Vous êtes sur la page 1sur 105

VAMOS A LA PLAYA

Scénario Williams Crépin et Gilles Thomas


D’après une histoire de Williams Crépin

-1-
Générique.
L'autoroute vue d'en haut.
Des carcasses de métal brillent sous les rayons du soleil.
Une petite voiture sur la file de droite, allure d'escargot.

VOIX ( volontaire )
Y a pas de honte à être un gagnant, merde !

-2-
Le soleil, l'autoroute.
Un bras qui pendouille le long d'une portière brûlante, un bras tout blanc comme un
premier jour de vacances. Une petite Renault 5 usée, cabossée, poussiéreuse, glisse
en douceur sur le bitume mou et tiède.

On plonge, vision d'un rapace sur sa proie, sur le bras qui dépasse de la fenêtre
ouverte.
VOIX DE DAVID
Les Français sont des veaux !
Et moi, je serais plutôt du genre taureau...
(un éclat de rire dans la voix )
Tu vois ce que je veux dire !

Pas de réponse.
Au volant, dégoulinant de sueur, cheveux mi-long collés sur la nuque, chapeau de
paille aux oreilles, la trentaine, DAVID.
Il se tourne vers le côté passager : assoupie, la tête calée contre la ceinture de
sécurité, une très jolie fille, brune, la vingtaine, cheveux attachés dans un ruban.

-1-
David la regarde amoureusement.
Sa main droite quitte le volant pour saisir la molette d'inclinaison du siège passager.
Il la tourne progressivement et abaisse le siège.
Tout à cette manoeuvre, il en oublie sa conduite.
La voiture fait un écart, frôle la bordure de sécurité. Deux roues dans le bas-côté pas
vraiment stabilisé. La fille se réveille en sursaut et lui jette un regard sombre. Elle
redresse son siège.
David se justifie, un sourire en coin.

DAVID
Je voulais te mettre à l'aise, que tu sois mieux installée
quoi ...

LA FILLE
Genre couchée... ( ironique)... dans un lit d'hôpital ?

David la dévore des yeux.


Le volant tremble bruyamment entre ses mains : y a comme un problème dans la
direction ...
Le visage de David se rembrunit.

-3-
Sur le bas-côté, David examine la roue avant droite

LA FILLE
Ça te dérange pas si je continue le voyage ? Si je
traîne trop, ma mère va s'inquiéter ...

Elle se penche vers la banquette arrière pour prendre son sac à dos.
De l'extérieur, David jette un coup d'oeil dans la voiture.
Il découvre le postérieur de sa passagère, serré-moulé, dans un jean délavé,
artistiquement déchiré sous la naissance des fesses, qui laisse voir, bien plus que
deviner, la douceur d'un carré de chair.
La fille sort de la voiture avec son sac et commence à faire du stop.
David déçu, les bras qui pendouillent le long du corps.

DAVID
Tu me files ton numéro de téléphone ?

LA FILLE
J'ai pas le téléphone.

DAVID
Attends, je vais te laisser le mien ...

David va vers la voiture pour chercher de quoi noter.

LA FILLE
Te fatigue pas, j'appelle jamais ...

-2-
David perplexe.
Une voiture pile net devant l'auto-stoppeuse.
David ahuri la voit s'engouffrer dans l'auto.
Penchée à la fenêtre, elle lui fait un coucou d'adieu.

LA FILLE (ironique)
Merci pour tout !

DAVID
Y a pas de quoi !

-4-
La voiture est montée sur cric. David, ruisselant de sueur ...
... installe la roue de secours et serre les écrous.
Il regarde son T-shirt, une très légère trace de cambouis, à peine visible, lui crève les
yeux.
Mine dégoûtée de David qui le retire et le met dans un sac en plastique déjà rempli
de nombreux autres T-shirts sales.
Il ouvre une valise bourrée de T-shirts de rechange.
Monsieur aime les T-shirts nickels.

-5-
Sa voiture réparée, David arrive au poste de péage.
Il tend sa fiche à une préposée peu souriante puis fouille dans les poches de son
blouson posé sur son dossier.
Le montant à payer s'inscrit sur le tableau lumineux : 120 francs.
David retourne les poches de son blouson à la recherche de son portefeuille: rien.
DAVID
Merde !

Il dévisage la préposée au péage.

DAVID
La salope !

La femme prend ça pour elle.

LA PREPOSEE
Vous pouvez répéter ?

David sort de la voiture.

DAVID (paniqué)
Mon portefeuille !

La femme ferme la vitre de sa casemate en la faisant glisser.

-3-
Elle parle dans un micro en regardant David qui ne l'entend pas.
Derrière on s'impatiente.

AUTOMOBILISTE
T'avance !

DAVID ( tremblant et répétant )


Elle m'a piqué mon portefeuille ....

AUTOMOBILISTE ( lui faisant signe de ne pas tenir


compte du feu rouge devant la caisse )
T'emmerde pas, fonce !

DAVID
J'ai pas envie d'avoir les flics au cul ...

AUTOMOBILISTE
( ricanant, en passant la marche arrière )
Moi c'est pareil, moins je les vois, mieux je me porte...

Pour sûr, un motard de la gendarmerie apparaît derrière David.


Il lui fait signe de dégager le passage et de le suivre avec sa voiture.
La préposée du péage, rassurée par la présence policière, rouvre sa vitre.

LA PREPOSEE (à David)
Y a des nationales pour les pauvres !

-6-
Sur le bas-côté, la voiture de David est arrêtée ...
entre deux motos de la gendarmerie. David, à l'extérieur, en compagnie de deux
gendarmes, ravis d'avoir un "client ".
Le deuxième gendarme fait le tour de la R5 en quête de la "petite bête " pour
épingler David : pneus lisses, vignette mal collée ... Quand on cherche, on trouve
toujours.

GENDARME
... Bien sûr, les papiers du véhicule sont dans votre
portefeuille...

DAVID
Exactement ...

DEUXIEME GENDARME ( ironique )


Et le portefeuille envolé !

DAVID (il répète, las)


Exactement ...

GENDARME ( le sourire aux lèvres )


Auto-stoppeuse, brune, une vingtaine d'années ?

-4-
DAVID (sur le même ton)
Exact... (ahuri à retardement) ... Hein ? Vous la
connaissez ?

DEUXIEME GENDARME
Jean moulant, avec une déchirure là ?
... ( il montre l'endroit )

DAVID
Euh, j'ai pas fait attention ... je regarde pas ce genre
d'endroit.

GENDARME
Ça fait un mois qu'elle traîne dans le secteur ...
Toujours les mêmes victimes : des pauvres types ...

DEUXIEME GENDARME
... qui la ramassent en espérant finir la journée avec
elle

GENDARME
Des naïfs !

DEUXIEME GENDARME ( avec un rictus )


Des vicieux...

Les deux gendarmes se marrent. David n'ose plus rien dire.


Le deuxième gendarme est intrigué par le bazar qui s'entasse dans le coffre de la
voiture.
DEUXIEME GENDARME
On peut jeter un coup d'oeil ?

David leur ouvre le coffre en soupirant.


Le deuxième gendarme se penche et regarde les dizaines de marionnettes entassées
sur des sacs.

DEUXIEME GENDARME
Vous faites collection ?

DAVID
Non, je les vends ... ( bas ) J'essaie...

Le deuxième gendarme montre une marionnette, le personnage classique du


Gendarme de Guignol ( bicorne de sergent de ville et moustache à la Brigade du
Tigre ).

DEUXIEME GENDARME (ironique)


Amusant ...

DAVID ( faux-cul )

-5-
Hé !, c'est pas moi qui les fabrique ...

Le premier gendarme s'est approché et s'est saisi de la marionnette.

DAVID
Les gosses adorent ça ... C'est mieux que les Game
Boys ... et puis c'est fabriqué en France...

Le flic vérifie sur l'étiquette.

DAVID
... enfin je crois ! ... (moment de panique) ... Je vous
fais une démo !

David lui prend la marionnette et en pioche une deuxième dans le coffre. Il se glisse
de l'autre côté de la voiture, se baisse et fait apparaître les deux marionnettes au bord
du toit comme dans un petit théâtre.
Il improvise un petit spectacle.

DAVID
(voix de dessin animé)
- Bonjour, monsieur le gendarme, j'espère que vous
attraperez beaucoup de voleurs ...
(il imite la voix grave du deuxième gendarme avec
beaucoup de réussite)
- Les mains en l'air ...
- Mais j'ai rien fait
( la marionnette gendarme s'approche de l'autre et le
palpe )
- Ah ça chatouille ! ...

Le premier gendarme sourit.

DEUXIEME GENDARME ( sinistre )


On est tombé sur un comique ...

GENDARME
Tu les vends combien tes marionnettes ?

David arrête et se relève.

DAVID ( fier )
30 francs... pièce, hein !
Choisissez, la maison fait libre service !

Le gendarme fouille rapidement dans le coffre et en extirpe 4 marionnettes.

GENDARME ( à David )
Je te dois ?

-6-
DAVID
4 fois 30... 120 francs ...

GENDARME
C'est marrant ça, c'est exactement ce qu'il te faut pour
le péage ...

David, bouche bée, comprend qu'il n'y a rien à faire.

GENDARME
Je leur donnerai !

DEUXIEME GENDARME
Allez, circulez ...

David remonte dans sa voiture.


Le motard lui colle la marionnette gendarme sous le nez et la fait parler du nez.

GENDARME
Et bonnes vacances !

-7-
David abandonne l'autoroute et s'engage sur une départementale

-8-
La voiture de David se faufile sur le parking...
... surchargé d’un hypermarché agrandi pour satisfaire la vague de fond
consommatrice de la saison touristique.
David trouve son bonheur en dehors des marquages de stationnement autorisé.
Il sort de la voiture, coup d'oeil alentour sur les acheteurs potentiels : un
amoncellement de nuages à base de bermudas et débardeurs.
Gaffe aux orages en fin de soirée.
David extirpe les marionnettes de son coffre.
Puis il sort des tréteaux qu'il avait sur sa banquette arrière et installe une sorte
d'étalage de marchand ambulant.

DAVID ( rêveur )
Je liquide le stock, bye-bye les marionnettes, bonjour
les pépettes !

