis-je je ne veux
pas vous entendre.
GERMEUIL.
C'e~ le feul an!e qui lui rcïie~ & le feul
q't'eHe pui~Ie accepter.
CÉCILE.
Non non non.
GERME UIL.
Je ne vous demande qu'un Mant
je puiSIc regarder que
autour de moi, me re
connoîire.
CÉCILE.
Non non. Une inconnue
GERMEUIL.
Une inibrtunëe, à qui
vous
riez refufer de la commisération ne pour-
vous la
voyiez.
CECILE.
Que diroit mon pere ?
GERMEUIL.
Le respectai-je moins
que vous ? Crain<
drois-je moins de l'offenfer
CÉCILE.
Et le Commandeur?
GER ME U 1 L.
C'eA un homme fans principes.
CECILE.
Il en a comme tous fes pareils, quand
il s'agit d'accufer & de noircir.
GERMEUIL.
H dira que je l'ai joue
ou votre frere
(e croira trahi. Je
ne me jufHn~raijama!s..<
Mais qu'cit-ce que cela vous importe?
CE'CILE.
Vous êtes la caufe de toutes mes pei-
nes.
GERMEUIL.
Dans cette conjoncture difficile c'c~
votre îrere, c'cA votre oncle que je vous
prie de considérer épargnez-leur à cha-
cun une affion odieufe.
CÉCILE.
La ma!treHe de mon frere Une incon;.
nue Non, Monfieur mon cœur me
dit que cela eA mal, & il ne m'a jamais
trompée. Ne m'en parlez plus. Je trern~
ble qu'on ne nous écoute.
G E R M E U 1 L.
Ne craignez rien. Votre pere eft tout
à fa douleur. Le Commandeur & votre
trere à leurs projets. Les gens font écar-
tés. J'ai preuenti votre répugnance.
CÉCILE.
Qu'avex'vous rait ?
-X
GERMEUIL.
r
Le moment m'a
paru favorable, je
lai introduite ici. Elle eA. La
y
-Kenvoyez-ia, Mademoiselle. voilà
CECILE.
Germeuil qu'avez, vous fait ?

C~ 77.
GERMEUIL, CECILE, SOPHIE,
Mademoifelle I
(~~
(So ~< C L A

comme
voit ,point. Elle
R E T.

n entend

fon côté e/?~/M


S o p
une ~!MM'0/!
H 1 E.
~).
Cécile de
i
fE ne fçais où je fuis Je fçais où
je vais. me femble ne
H
dans les ténèbres que je marche 1
Ne rencontrerai je
perfonne qui me conduite
ne m'abandonnez pas
Ciel ?. 0
>.

GERMEUIL
( /*<~e&
l'appelle. ).
Mademoi&He, Mademoi&IIe.
1
S 0 P H t,
SOPHIB.
PHI!
~ui eA-ce qui m appelle r
GERMEUIL.
C'eA moi, Mademoiselle, c'efi moL
S 0 P H 1 E.
Qui êtes-vous? Où êtes. vous? Qui
que vous foyez, fecourez-moi. (auvez~
nioi..
GERMEUIL

~),
( va la prendre par la lui

(~
r
Venez. mon enfant Par ici.
SOPHIE
<&
Je ne puis. La force m'abandonne.
Je fuccombe
CÉCILE.
0
Ciel! (~ 6'~2<~7) Appeliez.
Eh non, n'appeliez pas
SOPHIE,
( J~~ ~/772~ <~ comme ~j délire de
la ù~2C~ ).
Les cruels Que leur
(~ regarde autour d'elle
ai-je ~t ?
~f~
marques de l'efroi).
CE&MEUIL,
Raturez-vous. Je fuis l'ami de S/ AI.
bin, & Mademoifelle eA fa foeur.
SOPHIE
( ~p~ un moment ~/M?yzc~).
Mad~moifëlle que vous dirai je
Voyez ma peine. Elle e~: au-deHus de
mes forces. Je fuis à vos pieds & i!
faut que j'y meure ou que je vous doive
tout. Je fuis une infortunée qui cher-
che un afile C'eft devant votre oncle
& votre frere que je fuis. Votre oncle
que je ne connois pa6, & que je n'ai ja-
mais offenfé votre frere Ah, ce n'eft
pas de lui que j'attendois mon chagrin
Que vais-je devenir fi vous m'aban-
cbnncz ? Ils accompliront fur moi
leurs deffeins. Secourez-moi. Sauvez-
moi. Sauvez-moi d'eux. Sauvez-moi
de moi-même. Ils ne fçavent pas ce
que peut ofer celle qui craint le deshon-
neur, & qu'on réduit à la nécenitë de haïr
la vie Je n'ai pas cherché mon mal.
heur & je n'ai rien à me reprocher
tvrn~c de
Je travaillois j'avois nu pain~}e
1 vivais
tranquille. Les jours de ia douleur fbnc
venus. Ce font les vôtres qui les ont ame.
nés fur moi, & je pleurerai toute
ma vie
parce qu'ils m'ont connue.
CÉCILE.
Qu'elle me peine j0b que ceux qui
peuvent la tourmenter~ tb~t méchans
( Ici ~f~cc~
de Cécile.
/c/2
~w~~r dans le coeur
d'un
~z7~ côté de <S' ccZ~-M
continue).
S 0 P H I E.
J'ai une mere qui m'aime. Comment
reparoitrois.je devant eHe
felle, confervez une fille à fa
?.
Mademoi-
rnere je
vous en conjure par la vôtre, fi vous l'a-
vez encore. Qu'a~d je la quittai, elle
dit Anges du Ciel,
prenez cette enfant
fous votre garde 1 & conduiiez-la. Si
vous
fermez votre cœue à la pitié, le Ciel n'au-
ra point entendu fa priere & elle en mour-
ra de douleur. Tendez la main à celle
qu'on opprime afin qu'elle
vous béniue
toute fa vie. Je ne peux rien mais il
eA un Etre qui peut tout,& devant lequel
les œuvres de la commifération ne font
pas perdues. Mademoifelle.
Cécile J~P~/TOC~ d'elle, lui tend les
).
mains
Levez-vous.
G ERMEUIL
(à C~).
Vos yeux fe rempliffent de larmes. Son
malheur vous a touchée.
C Éc iLE
( a (~~2~/).
Qu'avez.vous fait!
S 0 P HI E.
Dieu foit loué tous les cœurs ne (ont
pas endurcis.
E'CIL E.
C
Je connois le mien. Je ne voulois ni
vous voir ni vous entendre Enfant
aimable & malheureux comment vous
e
nommez-vous ?
S 0p H i E.
Sophie.
CÉCILE
( en /~7ï~ï/ïf).
Sophie, venez.

(~ K~ main
GERMEUIL
aux genoux de Cécile,
~Z/~Ï~M~).
lui prencf

CÉCILE.
Que me demandez-vous encore? Ne

~).
~P~<~ qu'elle ~/7Ï~

G~RMEUIL
~<
fais* je pas tout ce que vous voulez?
( C~~ s'avance ~/y le fond du fallon avec

(~yc relevant ).
Imprudent Qu'allais-je lui dire ?
MJ" CLAIRET.
J'entens, Mademoifelle. Reposez vous
fur moi.
C E 7
GERMEUIL, CECILE.
CÉCILE
(après un moment'defilence, avec chagrin).
M E voilà, graces à vous, à la merci
-LvJL de mes gens.
GE Il M E U 1 L.
Je ne vous ai demandé qu'un infant
pour lui trouver un a<i!e. Quel mérite y
àuroit'il à faire le bien s'il n'y avoit au..
cun inconvénient ?
C É C I L E.
Que les hommes font dangereux Pour
fon bonheur on ne
peut les tenir trop
loin. Homme, éteignez-vous de moi.
Vous vous en allez je crois ?
GERMEUIL.
Je vous obéïs.
C É CILE.
Fort bien. Après m'avoir mife dans Ja
pofition la plus cruelle il ne vous re&:
:"9
plus qu~à m'y laiiïer.
ier. r Allez
r Monteur
allez.
GERMEUIL.
Que je fuis malheureux!
CECILE.
Vous vous plaignez, je Croîs ?
GERMEUIL.
Je ne fais rien qui ne vous déplaue.
I L E.
C É C
Vous m'impatientez. Songez que je
fuis dans un trouble qui ne me laiffera rien
prévoir, rien prévenir. Comment oserai-
je lever les yeux devant mon père ? S'il
s'apper~oitde mon embarras & qu'il m'in-
terroge, je ne mentirai pas. Sçavez-vous
qu'il ne faut qu'un mot inconndérë pour
éclairer un homme tel que le Comman-
deur ? Et mon frère ?.. Je redoute d'a-
vance le Spectacle de fa douleur. Que va-
t-il devenir lorfqu'il ne retrouvera plus
Sophie ? Monfieur, ne me quittez pas
1
un moment, fi vous ne voulez pas que
tout fe découvre. Mais on vient. Allez.
ReAez Non, retirez vous. Ciel
¡
S C E NE
CECILE, LE COMMANDEUR,
LE COMMANDEUR
(afa ~M/K~).
~Ecile~
te voilà feule.
CÉCILE
(~~ voix altérée).
Oui, mon cher oncle. C~ a~z
mon
goût.
0 M MAN D E U .a~
LE COMMANDEUR.
LEe
le te croyois avec Fami.
CE CI LE.
Qui, Fami ?
LE COMMANDEUR.
Eh Germeuil.
C É C I L E.
Il vient de fortin
LE COMMANDEUR.
Que te dtfbit'n Que lui difois-tu ?
CÉCILE.
Des chofes dëplai~antes~
çomme c~
~coutume.
I!
LE COMMANDEUR.
Je ne vous conçois pas. Vous
ne pou"
vez vous accorder un moment. Cela me
fâche. Il a de l'efprit, des talens des
con-
nouïsnces, des moeurs dont je fais grand
cas. Point de fortune à la vérité, mais de
la naiffance. Je régime & je lui ai
con-
cilié de penfer à toi.
CÉCILE.
Qu'appellez-vous penfer à moi ?
LE COMMANDEUR.

e
Cela s'entend. Tu n'as
pas rëïblu de
feAer fille apparemment ?
CÉCILE.
Pardonnez-moi, Monteur. C'eAmon
projet.
LE COMMANI)EUR.
COMMANDEUR.
Cécile veux-tu que je te parle à cœur
ouvert? Je fuis entierement détaché de
ton frere. C~efi une âme dure,un esprit in-
traitable & il vient
encore tout-à-l'heurç
d'en ufer avec moi d'une maniere
indigne,
que je ne lui pardonnerai de ma vie.
J! peut à-préïeni
courir tant qu'il voudra~
après la créature dont il s'eA eHtetë je
ne m'en foucie plus. On fe lauë à la fin
d'être bon. Toute ma tendreté s'eil
retirée fur toi, ma chere nièce. Si
tu
voulois un peu ton bonheur, celui de
ton
père & le mien
CÉCILE.
Vous devez le ~uppoier.
LE COMMANDEUR.
Mais tu ne me demandes
pas ce qu'il
~audroit faire ?
CÉCILE~
Vous ne me le laulërez pas ignorer.
LE COMMANDEUR.
Tu as raison. Eh bien, il faudroit te
rapprocher de Germeuil. C'eït mariage
un
auquel tu penfes bien que ton
pere ne
consentira pas fans la derniere répugnan.
ce. Mais je parlerai. Je leverai les obfh.
cles. Si tu veux j'en fais mon affaire.
CE CILE.
Vous me con~ciHcriez de penfer à quel-
qu'un qui ne feroit pas du choix de
mon
père ?
LE COMMANDEUR:
Il n'efi pas riche. Tout tient à cela.
Mais, je te l'ai dit, ton frere ne m'eft plus
rien, & je vous affûrerai tout mon bien.
Cécile cela vaut la peine d'y réfléchir.
CÉCILE.
Moi, que je dépouille mon frere!
LE COMMANDEUR.
Qu'appelles-tu dépouiller? Je ne vous
dois rien. Ma fortune eft à moi, & elle
me coûte aiïex pour en difpofer à mon
gré.
gré*
CÉCILE.
Mon oncle, je n'examinerai point jus-
qu'où les parens font les maîtres de leur
fortune, & s'ils peuvent fans injufUce la
tranfporter où il leur plaît. Je fçais que
je ne pourrois accepter la vôtre fans hon-
te & c'en eft afÏez pour moi.
LE COMMANDEUR.
Et tu crois que S.t Albin en feroit au-
tant pour là fœur ?
CÉCILE.
le connois mon frère; 6e s'il étoitici~
nous n'aurions tous les deux qu'une voix.
LE COMMANDEUR.
Et que me diriez-vous ?
CÉCILE.
Monfieur le Commandeur,
~z pas je fuis vraie. ne me preC
LE COMMANDEUR.
Tant mieux. Parle. J'aime
la venté.
Tu dis ?
CÉCILE.
Que c'c~ une inhumanité fans
ple que d'avoir exem.
en province des parens
plongés dans l'indigence
recoure à que mon pere
votre In~u, & que vous fruffrez
d'une fortune qui leur
appartient, & dont
ils un befoin f grand que nous
Ions, ni mon frere ni moi, ne vou.
d'un bien
faudroit reflituer à ceux à qui les loixqu'it
de
la nature & de la Société l'ont
deviné.
LE COMMANDEUR.
Eh bien, vous l'aurez
ne ni l'un ni fau.
tre. Je vou~ abandonnerai tous. Je tordrai
d'une maifon où
tout va au-rebours du fens
commun où rien n'égale l'infolence des
enfaris 6e n'eA l'imbécillité du maître.
<!

Je jouirai de la vie, & je ne me tourmen-


terai pas davantage pour des ingrats.
C É c ï L E.
Mon cher oncle, vous ferez bien.
LE COMMANDEUR.
Mademoiselle votre approbation e~
de trop & je vous confeille de
vous
écouter. Je fçais ce qui fe paûe dans vo-
tre âme je ne fuis pas la dupe de
votre
dënntëreuement, & vos petits fecrets
ne
font pas auni cachés
que vous l'imaginez.
Maisilfumt. & je m'entens.

S C E N E
CECILE, LE COMMANDEUR
LE PERE DE FAMILLE,
S.~ ALBIN.
Pere de Famille
entre le premier. Son
fils le fuit ).
( S/t A L B 1 N
défolé,
M/CMC). toute
iLHes
n'y f ont plus On ne ~ait ce
(tl6)
qu eues font devenues.
y~tm~c Elles ont di~
paru.
LE COMMANDEUR
(~~).
Bon. Mon ordre e~ exécute.
S.*ALBIN.
Mon pere écoutez la priere d'un
fils
défefpcre. Rendez-lui Sophie.
II eft im.
poHIbie qu'il vive fans elle. Vous
faites le
bonheur de tout
ce qui vous environne.
Votre fils fera-t-il le feul
que
rendu malheureux ?.. Elle n'y vous ayez
eft plus.
Elles ont difparu Que rerai-je ?.~
Quelle fera ma vie ? <
LE COMMANDEUR
(<Z/7<~).
Il a fait diligence.
S.' A L B 1 N.
Mon pere.
LE PERE DE FAMILLE.
Je n'ai aucune
part à leur abfence. Je
vous l'ai déjà dit. Croyez-moi.
( C~z Pere de
proment
lentement, la l'air cha.
6' j~~
~Af /?yo~.
S.' A L B ï
Sophie où êtes-vous? Qu'êtes-vou~
devenue ?.. Ah.
CÉCILE
( à part ).
Voilà ce que j'avois prévu.
LE COMMANDEUR
(à part).
Confommons notre ouvrage. AHons.
(~M~~ ~/2 ton CC/f~/2f).
Saint-Albin.
S~ ALBIN.
Monneur, laiffez-moi. Je ne me repens
que trop de vous avoir écouté. Je la
fuivois Je l'aurois Héchie. Et je l'ai
perdue
LE COMMANDEUR.
Samt-Albin.
S/t A L B 1 N.
Laiffez-moi.
LE COMMANDEUR.
J'ai caufé ta peine; & j'en fuis aNigé.
f.~)
S~ÂLBIN.
T n v
Que je fuis malheureux!
LE COMMANDEUR:
Germeuil me Favoit bien dit.
Mais auN
qui pouvoit imàginèr
imaginer que pour niie
une fille
il
comme y en a tant, tu tomberois dansi
l'état où je revois?
S.' AjL~i~
( avec ~/y~~).
Que dites-vous de Germeuil?
LE COMMANDEUR~
Je dis Rien
S/ A ~L B 1 N.
Tout me manqueroit-il
le malheur qui en un jour 3 &
me pourrit m'auroit-ii en-
core ôté mon ami ?. < Monneur le Corn.
mandeur, achevez.
LE COMMANDEUR.
Germeuil & moi.Je noie te ia-
vouer. Tu ne nous le pardonneras ia.
mais. la-i

LE PERE DE FAMILLE.
Qu'ave~-vous fait ? Seroit.il
poHibIe ?.
Mon frère, expliquez, vous.
LE
LF.
1 t
LE GOMMANDË~R~

Dis pour moi&


F

Cécile. Germeuil l'aura


te
S.~ A L
B
(au Co~a~~).
Vous me faites mourir.
LE PERE DE FAMILLE
conMr..
iN

Cécile
( avec ~)
vous vous troublez.
S.t A L B 1 N.
S.~AjLBiN.
Majeur!
Ma fœur

(~ ~c~ ~).
LE PERE DE FAMILLE

Cécile. Mais non


le projet eït trop
odieux. Ma ~eo~Germeui! (ont
incapables. en
S.'ÀLBIN.
Je tremble. Je trémis. 0
Ciel, de
quoi fuis-je menacé î
r LE PERE DE FAMILLE
(~~c~~c).
1 Monteur le Commandeur,
e~pUguez~
vous
1nvous dis-je, coïTez de me
tour.
menter par les Soupçons que vous répan-
~ex fur tout ce qui m',entoure.
Le Pere de Famille fe in-
~C. Le Commandeur hypocrite paroît
6'~ f~. Cécile a l'air ~~?~
né. ~Mf-M les yeux fur le Com-
/72~ <S' attend avec effroi qu'il j~.
/7/ ).
LE PERE DE FAMILLE
( au Commandeur ).
Avez-vous réfolu de garder
long-tems ce filence cruel ? encore

LE COMMANDEUR 4

(~/ï niéce).
Puisque tu te tais, & qu'il faut
que je 1
parle.
(~ ~/Zf-ï).
Ta maîtrefle.
S/ALBIN. 1
Sophie
LE COMMANDEUR.
Eu; renfermée. 1
ALBIN.
S.'t A L B 1 N.
®
It'1
Grand Dieu
n,~
1s \-J-~
LE COMMANDEUR.
J'ai obtenu la lettre de
cachet.Et
Germeuils'efi chargé dureté.
LE PERE DE FAMILLE.
Germeuil
S.
S.'ÂLBIN.
ALBI N.
Lui:
CÉCILE.
Mon frere il n'en eïi rien.
S~t ALBIN.
Sophie. ceceAGermeuil!
(7/~ renverfefur ~/z~7,
avec toutes les
~~M~ ~~p~).
LE PERE DE FAMILLE
(tl~ Co/M/TM/2~).
Et que vous a fait
cette infortunée,,
pour ajoûter à fon malheur la perte de
l'honneur &- de la liberté? Quels
droits
avez-vous ujr el!e?
LE COMMANDEUR.
La.maifbn eft honnête.
S/ A L B 1 N.
Je la vois Je vois fes larmes. J'en-
tens fes cris, & je ne meurs pas.
( au C<?~ï/7!~y2~).
Barbare, appellez votre indigne com-
plice. Venez tous les deux par pitié, ar-
rachez-moi la vie Sophie Mon
pere fecourez-moi. Sauvez-moi de mon
déféfpoir.
(7/y~y~M entre les bras <~yo/z~c).
LE PERE DE FAMILLE.
Calmez-vous, malheureux.
S/t A L B 1 N
(<?/ïf/~ les ~yc/Z~7C/ 6' ~'M/Ï fC/Ï.P~ÏZ/!fy
& douloureux).
Germeuil!
Germeuil Lui! Lui
Lui Lui.!
LE
COMMANDEUR.

Il n'a fait que ce que tout autre auroit


fait à fa place.
( S.*t A L B 1 N
( ~o~/o~r~ fur le fein de yo/ï 6* du /M~
me ).
Qui fe dit mon ami Le perfide
LE PERE DE FAMILLE.
Sur qui compter déformaisï
LE COMMANDEUR.
n ne le vouloit pas mais je lui ai pro-
1 mis ma fortune & ma méc~;
C É C I L E.
Mon pere Germeuil n'e~ ni vil ni
pe~
hde.
LE PERE DE FAMILLE.
Qu'eit-iidonc?
S/ A L B 1 N.
Ecoutez conncin'ez le Ah le
traître Chargé de votre indignation
irrité par cet oncle inhumain abandonné
de Sophie.
LE PERE D E FAMILLE.
Eh bien?
S.*t A L B 1 N.
J'allois dans mon défefpoir m'en fa~
& l'emporter au bout du mcmde. Non,.
jamais homme ne fut plus indignernent
joué Il vient à moi. Je lui ouvre
mon cœur Je lui confie ma peniée
comme à mon ami. I: me biâme.
me difUjade Il m'arrête & c~eu~
pour me trahir me livrer, me perdre.. <
Il lui en coûtera la vie.
S C ~7.
'IrE PERE DE FAMILLE, LE
COMMANDEUR, CECILE,
S/ALBIN, GERMEUIL.
CÉCILE
( qui l' ",pperçoit
lui crie):
/?~
court à 6'

\j~rËfmeuit, où allez-vous?
S.*t A L BI N 1
( ~zc~ 6' lui crie a~c~r~).
lui
Traître, où e~ elle ? Rends la moi,
te prépares à défendre ta vie.
LE PERE DE FAMILLE
(courant
Mon Hj~
~ï).
CÉCILE.
Mon frere. Arrêtez. Je me meurs.
( ~e ~0/72~ ~/2~ ~/z~Mf~z/).
1
LE COMMANDEUR
( au Pere de ~Z/72Z~')
Y prend-elle intéréc? Qu'en dites-vous?
:'?!
J~y
LE PERE DE
T~ t7 FAMILLE.
Germeuil retirez-vous.
GERMEUIL.
Monfieur, permettez que je re~e.
S/ALBIN.
Que t'a fait Sophie? Que t'ai je fait
pour me trahir ?
LE PERE DE FAMILLE
( toujours à Germeuil)
Vous avez commis une action odieufe.
S/ALB1 N.
1 Si ma ~ceur t'eA chère fi tu la voulois,
ne valoit-il pas mieux ? Je te l'avoir
propofé Mais c'eft par une trahison
qu'il te convenoit de l'obtenir. Hom-
me vil, tu t'es trompé Tu ne connois
ni Cécile, ni mon pere., ni ce Comman-
deur qui t'a dégrade, &: qui jouit mainte-
de ta confusion Tu ne répons
1 nant
rien. Tu te tais.
GERMEUIL
1 ( ~T~C ~~M~ 6* ~/77M~ ).
Je vous écoute 8c je vois qu'on ôte
ici l'eltime en un moment à celui qui a
pane toute ~a vie à la mériter. J'attendois
autre cho~ë.
LE PERE DE FAMIL.LE.
N'ajoutez pas la fau~eté à la perndie~
Retirez-vo~s.
GERMEUIL~
Je ne fuis ni faux ni perâde~
S.~ A L B 1 N.
Quelle infolente intrépidité!
LE COMMANDEUR.
Mon ami, il n'e~ plus tems de diiEmu~ 1

ter. J'ai ~out avouée


G E R M E U 1 L~
Monfieur, je vous entens, & je vous
fcconnois.
LE COMMANDEUR.
Que veux-tu dire ? Je t'ai promis ma

il tient.
fortune & ma niéce. C'eA notre traite

S~ AL B N I
1

1
(<~M Co~Z~~TZ~~).

Du-moins, grâce à votre méchanceté,


je ~is le ~ul ~poux qui lui re~
('!7)
GE RM EU
LMEt IL
(aM Cc~~a/ï~M~).
Je n'e~Ime pas an~ez la fortune pour en
vouloir au prix de l'honneur & votre
niéce ne doit pas être la récompense d'une
perfidie Voilà votre lettre de cachet.
LE COMMANDEUR
(c/! la reprenant ).
Ma lettre de cachet Voyons. Voyons.
GERMEUIL.
1
Elle feroit en d'autres mains ii j'en
~vois fait ufage.
S.*t ALBIN.
Qu'ai-je entendu? Sophie eu: libre'
G E R M E U 1 L.
Samt-Albin~ apprenez à vous méfier
des apparences, & à rendre justice à un
homme d'honneur. Monfieur le Comman.
deur, je vous falue. (//yo/-f).
1
LE PERE DE FA MILLE
1
( avec y~f).
~'ai juge trop vite. Je l'ai oaenfc.
LE COMMANDEUR
(A~ ~~y~ OMMjkti
lettre de cachet).
Ce i'efi I! m'a joué.
LE PERE D E FAMILLE.
Vous méritez cette humiliation.
LE COMMANDEUR.
Fort-bien. Encouragez les à
me man.
quer. Ils n'y ibnt pas aHez di~pofës.
S.'t A L B I N.
En quelqu'endroitqu'elle ~bit, fa bonne
doit être revenue J'irai. Je verrai ~a
~onne. Je m'accuserai. J'embranerai
genoux. Je pleurerai.' Je la toucherai
je percerai ce my~ere. (~~).
CÉCILE
(~~y~ï/M).
Mon frere
S.'t A L B 1 N
(~ C~).
Laitfez moi. Vous
avez des intérêts
qui ne font pas les miens.
C ~J? w

LE PERE DE FAMILLE,
LE COMMANDEUR.
LE COMMANDEUR.
V Ous avez entendu ?
LE PERE DE FAMILLE.
Oui, mon frere.
LE COMMANDEUR.
1 Sçavez-vous où il va ?
LE PERE DE FAMILLE.
Je le fçais.
LE COM MANDEUR.
Et vous ne l'arrêtez pas ?
LE PERE DE FAMILLE.
Non.
LE COMMANDEUR.
Et s'il vient à retrouver cette nMe ?
LE PERE DE FAMILLE.
1
Je compte beaucoup fur elle. C'cfi un
enfant; mais c'eft un enfant bien né~ &
dans cette circonfhnce elle fera plus que
vous & moi.
LE COMMANDEUR:
MMANI)EIUR.'
Bien imaginé .1
1
LE PERE DE FAMILLE.
Mon fils n'en-
pas dans un moment o~
la raifon puiue quelque chofe
fur lui.
LE COMMANDEUR.
Donc il n'a qu'à fe perdre ? J'enrage.
Et vous êtes
un père de famille ? Vous ?
LE PERE DE FAMILLE.
Pourriez-vous m'apprendre
iaire? ce qu'il faut
LEeCOMMANDEUR.
LE 0 M MAN D E U R.
Ce qu'il faut ~ire?'Efre le
maître chez
foi fe montrer homme
d'abord, & père
après s'ils !e méritent.
LE PERE DE FAMILLE.
Et contre qui, s'il
vous plaît, faM-ii
que j'agine
LE COMMANDEUR.
Contre qui ? Belle queftion
ï Contre
tous. Contre ce Germeuil qui nourrit
votre fils dans ~bn
extravagance, qui cher.
che à faire entrer
une créature dans la ~a-
mille, pour s'en ouvrir la
porte à lui~m~
~e, que je cha~fcrm<
chaûerois de~na ma~on:
Contre une fille qui devient de jour en jour
plus infolente qui me manque à moi, qui
vous manquera bien-tôt à vous & que
j'enrermerois dans un couvent. Contre
un
fils qui a perdu tout Sentiment d'honneur,
t
qui va nous couvrir dé ridicule & de hon-
te, & à qui jerendrois la vie dure; qu'il
ne feroit pas tenté plus long- tems de (e
(bu~raire à mon autorité. Pour la vieille
qui l'a attiré chez elle, oc la jeune dont il
a la tête tournée il y a beaux jours que
j'aurois fait fauter tout cela. C'eA par où
j'aurois commencé & à votre place je
rougirois qu'un autre s'en fût avifé le pre-
mier Mais il faudroit de la fermeté
& nous n'en avons point.
LE PERE DE FAMILLE.
Je vous entens. C'e~-â-dire que je
châtierai de ma manbn un homme que j'y
ai reçu au fortir du berceau à qui j'ai 1er-
vi de pere qui s'eit attaché à mes intérêts
depuis qu'il fe connoît qui aura perdu
~es plus belles années auprès de moi~ qui
n'aura plus de reSburce je l'abandonna
~c à qui il raut que mon amitié fbit funetle
elle ne lui devient pas utile; & cela, ~but
prétexte qu'il donne de mauvais. confëij
à mon fils, dont il a défapprouvé les pro.
jets qu'il fert une créature que peut-être
il n'a jamais vue; ou plutôt parce qu'il ni
pas voulu ~tre l'inhument de fa perte.
J'enfermerai ma fille dans un couvent}
je chargerai fa conduite ou fon caractère
de foupçons defavantageux je nëtrira!
moi-même fa réputation 8cce!a, parce
3
qu'elle aura quelquefois, ufé de reprefailles
avec Monneur le Commandeur; qu'irri.
tée par fon humeur chagrine, elle fera ~br.
tie de fon caractère, &: qu'illuifera ëchap.
pé un mot peu mefuré.
Je me rendrai odieux à mon fils; j'é-
teindrai dans fon âme les fentimens qu'il
me doit j'acheverai d'enflammer fon ca-
rac~ere impétueux, & de le
porter à quel.
qu'éclat qui le deshonore dans le monde
tout en y entrant & cela parce qu'il a
rencontré une infortunée qui a des charme? 1
Se de la vertu & que par un mouvement
de jeuneffe qui marque au fond la bonté
de fba naturel il a pris un attachement
qui m'afflige.
N'avez-vous pas honte de vos conseils
Vous qui devriez être le protecteur de
mes enfans auprès de moi, c'eA vous qui
les accufez vous leur cherchez des
torts;
vous exagérez ceux qu'ils ont, & vous
feriez fâché de ne leur en pas trouver.
LE COMMANDEUR.
C'eA un chagrin que j'ai rarement.
LE PERE DE FAMILLE.
Et ces femmes contre lefquelles vous
obtenez une lettre de cachet ?
LE COMMANDEUR.
11 ne
vous reftoit plus que d'en prendre
auïH la défenfe. Allez allez.
LE PERE DE FAMILLE.
J'ai tort. Il y a des chofes qu'il ne faut
pas vouloir vous faire fentir, mon frere.
Mais cette affaire me touchoit d'àflez prés;
Ce me <emb!e, pour-3--r
que vom damnaiËM
m'en dire un mot.
LE COMMANDEUR.
C'eA moi qui ai
tort, &:
& vous avez to~
toà,
jours raifon
LE PERE DE FAMILLE.
Non, Moteur le Commandeur,
vous
ne rerez de moi, ni ““ pere injure &
truel, m un homme ingrat & malfaifant.
~e ne commettrai
point une violence,
parce qu'efte Ctt de mon intëret je i
renoncerai point à mes espérances, ne
qu'il eâ fu~enu des pbfiacles parce
qui les ë~
gnent < & je ne ferai point
un défert de
ma maison parce qu'it s'y pa<!e dès cho
fes qui me déplaifent
comme à vous.
LE COMMANDEUR~
Voilà qui e(t expliqué. Eh
bien eon.
fervez votre chere nUe
aimez-bien votre
cher fils iain-ez paix les
en créatures qui
le perdent cela eft
trop tage pour qu'on
~y oppofe. Mais
pour votre Germeuil,
!e vou! avertis que nous ne
pouvons plus
~at 1
-loger lui& moi fous «M même
ffm< un toît. Yi
n'y a point de milieu. H taut~l
K<ïA

hors
d'ici aujourd'hui ou
que j'en forte de~
main.
LE PERE DE FAMILLE.
Monteur le Commandeur,
vous êtes
le maître.
LE COMMA~DEU~. l
Je m'en doutois. Vous feriez
enchanté
que je m'en at!ane n'e~-ce pas ? Mais

refterai oui je referai;
i ne fut-ce qu~
pour vous remettre &us nez fbtti<
fes de vous en faire honte. Je &isvos
curieux
de voir ce
que tout ceci deviendra. °
ACTE QUATRIEME.
1.
SAÎNT-A L BIN
(7/~f/ic~z~~).
qr' 0 uT eA éclairci. Le traître eC
A démarque. Malheur à lui Malheur
à lui! C'eft lui qui a
emmené Sophie. U
~aut.qu'il përiHë
par mes mains.
(~7~~).
Philippe.

S CENE
SAINT-ALBIN, PHILIPPE.
JM.On~eur.

(
PHi L 1 P P E.
PHILIPPE.

S.~
donnant une
en
Portez cela.
~1
ALBIN
~~).
PHILippE.
A qui, Monfieur?
S/ALBiN.
~T n~~
A Germeuil. Je l'attire hoM dM.
Je lui plonge mon épée dans
le fein. Je
lui arrache l'aveu de fon crime
& le fe-
cret de fa retraite, & je cours partout
conduira où
me l'efpoir de la retrouver
( 7/ apperfoit ~z~
Tu n'es pas allé,
revenu r
PHiLIPp~
Monucur.
tS. A L B i
Eh bien ?
PHILIPPE.
Ny a t il rien là dedans dont Mon-
heur votre
pere ~bit Bchë ?
S/ ALBÏN.
Marchez.

-y 7/7.
C B

S.* ALB!N,CECI LE,


S. ALB!]f.
f Ui
qui medoittout! Que j'ai
cent &M dë&ndu contre le Com-
mandeur! A qui.
( En appercevant
~V~M~/fa ~M~ ).
Malheureufe à quel homme t'es-tu
attachée
CÉCILE.
Que dites-vous? Qu'avez-vous? Mon
frere vous m'enrayez.
S.t A L B i N.
Le perfide1. Le traître! Elle alloit
dans la confiance qu'on la menoit
Il a abufé de votre nom
ici.
CÉCILE.
Germeuil eA innocent.
4
S.~t A L B 1 N.
Il a pu voir leurs larmes, entendre leun
cris, les arracher Fune à l'autreLe bar<
bare
CE'CILE.
Ce n'eft point un barbare c'e~: votre
ami.
S/ A L B I N.
Mon ami ?.. Je le voulois. II n'a
tenu qu'à lui de partager mon ~brt.
d'aller lui & moi y vous & Sophie. '1
CÉCILE.
Qu'entens-je ? Vous !ui aunez pro~
pofë ?.. Lui vous, moi, votre fceur ?..
S/ÂLBIN.
Que ne me dit-il pas Que m'op-
ne
pofa-t-il pas -Avec quelle fau1feté
CÉCILE.
C'eA un homme d'honneur oui, Samt-
Albin, & c'eA en Faccu~ant
que vous
achevez de me l'apprendre.
S/ ALBIN.
Qu'ofez-vous dire ?.. TtemMez,
trem-
blez. Le défendre c'e~ redoubler ma
fureur. Eloignez-vous.
C Éc L E.
Non, mon rrere
vous m'écouterez.
Vous verrez Cëcile/à
GermeuU
vo~
Rendez-lui ~uAice
genoux
Ne
le connqiaez-vous plus?
Un moment'
Fa-t-il pu changer ?.. Vous Faccu~z!
Vou& L. Homme injuHe

S.~ A L B ï
Malheur à toi~ s'il
te re~e de ten<
drefïcf.. Je
C'
a T
pleure. Tu pleureras bien
tôtau~L
CÉCILE
(a~C <S* d'une voix tremblante ).
Vous avez un deffein.
S~ALBIN.
Par pitié pour vous-même,
ne m'inter-
''og~x pas.
CÉCILE.
Vous me haïuezi.
S/ A LB i N.
le vous plains.
CECILE.
4

Vous attendez
mon pere.
S/ALBIN.
~e le fuis. Je ~is toute la terre.
CÉCILE.
Je le vois. Vous' voulez perdre Ger-
meuil. Vous voulez me perdre. Eh
bien, perdez-nous Dites à
mon père.
S.' AL B 1 N. ws
le n'ai plus rien à lui dire. lirait tout.
CÉcin~
'Ah Ciel!
1
SCENE
C EJV
SAINT.ALBÏN, CECILE

(~/<
LE PERE DE FAMILLE.
~M~<
</7?/77<?~~).
LE PERE DE FAMILLE.
nr' U me fuis & je ne peux t'abandon-
ner Je nai pius de 6!s,
re~e :oû}oufs
te
un père S~AIbin,p~ur.
quoi me fuyez-vous~ Je ne viens pas
vous aSiger davantage & expofer mon
autocttc. à de nouveaux mépris.Mon
~Is, mon ami tu
ne veux pas que ~e
meure de chagrin.. ~ous hommes feuis.
Voici ton pere. Voilà ~ceur. Elle
ta p!.eu<
re, & mes larmes attendent les tiennes
pour s y mêler. Que ce moment ~ra.
doux,'n tu veux!
Vous avez perdu ceue
que vous aimiez,
& vous iavez perdue
par la perud~e d~u~
~omme qui
vous cA cher.
f~)
S.~A.Lp.tN
AL B )J
(~ au Ciel
Ah!
LE PERE DE FAMILLE,
Triomphez de vous &- de lui. Domptez
une païHon qui vous dégrade. Montrez-
vous digne de moi. Saint-AIbia ren.

( ~~f- j~~j
dez-moi mon nls.
On voit vou-

/)
droit ~a~e
qu'il ne le peut pas. ~0/2 ~<?~ mé-
~M, en
Dieu! !M-ceaM qu'on accueille un
père! Il seloigne<de moi. Enfant in-
grat, enfant dénature! Eh où irez-vous
que je ne vous ~ive ?.. Partout je
fuivrai. Partout je vous redemanderai vous
nls.. mon
( ~~z~
~/zf avec
his. Rens-moi mon fils
~)
<5'~ pere le
rens.moi mon

( ~2 s'appuyer contre le
M/Ï~.f M<~M MC~~t~~ ~M~~
<W!MM~)
)
Il ne me répond rien. Ma voiy ~a~~ve
plus }u<qu'à ~bn
ccçur. Une pa~ôn infea.
~ee Fa (ermé. Elle tc~t d~tr~
a îi
eA de-
venu Aupide & (e~oce.
( 7~ y~d dans un ~a~~M~ )
0 pere malheureux Le Ciel m'a frap-
pé. Il me punit dans
cet objet de ma foi-
blefïe. J'en mourrai. Crue~ en~s,
c'eA mon fbuhait. c'eA le vôtre.
C Ë C Ï JL E
(J~<?C~f
Ahï Ah
~<~).
LE PERE DE FAMÏLLE.
Con~blez~vous. Vous verrez pas
!ong-tems ne
mon chagrin. Je me retire-
rai. J'irai dans quelque endroit ignore
attendre la nn d'une vie qui
vous pefe.
C JE c lLE
(~C <S'7Z~
yo/ï~~).
Si vous quittez vos enfans,
lez-vous qu'ils deviennent ? que vou-
C'!4)
LE PEUEF- DE i TT
FAMILLEr,
( après <Kt moment <& filence ).
Céc:!e, j'avois des vûes fur
vous
Germeui! Je difois
en vous regardant
tous les deux, voilà celui qui fera le bon.
heur de ma fille. elle relevera
la TamU)e
de mon ami.
CÉCILE
(/M/).
Qu'ai-je entendu f
S.~ ALBIN.
(~ retournant ~~C~~A).
~auroitëpouëM~eurpjerappet.
teroismon~rerel Lui!
LE PERE
DE FAMILLE.
~11
Tout m'accablera
pluspenïër. n'y faut
l -1. #
C JVJ?
S.T ALBIN, CECILE, LE PERE
DE FAMILLE, GERMEUIL.