-9-
Des transporteurs de fonds, devant la caisse principale...
... de l'hypermarché patientent, l'oeil aux aguets, la main sur la crosse de leur
revolver.
Le plus petit, copie conforme de Joe Dalton, se lisse la moustache avec l'extrémité de
sa langue.
En bons cow boys, ils savent créer une sympathique ambiance western avec les
moyens du bord. Dommage pour eux, leur public potentiel est absorbé par
l'empaquetage et le monnayage de ses précieuses denrées périssables.

-7-
-10-
Sur le parking, un homme, 40 ans , engoncé dans un costume
bas de gamme étriqué, rectifie l'angle de ses lunettes de soleil qui glissent sur son
nez ruisselant de sueur. Le type décroise les bras et découvre un badge "Sécurité" qui
trône comme une décoration militaire sur son torse gonflé.
Le vigile marche sur David qui tente d'attirer l'attention des vacanciers avec un
boniment proche de celui qu'il a servi aux gendarmes... Sans grand succès : personne
ne s'attarde.

-11-
Le vigile se plante devant David...

VIGILE
Ici c'est pas un souk, tu remballes ton bordel et tu
dégages !

DAVID
Je fais de mal à personne ...

VIGILE
J'ai des ordres : pas de mendiants sur le parking !

DAVID
Je suis pas mendiant, je suis commerçant ...
ambulant !

Le vigile fait semblant de partir.

VIGILE
Ça tombe bien, t'as cinq minutes pour dégager !

DAVID
Cinq minutes, c'est trop juste ... le temps qu'je range ...
c'est fragile ces articles...

VIGILE
Je te donne un coup de main, si tu veux !

Le vigile donne un coup de pied dans l'étal qui s'écroule.


Sourire sadique du type.

VIGILE ( gueule de tueur )


T'as quatre minutes pour dégager !

-12-
Les transporteurs de fonds s’éloignent de la caisse principale.

-8-
Le grand gaillard porte les deux sacs gonflés de la recette de la mi-journée. Deux
mètres devant, "Joe Dalton" ouvre la route en humectant sa moustache.

-13-
David, sur le parking, une marionnette à la main, en perpétuel...
... mouvement, comme une girouette.
Son bordel rangé, il tente une nouvelle technique commerciale et accoste les gens à
leur sortie de l'hypermarché.
Il use sa salive sans succès.

-14-
Sur le parking, trois types, l'air patibulaire, assis dans ...
... un break Volvo, le regardent l'air perplexe.
David erre entre les voitures en stationnement à la recherche d'un éventuel client.
Coup de chance, c'est pas un client qu'il trouve mais trois.
David approche, sourire commercial aux lèvres.

DAVID
Bien le bonjour, messieurs, je suis sûr que vous êtes
de gentils papas qui ne demandent qu'à faire plaisirs à
leurs petits monstres...

Le type, à l'arrière du break, l'interrompt sans ménagement.

TYPE 1
On déteste les gosses !

DAVID ( faisant parler sa marionnette )


Il est pas gentil, le monsieur ...
( parlant à sa marionnette comme un ventriloque à sa
créature )
Oh, tu sais, il a peut-être des problèmes le monsieur ...
Et moi les gens qui ont des problèmes, je les
comprends ... et je suis même prêt à leur faire des
prix...

Le type à l'avant, sur le siège passager, un petit nerveux sec comme un coup de
trique, s'apprête à bondir dehors.

TYPE 2
Tire-toi, connard !

Il est retenu par le troisième larron, celui qui est au volant : un type au visage marqué
par 30 à 40 ans de loyaux service. Deux petits points bleus, tatoués au coin des
paupières, lui allongent les yeux.
Une toison, touffue et frisée, s'échappe de l'échancrure de sa veste de survêtement
rouge.

TYPE 3

-9-
Calme Jean Paul... expire ... ( puis souriant mais
ferme, à David ) ... Merci jeune homme, mais nous ne
sommes pas intéressés.

DAVID ( insistant, avec un air de chien battu )


Soyez sympa, même les gendarmes m'en ont achetées

TYPE 1
Il nous cherche ou quoi ?

En arrière plan, derrière David, les convoyeurs rejoignent leur camion.

TYPE 2 ( à ses comparses )


Les v'là !

David se tourne pour voir de quoi il parle, puis regarde à nouveau le break Volvo.

David se pince : Gérard Depardieu est là, devant lui !


Pas le vrai, bien sûr, juste un masque en latex à l'effigie de l'acteur.
Un flingue pointe contre son nez, tandis qu'un index se tend en travers de la bouche
lippue de la star caricaturée.

DEPARDIEU
Chuuut !

Tu parles d’un silence... et ça pète.


Action !

On avait “Depardieu” en star, continuons avec “Belmondo” ( le type 2 ) et "Johnny


Halliday" ( le type 1 ) qui sortent de la voiture eux aussi avec des masques de latex.
Bonjour le casting !
Les deux compèrent visent directement les deux vigiles. "Johnny", avec un fusil
mitrailleur “Uzi” de l’armée israélienne, jubile.
Le grand gaillard tombe à genoux avec ses deux sacs sans avoir le temps de dégainer.
Pris sous les rafales, "Joe Dalton" se jette au sol et roule par terre.
Des restes de l’entraînement, des gestes réflexes qui sauvent.

Un troisième vigile bondit hors de la camionnette.


Coups de feu en cascade et panique générale !
Des chariots à ras bord qui dessalent, des bouteilles d’huile qui percent et éclatent en
communiant avec du vin local.
Attention au mélange !
Explosif !

David, aux premières loges, au milieu des tirs, bouche bée sous la mitraille.
Les balles perdues roucoulent aux oreilles des vacanciers hystériques qui trébuchent,
titubent, roulent et retrouvent le quatre pattes de leur petite enfance.

Une rafale poinçonne à l’horizontale la voiture de David, de l’aile avant au réservoir.


DAVID
Mes marionnettes !!!

-10-
David se précipite pour sauver sa marchandise.
"Johnny" lui fait un croche-pied. Le jeune homme s'étale.

JOHNNY
Bouge pas de là !

David obéit. Il serre contre lui, comme le nounours de son enfance, la marionnette
qu'il espérait leur vendre sur le parking.
La Renault 5 explose.
David n’existe plus. Il se sent nu.
Retour à l'action.

La Volvo break des truands fonce sur le vigile blessé avec les sacs.
"Joe Dalton", position du tireur couché, vide son chargeur dans le pare-brise.
Ça vole en mille éclats : l'averse de verre après les coups de tonnerre des explosions.
Le break termine sa course en s'enfonçant dans des caddies, vides, encastrés, rangés
les uns dans les autres comme une gigantesque chenille à roulettes qui explose.

C'est dans ce genre d’ambiance que certains individus sont amenés à entendre des
voix, c'est le cas de David.
Une voix en fait... une seule, pas celle de la raison, celle du type au masque de
Johnny.
JOHNNY
T'obéis ou t'exploses, c’est tout simple !

"Johnny" saisit David par le collet et le relève. David liquéfié lâche sa marionnette.
"Johnny" se colle derrière lui et, le canon de son Uzi plaqué sur les omoplates, le fait
avancer vers les sacs qui gisent à terre.

DAVID (aux vigiles)


Tirez pas, tirez pas !

Après la tempête, le calme.


On entendrait voler une mouche dans la chaleur asphyxiante du parking, mais voilà,
il y a toujours un émotif qui pleurniche dans son coin pour casser les atmosphères.

L'heure est aux responsables qui accourent à la rescousse des irresponsables. Des
types en costard, frais sortis des bureaux où ronronnent encore les machines à air
conditionné, fraient avec le menu fretin en shorts et maillots.
Le plus vieux, le plus ventripotent, lacs de sueurs sous les aisselles, un look de chef, à
ses côtés le jeune vigile de tout à l'heure qui gueule dans le silence.
VIGILE
S'il vous plaît messieurs-dames !
Gardez votre calme, tout va bien !
La situation est sous notre contrôle !

Les sacs en main David et "Johnny" marchent à reculons vers une voiture en
stationnement.
Le conducteur, un type d'une quarantaine d'années, ne bronche pas.
Il n’a pas encore pigé ce qui risque de lui arriver.

-11-
Une rafale, tirée en l'air, est plus explicite qu'un long discours.
Le type disparait en rampant par dessus le siège passager et va grossir les rangs des
témoins apeurés, retranchés derrière un garage à caddies.

David n’a pas cette chance.


“Johnny” lui serre tellement le cou qu’il se croit parti dans les vapes.

DAVID
.. vous plaît... respi...rer...

JOHNNY
Ta gueule !

Le parking nage dans le flou, l’image tremble, surchauffée par le soleil qui plombe.

David devine, plus qu’il ne voit, le convoyeur blessé - celui qui tenait les sacs -
ramper vers son flingue.

Maintenant ça va très vite : "Johnny" pivote et pousse David en force dans la voiture
désertée. Il y jette aussi les deux sacs.
Pendant cette brève manoeuvre, il montre son dos au convoyeur.
Le blessé, qui a récupéré son arme, lui tire dessus.
“Johnny” s’affaisse, avant même de grimper dans la voiture, le dos en bouillie. Du
sang gicle sur la joue et le T-shirt de David.
“Belmondo” sort son masque de derrière une ménagère, qu'il ceinture par la taille, et
fait exploser la tête du convoyeur.
David retient un hoquet de nausée.
Il subit la scène à travers le pare-brise de la voiture en stationnement, comme le
spectateur d'un drive-in.
Au programme ce soir, un film inédit de Peckinpah.
Dehors la fusillade.
“Johnny”, blessé à mort, essaie, dans un dérisoire réflexe de survie, de rentrer se
mettre à l’abri dans l’habitacle.

JOHNNY
Pousse-toi connard !

David se pousse en tremblant de peur. "Johnny" n'entrera jamais dans la voiture. Il


s'écroule au sol en glissant contre la portière qui se ferme en claquant.
David seul dans la bagnole.
La tuerie dehors.
Les clés le narguent sur le contact.
Il démarre et enclenche la première pour sortir de ce merdier.

-15-
David roule comme un con sur le parking.
Il renverse du caddie et lève de pauvres diables embusqués qui jaillissent devant lui
et qu'il évite de justesse.

-12-
DAVID
Poussez-vous !

Une seule idée en tête : sauver sa peau !

-16-
Un rugissement de moteur.
Une moto de trial, roue arrière, à la parade.
“Belmondo” pile devant “Depardieu”.
Une détonation retentit au moment où il se hisse à l'arrière de la moto .
"Depardieu" se brise, hurle de douleur, les deux mains sur la jambe juste au dessus
du pied.
"Belmondo" réplique aussi vite que dans le "gun fight" final d'un western et abat le
vigile du magasin qui vient de tirer.
Il chope son comparse par le survêt et l'aide à grimper sur la moto. Dans la
manoeuvre, "Depardieu" laisse tomber son arme.
Il n'a pas le temps de la ramasser. La moto démarre à fond.
La fusillade cesse faute de combattants.
La course poursuite commence.
Les motards seront les chasseurs... et David le gibier.

-17-
Dans le coeur de la station-balnéaire.
David déboule comme un furieux.
Place au chauffard... et à ses poursuivants.
Les étalages d'articles de plage s'éparpillent sur les trottoirs.
Une machine à glaces "à l'italienne", éventrée, déverse sa vanille-fraise dans le
caniveau.
Au programme, Grand prix de Monaco sauvage dans les rues de
St. Martin-sur-mer .

-18-
Aux abords de la plage.
La course poursuite franchit la ligne d'arrivée.
La concentration de voitures, cul à cul, empêche d'aller plus loin.

David essaie de sortir, la portière conducteur est bloquée. Il chevauche le siège


passager et s'empêtre dans les sacs des vigiles jetés dans la voiture par "Johnny".
David hésite un instant... pas trop longtemps.
Il retire son T-shirt maculé de sang, met les sacs du butin dans un fourre-tout en osier
qui traîne sur la banquette arrière, prend le tout et s'éloigne vers la plage.
Derrière, on manifeste sa mauvaise humeur en klaxonnant.

-19-
David court sur la plage bondée d’estivants, son sac en osier...
... à la main.

-13-
Ses chaussures s’enfoncent dans le sable. Il s'arrête devant une poubelle, retire son
pantalon et l'enfouit dans le sac plastique, rayé blanc et rouge, Vacances Propres.
David se retrouve en slip.
Rien d'anormal, il n'est pas le seul sur la plage.

-20-
La voiture bouche la rue dans un embouteillage monstre.
La moto de trial arrive à sa hauteur. Les deux types ont retiré leurs masques de stars.
Celui qui pilotait ( Jean-Paul ) s’engouffre dans la voiture et ressort les mains vides.
Il jette un oeil sinistre à son pote ( Gérard ) qui souffre le martyr en essayant de
maintenir en équilibre l’engin qui ronronne au ralenti.
Le type derrière klaxonne.
En maugréant, il montre aux truands la direction de la plage. Gérard fait merci de la
tête.
Jean-Paul enfourche la bécane illico presto et met les gaz droit sur la plage.

-21-
Les truands abandonnent la moto ensablée dans la dune.
Ils descendent sur la plage qu'ils scrutent à la recherche de David : autant chercher
une aiguille dans une meule de foin !

-22-
La plage, le soleil, de la chair qui rosit, qui rougit.
David est étendu sur une serviette, lunettes de soleil, casquette publicitaire du Tour
de France sur la tête. Blotti contre lui, le sac en osier d'où il a pioché sa panoplie de
vacancier. Surtout ne pas relever la tête et montrer son visage aux deux truands dont
les silhouettes sinistres se profilent à quelques mètres.
Au loin des sirènes de police qui approchent.
Les truands décampent sans paniquer. David souffle, soulagé.

-23-
Des vacanciers pestent en cercle autour de la voiture...
... abandonnée par David.
Ils sont rejoint par la police toutes sirènes hurlantes qui s'élance vers la plage, sans se
soucier un instant de démêler l’embouteillage.

-24-
Deux policiers patrouillent sur la plage...
Pour David, le répit aura été de courte durée.
Avachi sur sa serviette, il essaie de se donner une contenance en saisissant le
magazine qui traîne dans le sac en osier.
Il commence à le feuilleter et le repose aussitôt en ayant la désagréable impression
que tous les yeux de la plage sont fixés sur lui.
Il s'agit d'un magazine homo hard à la photo de couverture sans équivoque.
David panique, les flics s'approchent.
Il a une idée : à côté, deux gamins jouent avec des billes et des figurines de coureurs
cycliste sur une piste tracée dans le sable.
David propose de se joindre à eux.

-14-
Le plus grand des deux gosses dévore sa casquette du Tour de France des yeux.
David est ravi de la lui offrir en gage d'amitié.
Le gamin replace les cyclistes de plastique en bon ordre sur la ligne de départ, c'est à
David de commencer. Il donne une pichenette trop forte et la bille va valser dans les
décors, ça commence mal.
Les flics passent à côté d'eux sans leur prêter la moindre attention.

-25-
Jean-Paul marche à grandes enjambées dans l'artère...
... commerçante de la cité balnéaire. Gérard, la veste de survêtement largement
ouverte sur sa poitrine en sueur, claudique derrière lui.
Drôle de couple, à commencer par la disparité physique : Gérard est massif,
imposant, calme, son acolyte, beaucoup plus jeune, est un petit nerveux qui fait une
bonne tête de moins que lui.
GERARD
Jean Paul, attends-moi !

JEAN-PAUL ( l'attendant quand même )


Pourquoi faire ?

GERARD
A deux on est plus fort !

Jean-Paul le contemple avec mépris.

JEAN-PAUL
Tu t'es vu, tu comptes même pas pour un !?
Faut pas rêver !
Un demi, je veux bien... et encore !

GERARD
Un et demi, c'est toujours
plus qu'un.

JEAN-PAUL ( reprenant sa route )


Tu sais, moi les chiffres !

-26-
La plage se vide à mesure que le soleil décline dans le ciel.
D'impressionnants coups de soleil zébrent les épaules et le dos de David. Une
dernière pichenette dans la bille pour passer la ligne d'arrivée, il sera lanterne rouge.
David redresse la tête et fait la gueule, mais ce n'est pas à cause de son échec. Il vient
de découvrir, une centaine de mètres devant lui, des policiers nerveux qui fouillent,
sans ménagement, le sac d'un garçon de son âge.
David propose aux gamins la construction d'un château de sable.
Le plus grand fait la fine bouche, mais le plus petit est content : il lui tend un seau
multicolore en riant. David lui rend son sourire et attaque son premier pâté.

-27-

-15-
Gérard, les traits tirés, est assis sur un banc.
Il contemple la mer.
Devant lui, Jean-Paul tourne en rond comme une bête en cage.

JEAN-PAUL
Je comprends pas tous ces connards qui passent leurs
vacances dans l'eau ! On est pas des poissons, merde !

GERARD
Profite du soleil, Jean-Paul !

JEAN-PAUL
On dégage pas de ce putain de bled avant d'avoir serré
ce petit con !

GERARD
Qu'est-ce qui te dit qu'il va nous attendre ?

JEAN-PAUL
Je le vois pas faire la route en ce moment ... Doit y
avoir un flic derrière chaque platane !
Allez, la pause est finie !

Il entraîne Gérard à se lever, pour continuer le chemin.

GERARD
(soupirant, la main sur sa blessure )
Une seconde...

JEAN-PAUL ( avec une ironie sadique )


Qu'est-ce qui t'arrive ma vieille !
T'as des ampoules aux pieds ?

-28-
Un imposant château de sable se dresse sur la plage.
David et le plus grand des enfants admirent leur oeuvre.
L'autre gamin rapplique en tirant sa mère par le bras.
La maman arrive essoufflée, confuse et charmante.
Un sourire de David.
La maman fait une moue admirative.

LA MAMAN
Superbe votre château !

David montre les enfants.


DAVID
On s'y est mis à trois !

Les gosses fiers comme tout.

LA MAMAN

-16-
Bravo !

Le plus petit des gamins s'est approché du sac de David : une partie du magazine est
visible ...
LA MAMAN
C'est gentil de vous être occupé des enfants...

DAVID
J'adore les gosses ...

David aperçoit avec horreur le gamin qui feuillette le magazine homo hard. Il veut
intervenir mais trop tard : la maman s'en est aussi aperçu.

LA MAMAN
C'est à vous ?

DAVID ( hyper mal à l'aise )


Je ...

LA MAMAN ( outrée )
Venez les enfants !

La mère attrape ses gosses et s'éloigne le plus vite possible de David.

DAVID
Je vais vous expliquer !

David la regarde s’éloigner en craignant qu'elle prévienne les flics.


Il s'active d'un seul coup, glisse sa serviette, roulée en boule, dans le trou qui a servi
de carrière à la construction.
Un coup d’oeil à gauche, à droite.
Il déroule le drap.
Les sacs du hold-up chutent dans la planque. David ne peut s'empêcher d'en ouvrir
un : il regorge de liasses de billets !
Sourire béat de David. Mais il doit se dépêcher : il plonge la main dans le sac ouvert,
en extirpe quelques billets qu'il cache dans son poing serré, referme le sac, se lève et
entame la destruction du château de sable afin de combler le trou.

-29-
La patronne de l’hôtel rit au nez de David...
... toujours en slip, le sac en osier en bandoulière.
La brave femme se penche sur son registre comme si elle voulait vérifier une dernière
fois, pour faire plaisir.

PATRONNE
Mon pauvre garçon, ici c’est réservé depuis 6 mois !
Les vacances ça s'organise !
Vous avez essayé les campings !?

Moue de David.

-17-
PATRONNE (confiante)
Tenez, piochez, en cherchant bien on trouve toujours
son bonheur !

Elle fait tourner un présentoir surchargé de prospectus, en quadrichromie, consacrés


aux charmes de la région.
David pioche au hasard en essayant d'avoir l'air intéressé.

PATRONNE
Bougez pas !

Elle disparait dans son arrière-boutique.

PATRONNE
Faut pas rester comme ça !
Ça fait des cloques, et...

Elle revient avec un tube de crème, mais David n'est plus là.

PATRONNE
... les coups de soleil ça pardonne pas !

-30-
Rue principale, les échoppes sont illuminées.
David se faufile dans la nuit en évitant l'éclat des devantures.
Il se glisse dans une de ces boutiques, moitié dans la rue et moitié en intérieur, et en
ressort habillé d'un T-shirt et d'un bermuda.
Habillé de neuf, il jette le sac en osier dans une poubelle et s'efface de nouveau dans
la pénombre, vacancier parmi les vacanciers.
Ses coups de soleil, même s'ils le font terriblement souffrir, lui fournissent un alibi
précieux.
Dans le coin il n’est pas le seul à avoir mangé bon.