E
JL~
tous.
S/t ALBIN.
voilà, le voUà. Sortez, Portez

C É C I L E.
( en courant aM-~<2f C~ï~/).
G€rmeuil/arrêtez. N'approchez pas.
Arrêtez.
LE PERE D'E FAMILLE
( M~~a/!f~/ï~yz?~ milieu du
6' /ï~za~f ~o~ /~y~ ).
S~ Albin mon fils.
( Cependant ~M~ J~ZC~ d'une ~7?~<
c~<M~ 6' tranquille).
( avant que de fortir, détourne la
6'y~~TM Germeuil)
8
CÉCILE.
Suis-je aHez malheureuse
( Zd~~c ~cT~M~ wï~, 6'~ rencontre
~yo/ <C Co/K~M/Ï-
deur qui 7~<?/ )
CjE' ~v~
YI.
CECILE, GERMEUÏL, LE
PERE DE FAMILLE, LE
COMMANDEUR.
LE PERE DE FAMILLE.
T~~ On frère, dans un moment je fuis
-Lv-'L à vous.
LE COMMANDEUR.
C'e~-à.dire, que vous ne voulez
pas
de moi dans celui-ci. Serviteur.

C ~JV
CECILE, GERMEUIL, LE PERE
9
DE FAMÏLLJË.
L E P E R E D E FA M 1 L L &
è (~Ccf/72~~)~
T A division & te trouble ~bht dans ma
~mai(bn, c'e~ vo~ q~ ~s cau~z.
~erm~~nl, Cm$ a~~o~~t. Je
!M vou&
reprocher po~t c~ q~e ya~ pouf
vous. Vous ie voudriez peut-être, j~ais
après la connance que je vous ai maf-
quée, aujourd'hui, je ne daterai pas de
plus loin; je m'attendais à autre chofe de
votre part. Mon fils médite un rapt;
il vous le conne~ & vous me le lainez
ignorer. Le Commandeurforme un autre
projet odieux il vous le confie & vous
me le laiûëz ignorer.
GERMEUIL.
Ils l'avoient exigé.
LE PERE DE FAMILLE.
Avez-vous dû le promettre ? Ce-
pendant cette fille difparoit & vous êtes
convaincu de l'avoir emmenée. Qu'eu:-
elle devenue ? Que faut-il que j'au-
gure de votre Silence r.. Mais je ne vous
prcue pas de répondre. Il y a dans cette
conduite une obfcurité qu'il ne me con-
vient pas de percer. Quoi qu'il en foit je
m'intéreue à cette fille, & je veux qu'elle
1 ~e retrouve.
Cécile, je ne compte plus fur la con-
folation que j'e~pérois trouver parmi vous.
1
Je prcilcns les chagrins qui. attendent ma
vie!ÏÏd!e
e
:)
& je veux
7~tt~ vous
< épargner h
douleur d'en être témoins. Je n'ai rien
në<
g!igé, je crois, pour votre bonheur, &
j'apprendrai avec joie que enfans font
mes
heureux.

( C~f~ C2?~
CECILE, GERMEUIL.
triflement fa
un fauteuil,
~MJ),
6-
E
J
GERMEUIt.
vois votre inquiétude~ & j'attens
vos reproches..4
CECILE.
Je fuisdë~pérëe. Mon~efeea
veut à votre vie.
GERMEUIL.
Son dë6 ne lignine rien. Il fe
croit o~-
fenfé mais je fuis innocent &:
tranquille..
CÉCILE.
Pourquoi vous ai-je crû Que n'ai-je
'Cuivi mon prefïentimcnt
Vous ave?
entendu mon pere. 1
n i ICERMEUIL.
Votre pere eA un homme juf~& je
n'en crains rien.
CÉ CILE.
Il vous aimoit. H vous e~imoit.
GERMEUIL.
S'il eut ces fentimens, je les
recou~
vrerai.
CECILE.
Vousauriez fait le bonheur de fa nHe.
Cécile eût relevé la famille de fon ami.
GERMEUIL.
Ciel il eft poSbIe 1

CÉCILE
( elle-même ).
Je n'oïbis lui ouvrir
mon cceur. dé.
~b!é qu'il étoit de la pamon de
mon frè-
re, je craignois d'ajoûter à fa peine.
Pouvois-je penfer que malgré l'oppofi-
?..
tion, la haine du Commandeur Ah,
Germeuil C'eA à
vous qu'il me dellinoir.
GERMEUIL. <
Et vous m'aimiez Ah Mais j'ai
fait ce
que je devois Quelles qu'ea
foient les luîtes, je ne me repentirai point
du paru que j'ai pris. MademôMetle
il faut que vous cachiez tout~
C t'ci LE.
Qu'exil encore artivé
G E R M Ë U î L*
Cette femme
C É C I L E.
Qui ?
GERMEUIL.
Cette bonne de Sophie.
C É cj L E.
Eh bien ?
G E R M E U Ï
EA aHife à la porte de la màKbn. Les
gens font a(ïemblës autour d'elle. Elit
demande à entrer ) à parler.
CÉCILE
(~ levant C~C~C~
~OM/0rM/').
Ah Dieu je cours.
GERMEUIL.
Où?
CÉCILE
CÉCILE.
Me jetter aux pieds de-
mon père.
GERMEUIL.
Arrêtez. Songez.
CIL Et
CE
Non Monfieur.
GERMEUIL*
Ecoutez.moi.
C Éc ï L E.
Je n'écoute plus.
GERMEUIL.
CëdIe.Mademoifei!e.~
C É C I L E.
Que voulez-vous de moi ?
GERMEUIL.
J'ai pds mes mefures. On retient
~mme. Elle n'entrera
cette
pas & quand on
l'introduiroit, fi
on ne la conduit pas au
Commandeur, que dira-t-elle
aux autres
qu'ils ignorent ?
CÉCILE.
Non, Monneur, je ne
veux pa$ être
expofée davantage. Mon fçaura tout.
Mon père :<~ bon~ il
pere
verra mon inno.
7~ D
cence; il connaîtra le momde votre con-
duite, & j'obtiendrai mon pardon & le
vôtre.
GERMEUIL.
Et cette infortunée à qui vous avez
accordé un afyle ? Après l'avoir reçûe,
en difpoferez-vous fans la conâdter r
C É CILE.
Mon père eA bon.
GERMEUIL.
Volîà votre frère.

C IX.
CECILE, G ERMEUIL,
S.T ALBIN.
( ~'az/zf-j/ï entre à pas ~f~ il a /~y
~0/7!~ 6'~a~MC~~ la tête bras
croifés, 6' chapeau renfoncé fur les
~M~).
CÉCILE
k
(~~f~ entre Germeuil 6' 6'j~~c)
SAint-Albin!
GermeuiU
1 f
S~
i6))
ALBIN
LT
(~ 6'TM~~).
Je vous croyois feul.
CECILE.
Germeuil, ceA votre ami c'eA mon
irere.

(7/ ~7).
GERMEUIL.
Mademoifë!Je,jeneroub!ieraipas.

S.'ALBIN
( ~a/!f dans un ~~f~
Sortez ou fe~ez; je
ne vous quitte
plus.
CÉCILE
1

1
In~!
réfolu ?
(~~z/ïf-).
Ingrat !Q~
Vous ne fçavez
S/ALBIN.
pas
Je n'en fçais
que trop
CÉCILE.
Vous vous trompez.
S~t ALBIN
(<z/M).
LaiHez-moi.
ii' Lauïez-nous
164)
(~* J'~r~~ TTMCM~ en portant la main
Germeuil
à fon épée).
Germeuil.
(G<CÉCILE
/C~7!Mf).
(y~ tournant en face ~?~~ lui c~)
0 Dieai Arrêtez. Apprenez.
<

Sophie
S/ A L B I N.
Eh bien Sophie ?
CÉCILE.
Que vais-je lui dire ?
S.t ALBIN.
Qu'en a-t-il fait? Parlez. Parlez.
C p C I L E.
Ce qu'il en a fait ?.. Il l'a dérobée à vos
fureurs. Il Fa dérobée aux pourfuites du
Commandeur. Il l'a conduite ici. Il a
fallu la recevoir. Elle eft ici, & elle y
eii malgré moi.
( ~/Z~7~0M/Ïf 6* ~~M~ ).
Allez maintenant courez lui enfoncer
votre épée dans le fein.
('~)
1 S.' A LTU
A B 1 N.
T
0 Ciel puis je le croire! Sophie eâ
ici! ..Etc'eAtuir.. C'eAvous?.. Ah
ma Jtœur! Ah mon ami Je fuis un mal.
heureux. Je fuis un infenfé.
GERMEUIL.
Vous êtes un amant.
S/t A L B i N.
Cécile, Germeuil, je vous dois tout.
Me pardonnerez-vous ? Oui, vous
êtes ju~es vous aimez auffi vous vous
mettrez à ma place & vous me pardon-
nerez. Mais elle a ~çu mon projet elle
pleure, elle fe déféfpére elle me mépri-
fe, elle me hait. Cécile, voulez-vous
vous venger ? voulez vous m'accabler
fous le poids de mes torts ? Mettez le
1.
comble à vos bontés. Que je la
voye.
Que je la voye un inflant.
CÉCILE.
1 Qu'ofez-vous me demander ?
1
S.t ÂLBl N.
Ma fueur, il faut que je la
g voye. II le~
1 ~ant.
C ÉCILE.
T\penfëz~vous ?
GERM EU IL.
Il ne fera raifonnable qu'à ce prix.
S.t ALBIN.
Cécile.
CÉCILE.
Et mon père ? Et le Commandeur ?
S.t A L B I N.
Et que m'importe ?.. Il faut que je la
voye y & j'y cours.
GERMEUIL.
Arrêtez. 4
CÉCILE.
Germeuil.
GERMEUIL.
Mademoifelle il faut appeller.
CÉCILE.
0 la cruelle vie
( G'772~7yc/ïF<?~rappeller 6' ~/z~ avec
~~Z~/720Z/d~ Clairet. Cécile J~ZC~
).
S.t ALBIN
( /M~ main en P~/J/Zf~ 6'
avec tranfport. ~/< f~o~/yM
J7~
(~7ÏCM< 6' lui dit en
Je vais la revoir
ret
/7a/) y<~

CÉCILE
( ~/&f ay~
Clairet
~a~
continue ~a~
à A~o~~
6' d'un ton
c~~yz/2 )
Conduifez-la. Prenez bien garde.
GE R M E U 1 L.
Ne perdez pas de vûe le Commandeur.
S/ ALBIN.
Je vais revoir Sophie
( 7/ J~~a/2C~~ en écoutant du côté où Sophie
doit ~f/'C/ 6' dit )
J'entens fes pas. Elle approche
Je tremble Je friffonne Il Semble
que mon cœur veuille s'échapper de moi,
& qu'il craigne d'aller au-devant d'elle.
Je n'oferai lever les yeux. Je ne pour-
rai jamais lui parler.
j~ S C E N E
CECILE, GERMEUIL, SAINT.
ALBIN, SOPHIE,
CLAIRET dans l'anti-chambre, â
,fée de la salle.
SOPHIE
( co~
jetter entre ~j
~()L AdemoifeIIe.
S/ A L B i N

Sophie.
(~yï~).
Cécile tient Sophie entre fes
~<C~/2~r<~).
GERMEUIL
( appelle ).
Mademoiselle Clairet,
M,~ CLAIRET
Jy fuis,
(~ ~~j-).
C é c i i. E
(<? Sophie ).
(
Ne craignez rien. Ra~rex-vous< A~
prez.-vous,
~ye~-vous,
(~~ J~ Cécile 6' w

rent au fond du ~M~<?

6' ~Mf-
~?~ l'air
CM

Germeuil a
ils demeurent
entre Sophie
férieux
6' ~y< quelquefoisf~/M~/M
Cécile, qui de fon côté montre du ~a~ZJï
6' tems en tems de /MZ~~<~ ).
S/ A L B 1 N
( <z Sophie, qui a baiffés & le main-
f~y~~).
C'eA vous. C'eA vous. Je vous recou-
vre Sophie 0 Ciel quelle ~ëvë<
rite Quel Silence Sophie ne me re-
fufez pas un regard. J'ai tant ~buNert.
Dites un mot à cet infortune.
SOP HIE
(fans le regarder).
Le méritez-vous?
S.' ALB 1 N.
Demandez-leur.
S 0 p H i E.
Qu'eft-ce qu'on m'apprendra? N'en
fçais-je pas aHëz ? Oii fuis-je ? Que fais-
je ici ? Qui cit-ce qui m'y conduite '?,
a
Qui m'y redent?. Monteur~ qù'ave~ 1
vous réfolu de moi?
S.~ALBIN.
De vous aimer, de vous pofféder, d'd.
tre à vous malgré toute la terre malgré
vous.
`
S 0 P H 1 E.
Vous me montrez bien le mépris qu'on
fait des malheureux. On les compte pour
rien. On fe croit tout permis avec eux.
Mais, Monteur, j'ai des parens auui.
S/ A L B 1 N.
4
Je les connoîtrai. J'irai. J'embraiferai
leurs genoux ôc c'eA d'eux que je vous
obtiendrai.
S 0 p H i E.
Ne réopérez pas. Ils font pauvres, mais
ils ont de l'honneur. Monfieur, rendez-
moi à mes parens. Rendez-moi à moi"J
même. Renvoyez-moi.
S/ A L B i N.
Demandez plûtôt ma vie. Elle e~ tS
tous.
S
\.<*7
0 P H 1 E.
0 Dieu que vais-je devenir
( a Cécile, à Germeuil d'un ton ~~o~
y~?~~).
Monfieur Mademoiselle.
( 6* /<' retournant y~ ~M~Z/Z).
MonHeur, renvoyez-moi. Renvoyez-
moi. Homme cruel, faut-il tomber à
vos pieds ? M'y voilà.
( Z~y~~ aux ~~f ~~f-z~ ).
S/ A L B 1 N
tombe a~JC/Ï~~ 6* ~f)
Vous, à mes pieds C'e~t à moi à me
jetter, à mourir aux vôtres.
SOPHIE'
( ~y~).
Vous êtes fans pitié. Oui, vous êtes
fans pitië Vil ravmeur que t'ai je
fait ? Quel droit as-tu fur moi ?.. Je veux

rêter ?.
m'en aller. Qui eft-ce qui ofera m'ar-
Vous m'aimez ?.. Vous m'a-
vez aimée ?.. Vous ?
S.t A L B i N.
Qu'ils le difent.
3PHIE.
S 0 P H 1 K.
Vous avez réfolu ma perte.Oui
vous l'avez réfblue, & vous l'acheve.
rez.
(
Ah, Sergi
ce mot avec douleur, elle fe
aller dans un fauteuil; elle détourne fon
S.' pleurer).
S.t A L B 1 N.
Vous détournez vos yeux de moi
Vous pleurez. Ah j'ai mérite la mort.
Malheureux que je fuis Qu'ai-je voulu
Qu'aie dit? Qu'ai-je ofe? Qu'ai-je fait?
SOPHIE
(~ <?~72~/7Z~).
Pauvre Sophie, à quoi le Ciel t'a ré-
servée La mifere m'arrache d'entre
les bras d'une mere J'arrive ici avec
un de mes freres Nous y venions
chercher de la commisération &
nous
n'y rencontrons que le mépris & la du-
reté Parce que nous fommes pauvres,
on nous méconnoît, on nous repouilc.
Mon frere me laine Je reite feule
Une bonne femme voit ma jeuneHe &
prend pitié de mon abandon. Mals
une
étoile qui veut que je fois malheureufe
conduit cet homme-là fur mes
pas, &'
Fattache à ma perte. J'aurai beau pleu-
rer.
purent.
Ils veulent me perdre, & ils
me
Si ce n'efi celui-ci,
ce fera
fon oncle ( ~7~ ~~). Eh que me
veut cet oncle ?. Pourquoi me pourfuit-
il auni ?.. Eïi'ce moi qui ai appeHé fon
neveu ?.. Le voilà. Qu'il parle. Qu'il
s'accufe lui-même. Homme trompeur,
homme ennemi de mon repos, parlez.
S.' A L B 1 N.
Mon coeur efi innocent. Sophie,
ayez
pitié demoi. Pardonnez-moi.
S 0 P H 1 E.
Qui s'en feroit mené ?.. Il paroinbit
tendre & ~1 bon Je le croyois doux.
S/ÂLBIN.
Sophie, pardonnez-moi.
S 0 P H 1 E.
Que je vous pardonne
S.tt A L B 1 N.
Sophie.
( Il veut lui prendre la ).
SOPHIE.
Retirez-vous. Je
ne vous aime plus. Je
ne vous e~ime plus. Non.
S.' A L B I N.
0 Dieu que vais-je devenir! Ma
~oeur Germeuil parlez parlez p<hr
moi. 3
Sophie pardonnez-moi.
S o p H i E.
Non.
Cécile 6* Germeuil ~~yoc~f).
CÉCILE.
Mon enfant.
GERMEUIL.
C'eït un homme qui
4
vous adore.
S o p H i E.
Eh bien, qu'il me le
prouve. Qu'il me
défende contre fon oncle qu'il
me rende
à mes parens; qu'il
me renvoyé & je lui
pardonne.
JVjE'CJP
GERMEUIL, CECILE, S.T ALBIN
SOPHIE, Mademoifelle CLAIRET.
M."= CLAIRET
(~ Cécile).
MAdemoifelIe,
jyjLAdemoifeHe~ vient;convient.
on vient on vient.
GERMEUIL.
Sortons tous.
Cécile remet Sophie entre les mains de ~x-
demoifelle Clairet. T~zf tous de la
y~~ par diférens côtés

S c 7,
1..
LE COMMANDEUR Madame HE.
1..
BERT, DESCHAMPS.

r
(Le Commandeur
<S' Z~j-
M.~ HÉBERT
~).
entre brufquement. Mada-

( ~7Ï /M<?/M/-a/!f Z~7M7.f )


Ui, Monteur cM
lui. C'eA lui
qui accompagnoit le mcchanr quf
me 1 a ravie. Je l'ai
'ai recon)
reconnu tout d'abord,
LE COMMANDEUR.
Coquin! A quoi tient-il
que je ren-
voyé chercherun Commiuaire, pour t'ap.
prendre ce que l'on gagne à fe prêter à des
~br~aits ?
DE$CHAMPS.
Monteur, ne me perdez pas. Vou~mc
l'avez promis.
LE COMMANDEUR.
Eh bien, elle eft donc ici?
DESCHAMPS.
Oui Monueur.,
LE COMMANDEUR
( a /?~ ).
Elle eA ici, ô Commandeur, &
tu ne
l'as pas déviné 1
(~2~/c~).
Et c'eA dans l'appartementde
ma nièce ?
DESCHAMPS.
Oui Monfieur.
LE COMMANDEUR.
Et le coquin qui fuivoit le caroiïe, c'c~
toi?
DESCHAMPS~
D E S C H A M P
t)ui~ Monteur.
LE COMMANDEUR.
Et l'autre qui était dedans, c'e~ Ger*
ïneuil~
!DESCHAMPS.
Oui, MonHeur.
LE CoMMAN DE U R..
Germeuit ?
M.~ HEBERT.
H vous l'a déja dit.
LE COMMANDEUR
(a~ff).
Oh pour le coup, je tes tiens*
M.~ HÉBERT. Ii

1 Monteur, quand ils l'ont emmenée~


elle me tendoit les bras & elle
1 me di~bit
Adieu, nM bonne je ne vous reverrai
1
plus.; priez pour moi. Monneur, queje
la
voye, que je lui parle, que je la con~
1110Ie;,
~bic.
LE COMMANDEUR.
1 Cela ne fe peut. Quelle découvert 4i
~'7')
M. HÉBERT.
M~a. 1
Sa mere & ~bn frere me l'ont connëe.
Que leur répondrai-je quand ils me la
redemanderont ? Monteur qu'on me la
rende ou qu'on m'enferme avec elle.
LE COMMANDEUR
(a lui-même ).
Cela (e fera je l'efpere.
( Madame J~r ).
Mais pour le prêtent, allez allez vhe.
Et fur tout ne reparoiuez plus. Si Fon
vous apperçoit, je ne réponds de rien.
M.~ HÉBERT.
Mais on me la rendra & je puis
y
compter ?
LE COMMANDEUR.
Oui, oui, comptez & partez.
DESCHAMPS
( en la ~a/!fyo/~).
Que maudits foient la vieille oc le
portier qui l'a lai~ë paHer
LE COMMANDEUR
(~Z~M).
Et toi maraut. va. conduis cette
&mm~ che~ 6~'<parte.
dëco~vfe qu~Me m'a
~9~
F< <b~e qu$ & fo)r
6~
ou 6 ~He
fe remontre ici, j~ te p$~.

J J t: j
~CE~~ JT//7:
LE COMMANDEUR~.
L A mait~Ie de mon i~veu dans Fap-
JL' partement de ma nièce Q~elte
découverte Je me .<tp~:OM bien que
les vakts étoient méJ~H. dedans.
On alloit. On venoh. <Q~ ~ë ~aifbit (k$
~s.pn &,partoitba$. Tantôt on
me ~vp~y ~n~t on m~vitoit. I! y a
là une f~mme-de-chancre qui
ne me
quitte non p~M que mo~ p~ob~e. Voi~
donc !a cau& de tous ces mouyemens
auxquels je n'entendois nen. Comman-
deur, cela doit vous apprendre à ne ja-
mais rien négliger. Il y a toujours quelque
chofe à ravoir où l'on fait du bruit. S'ils
1 empéchoient
cette vieille d'entrer, ils en
avoient de bonnes raifons. Les coquins
Le hafard m'a conduit là bien à
propos.
('~)
Maintenant voyons, rwi< examinons
~Y ce qui
nous re~e à ~airc. D'abord marcher
lourdement, &. ne point troubler leur (e-
curitc Et fi nous allions droit au bon-
homme ~Non. A quoi cela fërviroit-
il ?.. D'Auvilé, il faut montrer ici ce que
tu ~çais. Mais j'ai ma lettre de cachet
11~ me font rendue La voici. Oui.
La voici. Que je fuis fortuné Pour
cette foiselle me Servira; Dans un mo-
ment je tombe <ur eux. Je me ïains de la
(irëàturc. Je chaCe le coquin qui a tramé
tout ceci. Je romps à la ibis deux ma-
riages. Ma nièce, ma prude méce s'en
reubu viendra je l'espère Et le bon-
honime j'aurai mon tour avec lui. Je
me venge du père, du nls, de là rMIe, de
fon ami Q Commandeur quelle jour-
née pour toi
~M<!f~C~~~C~.
ACTE CINQUIEME.

S CE NE I.
CECILE M~M~ CLAIRET.
CÉCILE.
TE meurs d'inquiétude de crainte
J Defchamps a-t-il reparu ?
M.~ CLAIRET.
Non~ Mademoifelle.
C É C I L E.
Où peut-il être allé ?
M.~ C L A t R E T.
Je n'ai pu le fçavoir.
CÉCILE.
Que s'eft-il paffé ?
M.~ CLAIRET.
D'abord il s'eA fait beaucoup de mou-
vement ce de bruit. Je ne fçais combien
ils étoient. Ils alloient & venoient. Tout-
à-coup le mouvement & le bruit ont celle.
Alors je me fuis avancée fur la pointe des
pieds & j'ai écouté de toutes
mes oreil.
les mais il ne nié parvenoit
que des mots
<&ns fuite. J'ai feulement entendu Monteur
le Commandeur, qui crioit d'un ton
me.
vacant un Comminairc.
C Ë'c i L E.
Quelqu'un l'auroit-il appercûe ?
` M. CLAIRET.
JNon~ Madetnoiiëi!e.
CÉCILE.
Defchamps auroit-il parlé ? `

M.~ CLAIRET.
C'e~ autre chofe. II cA parti comme
un ëclair.
CÉCILE.
Et m~n onde ?
M.~ CLAIRET.
Je l'ai vû. î! ge~iculolt. Il fe parloit
lui-même, îl avoit tous les ngnes de
cette
gayeté méchante que vous lui connouïez.
CÉCILE.
C É CIL
Oû eM ? 1
M.~CLAÏRET.
II eft forti ~eut &~ à pied.
C E C ï L E.
Allez. Courez. Attendez le retour
de mon oncle. Ne le perdez
pas de vûe.
Ilfaut trouver Defchamps. It faut fça-

(M~~M<?
pelle
C~
voir ce qu'il a dit.

~) C~~
Si-tôt que Germeuil fera rentré, dites-
lui que je fuis ici.

C JV
1 CECILE, SAÎNT.ALBIN.
1
CÉCILE.
1 U en fuis-je réduite Ah~ Cer~-
~meuiï Le trouble me fuit. Tout
1 femble me menacer. Tout m'enraye.
1 ( ~Mf-yz c/M~ 6' Cécile a~M /tM)
1
Mon frere Defchamps a difpar~. On
1
ne fçait ni ce qu'il a dit, ni ce qu'i! eft de~
venu. Le Commandeurc~ forti en ~ecret~
[i84)
ce feul. Il fe forme un orage. Je le vois
~eunc
le le fens. Je ne veux pas l'attendre.
S.~ALBIN.
Après ce que vous avez fait
pour moi,
!n'abandonnerez-vous ?
CE'C.I I,E.
J'ai mal fait. J'ai mal fait. Cet enfant
ne veut plus re~er il faut la laitier aller.
Mon pere a vû mes allarmes. Plongé dans
la peine, & délaiffé par fes enfans,
que
voulez-vous qu'il penfè finon que la bon.
te de quelque action indifcrete leur fait
éviter fa préfence, & négliger fa dou-
leur?,. Il faut s'en rapprocher, Germeuil
eft perdu dans fb~efprit, Germeuil qu'il
avoit réfblu Mon frere vous êtes gé-
néreux n'expot~z pas plus long'tems
vo.
tre ami, votre fœur, la tranquillité & les
ours de mon père.
S.~t A i, B ï N.
Non, il eft dit que je n'aurai pas
un
infant de repos. 1
('<!)
CIL CÉCILE.

Si cette femme avoit pénétré Si


le Commandeur ~avoit! Je n'y penfe
pas fans frémir. Avec quelle vraifem-
blance, $c quel avantage il
nous attaque-
roit Quelles couleurs il pourroit donner
à notre conduite & cela dans
un mo-
ment où l'âme de mon pere eft ouverte
à toutes les impre-uions qu'on
y voudra
jetter.
S.'
S.t A L BB t1 N.
OùedGcrmeuil?
CÉCILE.
Il craint pour vous. Il craint
pour moi.
}i eft allé chez
cette femme.
7/
~C~~V~
CECILE, SAINT-ALBIN,
~o~
M.
CLAIRET.
CLAIRET
(/~ ~M~ fur le yc~~ 6' c~)
LE Commandeur eft rentré.
SCENE
CECILE, SAINT-ALBIN,
GERMEUIL.
t
GERMEUIL.
jL E Commandeur
fçait tout.
CÉCILE 6'
S/t ALBIN
( avec effroi).
Le Commandeur fçait tout
GERMEUIL.
Cette femme a pénétré. Elle a reconnu
Defchamps. Les menaces du Comman-
deur ont intimidé celui-ci, ck il a tout dit.
CÉCILE.
Ah!
S.t A LT BC IT N.1L3

Que vais-je devenir1


CE'CILE.
Que dira mon pere
G E R M E U ï L.
Le tems preffe. Il ne s'agit pas de
plaindre. Si nous n'avons pu ni écarter~
ni prévenir le, coup qui nous
menace,
du-moins qu'il nous trouve raiïëmblës &c
prêts à le recevoir.
CÉCILE.
Ah Germeuil qu'avez-vous fait
GERMEUIL.
Né fuis-je pas aiïez malheureux

C JVE
CECILE, S.T ALBIN GERMEUIL,
Mi~M~ CLAIRET.
M.~ C L A 1 R E T
(yc ~M/y~ ~~o/ leur c~) f

v Oici le Commandeur.
GERMEUIL.
Il faut nous retirer.
('M)
CÉCILE.

Non, j'attendrai mon pere.


S.t A L B i N.
Ciel qu'allez-vous faire
(y ER M EU 11~
Allons, mon ami.
S.*ALBIN.
Allons ~luver Sophie.
C É C I L E.
Vous me laiHez

S CENE ~7,
CECILE feule.
(Elle va, Elle vient. EUe ~f)
J E
ne ~ais que devenir.
( Elle fe tourne vers ~Z~Z~~
<$' crie).
GeymeuU Saint-Albin. mon 0
père, que vous répondrai-je Que di-
rai-je à mon onde?. Mais le voici.
Aneyons-nous. Prenons mon ouvrage.
Cela me difpenfera du moins de le re.
garder.
Le Cc/7277M~~<?/Zf/ CCC~ $'
y<x/~<? les yeux )..
C ~2? 7.
CECILE, LE COMMANDEUR.
LE COMMANDEUR
(~ r~?d~ regarde vers le fond & ~f)
M A niéce tu as-là une femme-de-
chambre bien alerte On ne
fçauroit faire un pas fans la rencontrer.
Mais te voilà toi, bien r'éveufe & bien
délaiffée 11 me femble
que tout com-
mence à & raSeoir ici.
CÉCILE
( c/z ~<a~f ).
Oui < je crois.
que. Ah
(~M <5'~0~2/~).
L p C Q M M A N D E U R

La voix & Ie~ mains te tremblent.


CeA une cruelle chofe
que le trouble.
Ton frere me paroît
un peu remis
Voilà comme ils. font tous. D'abord c'e~
un déféfpoir où il ne s'agit de rien moins
que de fe noyer ou fe pendre. Tournez
la main ~p~~
c& ~e(t plus cela Je
de trompe fort ou il n'en feroit pas d<
même de toi. Si ton cceur fe prend
une
fois cela durera.
CECILE
( parlant à fon ouvrage )
Encore
LE COMMANDEUR.
( ~C/M~~M/M).
Ton ouvrage va mal.
CÉCILE
(f/~MM~f).
Fort mal.
LE COMMANDEUR.
Comment Germeuit c~ ton frere font.
ils maintenant ? ACez bien ce me
femble ? Cela s'eA apparemmentéclair.
ci. Tout s'éclaircit à la fin & puis
on eA fi honteux de s'être mal conduit
Tu ne fçais pas cela toi qui as toujours
été fi réfervëe, fi circonspecte.
CÉCILE
(a pan).
Je n'y tiens plus.
(J?/~ ~<?).
J'entcns~ je crois '1
mon pere.
LE Co~t~ANDEUR.
Non, tu n'entens non. CeA un
étrange homme que ton pere. Toujours
occupé <ans ravoir de quoi. Perfonne,
comme lui, n'a le talent de regarder & de
voir
ne rien Mais revenons à l'ami
Germeuil. Quand tu n'es pas avec lui,
tu n'es pas trop fachëe qu'ont'en parle.
Je n'ai pas changé d'avis fur fon
compte
au moins.
CÉCILE.
Mon oncle.
LE COMMANDEUR.
Ni toi non plus, n'ed-cc pas ?.. Je
lui découvre
tous les jours quelque qua-
lité, & je ne l'ai jamais M bien
CeA un garçon Surprenant.
connu.
(C<fc~~M<~),
Mais tu es bien prence ?
CÉCILE.
1 I! eft vrai.
J LE COMMANDXUR.
Qu'as-tu qui t'appelle?
a r 1CeCîLE.
-'il

}'àttendois mon père. Il tardt à venir


i
& j'en fuis inquiéte.

S C E NE ~777:
LE COMMANDEUR~
T Nquiéte je te confeille de l'être. Tù
ne fçais pas ce qui t'attend. Tu auras
beau pleurer, gémir foupirer il faudra'
fë féparer de l'ami Germeuil Un ou
deux ans de couvent feulement. Mais
j'ai fait une bévue. Le nom de cette Clairet
eût été fort bien fur ma lettre de cachet,
& il n'en auroit pas coûté davantage.
Mais le bonhomme ne vient point. 16
n'ai plus rien à faire, & je commence à
m'ennuyer.
( Il T-T!~ 6* appercèvant le
Famille qui il lui dit )
Arrivez donc bonhomme arrivez
donc*
c A-
LE COMMANDEUR LE PERE
DE FAMILLE.
ILE PERE DE FAMILLE.
E T
qu'avez-vous de fi pre~ à
me dire?
LE COMMANDEUR
Vous rane~avoir. Mais
attendez
un moment.
(//
<s- dit à
/My~M~CM~MM).
Mademoifelle
approchez.. Ne
ïêne: pas. Vous entendrez mieux. vous
LE PERE DE FAMILLE.
Qu'eA-ce qu'ily a ? A qui
parlez-vous?
LE COMMANDEUR.
Je par!e à la femme de-chambre
de
votre fille qui nous écoute.
LE PERE DE FAMmB.

avez femée entre


-1- Pnrr~.
vou~
Vo~ re.Ftt de la ménance
que vous
cnrans.
Vous les avez éloignés de moi, & vous
W

les avez mis en Société avec leurs


gens.
LE COMMANDEUR.
Non, mon frère ce n'eA pas moi qui
les ai éloignés de vous c'cH la crainte
que leurs démarches ne lurent éclairées
de trop prés. S'ils font, pour parler com-
me vous, en Société avec leurs gens, c'e~
par le befoin qu'ils ont eu de quelqu'un
qui les Servît dans leur mauvaife conduite.
Entendez-vous mon ~rere? Vous ne
ï~avez pas ce qui fe pane autour de vous.
Tandis que vous docmez dans une fécurité
qui n'a point d'exemple, ou que vous vous
abandonnez à une tri~ene inutile le def.
ordre s'eA établi dans votre maifon. Il a
gagné de toute part, & les valets, & les
enrans, & leurs entours. Il n'y eut ja-
mais ici de Subordination il n'y a plus ni
décence ni mœurs.
LE PERE DE FAMILLï.
Ni moeurs 1.
LE COMMANDEUR~
Ni moeurs.
t n
~MILLE;
Mon~e Commandeur, expliqua
non, épargnez-moi~
LE COMMANDEUR.
Ce n'cït pas mon deifein.
LE PERE DE PAMiLL~
J'ai de la peine tout
ce que j'en peux
porter.
LE CoMMAtfDEUR.
Du cafaaefe foible dont
° vous êtes. je
~P'-o~ pas que vous en conceviez le re~

~P~a~i&itceque qui conviendrez

j'ai dû &ies fuites en retomberont fur


vous feul
LE PERE DE FAMILLE.
Vous m'effrayez. Qu'eue
ont fait
donc q~
COMMANDEUR.
LE
Ce qu'ils ont &it De belles
Ecoutez. Ecoutez. choies
LE PERE DEFAMILLE~
Jattens.
LE COMMANDEUR.
Cette petite ~He dont vous êtes fi fort
en'peiae. J
LE PERE DE FAMILLE.
Eh bien?
LE COMMANDEUR.
Où croyez-vous qu'elle ~bit ?
LE PERE D E FAMILLE.
Jene~ais.
LE COMMANDEUR.
Vous ne fçavez?.. Sçachez donc qu'.
elle e& chez vous.
La PBR.EDE FAMILLE.
Chez moi l'

1 LE COMMANDEUR..
Chez vous.. Oui, chez vous. Et qui
croyez-vous q~i l'y ait introduite
LE PE~E DE FAMILL~E.
Germeuil ?
LE COMMANDEUR.
Et celîe qui Fa reçue ?
LE PERE DE FAMILLE.
M<M-i rrere, arrêtez. Cécile. ma
~!c.
C'97)
1 LE COMMANDEUR.
Oui, Cécile oui votre fille a reçu
chez elle la maîtreife de fon frere. Cela
eft honnête qu'en pendez-vous?
LE PERE DE FAMILLE.
Ah!
LE COMMANDEUR.
Ce Germeuil reconnoit d'une
ëtranM
maniere les obligations qu'il
vous a.
LE PERE DE FAMILLE.
Ah Cécile, Cécile Où font
les prin-
cipes que vous infpirés
a votre mere
LE COMMANDEUR.
La maïtreue de
votre fils, chez vous,
dans l'appartement de
votre fille Jusez.
jugez. °
LE PERE DE FAMILLE.
Ah Germeuil Ah mon fils
fuis malheureux
Que ie
LE COMMANDEUR.
Si vo~s l'étes
Reiidez-vous juïHce.
c~ par votre faute.
LEPEKE DE FAMILLE.
Je perds tout en un moment mon 61s
ma fille un ami.
LE COMMANDEUR.
C'eA votre faute.
LE PERE DE FAMILLE.
Il ne me re~c qu'un frere cruel, qui <c
plaît à aggraver fur moi la douleur.
Homme cruel, éloignez-vous. Faites-moi
venir mes enfans. Je veux voir mes en
fans.
LE COMMANDEUR.
Vos enfans ? Vos enfans ont bien mieux
à faire que d'écouter vos lamentations. La
maitrefïe de votre fils à côté de lui.
dans l'appartement de votre nlle <
Croyez-vous qu'ils s'ennuient ?
LE PERE DE FAMILLE.
Frere barbare arrêtez. Mais non, 1
achevez de m'auamner.
LE COMMANDEUR.
Puisque vous n'avez pas voulu que }e 1
prévinue votre peine il faut que vous eo
buviez toute l'amertume. 1
L E PFKE DE FAMri.LE.
0 mes espérances perdues î
LE COMMANDEUR.
Vous avez taiHe croître leurs défaut
avec eux & s'il arrivoit qu'on vous les-
montrât, vous avez détourné la vue. Vous.,
leur avez appris vous-même à mëprj~ef
votre autorité. Ils ont tout ofc~ parce
qu'ils le pouvoient impunément..
LE PERE DE FAMILLE.
Quel fera le reïte de ma vie Qui adou-
cira les peines de
mes dernieres années ?
Qui me comblera?
LE COMMANDEUR.
Quand je vous difbis veillez fur
fille, votre fils fe dérange,
votre
vous avez chez.
vous un coquin i j'étois un homme dur
méchant, importun.
1
LE Pl:~E DE FAMULF.
J'en mourrai. J'en mourrai. Et qui cher-
cherai-je autour de moi. Ah Ah
1 (J7~p~~). .“
1 LE COMMANDEUR.
Vous avez nëgrigë mes confeils. Vous
1
(100)
en avez ri. Pleurez,
ez, pleurez
ple< maintenant.
LE PERE DE FAMILLE.
J'aurai eu des enfans. J'aurai vécu mal.
heureux, & je mourrai feul. Que m'au'
ra-t-il fervi d'avoir été pere? Ah
LE COMMANDEUR.
Pleurez.
LE PEKE DE FA MI LLE.
Homme cruel, épargnez-moi. A cha-
que mot qui fort de votre bouche je fens
une fecouffe qui tire mon ame & qui la
déchire. Mais npn mes enfans ne font
pas tombés dans les égaremens que vous
leur reprochez. Ils font innocens. Je ne
croirai point qu'ils fe foient avilis, qu'ils
m'ayent oublié jufques-là. S.Albin
Cécile Germeuil Où font-ils?
S'ils peuvent vivre fans moi, je ne peux
vivre fans eux. J'ai voulu les quitter.
Moi, les quitter Qu'ils viennent.
Qu'ils viennent tous fe jetter à mes pieds.
LE COMMANDEUR.
Homme pusillanime, n'avez-vous point
de honte ?
LE PERE DE Pt
ne FAMILLE.
Qu'ils viennent. Qu'ils s'accufënt.
Qu'ils fe repentent.
LE COMMANDEUR.
Non je voudrois qu'ils tuCent cachés
quelque part, & qu'ils vous entendirent.
LE PERE DE FAMILLE.
Et qu'entendraient ils qu'ils ne ca-
chent ?
LE COMMANDEUR.
Et dont ils n'abufent.
LE PEBLE DE FAMILLE.
Il faut que je les voie &
que je leur par-
donne, ou que je les haïae.
1 LE COMMANDEUR-
Eh bien voyez les. Pardonnez leur.
1 Aimez-les, oc qu'ils Soient à jamais votre
1
tourment & votre honte. Je m'en irai fi
1 loin que je n'entendrai parler ni d'eux
ni de vous.
S C Jv~
LE COMMANDEUR, LE. PERE
DE FAMILLE, Madame HEBERT,
Monfieur LE BON, DESCHAMPS.
LE COMMANDEUR

f Emme
(appercevant Madame ).
maudite î (~ & Z~/c~)~
toi, coquin que fais-tu ici?
M~ HÉBERT, M'LEBON(S'DESCHAMPS

n~
( au Co/y!/7:<Mr\.
Monfieur.
LE COMMANDEUR.
(~Af~).
Que venez-vous chercher? Retournez.
vous-en. Je fçais ce que je vous ai pro-
mis, & je vous tiendrai parole.
M.~ H É B E R T.
Monfieur. Vous voyez ma joie.
Sophie.
LE COMMANDEUR~
Allez vous dis-je.
M/ LE B o N.
Monfieur, Monfieur, écoutez-la.
M.~ HÉBERT.
Ma Sophie. mon enfant. n~ pa$
ce qu'on penfe Monfieur le Bon..
parlez. je ne puis.
LE COMMANDEUR
(a Monfieur le Bon).
EA-ce que vous ne connoiCez pas ces
femmes-là, & les contes qu'elles fçavent
faire Monfieur le Bon, à votre âge
vous donnez là-dedans
M.~ HÉBERT
( Pare de ~/72~
au ).
Monfieur elle eft chez vous<.
LE PERE DE FAMILLE
( à /?arf ~bM/OM/6~!c/!f).
!1 eH donc vrai .1,
M~ HÉBERT.
Je ne demande pas qu'on m'en croie.
Qu'on la rafïë venir.
LE COMMANDEUR.
Ce iera quelque parente de ce Ger-
l'.
meuil, qui n'aura pas de fouliers à mettre
à fes pieds.
(Ici on entend ~M-zj du du ~M'-
~M~ des c~ con, fus ).
JLt PERE DE FAMILLE
Tentens do bruit.
LE COMMANDEUR.
Ce n'e~ rien.
CECILE
( au-dedans ).
PMjppe, PhiHppe appeliez mon per<
LE PEKE DE FAMILLE.
CM la voix de ma fille.
M~ HÉBERT
( <ÏM ~r~ 7~/7M' ).
Monteur faites venir mon en~nt.
S.'t A L B 1 N
(a~Z~).
N'approchez pas. Sur
prochez pas.
votre vie~ n'
( ~<).
M.~ HEBERT ~M' LE BON

Monfieur, accoures.
LE COMMANDEUR
(
Ce n'e& nen
au ).
vous dis-je.
1 S C A
LE COMMANDEUR, LE PERt
D E F A M 1 L L E, M.- HEBERT,
M/ LE PON, DESCHAMPS~
M.~ CLAIRET.
j
1
M. CLAIRET
( ~ay~~ aM ~?M/~).
TT~Es épées, un exempta des gardes.
.L~ MonHeur, accourez fi vous ne
voulez pas qu'il arrive malheur.