Une voiture peinturlurée le fait sursauter en crachotant une annonce pour le bal et le
feu d'artifice du 14 juillet.
Un peu plus loin, des hommes en bras de chemises terminent l'installation d'une piste
de danse et d'une estrade face à la mer.

-31-
David déambule sur le front de mer, solitaire et soucieux.
Il observe le faisceau éblouissant d'une torche de police qui chahute des silhouettes
enveloppées dans des sacs de couchage sur la plage.
La traque continue.
Les effluves d’un bar de nuit l’attirent, pleines de promesses d’alcool, de musique et
de compagnie.

-32-

-18-
Dans une rue tranquille, les deux truands en marche.
Gérard stoppe et s'asseoit sur le capot d'une voiture.
Il soulève le bas de son pantalon et examine sa blessure d'un air perplexe.
Jean-Paul s'est retourné et vient vers lui.

JEAN-PAUL
Si t'étais moins gros ça serait pas arrivé !
( Gérard ne comprend pas )
Tu prends trop de place. Les balles qui traînent, c'est
pour ta gueule ... Question de volume ... ( il ricane )

GERARD
Le plan c'était de piquer le fric ... Pas de tirer dans le
tas ...

JEAN-PAUL
Alors à quoi ça sert ça ... si on s'en sert pas ?

Il exhibe son flingue en le caressant amoureusement;

GERARD
Ca sert à ce qu'on soit gentil avec nous ... Avec notre
artillerie pointée sur eux, les mecs nous auraient filé le
blé sans broncher ...

JEAN-PAUL
Pas d'accord. Les armes, faut pas les laisser s'encrasser
... sinon, tu vois, c'est comme avoir une super nana
dans son lit et puis pas la sauter ...

GERARD ( il fait semblant de chercher )


Rafraîchis-moi la mémoire, c'est quand déjà, la
dernière fois que t'as eu une super nana dans ton lit ?

Jean-Paul hausse les épaules.

GERARD (faible)
Un petit nabot comme toi ...

JEAN-PAUL ( le saisissant au collet )


Putain, m'appelle jamais " nabot " ! ...

GERARD ( pas du tout impressionné )


Calme le steack mec... j'ai compris ...

Gérard quitte le capot de la voiture et montre le chemin.

GERARD
Allez, le gnome, on va poser notre cul dans un troquet

-33-

-19-
David, accoudé au bar, avale sa troisième Vodka-orange.
L'ambiance est chaude, l'espace bondé, enfumé, irrespirable. Le troquet rassemble
toute la population adolescente et branchée de la station balnéaire et des campings
alentours. Un groupe de musiciens, à l'abri de l'arrière-salle, massacre des standards
de rock en toute impunité . Les amplis saturés, sous les accords majeurs, interdisent
toute conversation cohérente.
David drague sans conviction une jolie blonde qui tente de passer sa commande au
bar à côté de lui. Son mec arrive, elle part danser en lui faisant tchao-tchao en
rigolant.
David teste une parade amoureuse sur la piste, sans conviction.

Une banquette lui ira très bien pour sa quatrième Vodka-orange.


Il s'adosse et grimace, ses coups de soleil le lancent comme des pics.
Il repère une fille plutôt tarte, limite moche, qui risque de fêter Sainte-Catherine sur
son pouf juste en face de lui.
ALICE, 28 ans, avale sa consommation, cul sec, en le regardant droit dans les yeux.
David croit percevoir un coup d’oeil tout sauf discret à son adresse, un regard sur les
côtés : à part lui, c'est le désert sur la banquette ...
La fille se lève et se glisse sur la terrasse face à la mer pour rafraîchir sa solitude. Lui
fait-elle signe de la suivre ?
David met ça sur le compte d’une insolation qui lui chauffe les oreilles et, comme
elle, avale son alcool cul-sec.

-34-
Alice prend l’air sur la terrasse.
Un type l’invite à danser.
Un mec normal, bas de gamme, sans superflu ni surprise, pépère, juste un peu saoul
pour se donner du courage.
Alice, super contente, accepte avec joie.
Le copain du gars, un grand costaud resté en retrait, intervient.

LE COSTAUD
C'est pas vrai !
Tu vas pas faire danser ce boudin !?

Gueule ahurie de la demoiselle.


Complicité de mecs bourrés.

MEC
Tu dis ça parce que t'es jaloux ! Fais pas la gueule, j'te
la prête !

Le type pousse Alice, horriblement vexée, dans les bras de son pote.
L'autre la réceptionne comme un ballon de rugby, et s'écroule en arrière.
La pauvre fille se retrouve les quatre fers en l'air, jupes relevées, avachie sur les
genoux du gars.
Les deux mecs hurlent de rire.
Les autres spectateurs de la scène ont du mal à contenir des sourires.
Humiliée, elle se débat les larmes aux yeux.
Le gars debout l'agrippe sans ménagement et la ramène vers lui.

-20-
MEC
Te sauve pas ma chérie !

Il tire de son côté, pendant que son pote la retient en lui écrasant la poitrine : elle est
prise en sandwich.

ALICE
Laissez-moi partir !

Les types la pelotent en gloussant.

MEC
Fais pas ta Sainte Nitouche !

Alice se dégage et fond sur David

ALICE (implorante)
S'il vous plaît. Aidez-moi !

Le pochard rigole de voir Alice qui se protège derrière le frêle David.

MEC ( à David )
Merde, attends ton tour, y en aura pour tout le monde !

DAVID (mal à l'aise)


Ecoutez, soyez sympas...

Le costaud chope David par le cou et le colle en force contre Alice.

LE COSTAUD
Vas-y, tape-toi le cageot !
Moi, j’en veux pas pour mettre mes ordures !

Ça s’énerve rapidos. Les mecs ont le vin teigneux et l'envie de se battre.


David se dégage et déchire sa chemise neuve.
L'autre soûlot lui met des claques par derrière.
Bagarre de chiffonniers. C'est ni facile, ni très régulier.
Voyant les videurs rappliquer, les types déguerpissent.
David n'a rien vu, il relève la fille galamment.
Les deux molosses l'attrapent par les cheveux et lui font traverser la piste de danse en
le traînant et en le rouant de coups.
Se dirigeant vers la sortie, ils passent devant le bar où les deux truands, perchés sur
des tabourets, sirotent un verre.
La scène n'échappe pas à Gérard.

GERARD ( donnant un coup de coude à Jean-Paul )


Hé, regarde ... C'est pas un bon établissement ça ? ...

Les deux truands s'engouffrent dans le sillage des videurs. Evidemment, David ne les
a pas vus ...

-21-
-35-
A l'extérieur du bar.
Les videurs ont entraîné David à l'écart.
Comme ça se passe si souvent, ils se calment les aigreurs, et les ardeurs sur le
bagarreur amateur.
Ils ont l’occasion de la soirée de se prouver qu’ils sont les plus forts.

VIDEUR 1
T'aimes ça la bagarre, hein ?
Nous aussi, ça tombe bien !

David, les bras autour de la tête, façon casque intégral, encaisse en gueulant. Les gros
bras cognent à tour de rôle. Le nez de David pisse le sang.
A l'entrée, les truands regardent la scène.

JEAN-PAUL ( voulant intervenir )


Putain, il est à nous ce mec ...

GERARD
Laisse, il vont nous le laisser juste à point ... Viens !

Ils s'enfoncent dans l'obscurité du parking attenant d'où ils vont pouvoir suivre
l'évolution de la situation.

Alice sort du bar en hurlant.


En pleine crise de nerfs, elle chope le videur, le plus près d'elle, le poing dans la
tignasse, et tire, tire, en beuglant comme une folle.
Le videur fait un pas en arrière, en secouant la tête violemment.
Alice, agrippée à deux mains à sa chevelure, n'a aucune intention de le lâcher.
Le type regrette sa coiffure un peu longue derrière les oreilles.
La prise glisse sur les cheveux gras.
Alice abandonne à contre coeur une touffe de cheveux en bataille entre les doigts de
chaque main.
Le mec se tient les tempes en gémissant.

VIDEUR 2 (ahuri)
Elle m'a arraché les cheveux ! Elle m'a arraché mes
putains de cheveux !

L'autre videur est immobile, estomaqué, avec à ses pieds David qui se tient le ventre.
Mais David a de la chance : on ne s'occupe plus de lui ...

David n'est plus frappé, Alice se calme.


Le videur qu'elle a agressé en profite pour s'approcher d'elle.

VIDEUR 2
Salope, je te tue !

Il lui envoie une claque qui résonne dans la nuit.

-22-
Alice ne bouge, ni ne cille sous le coup. Mais très vite, elle a bouffé du lion. Elle lui
explose les couilles d'un furieux coup de pied.
Le fier à bras rebondit sur place en braillant.
L'autre videur se rapproche.
Alice hurle préventivement en le voyant s'approcher.

VIDEUR 1
Je vais t'arranger ta sale face de truie !

Il sort un poing américain et se le glisse sur les phalanges avec un rictus.


Alice se tait net.
VIDEUR 1
Ça calme tes petits nerfs, hein ?

Alice saisit un parasol publicitaire qui trône sur une misérable table en fer. Elle agite
le pieu du parasol comme une lance et tient ainsi le videur en respect.

ALICE
Si t'avances, je t'embroche !

VIDEUR 2
Laisse tomber ... elle est folle !

Les deux types abandonnent la partie.


Ils rejoignent le bar à reculons, sans quitter des yeux Alice qui n'a pas lâché son
parasol.

VIDEUR 1
Tire-toi, pétasse, les boudins comme toi, ça fait fuir la
clientèle !

Les videurs disparaissent dans t'établissement.


Alice court vers David qui émerge, les mains enfoncées dans les côtes.

ALICE
Vous avez mal ?

DAVID (pince-sans-rire)
Non... Pourquoi, je devrais ?

-36-
Depuis le parking, les truands observent la scène.

JEAN-PAUL ( piaffant d'impatience )


A notre tour de faire mumuse !

GERARD (admiratif)
Minute ! T'as vu la furie ?

-23-
Jean-Paul lui montre son flingue.

JEAN-PAUL
J'ai de quoi la calmer la grosse !

GERARD ( ironique )
C'est comme ça que tu parles aux femmes, toi le grand
séducteur ?