C JV~ <S-

LE PERE DE FAMILLE, LE
COMMANDEUR, M.~ HEBERT,
M/LE BON, DESCHAMPS, M~
CLAIRET~ CECILE, SOPHIE,
SAINT-ALBm, GERMEUiL, UN
EXEMPT, PHILIPPE, ~~S~
ques. T~tcM <&: maifon.
(C~~ C<y-
meuil & ~Z~Pg ~M/M ~< ~~M~. <
a l'épée tirée & C~Tt~M~~ /'C~7M).
CÉCILE
rtT t
(Mf/~ en criant
M On
pere.
S 0 P H 1 Ë
en courant vers le Pere de ~Ï/M~
C~~)
Monteur.
LE COMMANDEUR
( a l'Exempt en criant).
Monfieur l'Exempt, faites
votre de.
voir.

~f
SOPHIE 6'AM~ HEBERT
( ~~< au 7~ ~~&, <g. le
premiere, ~MM~).
Monteur.
S/AjLBIN.
( to4jours retenu par 6'<7M~ )
Auparavant il faut m'ôter la vie. Ger.
itneuil lauïez-moi.

w
(a/<
LE COMMANDEUR

Faites votre devoir.


LE PERE DE FAMILL~ S.t ÀtBÏ~
Madame HÉBERT, ~c~CMrLE BON~
(~7~pf).
Arrêtez.
Madame HÉBERT <5' M.r LE BON
( au Commandeur, en tournant ~?yo/ï c~
Sophie, qui efl fOM/OM~ genoux).
Moteur, regardez-la.
LE COMMANDEUR.
( fans la /).
De par le Roi, Monfieur rExempt~
faites votre devoir.
S.~ A L B 1 N

( en criant).
Arrêtez.
Madame HÉBERT 6'
M.r LE BoN
(en criant au Commandeur 6' en même M/W
que ~az/M-ï ).
Regardez-la.
S O P HE, I
( ~r~a/ï~ au Co/yz~ay~~).
Monfieur.
LE COMMANDEUR
1 (~ r~o~~ j~c/?~~a~.
Ah:
.M(M~ HEBERT M'. LE BON.
Oui~ Monfieur, c'eA elle. C'eA votre
niéce.
S.t ALBIN, CÉCILE, G ERMEUH
M.~ CLAIRE T.
Sophie, la niéce du Commandeur
S 0 p H E
( M~M/ <ï ~o~ Co/y?~a/)
Mon cher oncle.
LE COMMANDEUR
(~72~).
Que faites-vous ici ?
So P H 1 E
(~M~M~).
Ne me perdez
pas.
LE COMMANDEUR.
Que ne reAiez-vou~ dans votre
pro.
vince ? Pourquoi n'y
pas retourner, quand
je vous l'ai fait dire ?
SOPHIE.
Mon cher oncle, )e m'en irai. Je m'en
retournerai. Ne me perdez pas.
LE PERE DE FAMILLE.
Venez, mon enfant. Levez-vous.
M.
~9
--7
)
M.~ H É BR Ep R T.
.Ah Sophie
SOPHIE.
Ah, ma bonne
M.~ HÉBERT.
Je vous embraHe.
SO P HI E
( M /72~M ~/y~ ).
Je vous revois.
CÉCILE
( ~j~y<M aux pieds pere ).
Mon pere ne condamnez
pas votre
fille fans l'entendre. Malgré
les apparen-
ces, Cécile neA point coupable. Elle n'a
pû ni délibérer, ni vous conter.
LE PERE DE FAMILLE
( ~/z air un peu févére mais touché
Ma fille, vous êtes tombée dans
grande imprudence. une
CÉCILE.
Mon pere.
LE PERE DE FAMILLE
( avec ~<~
).
Levez-vous.
S~ ALBÏN.
Mon pere vous pleurez.
LE PERE DE FAMILLE.
C'eA fur vous, c'eft fur votre fœur.
Mes enfans pourquoi m'avez-vous né-
gligé ? Voyez vous n'avez pû vous éloi-
gner de moi fans vous égarer.
S.t A L B 1 N 6* CÉCILE
( en lui baifant les /M~z/zj ).
Ah, mon pere 1
( C~zf Commandeur
Cû/2/0/2~).
LE PERE DE FAMILLE
( <~?/ ~~0~ ~~C~~ /<2/77Ï< prend un air
<f~MM~~ & dit au Co/72/7!Z~ )
Monfieur le Commandeur vous avez
oublié que vous étiez chez moi.
L'EX EMPT.
E~-ce que Monfieur n'eA pas le maître
de la maifon ?
LE PERE DE FAMILLE
( /7~f ).
C'eft ce que vous auriez dû fçavoir,
avant que d~y enwr. Allez Moa&uf.`
Altez,b Moerieur
je réponds de tout.
(Z~~pf~)~
S.
S/t ALBIN.
ALBïN.
Mon pere.
LE PE RE DE FAMÎLLE
(avec /r<~).
je).
Je t'entens.

(~Z~/2f
Mon oncle.
S.t ALBIN

SOPHIE~
au C~
au Commandeur, y~ détourne ~~).
Ne repou~ez pas l'enfant de

(~/z~ la/).
LE COMMANDEUR

Oui, d'un homme fans


fans conduite, qui avoit plus
votre frere.

arrangement,
que moi
qui a tout dulipc, &: qui
vous a réduits
dans i'étai où
vous êtes.
S 0 P H i E.
Je me fouviens lorfque j'étois enfant:
alors vous daigniez
me caréner. Vous di.
j5ez que je vous étois chère. Si je
vous
aiHige aujourd'hui, je m'en irai, je m'en
retournerai. J'irai retrouver ma mere ma
pauvre mere qui avoit mis toutes fes
espérances en vous.
S.* A L B I N
Mon oncle.
LE COMMANDEUR.
Je ne veux ni vous voir, ni vous en-
tendre.
LEPERE DEFAMILLE,S/ALBIN,
M/LE BON,
( ~Z ~72~/2f autour de ~z).
Mon frere Monfieur le Comman-
deur. Mon oncle.
LE PERE DE FAMILLE.
C'e~i votre niéce.
LE COMMANDEUR.
Qu'e~-elle venue faire ici ?
LE PERE DE FAMILLE
C'en: votre fang.
LE COMMANDEUR.
J'en ïuis auez récite.
LE
<)
PEREJpE
t~- FAMILLE.
C
Ils portent votre
nom.
LE COMMANDEUR.
C'eA ce qui
me déïble.
LE PERE DE FAMILLE
(~M~7M~
Voyez~aO~ntJes
fuSent vains? parens qui n'en
LE COMMANDEUR
Elle n a rien je
vous en avertis-
S/ ALBïN. wv
Elle a tout.
LE PERE
DE FAMïLLE.

(~).
Ils s'aiment.
LE COMMANDEUR

Vous la voulez
pour votre nl!e
LE PERE DC FAMILLE.
Ils s aiment.

r
L~ COMMANDEUR
(à Sailll-AI6in).
r Tu la veux
pour ta ~mme~
S.<ALBIN.
~je la
la veuxj
(~4)
LE COMMANDEUR.
M l~f A 1
Aye-la j'y conféns auûi-bien je n'y
confentirois' pas qu'il n'en feroit ni plus ni
moins. <
(cMjP~y~).
Mais c'e~: à une condition.
S.t A L B l N
( ~<?z?~).
Ah, Sophie nous ne ferons plus fé.
parés.
LE PEtLE DE FAMILLE.
Mon frere grace' entière. Point de
condition.
LE COMMANDEUR.
Non. Il faut que vous me faniez ju~icc
de votre fille & de cet homme-là.
S.'ALBIN.
JuAice Et de quoi ? Qu'ont-ils fait?
Mon pete~ c'efi à vous-même que j'en
appelle.
LE PERE DE FAMILLE~
Cécile penfe & fent. Elle a l'ame dé-
licate. Elle fe dira ce qu'elle a dû me pa-
roître pendant un infant. Je n~oûterat
rien à fon propre reproche.
Germeuil. je- vous pardonne. Mon
eAime & mon amitié
vous feront confer.
vées mes bienfaits vous fuivront
3 mais. par-
tout
(6~~? ~?~ 6. C~
regarde ~).
LE COMMANDEUR.
Encore pafïë.
M.~ C L A I R E T.
Mon tour va venir. Allons
préparer
nos paquets.
( Elle fort).
S.~ALBINT
(a~/07!).
Mon pere écoutez-moi. Germemf;
demeurez. C'eâ lui qui
vous a confërvé
votre fils. Sans lui vous n'en auriez plus.
Qu'allois je devenir r.. CM
lui qui m'a
conïervé Sophie. Menacée
par moi,
menacée par mon oncle, c'eA Germeuil,
c'eft ma fœur, qui ront fauvée
Ils
n'avoient qu'un infiant.Elle a'avoit
qu'un
<<yte. Ils l'ont dérobée à ma violence~
Lei punirez-vous de ma faute?. Cécile.
venez. Il faut néchir le meilleur des pères.
( 7/ a/M~c~y~r aux pieds ~~yz
J~ avec elle ).
LE PERE DE FAMILLE.
g'

Ma ~Hc, je vous ai pardonne, que m~


demandez-vous ?
S.* ALBIN.
D'apurer pour jamais fon bonheur le
<oien &: le vôtre. Cécile. Germeuil
Ils s'aiment, ils s'adorent. Mon
pere
Mvrez-vous à toute votre bonté. Que
ce
}our foit le plus beau jour de notre vie~
( M~f Germeuil, il appelle ~~M)~
Germeuit, Sophie. Venez venez.
.AUons tous
nous jetter aux pieds de mon
pere.
S o P H ïE
(~/< auffi aux pieds du ~jp~&
~o/zt elle ne m~M~~
~<zyc~),
Mon<l€Ur~
LE PERE DE F~ FAMILLE
(~/W2C~ S

relevant).
Mes enfans Mes enfans Cécile
vous aimez Germeui! ?
LE COMMANDEUR.
Et ne vous en ai-je
pas averti?
CÉCILE.
Mon pere pardonnez-moi.
LE PERE DE FAMILLE.
Pourquoi me l'avoir celé? Mes enfans,
vous ne connoiûëz pas votre
Germeuil approchez. Vos réferves
pere
m'ont
a~igé mais je
vous ai regardé de tout
tems comme mon Second fils. Je
avois deAiné ma fille. Quelle foit
vous
la plus
avec
vous heureufe des femmes.
LE COMMANDEUR.
Fort bien. Voilà le comble. J'ai
river de loin cette vu ar<
extravagance; mais il
étoit dit qu'eUe fe feroit malgré
moi, &
Dieu merci, la voilà faite.
Soyons tous
~ien joyeux;
nous ne nous reverrons plus.
t t~PERE DE FAMILLE.
LE
Vous vous trompez Monfieur le Co~
mandeur.
S/ÂLBINt
L B I N~81
Mon oncle.
LE COMMANDEUR.
Retire-toi. Je voue à ta ~ceur la haine
la mieux conditionnée; & toi,
tu aurou
cent enfans que je n'en nommerai pas un.
Adieu.
(Z~).
LE PEKE DE FAMILLE.
Allons mes enfans. Voyons qui de
nous fçaura le mieux réparer les peines
qu'il a cauices.
S.t A L B i N.
Mon pere, ma fœur, mon ami, je
vous
ai tous a~igés. Mais voyez-la &
accu.
~ëz-moi, fi vous pouvez.
LE PERE DE FAMILLE.
Allons, mes enfans. Monteur le Bon,
amenez mes pupilles. Madame Hébert,
j'aurai foin de vous. Soyons tous heureux.
(~ ~o~p~).
Ma fille votre bonheur fera déformais
~occupation la plus douce de mon nl~
Apprenez-lui à votre tour à calmer les
emportemens d'un caractère trop violent.
Qu'il fçache qu'on ne peut être heureux,
quand on abandonne fon fort à fes paf-
fions. Que votre ~buminion,
votre dou-
ceur, votre patience toutes les vertus
que vous nous avez montrées en ce jour,
foient à jamais le modele de fa conduite
& l'objet de fa plus tendre eilime
S/ ALBIN
(a~c T~czfe).
Ah oui, mon papa.
LE PERE DE FAMILLE
1 ( C<?/77MM/).
1
Mon fils mon cher fils Qu'il
me tar-
doit de vous appeller de
ce nom.
( Ici Cécile la main de fon pere).
Vous ferez des jours heureux à
ma fille.
J'efpere que vous n'en pafferez
avec elle
aucun qui ne le fbit. Je ferai fi je puis,
le bonheur de tous. Sophie, il faut
ap-
peller ici votre mere
vos freres. Mes en-
fans, vous allez faire
aux pieds des autels
le ferment de
vous aimer toûjours. Vous
ne fçauriez en avoir trop de témoins.
Approchez mes enfans. Venez Ger~
meuit. Venez, Sophie.
(Il M/~ quatre enfans, 6' ~~)
Une belle femme un homme de bien,
font les deux êtres les plus touchans
de la
nature. Donnez deux fois en un même
jour, ce ~pe~acle aux hommes. Mes
enfans que le Ciel
vous bëninc, comme
je vous bénis!

pour
Le jour qui
~).
(7~/2~. mains fur eux, & ils s'inclinent
vous unira, fera le jour )e
plus iolemnel de
votre vie. Puiue-t.H être
auni le plus fortune Allons,
fans. mes en-
~Oh qu'il e~ cruel.
(~
d~tre pere

conduit fes
qu'il eft doux

Pere de Famille

autour de fon ami Germeuil;


Af~Z~f
<~2/~ <& tous
marquent le ~o/-f joie ).
Fin du ~M<? dernier
10"'
DE t. A

'OÊSIE DRAMATIQUE.
a

MON
AMI MONSIEUR GRIMM.
S 0MM
ÎRË. À
6~
Ï.y\~
De
Z~
~R~M~rz~
Z~ l hab~tnd ~M. 7)~
<
dcs ptupl~s. Des limites dt
~0~
les autres du tuns.
.y~?~M~w~~M. pg
genres:

DE Z~ COMÉDIE .C~. ~j~~


~<
11. `

litEs du poëte
en ce ~w<. o~M. ~~o~.
~~y~M
M~ CO~M ~0~~ ~~MSC
un peuple corrompu. De ~Myc~~
Généreux. Pe rAoM~.
Le ~ug6,
~o~ <Faux.

~o~ ~<
ouvrage dramatique. De la nature
J:~
e~

maine. Z)M~~<M/<. ~J~M~ ~M ~M,


~o~~Mf,
~0~~les
~C/M!~
~j ~ï. ~e
~?<M~M.
C<w< J9M.~ c~~M
M&~

ÎIÎ. 2)' SORTE DE ~A~Jtf~~OR~j


-,e

Ses
avantages. ~~M~.
<<M~~M/M.
IV. ~'r~ ~AM M 2~3~ ~jy~~
~Mf~.
Drame. Du Drame ~c~

V.
mort de

~~A~JM~.MJM~Z~~r~y~~
~y/
Socrate,

JW~~
Z~
co~~o~ Le Drame
pourquoi.
la-fois. ~M~Andrienne
tontimorumenos. 0~
Père de F~m~îe. Inconvénient des incidens
deux intri,ues 4-
6-Eau~

VI. Du ~jtf~ BURLESQUE.


~M <S. de fon ~M~ Il
D'Arillophane.
Il
Z' donné à

De
général.

VII. Du ~z~zoc~. Quel


7r~ ~7, ET DU
Des
~~r un plan.
Z~ 6- le dialogue ~j~~ pour
bien dialo-

4'
guer. ~~v
mains
mais les M~~ ftant donnis, les difcours
uns. Il y «~
ordonnées.
bien
que
~<
M~. Z~
/<M~M~O~M.
<WM~; <&<

3.
~< z~z~
VIII. 7~
~~< ~~M. ~'AnAote
J~~
~j /'< d'un
~'Morace

M~~<.
~'Ar~ote.
Boileau.

Moyen de la d'en forti,


les incidens.
4~
42
7~c7j9~
IX. DES w; Du
Molière Racine cités. Des
De
0~?~. Réponfi. Térence 6- Mo-
liere cités. Des fils tendus
liere
46
4~
X. Du PLAN DE LA
PLAN DE 2~ Co~fjDjjp, Q~
r~c~~ ET z?y
? Trois ordres de ~~j. Le comique
créateur dans fon
~~<ï~ à /<M~
Son La p~
plus utilement P~-
ture. Du merveilleux. Imitation de la /M~c~M~
la co~~M~ ~c~~ ~~c~M<r~. Z~~
~~M~M~. Z~
l'illufion. Z~ y~ ~MM~M. j~e
CC~?~ Du
~MMf~
.DM/7M du Roman. Télémaquc c~.
~~J d'invention. De la Tragédie
T~
~H~
6'
~/&M<
~{~Mr.
~M/~M~~
De /o/
r
Du P~/<~A<:
~<M~«~~ dans le
p~
Po~. Ils font
M~f.
~<&/M~.
Il M~
Imagination
f/o.
Racheter

M~~o~
~MW~
Z~MM. Faire la
6- ta ~~M~/C~ la
~<f
par des chofes MNMM~. Z~

<&
~ï<-< <yc~ les M/t~~y~r les autres. O~~o~.
~o~. Du Pere de Famille. De l'Ami fincere
.de GoMont. Du Fils Nature!.
aux cr~
~<~ Fils Naturel. De ~K~. la /M.
~c M~
K~f/ </r«~<M~o< ~M
~M anciens. De la

~P~CMM~ traduits,
d'Homere.

y~

Xh ~z~rÂRjFr.
J~M-/7/w~ <w
~r~~y~
/or~?M
~wr dans
~M MM~W~~ K~ ~ZM
~~r <& Z~re ~phigénie en Taunde 6' de
B~haan!cu$. JL<<~ Ils r~~a~~t /Mc~-
~r~.
~H~y~M~Té~nce.De /M
Pere de Fa mille
aMao/~

/e ~t~
~KM. M~ ~a~ <Mcrc~-

~7~ ~<M.
~cw. A<M~< <~
6* ceUx

~pe~ateur
o~~
art
2~w w<~ ~~fM
~M 6*
4~?~M/
M~. MoHcre
du P~~
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o-
~o~zrz~ Q~M
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X!I. Z)~
~? ~/t~ Co/M~c. jP~j Tr.?~ y~.
MM/O~ ? 0~
du ~O~~r 0~ CM! Il /orfC dc
/<W
AO~~
C~ /Mf ~~0~ C<M/ï
~P~&~M yM'~Mf
6'
A~ MMK~M. Z)~ ~<f~M. <.c.

~c ~fM~~ /o~d pas


~~MCM~W~Ïf.
91i
X!H. Z~ C~A~cr~j! 7~~
MTM~
Du
<co~~
/<ïM/Z~ 6- les M~
M~~y~ ~~r~ ~~<
M/Z

co~ ~<-w/
Zc <WMr~ M
M~f~ ~M~ ~~j
~/a<

7/
droit ~~y~
y~
MTï </n!~ r~
au ro~ï~ Il
~M~ ~~o~
~~r ~07!
~)~ ~Myo~
Mtfantrope de Molière des

/~j/
Adctphes de Térence. Z?~7M co~r~?~
~~j <S. plus ~M~.
Il a ~aM~ dans la Tr~<{~<. Cor-
aellle Plaute, Molière Térence citEs. Le co/z-
<r<t/?< ~y~Mt/K~M des images < /<y< yM< me
c'
plaife. Ce que Exemples tirés ~'Homère,
Lucrece, d'Horace, ~'Anacréon, Catulle,
~'m~oire naturelle, rE(prit. D'un tableau du
Pouffin. Du co~?< par la vertu. Du eo~r~
par le vice. Co~fr~ rM/. Contrafle feint. Les an.
<'M7M n'ont pas connu le C0/ï~r~/?<. 106

XIV. DE z~ Df~j~io~ joE z'~crio~


ET DES ~cr~ Z?e~H~MM~/M«~MtJ
~~M<«ro~ ou être annoncé; f<~r<r~y/<t~
ne; CO~r/M <Ï&~ à-peu-près de la même /0/Ï~<M.
Exemples du contraire. ï0)

XV. DES ENTRACTES. Ce que c'~?. QM~ M


<~ loi. L'aclion ne ~r~M~~ même dans ~M-
tracle. Chaque <
d'une picce bien faite ~OMfro«
D~~c~~y~
avoir un titre. P~e~M
portant là-defus. Exemple. ~<: ee/c~ i !7

~c~
quand
XVI. DES
il entre. Z.< ~b~yo/t~~M~,
d'après /«~M<!MM
de ceux qu'il aborde. Oublier le talent de /w.
Z?C/~M< des modernes danslequelfont «M~ tombés
les anciens. Des fcènes pantomimes. Des ~7!~
~rA~. Des y~~M ~~Mo~~M
~M~j. ~M~M ~~M. ~y~
Du

De
~<M
My~

XVII.
~2w~. ~<
Du
6- M
r«rM

TON.

Po~.
C~~
y~~
<
CMy<M.

~p~
difcours M p~
Combien
/M~ De
confondrelepoîte
<& /M
yMt. Z~~Mce d'un ~~< ~M~yc~ Z~M~-
Corneille <S.~ Racine co~
Da la ~M~/M.
tes
L'Eunuque cité.
/o~M
~<~M~. Z~M
Z~
Dialogue de Moliere. Les Femmes Sçavan-
/<: Tartufe cités. Du ~/o~ Térence.

Fils nature! du Pere de


Fam!!ïe. ~M~
~~y.~ ~~f~.
Dufoible 6'~r~ Térence
Des

~r~
Des Daves.
~<. <MC~M des ~J~ g
z)~co~<~7~
DM

xvnr.
Mc~. Des ~<M De
~~<~c~. Des ~a'~ y~
y~~M~W. De la Co/Kc~ ~M~ un état ~o~Mrc~
que. Inconvénient. De la
Pp~ P~M eAjM
peuple efclave €' avili. ~M ~au~ ~o~~
Des ~0! anciennes. De la nature propre <t /<t
~~a/ï~
~o~. Des tems qui ~/z~o/ï<:<'yxf la

~<o~M. TérenMCi~.
Po~M. JPM ~M. De l'art

de l'incertitude du goût.
J~~&~r les ~MM~
C!~<
ï
XIX. 7~ f.~ Z~~cûA~rTC~. ~p~7<
/<~c/M tel qu'il De la peintura
Deux /M ne ~M~<~f <i-M/< montrer <!W
un égal <ïy~/ïM~. Du Drame ï

XX. jP~~ ~rJEMF~. jD~ ~«MMM


/~c~. De la /M~o/z /'0rphehn dett
~M

Chine. Z~M~
y~</M~
~P<re de Faaulie
à (~~)!
leur jO~OMM M~<
~~C nos /<W~. 1

XXI. ~~T~J~T~JE. Du <~


Comédiens Italiens. O~o~. ~~o~. Du jar
~~w~M~~y/o~ ~M~M ~~Tï~
~~Y~ :P~MM~~~~M. Z«t/?/M~
~4~.
~ïMc jppr~o~ M~~M~~
y~ jM~H/M~. ~M~ j~et~M~
~w, ~j~<~
~~<M~
? Tere~
~<~1~
~M, Ire.
~<. '°'~
~o~f~jp/e~ Tr~ ~~B~!<W~~
~r~M~. Endroits anciens ~o~M o~M~
~M~MM ? La pantomime partie
importante
J~oMM. Richardfon ~<. ~/ïe ~'Ore~e 6*
Pilade avec fa pantomime. Mort de Socrate
~<ï<c/M~. Loix de la compofition co/M/MM-
aM~ Peinture & à /o~ dramatique. 2?~CM/-
/'<!<KM
lion. ~~P0~/<.
nous.
t~
/AM~~ ~yo~ cepoint de y~. o~/<c-
la pantomimeécrite, pour
~?.~ ~M< la pantomime ? Q~?-~ JM
pdte qui /<tM~~ ? Q~-M qu'il dit au
<e~M ? Il
~M~. ~g
XXII. Z~ ~~rE~A~ ~r DES CRfrf-
~~E~. Critiques comparés à certains A<?~~M~<
M~t <! une efpece imbécille. ~t/ï~~
~MMW. ~t~M Critique. Plaintes
des aMfw. ~~e public. Critique des vivansè
Critique morts. Ze~c~ ~yo~< Mifan-
trope, confolation des auteurs malheureux. L'au.
C~~<
leur ~? le meilleur ouvrage.Auteurs
~c~M~C<~7~
6' Critiques ni Ao/M~M~/M
JP~MM ~~<~ aux ~f~~
JE*& aux
~M~ /<< ~o~/K ~'Ari~e. Soliloque ~'An~e~
& y~ /< bon 6' /< bfau. ~C~~y~
Fo~C <~M~M.
tQ~
DE LA
POESIE DRAMATIQUE
7

.A MONSIEUR GRIMM.

~-< cotis <M~~

Horat.
valet,

1 un Peuple n'avoit jamais qu'un


eu
genre de Spe~acle plaifant & gai
& qu'on lui en proposât
un autre férieux
& touchant, <çauriez.vous,
mon ami, ce
qu'il en pen~eroit Je
me trompe fort
ou les homme, de fens après
en avoir
conçu la pombilitë ne manqueroient
pas de dire A quoi bon ce genre? La
vie ne nous apporte t elle
pas alfez de
peines réelles fans qu'on
nous en raHë
encore d'imaginaires ? Pourquoi donner
entrée à la truteiÏe )u~ques dans
femens ? Ils parleroient
nos amu-
comme des gens
étrangers au p!ainr de s attendrir
de
répandre des larmes.
L'habitude nous captive. Un homme
a-t-il paru avec une étincelle de génie
a-t-il produit quelque ouvrage ? D'abord
il étonne & partage les efprits peu-à-peu
il les réunit bien-tôt il eft ~uivi d'une
foule d'imitateurs les modeles fe multi-
plient on accumule les obfervations on
pofe des règles; l'Art naît; on fixe ïes
limites, c~ l'on prononce que tout ce qui
n'e~ pas compris dans l'enceinte étroite
qu'on a tracée eft bifarre & mauvais ce
font les colonnes d'Hercule on n'irà
y
point au-delà ians s'égarer.
Mais rien ne prévaut contre le vrai. Le
mauvais pane malgré l'éloge de l'imbécil-
lité, & le bon re~e malgré l'indéciuon de
l'ignorance ë~ la clameur de l'envie. Ce
qu'il y a de fîtcheux, c'eA que les hommes
n'obtiennent ~uâice que quand ils ne font
plus. Ce n'cit qu'après qu'en a tourmenté
leur vie, qu'on jette fur leurs tombeaux
quelques fleurs inodores. Que faire donc?
Se repofer ou ~ubir une loi à laquelle de
meilleurs que nous ont été foûmis. Malheur
la
s occupe,
Source de fes
~a:t n~ n~
in~an$ ~!u~~x.
ne ~icpas (ë
conten~r~e~u tira-
nombre des bo~ juges e~
ges. Le nomfi
Omon ami. ior~e
b~
~u~p~j.~
que chofe que ce, ïbit
{~au~ ~n d~
~e idée phiIo~Mque,
~o~
de morale ou de littérature, c~~mon~
prit fe délane par la var~ë,
voir. Si ma préfence
j~~
ne vou~ gène ~s~

u`~:
6ypus venez à moi d~ûn a~r
Mndra~ ~an~impatience
quitë, ~e le ~msamene.tp~ou~
~pptecië mojLou~vrag~
~S'U exiAe
un
~t~~t-
que Ie.tcms <Se~

genre ,~eAdi~ci~4~
trodu~t r
troduit:Poutre ° b
introduire un nouveau. Celui-ci e~-i~
~autre pr~ug~~ bien.tpt,ou.i~a~
gtnequelesdeurgenre~~pt~~ntvo~
~ns&: retouchent.
Zenon niqitla,.rë~ëdu.mouveme~
~pur.toute rëpon~, ~n adversaire
m~
~marcher &: quan~H.nauroit fait
hpite~ ii eue toujours
~p~du. que
Jaieiïayë.dedo~~Fdans jF~ .A~
ndée d'an drame qui tût entre la
comédie & la tragédie.
Le J~<! 7~~ que je promis alors
&: que des di~ràc~ions continuelles ont
tetardé. eH: entre le genre (érieux du ~f
~< 8e la comédie.
Et H jamais j'en ai le loiur 8c le'cou-
~e Je ne déïefpëre pas de composer
M drame qui fc place entre le genre ~e-
në~i~ la tragédie.
Qtfon reconnoiHe à ces ouvrages quel.
q~e mérite ou qu'on ne leur en ac'
~orde aucun ~~sn~en démontreront pas
ïnoins que rinterva~e que j'appercevoM
~tre les deux genres établis n'étoit pas
chimérique.
"Voici donc le ~éme dramatique dans
Youte ton étendue. TLà Comédie gaie qui
a pour objet le ridicule Se le vice. La
-Comédie (érieu~e qui a ~ur objet la vertu
les devoirs de Thomme. La Tragédie
qui auroit pour objet nos malheurs démet
tiques. La Tragédie qui a pour objet les
catastrophes publiques &: les malheurs des
grands.
7
Mais qui e&-ce:auin<
qui 1
nous peindra ~brte~
ment les devoirs des hommes? Quelles
feront les qualités du Poëte qui fe
propo-
fera cette tâche ?
Qu'il foit philofophe, qu'il ait descendu
en lui même, qu'il y ait vu la nature hu.
maine, qu'il foit profondément inAruit
des états de la Société qu'il
en con-
noifle bien les fonctions & le poids les
inconvéniens & les avantages.
«Mais comment renfermer dans les
bornes étroites d'un drame tout
ce qui
appartient à la condition d'un homme
Où eu: l'intrigue qui puiffe embraHer
» cet objet ? On fera dans ce genre de ces
» pieces que nous appelions à tiroir des
fcènes épifodiques fuccéderont à des fcè-
nés épifodiques & découfues ou tout
au plus liées par une petite intrigue qui
ferpentera entr'elles: mais plus d'unité
» peu d'action, point d'intérêt. Chaque
fcène réunira les deux points fi recomr
» mandés par Horace mais il n'y aura
.~pbmt d'ensemble &r le tout fera fans
~jconufience & fans énergie
Si les conditions des hommes nous four.
niffent des pieces telles par exemple
que
-tes j~c~~de Moliere, c'e~ déjà quel.
que chofe mais je crois qu'on en peut tirer
un meii~ur parti. Les obligations & les
inconvéniens d'un état ne font pas tous
de la même importance. Il me femble
qu'on peut s'attacher aux principaux
en
faire la ba~e de fon ouvrage & jetter le

fuis propofé dans !e~


reAe dans les détails. C'eft
ce que je me
Famille où
i'ëtablinement du Fils & de la Fille font
mes deux grands pivots. La fortune, la
nainance, l'éducation les devoirs des
pe.
res envers leurs enfans & des enfans en-
vers leurs parens, le mariage le célibat,
tout ce qui tient à l'état d'un pere de fa.
mille, vient amené par le dialogue. Qu'un
autre entre dans la carriere qu'il ait le
talent qui me manque c~ vous verrez
çe
que fon drame deviendra.
Ce qu'on objecte contre ce genre; ne
'e cont
prouve qu'une chofe c'eft qu'il eft dim~
cile à manier que ce ne peut être l'ou-
vrage d'un enfant, & qu'il ~uppofe plus
d'art, de connoiuances, de gravité & de
force d'efprit, qu'on n'en a communément
quand on fe livre au théâtre.
Pour bien juger d'une production il
ne faut pas la rapporter à une autre pro-
duction. Ce fut ainfi qu'un de nos premiers
Critiques fe trompa. Il dit les Anciens
n'ont point eu d'Opéra donc l'Opéra e~:
un mauvais genre. Plus circonspect ou
plus instruit il eût dit peut-être les An-
ciens n'avoient qu'un Opéra, donc noire
Tragédie n~eA pas bonne. Meilleur Lo-
gicien, il n'eût fait ni l'un ni l'autre rai-
sonnement. Qu'il y ait ou non des mo-
deles fubd~ans, il n'importe. Il e~ une re-
gle antérieure à tout, & la raifon poéti-
que étoit qu'il n'y avoit point encore de
poètes: fans cela, comment auroit-on
jugé le premier poëme ? Fut-il bon parce
qu'il plut ? ou plut-il parce qu'il étoit bon
Les devoirs des hommes
hnrn font un ibnd
aum riche pour le Poëte dramatique,
leurs ridicules & leurs vices & les Piecesque
honnêtes & férieufes réuniront
par-tout,>
mais plus sûrement encore chez
un peu.
p!e corrompu, qu'ailleurs. C'e~t allant
en
au Théatre qu'ils fe fauveront de la
com-
pagnie des méchans dont ils font
entou-
rés cM.Ià qu'ils trouveront ceux
lesquels ils aimeroient à vivre avec
c'e~Ià
~'i!s verront iefpece humaine comme elle
€~ & qu'ils fe reconcilieront
avec elle.
Les gens de bien font rares
mais il y en
a. Celui qui penfe autrement, s'accufe lui.
même, & montre combien il e~t malheu-
reux dans fa femme, dans fes parens, dans
~es amis, dans fes connoiHances.
Quel-
qu'un me difoit un jour
après la lec-
ture d'un ouvrage honnête qui l'avoit dé-
licieusement occupé il
me femble que
je fuis reïië feul. L'ouvrage mëritoit
e~oge
cet
mais fes amis ne méritoient
pas
cette Satyre.
Ce~ toujours la vertu & les
gens ver-
tueux qu'il faut avoir en vûe quand on
écrit. C'eft vous, mon ami,
que j'évo-
que quand je prens la plume c'eA
j'ai devant vous
que les yeux quand j'agis. C'eft
à Sophie que je
veux plaire. Si vous m'a-
vez fouri ri elle a verfé une larme, fi
vous m'en aimez tous les deux davanta-
ge, je fuis récompenfé.
Lorfque j'entendis les fcènes du Payfan
dans le Faux-Généreux, je dis
voilà qui
plaira à toute la terre ce dans
tous les
tems voilà qui fera fondre
en larmes.
L'effet a connrmc
mon jugement. Cet
<~de e~t tout-a~it dans le
genre hon-
néte & Sérieux.