-37-
David grimace en se relevant, Alice est à ses côtés.
L'excitation de l'action retombée, Alice craque.

ALICE
Le monde est vraiment pourri...

Elle fond en larmes comme une petite fille.


Elle vient vers lui, pose la tête sur son épaule et sanglote doucement contre sa
poitrine.
Un slow, une rengaine, transporté par la brise, s'échappe du bar.

ALICE
Vous voulez bien danser avec moi ? (suppliante) S'il
vous plaît... personne veut jamais danser avec moi !
Juste une minute !

DAVID
Doucement, j'ai mal partout ! Et puis ...

D'un air dégoûté, il montre son T-shirt auréolé de sang.

ALICE
Ça, je m'en fous

Sourire timide.
David approuve du regard et la guide en rythme.

Enlacés, solitaires, dans le vent tiède d'une nuit de juillet, ils dansent, collés serrés,
sur le slow de leur été.
Quand le vent le permet on comprend quelques phrases du refrain:
"On se chamaille, on se jette des bottes de pailles..."
Le visage humide d'Alice sèche contre les joues du garçon.
Puis, brusquement troublée par son étreinte, elle s'écarte et s'en va.

DAVID
Qu'est-ce qui t'arrive ? Attends !
Il la rejoint.
Elle le repousse.
ALICE
Vous en profitez ! Toujours la même chose !

-24-
DAVID
C'est toi qui te frottes ....

ALICE
Pourquoi tu joues à ça avec moi !?
Tu m'as regardé ? Ça se soigne les yeux !

Alice met en avant, sans la moindre formalité, sa formidable poitrine.

ALICE
Alors qu'est-ce que tu penses du gros
boudin ? Vas-y, tu peux le dire, j'm'en fous !
(elle le pousse vers le bar)
Fonce là-dedans, y en a plein !
Des mignonnes avec des beaux petits culs !
T'as du choix, elles viennent toutes pour ça !
(mutine)
Moi, j'suis v'nue pour danser...

Elle lui fredonne le slow de l'été à l'oreille, lui prend la main, un pas de danse.
ALICE
On se chamaille, on se jette des bottes de pailles ...
Elle est trop con cette chanson...

La drôle de fille s'enfuit à nouveau. Cette fois David ne cherche pas à la retenir.
Elle s'arrête, pivote, un regard vers lui, comme un regret.

David ne se décide pas à la suivre.


Il fait demi-tour et s'enfonce dans l'obscurité du parking.

-38-
David marche sur le parking ...
... en regardant son T-shirt sale d'un air tracassé.

Voix de GERARD
Finalement, je crois qu'on va vous prendre une de ces
jolies marionnettes !

David a à peine le temps de réaliser que déjà les deux truands l'escortent solidement,
chacun d'un côté.

GERARD
Ah, j'oubliais... (en gonflant les joues) ...
Boum, a plus marionnettes !

Jean-Paul plaque son flingue sur les côtes de David.

JEAN-PAUL

-25-
Toi aussi tu vas exploser, ça va vraiment être
dégueulasse !

GERARD ( à Jean-Paul )
Calme-toi ... Jean Paul... expire !

La répartition des rôles est claire, comme dans les polars où, pour les interrogatoires,
il y a un flic sympa et une brute. Le sympa c'est Gérard, la brute c'est Jean-Paul.

GERARD
Je suis sûr que notre ami va être doux comme un agneau,
hein?... ( puis d'un ton exagérément désolé en examinant
sur le visage de David les traces du passage à tabac des
videurs)... Oh mais, dis donc, qu'est-ce qui t'est arrivé,
t'as fait une chute de planche à voile ? ...

JEAN-PAUL
Bon, ça suffit les salamaleks !

GERARD (à Jean-Paul)
Deux secondes tu veux bien, on cause entre personnes
de bonne composition.

A David d'une voix claire et posée.

GERARD
... Alors voilà, mon associé et moi-même, voudrions
savoir où est l'argent ?

DAVID ( tentant le coup )


De... de quoi vous parlez ?

GERARD ( grimaçant, la main sur le front )


Oh que ça commence mal, que ça commence mal !

N'y tenant plus, Jean-Paul balance David contre une bagnole en stationnement.

JEAN-PAUL
Enculé !

L'alarme de la voiture hulule dans la nuit.

GERARD ( à David )
Tu vois, mon collègue il aime pas bien qu'on se
moque de lui !

Jean-Paul lui tape la tête contre la tôle.

DAVID ( lâchant le morceau )


Je l'ai enterré sur la plage ...

-26-
JEAN-PAUL
Dis pas de conneries !

Attiré par le bruit de l'alarme, un des videurs du bar approche.

JEAN-PAUL ( à Gérard )
Je m'en occupe.

Gérard entraîne David à l'écart.

GERARD ( ton complice et inquiet )


Tu sais qu'il veut vraiment te tuer ... Bon, bien sûr, il
en fait beaucoup mais l'un dans l'autre je crois qu'il te
veut vraiment du mal ...

Du côté de la voiture, Jean-Paul est resté impassible. Le videur va vers lui et


l'apostrophe.
VIDEUR
Et toi le nabot ! Qu'est-ce que tu fabriques à côté de
ma caisse ?

Jean-Paul flingue le videur d'un coup de feu propre et net. L'homme s'affaisse sur
place, un gratte-ciel qui s'effondre sous le choc des pains de dynamite.

JEAN-PAUL ( crachant sur le corps du videur )


Nabot toi même !

L'acte de Jean-Paul laisse, pendant un court instant, Gérard interdit. David en profite
pour lui échapper.
Jean-Paul vise et tire dans la nuit.
Gérard court quelques mètres, puis se plie de douleur.

-39-
Alice conduit en pleurs en essuyant ses larmes...
... d'un revers de manche.

ALICE (en sanglotant)


T'en avais un, tu le laisses partir...

Elle baise la pierre pendant à son collier, une sorte de talisman.

ALICE
Faites le revenir !
S'il-vous-plaît, faut qu'il revienne !

-40-
David émerge sur la route et part à la rencontre...
... de la voiture qui fonce sur lui. Il hurle.

DAVID

-27-
Stop !

Alice découvre David qui court vers elle les bras en croix, surexposé dans ses phares,
une apparition dans la nuit.
Elle pile, l'auto se fout en travers.
David rentre dans l'habitacle.

DAVID
Fonce !!! Fonce !!!

David lui écrase le pied sur l'accélérateur.

ALICE (illuminée)
On se retrouve, c'est écrit !

Une flamme éclaire la nuit, et le tireur (Jean-Paul), le temps de la détonation.


Le pare-brise s'affaisse sur les genoux d'Alice.
Alice recommence à hurler.

Elle empoigne le volant et fonce droit sur le truand en fermant les yeux.
David récupère les commandes et tire un grand coup sur le volant, avant qu'ils ne
s'empalent dans un camion en stationnement.
Ils évitent le choc d'extrême justesse.
Alice cesse de crier.
ALICE
Je l'ai eu, tu crois que je l'ai eu !?
(inquiète)
J'ai entendu un drôle de bruit ...

Alice s'enfonce le poing dans bouche, effrayée par le sens de ses paroles.

Elle l'a raté d'un cheveu.

Jean-Paul se relève en crachant de la poussière. L'air haineux, il


fixe les feux arrières de la petite bagnole qui s'effacent dans la nuit.

-41-
Alice conduit , David est à ses côtés.

ALICE
T'habites où ?

DAVID ( vaseux )
Euh, là je ... je suis en vacances

ALICE
T'es à l'hôtel ? Au camping ?

DAVID
Ben ...

-28-
ALICE (enjouée)
Tu veux qu'on aille chez moi ? ...

DAVID ( sentant la galère )


Non, il faut que je rentre ... au camping

ALICE (déçue)
D'accord, on y va ...

La voiture s'arrête devant un poste de police.

DAVID
Qu'est-ce que tu fais ?

ALICE ( comme si ça coulait de source )


Ben, on va porter plainte

DAVID
C'est pas la peine ...

ALICE
Mais on nous a tiré dessus !

DAVID
Qu'est-ce que tu veux que je leur raconte ?
Je les ai même pas vus ces types-là ...

ALICE
Parce qu'ils étaient plusieurs ?!

DAVID
Je sais pas ...

ALICE
Faut quand même le signaler ... peut-être que c'est pas
la première fois que ça arrive ... Allez, viens !

Elle ouvre la portière et s'apprête à descendre.

DAVID
Et si ... si on allait d'abord chez toi ?

ALICE ( aux anges )


C'est vrai, tu veux ?

Il fait un oui mutin de la tête.


Alice referme sa portière et démarre. Un sourire radieux éclaire son visage.

-42-

-29-
David suit Alice.
Elle rentre dans une villa déglinguée, en front de mer.
Ils sont dans le salon.
ALICE ( désignant un canapé )
Installe-toi, je vais te soigner

David chuchote de crainte de réveiller quelqu'un.

DAVID
Tu sais, ça va aller, c'est pas la mort.
(inquiet) Réveille-pas toute la baraque !

Alice, du haut de l'escalier, hurle exprès.

ALICE (exagérément fort)


Tu peux hurler si tu veux, personne t'entend ! (volume
normal) Je suis seule avec toi !

Elle disparaît.
David ouvre la porte -pour fuir ?-, observe la nuit, hésite puis referme la porte qui fait
un horrible bruit en grinçant.
Il jette un oeil vers l'étage.

-43-
Alertée par le bruit, Alice sort la tête de la salle de bains.
Elle jette, vite fait, un coup d'oeil dans l’escalier pour vérifier que David n'est pas
parti. Une ombre la rassure.
Alice est fébrile, excitée. Elle se raccorde dans la glace, en marmonnant, fait un signe
de croix en quatrième vitesse, s'asperge de parfum.

ALICE
Merci, grand merci...

Elle pioche, dans son chemisier, une pierre verte, sertie d'une chaînette en or.
Une variété de caillou miraculeux comme on en trouve par correspondance dans les
magazines de télévision.
Elle couvre le bijou de nombreux baisers en signe de remerciements.

ALICE
Il est chou, mais qu'il est chou!
Merci, grand merci !
(surexcitée)
Trognon, trognon, trognon !

-44-
Une photo punaisée sur le mur intrigue David.
Un homme, la quarantaine, pose, avec son collègue, devant sa moto de service. Deux
motards de la gendarmerie.