« L'exemple d'un épi~de heureux


ne
» prou veren, dira-t-on. Et fi vous ne rom-
pez le difcours monotone de la vertu
» par le fracas de quelques caractères ri-
» dicules & même un peu forcés,
comme
tous les autres ont fait quoi que vous
~dinez du genre honnête & fëricux,
je craindrai toujours
que vous n'en ti-
» riez que des fcènes froides & fans
cou-
(.0)
leur, de !a morale ennuyeufe & trîn:e,
Se des efpeces de fermons dialogués
Parcourons les parties d'un drame &
voyons. E~-ce par le ~ujet qu'il en faut ju.
ger ? Dans le genre honnête & Sérieux le
fujet n'en: pas moins important que dans
la comédie gaie & il y eft traité d'une
manière plus vraie. EA-ce par les carabe.
res ? Ils y peuvent être auffi divers & au~
originaux, & le Poëte eft contraint de
les deffincr encore plus fortement. En-ce
par les panions ? Elles s'y montreront d'au-
tant plus énergiques~ que l'intérêt fera
plus grand. En: ce par le nyle ? Il y fera
plus nerveux plus grave plus élevé,
plus violent, plus fufceptible de ce que
nous appelions le fentiment qualité fans
laquelle aucun ilyle ne parle au cœur. E~'
ce par l'abfence du ridicule ? Comme fi la
folie des actions & des difcours lorfqu'ils
~nc mggérés par un intérêt mal-entendu,
ou par le transport de la paiïion, n'étoit
pas le vrai ridicule des hommes &: de la
vie.
J'en appelle auxc beaux
beaux <endroits de Te-
rence & je demande dans quel
genre
font écrites ics fcènes de Peres & d'A-
mans ?
Si dans le Pere de Famille je n'ai
pas
1 ~û répondre à l'importancede
mon fujet;
fi la marche en eft froide, les pallions
dif~
coureufes & moralises fi les caraâe-
res du Pere de ton Fils, de Sophie du
Commandeur, de Germeuil c~ de Cécile
manquent de vigueur comique fera-ce
la faute du genre
ou la mienne ?
Que quelqu'un fe propofe de
mettre
fur la fcene la condition du Juge
qu'il
intrigue fon fujet d'une manière auHi in-
téreuante qu'il le comporte &
que je le
conçois que l'homme foit forcé les
y par
fonélions de fon état
ou de manquer à
la dignité & à la fainteté de fon
minière,
& de fe deshonorer
aux yeux des autres
& aux fiens ou de s'immoler lui-même
dans fes païlions fes goûts,
fa fortune
fa naiffance fa femme c~ fes
enfans &
l'on prononcera après l'on veut, que
le drame honnête oc fërieux eft fans cha-
leur, fans couleur & fans force.
Une manière de me décider qui m'a
fouvent réufu, & à laquelle je reviens tou.
tes les fois que l'habitude ou la nouveauté
rend mon jugement incertain car l'une
& l'autre produif~nt cet effet c'en: de fai<
~r par la penfée les objets, de les tranfpor.
ter de la nature fur la toile, & de les exa'
miner à cette diflance où ils ne font ni
trop près ni trop loin de moi.
Appliquons ici ce moyen. Prenons deux
Comédies, l'une dans le genre férieux, &
l'autre dans le genre gai formons-en, fce-
ne à fcène deux galeries de tableaux &
voyons celle où nous nous promènerons
le plus long-tems & le plus volontiers, où
nous éprouverons les tentations les p!ns
fortes & les plus agréables, & où nous fe-
rons le plus preues de retourner.
Je le répète donc l'honnête, l'hon-
néte. Il nous touche d'une manière plus
intime &: plus douce que ce qui excite
notre mépris & nos ris. Poëte y étes-vou&
(ënuMe & dél!cat? pincez cette corde, ~c
vous l'entendrez refonner ou frémir dans
toutes les ames.
« La nature humaine eft donc bonne ?
Oui, mon ami, & très-bonne. L'eau
l'air, la terre, le feu, tout e~ bon dans la
nature & l'ouragan qui s'élève fur la fin
de l'automne, fecoue les forêts & frap-
pant les arbres les uns contre les. autres
en brifë & fépare les branches mortes
& la tempête qui bat les eaux de la mer
& les purifie & le vo!can qui verfe de
fon flanc entrouvert des flots de matieres
embrafées & porte dans l'air la vapeur
qui le nettoye.
Ce font les miférables conventions qui
pervertitfent l'homme, & non la nature hu-
maine, qu'il faut accufer. En effet, quef~
ce qui nous anec~e comme le récit d'une
action généreuse ? Où e~ le malheureux
qui puiûc ccouter froidement la plainte
d'un homme de bien ?
Le parterre de la Comédie e~ le feul
endroit où les larmes de l'homme vertueux
du méchant fo yent confondues. U, le
méchant s'irrite contre des injustices qu'~
auroit commîtes, compatit à des maux
qu'il auroit occanonnés & s'indigne
con.
tre un homme de fon propre caraderet
Mais l'impre~Eon eft reçue elle demeure
en nous ? malgré nous & le méchant fort
de fa loge moins difpoté araire lemalquje
s'il eût été gourmandé par un orateur fé.
vere & dur.
Le Poète y le Romancier, le Comédiett
vont au cœur d'une maniere détournée
& en frappent d'autant plus ~rementt f&
plus fortement Fame~qu'eUe s'étend &
s'onre d'elle-même au coup. Les peines
fur lesquelles ils m'attendriffent font ima.
gmaires d'accord mais ils m'attendrie
fent. Chaque ligne de lHomme de qualité
7~~ monde du Doyen de ~~jr~<.
& de Cléveland'excite en moi un mou..
vement d'intérêt fur les malheurs de la
vertu & me coûte des larmes. Quel art
feroit plus runefie que celui qui
me ren~
droit complice du vicieux? Mais auiK
quel art plus précieux que ceMqu! n~
tache imperceptiblement au~brtderhom~.
me de bien qui me tire de la ~tuadoa
tranquille & douce dont je. ~ouM pour
me promener avec lui m'enfoncer dans
les cavernes où il fe réfugie, &: m'a~ocier
à toutes les traverfes par !e~queï!cyH p!a!t
au Poëte d'éprouver fa con~-ancé.
0 quel bien il en reviendroit aux
hommes fi tous les arcs d'imitation ie
propofoient un objet commun &: concou-
roient un jour avec les !oix pour nous faire
t
aimer la vertu & haïr k vice C~au PHiI
lofophe à les y it~viter c'e~M à s~dre~.
fer au Poète au Peintre, au Muncienyc~
à leur crier avec force Hommes de génie~
pourquoi le Ciel vous a.t-il doues? S'il en
e~ entendu ,bien~tôt les images de I<t débau~
che ne couvriront plus les murs d~bs paL
lais; nos voix ne feront plus des organes du
crime, &: legoût &: les moeurs gagneront
y
Croit-onen effet que Fa~~ion de deux époux
aveugles qui fë chercheroient encore dans
un âge avancer qui les paupièreshumides
des larmes de la tendreté, fe ferreroient
les mains & fe carefÏeroient,
pour ainfi
dire, au bord du tombeau, demanderoit
ne
pas le même talent & ne m'intére~eroit
pas davantage que le Spectacle des plai.
tirs violens dont leurs fens
tout nouveaux
s'enyvroient dans l'adolefcence ?
Quelquefois j'ai penfé qu'on difcuteroit
au théâtre les points de Morale les plus
importans & cela fans nuire à la
marche
Violente & rapide de Faction dramatique.
De quoi s'agiroit-il en effet ? De di~po.
fer le poëme de maniere
que les chofes y fui:
fent amenées comme l'abdication
de rem.
pire M dans Cinna. Cdt ainfi qu'un
Poëte agiteroit la queflion du fuicide
de
l'honneur du duel, de la fortune,
des di.
ghités, & cent autres. Nos Poëmes
prendroient une gravité qu'ils n'ont en
Si une telle fcène e~t néceffaire fi pas.
elle
tient au fond fi elle e~t annoncée &
le Spectateur la de~re il donnera que
fon attention, &: il feraybien toute
en autrement
aSecié que de ces petites fentences
a!am-
biquées
s.t'
Ce ne <ont pas des
r~erduthëarre,Lp~ mots que je veux
qui prononcera d'un drame
dont on citera beaucoup de!
de penses
,.ëd.oc~
nchees, que c'eA
un ouvrage
e~
knt eft celui donr
ttms en mol'i
1-Le Poème
demeure iong.
S
0 Poètes dramanques J'app!aud,
~ntvra, que vous devez
d'obtenir,
ce n-e~ pas ce
~e~
vous propo~
de
~nsqu,&fa,tentendre&bitementapres
vers ec!atant, mais ce foupir profond
part de lame après
tacon~~e~
'ong~ence,& qui la routage, tte~u~
~monp)usv~n.enc~,&
SneX'
~~evrez, .vous e.s~s pour v::
tre Arc & n v.~ pref!entez toute )a
à agene. Alors les esprits feront
cria.nsaottans, éperdus, troubfés,
& vos
~eursteis que ceux qui dans ~trcmL
il n_
mens d'une partie f~tdu globe
Or!n voyent les
murs de leurs maifons vaciller, & fentent
la terre fe dérober fous leurs pieds.
eft une forte de drame où l'on prc~
&nteroit la Morale directement Se avec
fuccès. En voici un exemple. Ecoutez bien
ce que nos juges en diront & s'ils le trou-
vent froid croyez qu'ils n'ont ni énergie
dans rame, ni idée de la véritable élo.
quence, ni femibilité ni entrailles. Pour
moi, je penfe que l'homme de génie qui
s'en emparera, ne laiffera pas aux yeux le
tems de fe fëcher, & que nous lui devrons
le tpedacle le plus touchant & une des
levures les plus in~rucHves & les plus dé-
licieufës que nous puiffions faire. C'eft la
mort de Socrate.
La fcène eft dans une prifon. On y voit
le philofophe enchaîné & couché fur la
paille. Il eft endormi. Ses amis ont cor-
rompu fes gardes, & ils viennent dès la
pointe du jour lui annoncer fa délivrance.
Tout Athènes eA dans la rumeur, mais
j
l'homme jufte dort.
De l'innocence de ii
('9)
~~)~.
Ja v~. Qu'il e& doux
d'avoir bien vécu, lorfqu'on eft fur le poin~
de mourifï ~c~MM/
Socrate s'éveille; il apperçoit fes amis,
il eâ furpris de les voir fi matin.
Le fbnge de Socrate.
Ils lui apprennent ce qu'ils
ont exécuté;
il examine avec eux
ce qu'il lui convient,
de faire.
Du respect qu'on ~ë doit à fbi.meme~
& de la fainteté des Loix. ~cc/2~.
Les gardes arrivent on lui ôte fes chaî-
nes.
La fable fur la peine & fur le plainr.
Les juges entrent, & avec eux les
ac-
cufateurs de Socrate & la foule du peuple.
Il eâ accufé & il fe défend.
L'apologie. Scène f~K~.
Il faut ici s'afïujettir au coftumé il faut
qu'on lifë les accufations que Socrate in-
terpelle tes juges fes accufateurs & le
peuple qu~il les preflë qu'il les interro-
ge qu'il leur réponde. Il faut montrer la
chofe comme elle s'eft paHee, & le fpec-
~acie n'en fera que plus vrai plus frap.
pant, & plus beau.
Les juges fe retirent les amis de So.
crate fêlent ils ont preSIenti la condam-
nation. Socrate les entretient & les con-
fole.
De l'immortalité de rame. ~c~
~a-
~/72~.
Il eSt jugé. On lui annonce fa mort. II
voit fa femme & fes enfans. On lui ap-
porte la ciguë. Il meurt. Scène cinquieme.
Ce n'e~-là qu'un acte mais s'il eft bien
fait il aura prefque l'étendue d'une piece
ordinaire. Quelle éloquence ne demande.
t-il pas ? quelle profondeur de philofo-
phie quel naturel quelle vérité Si l'on
iaiht bien le caractère ferme fimple
tranquiUe, ferein & élevé du philofo-
phe, on éprouvera combien il eSt dim~
cile à peindre. A chaque inStant il doit
amener le ris fur le bord des levres & les
larmes aux yeux. Je mourrois content, fi
j'avois rempli cette lâche comme je la
conçois. Encore une fois fi les critiques
ne voyent là-dedans qu'un eneha}n.men<
de difcours philofophiques &
froids, o les
pauvres gens que je tes plains!
Pour moi, je fais plus de
cas d'une paf-
~on, d'un caractère qui fe d~etope
à peu & qui finit peu-
par fe montrer dans toute
&nenergie,quedecescombinaifbnsd'inci-
dens dont on forme le tiffu
d'une piece où
les perfonnages &les<peaate0rs
<bnt ésa-
l ~entbaHoté~ImefemblequeI.~
1
goût tes dédaigne & que les. grands ef-
fets ne s en accommodent
pas. Voità ce.
pendant ce
que nous appelons du mouve-
'"ent Les anciens en avoient
idée. Une conduite fimple, une autre
~e une acHon pri-
plus près de fa fin
dans 1 extrême, pour que tout fut
une catastrophe fans ceffe
~m.nente & toujours éloignée
circonflance fimple & vraie, par une
des di~
cours énergiques, des patHons fortes,
des
Mb~aux, un ou deux caraBeres
fermement
deffinés voilà
tout leur appareil. H n'ea
falloit pas davantage àSophodepourren-
verfer les efprits, Celui à
qui la leaure des.
anciens a déplu, ne I:.
fçaura jamais combien
notre Racine doit au vieil Homere.
N'avez-vous pas remarqué comme moi,
que quelque compliquée que fût une pie.
ce ) il n'eït presque perfonne qui n'en ren-
dit compte au fortir de la premiere repré-
fentation. On fe rappelle facilement les
ëvéncmens, mais non les difcours & les
cvénemens âne fois connus, la piece corn.
pliquée a perdu fon effet.
Si un ouvrage dramatique ne doit être
repréfenté qu'une fois & jamais imprimé,
je dirai au poëte compliquez tant qu'il
vous plaira vous agiterez, vous occupe.
rez durement mais foyez nmple, vous
voulez être lû & rester.
Une belle ~cènc contient plus d'idées
que tout un drame ne peut offrir d'inci.
~dens & c'ejtt fur les idées qu'on revient.
C'eit ce qu'on entend fans ~e la~ïer, c'e~
ce qui atEecte en tout tems. La fcène de Ro.
iand dans l'antre où attend en vain la
perMde Angélique le difcours de Lu~gnan
i fa fille celui de Clytcmne~re à Aga-
memnon me font toujours nouveaux.
Quand je permets de compliquer
tant
qu'on voudra, c'eit la même action. H eft
presque impoilible de conduire deux intri-
gues à.Ia-tbis fans que l'une n'intéreffe
aux dépens de l'autre. Combien j'en pour-
rois citer d'exemples modernes mais je
ne veux pas offenfer.
Qu'y a-t-il de plus adroit que la ma-
niere dont Térence a entrelacé les amours
de Pamphile & de Charinus dans l'An-
drienne ? Cependant l'a-t-il fait fans mcon<
vénient ? Au commencement du fecond
ade ne croiroit on
pas entrer dans une
autre piece? & le einquieme finit-il d'une
manière bien intéreflante ?
Celui qui s'engage à mener deux intri.
gues à la fois s'impofe la nëce~ité de les
dénouer dans un même infant. Si la prin-
cipale s'achève la premiere, celle quire~e
ne fe fupporte plus fi c'eft au contraire
l'intrigue épifodique qui abandonne la prin-
cipale, autre inconvénient des perfon-
nages ou dt~paroiflenc tout-à-coup, ou fe
-r
v
temontrent fans raifon
mutile ou fe refroidit,
& l'ouvrage ~c

Que deviendroit la piece que Térenc e


a intitulée r~z~o~M~ 2 ou
F~.
7?~/7z~ de lui-même fi par un effort de gé.
nie le poëte n'avoit fçu reprendre l'intri.
gué de Clinia qui fe termine au troine.
me ade 6c la renouer avec celle de CIj'
tiphon ?
Térence tranfporta l'intrigue de la Pé-
rinthienne de Ménandre dans l'Andrienne
du même poëte grec, &: de deux pieces
fimples il en fit une composée. Je fis le
contraire dans /c jF~ naturel. Goldoni avoit
fondu dans une farce en trois actes F~~
de Molière avec les caractères de F~M
Je féparai ces fujets, & je fis une pie.
<:e en cinq ades bonne ou mauvaise il
pli certain que j'eus raifon en ce point.
Térence prétend que pour avoir doublé
le fujet de l'Eaulontimorumenos, fa piece
eft nouvelle & j'y consens pour meil-
leure c'e~ autre chofe.
Si j'oibis me ïlater de quelque adreffe.
dans le Pere de ~M/rce feroit d'avoir
donné à Germeuil & à Cécile
une pa~ion
qu'ils ne peuvent s'avouer dans les
pre~
miers aâes, & de l'avoir tellement fubor.
donnée dans toute la piece à celle de Saint-
Albin pour Sophie,
que même après une
déclaration, Germeuil &: Cécile
ne peu-
vent s entretenir de leur pa~Hon, quoiqu'ils
fe retrouvent ensemble à
tout moment.
II n'y~ point de milieu: on perd tou-
jours d'un côté ce
que l'on gagne de l'au.
tre. Si vous obtenez de l'intérêt & de la
rapidité par des incidens multipliés,
n'aurez plus de difcours vous
vos perfonnage$
auront à peine le tems de parler ils agi-
ront au lieu de fe déveloper. J'en parle
par expérience,
On ne peut mettre
trop d'action & de
mouvement dans la Farce: qu'y diroit.on de
Supportable? Il
en faut moins dans la Co-
médie gaie, moins
encore dans la Comédie
~rieu~ prefque point dans la Tragédie.
Moins un genre eft vrai-fembliable plus
H e~t facile d'y être rapide & chaud.
On
M
à de !a chateur àux dépens de la vente
dès bienfëahces. La chofe la plus mauffa.
de,ce feroit un drame burlefque & froid.
'Dans les genres Sérieux, le choix des inci<
dens rend la chaleur difficile à conferver.
Cependant une Farce excellente n'e~
pas l'ouvrage d'un homme ordinaire. Elle
~Uppo~ë une gaieté originale les caractè-
res en font comme les grotefques de Ca.
lot, où les principaux traits dé 'la figure
humaine font confervés. II n'en: pas donné
à tout le monde d'e~ropier ainfi. Si l'on
croit qu'il y ait beaucoup plus d'hommes
capables de faire Pourceaugnac que le Af~
fantrope, on fe trompe.
Qu'e~~ce qu'Ari~ophane ? Un farceur
original. Un auteur de cette efpece doit
être précieux pour le Gouvernement, s'il
fçait i'employer.C'e~àlui qu'il faut aban-
donner tous les enthou~a~esqui troublent
de tems en tems la Société. Si oa les expofe
à la foire on n~en remplira pas les prifons.
Quoique le mouvement varie felon les
genres qu'on traite Faction marche ton-
jours. Elle ne s'arrête
~ta ~as
n~ même dans.les
entr'ac~es. C'eA une maûë qui fe détache
du Commet d'un rocher fa vîtene s'accroît
à-mefure qu'elle descend & elle bondit
d'efpace en espace par les oMades qu'-
elle rencontre.
Si cette comparaifon eft ju~e; s'il eft
vrai qu'il y ait d'autant moins de difcours
qu'il y a plus d'action on doit plus parler
qu'agir dans les premiers actes & plus
agir que parler dans les derniers.
EA-il plus difficile d'établir le plan
que
de dialoguer ? c'eft
une queftion que j'ai
Peuvent entendu agiter & il m'a toujours
femblé que chacun répondoit plûtôt felon
fon talent que felon la vérité de la chofe.
Un homme à qui le commerce du mon-
de e~ familier, qui parle avec aifance qui
connoît les hommes, qui les a étudiés,
écoutés, &: qui fçait écrire, trouve le plan1
difficile.
Un autre qui a de l'étendue dans l'e~.
prit, qui a médité l'art poëtique, qui con-
noit le tl~atrc~ à qui l'expérience & le
goût ont mdiqué les fituations qui mtëre~
lent, qui fçait combiner des événemens,
armera fbn plan avec affez de facili-
té mais les fcènes lui donneront de la
peine. Celui-ci fe contentera d'autant
moins de fon travail que ver~é dans les
meilleurs auteurs de fa langue & des lan-
gues anciennes, il ne peut s'empêcher de
-comparer ce qu~ fait à des chefs-d'œuvre
qui lui font préfens. S'agit il d'un récit ?
celui de l'Andrienne lui revient d'une
~cène de paHion ? l'Eunuque lui
en o~rim
dix pour une qui le déféreront.
Au refte, l'un &' l'autre font l'ouvrage
du génie mais le génie n'e~t
pas le mê-
me. C'e~t le plan qui foutient une piece
compliquée c'e~: l'art du difcours &: du
dialogue qui fait écouter &: lire une piece
Simple.
J'observerai pourtant qu'en général il
y
a plus de pieces bien dialoguées que de
pieces bien conduites. Le génie qui difpofe
les incidens, paro!t plus rare
que celui qui
trouve les vrais discours. Combien de bel-
les fcenes dans MolièreF On compte <e~
dénouemens heureux.
Les plans fe forment d'après l'Imagina-
tion les discours d'après la nature.
On peut former une infinité de plans
d'un même fujet, & d'après les mêmes
caractères. Mais les caractèresétant don-
nés, la manière de faire parler eft
une.
Vos perConnagesauront telle ou telle chofe
à dire, ieion les ~iruations où vous les
au-
rez placés mais étant les mêmes hommes
dans toutes ces fituations jamais ils ne fe
contrediront.
On feroit tenté de croire qu'un drame
devroït être l'ouvrage de deux hommes de
génie, l'un qui arrangeât & l'autre qui
fît parler. Mais qui eu:-ce qui
pourra dia-
loguer d'après le plan d'un autre? Le génie
du dialogue n'ed pas univerfel chaque
homme fe tàte & fent ce qu'il
peut: I~s
qu'il s'en apperçoive en formant fon plan
il cherche les fituations dont il efpére for-
tir avec fuccès. Changez
ces utuaiions, 6c
il lui femblera que ion génie l'abandonne.
ïl faut à i des fituations planantes
un
l'autre des Scènes morales & graves à un
troifieme des lieux d'éloquence & de pa.
thétique. Donnez à Corneille un plan de
Racine y & à Racine un plan de Corneille,
& vous verrez comment ils s'en tireront.
Né avec un caractère fenfible & droit,
j'avoue, mon ami, que je n'ai jamais été
effrayé d'un morceau d'où j'efpérois fortir
avec les reSïburces de la raifon & de Fhon'
nêteté. Ce font des armes que mes parens
m'ont appris à manier de bonne heure je
les ai fi fouvent employées contre les au.
tres & contre moi.
Vous fçavez que je ~uls habitué de lon-
gue-main à l'art du Soliloque. Si je quitte
la fociété & que je rentre chez moi tri~e
& chagrin je me retire dans mon cabi-
net, & là je me questionne & je me de-
mande Qu'avez-vous? de l'humeur?.
Oui. ?.
EA-ce que vous vous portez mal
Non. Je me preHe, j'arrache de moi la
vérité. Alors il me femble que j'aie une
ame gaie tranquille, honnête &: Sereine,
qui en interroge une autre qui eA hont~u-
neautn
& de quelque fottife qu'elle craint d'avouer.
Cependant l'aveu vient. Si c'en: une ibtt~
que j'ai commife comme il m'arrive a~ez
fouvent, je m'abfous. Si c'en ed une qu'on
m'a faite, comme il arrive quand }'ai
rencontré des gens di~pofés à abuserde la
facilité de mon caractère, je pardonne. L~
tri~eue fe diiHpe je rentre dans ma fa-
mille bon époux, bon pere bon maître,
du moins je l'imagine & perfonne ne fe
renent d'un chagrin qui alloit fe répaadre~
fur tout ce qui m'eûtapproché.
Je confeillerai cet examen fecret à tous
ceux qui voudront écrire ils en devien-
dront à coup fur plus honnêtes gens §e
meilleurs auteurs.
Que j'aie un plan à former fans que
je m'en apperçoive, je chercherai des fi-
tuations qui quadreront à mon talent & à
mon caractère.
« Ce plan fera-t-il le meilleur ? »
Il me le paroîtra fans doute.
« Mais aux autres? »
C/eit une autre queition:
Ecouter les hommes, & s'entretenir ~u-
~ent avec foi voilà les moyens de fë for-
mer au dialogue~
Avoir une belle imagination consulter
Fordre~c l'enchaînement des chofes,
ne
pas redouter les fcènes difficiles ni le long
travail; entrer par le centre de fon fujet
bien difcerner le moment où Faction doit
commencer ravoir ce qu'il en: à-propos
de lain'er en arriere connoître les ~tua.
tions qui afïectent voilà le talent d'après
lequel on fçaura former plan<
un
Sur-tout s'impofer la loi de ne
pas jet-
ter fur le papier une feule idée de détail
que le plan ne foit arrêté.
Comme le plan coûte beaucoup & qu'il
veut être long-tems médite, qu'arrive-t-il
à ceux qui fe livrent au genre dramati-
que & qui ont quelque facilite à peindre
des caractères ? Ils ont une vûe générale
de leur fujet, ils connoiffent à-peu-près les
fituations ils ont projetté leurs caractè-
res; & loriqu'ils fe font dit cette mere
fera
fera coquette, ce pere fera dur, cet amant
libertin, cette jeune fille fenfible & tendre,
la fureur de faire les fcènes les prend. Ils
écrivent ils écrivent ils rencontrent des
idées unes y délicates, fortes même 3 ils
ont des morceaux charmans & tout prêts
mais lorfqu'ils ont beaucoup travaille, &
qu'ils en viennent au plan, car c'eA tou-
jours-là qu'il en faut venir, ils cherchent
à placer ce morceau charmant; ils
ne fe
résoudront jamais à perdre cette idée dé-
licate ou forte.; ils feront le contraire de
ce qu'il f~lloit, le plan pour les fcènes
qu'il falloit faire pour le plan. De.Ià
une
conduite & même un dialogue contraints,
beaucoup de peine & de tems perdus, &
une multitude de copeaux qui demeurent
fur le chantier. Quel chagrin, fur-tout fi
l'ouvrage e~t en vers
J'ai connu un jeune poëte qui ne
man-
quoit pas de génie, ~c qui a écrit plus de
trois ou quatre miMc vers d'une tragédie
qu'il n'a point achevée oc qu'il n'ache-
vera jamais.
(-~
Soit donc que vous composez en vers,
/nusco
pu que vous écriviez en profe faites da-
bord le plan après cela vous ~ongeMx
aux Scènes.
Mais comment former le plan r H y a
dans la Poétique d'Ah&ote une be!k idée
ià*de~us. Elle m'a fervi elle peut Servir
à d'autres, la voici.
Entre une innnité d'hommes qui ont
écrit de l'Art poétique, trois ~ont parti-
cutiérement célèbres Ar~ote Horace
&Boileau. AfHhM~eAanphHo<ophequi
marche avec ordre, qui établit des prin-
cipes généraux & qui ~n lai~e }es corner
~uences à tirer & les applicatïoas à faire,
Horace un homme de génie qui iem~
ble aSec~er le désordre oc qui parle en
poëte à des poètes. Boileau un maître
qui cherche à donner le précepte ~c l'e-
xemple à ~on dneiple.
Ari~ote~it en quelque endroit de fa
Poétiqme SoM que vous travailliez fur un
~}et cpn~u foit que vous en tentiez un
nouveau commencez par efquiRer la fa-
ble, & vous penfcrez enfuite aux épi~o-
des ou circonftances qui doivent l'éten-
dre. Eft-ce une tragédie ? dites
une jeune
princeffe efi conduite fur
un autel pour y
être immolée; mais elle difparoît tout-à-
coup aux yeux des fpedateurs, & elle efi
transportée dans un pays où la
coutume
eA de facrifier les
étrangers à la déeflë
qu'on y adore. On la raitprêtreue. Quel-
ques années après le frere de cette prin-
ceffe arrive dans
ce pays il eft fain par
les habitans & fur le point d'être facri-
6é par les mains de fa fœur, il s'écrie
ce
n'en: donc
pas affez que ma &eur ait été
facrifiée, il faut que je le fois auïu!
A ce
mot il eft reconnu & fauvé.
Mais pourquoi la princeue avoit-elle
été condamnée à mourir fur
un autel ?
Pourquoi immole t on les étrangers
dans la terre barbare où fon frere la
ren-
contre ?
Comment a-t-il été pris ?
Il vient pour obéir à
un oracle. Et pour-
quoi cet oracle?
Il eft reconnu par fa fœur. Mais
cette
feconnoinance ne fe pouvoit-elle faire au-
trement ?
Toutes ces chofes font hors du fujet.
Il faut les fuppléer dans la fable.
Le fujet appartient à tous. Mais le poëte
difpofera du re~e à fa fantaifie; & celui
qui aura rempli ~a tâche de la maniere la
plus Hmple & la plus néceHaire aura le
mieux réuni.
L'idée d'Annoté e~t propre à tous les
genres dramatiques & voici comment
j'en ai fait ufage pour moi.
Un pere a deux enfans un fils & une
fille. La fille aime fecretement un jeune
homme qui demeure dans la maifon. Le
~!s eft entêté d'une inconnue qu'il a vûe
c~ns fon voifinage. Il a tâché de la corrom.
pre mais inutilement. Il s'eH: dégune &
établi à côté d'elle fous un nom & fous
des habits empruntés. Il paHe-là pour un
homme du peuple, attaché à quelque pro'
feffion méchanique. Cenfé le jour à fon
travail, il ne voit celle qu'il aime que le
foir. Mais le pere attentif à ce qui fe pâlie
dans fa maison apprend
i~111~eH/J que fbn fils
s'ab-
fente toutes les nuits. Cette conduite
qui
annonce dérèglement, l'inquiete il
le
tend fon fils. ata
CM-Ià que la piece
commence.
Quarrive-r-i! entité? C'e~
que cette
fille convient à fon fils &
que découvrant
en même tems que fa fille aime le jeune
homme à qui il la de~inoit, il la lui
ac<
corde, & qu'il conclut deux mariages
contre le gré de fon beau-frer-e qui avoit
d'autres vues.
Mais pourquoi la fille aime -1 eUe
ïe~
< cretcment ?
Pourquoi le jeune homme qu'elle aime
e(MI dans la maison? Quy~It-ii~
y Qut
e~-it?
Qui e~ cette inconnue dont le ~Is e~
épris ? Comment e~t-elle tombée dans
l'ë~
tat de pauvreté où elle e~t.
D'où c~t-elle ? Née dans la province
9~,
q~'e~-ce qui l'a
amenée à Pans? Qu'e~
ce qui Fy retient ?
Qu'eu ce que le bcau-rrcre ?
D'où vient l'autorité qu'il a dans la mai.
fon du père ?
Pourquoi s'oppofe t il à des mariages
qui conviennent au père ?
Mais la fcène ne pouvant fe paffer en
deux endroits comment la jeune incon.
nue entrera-t-elledans la maison du pere?a
Comment le pere découvre-t-il la paf
fion de fa fille & du jeune homme qu'il a
chez lui ?
Quelle raifon a t il de diffimuler fes
deneins ?
Comment arrive-t-il que la jeune Incon.
nue lui convienne ?
Quels font les obstacles que le beau-
frere apporte à fes vues ?
Comment le double mariage fë fait-il
malgré ces obftacles ?
Combien de chofes qui demeurent in.
déterminées après que le Poëte a fait fon
efquiffe. Mais voilà l'argument &: le fond.
C'eit de là qu'il doit tirer la divifion des
a6tes, le nombre des perfonnages leurs
cara~eres, c~ le fujet des fcènes.
Je vois que cette\~7~
efquifïe me convient,
parce que le pere dont je me propofe de
faire fortir le caractère, fera très-malheu-
reux. H ne voudra point un mariage qui
convient à fon fils fa fille lui paroîtra s'é-
loigner d'un mariage qu'il veut & la dé-
fiance d'une délicatene réciproque les em-
pêchera l'un & l'autre de s'avouer leurs
fentimens.
Le nombre de mes Perfonnages fera
décide.
Je ne fuis plus incertain fur leurs ca-
raaeres.
Le pere aura le caractère de fon état.
Il fera bon vigilant ferme & tendre.
Placé dans là circonftance la plus difficile
de fa vie, elle fuflira pour déployer toute
fon ame.
Il faut que fon fils foit violent. Plus une
pafïion en: déraifbnnable moins il faut
qu'elle foit libre.
Sa maîtreffe ne fera jamais affez aima-
ble. J'en ai fait un entant innocent, hon-
nête & fenfible.
Le beau-frere qui efi mon machinée
homme d'une tête étroite &: à préjuges'
~r.' dur, fbible, méchant, importun,
n. fracamer, le trouble de la maison
le .~au du père & des enfans, & l'aver-
~on de tout le monde.
Qu'eu:, ce que Germeuil? C'e~t le fils
d'un ami du Pere de famille, dont les affai-
res ~e font dérangées, & qui a laiffé cet
enfant fans reffource. Le Père de famille
l'a pris chez lui après la
mort de fon amiy
l'a fait élever comme fon fils.
Cécile perfuadée que fon
pere ne lui
accordera jamais cet homme
pour époux
1~ tiendra à
une grande distance d'elle, le
traitera quelquefois avec dureté es: Ger-
mcuil arrêté par cette conduite c~
par la
crainte de manquer au Pere de famille fon
bienfaiteur, fe renfermera dans les bornes
du refpea mais les
apparences ne ferons
pas fi bien gardées de part & d'autre, que
la paffion ne perce tantôt dans les difcours,
tantôt dans les actions, mais toûjours d'n<
~e maniere incertaine & {egere,
Germeuil fera donc d'un caractère
rer-
me, tranquille, & un peu renfermé.
Et Cécile un compofé de hauteur
de
vivacité, de réserve & de fennbiiité.
L'efpece de dimmulation qui
contien-
dra ces amans, trompera aum le
Pere de
famille. Détourné de fes deHeins
~uue antipathie, il notera par cette
propofer à fa
fille pour époux
un homme qui ne laiffe
1. appercevoir
aucun penchant pour elle, &:
qu'elle paroit avoir pris avernon.
en
Le pere dira n'eft-ce
pas affez de tour.
menter mon fils en lui ôtant
une femme
qu'il aime, fans aller
> encore persécuter
ma fille
en lui propofant pour époux un
homme qu'elle n'aime pas?
La fille dira: n'e~.ce
pas affez du cha.
grin que mon
pere & mon oncle renen-
tent de la pamon de mon frere, fans l'ac-
croître encore
par un aveu qui révolte.
roit tout le monder
Par ce moyen l'intrigue de la fille
& de
Germeuil fera fourde, nuira
ne point à celle
du fils & de fa maitreile
ne lèrvira
qu'à augmenter l'humeur
humeut de Fonde & le
chagrin du pere.
J'aurai réuni au-delà de mes efpéran-
ces, fi, je parviens à tellement intereSÏer
ces deux perfonnages à la paffion du fils
qu'ils ne puisent s'occuper de la leur. Leur
penchant ne partagera plus l'intérêt il
rendra feulement leurs fcènes plus piquan.
tes.
J'ai voulu que le pere fût le perfonnage
principal. L'efquifie reftoit la même mais
tous les épifodes changeoient fi j'avois
choiSi pour mon héros, ou le fils, ou l'ami,
ou l'oncle.
Si le poëte a de l'imagination, &: qu'il
fe repofe fur fon efquiffe il la fécondera
il en verra fortir une foule d'incidens &
il ne fera plus embarraSIe que du choix.
Qu'il fe rende difficile fur ce point, lorf-
que Son fujet eft férieux. On ne fouffri-
roit pas aujourd'hui qu'un pere vînt avec
une cloche de mulet mettre en fuite un
pédant ni qu'un mari Se cachât fous une
table pour s'affûrer par lui-même des dif..
cours qu'on tient à fa femme. Ces moyens
font de la farce.
Si une jeune princeffe eft conduite vers
un autel fur lequel on doit l'immoler on
ne voudra pas qu'un aum grand événe-
ment ne foit fondé que fur l'erreur d'un
ménager qui fuit un chemin tandis que
la prince1fe & fa mère s'avancent par un
autre.
« La fatalité qui nous joue n'attache.
t-elle pas des révolutions plus importan-
» tes à des caufes plus légères ?
Il eft vrai. Mais le poëte ne doit pas Fi-
miter en cela. Il employera cet incident,
=
s'il eft donné par l'hifloire. Mais il ne l'in-
ventera pas. Je jugerai fes moyens plus
févérement que la conduite des dieux.
Qu'il foit fcrupuleux dans le choix des
incidens, & fobre dans leur ufage qu'il
les proportionne à l'importance de fon
fujet, & qu'il établiffe entr'eux une liaifon
prefque nécenaire.
« Plus les moyens par lefquels la vo-
» lonté des dieux s'accomplira fur les hom-
mes, icront obfcurs &: bibles plus
ferai effrayé fur leur fort.
J'en conviens. Mais il faut
que je ne
puiffe douter que telle été la volonté,
a
non du poëte mais des dieux.
La tragédie demande de l'importance
dans les moyens, la comédie de la nnene.
Un amant jaloux efi-i! incertain des
fentimens de fon ami? Térence laiflera
fur ïcene un Dave qui écoutera les dif-
cours de celui-ci & qui en fera le récit
~on maître. Nos François,
voudront que
leur poëte
en fçache davantage.
Un vieillard fbtement vain changera
fbn nom bourgeois d'Arnolphe
celui
de Monfieur de la Souche, & en
dient ingénieux fondera cet expé-
toute i'intrigue,
en amenera le dénouement d'une ma-
niere fimple & inattendue alors ils s'écrie-
ront, à merveilles E & ils auront raifon.
Mais fi fans
aucune vraisemblance, &
cinq ou fix fois de fuite,
on leur montre
cet Arnolphe devenu le confident de ton
rival & la dupe de fa pupille allant
de
Valere à Agnès, & retournant
1
d'Agnès
à Valere, ils diront ce n'eu:
pas un Drame
que cela, c'eSi un Conte & fi vous n'a-
vez pas tout reprit, toute la gayeté, tout
le génie de Moliere ils
vous accuseront
d'avoir manqué d'invention & ils rëbëte-
ront c'eSt un Conte à dormir.
Si vous avez peu d'incidens
vous au-
rez peu de perfonnages. N'ayez point de
perfonnages fuperflus & que des fils im-
perceptibles lient tous vos incidens.
Sur-tout ne tendez point de fils à faux
en m'occupant d'un embarras qui ne vien-
dra point vous égarerez

difcours de Frofine dans 1' mon attention.