-30-
Un peu plus loin un vieux plan de St-Martin-sur-mer, d'avant les constructions
"pieds-dans-l'eau". La maison y figure déjà, il la localise d'autant plus facilement
qu'elle est entourée par un trait de stylo.
Son index suit le court trajet qui sépare la demeure de son trésor enterré sur la plage.
Alice descend en balançant, comme une écolière son cartable, une petite trousse
flanquée d'une croix verte.

ALICE
Il vaut plus rien ce plan ... depuis, ils ont construit
partout !

Elle le rejoint et se colle innocemment contre lui.


David remarque le parfum.
Alice remarque... que David remarque.

ALICE (en faute)


J'en ai trop mis ?

Elle se souffle dessus, persuadée de l'efficacité de la méthode, pour chasser le


surplus.
DAVID
Non, non... ça sent très bon !

Pour changer de sujet, David montre la photo avec les motards.

DAVID
C'est qui ?

ALICE
Mon père ... avec Maurice, un collègue. Devine lequel
c'est mon père ?

DAVID ( montrant l'un des deux )


Lui ?

ALICE ( ravie )
Comment t'as su ?

DAVID
Lui a pas de moustache, toi non plus, donc ...

ALICE
T'es génial ! ... Allez, maintenant je joue à l'infirmière
... (elle montre la trousse)

David se laisse soigner mais continue la conversation.

DAVID
Il ... il est gendarme où ?

ALICE ( indiquant la voûte des cieux )

-31-
Tout là-haut ... Les anges ont intérêt à pas faire
d'excès de vitesse

DAVID ( désolé )
Je ...

ALICE
Il a été tué pendant un hold-up ... J'avais six ans ...
Depuis je supporte plus la violence

DAVID
Désolé pour ce soir ...

ALICE
Faut quand même se défendre ...

Silence. David regarde son T-shirt maculé de sang.

DAVID
Dis, t'as pas un T-shirt à me prêter ?

-45-
Les truands errent dans la station.

GERARD
On va dormir où ?

JEAN-PAUL
Pouquoi faire dormir ?

GERARD
Merde, faut bien se reposer...

JEAN-PAUL
Je sais pas, j'm'en tape...
A la belle étoile, sur la plage ...

GERARD (surpris)
Sur la plage ?... T'as plus peur de l'eau !?

Gérard vient de remarquer quelque chose, il change de ton.

GERARD
Le camping ça te dit ?

A quelques mètres d'eux, un couple de cyclotouristes vient de poser un tandem contre


un mur. Le tandem croule sous les sacs de voyage harnachés sur la fourche et le
cadre. Carte routière en main, les cyclotouristes viennent demander un renseignement
à Gérard qui leur sourit à l'avance.

-32-
-46-
Plusieurs verres plus tard, dans la villa.
Les deux jeunes ont forcé sur l'alcool. David porte un nouveau T-shirt bien trop
grand pour lui.

ALICE (pâteuse)
Viens, je vais te montrer quelque chose !

DAVID (encore pire)


Quoi ?

ALICE
Surprise !

DAVID
Tu sais moi... les surprises en ce moment !

Alice le tire par la main pour l'extraire de la douceur d'un fauteuil.

-47-
David au milieu du jardin derrière la villa
Alice lui tient les deux mains et le fait tourner sur place, tout doucement.

ALICE
Ouvre les yeux maintenant.

Tout à coup, les uns après les autres, des nains de jardin semblent sortir de terre,
grâce à un effet de lumière.

ALICE
Formidable, non ?

David regarde la jeune fille avec inquiétude.

DAVID
Ouais... (pour lui faire plaisir)... génial !

Alice l'entraîne à la rencontre de ses étranges créatures de plâtre.

ALICE
Je les peins moi-même !

DAVID
Ah ouais, super !

Alice est tout à coup passionnée par ce qu'elle raconte.

ALICE

-33-
Lui, le pauvre chou quand je l'ai trouvé, il avait perdu
la tête !

Elle glisse son doigt à la base du cou d'un nain grassouillet au visage poupin.

ALICE
Ses propriétaires l'avait carrément abandonné, j'ai
trouvé le corps dans un fossé, et la tête 100 mètres
plus loin... C'est dingue ce que font les gens...

DAVID (en écho)


C'est dingue...

Alice fait une bise sur le bonnet du nain.

ALICE
J'adore les travailler ... Je me suis installé un petit
atelier pour les restaurer ...

De la main, elle montre une cabane en bois attenante à la maison avec, sur le côté, un
vieux vélo.
ALICE
Ça m'occupe et ça me fait un peu d'argent, un petit
peu...

DAVID (sérieux)
Moi c'est les marionnettes.

Alice aux anges de trouver quelqu'un qui partage une passion similaire à la sienne.
Elle le fait asseoir à ses côtés, sur la pelouse.

ALICE
Tu en as beaucoup ?

DAVID (rêveur)
J'en avais pas mal... mais j'en ai plus...

ALICE
Pourquoi ?

DAVID (sinistre)
Un accident.

ALICE
Je suis désolée.

Silence.
David se raidit. Alice lui prend la main.
David ébauche un mouvement pour se lever.

ALICE (directe, bas, presqu'inaudible)

-34-
J'ai envie... de faire l'amour.
Je sais pas comment ça se demande ...
Tout de suite faire l'amour avec toi.
David silencieux.
Alice debout la main tendue.

ALICE
Viens...

Une seconde d'hésitation de David, il va dire non.

ALICE ( déçue, sourire triste )


Ça va j'ai compris ... Te justifie pas ... J'ai l'habitude...

DAVID
Attends ...

ALICE (sèche)
T'inquiète pas, t'auras ta chambre ...

-48-
Le camping municipal.
Les truands sont en train de monter une tente. Visiblement, ils manquent
d'expérience. L'édifice est bancal, les piquets instables ...
Agenouillé, Jean-Paul maintient une corde, Gérard est de l'autre côté.

GERARD
Tire maintenant ...

Une des armatures s'écroule.

JEAN-PAUL
Merde, ça fait chier ! ... Fallait piquer une caravane,
putain !

D'une tente voisine, on se plaint des éclats de voix de Jean-Paul.

VOIX ( accent germanique )


Chut ! C'est l'heure de dormir ...

JEAN-PAUL ( se levant )
Putain, personne me dit quand c'est l'heure de dormir !

Il sort son flingue et se dirige vers la tente qui a osé protester.

GERARD ( le retenant )
Calme-toi... Jean Paul... expire...

-49-

-35-
La chambre de David est minuscule, mansardée.
David est allongé, les bras croisés derrière la nuque. Ses yeux ouverts fixent le
plafond : il repense à sa journée.

On gratte à la porte.
David relève la couverture et adopte la position du dormeur.
La porte s'ouvre.
Les yeux clos, semblant de dormir.

Dans l'obscurité, il sent Alice qui lui caresse doucement le front.


Elle lui chuchote à l'oreille.

ALICE
Tu dors ?

Pas de réponse, Alice continue.

ALICE
Mon ange ! Mon amour !
Trognon... Trognon... Trognon...

Alice lui caresse l'épaule, en plein sur ses coups de soleil.

DAVID (sincère)
Aïe ! Mes coups des soleil !

ALICE
Excuse-moi ...

Le charme rompu, elle redevient timide, maladroite...


David allume la lumière.
Alice apparait complètement nue avec sa pierre magique qui pendouille autour de
son cou.
Elle couvre son opulente poitrine de ses mains, l'air effrayé.

Lui reste interdit, immobile, oubliant ses coups de soleil.


Alice sort sans un mot.
Il éteint et s'allonge sur le ventre espérant enfin dormir tranquille.

Erreur : la porte s'ouvre en laissant rentrer un rayon de lumière qui barre le dos brûlé
de David.

ALICE
Bouge-pas, je m'occupe de toi !
Qu'est-ce que tu dois avoir mal, mon pauvre chéri !

Alice passe de la crème sur le dos de David, en massant et en chantonnant une


berceuse.

-36-
ALICE
"Doux, tout doux, dans le cou.
Chaud, tout chaud dans le dos. "

Progressivement, elle se colle contre lui, ses seins contre sa peau.


David bouge pour se dégager.
Alice l'embrasse à pleine bouche en l'étreignant de son corps avec passion.
Elle est active, échevelée, possessive, elle se prépare à lui faire l'amour comme si
c'était la dernière ou la première fois.
David déconcerté.
Alice se calme aussi brusquement qu'elle s'est excitée et le regarde avec des yeux de
chien triste.

ALICE (flippée)
Il faut que tu sois doux, très doux, mon amour !

DAVID
J'ai encore rien fait...

ALICE
Viens, doucement, tout doucement !

Alice s'allonge sur le dos, les yeux clos.


Elle l'attrape par les mains et l'entraîne vers elle, en elle.
Alice prend maintenant David par la nuque et lui colle les oreilles contre sa bouche.
Elle lui rentre la langue dans le lobe tout en répétant.

ALICE
Tranquille, fragile...
Le petit oiseau dans son nid !
La première fois il doit être charmant !

David relève la tête, incrédule, elle la presse contre ses seins.


Il balbutie la bouche écrasée contre ses tétons.

DAVID
La première ... ?

ALICE
Il faut aimer pour faire l’amour ! ... (elle crie)
Mon amour viens ! ...

Alice se transforme en furie.


Elle inverse la position, monte sur lui, fini les douceurs...

ALICE
Vite ! Fort ! Viens !
Je veux sentir ton gros engin !
Putain déchire-moi, fort ! Vas-y, je veux la sentir ta
bite... Putain défonce-moi... plus !

-37-
Maintenant, maintenant, balance la purée !
Oui... c'est bon, ça brûle !

Elle crie très fort, hurle, ses doigts lacèrent la peau de David qu'elle comprime au
risque de l'étouffer.
Enfin elle jouit.
Alice timide juste après.
Après le plaisir, la honte l'envahit.

ALICE (embarrassée)
C'est ce qu'on doit dire ?
J'ai pas l'habitude, ils crient comme ça dans les films...
en cassette.
Je fais pareil !

Elle se couche sur le côté et ramène le drap sur sa poitrine.

ALICE
Les gros mots... ça te plaît ?
Moi ça me gêne un peu !

DAVID
On dirait pas.

Alice lui embrasse le torse tendrement et commence à le caresser.

ALICE
Ton petit oiseau dans mon nid !

David se laisse faire avec plaisir et répond à ses caresses.

-50-
Les truands dorment dans leur tente enfin édifiée ...
... enfin c'est surtout Gérard qui dort. Il ronfle même, puissamment ... ça empêche
Jean-Paul de trouver le sommeil.
Jean-Paul a recours aux vieilles recettes : il siffle aux oreilles de Gérard. Effet nul.
Jean-Paul sort son pistolet et introduit le canon de l'arme dans la bouche du bruyant
dormeur.
Le système est efficace, Gérard s'arrête.
Jean-Paul retire son arme, le ronflement reprend.
Il est obligé de laisser le canon en place pour espérer dormir.

-51-
La villa d'Alice avec, en arrière-plan, un ciel très bleu
La caméra monte sur la façade ensoleillée jusqu'à une fenêtre au premier étage.

-52-
Dans la chambre dévastée.

-38-
Sur le lit, David endormi, recouvert partiellement d'un drap fripé. Il ouvre un oeil. A
ses côtés, la place est vide.
Une pendulette sur la table de chevet : déjà 9 heures.

DAVID ( paniqué )
Merde !

Il saute du lit.

-53-
Couloir du premier étage
David habillé sort précipitamment de la chambre, en finissant d'enfiler son T-shirt
définitivement trop grand.
Il descend l'escalier mais s'arrête à mi-course devant Alice qui apparaît en bas.
Elle est vêtue d'un vieux peignoir de bain élimé et porte un plateau avec un petit-
déjeuner.

ALICE ( souriante mais déçue )


Je voulais te faire une surprise !

DAVID
Non, c'est moi !

ALICE ( mutine )
La surprise ?

DAVID
C'est moi qui vais te faire une surprise !

ALICE
C'est quoi ?

DAVID (improvisant)
Je ... je vais acheter des croissants.

ALICE ( déçue )
C'est plus une surprise, si tu me le dis ... et puis je fais
un régime...

DAVID
Je vais prendre que des petits ...

Alice sourit, fière de son bonheur.

-39-
-54-
David sort de la villa perché sur le vélo
Alice le regarde partir. Elle est un peu triste.

ALICE
Fais gaffe... c'est le vélo de papa !

-55-
David pédale comme un fou jusqu'au littoral.
Il pose le vélo contre un lampadaire et court vers la plage.

-56-
David dévale une dune de sable.
Sa position lui permet une vue d'ensemble de la plage.
Sans être encore la grosse foule, quelques vacanciers profitent du soleil matinal.
Malchance : à l'endroit où est enterré son trésor, un groupe de vieillardes dynamiques
s'initie aux joies de l'aérobic sous la houlette d'un jeune adepte de la gonflette.
David remarque aussi une femme, genre clocharde, qui se balade avec un caddie
rempli d'un bric-à-brac incroyable.
La femme ramasse sur le sable une canette de bière. Elle l'examine, en regarde
l'intérieur puis la rejette.
La femme s'arrête à une poubelle. Elle fouille et trouve le pantalon que David avait
jeté la veille. Elle le met dans son caddie et continue ses recherches.
David rebrousse chemin après l'avoir bien observée.

-57-
Les deux truands sont assis sur un muret qui longe la plage.
Entre eux, deux gobelets de café fumant et un sac de boulangerie avec des croissants.
GERARD
Hier soir, pourquoi t'as flingué le mec sur le parking ?

JEAN-PAUL
Il faisait chier ...

GERARD
Si tu tues tous les mecs qui te font chier ...

JEAN-PAUL
... eh ben, on me fera plus chier !

Raisonnement imparable qui laisse Gérard perplexe.

GERARD (la bouche pleine)


Et ça te fait quoi de descendre un mec ?

JEAN-PAUL
Ça me fait une balle en moins, c'est tout ...

-40-
GERARD
Et aujourd'hui on peut compter sur une journée sans
cadavres ?

JEAN-PAUL ( philosophe du désespoir )


Une journée sans cadavres, c'est comme un repas sans
vin.

-58-
Agence location de voitures.
David, souriant, est au comptoir. Il attend que l'employée, la vingtaine pomponnée,
ait fini de remplir le formulaire le concernant.

FILLE LOCATION
Votre permis de conduire, s'il vous plaît ...

David fait semblant de chercher, il tape sur ses poches vides.

DAVID
Je l'ai oublié à la villa !

FILLE LOCATION
C'est loin ?

DAVID
Heu ... pas très !

FILLE LOCATION (la tête dans son formulaire)


Allez-y, le temps que je remplisse les papiers.

DAVID
Je vous donnerai le permis en vous rendant la voiture.
C'est plus simple !?

La fille lève la tête de son imprimé.

FILLE LOCATION
Pas de permis, pas de voiture...

Soupir de David.

-59-
Jean-Paul passe d'une voiture en stationnement à une autre...
... en vérifiant que les portières sont bien fermées.
Gérard boitille derrière.
GERARD
Arrête, tu vas nous faire repérer !

Jean-Paul continue comme s'il n'avait pas entendu.

-41-
GERARD
Tu piqueras une caisse quand on aura récupéré le
magot !

JEAN-PAUL
T'as pas mal à la tête à force de dire des conneries ?!

Une voiture de la police municipale entre au ralenti dans le parking.


Jean-Paul s'apprête à fuir en courant.
Gérard lui pose la main sur l'épaule pour le retenir et le calmer.

GERARD
Calme... Jean-Paul... expire, lentement, c'est ça, sois
naturel...

JEAN-PAUL
Moi quand je suis naturel, je tire des caisses et je
plombe des flics !

La voiture de flics s'éloigne.

-60-
Rue commerçante.
David sort d'un magasin avec un sac à dos flambant neuf.

-61-
David fait du vélo sur le sable mouillé.
Sur ses épaules, le sac à dos vide ballote au rythme de ses coups de pédales.

David a retrouvé ses repères et creuse avec l'énergie du désespoir.


Il ne trouve rien. Il creuse plus profond.
Le premier sac apparaît couvert de sable.

-62-
David sur son vélo s'engage dans une rue...
... en sens interdit. Sur ses épaules le sac à dos est gonflé par le précieux trésor.
Malheureusement pour lui une voiture de la police municipale arrive juste en face et
lui bloque la route.
Un petit coup de sirène pour faire sérieux.
Le flic au volant lui fait signe de faire demi-tour et de se remettre dans le bon sens de
la circulation.
David obtempère et réintègre le droit chemin.

La voiture de police le suit au pas sur une centaine de mètres.


David s'arrête devant une boulangerie en espérant que les policiers le dépasseront.
Erreur, ils stoppent aussi.

-42-
Pensant s’échapper, il rentre dans la boutique.
La porte n’a pas le temps de se fermer, un des flics la retient.

SERVEUSE (à David)
Vous désirez ?

David attend qu'on l'arrête.


Il n'a même pas entendu la serveuse.

SERVEUSE
Je vous laisse réfléchir !

En attendant elle tend d'office deux baguettes et deux pains au chocolat au policier.
SERVEUSE (au flic)
C'est vous tous ces barrages sur les routes ?

POLICIER MUNICIPAL
Affirmatif ...

SERVEUSE (soupirant)
C'est pas bon pour notre image de marque, ça.

POLICIER MUNICIPAL
Tant qu'il y a la mer, les gens viennent ...

Et il sort, ses baguettes sous le bras ...

SERVEUSE (haussant les épaules)


Complètement débile ce flic !

David a vécu la scène complètement immobile et proche de la syncope.

SERVEUSE
Il va pas s'évanouir le jeune homme ?

-63-
Gérard traîne toujours la patte derrière son comparse.
Ses traits sont marqués par la fatigue et la souffrance.

GERARD
Je crève de chaud... Arrête un peu !

JEAN-PAUL (sec)
Non ! Si tu m'avais laissé piquer une tire t'en s'rais pas
là !

Gérard s'arrête. Il regarde autour de lui en soupirant.

GERARD
Il est pas assez con pour se balader en plein jour...

-43-
JEAN-PAUL
Qu'est-ce que t'en sais qu'il est pas
assez con ? Tu le connais ?

GERARD
Suffisamment pour savoir qu'il est moins con que toi !

C'en est trop : l'air mauvais, Jean-Paul marche droit sur Gérard.

GERARD ( lui exposant sa poitrine )


Eh ben, vas-y, flingue-moi ! Je t'en prie ...

JEAN-PAUL
Me tente pas ...

Faisant face à Gérard, Jean-Paul ne voit pas David qui arrive en plein sur eux avec
son vélo qui grince à chaque tour de roue.
Gérard lui l'a vu.
GERARD
Le voilà !

L'autre pense que c'est une blague et ne se retourne pas.

JEAN-PAUL
Me prends pas pour un con !

Gérard se lance à sa poursuite en claudiquant.

JEAN-PAUL
Te fous pas de...

Jean-Paul se retourne enfin.


David voit Gérard foncer droit sur lui. Il freine et fait demi-tour.

-64-
David pédale frénétiquement.

-65-
Jean-Paul rejoint Gérard ...
Les truands savent bien qu'à pied ils n'ont aucune chance de rattraper David. Jean-
Paul avise une voiture qui s'apprête à quitter son stationnement. Il fonce vers elle et
ouvre la portière pour monter à l'avant.
Le conducteur, un homme d'une bonne cinquantaine d'années, est surpris par
l'irruption de Jean-Paul.
Il va protester mais le flingue du truand dingue, braqué sur ses côtes, lui en enlève
l'envie.
JEAN-PAUL
Allez, fonce ! ... Par là !

-44-
Gérard grimpe à l'arrière, à côté d'un minuscule yorkshire qui se met à aboyer
frénétiquement.

GERARD
Fait frais ici ...

JEAN-PAUL
Bagnole climatisée ... j'ai le nez creux moi ...
( puis au conducteur )
Ecrase le champignon et fais taire ton clébard

LE CONDUCTEUR
C'est parce que... elle aime pas qu'on crie...

Le chien apeuré se blottit sur les genoux de Gérard qui sourit en le caressant.
GERARD
Voilà, voilà, faut pas avoir peur ... (puis pour Jean-
Paul) ... il est mignon, ce petit chien

-66-
David sue abondamment sous le soleil et l'effort.
A la faveur d'une circulation clairsemée la voiture des poursuivants se rapproche.
David est fait. Jean-Paul passe la tête par la fenêtre.