Tel eft fi je ne me trompe l'effet du
Elle s'en-
gage à détourner l'Avare du denein d'é-
poufer Marianne par le moyen d'une Vi-
comteSÏë de Baffe-Bretagne donc elle fe
promet des merveilles & le ipedateur
avec elle. Cependant la pièce finit fans
qu'on revoye ni Froline ni fa BaSIe-Brs-
tonne qu'on attend toujours.
Quel ouvrage qu'un plan contre lequel
(46)
on n~auroit point d'objection
Fohie Y en a-t-il
un ? Plus il fera compliqué moins il fera
vrai. Mais on demande du plan d'une co-
médie & du plan d'une tragédie, quel eft
le plus difficile?
Il y a trois ordres de chofes. L'hiStoire
où le fait eSi donné. La tragédie où le
poëte ajoute à l'histoire ce qu'il imagine
en pouvoir augmenter l'intérêt. La comé-
die où le poëte invente tout.
D'où l'on peut conclure que le poète
comique eSt le poëte par excellence. C'eSt
lui qui fait. Il eft dans fa fphère ce que l'Etre
tout-puiQant eu: dans la' nature. CeSt lui
qui crée qui tire du néant avec cette
dinérence que nous n'entrevoyons dans
la nature qu'un enchaînement d'effets dont
les causes nous iunt inconnues au lieu
que la marche du drame n'eA jamais ob-
fcure & que fi le poëte nous cache
auez de fes reubrts pour nous piquer, il
nous en laiffe toujours appercevoir affez
pour nous fatisfaire.
« Mais la comédie étant une imitation
(47)
de la nature dans toutes tes parties, le
rww ~wm
poëte n'a-t-il pas un modele auquel il
~ë doive conformer~ même lorsqu'il ~br~
me ~bn plan «
Sans doute.
« Quel eft donc ce modèle ?
Avant que de répondre, je demande~
rai qu'eH-cc qu'un plan ?
« Un ptan, c'eA une huMre merveil.
leu(ë di&ribuée~elon les règles du genre
M
dramatique hiâoire qui eA en partie d~
l'invention du poëte tragique, ~c toute
erdere de l'invention du poëte comi~'
gué.~
Fort bien. Quel eft donc le &ndement
de ~art dramatique ?
« L'art hiAorique ?
Ri~n n'eA plus certain. On a compare
h P<jëuc à la Peinture, & l'on a bien ~t
ma tS une comparaifon plus utile oc plus
féconde en vérités, ç'auroit été celle de
rHiAoire à la Poéne. On fe feroit ain6
formé des notions exa~es du vrai, du vrai~
femblable & du poSbIc, oc l'on eût Rxe
:48)
ï'tdëe nette & précife du *merveilleux
terme commun à tous les genres de poé-
fic, & que peu de poètes font en état de
bien définir.
Tous les evcnemenshiftpnques ne font
pas propres à faire des tragédies, ni tous les
~vënemens domeAiques à fournir des fu-
jets de comédie. Les anciens renfernioient
!e genre tragique dans les familles d'AIc-
méon, d'(Kdipe, d'OreAe, de Méléagre,
deThye~, de Téléphe ~d'Hercule.
Horace ne veut pas qu'on mette fur la
fcène un perfonnage qui arrache un enfant
tout vivant des entraiHes d'uneLamic..S!
on !ui montre quelque chofe de fembïabte~
il n'en pourra ni croire la pombilitë ni
Supporter la vue. Mais ou eA le terme où
-rabfurdité des événemens cefle, & où 1~
~vraifëmblance commence r Comment le
poëte fentira-t-itce qu'il peut ofcr ?
Il arrive quelquefois à l'ordre naturel
des chofes d'enchaîner des incidens
ex-
traordinaires. C'eft le même ordre qui dif.
tingue le merveilleux du mirac~CHx. Les
cas
cas rares ïbnt merveilleux.
rvei!!cui Les cas natu"
reHement impombtes font miraculeux.
L'Arc dramatique rejette les miracles.
Si la nature ne combinoit jamais des
evénemens d'une maniere extraordinaire
tout ce que le poëte imagineroit au-delà
de la fimple & froide uniformité des cho-
fes communes fëroit incroyable. Mais IL
n'en eâ pas ain~ï. Que fait donc le poète r
Ou il s'empare de ces combinaifons
ex-
traordinaires, ou il en imagine de fem-
blables. Mais au lieu
que la liaifon des
événemens nous échappe fouvent dans la
nature, & que faute de connoître l'en-
femble des chofes
nous-ne voyons qu'une
concomitance fatale dans les faits; le poëte
veut lui qu'il regne dans toute la texture
de ~bn ouvrage
une liaifon apparente &
~b!e enforte qu'il e~t moins vrai &
plus vraifemblable
que I'hin:orien.
Mais puisqu'il fuffit de la feule
co-
exigence des evénemens
pour fonder
cnerveiueux dans l'hi~oire. pourquoi
le poëte ne s'en contenteroit-il pas ?
Il s'en contente aufli quelquefois, fur-
tout le poëte tragique. Mais la fuppofi-
tion d'incidens Simultanés n'eA pas aufH
permife au poëte comique.
« Et la raifon ? »
C'eAque la portion connue que le poëte
tragique emprunte de l'histoire fait adop-
ter ce qui eft d'imagination comme s'il
étoit hi~orique. Les chofes qu'il invente
reçoivent de la vraisemblance par celles
qui lui font données. Mais rien n'eit donné
au poëte comique s il lui eA donc moins
permis de s'appuyer fur la nmultanéité des
événemens. D'ailleurs la fatalité ou la vo.
lonté des dieux qui effraye fi fort les hom.
mes de qui la devinée fe trouve abandon-
née à des êtres fupérieurs auxquels ils ne
peuvent ~e ~bu~raire dont la main les
fuit & les atteint au moment où ils font
dans la fécurité la plus entiere eft plus
néceHairc à la tragédie. S'il y a quelque
chofe de touchant, c'eït le ~pe~acle d'un
homme rendu coupable &: malheureux
malgré lui.
H faut que les hommes tarent dans la
comédie le rôle que font les dieux dans
la tragédie. La fatalité & la méchanceté,
voilà dans l'un & l'autre
genre les bafes
de l'intérêt dramatique.
« Qu'eA-ce donc que le vernis roma-
nefque qu'on reproche à quelques-unes
de nos pièces ?
Un ouvrage fera romanefque fi le
merveilleux naît de la Simultanéité des
événemens fi l'on y voit les dieux
ou
les hommes trop méchans,
ou trop bons
fi les chofes & les caractères
y different
trop de ce que l'expérience ou l'histoire
nous les montre & fur-tout fi l'encha~
nement des événemens y eft trop extra-
ordinaire & trop compliqué.
D'où l'on peut conclure
que le roman
dont on ne pourra faire
un bon drame
ne fera pas mauvais pour cela mais qu'il
n'y a point de bon drame dont
on ne
puiHë faire un excellent
roman. C'eA par
les regles que ces deux genres de poen~
digèrent.
L'illu~on eft leur but commun mais
d'où dépend Fillunon ? Des circonfiances.
Ce font les circonstances qui la rendent
plus ou moins difficile à produire.
Me permettra-t-on de parler un mo"
ment la langue des Géomètres ? On fçait
ce qu'ils appellent une équation. L'illu-
fion eA feule d'un côte. C'e~ une quantité
confiante qui eft égale à une &Mnme de
termes, les uns pofitifs les autres néga-
tifs, dont le nombre & la combinaifon
peuvent varier fans fin mais dont la va-
leur totale eâ toujours la même. Les ter-
mes pofitifs repréfentent les circon~ances
communes & les négatifs, les circonf-
tances extraordinaires. 11 faut qu'eHes <e
rachetent les unes par les autres.
L'illufion n'e~t pas volontaire. Celui
qui diroit, je veux me faire i!!u6on ref-
~embleroit à celui qui diroit j'ai une ex-
périence des chofes de la vie à laquelle
je ne ferai aucune attention.
(~uand je dis que Filluuon e& une quan-
tité conftante, c'eA dans un homme qui
juge de différentes productions & non
dans des hommes diSerens. 11 n'y a peut-
~tfe pas fur toute la ~t~ce de là terre
deux individus qui aycnt b même me&re
de la..certitude Ce cependant te poète c~
condamne à faire iHunon également
tous Le poëte (e ~oue de la raifon & de
rexpénence de l'homme mAruit comme
une gouvernante fe joue de rimbécUlité
d'un en&n~ Un bon poème e~ un conte
digne d'être fait à des hommes fentes~
t~ tp~ancier a~e tcm~ & re~pace qui
manquent au poëte dramatique a mente
ég~ j'e~imerai donc ~Q~ns un romap
qu'une piec~ de th~atEe~p'ailÏcurs i) n'y~
pp~it de, diBicultë que le premier ne p~ule
esquiver- Il dira « La vapeur du fommeU
ne coule pas plus doucement dans les
yeux appesantis 6c dans les membres
» fatiguas d'un homme abattu, que les
paroles Saieufes de la déçue; maiselle
rF b" T~
fentoit toujours je ne ~ais <{u6ï qui
re.
poufïbit ~€s e~bfts & qui fc Jouoit de tes
charmes. Mentor immobile dans tes
~ges cdnïeiÏe fe laiubit preiïer; quel-
que~bis memeiî iullalabit efpërerqu'eUe
» rembarraaefoit par fes quêtions mais
au moment où elle croyoit faussaire
~curio6té, tes espérances ~ëvanouif.
~fbient. Ce qu'ene imaginoit tenir lui
échapoit tout -à -coup, & une réponfe
courte la fe~ohgeoit dans îes iacerti-
tudes. Et voilà le romancier horsd'a~
faire. Mais quelque dimcutté qu'il eût
y
eu à faire cefe~trenen il eût faiiu bo que
'le poète dramatique renversât ~bn phn
ou qu'il ta contât. Quelle di~n-nce
~e pemdre un ~ct, du de te produire1
t~s iAndcn~ ont eu des tragë~e~ où
tout étoit îlmvention du poëte. tTuP
Ttoire n'omet pas même les
noms des per<
ibnaàges. Et qaTnaporte, 6 le poëte n'cx-
cé&pa~ la vraie mesure du mervetHeux~
Ce ~f y a d'Mtorique dans
sa drame
> t
e~ connu cFaNez peu~r~ de i
pérfbnne~ ce*
pendant le poème e~ bien fait, il intéreSe
également tout le monde, plu~ peut-~tre
Iefpe6~ateur ignorant que le ~pe~ateue
in~ruit. l'out eft d'une égale venté pour
celui-là, au lieu que les épifodes ne font
que vraifemblables pour celui-cL Ce font
des menfonges mêlés à des vérités avec
tant d'art, qu'il n'éprouve aucune répu-
gnance à les recevoir.
La tragédie dome~ique auroit la diffi-
culte des deux genres; l'effet de la tragé~
die héroïque à produire & tout le plan
à former d'invention ainfi que dans la co-
médie.
Je me fuis demandé quelquefois fi la
tragédie domeûique fe pouvoit écrire en
vers & fans trop ravoir pourquoi je mo
fuis répondu que non. Cependant la co<
médie ordinaire s'écrit en vers; la tragé~
die héroïque &'écnt en vêts. Que ne peut.
on pas ~cnre en vcnï Ce genre c~ige-
ïOtt-U un Ayie particulier dont ~e n'ai pas,
La notion ? ou la vérité du fuiet. & la vi€~
jence nntcrêt rcjetterô~e~-elles
bagage ~ymmétri~ La condition des
perï~onages ~ëroit-elle trop voi~me de 1~
aôtfe pour admette une harmonie re-
guHerè ?
~.é~mons. Si l\)n mettoit en veM Fhl~
tptre de Charles XII, elle n'en ~ëroit pas
~oins une hiûoire~ S fon mettolt la Hen~
r;adèfen proie, elle n'en ~ëron pas aaoin<
un poème. Mais rhi~orien a écrit ce qM
eH arrivé, purement &: Gmplement;
ce
qui ne fait pas toujours Sortir les caractère~
autant qu'ils pourroient, ce qui n'émeut
Bi n'intéreue pas autant qu'il eA poN-
ble d'émouvoir & d'intérener. Le poëte
e~ écrit tout ce qui lui auroit Semblé de-
voir anecterle plus. H eût imaginé des
~vénemens. I! eût &int des discours, Il eût
chargé Fhi~oire. Le point important pour
!u! eût été d'être merveiiieux fans ceuer
~l~tre vrai~emMabie ce qu'il eût obtenu,
en fë conformant à l'ordre de la nature,
iorfqu'eUe fë p!a!t à Combiner des incidcns
extraordinaires/&: à ~uver les incidens
1- ecircoïuha~toa~
extraordinaires )wdes
t~MrM~
munes.
Voilà la ~bncHon du poëto. Quelle dif-
férence entre le vernncateuroclut! Ce-
pendant ne croyez pas que je méprife le
premier: fon talent eft rare~ Mais n vous
faites -du verûncateurun Apollon, lepoëte
fera pour moi un Hercule. Or&ppo&x une
lyre à la main d'Hercule, ôc vous n'en
ferez pas un Apollon. Appuyez un Apol~
Ion fur une mauue; jettez fur <ës épaules
la peau du lion de Nëmëe & vous n'en
ferez pas un Hercule.
D'où Fon voit qu'une tragédie en profe
e~ tout autant un poème qu'une tragédie
en vers; qu'il en eft de même de Jta co-'
médie & du roman mais que le bùt de
la Poëue eA plus général que celui de
rHiAoire. On lit dans l'hHtoirecc qu'un
homme du caractère de Henri IV. a fait
& fbuKert. Mais combien de circonu:an-'
ces poffibles où il eut agi & ~bu~ert d'une
manière conforme &n caractère plus
merveiMeufê, que FHi~oxre n'cHre pay;
mais que la Poëue imagine.
L'imagination voilà la qualité fans la
~quelle on n'eu ni un poëte, ni
un philoso-
phe, ni un homme d'efprit, ni un être rai<
fonnable, ni un homme.
« Qu'eA-cc donc que l'imagination
» me direz-vous?~
0 mon ami, quel piège vous tendez à
celui qui s'eA propofé de vous entretenir
de rArt dramatique 1 S'il fe met à philo-
fopher, adieu fon objet.
L'imagination eft là faculté de fe
rap.
peller des images. Un homme entièrement
privé de cette faculté feroit un Aupide
dont toutes les fondions intellectuelles fe
réduiroient à produire les fons qu'il au-
roit appris à combiner dans l'enfance, &
à les appliquer machinalement aux cir-
comhnces de la vie~
C'eA la tri~e condition du peuple, &
quelquefois du philosophe.Lorfque la ra-
pidité de la conver&donentraîne ~clui-ci
(~
& ne lui lame pastt~ le tems
1
dé descendre
des mots aux images, que fait il autre
choie fi ce n'eA de fe rappeller des fons &
de les produire combines dans un certain
ordre? 0 combien l'homme qui penfe le
plus eA encore automate
Mais quel eft le moment ou il ceHc d'e-
xercer fa mémoire, & ou il commence à
appliquer fon imagination? C'eA celui oui
de ~ue~Hons en quêtions vous le forcez
d'imaginer, c'eâ-à-dire de paffer de'fons
abârait~ocgénéraux à des fbns moins abf-
traits & moins généraux, jusqu'à cequ'il
foit arrivé à quelque repré&ntafiod~en6-
ble~~ le dernier terme & le repos de fa
raifon. Alors <[ue devient-il r Peintre ou
poëte.
Demandez-lui, par exemple qu'eft-ce
que laJuAicer &'vous ~erez convaincu
qu'il ne s'entendra lui-même, que quand
la connoi1fance fe portant de fon ame vers
les objets, par le même chemin qu'elle y
e~ venue, il imaginera deux hommes con-
duits par Ja faim vers ~n arbre chargé de
iR~~a monté fur Farhre&: cue~ttap~
~e l'autre s'emparant par la violcnce~d~
6'uit que le premier a cueilli.Alors iLvous
&ra remarquer les mouve~ens qui
manite~erant en eur; te< 6gnes du te~o~
timent d'un côte les ~ymptôïnea de h
crainte de loutre; cetu~la & tenant ppur
Q&n(e~ &; Fautre ~e chargeant luwnen~
dut~r~ odieux d'onen&ur.
Si vous taites la même que~ton; U!)
autre. ~a derniere tëpDn(ë fe ré&iudra
en un autre tableau~,autant de t~tB~,
autam de tabl'eaux d~ereos pcut-~e;i
mai&~ ~pus représenteront deux ho~n~e$
éprouvant dans un même ~ant des ija~
preHIon? contr~res, j)rq~~nt des ~ou~
vemens opposes, ou pouvant des cris {07
articulés &c fauvages,qu~ rendus av~c le
tems dans la langue ~erhp~HBe police
~gninent & <!gninero~ ~Mrnellement~
Ju~ice, In}u~ice.
C'e~ par un toucher qui ~ë diverse
dans la nature animée en tme innnitç de
manières &: d~ degrés, & qu~appcUedan§
l'homme, voir, entendre, flairer, goûter;
& fentir qu'il reçoit des impreflions qui
fe confervent dans fes organes, qu'il dif-
tingue enfuite par des mots & qu'il fe
rappelle ou par ces mots mêmes, ou par
des images.
Se rappeller une fuite néceffaire d'i-
mages telles ,qu'elles <e fuccedent dans la
nature, c'eA raifonner d'après les faits. Se
rappeller une fuite d'images comme elles
~e fuccéderoient necenairement dans la

nature, tel ou tel phénomène étant don-


né, c'eA raifonner d'après une hypothè~e~
ou feindre c'eA être philofophe ou poë-
te, Selon le but qu'on Se propoSe.
Et le poëte qui feint, & le philofophe
qui raifonne font également & dans le
même fens conféquens ou inconféquens.
Car être conséquent ou avoir l'expé-
rience de l'enchaînement néceSïaire des
phénomènes c'eA la même chofe.
En voilà, ce me Semble aHez pour
montrer l'analogie de la vérité & de la
ndion caractériser le poëte &: le phi~
lofbphe, & relever le mérite du poëtef
fur-tout épique ou dramatique. Il a reçu
de la nature, dans un degré Supérieur, la
qualité qui distingue l'homme de génie
de l'homme ordinaire, & celui-ci du cu-
pide l'imagination, fans laquelle le dif-
cours fe réduit à l'habitude méchanique
d'appliquer des tons combinés.
Mais le poëte ne peut s'abandonner à
toute la fougue de fon imagination il e~
des bornes qui lui font prefcrites. Il a le
modele de fa conduite dans les cas rares de
l'ordre général des choses. Voilà fa regle.
Plus ces cas feront rares & finguliers,
plus il lui faudra d'art, de tems, d'efpace,c~
de circon~ances communes pour en com-
penser le merveilleux & fonder l'illufion.
Si le fait hiftorique n'eft pas affez mer-
veilleux, il le fortifiera par des incidens
extraordinaires s'il l'eft trop il l'affoi-
blira par des incidens communs.
Ce n'en: pas affez ô poëte comique,
d'avoir dit dans votre efquiffe Je veux que
ce jeune homme ne foit que foiblement at-
\~J/
taché cette courtifanne qu'il la quitte
qu'il fe marie qu'il ne manque pas de goût
pour fa femme que cette femme foit ai-
mable, & que fon époux fe promette une
vie fupportable avec eile je veux encore
qu'il couche à côté d'elle pendant deux
mois fans en approcher, & cependant qu'-
elle fe trouve groffe. Je veux une belle-
mere qui foit folle de fa bru. J'ai befoin
d'une courtifanne qui ait des fentimens. Je
ne puis me paffer d'un viol & je veux
qu'il fe foit fait dans la rue par un jeune
homme yvre. Fort bien courage. Entaf-
~ez, entanez circonstances bifarres fur cir-
confiances bifarres j'y confens. Votre fa-
ble fera merveilleuse, Sans contredit. Mais
n'oubliez pas que vous aurez à racheter
tout ce merveilleuxpar une multitude d'in-
cidens communs qui le fauvent & qui m'en
impofent.
L'Art Poétique feroit donc bien avan-
cé fi le traité de la certitude historique
étoit fait. Les mêmes principes s'applique-
roient au conte, au roman à l'opéray à
la tarce à toutes'lesib
les fortes de poëmes
fans en excepter la fable.
Si un peuple étoit perfuadé
comme d'un
point fondamental de fa croyance~
que les
animaux parloient autrefois la fable
au-
roit chez ce peuple un degré de vraiflem.
blance qu'elle ne peut avoir parmi
nous.
Lorfaue le poëte aura formé fon plan
en donnant à fon efquifle l'étendue conve-
nable, & que fon drame fera diftribué par
aBes & par fcènes, qu'il travaille qu'il
commence par la premiere fcène & qu'il
finiffe par la derniere. Il fe
trompe, s'il
croit pouvoir impunément s abandonner à
~bn caprice, fauter d'un endroit à
un au-
&
tre, fe porter par-tout où fon génie
l'appellera. Il ne fçait pas la peine qu'il fe
prépare, s'il veut que fon ouvrage foit
un.
Combien d'idées déplacées qu'il arrache-
ra d'un endroit pour les inférer dans un
autre. L'objet de fa fcène aura beau être
déterminé il le manquera.
Les fcènes ont
une influence les unes
fur les autres, qu'il
ne fentira pas. Ici il
fera
fera difïus là trop court tantôt froid,
tan~
tôt trop pamonné. Le détordre de fa
ma-
niere de faire fe répandra fur toute fa
com-
pontion & quelque foin qu'il fe donne
il en refera toujours des traces.
Avant que de paffer d'une fcène à celle
qui fuit, on ne peut trop fe remplir de
celles qui précédent.
« Voilà une maniere de travailler bien
févére. »
II eft vrai.
« Que fera le poëte, fi au commence-
» ment de fon poëme c'en: la fin qui l'inf~
pire ?
Qu'il fe repose*
« Mais plein de ce morceau il l'eût
exécuté de génie.
S'il a du génie, qu'il n'appréhende rien.
Lesidées qu'il craint de perdre reviendront.
Elles reviendront fortifiées d'un cortége
d'autres qui naitront de ce qu'il
aura fait
& qui donneront à la fcène plus de cha-
leur, plus de couleur, & plus de liaifon
avec le tout. Tout ce qu'il
pourra dire, il
le dira. Et croyez-vous qu'il en (bttamG.
.s'il marche par bonds & par ~auts ?
Ce n'eït pas ainfi que j'ai crû devoir
travailler, convaincu que ma maniere

Le7~
étoit la plus fûre & la plus aifée.
a cinquante-troisScè-
nes. La premiere a écé écrite la premiere,
la derniere a été écrite la derniere & fans
un enchaînement de circonstances fingu-
lieres qui m'ont rendu la vie pénible & le
travail rebutant, cette occupationn'eût été
pour moi qu'un amufemenc de quelques fe-
maines. Mais comment fe métamorphofer
en différens caractères, lorfque le chagrin
nous attache à nous-mêmes ? Comment
s'oublier, lorfque l'ennui nous rappelle à
notre exigence ? Comment échauner,
éclairer les autres, lorfque la 'lampe de
l'enthounafme eft éteinte & que la flam-
me du génie ne luit plus fur le rront
Que d'eilbrts n'a-t-on pas fait pour
m'étourFcr en nainant? Après la perfécu-
~cution du Fils naturel, croyez-vous, ô mon
"ami, que je duffe être tenté de-m'occuper
du Pere Le voila cependant.
Vous avez exigé que achevai
cet ou-
vrage, & je n'ai pû vous refufer cette ~a-
lisiaaion. En revanche, permettez moi
de dire un mot de ce Fils
chamment perïëcuté.
/z~ mé-
Charles Goldoni a écrit en italien
unè
comédie ou plûtôt une farce en trois
ac-
tes, qu'il a intitulée, l'z'~zc~. C'en-un

1'
tiffu des caractères de F~' 1 vrai & de
de Moliere. La ca~tte & Je vol
font & la moitié des fcènes fe panent
y
dans la maison d'un
pere avare.
Je lainai-Ià toute cette portion de l'in-
trigue car je n'ai dans le /z~ m
avare, ni pere ni vol, ni caffette.
Je crus que l'on pouvoit faire quelque
chofe de Supportable de fautre portion, &:
je m'en emparai comme d'un bien qui m'eût

icrupuleux. Il s'éroit emparé de


fans que personne fe fut avnc de le
1'
appartenu. Goldoni n'avoil pas été plus

trouver
mauvais &: l'on n'a voit point imaginé
parmi nous d acculer Molière ou CornctUe
c~)
de plagiat pour avoirtvntf emprunté tacite-
ment l'idée de quelque piece ou d'un au-
teur italien, ou du théatre efpagnol.
Quoi qu'il en foit de cette portion d'u-
ne farce en trois ades~ j'en fis la comédie
du Fils naturel en cinq & mon deuein n'é-
tant pas de donner cet ouvrage au théa-
tre, j'y joignis quelques idées que j'avois
fur la Poëtique la Munque la Déclama-
tion~ & la Pantomime & je formai du
tout une efpece de Roman que j'intitulai le
Fils naturel ou Les épreuves de la ~~M,
avec rhiAoire véritable de la piece.
Sans la fuppofition que l'avanture du
'Fils naturel étoit réelle que devenoient
l'illufion de ce roman & toutes les obferva-
tions répandues dans les entretiens fur la
différence qu'il y a entre un fait vrai & un
fait imaginé, des perfonnages réels & des
perfonnages nctifs, des difcours tenus &
des difcours fuppofés en un mot toute la
Poétique où la vérité eft mife fans ceffe
en parallele avec la ndion ?
Mais comparons un peu plus rigoureu-
fement l'TK vrai du poëte italien avec le
Fils naturel.
Quelles font les parties principalesd'un
drame ? L'intrigue, les caractères & les
détails.
La nainance illégitime de Dorval e~ la
bafe du Fils naturel. Sans cette circonfran-'
ce la fuite de fon pere aux lues refle fans
fondement. Dorval ne peut ignorer qu'il
a une (œur & qu'il vit à côté d'elle. Il
n'en deviendra pas amoureux. II ne fer<t
plus le rival de fon ami. II faut
que Dor-
val foit riche & fon pere n'aura plus
au-
cune raifon de l'enrichir. Que fignifie la
crairne qu'il a de s'ouvrir à Constance? La
fcène d'André n'a plus lieu. Plus de pere
qui revienne des Mes qui foit pris dans la
traverse, & qui dénoue. Plus d'intrigue.
Plus de piece.
Or y a-t-il dans r~zc~ aucune de
ces chofes fans lefquelles le Fils naturel ne
pcutfubn~er? Aucune. Voilà pour l'in-
trigue.
Venons aux caractères. Y a-t-il un amant
\1
violent tel que Oairvitle~ Non. Y a-t-iï
une fille ingénue telle que RofaHe; Non.
Y a-t-il une femme qui ait l'ame & l'élé-
vation des fentimens de Con~ance. Non.
Y a.t il un homme du caractère Nombre c~
farouche de Dorval: Non. Il n'y donc
a
dans ~77~ ~z/' aucun de mes caractères ?
Aucun ~s en excepter André. Païïbns
aux détails.
Dois je au poëte étranger une feule
idée qu'on puifle citer ? Pas une.
Qu'dt-ce que ~a picce?Une farce. En:-
ce une farce que le jF~/2~? Je ne le
crois pas.
Je puis donc avancer
Que celui qui dit que le genre dans le-
quel j'ai écrit le T~ naturel eft le même
que le genre dans lequel Goldoni a écrit
l'T~ vrai dit un mensonge.
Que celui qui dit que mes caractères &
ceux de Goldoni ont la moindre renem-
blance, dit un menfonge.
Que celui qui dit qu'il y a dans les dé-
tails un mot important qu'on ait transporte
d~ r~tz vrai dans !e
menfonge.
72~ dit u~
`
Quecelui qui dit que la conduite du
Fils naturel ne ~i~ere point de celle de
F~M y/u~ dit un mensonge.
Cet auteur a écrit une foixantaine de
Pièces. Si quelqu'un (ë fent porté à
ce
genre de travail, je l'invite à choifir pa~-
mi celles qui relent, & à
en compofer
un ouvrage qui puiffe nous plaire.
Je voudrois bien qu'on eût
une dou~.
Mine de pareils larcins à
me reprocher;
& je ne fçais fi le Pere de Famille
aura
gagné quelque chofe à m'appartenir
en
enner.
Au re~ puisqu'on n'a pas dédaigné
de m'adreffer les mêmes reproches
que
certaines gens faifoient autrefois à Téren-
ce, je renverrai mes cenfeurs aux prolo~
gues de ce poëte. Qu'ils les lifent, pendant
que je m'occuperai dans mes heures de dé~
iauement à écrire quelque piece nouveue.
Comme mes vues font droites &:
pures, je
r
me confierai facilement de leur mëchan~
i
«ceté~ fi )e puis rëumr encore à attende
Jes honnêtes gens.
La nature m'a donné le goût de la fim.
plicité, & je tâche de ~.perfectionner
par
la levure des Anciens. Voilà
mon fecret.
Celui qui liroit Homere avec un
peu de
génie, y découvriroit bien plus durement
h fource où je puife.
0
mon ami, que la fimplicité eft be!!e
Que nous avons mal fait de nous en cloi~
gner:
Voulez-vous entendre
ce que la dou-
leur inspire à un pere qui vient de perdre.
~bn n!s r Ecoutez Priam.
~0~W~~ mes amis; ~MO/
yof~ confolation
les ya~~
~o~M~ 7~
~~Z.
rai cet homme f~~
G/~M
~y~ P~~
oui

êlre il aura pitié de mes ans il


yz~ comme moi
ma
~~M ce pere l'a mis au monde z~r
~72~ /<! cette ville Quels
-maux ne nous ~-f-a!~ ~Mj Mais
en ~J/~M autant moi ? Cc/
~ZM ~f-Z/ pas /~M
~~7-
f~
chers. Je les ai
<M ton.r/M.
7~~
/M~enfers.
Mais c'~
M<M plturés. ~ZM C~ ~t
js
~<'
/M/<H
ce ~7M6r qui C~
douleur jufqu'aux
~27 ~~j mort entre mes
~o~
yïo~/io/M
6' la mere
r~
~M~ lui
~?/ la vie.
Voulez-vous ravoir quels font les vrais
difcours d'un pere fuppliant
aux genoux
du meurtrierde Con fils ? Ecoutez le
même

il ~? du
~y~
Priam aux genoux d'Achille.
votre pere;
~M~ 6' nous
fons tous les deux fous le poids des ~7!~
Hélas! peut-être ~?-z7~ ~~j des
M/M~M~ fans avoir côté de lui /?<?~~
à
éloigner le
/KMa~
Mais ~'z7 entendu dire
fon < que vous yz~y
~~y/~ /~fa/ÏCC 6'~ la joie
jours dans l'attente du.
mo-
ment où il reverra
~CWC de yM~ /~y~
~Ï/a/M~ 6'~y~M comme fi je les avois /~F
perdus. De cinquante que je CO/7M7fOM au-
fc~y moi lorfque les C~c~ font arrivés
il ne m'en/~0~yï qui pût nous défendre,
6' il vient ~/?~a/' vos mains, 'fOus les
murs de cette ville ~M~MC~/0/! corps s
mes ~J /<~ Dieux
vous votre ~C 6' pitié de
moi. ~O~ où j'en fuis réduit. Fut-il
~/tAfMBa/<?~ Un homme plus
à plaindre ? J~yM~ à T~JM~~ 6'~ baife
vos mains teintes du fang de mon fils.
Ainfi parla Priam le fils de Pé!e6
fentit au fouvenir de fon pere la pitié
s'émouvoir au fond de fon coeur. Il releva
le vieillard & le repouflant doucement,.
il rëcarta de lui.
Qu'eA-ce qu'il y a là-dedans ? Poinc
d'efprit y mais des chofes d'une vérité fi
grande qu'on ~c periuaderoit prefque
qu'on les auroit trouvées comme Homere.
Pour nous, qui connoiHbns un peu la dif<
acuité & le mérite d'être fimple H~bn&
ces morceaux lifons-les bien puis pre~
)
nous tous nos papiers & 0-tles jettons au reuJ
1

Le génie fe feni, mais il ne s'imite point.


Dans les pieces compliquées rintërét
eA plus l'effet du plan
que des difcours
c'en: au contraire plus l'effet des difcours
que du plan, dans les pieces nmples. Mais
à qui doit-on rapporter l'intérêt ? Eft-ce
aux perfonnages? EA-ce aux fpecrateurs?
Les ~e6rateurs ne font
que des témoins
ignorés de la chofe.
« Ce ~ont donc les perfonnages qu'il faut
» avoir en vue
Je le crois. Qu'ils forment le nœud fans
s'en appercevoir
que tout foit impéné-
trable pour eux qu'ils s'avancent
au dé-
nouement ïans s'en douter. S'ils font dans
l'agitation il faudra bien
que je fuive 6c
que j'éprouve les mêmes mouvemens.
Je fuis fi loin de penfer
avec la plupart
de ceux qui ont écrit de l'Art dramatique,
qu'il faille dérober au ~peâ-ateur le dénoue~
ment, que je ne croirois pas me proposer
une tâche fort au-denus de mes forces, fi
renrreprcnoisun drame où le dénouement
ieroit annoncé dès la premiere Scène~
où je ferois fortir l'intérêt le plus violent
de cette circonstance même.
Tout doit être clair pour le Spectateur
Confident de chaque perfonnage inStruit
de ce qui seSt paSIe & de ce qui fe paSIe'
il y a cent momens où l'on n'a rien de
mieux à faire que de lui déclarer
nette.
ment ce qui Se paffera.
0 faifeurs de regles générales, que vous
ne connoiHez guere l'art & que vous avez
peu de ce génie qui a produit les modèles
fur lefquels vous avez~ établi
ces regles
qu'il eft le maître d'enfreindre quand il lui
plaît
On trouvera dans mes idées tant de
pa-
radoxes qu'on voudra mais je perMerat
à croire que pour une occafion où il e~
à-propos de cacher au Spectateur inci-
un
dent importante avant qu'il ait lieu il
y
en a plusieurs où l'intérêt demande le
contraire.
Le poëte me ménage par le Secret
un
inStant de furprife il m'eût expolë
par la
confidence à une longue inquiétude
Je ne plaindrai qu'un inSiant celui qui
fera frappé & accablé dans un infant.
Mais que deviens-je fi le coup fe fait at-
tendre~ je vois Forage fe former fur ma
tête ou fur celle d'un autre, & y demeurer
long-tems SuSpendu?
LuSignan ignore qu'il va retrouver fes
enfans le Spectateur l'ignore auffi. Zaïre
& Nëre~an ignorent qu'ils font frere &
& foeur; le Spedateur l'ignore auÛI. Mais
quelque pathétique que foit cette recon-
noiffance je fuis fûr que l'effet en eût été
beaucoup plus grand encore fi le Specta-
teur eût été prévenu. Que ne me ferois-j e
pas dit à moi-même à l'approche de ces
quatre personnages ? Avec quelle atten-
tion & quel trouble n'aurois je pas écou-
té chaque mot qui feroit forti de leu~ bou-
che ? A quelle gêne le poëte
ne m'auroit-
il pas mis? Mes larmes ne coulent qu'au
moment de la reconnoiffance elles au-
roient coulé long-tems auparavant.
Quelle différence d'intérêt entre cette
Situationoù je ne fuis pas du fecret, & celle
<
où je fçais tout, & où je vois OroSmane
un poignard à la main attendre Zaïre
cette infortunée s'avancer vers Je coup
Quels mouvemens le Spectateur n'eût-il>
pas éprouvé, s'il eût été libre au poëte de
tirer de cet infant tout l'effet qu'il
voit produire & Sï notre Scène qui pou.s'op.
poSë aux plus grands effets lui eût
permis
de faire entendre dans les ténèbres la
voix
de Zaïre, & de me la
montrer de plus loin?
Dans Iphigénie en Tauride, le
~pec~
teur connoît l'état des perfonnages ~p.
primez cette circonstance &;
voyez fi
vous ajouterez ou fi vous ôterez à l'inté-
rêt.
Si j'ignore queNéron écoute l'entretien
de Britannicus e~ de Junie je n'éprouve
plus la terreur.
Lorfque Lu~gnan Ses encans Se font
reconnus, en deviennent-ilsmoins intéreS-
~ans ? Nullement. QueSi.ce
qui foutient &
~brtine l'intérêt? C'eSt
ce que le Sulran ne
fçait pas,&:cedont le Spectateur eSt in~ruif.
,Que tous les perfonnages s'ignorent, fi
le voulez
\/y~
vous mais rrit~ ieïpedateur les
t~r< que
connoiHe tous.
J'oferois prefque affurer qu'un fujet
les réticences font néceHaires eA
ù
un fujet
ingrat, & qu'un plan où l'on y a recours
e~t moins bon que fi l'on eût pu s'en
pa~er~
On n'en tirera rien de bien énergique. On
s'anujetira à des préparations toujours
trop
obfcures ou trop claires. Le poëme devien-
dra un tiffu de petites nneHes, à l'aide def-
quelles on ne produira que de petires fur-
prifes. Mais tout ce qui
concerne les per-
sonnages e~t-il connu? J'entrevois dans
cet-
te fuppofition la fource des mouvemens les
plus violens. Le poëte grec qui digéra juf-
qu'à la derniere fcène la reconnoi~ance
d'Ore~e ë. d'Iphigénie, fut homme de
un
gënie.Ore~e eft appuyé fur l'autel. Sa ~ceur
a le couteau facré levé fur fon ~ein. Oreïte
prêt à périr s'écrie: N'étoit-ce pas auez que
la fœur fût immolée ? Falloit-il
que le frère
le fût auîli ? Voilà le
moment que le no~e
m'a fait attendre pendant cinq acres.
« Dans quelque drame que ce foit le
noeud eft connu il fe forme en prëfencc
» du fpectateur. Souvent le titre feul d'une
~tragédie en annonce le dénouement.
C'efi un fait donné par l'Histoire. C'eftia
mort de Céfar c'eâ le facrifice d'Iphi.
» génie. Mais il n'en eft pas ainfi dans la
Comédie.
Pourquoi donc ? Le poëte n'eMI pas
le maître de me révéler de fon fujet
ce
qu'il juge à-propos ? Pour moi, je me fe<
rois beaucoup applaudi, fi dans le Pere de
famille (qui n'eût plus été le Pere ~/<
mais une piece d'un autre nom), j'avois
pû ramaHer toute la perfécution du Com-
mandeur fur Sophie. L'intérêt ne fe feroit-il
pas accru, par la connoinance que cette
jeune fille dont il parloit fi mal/qu'il pour.
fuivoit fi vivement, qu'il vouloit faire en-
fermer, étoit fa propre niece ? Avec
quelle impatience n'auroit-on pas attendu
Fin~ant de la reconnoiffance qui ne
pro-
duit dans ma piece qu'une furprife paffa-
gere ? C'eût été celui du triomphe d'une
infortunée à laquelle on eût pris le plus
grand
grand intérêt & de t la
< conMon d'un
1,
homme dur qu'on n'aimoit pas.
Pourquoi l'arrivée de Pamphile n'eSt-
elle dans l'Heycire qu'un incident ordi-
naire ? C'eSt que le Specrateur ignore
que
fa femme eft groSIe, qu'elle
ne l'eSt pas de
lui, & que le moment de fon
retour e~prë-
cifément celui des couches de fa femme.
Pourquoi certains monologues ont-ils
de fi grands effets? Ce~ qu'ils m'infirui-
fent des deffeins fecrets d'un personnage
& que cette confidence me faifit à l'infiant
de crainte ou d'efpérance.
Si rétat des perfonnages eA inconnu,
le Spectateur ne
pourra prendre à l'ac~
tion plus d'intérêt que les perfonnages.
Mais l'intérêt doublera
pour le Spectateur,
s'il eSt affez induit, & qu'il fente
que
les actions & les difcours Seroient bien
différens fi les perfonnages Se connoif-
foient. C'eSt ainfi que
vous produirez en
moi une attente violente de
ce qu'ils
deviendront, lorfqu'ils
pourront compa-
Tr T'
~0~
rer ce qu'ils font avec ce qu'ils ont fait
ou voulu faire.
Que le ~peBateur foit induit de
tout
& que les perfonnages s'ignorent, s'il fe
peut; que fatisfait de ce qui eft prêtent
je Souhaite vivement
ce qui va fuivre
qu'un perfonnage m'en faffe dénrer
un au-
tre qu'un incident me hâte vers l'incident
qui lui eft lié que les fcènes foient rapi-
des qu'elles
ne contiennent que des cho.
fes euentielles à i action, & je ferai
inté-
reffé.
Au re~e, plus je re~chis fur l'Art dra.
matique plus j'entre en humeur
contre
ceux qui en ont écrit. C'e~ un tiflu de loix
particulières dont on a fait des préceptes
généraux. On a vu certains incidens pro-
duire de grands enecs & aum-tôt
impose au poëte la nécemté des on a
mêmes
moyens pour obtenir les mêmes effets
tandis qu'en y regardant de plus près ils
auroient apperçu de plus grands effets
en.
core produire par des moyens tout con-
à
traires. C'e~ ainn que l'Art teïi furchar-
gé de regles & que les auteurs,
aSTu;ettiSïant fervilement, fe en
font quelque-
fois donné beaucoup de peine
moins bien. pour faire
Si l'onavoit conçû que, quoiqu'un
ou-
vrage dramatique ait été fait pour être
préfenté, il raMoit cependant re-
que l'auteur
l'aéteur oublianent le ~pedateur
& que
touH'Intëretfûtreiatifauxperfbnnages
on ne liroit pas fouvent dans les poëti-
ques vous faites ceci, ou cela, vous
axerez ainfi ou autrement
votre Spec-
tateur. On y liroit au contraire: n
faites ceci ou cela voici vous
ce qui en res-
tera parmi vos personnages.
Ceux qui ont écrit de l'Art dramatique
reffemblent à un homme qui s'occupant
des moyensde remplir de trouble
famille au lieu de pefer
toute une
ces moyens par
raport au trouble de la famille, les peferoit
relativement à ce qu'en diront les voinns.
Eh iainez.Ià les voinns
tourmenrez vos
perfonnages & Soyez sûr
que ceux-c~
n'éprouveront aucune peine que les autres
ne partagent.
D'autres modeles; l'on eût prefcrit d'au-
tres loix & peut-être on eût dit: que vo-
tre dénouement foit connu, qu'il le foit de
bonne -heure & que le fpeâateur foit
perpétuellement ïu~endu dans l'attente
du coup de lumière qui va éclairer tous
les perfonnages fur leurs actions & fur
leur état.
E~t-il important de ra~embler l'intérêt
d'un drame vers fa fin? Ce moyen m'y
paroît auffi propre que le moyen contrai-
re. L'ignorance & la perplexité excitent
la curiontc du ~pedateur & la foutien.
nent mais ce font 'les chofes connues &
toujours attendues qui le troublent & qui
l'agitent. Cette reffource eft sûre pour te-
nir la catanrophe toujours préfente.
Si au lieu de fe renfermer entre les
per-
sonnages & de laiuer le Spectateur deve-
nir ce qu'il voudra, le poëte ion de l'action
& descend dans le parterre, il gênera Ton
plan, il imitera les Peintres qui au lieu de
s'attacher à la représentation
-– rigoureufe
de la nature, la perdent de
vue pour s oc-
cuper des renburcesde Fart ~Songent
non pas à me la montrer comme elle eft
& comme ils la
voyent mais à en difpo-
fer relativement à des
moyens techniques
& communs.
Tous les points d'un efpace
ne font-ils pas
diverfement éclaires ?
ne Se féparent ils
pas ? ne fuient-ils
pas dans une plaine aride
& déserte comme dans le paysage
le
plus varie? Si
vous fuivez la routine du
peintre il en fera de
votre drame ainfi
que de fon tableau. Il a quelques beaux
endroits; vous aurez quelques beaux
in-
flans. Mais il
ne s'agit pas de cela; il faut
que le tableau foit beau dans toute fon
étendue &
votre drame dans toute fa
durée.
Et Facteur, que deviendra-t i!, ~i
êtes vous
vous occupé du Spectateur r Croyez-
vous qu'il ne fentira pas que ce que
vous
avez placé dans cet endroit &: dans celui-
ci, n'a pas été imaginé
pour lui. Vous avez
T ··'
penfé au Spectateur, il s'y adreffera. Vous
avez voulu qu'on vous applaudît il vou-
dra qu'on l'applaudiHe & je ne ~ais plus
ce que l'ill'uflon deviendra.
J'ai remarqué que faveur jouoit mal
tout ce que le poëte avoit compofé pour
le ~pe6tateur &; que fi le parterre eût fait
ion rôle, il eût dit au perfonnage « A qui
en voulez, vous ? Je n'en fuis pas. EA-cc
» que je me mêle de vos affaires ? Ren-
trez chez vous. » Et que fi l'auteur eût
fait le fien il feroit forti de la couliffe &
eût répondu au parterre « Pardon, Me~
fieurs c'en: ma faute une autre fois je
ferai mieux & lui auni.
Soit donc que vous composez, foit que
vous jouiez ne penfez non plus au fpec-
tateur que s'il n'cxi~oit pas. Imaginez fur
le bord du théâtre un grand mur qui vous
iepare du parterre. Jouez comme fi la toile
ne le le voit pas.
« Mais l'Avare qui a perdu fa caffette
dit cependant au ~pe6tateur: Menieurs,
» mon voleur n'en:-il point parmi vous ?
Eh laiffez là cet auteur. L'écart d'un
homme de génie ne prouve rien
le fens commun. Dites-moi feulement
contre
s'il
en: poffible que
vous vous adreffiez un
infant au Spectateur fans arrêter laBion;
& fi le moindre défaut des détails où
l'aurez conndéré n'eA vous
pas de difperfer
autant de petits repos fur toute la durée
de votre drame & de le rallentir?
Qu'un auteur intelligent fane
dans fon ouvrage des traits
entrer
que le fpec-
tateur s'applique, j'y confens qu'il
pelle des ridicules
y rap-
en vogue, des vices do-
minans, des événemens publics qu'il
in.
~rui~e & qu'il plaife, mais
que ce foit fans
y penfer. Si l'on remarque fon but, il le
manque, il ceue de dialoguer, il prêche.
La premiere partie d'un plan difent
nos critiques c'e~ l'expoHtion.
Une expofition dans la tragédie ou le
fait eft connu, s exécute un mot.
en Si ma
fille met le pied dans l'Aulide,
elle e~
morte. Dans la comédie, j'ofois je di<
rois que ceA la~che. Dans le 7~
où eA l'expoution? J'aimerois autant qu'on
demandât au poëte d'arranger fes premiè-
res Scènes, de maniere qu'elles continffent
l'e~quiCe même de fon drame.
Tout ce que je conçois, c'efi qu'il y a
un moment où Faction dramatique doit
commencer & que fi le poëte a mal choisi
ce moment, ii fera trop éloigné ou trop
voifin de la cataftrophe. Trop voifin de la
cataftrophe, il manquera de matiere ce
peut-être fera-t il forcé d'étendre fon fujet
par une intrigue épifodique. Trop éloi-
gné, fon mouvement fera lâche, fes ac~es
longs & chargés d'événemens ou de dé-
tails qui n'intérefleront pas.
La clarté veut qu'on dife tout. Le genre
veut qu'on foit rapide. Mais comment tout
dire & marcher rapidement?'
L'incident qu'on aura choifi comme le
premier, fera le fmet de la premiere fcène.
Il amènera la feconde la feconde amenera
la troifieme, & l'acte fè remplira. Le point
important, c'ef!: que l'avion croiffe en v~
te~Ië~ & foit claire c'en: ici le cas de penfer
au ~pedateur. D'où l'on voit que l'expo-
ntion fe fait à mefure que le drame s'ac-
complit, & que le Spectateur ne fçait tout
& n'a tout vu que quand la toile tombe.
Plus le premier incident laiffera de cho-
fes en-arriere, plus on aura de détails pour
les ades fuivans. Plus le poëte fera rapide
& plein, plus il faudra qu'il foit attentif.
Il ne peut fe fuppofer à la place du fpeda-
teur que jufqu'à un certain point. Son in-
trigue lui eït fi familiere qu'il lui fera fa-
cile de fe croire clair quand il fera oMcur.
C'ed à fon censeur à rinïiruire car quel-
que génie qu'ait un poëte il lui faut un
cenfeur. Heureux, mon ami, s'il en ren-
contre un qui foit vrai & qui ait plus de
génie que lui. C'cA de lui qu'il apprendra
que l'oubli le plus léger fuffit pour détruire
toute illunon qu'une petite circonstance
omife ou rrm! nré~ntéc décelé !e menson-
ge qu'un drame e~ fait pour le peuple
& qu'il ne faut fuppofer au peuple ni
trop d'imbécillité, ni trop de nnene.
Expliquertout ce ,.d n.
qui le
1 demande mais
nen au-delà.
Il y a des choses minutieufes que le Spec-
tateur ne fe foucie pas d'apprendre, &:
dont il fe rendra raison à lui-même. Un in-
cident n'a-t-il qu'une caufe, &: cette caufe
ne ïe préfënte.t-elle pas tout-à-coup à Fef.
prit~C'eA une énigme qu'on laifferoit à
deviner. Un incident a-t-il pu naître d'une
maniere fimple & naturelle ? L'expliquer,
cM s'appefantir fur un détail qui n'excite
point ma curiofité.
Rien n'e~ beau s'il n'c~ un & c'e~:
le premier incident qui décidera de la cou-
leur de l'ouvrage entier.
Si l'on débute par une ntuation forte
tout le reâe fera de la même vigueur, ou
languira. Combien de pieces que le début
a tuées Le poëte a craint de commencer
froidement; & fes fituations ont été
fortes qu'il n'a pu fbûcenir les premieres
impreffions qu'il m'a faites.
Si le plan de l'ouvrage eft bien fait
le poëte a bien choisi fon premier mo-
ment s'il eft entré par le centre de l'ac-
tion s'il a biendemné fes caractères, com-
ment n'auroit-il pas du fuccès ? Mais c'eH:
aux iituations à décider des caractères.
Le plan d'un drame peut être fait & bien
fait, fans que le poëte fçache rien encore
du caractère qu'il attachera à fes perfon-
nages. Des hommes de différens caractè-
res font tous les jours expofés à un même
événement. Celui qui facrifie fa fille peut
être ambitieux, foible ou féroce. Celui
qui a perdu fon argent, riche ou pauvre.
Celui qui craint pour fa maîtreffe bour-
geois ou héros, tendre ou jaloux, prince
ou valet.
Les caractères feront bien pris, fi les H-
tuations en deviennent plus embarraHan-
tes & plus fâcheufes. Songez que les vingt-
'1-
quatre heures que vos personnages
var,l~.t~IIUI.&IJ0-vont
Vll<
paffer font les plus agitées &: les plus cruel-
les de leur vie. Tenez les donc dans la
plus grande gêne poffible. Que vos Situa-
tions foient fortes opposez-les'auxca-
(9i)
ra8:eres e
oppofez encore les intérêts aux
intérêts. Que l'un ne puiffe tendre à fon
but fans croifer les deffeins d'un autre
& que tous occupés d'un même événe-1
ment, chacun le veuille à fa maniere.
Le véritable centrale c'eft celui des
caractères avec les fituations; c'efi celui
des intérêts avec les intérêts. Si vous
ren-
dez Alceftc amoureux que ce foit d'une
coquette Harpagon d'une fille pauvre.
« Mais pourquoi ne pas ajoûter à ces
deux fortes de contrâmes, celui des
ca-
raderes entre eux ? Cette reffource eA
commode au poëte.
Ajoûtez & fi commune, que celle de
placer fur le devant d'un tableau des ob-
jets qui fervent de repouubir, n'eft pas
plus familiere au peintre.
Je veux que les caractères foient dif-
férens mais je vous avoue que le con-
trale m'en déplaît. Ecoutez mes raubns
& jugez.
Je remarque d'abord que le contrafre
eft mauvais dans le Ayle. Voulez- vous
que des idées grandes, nobles & amples
fe réduifent à rien faites-les contrafier
entr'elles ou dans l'expremon.
Voulez-vous qu'une piece de mufique
foit fans exprenion & fans génie jettez-y
du centrale, & vous n'aurez qu'une fuite
alternative de doux & de fort'~ de grave
& d'aigu.
Voulez-vous qu'un tableau foit d'une
compofition defagréable & forcée mé-
priiez la fagefle de Raphael, y frrapaHez,
faites contra~er vos figares.
L'architecture aime la grandeur & la
fimplicité. Je ne dirai pas qu'elle rejette
le centrale. Elle ne l'admet point.
Dites-moi comment il fe fait que le con-
traire foit une fi pauvre chofe dans tous les
genres d'imitation excepté dans le dra-
matique ?
Mais un moyen sûr de gâter un drame
& de le rendre insoutenable à tout hom-
me de goût ce feroit d'y multiplier les
contrâmes.
Je ne fçais quel jugement on portera
7T y
du Pere de famille; mais
wfaid s'il n'eA que mau-
c

vais, je Faurois rendu déte~able en met-


tant le Commandeur en contrafte avec le
Pere de famille Germeuil avec CécUe,
Saint-Albin avec Sophie 8c la Femme.
de-chambre avec un des valets. Voyez ce
qui ré~ulteroit de ces antithèses. Je dis an.
tithèfes, car le contracte des caraéteres eft
dans le plan d'un drame, ce que cette
gure eAdans le difcours. Elle eft heureuse;i
mais il en faut ufer avec fobriété & ce.
lui qui a le ton éh:vc s'en pane toujours.
Une des parties les plus importantes
dans l'Art dramatique & une des plus
s
difficiles, n'e~-ce pas de cacher Fart ? Or
qu'eH-ce qui en montre plus que le con-
trade? Ne paroît-il pas fait à la main?a
N'e~t-ce pas un moyen u(ë ? Quelle efl
la piece comique où il n'ait pas été mis en
f~euvre ? Et quand on voit arriver fur la
~cène un perfonnage impatient ou bourru,
où eft le jeune homme échappé du collége
& caché dans un coin du parterre qui ne
fe dife à lui-même le perfonnage tran-
quille ôedoux n'eH: pa~ loin.
Mais n'ed-ce pas affez
/T* du vernis roma-
nefque malheureufement attaché au genre
dramatique par la nécenité de n'imiter'For-
dre général des choses que dans les cas ou
il s'eâ plu à combiner des incidens extra-
ordinaires, fans ajoûter encore à ce ver-
nis fi oppofé à FiUunon un choix de ca-
ractères qui ne fe trouvent preique jamais
raucmblés ? Quel eft l'état commun des
Sociétés ? E~t ce celui où les caractères
font différens, ou celui où ils font contraf-
tés ? Pour une circonstance de la vie où
le centrale des caractères fe montre auffi
tranché qu'on le demande au poëte, il y en
a cent mille où ils ne font que différens.
Le contrafte des caractères avec les fi-
tuations & des intérêts entr'eux eft au
contraire de tous les in~ans.
Pourquoi a-t.on imaginé de faire contraf-
ter un caractère avec un autre ? C'en: fans
doute ann de rendre l'un des deux plus for-
tant. Mais on n'obtiendra cet effet qu'au-
tant que ces caractères paroîtront enfem-
ble. De-là, quelle monotonie pour le dia-
logue ? Quelle gêne pour la conduite ?
Comment réuflirai-je à enchaîner naturel-
lement les événemens & à établir entre
les fcènes la fucceffion convenable, fi je
fuis occupé de la néceHité de rapprocher
tel perfonnage de tel autre ? Combien de
fois n'arrivera-t-il pas que le contracte de-
mande une (cène, & que la vérité de la
fable en demande une autre ?
D'ailleurs fi les deux perfonnages con-
trains étoient deÛinés avec la même
force ils rendroient le fuj et du Drame
équivoque.
Je fuppofe que le Af~~M n'eût point
été affiché, & qu'on l'eût joué fans an-
fi Philinte
nonce que feroit il arrivé
eût eu fon caractère~ comme Alce~e a le
~ien ? Le Spectateur n'auroit-il pas été dans
le cas de demander,du-moins à la premiere
fcène où rien ne diflingue encore le per-
fonnage principaly lequel des deux on
jouoit du Philantrope ou du Mifantrope?
Et comment éviter on cet inconvénient?
On iacrine l'un des deux caractères. On
met
< J.
met dans la bouche du premier tout ce
qui eft pour lui, & l'on fait du fecond «
un
fot ou un mal-adroit. Mais le fpectateur
ne fent-ï! pas ce défaut, fur-tout lorfque
le caractère vicieux e~ le principal,
com-
me dans l'exemple que je viens de citer?
« La premiere fcène du e~
» cependant un chef-d'œuvre.
Oui mais qu'un homme de génie s'en
empare qu'il donne à Philinte autant de
fang rroid de fermeté d'éloquence,
d'honnétctë, d'amour
pour les hommes
'd'indulgence pour leurs défauts, de
com-
paffion pour leur foibleffe, qu'un ami vé-
ritable du genre humain
en doit avoir, oc
tout à coup, fans toucher au difcours
d'AIcefte, vous verrez le fujet de la piece
devenir incertain. Pourquoi donc
ne Fe~
il pas ? Eft-ce qu'AIcefte raifon ? Eft-ce
a
que Philinte a tort ? Non c'eft que l'un
plaide bien fa caufe &
que l'autre dé-
fend mal la tienne.
Voulez-vous, mon ami,
vous convain-
cre de toute la force de cette obferva-
yy D-
~8)
tion ? wi i
AJ~
Ouvrez les Adelphes de Térence
i
vous y verrez deux peres contrariés, &
tous les deux avec la même force; & dé-
fiez le Critique le plus délié de vous dire
de Micion ou de Déméa, qui eA le per-
fonnage principal ? S'il o~e prononcer
avant la derniere ~cène, il trouvera à fon
étonnement que celui qu'il a pris pendant
cinq ades pour un homme fenfé n'eft
qu'un fou, & que celui qu'il a pris pour
un rbu pourroit bien être l'homme fenfé.
On diroit au commencement du cm"
quieme ac~e de ce drame que Fauteur
€mbarraue du contraAe qu'il avoit établi,
a été contraint d'abandonner ton but &
de renverser l'intérêt de fa pièce. Mais
qu'e~ il arrivé ? C'efr qu'on ne fçait plus à
qui s'intéreHer, oc qu'après avoir été pour
Micion contre Déméa on finit fans fça-
voir pour qui l'on eit. On défireroit pref.
que un trol~eme pere qui tînt le milieu
entre ces deux personnages & qui en fît
connoître le vice.
Si l'on croit qu'un drame ~ans pcrfonna-
ges contraités en fera plus facne, on te
trompe. Lorfque le poëte ne pourra faire
valoir fes rôles que par leurs difTérences
avec quelle vigueur ne faudra-t-H pas qu'il
les defiïne & les colorie ? S'il
ne veut pas
être aufiï froid qu'un peintre qui placeroit
des objets blancs fur fond blanc, il
un aura
~ans ceHe les yeux fur la diverfité des états,
des âges des dations & des intérêts
6c
loin d'être jamais dans le
cas danbiblir un
caradere pour donner de la force à
un au<
tre, fon travail fera de les fortifier tous.
Plus un genre fera férieux moins il
me
femblera admettre le contrafte. Il eft
rare
dans la tragédie. Si
on l'y introduit, ce
n'eft qu'entre les fubalternes. Le héros eft
feul. II n'y a point de contrafte dans
f~~c~~ point dans ~/M/7z~~ point
dans Cinna point dans ~2~
dans Zaïre; point dans le 7~ point
Le contrafte n'ef~ pas néceffaire dans
les comédies de caractère. Il eft au-moins
foperflu dans les autres.
II y a une tragédie de Corneille cefc,
je crois, Nicomede, où la
1 génërdïitë e~ la,
qualité dominante de tous les perfonna-
ges quel mérite ne lui a t-on pas fait de
cette fécondité & avec combien ju~e
raifon a
Térence centrale peu. Plaute contrafie
moins encore. Moliere plus fouvent. Mais
fi le contrat fut quelquefois
pour Moliere
le moyen d'un homme de génie efi-ce
une raifon pour le prescrire aux autres
poëtes? N'en feroit-ce pas une au contraire
pour le leur interdire ?
Mais que devient le ~ialogue entre des
perfonnages contrains ? Un tiflu de peti-
tes idées, d'antithèfes car il faudra bien
que les propos ayent entr'eux la même
oppofition que les caractères. Or c'e~t à
vous, mon ami, que j'en appelle ôc à tout
homme de goût. L'entretien fimple &
na-
turel de deux hommes qui auront des in-
J«~?~ J--
n-n- ~ca ptnnuu~ <jc0- ue~ âges
*~<.A*« A <V~
Qinerens
ne vous plaira-t-il pas davantage ?
Je ne puis fupporter Je contrafle dans
l'Epique, à-moins qu'il ne foit de fenti-
(.01)
'mens ou d'images.1 Il
TI
me déplaît dans la
tragédie. Il eft fuperflu dans le
comique
férieux. On peut s'en paner dans
la co-
médie gaie. Je l'abandonnerai donc
au far-
ceur. Pour celui-ci, qu'il le multiplie & le
force dans fa coinpofition
tant qu'il lui
plaira il n'a rien qui vaille,
à gâter.
Quant à ce centrale de fentimens
d'images que j'aime dans l'Epique, ou
dans
l'ode & quelques
genres de poëne élevée,
fi l'on
me demande ce que c'efr, je répôn.
drai c'e~r
un des caractères les plus mar-
qués du génie, c'eA l'art de porter dans
i~me des fenfations extrêmes &
oppofées
de la fecouer,
pour ainn dire, en fens con-
traires, & d'y exciter un treffaillement
metë de peine & de pIaitîr d'amertume
& de douceur, de douceur & d'effroi.
Tel e~ l'effet de
cet endroit de l'Iliade,
où le poëte me montre Jupiter a~Hs fui-1'~
da au pied du mont les Troyens &: les
Grecs s'entregorgeant dans la
nuit qu'il a
répandue fur eux, & cependant les
regards
du dieu, inattentifs & fereins
tournés fur
les campagnes innocentes des Ethiopiens
qui vivent de lait. C'eft ainfi qu'il m'offre
à-la-fbis le fpeétacle de la mifere 8~ du bon-
heur, de la paix &: du trouble de l'inno-
cence &: du crime, de la fatalité de l'hom-
me & de la grandeur des dieux. Je ne vois
au pied de Hrh'qu'un amas de fourmis.
Le même poëte propofe-t-il un prix à
des combattans ? Il met devant eux des
armes un taureau qui menace de la cor"
~e, de belles femmes & du fer.
Lucrece a bien connu ce. que pouvoit
~'oppontion du terrible & du voluptueux
lorfqu'ayant à peindre le tranfport em-~nc
de l'amour, quand il s'eft emparé des fens
H me réveille l'idée d'un lion qai, les flancs
traverfés d'un trait mortel, s'élance avec
fureur fur le chaleur qui l'a bleilë~, le ren'
yerfc cherche à expirer fur lui, & le laine
t
40ut couvendc J~bn l~:
0-
r
propre iang.
L'image de la mort eft à côté de celle
du plaifir, dans les odes les plus piquâmes
d'Horace, & dans les chanfons les plus
belles d'Anacrcon.
('~)
Et Catulle, $ ignoroit-il
noroit-il la magie de ce
centrale lorfqu'il a dit
~ZT'M~, y~~ Z~z<ï atque a/Tï~/M~~
jRz//7Ï<7~?/~Z~ Y~/ZM/M /C~~<?/'M/7Z
Omnes unius <P/?~72~J
Soles occidere & ~o/y~~
JVo~J cùm ftmel occidet ~~j lux

1' /z~
~VûA? ~/?
perpetua una dormienda.
Z~~ mî bafia mille.
Et l'auteur de lor~
qu'après la peinture d'un-jeune anima!
tranquille habitant des forêts qu'un bruit
fubit &- nouveau a rempli d'effroi
oppo-
fant le délicat & le Sublime il ajoute
mais fi le bruit efl

ture
pas ~M~y~
calme, z/
~j
nimal /~CO/Ï/!OZf ~/ZCC ordinaire de la
z7~
paifible retraite.
Et l'auteur de FE~,
6'
l'a-
na-

lorfque confon-
à

dant des idées lenluelies à des idées féro-


ces, il s'écrie par la bouche d'un fanati-
que expirant Je meurs mais y~c'AOM~
MMc douceur incroyable à mourir y~/z-
~/2~ la voix d' Odin qui /7Z'~?~\ Z~<:
MM
~/2~
ceintes d'une écharpe
~~j~
y~

môi7~ &
C~2~/2f une
Elles
~7~~ ~/2~
mes ennemis.
Il y a un paysage du Pou~
où l'on voit
de' jeunes hcrgcres qui dansent
au Con du
chalumeau & à Fécart tombeau
un avec
.cet.te iaïcnption Je vivois
Le pre~ige de Ayle dont
il s'agit tient quelquefois à
un mot qui
détourne ma
vue du ~jet principal, & qui
me montre de côté, comme dans le
sage du Pou~n, l'efpace, le pay-
tems, la vie,
la, mort, ou quelqu'autre idée grande
&:
méïancolique, jettée
tout au-travers des
images de la gaieté.
Voilà les ~!s contrafles qui
me plai-
dent. Au retle il
y en a de trois fortes en-
tre .es cara~cies. Un contraite de vertu
& un centrale de vice. Si un personnage
eft avare, un autre
peut contra~er avec
lui ou par l'économie,
ou par la prodiga-
('~)
lité & le contrat de< vice ou de ~edu
peut être réel ou feint. Je ne connois
au~
cun exemple de ce dernier: il eA vrai q~
je connois peu le théatre. Il
me femble
que dans la comédie gaie, il feroit effet
~lez agréable; mais un
une fois feulement.
Ce caraâere fera ufé dès la
première piece.
raimerois bien à voir
un homme qui ne
fût pas, mais qui aSeBât d'être
d'un ca-
ra~ere oppofé à un
autre. Ce caraBere
feroit original,
pour neuf, je n'en fçais
rien.
Concluons qu'il n'y qu'une raifon
a
contrafter les caractères & qu'il pour
plufieurs pour les y en a
montrer différens.
Mais qu'on iife les Poëtiques
on n'y
trouvera pas un mot de ces contrafles. H
me parole donc qu'iî en e~ de cdte loi
comme de beaucoup d'autres qu'elle
été faite d'après quelque nrnduction a
de
génie où l'on
aura remarqué un grand
effet du contrat & qu'on
aura dit: le
contrarie fait bien ici, donc
bien faire fans contrarie. Voilà on ne peut
la logique
<dé la plupart de ceux qui ont ofe~ donner
des bornes à un art dans lequel ils ne fe
font jamais exercés. C'eA auffi celle des
Critiques fans expérience qui nous jugent
d'après ces autorités.
Je ne fçais, mon ami, fi l'étude de la
Philofophie ne me rappellera pas à elle &
fi le 7~y~~ eft ou n'eft pas mon der.
nier drame mais je fuis sûr de n'introdui.
re le contra~e des caractères dans aucun.
Lorfque rc~quiue eft faite & remplie,
& que les caractèresfont arrêtés, .on pane
à la divifion de l'action.
Les actes font les parties du drame. Les
Scènes font les parties de Facie.
L'acte efi une portion de l'aétion totale
d'un drame. Il en renferme un ou plusieurs
incidens.
Après avoir donné l'avantage aux pie-
ces fimples fur les pieces compofées il
feroit bien fingulier que je prérerane un
ade rempli d'incidens à un ade qui n'en
auroit qu'un.
On a voulu que les principaux perfon-
nages fe montraient ou tuÛent nommés
dans le premier ade je ne (çais trop
pour-
quoi. H y a telle action dramatique où il
ne faudroit faire ni l'un ni l'autre.
On a voulu qu'un même perfonnage ne
rentrât pas fur la (cène plufieurs fois dans
un
même ade &: pourquoi l'a-t-on voulu ?
Si ce qu'il vient dire, il ne l'a pu quand il
étoit fur la (cène fi ce qui le ramene s'e(t
paiïë pendant fon absence s'il laine fur
a
la (cène celui qu'il y cherche fi celui-ci
y
dren effet ou fi n'y étant pas, il ne le
fçait pas ailleurs fi le moment le deman-
de fi fon retour ajoute à l'intérêt
en un
mot s'il reparoît dans l'action comme il
nous arrive tous les jours dans la (bciëtc
alors qu'il revienne je fuis tout prêt à le
revoir &: à l'écouter. Le Critique citera
fes auteurs tant qu'il voudra le Spectateur
fera de mon avis.
On exige que les ades foient à-peu-près
de la même longueur: il feroit bien plus
fenfé de demander que la durée en fût pro-
portionnée à l'étendue de l'aSion qu'ils
embradent.
1-
Un acte Mra toujours trop long, s'il eft
~Mde d'action & chargé de difcours; Sri!
fera toujours a~ez court, fi les discours 8c
les incidens dérobent au Spectateur fa du.
fée. Ne diroit-on pas qu'on écoute un dra.
me, la montre à la main ? Il s'agit de fentir,
& toi tu comptes les pages & les lignes.
Le premier ac~e de F/f~M~ n'a que
deux ~céMes & un petit monologue & le
dernier ac~e en a dix. Ils font l'un & l'au-
re également courts, parce que le fpec-
tateur n'a langui nidans l'un ni dans l'autre.
Le premier ade d'un drame en eft peut.
être la portion la plus difficile. 11 faut qu'il
entame, qu'il marche quelquefois qu'il
expofe & toujours qu'il lie.
Si ce qu'on appelle une expofition n'e~
pas amené par un incident important, ou
s'il n'en eu: pas fuivi Fac~e fera froid.
Voyez la di~erence du premier ade de
i'ï~~yt/ï~ ou de l'Eunuque & du pre-
mier acte de l'Heycire.
On appelle Entracte la durée qui fépare
un acte du fuivant. Cette durée eft varia-
blé mais puifque l'action ne s'arrête point,'
il faut que lorfque le mouvement ce~e fur-
la fcène il continue derriere. Point de re-
pos, point de fufpenfion. Si les perfonna-
ges reparoiffoient, & que l'avion ne fût
pas plus avancée que quand ils ont difpa.
ru, ils fe feroient tous repofés ou ils au-
roient été di~raits par des occupations
étrangères deux Supportions contraires
nnon à la vérité du-moins à l'intérêt.
Le poëte aura rempli fa tâche s'il m'a
laiffé dans Fattente de quelque grand évé-
nement, & fi l'action qui doit remplir fon
entracte, excite ma curio&é fortifie
FimpreHion que j'ai préconçue. Car il ne
s'agit pas d'élever dans mon ame dnïérens
mouvemens, mais d'y confërver celui qui y
regne & de l'accroître fans ccSe. C'e~un
dard qu'il faut enfoncer depuis la pointe
jusqu'à fon autre extrémité effet qu'on
~t*
"ht1A",1.3 ~oin~
nn:n.. ,:J'une
<-t
uns pièce comptic<ucc~
à-moins que tous les incidens rapportés à
un feul perfonnage ne fondent fur lui ne
l'atterent & ne l'écrasent. Alors ce per-
~bnna~e eft vraimènt dans la ~tuatioh dra<
matique. H eA gémiHant c~ paffif: c'eft
lui qui parle & ce font les autres qui agi(L
Sent.
Il fe paife toujours dans Fentra~e, 8c
couvent il furvient dans le courant de la
piece,des incidens que le poëte dérobe aux
Spectateurs, &: qui fuppofent dans l'inté-
rieur de la maifon des entretiens entre fes
perfonnages. Je ne demanderai pas qu'il
s'occupe de ces Scènes & qu'il les rende
avec le même foin que fi je devois les en-
tendre. Mais s'il en ~ai(bit une efquiffe
elle acheveroit de le remplir de fon fujet
& de fes caraderes & communiquée à
ladeur, elle le fbutiendroit dans l'efprit de
fon rôle & dans la chaleur de fon action.
C'eit un furcroît de travail que je me ~uis
quelquefois donné.
Ainfi lorfque le Commandeur pervers
va trouver Germeuil pour le perdre en
l'embarquant dans leprojet d'enfermer So-
phie, il me femble que je le vois arriver
d'une démarche compofée avec un vifa-
ge hypocrite & radouci, & que je lui en.
tens dire d'un ton insinuant Se patelin:
Z~ Co~fM~~rz?~
6'<?/yz~<' cherchois.
C~~M~C~7Z.
Moi Monfieur le Commandeur?
LE COMM~~VZ)~
Toi-même.
C~ 2:M~ Ï7~ Z.
Cela vous
LE COMMANDEUR.
7y efl vrai mais un homme tel que (7cr<
~M~ ~C~~<?/- fOf ou tard. J'ai
C~ ton e~~C~ /72~ /P< tous
/M~~C~ rendus à /72~~
C6wz~ je y72~/zf~ quelquefois j~z~yg

cette ~2
~/Z~M/ me fuis demandé à quoi tenoit
qui éloignoit deux honnêtes ~72~
i duroit entre nous
/Z de /M-
f/y~I~ ~CO~ /7/7~ ?~7f/7C ~<.
L~
venu fur le C~7~ te ~/7'~ ~ÛM~'<?~ ~~<
oui te ~7~~ ~/7~/Z~~ ~M T~M~- que
/?0~y<~0~ amis ?,
·
~f /<
~Mf~~
C~~M~<77Z.
veux
J! M~ t/
Monfieur? ~t~y
ZE ~OMM~AT~FC~
Germeuil, quand je hais je hais bien.
CjE~M~7Z.
Je leffais.
LE COMMANDEUR.
Quandj'aime c'ejl de /7!~C~ <S' tu
vas en y~
Ici, le Commandeur lai~e apperce-
voir à Germeuil que les vues qu'il peut
avoir fur fa niece, ne lut font pas cachées
il les approuve, & s'offre à le fervir.
Tu recherches ma /2Z~ tu n'en conviendras
pas je te C0/2/2û~. Mais pour te rendre de
bons <~C~ ~Z!' auprès de fon pe-
7~ .K
_e ton. av~u u' tu me
~e
//U~j- ~Z~~7~/2~a tems.
Germeuil connoîc trop bien le Com-
mandeur pour fe tromper à fes offres. Il
ne doute point que ce préambule obli-
geant n'annonce quelque fcélëratene & il
dit au Commandeur.
GERMEUI L.
G-~M~yf~.
~T/~M~ ~oy2/~M/' ~/KW<M~
J~M~ &

Z~ COM7~~7/.P2?y~~
Z~~C/ cr~ ~JM~~y<s
&

C~AMJ?y7Z~
C~~J~
Z~ COMM~A~Z?~
~<M ~<~?~
~/Ï~ ~0/ï & à /7!~ ~M7!
<Sj&jri.
/~yMM~c/

41or~ le Commandeur après


UN peu
de ~!ehce, îette négf~gemïhent &: ~omme
p~r ~rméde conver~tion~. 7~ ~/s~
1. ~eveu?
72<'1/ c,
'C~7r.M~2L
ytr M''
1

T~o/ï~
~~OT-fa~CZ.
~o~jMr~
Cj?~~f~c/
~O/ï~
(''4)
LE CojtfM~~z~yj:.
1
C~ qui ~f/M
~M~~&~
f~~
A
n'en efl rien.
~EA~f~y/Z..
J~ Monfieur.
Z~ Coj~M~JV~
~f /ïC~ï~ aucun Mf~ C~M~f~
~~Jt3f~~7Z.
~Ï~
Z~ Cc~M~~JO~y~
<P~~7!
C~E~/Z,
vous /\M dit.
Z~~ Co~Jtf~JVZ?~
Et fi je ~0/CM <& ~~yM~r~
~My terminer
~MM~ ~~fMj
moment ~~f f~
(?~C~.
~?~ Co~
~2~M~.
/M~y~ M~
~f~y~
y~ ~7~~ <i-~<yp~
Ïï~)
LE COMMANDEUR.
~f me garderois ~~C/~f
<?~~JM~N77Z.
Si vous

C~ 6'
~~J~<M~
LE CoMJMT~A'~F~jR.
qui empêcheroit ?

~FjR~f~~Zf.
GERMELRIL.
J~?-C~ qu'on vous devine
Le Commandeur lui révéle fon projet.
Germeuil voit tout d'un coup le danger
de cette confidence il en eâ troublé. H
cherche mais inutilement, à ramener le
Commandeur. Il fe récrie fur l'inhumanité
qu'il y a à perfécuter une innocente. Out
eA la commisération ? la ju~ice ?.. La com-
~M0/! Il s'agit c~ 6' /<:y~
tice ~/? ~~M~ des créatures qui 7!<
dans le monde que pour égarer les ~/ï/a/M 6'
~c~M~M/<f/2j Et votre neveu ?
Il en aura d'abord quelque chagrin mais unt
autre fantaifie effacera celle-là. Dans deux
jours il y!~ paroîtra jp/Kj 6' nous lui aurons
rendu un fervice important Et ces ordres
qui dirent des citoyens, croyez-vous
y

qu'on les obtienne ainfi ? y~~


6' dans une deux
Monfieur le Commandeur,
7Z~ a
quoi m.'engagez-vous a a-ccede je le

~c~
~~z~
toi
~/ï~
cour à
jamais.
à
pour S.~ Albin.
mais
7Z~~ Germeuil
les Monfieur.
6'72~<'c~Un lettre de cachet

mot encore, s'il vous plait. Tout


.tendu. Tout efl dit. M~~
Le Commandeur rempli d'une joie
<S.~
<
qu'il
a peine à dimmu!er s'éloigne vïte il
croit Germeuil embarqué & perdu fans
Te~burce il craint de lui donner
le tems
du remords. Germeuil le rappeUe,
mais il
va toujours, & ne fé retourne que
-lui dire du fond de la falle Et pour
6' /?Ïd! /Z~<?.
Je me trompe fort
ou l'utiliré de ces
Scènes ébauchées dédommageroit
un au-
teur de la peine legére
egére qu'il
qu'j auroit prife à
les faire.
Si un poëtc a bièn médité fon
~aaion.iinyauraaucu~ fujet &:
de tes actes auquel il
ne puine donner un
titre & de même
que dans le poëme
épique on dit, la defcente
aux Enfers, les
Jeux funèbres, le dénombrement
de l'ar-
mée, l'apparition de 1 ombre diroit
dans le dramatique, !a6te des on
fbupçons,
1 aBe des fureurs, celui de la
reconnoiffan-
ce ou du facrifice. Je fuis ëfonné les
anciens ne s'en foient que
pas avifës cela eft
tout-à-fait dans leur
goût. S'ils euflent in-
titulé leurs actes, ils aurolent rendu
fervi-
ce aux modernes, qui n'auroient
de pas man-
qué les imiter & le caractère de lacté
nxë, le poëce auroit été forcé de
le rem-
plir.
y or~r"~
~cu= dura aonne< à fes per-
fonnages les caractères les plus
b~es ceft-à-dire les
convena-
ptus opposes aux
tuations s'il a un
peu d'imagination, je ne
penfe pas qu'il puiffe s~empécher
de s'en
former des images. C'eA ce qui
nous ar-
rive tous les jours à régard des pannes
dont nous avons beaueoup entendu parier.
Je ne fçais s'il y a quelque analogie
entre les
physionomies & les aâions mais je
içais
que les payons, les difcours c< les
tions ne nous (ont pas p~tôt ac.
connus qu'-
au même infant nous imaginons un vifage
auquel nous les rapportons & s'il arrive
que nous rencontrions l'homme, & qu'il
ne renemble pas à l'image que nous nous
en fommes formée nous lui dirions volon-
tiers que nous ne le reconnoinbns
pas,
quoique nous ne l'ayons jamais
vu. Tout
peintre, tout poëte dramatique fera phy.
~onomide.
Ces images formées d'après les caracie.
res, innueront au~ ïur les difcours & fur
le mouvement de la fcène fur-
tout fi le
tj,~n~rP !oc ~t/m~
t~r~t~ l~ç ~L~ t~~ -f~.
1`~ ~~it, t.- drréte
iea de-
c. y~jn~ arrête
A
ae-
t
vant lui, & en remarque les changemens.
Pour moi, je ne conçois
pas comment
le poëte peut commencer
une ~cène, s'il
n'imagine pas Faction & le
mouvementdu
perfonnage qu'il introduit;
introdui fa démar~
che & fon manque ne lui font pas préfens.
C'efi ce fimulacre qui infpire le premier
mot & le premier mot donne le refre.
Si le poète eft fecouru par ces phyiïo-
nomies idéales, lorsqu'il débute; quel par.
ti ne tirera-t-il pas des impreffions Subites
& momentanées qui les font varier dans le
cours du drame, & même dans le cours
d'une fcene ?. Tu pâlis Tu trembles.
Tu me trompes. Dans le monde parle-
t-on à quelqu'un ? On le regarde, on cher-
che à démêler dans fes yeux, dans fes mou-
vemens, dans fes traits, dans fa voix ce
qui fe paîle au fond de fon cœur. Rare-
ment au théatre. Pourquoi ? C'efi que nous
fommes encore loin de la vérité.
Un perfonnage fera néceHairement
chaud & pathétique, s'il part de la fitua-
tion mcmc
fcène.
Fi f~1 s de
H n IW
ceux w r.. i:
qu'il trouve fur lala
Attachez une phyfionomie à vos per-
fbnnages, mais que ce ne fbit pas celle des
acteurs. C'eA à Fadeur à convenir au
y61e, 8e non
pas au rôle à convenir à Fac.
Mur. Qu'on ne dife jamais de vous, qu'au
lieu de chercher
vos caractères dans les
Ouations
vous avez ajusté vos fituations
au caraâere au talent du comédien.
N'étes.vous pas étonne,mon
ami, que
les anciens foient quelquefois
tombés dans
cette petitene ? Alors on couronnoit le
poète & !e comédien. Et lorsqu'il
y avoit
un a~eur aime du public, le poëœ
piai~ni mfëroit dans fbn drame com-
Me qui communément le gâtoitun épi-
mais
qui amenoit fur la fcène I'a6teur
chéri.
J'appelle fcènes composes
celles où
plufieurs per~nnages font
occupés d'une
chofc tandis
que d'autres perfonnages
font à une chofe din-érente
ou à la même
cho~mais
chol"p 1 ",c à
part.
Dans une fcène limple, le dialogue
fe
fuccede fans interruption. Les Scènes
pofëes font ou parlées com-
ou pantomimes &~
parlées, ou toutes pantomimes.
Lorfqu'elles îbnt pantomimes
les ie di~ours place dans ks par-
in~rva~
les de la
('")
pantomime, & 0- tout Ce pafïe fans
confufion. Mais il faut de l'art
pour ména-
ger ces jours.
C'eft ce que j'ai eflayé dans la
pre-
mière fcène du fecond ade du Pere de
famille c'eft ce
que j'aurois pû tenter à
la troifieme fcène du même acre. Madame
Hébert, perfonnage pantomime &:muet,
auroit pu jetter par intervalles quelques
mots qui n'auroient pas nui à l'effet mais
il falloit trouver
ces mots. !I en eût été de
même de la fcène du quatrieme ade ou
Saint-Albin revoit fa maîtrene préfence
en
de Germeuil & de Cécile. Là un plus ha-
bile eût exécuté deux fcènes ftmuïtanées;
i
Fune fur le devant, entre Saint Albin &
Sophie l'autre fur le tond
entre Cécile
& Germeuil, peut être
en ce moment
plus difficiles à peindre
que les premiers
mais des adeurs intelMgens f~auront bien
créer cette fcène.
Combien je vois encore de tableaux à
expoiër fi j'ofbis ou plûtôt fi je réunie
f~is le talent de faire à celui d'imaginer
Il eâdiSicile au poëte d'écrire en même
tems ces fcènes. Simultanées mais comme
elles ont des objets diStinds, il s'occupe-
ra d'abord de la principale. J'appelle la
principale celle qui,pantomime ou parlée,
doit fur-tout fixer l'attention du Spectateur.
J'ai tâché de féparer tellement les deux
Scènes Simultanées de Cécile & du Pere de
famille qui commencent le fecond acte,
qu'on pourroit les imprimer à deux co-
lonnes, où l'on verroit la pantomime de
l'une correspondre au difcours de l'autre,
& le difcours de celle-ci correfpondre al-
ternativement à la pantomime de celle-là.
Ce partage feroit commode pour celui qui
lit & qui n'eit pas fait au mêlange du dif-
cours & du mouvement.
Il eft une forte de fcènes épiSbdiques
dont nos poëtes nous offrent peu d'exem-
ples, & qui me paroiffent bien naturelles.
Ce Sum: des perSbnnages comme il y eu a
tant dans le monde & dans les familles,
qui fe fourrent par-tout fans être appellés,
& qui, foit bonne ou mauvaife volonté,
5,
intérêt, cuno~é.
ou quelqu'autre motif
pareil fe mêlent de
nos affaires & les ter-
minent ou les brouillent malgré~ous.
Ces
fcènes bien ménagées
ne fufpendroient
point l'intérêt loin de
couper Faction
elles pourroient l'accélérer.
On donne!
ra à ces intervenans le caractère qu'on
voudra rien n'empêche même quon
ne les fane contrafter. Ils demeurent
trop peu pour fatiguer. Ils relèveront alors

eft
Antiphon dans 1'
le caractère auquel
M~ on les oppofera. Telle
Pernelle dans le 7~,
Antiphon court
après Chërëa qui s'étoit charge d'arranger
un couper: il le rencontre avec fon habit
&

d'Eunuque
au fortir de chez la courtna-
ne, appellant un ami dans le fein de qui
il ~m~~
t! ~ju~ .u~c
*.<<j- Luurc jat joie ïcélératc
dont fon ame e~t remplie. Antiphon
eÏt
amené là fort naturellement & fort ~n~.
pos. Pane cette fcène on ne le revoit
plus.
La renburce de
ces perfonnages nous
eft d'autant plus nëcenaire,
que privés des
chœurs qui repréfentoient le
peuple dans
les drames anciens,
nos pièces renfermée!
dans iMtérieur de
nos habitations man-
quent, pour ainfi dire, d'un fond fur le-
quel les figures foient projettées.
II y a dans le drame, ainfi
monde un ton
que dans le
propre à chaque carade-
re.~baMe de l'amena méchanceté
traeaniere, & la bonhomie,
dinaire le ton bourgeois ont pour l'or.
& commun.
Il y a de la différence
entre la plaifan-
terie de théatre &iap!aifantene
de <bcie.
?. Celle-ci feroit trop faible fur la fcénp,
& n'y feroitaucun effet. L'autre <ëroittrop
dure dans le monde, &
elle oa-en<eroit.
Le Cynifme fi odieux, fi incommode
dans
Société, e~ excellent fur la fcène.
-Autre chofe eit ia vérité
en Poéue, au-
tre chofe en Philofophie. Pour être
le philofophe doit conformer vrai
fon discours
à la nature des objets ie
poëte à la nature
de fes caractères.
Peindre d'après la paffion &
l'intérêt.
voilà fon talent. t
Dé-là à chaque infant la néccmtê de
fouler aux pieds les chofes les plus faintes,
& de préconifer des avions atroces.
Il n'y a rien-de facré pour le poëte,
pas
même la vertu, qu'il couvrira de ridicule,
-fi la perfonne & le
moment l'exigent. Il
n'en: ni impie, lorfqu'il
tourne fes regards
indignes vers le ciel, & qu'il interpelle les
Dieux dans fa fureur; ni religieux, lorf-
qu'il fë prou-erne au pied de leurs autels,
& qu'il leur adreffe une humble priere.
Il a introduit un méchant r Mais
ce me.
chant vous eA odieux fes grandes quali-
tés s'il en a, ne vous ont point ébloui
~ur fes vices
vous ne l'avez point vu,
vous ne l'avez point entendu fans en fré-
mir d'horreur, & vous êtes ~brti concer-
né fur fon fort.
Pourquoi chercher l'auteur dans fes
per-
tonnages r Qu'a de

font des hommes de génie qui


7~
commun Racine avec
Athalie, Moliere avec le Ce
ont fçu
fouiller au fond de
nos entrailles, & en
arracher le trait qui nous frappe. Jugeons
;les poèmes & laiHbns là les perfbnnes.
Nous ne confondrons, ni vous ni moi
l'homme qui vit, penfe agit, & fe
meut
au milieu des autres; & l'homme enthou-
~afte qui prend la plume, l'archet, le pin-
ceau, ou qui monte fur fes treteaux. Hors
de lui, il eft tout ce qu'il plaît à l'art qui
le domine. Mais l'infant de l'inspiration
paffé, il rentre & redevient ce qu'il étoit
quelquefois un homme commun. Car telle
eft la différence de l'efprit & du génie,
que l'un eâ prefque toujours préfent, &
que Peuvent l'autre s'ab&nte.
II ne faut pas confidérer une fcène
com-
me un dialogue. Un homme d'efprit fe ti-
rera d'un dialogue ifolé. La fcène eft tou-
jours l'ouvrage du génie. Chaque fcène
a
~un mouvement &
la durée. On ne trouve
point le mouvement vrai, fans un effort
d'imagination. On ne mefure
pas exa8-e-
ment la durée, fans l'expérience& le goût.
Cet art du dialogue dramatique fi diffi-
cile, perfonne peut être ne l'a poffédé
au même degré que Corneille. Ses per-
tonnages & preNent fans ménàgemeNt; Ib
parent & portent en même tems c'eft
une lutte. La réponfe ne s'accroche pas
au dernier mot de Finterlocuteur; elle
touche à la chofe & au fond. Arrétez-vous
ou vous voudrez; c'eft toujours celui qui
parle qui vous paroîc avoir raifon.
Lorsque livre tout entier à l'étude des
lettres je Ufpis Corneille fbuvent je fer-
mois le livre au milieu d'une ~cène~ & je
cherçhois la réponse il c~ auez inutile de
dire que mes efforts ne fervoient commu-
nément qu'à m'eSrayer fur la logique &:
fur la force de t~te de ce poëte. J'en pour-
rois citer mille exemples mais en voici
un entre autres, que je me rappelle il eft
de fa tragédie de C~M. Emilie a déter-
miné Cinna à 6ter la vie à Auguite.
Cinna s'y eft engagé il y va. Mais il fe
percera le fein du m~me poignard dont U
l'aura vengée. Emilie refie avec fa confi-
dente. Dans fon trouble elle s'écrie:
<~w~ après lui, ~/y~ Que lui di-
<'ai -je ?~ J9~ ~~ya
qu'il /M,
tt<)
? ~z
C'e~~M q~'it t<~crve ie c~a~cM,
qu'~ ~&it en un <NOt à la digohé
~eatna ~m~M~ à !a vengeance à
C:
r<~Mti(M~ à <'$aM'~
~ugù~
dé Maxime, &
compr~ett~bic..
Toute &èha de

C~nd<a<tt e~ux ~ui & ~q~nt ~un


go&t dëHc~t pféfend~Mt qti~ cette naa~i~e
d$ dialoguer eA foide <pt'e~ p~Mû
par-tout uftaird'a~guM~adotT;
étonne p!u9~u'eHe n'c<oé~ Ils a!hMnt
mieux une feèhe où i'on$'€nt~~nti&on~
rigonreu~tn~t, o~ fé~ a§et plus dé
~MMnent Se moins de (Ha~tqu~ 4)n
pen~ë bien que cc~ gen~ <bnt fous de
Racine~:
Racine &: n~ je
i~avoue n4p.
& ~avoue t.fuig àu~.
0' ïe ~His ::ïi1~
Je ne connoïs fien de dt~ette (~un
dia!ogue o~ ie$ chof<'& dMe< & repo~nduM
ne font tiécs que par des Tentations A déit-
cates, de~ idées fi fugitives, des mouve-
~CM d'a~e fi rapides dë~vûes ~ï légères,
qu'eMes en pafouïent decou~e~, ~r-tout
ceux c~ui ne ~bnt pas nés pour éprouver les
<ncmes
mêmes chofes dans les marnes circon~an-
ces. Ils ne fe verront plus. Ils ~~M/u/ïf
/<w/o~rj. ~~y~ /7:a~?.
Et le difcours de Clémentine troublée
Ma /7M/~ étoit M~c bonne mere; mais elle
~/?< ou je
j~
m fuis allée. Je nefcais lequel.
en
Et les adieux de Barnevel & de fon ami.
~~4~Ar~Z.
Tu ne fçais pas quelle étoit /7!rDOKr
7~OM la ~~C/2 avoit éteint en
moi ~Z~C/Zf ~f~ ~'C0~<? “
Si elle m'avoit demandé Je ~M~ toi.
je ne fcais

Mon ami ne
~7.
ne pas fait.
~jP~/ïf M~
F~ 7VE ~JF
OMZ~~ n'en ~M~~?~f
Z.
f~
Z~MZ.
~o~ ne yMMjyo/Tï/yM.encore ~/7!<f.
~?~y!
Nous ne /?OMJ'~7M~encore ~C/~y
quelle réponfe à~ f~M<ï~?~/

y.
Si pavois un fils qui ne fentU: point ici
de liaifon j'aimerois mieux qu'il ne fût
pas né. Oui, j'aurois plus d'averfion pour
lui que pour Barnevel aHamn de fon oncle.
Et toute la fcène du délire de Phédre.
Et tout l'épifode de Clémentine.
Entre les pâmons, celles qu'on ~mu!e-'
roit le plus facilement, font auffi les plus
faciles à peindre. La grandeur d'ame e&
de ce nombre elle comporte par-tout je
ae fçais quoi de faux & d'outré. En guin-
dant fon ame à la hauteur de celle de Ca-
ton on trouve un mot fublime. Mais le
poëte qui a fait dire à Phèdre
Dieux que ne fuis je l'ombre des
yo/~
Quand pourrai au travers d'une /2<?~
~OZ~
Suivre de /M/! char fuyant ~/2~ car-

Ce poëte même n'a pû fe promettre ce


morceau qu'après l'avoir trouvé i & je
xn'e~ime plus d'en fentir le mérite que
de quelque chofe que je puiffe écrire de
ma vie.
?e conçois comment à force de travail
en réuSïit à faire une fcène de Corneille,
~ans être né Corneille je n'ai jamais
con-
çu comment on rëuSHSIbit à faire une Scè-
ne de Racine, fans être né Racine.
Moliere eft couvent inimitable. Il a des
Scènes monofyllabiqués entre
quatre à
cinq interlocuteurs, où chacun ne ~it que
(on mot; mais ce mot eA dans le caractère
& le peint. Il e~ des endroits dans les
.f~~y~M~~f -qui font tomber la plu-
me des mains. Si fon a quelque talent, il
s'éclipse. On re~e des jours entiers fans
rien faire. On fe déplaît à Soi-même. Le
courage ne revient qu'à mefure qu'on perd
la mémoire de ce qu'on a lu, & que l'im-
premon qu'on en a reffentie fe difripe.
Lorfque cet homme étonnant ne Se fou-
cie pas d'employer tout Son gënie, alors
même ii le tent. EImire te jetteroit à la tête
deTartune, & Tartuffe auroit l'air d'un fot
,qui donne dans un piège groSner: mais
voyez comment il Se fauve de-là. Elmire
a entendu fans indignation la déclaration
('~)
de Tartuffe. Elle a impofe
nïtr~ Clence à fon
fils. Elle remarque elle-même qu'un hom-
me pamonné eft radie à déduire. Et c'eA
ain<i que !e poëtc trompe le ~pedateur
& eïquive une ~cène qui eût exige fans
ces précautions plus d'art encore ce
me fëmbîe, qu'U n'en a mis dans la ~en-
ne. Mais <I Dorine, dans la même piece
a plus d'écrit, de ~ens de nneHe dans les
idées, & même de nobte~t dans l'expref-
~on, qu'aucun de fës maitFes fi elle dit
23~ <!&~J ~'<!MffM~ ~/ï~ <& leurs COM~
7Zf /?~ dans le monde ~o/ ~j
les
~y~ ~/Cf ~yïc~,
~JC M~MJ 0~~ ~?/Ï/ /M-
0~ CMC~

~~f
~~M/lf f~ ~J f/j D~
j~<* ce ~~ï~ ~M~/CC dont Z/fyc/M C~a/
}e ne croirai jamais que ce ~bit une Sui-
vante quf parle.
Tërence eA unique, ~ur-tout dans <es
fëcics. C'eA une onde pure & transparente
qui coule toujours également, &: qui ne
prend de viteCe &: de murmure
que ce
qu'elle en reçoit de la pente & du
tcrrein.
Point d'écrit, nul étalage de Sentiment
aucune fentence qui ait l'air épigramma-
tique, jamais de ces dënnitions qui
broient placées que dans Nicole n~
la
Rochefoucauld. Lorsqu'il généralifeou
une
maxime c'eA d'une maniere ~mpte &
populaire vous croiriez
que c'eA un pro-
verbe reçu qu'ii a cité rien qui
ne tien-
ne au fujet. Aujourd'hui que nous Som-
mes devenus diaertateurs, combien de
Scènes de Térence que
nous appellerions
vuides ?
J'ai !û & re!û ce poëte avec attention
jamais de fcène fupernue, ni rien de fu-
perflu dans les fcëi)es. Je
ne connois que
la première du fecond ac~e de l'ï~~
qu'on pourroit peut-être attaquer. Le
ca-
pitaine Thraïbn a fait prêtent à ia
cour-
tifane Thaïs d'une jeune fille. C'e~ le
pa-
rafite Gnathon qui doit ia pre~nter. Che-
min faifant avec elle, Hs'amufe à débiter
au ~peûateur un éloge tres-agréabte de fa
yy _0 –
('~)
~ffMt.r là le lieu ? Que
pfO&iSo~. Mais étoit-ce
python attende fur la fcène la jeune
%lle qu'il s'eA chargé de conduire &:
qu'il fe dife, à tui'méme tout ce qu'il vou.
~ra }'y consens.
T~ence na s'~mbarfafÏe gueres de lier
jtës~cènes. Il IsiRe le théâtre vuidejusqu'à
trois ~bis de &!te, & cela ne me déplaît
pa~ ~ur~tùut dans les derniers actes.
Ces personnages qui ~e Succèdent &
qui ne jettent ~'un mot en paNant, me~
~nt~<Raginer un grand trouble.
Des &ènes courtes rapides i~blëes,
les unes pantomimes les autres parlées,
ptod~roient, ce me tëmble encore plus
dMet dans la ~gédie. Au commence-
ment d'une pi~co je craindrois ïeulement
qu'elles ne cbn~aCent trop de vîte~e à rac~
tion &: ne cau~aS~t de robicurit~.
Phts un (u~eie~. complique~ plus 1~
dialogue, en eA facile. La multitude des
Mcidans don~ep~ur chaque ~cene un ob<
jet di'Serent &dëterminë; au lieu que fi
ht piece e& ~mpte, & qu'un feul incident
~cumule à plusieurs Scènes ~1 reâe pou~r
chacune je ne i~ai~quoi de vague qui emr
barraHc un auteur ordinaire: mais c'e~ o~
fe montre l'homme de génie.
Plus les fils qui lient la fcène an <u)et,
feront déliés plus le poète aura de peine.
Donnez une de ces icènes indéterminé
à raire à cent personnes, cha<?u~ la rera à
fa manière “ cependant il n'y en a. qu'une
bonne.
Des leSeurs ordinaires e~Ument le ta-
lent d'un poëte par les morceaux qui 1~
ancrent le plus. C~A au di(cours d'up
rac~ieux à fes conjurés; c'eA à une~ recon-
noiSance qu'ils fe recrient, ~tais qu~i~
terrogent le poète fur (on propre ouvra-
ge, & ils verront qu'Hs ont la~~ pa~~
félicite..
fans l'avoir apper~u l'endroit do~~ H

Les Scènes du .K~ ~t p~e~u~


toutes de la nature <~e celles,dont- i'ob}ct
vague pouvoi< rendre le pocte perplexa.
Dorval mal avec lui-même &: cachai
le fond de, fon âme 63n ami, a Ro~lie~
Constance Rofalie & Confiance dans
une fituation à-peu-prés Semblable n'of-
-froient pas un feul morceau de détail qui
ne pût être mieux ou plus mal traité.
Ces fortes de fcènes font plus rares dans
le Famille, parce qu'il y a plus de
mouvement.
I! y a peu de reg!e< générales dans l'Art
poétique. En voici cependant une à la-
quelle je ne fçais point d'exception. C'eA
que !c monologue eft un moment de re-
pos pour l'action & de trouble pour !e
perfonnage. Cela eA vrai même d'un mo<
nologue qui commence une piece. Donc
tranquiUe, il eft contre la vérité felon la-
quelle l'homme ne fe parîe à lui même
que dans des infians de perplexité. Long,
iï peche contre la nature de l'action dra~
manque qu'il fufpend trop.
Je ne ~aurois fupporter les caricatures,
Ïbit en'beau foit en laid: car la bonté &
la méchanceté peuvent être également
outrées & quand nous fommes moins
icnnbles à l'un de ces défauts qu'à l'autre
c'eA un effet de notre vanité.
Sur la (cène on veut que les cafae~éfe$
foient uns. C'eA une ~uueté palliée par la
courte durée d'un drame car combien de
circonflances dans la vie où l'homme e~
dirait de fon caractère?
Le (bible eâ l'oppofé de routré. Pam-
phile me paroït fbible dans l'ï~M/iTM.
Dave Fa précipite dans des noces qu'il
abhorre. Sa mahreHe vient d'accoucher.
Il a cent raifons de mauvaife humeur.
Cependant il prend tout aHcz doucement.
Il n'en e& pas ainfi de fon ami Charinus
mduCîimade l'Eautontimorumenos. Ce-
lui-ci arrive de loin; & tandis qu'il ~e dé-
botte, il ordonne à fon Dave d'aller cher-
cher fa maitreffe. Il y a peu de galanterie
dans ces mœurs mais elles font bien d'u-
ne autre énergie que les nôtres, & d'une
autre reffource pour le poëte. C'e~ la na-
ture abandonnée à (es mouvemens enré-
nés. Nos petits propos madrigalifés au-
roient bonne grace dans la bouche d'un
Clinia ou d'un Chéféa. Que nos rôles d'~
dans font. froids!
Ce que aune fur-tout de la fcène an-
cienne, ce font les amans & les peres.
four les Daves ils me déplaifent; & ~e
fuis convaincu qu'à moins qu'un fujet
ne
foit dans les mœurs anciennes, ou mal-
honnête dans les nôtres nous n'en revcr~
rons plus.
Tout peuple a des préjugés à détruire,
des vices à pourfuivre des ridicules à
décrier~ & a befoin de ~pe~acles mais
qui lui foient propres. Quel moyen fi
le gouvernement en ~ait ufer & qu'il foit
que~ion de préparer le changement d'une
loi ou l'abrogation d'un u&ge
Attaquer les comédiens par leurs moeurs,
c'e& en vouloir à tous les états.
Attaquer le ~pe~acle pardon abus, c'eA
s'élever contre tout genre d'intrusion pu-
blique & ce qu'on a dit iu(qu'à pré~t
-deiïus, appliqué à ce que les cho&s
font ou ont été & non à ce qu'elles
pourroient être, eA fans j~ce & fans
vérité.
Un peuple n'e~ pas également propre
& exceller dans tous les genres de drame*
La tragédie me femble plus du génie té~
publicain & la comédie, gaie fur.tout
plus du cara~ere monarchique.
Entre des hommes qui ne fe doivent
rien/la plaifanterie fera dure. Il&utqu~
elle frappe en-haut pour devenir légère $
& c'eA ce qui arrivera dans un Etat o~
les hommes font diûnbués en dinëreM
ordres qu'on peut comparer à une haute
pyramide, ou ceu~ qui font à la ba&
chargés d'un poids qui tes &:ra&, font
forcés de garder du ménagement jufques
dans la plainte.
Un inconvënient trop commun~ c'e~
que par une vënëradon ridicule pour cer-
taines cpn~tions~ bipn-tôt ce font les ~eu<
ks dont on peigne les moeurs~ que rutilité
desipe~acles& zeôreint, oc que peut-étro
Même ik deviennent un canal~pM lequel
les travers desrgKmds~ répandent & pa~
&n:t aux petits.
Chez un peuple enclave tout ~ë dégra-
de. Il faut s'avilir par le ton ~oc par le geAe
pour ôter à la vérité ion poids &: fon o~
<ën<ë. Alors les poëtes font comme tes
~u$
à labour des rois c'eA du mépris qu'ôA
&M d'eux, qu'Us tiennent leur
rranc.par~
1er. Ou, Fon aime mieux, ils reuem-
b~nt à certains coupables qui,
traînés
devant nos tribunaux, ne s'en
abfbus que parce qu'Usent fçû
retournent
contrefaire
les tnfen~s.
Nous avons des comédies. Les
Angto~
n ont que des fatyres, à la
véritë p!einM
de force & de gaieté, mais &ns
mœurs &
&M goût. Les Italiens font
en réduits au
drame budefque.
En générai plus un peuple e~ civiJifë,
poh, moins tes m~rs ~bnt poétiques.
Tout s'anDiblit en s'adouci~ant.
Quand
eA-ce que la nature prépare des
modèles
à 1 Art? C'~ au tems où les enrans s arra-
chent les cheveux autouc du lit d'uti père
moriboad;.oa une mère découvre ~bn fein
& contre <bn fils paHes mammelles qui
1 ont alaité où
un ami ie coupe la che<
velure & la répand fur le cadavre de
~bn
ami où c'eû lui qui le ioudent
la tête
& qui le porte fur bûcher quipar
un recueille
It
~a cendre & qui laa t~ft~~m
renferme dans une urne
qu'il va en certains jours arrofer de fes
pleurs; où les veuves échevelécsfe déchi-
rent le vifage de leurs ongles fi la mort
leur a ravi un époux où les chefs du peu-
ple dans les calamités publiques posent
leur front humilié dans la pouuiere ou-
vrent leurs vêtemens dans la douleur & fe
frappent la poitrine; où un père prend en-
tre fes bras fon fils nouveau-né l'élevé
vers le ciel & fait fur lui fa priere aux
dieux où le premiet mouvement d'un en-
fant, s'il a quitté les parens & qu'il Ie~
revoye après une longue absence, c'eli,
d'embraSer leurs genoux, & d'en attendre
proAerné la bénédiction où les repas font
des fatrifices qui commencent 6c Sniuent
par des couper remplies de via & verfées
fur la terre où le peuple parle fes ma~
très & où &s maitres Fea~ndent & 1m
répondent où l'on voit un homme le front
ceint de bandelettes devant aute~, &
une prétreSë q~ <é~end lés ma~ns ~r M en
invoquant le c!et & eh exéc~ les céré<
cornes expiatoires & lufh'adves où des
Pythies écumahtes par la préfence d'un dé.
imon qui les tourmente, font affifes fur des
trépieds, ont les yeux égarés, & font
mu.
gir de leurs cris prophétiques le fond obf-
cur des antres où les dieux altérés du fang
humain ne font appaifés que par fon efïu.
lion; où des Bacchantes armées de thyr.
fes s'égarent dans les forêts &: infpu-ettt
l'effroi au profane qui fe rencontre fur leur
pacage où d'autres femmes fë dépouiMent
fans pudeur, ouvrent leurs bras premier
au
,qui fe préfente, & fë profHtuent, <&c.
Je ne dis pas que ces moeurs font bon-
nes, mais qu'elles font poétiques.
Qu'eft-ce qu'il faut au poëte EA- ce
une nature brute ou cultivée r paifible,ou
troublée? Préférera-t-il la beauté d'un
jour pur &c ferein, à l'horreur d'une nuit
obfcure où le finement interrompu des
~ents fe mêle par intervalles au murmure
~burd8c continu d'un tonnerre éloi~é,
~c où il voit réclair allumer le ciel fur fat
t@te ? Pr~cfCfa-t-il le tpea~cle d'une
mer
tranquille a celui des flots agites ? le muet
froid a(pec~ d'un palais, à ta promenade
parmi des ruines? un edince conftruit un
efpace planté de la main des hommes au
touffu d'une antique ~brêt, au creux igno-
ré d'une roche déserte ? des nappes d'eau,
des baffins, des cafcades, à la vûe d'une
cataracte qui fe brifë en tombant à travers
des rochers, & dont le bruit fe fait en-
tendre au loin du berger qui a conduit fou
troupeau dans la montagne & qui l'é-
coute avec effroi?
La poésie veut quelque chofe d'énor-
me, de barbare & de fauvage.
C'eft lorfque la fureur de la guerre ci-
vile ou du fanatifme arme les hommes de
poignards, & que le fang coule à grands
Rois iur ia terre que le laurier d'Apollon
s'agite & verdit. Il en veut être arrofé. Il
fe flétrit dans les tems de la pai~ du loi-
fir. Le fiecle d'or eût produit une chanfon
peut-étre, ou une élégie. La poé~e épique
& dramatique demandentd'autres mœurs.
Quand verra t on naître des poëtes ?
Ce fera après les tems de degrés &: de
grands malheurs lorfque les peuples ha<
raSës commenceront à refpirer. Alors les
imaginations ébranlées par des Spectacles
terribles, peindront des chofes inconnues
à ceux qui n'en ont pas été les témoins.
N'avons-nous pas éprouvé dans quelques
circon~ances une forte de terreur qui nous
étoit étrangère? Pourquoi n'a-t-elle rien
produit? N'avons-nous plus de génie?
Le génie eft de tous les tems mais les
hommes qui le portent en eux demeurent
engourdis à moins que 'des ~vénemens
extraordinaires n'échauffent la maue 6c
ne les faffent paroître. Alors les fentimens
s'accumulent dans la poitrine, la travail-
lent & ceux qui ont un organe preïïés
de parier, le déployent & ie ibulagenr.
Quelle fera donc la reffource d'un poète
A
chez un peuple dont les mœurs font foi-
bles petites&& maniérées; où l'imitation
tigoureufe des conversations ne formeroit
qu'un tiffu d'expreflions fauHes, infcnfées
& baHcs où il n'y a plus ni franchife ni
bonhommie,
bonhommie ou un pere appelle fon hîs
Monueur & où une mere appelle fa nl!e
Mademoiselle ou les cérémonies publi-
ques n'ont rien d'augure la conduite do-
meStique rien de touchant & d'honnête
les actes folemnels rien de vrai ? Il tâchera
de les embellir il choifira les circonf~
tances qui prêtent le plus à fon art il
négligera les autres, & il ofera en Suppo~
fer quelques-unes.
Mais quelle nneue de goût ne lui fau-
dra-t-il pas pour fentir jusqu'où Ips mœurs
publiques & particulières peuvent être
embellies ? S'il pane la mesure il fera faut
&: romanefque.
Si les mœurs qu'il mppoSera ont été au-
trefois & que ce tems ne foit pas éloi-
gné M n.
un umge en pane ml mais qu'il en
foit reâé une expreffion métaphorique
dans la langue fi cette expreffion porte
un caractère d'honnêteté fi elle marque
une piété antique une fimplicité qu'oti
regrette fi l'on y voit les peres plus reC'
péchés, les meres plus honorées, les rois
populaires qu'il ofe loin de lui repro-
cher d'avoir failli contre la vérité, on fup.
pofera que ces vieilles & bonnes mœurs
fe font apparemment confervéesdans cette
famille. Qu'il s'interdife feulement ce qui
ne feroit que dans les ufages préfens d'un
peuple voifin.
Mais admirez la bifarrerie des peuples
policés. La délicateHc y eft quelquefois
pouffée au point qu'elle interdit à leurs
poëtes l'emploi de circonstances mêmes
qui font dans leurs mœurs, & qui ont de
la (implicite de la beauté &: de la vérité.
Qui oferoit parmi nous étendre de la paille
fur la <cène, & y expofer un enfant nou-
veau-né ? Si le poëte y plaçoit un berceau
y
.quelque étourdi du parterre ne manque-
roit pas de contrefaire les cris de l'enfant,
les loges & l'amphithéâtre de rire, & la
piece de tomber. 0 peuple plaifant & le-
ger, quelles bornes vous donnez à l'art1
quelle contrainte vous impofez à vos ar-
tiAes f & de quels plaifirs votre délicateHe
vous prive! A tout moment vous fiftleriez
('47)
cho qui vous p!a!<
i!es chofes
<ur la fcène les feules
roient qui vous toucheroienten peinture,
Malheur à l'homme né avec du génie qui
tentera quelque Spectacle qui eft dans la
nature mais qui nefl pas dans vos pré-~
jugés.
Térence à expo~ l'enfant nouveau~ nô
fur la fcène. Il a fait plus. Il a fait entendre
du dedans de la maison la plainte de la
femme dans les douleurs qui le mettent
.au monde. Cela eA beau &: cela ne vous
plairoit pas<
Il faut que le goût d'un peuple foit in-~
certain, lorsqu'il admettra dans la nature
des chofes dont il interdira l'imitation à
fes artute~ ou lorfqu'il admirera dans l'art
des effets qu'il dédaigneroit dans la natu-
re. Nous dirions d'une femme qui reSem~
~r.
bleroit à quelqu'une de ces ~atues qui en-
chantent nos regards aux Tuileries, quelle
la jam-
a la tête jolie, mais le pied gros,
be forte & point de taille. La femme quï
eft belle pour le fculpteur fur un (bpha f
tr
eft laide dans ïbh attelier. Nous fbmmea
pleins de ces contradictions.
Mais ce qui montre njr-tout combien
Mous hommes encore loin du bon goût &
de la vérité; c'eft la pauvreté & la fauf.
~eté des décorations ôc le luxe des ha-
bits.
Vous exigez de votre poète qu'il s'a~
~ujettiiïe à l'unité de lieu, & vous aban~
donnez la fcène à l'ignorance d'un mau-
vais décorateur.
Voulez-vous rapprocher vos poëtes du
vrai, & dans la conduite de leurs pieces
&: dans leur dialogue, vos adeurs du jeu
naturel & de la déclamation réelle? éle-
vez la voix demandez feulement qu'ont
vous montre le lieu de la ~cenc tcl qu'il
doit être.
Si la nature & la vérité s'mtfeduifënt
one ibis fur vos théâtres dans la circonf-
tance la plus legere bien-tôt vous fenti-
tez. le ridicule & le dégoût fe répandre
Aïr tout ce qui fera contraitc
avec elles.
Le Syûémc dramatique
~matiou1
le plus mal en-
tendu, feroit celui qu'on pourroit accufer
d'être moitié vrai & moitié faux. C'e~
un mensonge mal-adroit où certaines cir-
conâances me décèlent l'impoffibilité du
re~e. Je fouffrirai plûtôt le mélange des
difparates il eA du-moins fans fauffeté.
Le défaut de Shakefpear n'eA pas le plus
grand dans lequel un poëte puiffe tom-'
ber. Il marque feulement peu de goût.
Que votre poëte lorsque vous aurez
jugé fon ouvrage digne de vous être re-
présenté envoyé chercher le Décora-
teur. Qu'il lui lue fon drame. Que le lieu
de la fcène bien connu de celui-ci, il le
rende tel qu'il eSt, & qu'il Songe Sur-tout
que la peinture théâtrale doit être plus ri-
goureufe & plus vraie que tout autre
senre de peinture.
La peinture théatrale s'interdira beau-
coup de chofes que la peinture ordinaire
fe permet. Qu'un peintre d'attelier ait une
cabane à repréfenter il en appuyera le
Mtis contre une colonne brifée & d'un
chapiteau corinthien en renverfé
renv< il en fera
un nége à la porte. En e~et il n'c~ pas im-
poffible qu'il y ait une chaumiere où il
y
avoit auparavant un palais. Cette circonf-
tance réveille en moi une idée acceffoire
qui me touche, en me retraçant l'inïtabi-
lité des chofes humaines. Mais dans la pein-
ture théâtrale il ne s'agit pas de cela.
Point de diffraction. Point de fuppofition.
qui faffe dans mon âme un commence-
ment d'imprenion autre que celle que le
poëte a intérêt d'y exciter.
Deux poëtes ne peuvent fe
montrer à-
la-fois avec tous leurs avantages. Le
ta-
lent fubordonné fera en partie facrifié
au
talent dominant. S'il alloit ~eul, il repré-
ïenterolt une chofe générale. Comman-
dé par un autre il n'a

t'
que la renource
d'un cas particulier. Voyez quelle diffé-
~t ~t~ tt Cim~ut 0~ icuct
r<anr~ rt/~ttf Au
Marines que Vernet a peintes d'idée &
en[re les
celles qu'il a copiées. Le peintre de théâ-
tre e~t borné aux circonstances qui fer-
vent à rilluiion, Les accidens qui s'y
op-
1
interdits. Il n'usera de
poferoient lui fontt~nt
ceux qui embelliroient fans nuire, qu'a-
vec Sobriété. Ils auront toujours l'incon-
vénient de diftraire.
Voilà les raifons pour lesquelles la plus
belle décoration de théatre ne fera jamais
qu'un tableau du fecond ordre.
Dans le genre lyrique le poëme eft
fait pour le muficien comme la décora-
tion l'eA pour le poète ainfi le poëme ne
fera point auS parfait que fi le poëte eût
été libre.
Avez-vous un iallon à rcpréfenter ? Que
foit celuid'un homme de goût. Point de
ce
magots. Peu de dorure. Des meubles fim-
pies à-moins que le fujet n'exige expref-
fément le contraire.
Le Me gâte tout. Le fpe~acle de la
richeue n'eft pas beau. La richeffe a trop
de caprices elle peut éblouir l'œil mais
non toucher l'âme. Sous un vêtement fur-
chargé de dorure je ne vois jamais qu'un
homme riche, oc c'efi un homme que je
wr
1 i J
Perche. Celui quia eft frappé des
diamans
qui déparent une belle femme,
n'eu: pas
digne de voir
une belle femme.
La comédie
veut être jouée en desha.
~e. Il ne faut être fur la fcène ni ptusap-
preten.ptu~égt.géquechexfb!,
Si c'eft ppur le ïpeaateur
vous vous
'Mne! en habits a~eurs que
vous, n'avM point
de goût &
vous oubliez que le tpe~a.
teur n eft rien pour vou$.
P~ les genres font fëri.ux, ptus il faut
de févérité dans
les vêtemens.
Qfefie ~i&ntblance'qa'au
Ome aa<on tumu)tueu(e, moment
des hommes
a~t eu le tems de & parer, comme dans
un jour de reprë(entation ou de fête
Dans quelles dépenfes
nos comédies
Pe tetont-ik palettes
pour la nepréfenta-

.-<
tion de r0~~
Keieurena-t-A-~
ne
c~, combien
~tt< t.~ute pour oter à cet
ouvrage une partiede fon eget ? En vérité
n y a que des en&M,
comme on en voit
arrêter ébahis d9ntn9Sfues, Jor&u'enes
(ont bigarrées de tapiueries,
à qui le iuxc
des vêtemens de théatre punie plaire. 0
Athéniens vous êtes des enfans
De belles draperies amples, d'une
cou-
leur révère, voilà ce qu'il falloit, &
non
tout votre clinquant & toute votre brode-
rie. Interrogez encore la Peinture ià-dcf-
Tus. Y a-t-ii parmi
nous un artnie aïïez
goth pour vou~ montrer fur la toile au~t
maufïades & aufli brillans que nous
vous
avons vûs fur la fcène ?
Acteurs, fi vous voulez apprendre à
vous habiller; fi vous voulez perdre !c
faux goût du Me, &
vous rapprocher
de la implicite qui conviendroit fi fbrc
aux grands e~ets, à votre fortune, &: à
vos mœurs fréquentez nos galleries.
~· venoit jamais en tantaihe d'eiiayer
S'i!
1

le Pere au Théâtre, je crois que


ce perfonnage ne pourroit être vêtu troo
amplement. Il ne faudroit à Cécile
que le
deshabillé d'une fille opulente. J'accorde-
rai, fi l'on veut, au Commandeur u:i ga-
lon d'or uni, avec la canne à bec de cor-
bin. S'il changeoit d'habit
entre le premier
acte &: le fecond, je n'en ferois pas fort
étonné de la part d'un homme aufH ca-
pricieux. Mais tout efl gâté fi Sophie
n'efi pas en fiamoife, & Madame Hébert
comme une femme du peuple aux jours de
Dimanche. Saint-Albin eft le feul à qui
fon âge & fon état me feront pafïer au
fecond acte de l'élégance & du luxe. H
ne lui faut au premier qu'une redingotte
de pluche fur une veAe d'étofïe gromere.
Le public ne fçait pas toujours déurer
le vrai. Quand il eft dans le faux, il peut
y refler des fiecles entiers mais il eft fenfi-
ble aux chofes naturelles Se lorfqu'il en
a reçû l'impreffion, il ne la perd jamais
entiérement.
Une actrice courageufe vient de fe dé-
faire du panier & perfonne ne l'a trouvé
mauvais. Elle ira plus loin j'en répons.
Ah fi elle o~nit un jour fe monprer fur
la fcène avec toute la nobleffe & la fim-
plicité d'ajuftement que fes rôles deman-
dent difons plus, dans le defordre où
doit jetter un événement aufE terrible
('
1 Il e
que la mort d'unn époux~
éoc la perte d'uit
fils & les autres catafirophes de la fcè-
ne tragique que deviendroient autour
d'une femme échevelée, toutes ces
pou-
pées poudrées friiées pomponnées ? Il
faudroit bien que tôt ou tard elles fe mif-
fent à l'unitfon. La nature la nature
on
ne lui rende pas. Il faut ou la chaffer ou
lui obéir.
0 Ciairon, c'eA à vous que je reviens!
Ne fouffrez pas que l'ufage & le préjugé
vous Subjuguent. Livrez-vous à votre
goût & à votre génie montrez-nous la
nature & la vérité c'eft le devoir de ceux
que nous aimons & dont les talens nous
ont difpofés à recevoir tout ce qu'il leur
plaira d'oser.

r
Un paradoxe dont peu de perfonnes
fentiront le vrai, & qui révoltera les
au-
tres (mais Gué vous importe à vous &
t
moi ? Premierement dire la vérité voilà
notre devife) c'e~t que dans les pieces
italiennes nos comédiens italiens jouent
avec plus de liberté que nos comédiens
('!<!)
François ils font moins de cas du fpec~a-
teur. Il y a cent momens où il en eft
tout-à-fait oublié. On trouve dans leur
action je ne fçais quoi d'original & d'ai-
fé qui me plaît & qui plairoit à
tout le
monde fans les innpides difcours &-
l'intrigue abfurde qui le déngurent. A-
travers leur folie je vois des gens en
gaieté qui cherchent à s'amuser, & qui
s'abandonnent à
toute la fougue de leur
imagination & j'aime mieux
cette
yvreffe, que le roide, le pefant, & Fem-
pefë.
« Mais ils Improvifient le rôle qu'ils
rbnt ne leur a point été didé
Je m'en apperçois bien.
« Et fi vous voulez les voir aum mefu-
» rës, autH companes, & plus froids que
~d'autres, donnez-leur une piece écrite
J'avoue qtt'Hs ne font plus eux mais
qui les en empêche? Les chofes qu'ils
ont
apprifes ne leur font elles pas aum inti-
mes à la quatrieme repréfentation,
que
s'ils les avoient imaginées ?
w
« Non. L'impromptua un caractère que
la chofe préparée ne prendra jamais
Je le veux. Néanmoins ce qui fur-tout
les SymmétriSe les empefe & les en~
y
gourdit, c'eSt qu'ils jouent d'imitation;
qu'ils ont un autre théatre & d'autre~
auteurs en vue. Que font ils donc ? Ils
s'arrangent en rond ils arrivent à pas
comptés & meSurés ils quêtent des ap-
plaudiSIemens ils fortent de l'action ils
s'adreffent au parterre ils lui parlent, & ils
deviennent mauffades & faux.
Une obfervation que j'ai faite, c'e& que
nos inupides perfonnages fubalternes de-
meurent plus communément dans leur
humble rôle, que les principaux perfon-
nages. La raifon ce me femble c'eSt qu'ils
font contenus par la présenced'un autre qui
les commande c'eA à cet autre qu'ils s'a-
dreSïent c'eSt-Ià que toute leur a~Ion e~
tournée. Et tout iroit aSIez bien, fi la choSe
en impofoit aux premiers rôles, comme la
dépendance en impofe aux rôles Subal-
ternes.
ÏI y a bien de la pédanterie dans notre
poétique il y en a beaucoup dans nos
comportions dramatiques: comment n'y
en auroit-il pas dans la représentation ?
Cette pédanterie qui eft par tout ail-
leurs fi contraire au caractère facile de la
nation, arrêtera long-tems encore les pro-
grès de la pantomime,partie fi importante
de l'Art dramatique.
J'ai dit que la pantomime eft une por-
tion du drame que l'auteur s'en doit oc-
cuper férieufement que fi elle ne lui eft
pas familiere & présente il ne ~aura ni
commencer, ni conduire ni terminer fa
fcène avec quelque vérité & que le ge~e
doit s'écrire fouvent à la place du difcours.
J'ajoûte qu'il y a des fcènes entieres où
:1 eR innmmcnt plus naturel aux person-
nages de fe mouvoir que de parler & je
vais le prouver.
II n'y a rien de ce qui pane dans le mon"
de qui ne puiffe avoir lieu fur la fcène. Je
fuppofe donc que deux hommes incertains
s'ils ont à être mécontens ou fatisfaits 1'uo
de l'autre, en attendent un troifieme qui
les in~ruifë: que diront-ils jufqu'à ce que
ce troifieme foit arrivé ? Rien.JIs iront, ils
viendront, ils montreront de l'impatience;
m?is ils ~e tairont. Ils n'auront garde de fe
tenir des propos dont ils pourroient avoir
à fe repentir. Voilà le cas d'une fcène toute
ou prefque toute pantomime & combien
n'y en a-t-il pas d'autres ?
Pamphile fe trouve fur la fcène avec
Chremès & Simon. Chremès prend tout ce
que fon fils lui dit pour les impoAures d'un
jeune libertin qui a des fottifes à excufer.
Son fils lui demande à produire un té-
moin. Chremès preffé par fon fils & par
Simon, confent à écouter ce témoin. Pam-
phile va le chercher Simon & Chrê-
mes fêlent. Je demande ce qu'ils font pen-
dant que Pamphile eft chez Glycérion,
qu'il parle à Criton, qu'il l'in~ruit, qu'il
lui explique ce qu'il en attend & qu'il le
détermine à venir c~ à parler à Chremès
fon pere ? Il faut ou les fuppofer immobiles
& muets ou imaginer que Simon conti-
nue i
d'entretenir Chremès que Chremet
la tête baiffée & le menton appuyé fur fa
main l'écoute tantôt avec patience, tan-
tôt avec colere & qu'il fe pafïe entr'eux
une fcène toute pantomime.
Mais cet exemple n'eft pas le feu! qu'il
y ait dans ce poëte. Que fait ailleurs un
des vieillards fur la fcène tandis que l'au-
tre va dire à fon fils que fon pere fçait tout)
le deshérite &: donne fon bien à fa fille ?
Si Térence avoit eu l'attention d'écrire
la pantomime, nous n'aurions là-deSus au-
cune incertitude. Mais qu'importe qu'il
l'ait écrite ou non, puisqu'il faut fi peu de
.fens pour la fuppofer ici ? Il n'en eA pas
toujours de même. Qui eft ce qui l'eût
imaginée dans l'Avare ? Harpagon eft aL-
ternativement tri~e c~ gai, ~elon que Fro<
~ine lui parle de fon indigence ou de la
tendreffe de Marianne. Là le dialogue e~:
institué entre le difcours & le ge~e.
Il faut écrire la pantomime toutes les
fois qu'elle fait tableau qu'elle donne de
l'énergie ou de la clarté au difcours qu'elle
1~
lie le dialogue qu'elle caracténfë qu*e!îe
confifte dans un jeu délicat qui ne fe de-
vine pas qu'elle tient iiéu de réponfë &
prefque toujours au commencement des
fcènes.
Elle eft tellement eHentieIIe, que de
deux pieces compofées l'une eu égard à
la pantomime, & l'autre fans cela la fac-
ture fera fi diverfe que celle où la pan-
tomime aura été confidérée comme partie
du drame, ne fe jouera pas fans pantomi-
me, & que celle où la pantomime aura été
négligée, ne fe pourra paniomimer. On
ne Fôtera point dans la représentation au
poëme qui l'aura &- on ne la donnera
point au poëme qui ne l'aura pas. C'eH:
elle qui fixera la longueur des Scènes, &
qui colorera tout le drame.
Moliere n'a pas dédaigné de récrire
c'eA tout dire.
Mais quand Moliere ne Feût pas écrite~
un autre auroit-il eu tort d'y penfer ? 0
Critiques, cervelles étroites, hommes de
peu de ~ens, jusqu'à quand ne jugerez-vous
t!en en <b!-meme, & n'approuverezou ne
désapprouverez vous que d'après ce qui
e~?
Combien d'endroits'où Plaute Arifto-
phane & Térence ont embarrane les plus
habiles interprètes, pour n'avoir pas indi-
que le mouvement de la fcène ? Térence
commence ainfi les « Storax.
~E~chinus n'eft pas rentré cette nuit. »
Qu'eA-ce que cela ngnine ? Micion par-
le-t-il à Storax ? Non. H n'y a point
de Storax fur la fcène dans ce moment.
Ce perfonnage n'e~ pas même de la pie-
ce. Qu'eA-ce donc que cela ~gnine ? Le
voici. Storax eA un des valets d'~E~chi-
nus. Micion l'appelle & Storax ne ré-
pondant point, il en conclut qu'~chinus
n'e~: pas rentré. Un mot de pantomime
auroit éclairci cet endroit.
C'e~i la peinture des mouvemens
qu:
charme fur- tout dans les romans domef-
tiques. Voyez avec quelle complaifance
l'auteur de ~<z~~ de C'a/z~/o/z, & de
s'y arrête ? Voyez quelle force
quel fens Jf
& quel pathétique
1
elle donne
à fon discours ? Je vois le perfonnage foit
qu'il parle, foit qu'il fe taife, je le vois
& fon adion m'anede plus que fes pa-
roles.
Si un poëte a mis fur la fcène Orerre &
Pilade fe difputant la mort, & qu'il ait
réfervé pour ce moment l'approche des
Euménides dans quel effroi ne me jette-
ra-t-il pas, fi les idées d'Orefle fe trou-
blent peu-à-peu, à- mefure qu'il ranbnne
avec fon ami fi fes yeux s'égarent s'il
cherche autour de lui s'il s'arrête s'il
continue de parler s'il s'arrête encore fi
le defordre de fon action & de ion dii-
cours s'accroît fi les Furies s'emparent de
lui & le tourmentent s'il fuccombe fous la
violence du tourment s'il en eft renverse
par terre fi Pilade le reieve l'appuie, &
lui enuic de la main le vilage 8~ la bou-
che fi le malheureux fils de CIyfemncf-
tre reu'e un moment dans un crat d'atome
c~ de mort; n entr'ouvrant eniu~e '<°s pau-
pieres & femblable à un homme qui re-
~ient d une léthargie profonde, tentant les
bras de fon ami qui le foutiennent & qui
le présent, il lui dit en penchant la tête
de fon côté & d'une voix éteinte: Pilade,
~/?-~ à toi de mourir? Quel effet
cette pan-
tomime ne produira-t-elle pas ? Y a.t-it
quelque difcours au monde qui m'anede
autant que Fac~on de Pilade relevant
Ore~e abattu & lui effuyant de fa main le
vifage &: la bouche? Séparez ici la
panto-
mime du difcours & vous tuerez l'un &
l'autre. Le poëte qui aura imaginé
cette
~céne, aura fur-tout montré du génie
en
réservant pour ce moment les fureurs d'O-
re~e. L'argument qu'0reu:e tire de fa fi-
tuation, e~i fans réponfe.
Mais il me prend envie de
vous efquif.
~er les derniers initans de la vie d<~ Socra-
te. C'en: une fuite de tableaux qui prouve-
ront plus en ~V~Uf !n r~t1<
~t~t<~tmAtt~~ ~K~
tout ce que je pourrois ajouter. Je me con-
formerai prefque entierement à rHin:oire.
Quel canevas pour un poète!
Ses difciples n'en avoient point la pi-
né qu'on éprouve auprès d'un ami qu'on
afMe au lit de la mort. Cet homme leur
paroiffoit heureux. S'ils étoient touchés,
c'étoit d'un fentiment extraordinaire mêlé
de la douceur qui naiffoit de fes difcours,
& de la peine qui nainbit de la penfée qu'ils
alloient le perdre.
Lorfqu'ils entrerent, on venoit de le de<
lier. Xantippe étoit affife auprès de lui,
tenant un de fes enfans entre fes bras.
Le philofophe dit peu de chofes à fa
femme mais combien de chofes touchan-
tes un homme fage qui ne fait aucun cas
de la vie, n'avoit-il pas à dire fur fon-en-
fant ?
Les philofophes entrèrent. A peine Xan-
tippe les apperçut-elle qu'elle fe mît à
fe déféfpérer 8c à crier, comme c'e~t la
coutume des femmes en ces occanons
~CC/ vos amis vous partent a~/OM/
la ~/2~yo~. C~/?/7~ ~/7Z~
/7CM/-
~j- ~/72~
fois que ~d 6' <7~
~OMJ ~0~ votre ~2~.
Socrate ~c tournant du côté de Criion
lui dit Mon ami faites conduire c~yt-
me c~ elle. Et cela s'exécuta.
On entraîne Xantippe mais elle s'é-
lance du côté de Socrate lui tend les bras,
l'appelle, ~ë meurtrit le vifage de fes mains,
& remplit la prifon de fes cris.
Cependant Socrate dit encore un mot
fur ren~nt qu'on emporte.
Alors le philosophe prenant un vifage
ferein s'amed fur <bn lit & pliant la jam-
be d'où l'on avoit ôtc la chaîne, & la
frottant doucement, il dit
Que le 6* la ~~f touchent
prés Si Efope y avoit penfé, la belle fable-
qu'il en <<9~y~Z~ Z~~f~/2~/2J ont <?/<
donné que je m'en ~f~ ) je ~Z vais.. o
Z)~ Evénus ~M~72~z~ s'il ~/?y~
Ce mot engage la fcène fur l'immort~
lité de rame.
Tentera cette icène qui l'otera. Pour
moi, )e me hâte vers mon objet. Si vous
avez vû expirer un pere au milieu de fes
enfans telle fut la fin de Socrate au milieu
des philofophes qui l'environnoicnt.
Lorsqu'il eut achevéhevé de parler il Ce ht
un moment de filenc e & Criton lui dit
CRI T ON.
OM~O~J a /ZOM~ ordonner?
o c- r
De vous rendre femblables aux z~~M~*
~Mfa~2~ qu'il vous fera ~70' <S' leur
<ï~
~/Z~Ï /~?<?.
C 7T O N.
~/7~J votre ~0/'f comment MM~ vous
~M~ difpofe de ~OM~
o c r F.
Criton, tout comme il vous plaira ~vc~
me r~roM~
Puis regardant les philofophes en fou-
riant, il ajouta:
J'aurai ~M~H/'<! )~ ~M~ ~<7ï~~
à notre ami ~?z/c/' Socrate
pouille.
Q_
Le ~ateUne des Onze entra dans ce mo~
ment & s'approcha de lui fans parler.
Socrate lui dit
SOCRATE.
Que. ~0~7-~w.y?
LE SATELLITE.
~Z~~Z/- de la Af~?~
SO CRATE.
QM~?~ /72~M~. Mon ami ~r-
~o/ /7~ ~c, y~
efl bi-oy' &
<s' Ic
p~/2-2~.
LE 5'~T~zz zr~
(en ~e détournant & pleurant).
Z~ autres 772J
~~M~2~~ C~CZ me
~/Z~.
C 7T O N.
Z~ y~7 c/zc<3/~ y~ ~o/z~/2~.
0 C T JP.

c~
Ceux qui C~
~c~ je
tout à
T'z~~ <S' crois y gagner.
Alors l'efclave qui portoit la coupe en-
~ra. Socrate la reçut & lui dit
o c 7? r
J~O/?2/7M de ~Z<?/Z ~~6 faut-il

~r y<?~j cela
~7~
~t/~
Z' C Z <4 ~JE'.
Fo~, 6' vous c'/r/72~;2~~ /Z//JM~~ ce que
~y~/MZ'<'? vos jambes J'<?/<2~
( '<~
~oc~~r~.
:A~rj i

Ne pourroit-on pas en répandre M/M~M~M


/)z<:M~
Z'F~c~ qu'il
en aclion de graces aux

faut.
n'en avons broyé que ce
TV~M~
o c r F.
Zfy~f. Nous ~r<?~ ~M-~<wM leur
M/Z~
Et tenant la coupe d'une main, & tour-
liant fes regards vers le cie! il dit
0 Z~M~ qui ~7~{ ) /M~C-
C0~ un heureux ~0)~
Après il garda le Silence & but.
Jufques -là fes amis avoient eu la force
de contenir leur douleur mais lor~qu'it
approcha la coupe de fes levres ils n'en
furent plus les- maîtres.
Les uns s'enveloppèrent de leur man-
teau. Criton s'étoit levé & il erroit dans
la prifon en pouvant des cris. D'autres im-
mobiles & droits regardoientSocrate dans
un morne nience, ~c des larmes couloient
le long de leurs joues. Apollodore s'étoit
~nis fur les pieds du lit le dos tourné à
Socrate & !abouche
bouche penchée
p< fur ~M
mains, il étouffoit fes Sanglots.
Cependant Socrate Ce promenoit, com~
me l'efclave le lui avoit enjoint; & en fe
promenant,. il s'adreiïbit à chacun d'eux
&: les confoloit.

~/p/ ?' ~7ï/yïc~


H difbit à celui-ci Où ~/?
la
/y!
A celui-là C~/?~oMr
cela que j'avois e/o~2~ A tous
Eh bien ~/2~~ 6* Mélite auront donc pû me
faire du mal Mes ~/M~e/zo~~ nous rever-

c~
7'0/2J' Si vous vous a~/2/OMJ /Z~

Cependant fes jambes s'appe~andrent


& il fe coucha fur fon lit. Alors il recom-
manda fa mémoire à fes amis, & leur dit
d'une voix qui s'an~iblin'bit
oc y
Dans un moment je ne C~
ferai plus.
par vous qu'ils me /0/2f. Ne /OC~~
ma mort aux ~ZJ que par la
de votre vie.
Ses amis voulurent lui répondre mais.
ils ne le purent ils fe mirent à pleurer.
& ïe turent.
~'7')
toit au bas de ion !!t lui
L'enclave qui étoit
prit les pieds & les lui ferra & Socrate qui
le regardoit, lui dit
Je ne
Un infant après, il lui prit les jambes
& les lui ferra & Socrate qui le regar-
doit, lui dit
Je ne les fens plus.
Alors fes yeux commencerent à s'étein-
dre, (es levres & fes narines à (e retirer,
fes membres à s'anaiuer, & l'ombre de la
mort à (ë répandre fur toute fa perfonne.
Sa refpiration s'embarraubit, & on l'en-
tendoit à peine. Il dit à Criton qui étoit
derriere lui:
C~O/Ï ~M/<M peu.
Criton le fouleva. Ses yeux (e ranime-
rent, 6c prenant un vifage Serein Se pcr~
tant (on action vers le ciel, il dit
Jg /MM entre la terre 6'
Un moment après, fes yeux fe couvre
tent, & il dit à fes amis:
Je ne vous V~J~ ~7ZO~ ~V'
~~<!J /<! main d'Apollodore?
Un lui répondit quoui, & il la ferra.
Alors il eut un mouvement convulfif
dont il revint avec profond fbupir
un &
il appella Criton. Criton fe baiHa Socrate

CAZ/C/Z

je ~7J-.
.C/
lui dit, & ce furent fes dernieres
au Dieu de
paroles

Cëbès qui étoit vis-à-vis de Socrate


re-
~ut fes derniers regards qui demeurerent
attachés fur lui & Criton lui ferma la
bouche & les yeux.
Voilà les circon~ances qu'il faut
em-
ployer. Difpofez-en
comme il vous plaira;
mais conservez les. Tout
ce que vous met-
triez à la place,fera faux & de nul effet.Peu
de discours beaucoup de
mouvement.
Si le fpechïfeur e~
au théatre comme
<~vant une toile où des tableaux divers fe
~ccéderoient
par enchantement pour~
quoi le philofophe qui s'amed ~ur les pieds
du lit de Socrate & qui craint de le voir
mourir, ne ~roit-il pas auffi pathétique fur
la fcène que la femme & la fille
d'Euda-
midas dans le tableau du Poupin
'i73)
Appliquez les loix d la compo~tioa
3ix de
pittorefque à la pantomime, & vous ver.
rez que ce font les mêmes.
Dans une action réelle à laquelle plu-
fieurs perfonnes concourent, toutes ïedi~
poseront d'elles-mêmes de la maniere la
plus vraie mais cette maniere n'en: pas
toujours la plus avantageuse pour celui
qui peint, ni la plus frappante pour celui
qui regarde. De- là la néceniré pour le
peintre d'altérer Fêtât naturel < ce de le
réduire à un état artificiel: &: n'en fera-
t-il pas de même fur la fcène ?
Si cela eA, quel art que celui de la dé-
clamation Lorfque chacun eft maître de
fon rôle, il n'y a presque rien de fait. H
faut mettre les figures enfemble les rap-
procher ou les dnper~er, les ifoler ou les
groupper, c~ en tirer une fucceffion de ta-
bleaux tous compotes d'une manière gran-
de & vraie.
De quel recours le peintre ne feroit-il
pas à l'acteur; & l'acteur au peintre ? Ce
feroit un moyen de perfectionner deux ta-
n~ns
iens importans. Mais je jette ces vues pour
ma ~atisracHon particuliere & la vôtre. Je
ne penfe pas que nous aimions jamais allez
les ~pedacles pour en venir là.
Une des principales différences du ro-
man domeftique & du drame, c'efi que le
roman fuit le ge~e & la pantomime dans
tous leurs détails que Fauteur s'attache
principalement à peindre & les mouve-
mens & les impreffions au lieu que le
poëce dramatique n'en jette qu'un mot en
panant.
« Mais ce mot coupe le dialogue le
rallentit, & le trouble. »
Oui quand il eft mal placé ou mal
choifi.
J'avoue cependant que fi la panto-
mime étoit portée fur la ~cène à un haut
point de perfection on pourroit fouvent
fe difpenfer de l'écrire & c'eA la raifon
peut-être pour laquelle les anciens ne l'ont
pas fait. Mais parmi nous, comment le
lecteur, je parle même de celui qui a quel-
que habitude du théâtre la fuppléera-t-il
en lifant puisqu'il ne· ilai voit jamais dans
!e jeu ? Seroit-il plus acteur qu'un corné"
dien par état?
La pantomime feroit établie fur nos thëa"
tres, qu'un poëte qui ne fait pas repréfenter
fes pièces, fera froid & quelquefois inintel-
ligible s'il n'écrit pas le jeu. N'eft-ce pas
pour un lecteur un furcroît de plaihr, que
de connoître le jeu tel que le poëte l'a con-
çu ? Et accoutumés comme nous le fbm-
mes, à une décljmation maniérée, fym-
métrifée, & fi éloignée de la vérité, y
a-t-il beaucoup de perfonnes qui puiflent
s'en paner ?
La pantomime eft le tableau qui exif-
toit dans l'imagination du poëte, lorfqu'il
écrivoit & qu'il voudroit que la fcène
montrât à chaque infant, lorfqu'on le
joue. C'cA la maniere la plus fimple d'ap-
prendre au public ce qu'il eft en droit d'e-
xiger de fes comédiens. Le poëte vous dit
Comparez ce jeu avec celui de vos ac<
teurs & j usez.
Au reite quand j'écris la pantomime~
c'eA comme fi je m'adreHbis en ces mots
au Comédien c'e~i ainfi que je décla-
ine, voilà les chofes comme elles ~e paf-
foient dans mon imagination, lorfque je
compofois. Mais je ne fuis ni anez vain
pour croire mj'on ne puiffe pas mieux dé-
clamer que moi, ni anez imbécille pour
réduire un homme de génie à l'état ma-
chinal.
On propofe un fujet à peindre à plu-
sieurs artutes chacun le médite &: l'exé-
cute à fa maniere oc il fort de leurs at-
teliers autant de tableaux différens. Mais
on remarque à tous quelques beautés par-
ticulieres.
Je Jts plus. Parcourez nos galleries &
faites-vous montrer les morceaux où l'a-
mateur a prétendu commander à Farti~ie
.& difpofer de fes figures. Sur le grand
nombre à peine en trouverez vous
deux ou trois où les idées de l'un fe foient
tellement accordées avec le talent de
l'autre,
Vautre que l'ouvrage n'en ait pas ~u~
rert.
Adeurs jouiuez donc de vos droits
J'

faites ce que le moment & votre talent


vous inspireront. Si vous êtes de chair
fi vous avez des entrailles J tout ira bien,
fans que je m'en mêle; & j'aurai beau
m'en mêler, tout ira mal fi vous êtes
de marbre ou de bois.
Qu'un poëte ait ou n~ait pas écrit ta pan.
tomime je reconnoîtrai du premier coup
s'il a compose ou non d'après elle. La con-
duite de fa piece ne fera pas la même les
Scènes auront un tout autre tour; fon dia"
logue s'en reffentira. Si c'eft l'art d'imagi-
ner des tableaux; doit on le fuppo~er
à tout le monde &: tous nos poêles dra,
tnatiques l'ont-ils poffédé
Une expérience à faire, ce feroit de
compofer un ouvrage dramatique ce de
propofer enfuite d'en écrire la pantomime,
à ceux qui traitent ce foin de fuper~u.
Combien ils y feroient d'inepties ?
H eA rac:!e de critiquer ~u~ & dim-
Ci!e d'exécuter médiocrement. Seroif-il
~bnc déraifbnnable d'exiger
qudque~ouvrage d'importance
que par
nos juges
tnontraHent qu'ds en gavent du-moins
au-
tant que nous ?
Les voyageurs parlent d'une espèce
d'hommes fauvages qui foufflent
aux paf-
fans des aiguilles etnpoifonnées. CeA
l'i-
mage de nos Critiques.
Cette comparaifbn vous paroît-eHe
Outrée? Convenez dû-moins qu'ils re~.
femblent auez à
un Solitaire qui vivoit
au fond d'une vallée que des collines
environnoient de toutes
parts. Cet ef-
pace borné ëtoit l'Univers pour lui.
En tournant fur un pied &
parcourant
d'un coup.d'ceil fon étroit horifbn il
se-
crioit Je fçais tout j'ai
tout vu. Mais ten-
té un jour de fe mettre en marche & d ap-
procher de quelques objets qui fe déro-
boient à fa vue, il grimpe commet du.
au
ne de fes collines. Quel
ne fut pas fon
étonnement lorsqu'il vit
un efpace im-
(i~9)
tnenîë ~e développer au'deiïus de Ca tête &-
~~f ~tt.<~
devant lui ? Alors changeant de difcours.
H ditt Je ne fçais rien je n'ai rien vû.
J'ai dit que nos Critiques reHembloient
à cet homme je me fuis trompé. Ils réf.
tent au fond de leur cahutte & ne per-
dent jamais la haute opinion qu'ils ont
d'eux.
Le rôle d'un auteur eft un rôle aHex
vain c'eA celui d'un homme qui fë croit
en état de donner des leçons au public.
Et le rôle du Critique r II e~ bien plus vain
encore c'e~; celui d'un homme qui fe
croit en état de donner des leçohs à celui
qui fe croit en état d'en donner au public.
L'auteur dit Memeurs, écoutez-moi
car je fuis votre maître. Et le Critique
c'efi moi Meilleurs, qu'il faut écouter
car je fuis le maître de vos maîtres.
Pour le public il prend Con parti. Si
l'ouvrage de fauteur e~i mauvais il s'en
mocque, ainfi que des observations du
Critique, elles font faufles.
w Le Critique s'écrie après cela 0 remsr
0 moeurs Le- goût eA perdu &: !e voHà
confolé.
L'auteur de fon côté accufe les ~peâa-
teurs, les adeurs, &: la cabale. li en ap-
pelle à fes amis il leur a !û fa pièce,
avant
que de la donner au théatre elle devoit
aller aux nues. Mais vos amis aveuglés
pufillanimes n'ont pas ofé ou
vous dire qu'elle
étoit fans conduite, fans caractères, & fans
Ay!e; & croyez-moi, le public ne fe
trompe gueres. Votre piece e~t tombée
parce qu'elle eA mauvaife.
« Mais le
» celé ?
M~ n'a-t-il pas chan-

II cA vrai. 0 qu'il eft doux après


un
malheur d'avoir
pour foi cet exemple t
Si je monte jamais fur la fcène &
que
j'en ~bis chaffé par les nmets, je
compte
bien me le rappeller auuL
L.a critique en ufe bien diversement
avec
les vivans & les morts. Un
auteur eit il
mort ? EUe s'occupe à relever fes quali-
tés & à pallier <es défauts. E~t il vivant ?
C'eA le contraire. Ce font fes défauts qu'-
(.8.)
elle releve & fess qualités
<?ttaiti qu'elle oublie
& il y a quelque raifon à cela on peut
corriger les vivans & les morts font fans
reffource.
Cependant le cenfeur le plus févére d'un
ouvrage c'eA l'auteur. Combien il fe
donne de peines pour lui feu! ? C'eft lui
qui conno!t le vice fecret & ce n'eït pref-
que jamais là que le Critique pofe le doigt.
Cela m'a fouvent rappelle le mot d'un phi-
lofophe Ils difènt du mal de moi?

t
J~~f me CO/ÏO~OM/
7IOM
comme je me con-

Les Auteurs & les Critiques anciens com~


mençoient par s'instruire ils n'entroient
dans la carriere des lettres qu'au Sortir
des écoles de la Philofophie. Combien de'
tems l'auteur n'avoit-il pas garde fon ou-
vrage, avant que de l'cxpofer au public?
Dé-là cette correction qui ae peut être
que TeSet des confeils, de la lime, 6c du
tems.
Nous nous preffons trop de paroître
& nous n'étions peut-être ni aïïez éclai-
tes, ni auez gens de bien quand
nous
avons pris la plume.
Si Je ~y~ième moral eH
corrompu il
faut que le goût foit faux.
La vérité & la vertu font les amies des
beaux Arts. Voulez vous être auteur?
Voulez-vous être Critique ?
commencez
pat être homme de bien. Qu'attendre de
celui qui ne peut s'ancrer profondément ?
& de quoi manecierai-je profondément,
fi'non de la vérité & de la
vertu ~es deux
choses les plus puinan~es de la nature ?
Si l'on m'aflure qu'un homme eA
ava-
re, j'aurai peine à croire qu'il produife
quelque chofe de grand. Ce vice rapetine
reprit & rétrécit le cœur. Les malheurs
publics ne font rien
pour l'avare. Quel-
quefois i! s~n réjouit. Il e~i dui. Comment
~'élevera~-ii à quelque chofe de fublime ?
il eft fans C€He courbé fur
un conre fort.
ignore la v:tene du tems la brièveté
de la vie. Concentré
en lui-même, il e~
étranger à la bienfaifance. Le bonheur de
fon ~mblable n'eit rien à lès
yeux en
comparaison d'un petit morceau de mé~
tal jaune. Il n'a jamais connu le plaifir de
donner à celui qui manque de foulager
celui qui fouffre & de pleurer avec celui
qui pleure. Il eA mauvais pere mauvais
fils mauvais ami mauvais citoyen. Dans
la nécenité de s'excuser fon vice à lui-mê"
me il s'eA fait un <y~eme qui immole
tous les devoirs à fa pauion. S'il fe propo~
foit de peindre la commisération, la libe-
ralité l'hofpitalité l'amour de la patrie
celui du genre humain, où en trouvera-t-
il les couleurs ? 11 a penfé dans le fond de
fon cœur~ que ces qualités ne font que
des travers & des folies.
Après l'avare, dont tous les moyens
font vils & petits, & qui n'oferoit pas m~-
me tenter un grand crime pour avoir de
l'argent l'homme -du génie le plus étro~
& le plus capable de faire des maux le
moins touché du vrai, du bon & du beau~
c'eft le fuperAitieux.
Après le ïuper~itieux~ c'eâ rhypocritc.
(.~4)
te jfbperAitieux a la vue trouble & l'hy~-
pocrite a le coeur faux.
Si vous êtes bien né, fi la
nature vous
a donne un esprit droit & un cœur fenfi-
ble ruyez pour un tems la ibciété des
hommes allez vous étudier vous-même.

g
Comment Fin~rument rendra -1 il
une
ju~e harmonie, s'il eft désaccorde? I~i.
tes-vous des notions exa~es des chofes
comparez votre conduite avec vos de-
voirs rendez-vous homme de bien &
ne croyez pas que ce travail & ce tems
6 bien employés pour l'homme foient
perdus pour l'auteur. Il réjaillira de la
~ec~ion morale
per-

de que vous aurez établie dans


votre caradere & dans vos moeurs une
grandeur & de ju~ice qui fe
répandra fur tout ce que
vous écrirez. S~
vous avez le vice pendre, cachez une
fois combien il eA contraire l'ordre
gé-
néral & au bonheur public êc particu-
Jier, & vous le peindrez fortement. Si
ceA la vertu comment parlerez-vous
en
(')
d'une maniere à la faire
~aiw aimer aux au.
tres fi vous n'en êtes pas transporte
De retour parmi les hommes écouter
beaucoup ceux qui parlent bien & par-
lez-vous fouvent à vous-même.
Mon ami, vous connoiffe z AriSte. C'eSt
de lui que je tiens ce que je vais vous en
raconter. Il avoit alors quarante ans. Il
s'ëtoit particulièrement livré à l'étude de
la Philofophie. On l'avoit furnommé le
Philosophe parce qu'il étoit né fans am-
bition, qu'il avoit Famé honnête, & que
l'envie n'en avoit jamais altéré la douceur
& la paix. Du reStc, grave dans fon main-
tien, févére dans fes moeurs, auSiére &
fimple dans fes difcours le manteau d'un
ancien philofophe étoit preSque la feule
chofë qui lui manquât, car il étoit pau-
vre Se content de fa pauvreté.
Un jour qu'il s'étoit propofé de paffer
avec fes amis quelques heures à s'entre-
tenir fur les Lettres ou Sur la Morale, car
il n'aimoit pas à parler des affaires publi-
ques ils étoient abfens & il prit le parti
~ie Se promener Seul~
I rrequentoit peu
pe u tes
les endroits
1 où les
hommes semblent. Les lieux écartés
lui plaifoient davantage. H alloit
en rê-
vant, & voici ce qu'il fe difoit
J'ai quarante ans. J'ai beaucoup étudié.
On m'appelle le philofophe. Si cependant
il fe préfentoit ici quelqu'un qui
me dit
Aride, qu'ed-ce que le vrai, le bon c~
le beau aurois- je ma réponfe prête ? Non.
Comment, Aride, vous ne fçavez
pas ce
que c'ed que le vrai, le bon & le beau, oc
vous fouffrez qu'on vous appelle le philo~
fophe
Après quelques réflexions fur la vanité
des ëtoges qu'on prodigue fans connoif-
fance', & qu'on accepte fans pudeur, il <e
mn à rechercher l'origine de ces idées fon-
damentales de notre conduite & de
nos ju-
gemens & voici
comment il coimnua de
taifonner avec lui-même.
Il n'y a peut être pas dans l'e~ece h~
maine entiere deux individus qui
ayent
quelque reflemblance approchée. L'orga-
nifation générale les iens, la figure
ex-
tcrieurc les vifcërcs ont leur variété. Les
~7~
fibres, les muscles, t~C
les bolides, les fluides
ont leur variété. L'esprit y l'imagination y
la mémoire, les idées, les vérités, les pré-
jugés, les alimens, les exercices, les con-
noiffances, les états, Féducation~Iesgoûts~
la fortune les talens ont leur variété. Les
objets, les climats les mœurs, les loix
les coutumes, les ufages les gouverne-
mens, les religions ont leur variété.
Comment feroit-il donc poffible que deux
hommes eurent précifément un même
goût, ou les mêmes notions du vrai, du
bon & du beau ? La différence de la vie
& la variété des événemens nimroient
feules pour en mettre dans les jugemens.
Ce n'eA pas tout. Dans un même hom<
me, tout eft dans une vicnEtude perpé-
tuelle, foit qu'on le confidere au phyu-
que, foit qu'on le confidere au moral la
peine fuccede au plaifir, le plaifir à la pei-
ne; la ïanté à la maladie la maladie à la
~anté. Ce n'en: que par la mémoire que
nous fommes un même individu pour les
autres & pour nous-mêmes. Il ne me reâe
peut-être pas à l'âge
~r«~ j'ai, une ~u!c
) acy<* que
molécule du corps que j'apportai
en naïf-
fant. J'ignore le terme prefcrit
à ma durée
mais lorfque le moment de rendre
ce corps
à la terre fera venu, il lui refera
ne peut.
être pas une des molécules qu'il L'ame
a.
en di~érens périodes de la vie fe re~.
ne
iemble pas davantage. Je balbutiois dans
l'enfance. Je crois raifonner
à-prêtent.
Mais tout en raifonnant le
tems pa~e &:
je m'en retourne à la balbutie. Telle
eit
ma condition & celle de tous. Comment
ieroit-il donc pénible qu'il eût un
ieul d'entre y en
nous qui confervât pendant
toute la durée de fon exigence le même
goût, & qui portât les mêmes jugemens
du vrai, du bon & du beau ? Les
révolu.
tions caufées par le chagrin & la mé-
chanceté des hommes iuniroient feules
par
pour altérer fes jugemens.
L'homme eii-U donc condamné à n'é-
tre d'accord ni avec fes femblables ni avec
lui-même, fur les feuls objets qu'il lui
im-
porte de connoître, la vérité, la bonté
la- beauté? Sont-cew ii
là des chofes toca!es~
momentanées & arbitraires ? des mots vu}*
des de fëns? N'y a-t-il rien qui foit têt?
Une chofe e~-eUe vraie bonne & belle
quand~elle me le paroît ? oc toutes nos
difputes fur le goût fë refoudroient- elles
enfin à cette proportion: nous fommes
vous & moi deux êtres difïerens, & moi-
même je ne fuis jamais dans un infant ce
que j'ëtois dans un autre ?
Ici Ariâe fit une paufe. Puis il reprit
Il eft certain qu'il n'y aura point de ter-
me à nos difputes tant que chacun fe
pren"
dra foi-même pour modsie <Sc pour juge.
Il y aura autant de mefures que d'hommes,
&: le même homme aura autant de
mo-
dules différens que de périodes fenflble<
ment différens dans fon exigence.
Cela me fuffit ce me femble, pour fen-
tir la nëce~ité de chercher une mefure, un
module hors de moi. Tant que cette re-
cherche ne fera pas faite la plûpart de
mes jugemens feront faux & tous feront
incertains.
Mais où prendre la mesure invariable
que je cherche & qui me manque?
Dans un homme idéal
que je me forme-
rai, auquel je préfenterai les objets. qui
prononcera, & dont je me bornerai à n'é.
trc que Fécho Mêle? Mais cet hom-
me fera mon ouvrage. (~importe

itansr.
fi je le crée d'après des élémens
Et ces élémens con~ans où
con-
font ils ?
mais comment les ranembler
?.
Dans la nature
?. Soit
La chofe
eA difficile; mais cA-ene impoffible ?
Quand je ne pourrois e~përer de
me for-
mer un modèle accompli ~erois je dif-
penfé d'eHayer r
donc
Non. Egayons
Mais fi le modele de beauté
quel les anciens Sculpteurs au.
dans la fuite tous leurs
rapportèrent
ouvrages, leur
coûta tant d'observations, d'études &
de
peines à quoi m'engageai je
le faut pourtant,
?. Il
ou s'entendre tou-
jours appeller Arifle le philofophe
&
rougir.
Dans cet endroit AriAe fit
une ïecon-
~e paufe un peu plus longue que la pre-
miere, après laquelle il continua.
Je vois du premier coup.d'œil que
l'homme idéal que je cherche étant un
compose comme moi, les anciens Sculp-
teurs en déterminant les proportions qui
leur ont paru les plus belles ont fait une
partie de mon modèle Oui. Prenons
cette ~atue & animons la Don-
nons-lui les organes les plus parfaits que
l'homme puiffe avoir. Douons-la de tou-
tes les qualités qu'il eft donné à un mortel
de poHeder & notre modèle idéal fera
fait. Sans doute. Mais quelle étude
Quel travail! Combien de connoiuanccs
phynques, naturelles & morales à acquérir
Je ne connois aucune tcience aucun art
dans lequel il ne me fallût être profondé-
ment verfé Aum aurois-je le modele
idéal de toute vériré, de toute bont6, &~ de
toute beauté Mais ce modele général
idéal eH: impomble à former à moins que
les dieux ne m'accordent leur intelligence
& ne me promettent leur éternité. Me
voilà donc retombé dans les Incertitude~
d'o~ je me propofois de fortir.
Ari~e triAc & penfif s'arrêta encore
dans cet endroit.
Mais pourquoi, reprit-il après
un mo<
ment de utencc~ n'imiterai-je
pas auS les
Sculpteurs ? Ils fe font fait un modèle
pro-
pre à leur état, & j'ai Ïe mien Que
Fhotnme de lettres ~ë faire un modele idéal
de l'homme de lettres le plus accompli,
& que ce foit par la bouche de cet hom~i
ine qu'il juge les productions des autres oc
les uennes. Que le philbfbphe fuive le
même plan. Tout ce qui femblera bon
& beau à ce modèle, le fera. Tout qui
ce
lui Semblera faux, mauvais oc di~brme
le fera Voila l'organe de fes déci-
il
dons Le modèle idéal fera d'autant
plus grand & plus févére qu'on étendra
davantage fes connoln~nces. 11 n'y a
perfonne & il ne peut y avoir perfonne
qui juge également bien en tout, du vrai,
du bon & du beau. Non & fi l'on entend1.
par un homme de goût celui qui porte
en
·'7)J
en lui-même le modele généràl idéal de
toute perfection c'eA une chimere.
Mais de ce modele idéal qui eft
propre
à mon état de philofophe, puisqu'on
veut
m'appeller ainn; quel ufage ferai-je,
quand je l'aurai ? Le même
que les Pein-
tres & les Sculpteurs ont fait de celui
qu'ils avoient. Je le modifierai, ~lon les
circon~ances. Voilà la feconde étude à
laquelle il t~dra qu~ je me livre.
L'étude cource l'homme de lettres.
L'exercice affermit la démarche & relevé
la tête du foldat. L'habitude de
porter des
fardeaux aSaiÛe les reins du crocheteur.
La femme groue renverse fa tête
en-ar-
riere. L'homme bouu difpofe fes membres
autrement que l'homme droit. Voilà les
observations qui, multipliées à l'infini
forment le Aatuaire & lui
apprennent à
altérer, tbrtiner, affoiblir déngurer&:
réduire fon modele idéal, de l'état de
na.
turc, à tel autre étdt qu'il lui plaît.
Ceit l'étude des panions, des
mœurs
des caractères, des ufages, qui
appren-
yy D.
t~4?
dra au peintre de l'homme
Fhomr à altérer ~bn
modele, & à le réduire de l'état d'homme
à celui d'homme bon ou méchant tran-
quille ou colère.
C'eft ain~i que d'un feul fimulacre il
émanera une variée infinie de repréfen-
tations différentes qui couvriront la fcène
& la toile. EA-ce un poète ? EA-ce un
poète qui compofe ? Compofe t il une
fatyre ou un hymne ? Si c~A une ia~ vre,
il aura l'oeil farouche, la tête .~rbncée9
entre les épaules, la bouche fermée les
dents ferrées, la respiration contrainte
& étouffée c'e& un furieux. EA-ce un
hymne? il aura la tête élevée la bouche
~ntr'ou verte, les yeux tournés vers le ciel,
l'air du tranfport & de l'extafe la respira.
tion haletante: c'cR un enthou~a~e. Et la
joie de ces deux hommes, après le Succès,
n'aura-t-elle pas des caractères différens ?
Après cet entretien avec lui-même,
Aruîe conçut qu'il avoit encore beaucoup
à apprendre. Il rentra chez lui. Il s'y ren-
ferma pendant une quinzaine d'années. Il
\'y~ 1
fe livra à FHiAoire, à la Philosophie à la
Morale, aux Sciences & aux Arts& il
fut à cinquante-cinq ans homme de bien,
homme inftruit homme de goût grand
auteur, & Critique excellent.

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