JEAN-PAUL
On le tient, l'enculé !

Le yorkshire aboie. La voiture pile. Jean-Paul se cogne contre le pare-brise et se


tourne vers le conducteur désolé qui montre un feu tricolore au rouge.
JEAN-PAUL
T'as peur pour ton permis à points ?

Jean-Paul frappe le conducteur violemment au visage. Sous la violence des coups, le


type perd connaissance et s'affaisse. Jean-Paul fait basculer le corps vers lui,
l'enjambe et prend le volant.
Le yorkshire aboie de plus belle.

JEAN-PAUL ( à Gérard )
Et fais taire ce chien, merde !

GERARD ( très calme )


On te dit qu'il faut pas crier? T'écoutes jamais quand
on te parle ?

-67-
La voiture arrive à la hauteur de David.

-45-
Elle fait un écart. David se casse la gueule sur le trottoir. La voiture pile alors que
David reprend ses esprits. Jean-Paul sort de la voiture comme un diable de sa boîte. Il
braque David avec son flingue.

JEAN-PAUL
Va retrouver tes marionnettes, connard !

... et appuie sur la détente.


Le coup de feu part.
Gérard tire sur la manche du truand excité et détourne son bras.
L'impact explose, 50 centimètres devant le nez de David qui croit mourir.

Jean-Paul, fou furieux, envoie Gérard valdinguer contre la voiture.

GERARD ( se justifiant )
Si tu le butes, on saura jamais où est le fric !

JEAN-PAUL ( presque calme )


J'allais pas le buter ... ( puis éructant ) ... J'allais juste
lui exploser sa putain de gueule de merde !

-68-
David profite que les deux truands papotent pour...
... escalader le portail d'une villa juste devant lui.

-69-
David traverse le jardin de la villa en courant.
Un gros chien genre doberman se précipite sur lui et s'agrippe à son sac. David
réussit à se dégager et à enjamber un grillage qui le fait passer chez le voisin.
Le chien lui mord les mollets.

-70-
Au même moment devant la villa.
Jean-Paul tente de faire la même chose que David mais il lui manque une dizaine de
centimètres pour prendre prise sur le haut du portail.

JEAN-PAUL
Aide-moi, c'est trop haut !

GERARD (bas)
C'est toi qu'est trop petit, nabot !

Gérard s'approche et fait la courte échelle à Jean-Paul.


Le yorkshire tourne autour d'eux en aboyant.

GERARD
Pour faire ce métier, il faudrait une taille minimum ...

Jean-Paul disparaît de l'autre côté.

-46-
-71-
Jean-Paul, à peine atterri dans le jardin se trouve...
... nez à nez avec le chien ultra énervé.
Le chien lui saute à la gorge, le truand dégaine et tire.
Le molosse blessé tourne en rond en poussant des cris stridents.
Jean-Paul continue son chemin jusque derrière la villa.
David a disparu.
Jean-Paul rebrousse chemin en pestant.

-72-
Du haut du portail, Jean-Paul saute sur le trottoir...
... et atterrit aux pieds de Gérard

JEAN-PAUL
Il a foutu le camp, le connard !

Gérard prend le petit yorkshire dans ses bras et le colle d'office dans les bras de
Jean-Paul . Le truand ne sait pas quoi faire de l'animal qui jappe dans ses bras.
Maintenant que l'autre a les mains prises par le chien, il lui pique son flingue et
escalade le portail.

JEAN-PAUL
Qu'est-ce que tu fous, rends moi mon flingue ! Je te
dis qu'il a foutu le camp !

Le yorkshire se met à aboyer.

JEAN-PAUL
Ta gueule, connard !

-73-
Gérard dans le jardin de la villa
Il s'approche du chien qui s'est couché sur le flanc. L'animal couine, pantelant.

GERARD
Fais de beaux rêves...

Il plaque l'arme sur la tête du chien, ferme les yeux ...

-74-
Dans une villa voisine.
Un couple prend son petit-déjeuner sur une pelouse. Le type est plongé dans son
quotidien dont la une est couverte des images sanglantes du hold-up. On entend une
détonation, le coup de grâce tiré par Gérard.

L'HOMME ( fort )
Ça suffit, les pétards ...

-47-
LA FEMME ( fataliste )
Le 14 juillet c'est une fois par an.

L'HOMME (bougon)
Une fois de trop

-75-
Sa besogne faite, Gérard rejoint Jean-Paul dans la rue.

GERARD
J'aime pas voir souffrir les animaux.

Jean-Paul tend le yorkshire pour s'en débarrasser.

JEAN-PAUL
Rends-moi le flingue...

GERARD
Pas question, t'es trop nerveux ...

Le petit chien mord la main de Jean-Paul qui le laisse tomber par terre.

JEAN-PAUL
Putain ! ...

GERARD
Tu vois, t'énerves tout le monde !

Bruit d'une voiture démarrant. Jean-Paul se retourne et aperçoit le conducteur au


volant de sa voiture. Jean-Paul se précipite et pénètre dans l'habitacle. Le conducteur
a le visage tuméfié et les gestes lents : il n'a pas eu le temps d'enclencher une vitesse.

LE CONDUCTEUR
Pitié, ne me frappez pas ! Pitié !

JEAN-PAUL ( le frappant )
On t'avait dit de pas bouger ! ...

GERARD ( le retenant )
Arrête ...

JEAN-PAUL
Passe-moi le flingue... (énervé)...
Sinon... je... je le finis à mains nues !

LE CONDUCTEUR ( suppliant )
Prenez la voiture ... elle est encore sous garantie ...
Tenez, les papiers.

-48-
Le type leur tend une pochette plastifiée avec la carte grise et l'assurance.
GERARD
Putain, on perd du temps ! ...
( au conducteur, autoritaire ) Demi-tour !

JEAN-PAUL
C'est quoi ce plan ?

GERARD
Ce plan c'est que le seul type qui nous intéresse, il est
parti par là-bas ... alors pour le retrouver il faut se
bouger le cul !

JEAN-PAUL ( au conducteur )
T'attends qu'j'te frappe, connard ?

Tremblant, le conducteur obéit.

-76-
La voiture des truands en maraude.

JEAN-PAUL ( abattu, à Gérard )


On le retrouvera pas ... ( au conducteur )
Gare-toi là connard !

Le conducteur obéit. Jean-Paul se tourne vers Gérard.

JEAN-PAUL
Le flingue !

GERARD
Pourquoi faire ?

JEAN-PAUL
Ça me rassure ... c'est psychologique ...

GERARD
Psychopathique, tu veux dire ...

JEAN-PAUL
Si tu penses me bluffer avec tes mots à la con, tu te
trompes ...

GERARD
Je te rends ton joujou mais il faut que tu me jures de
pas faire mal au monsieur, qui a été très gentil et très
poli avec nous.

-49-
JEAN-PAUL
Il va nous balancer aux flics !

LE CONDUCTEUR
Non, je vous jure que non ...

JEAN-PAUL
Ta gueule, connard !

GERARD
Tu vois, il a juré alors à toi maintenant ...

JEAN-PAUL
A moi quoi ?

GERARD
A toi de jurer ... (il imite Jean-Paul )
"Je jure de ne pas tuer le gentil monsieur dès que
j'aurai récupéré mon pétard."

JEAN-PAUL
Ça va, je jure de pas tuer le monsieur !

Gérard lui rend son arme. Le conducteur a un sourire crispé.

JEAN-PAUL ( au conducteur )
Ça te fait rigoler ?

LE CONDUCTEUR
Non, non ...

JEAN-PAUL
Je supporte pas qu'on se foute de ma gueule !

Jean-Paul pointe son arme sur la tempe du conducteur.

GERARD
T'as juré ...

JEAN-PAUL ( avec morgue )


Me souviens plus ...

Jean-Paul appuie sur la gâchette. Le percuteur tape, "clac", plus de balle. Jean-Paul
pas content. Gérard content.
Le conducteur est pris de convulsions. Il se tient le bras droit.

JEAN-PAUL
Qu'est-ce qui lui arrive ?

GERARD

-50-
C'est le stress, le coeur qui lâche.
Faut l'emmener à l'hosto.

JEAN-PAUL
Non, mais t'es malade !?

GERARD
C'est lui qu'est malade ...
Laisse tomber, c'est trop tard !

Effectivement, le conducteur a rendu l'âme.

JEAN-PAUL
Merde ! Tout ça, c'est de ta faute !

GERARD
Pardon ?

JEAN-PAUL
Si t'avais pas gâché la dernière balle pour le cabot, lui
il serait mort comme tout le monde ... avec une balle
dans la peau ...
( en regardant le corps )
Merde, j'aime pas ça, ça fait mort naturelle, ça va nous
porter malheur !
Faut le bazarder, vite fait !

GERARD
Où ça ?

JEAN-PAUL
N'importe où ... (comme un gamin)
On dira que c'est un mec qui aura fait une crise
cardiaque dans la rue, c'est tout ...

GERARD ( ironique )
T'as raison, avec ce que tu lui as mis sur la gueule, on
va tout de suite penser à une crise cardiaque ...

-77-
David marche rapidement dans la rue, son sac sur le dos.
Il est écorché aux genoux et à l'avant-bras.
Apeuré, il jette souvent un coup d'oeil anxieux derrière lui pour s'assurer de l'absence
des truands.
Ça klaxonne derrière.
David se retourne en sursaut.
Il reconnaît tout de suite le pare-brise cassé : c'est la voiture d'Alice qui s'approche.
David s'arrête. La voiture stoppe à sa hauteur.
Alice est au volant. A ses côtés, une fille, 25 ans, belle comme une couverture de
magazine féminin style "Jeune et Jolie": BEATRICE.

-51-
Alice sort et court à la rencontre de David.

ALICE ( paniquée )
Mais t'es blessé ! Qu'est-ce qui t'est arrivé ?

DAVID
Je... Je me suis cassé la figure ... (embarrassé) ... en
vélo !

Sans même regarder David, Béatrice lève les yeux au ciel.

ALICE ( maternelle )
Mon petit oiseau ! Voilà ce que c'est de sortir de son
nid... quand on sait pas voler...
Viens, je vais te soigner ...

Elle lui ouvre grand la portière arrière. Après une hésitation, David fait le pas et
monte. Alice remarque sa blessure au mollet.
Elle examine la plaie de plus près..

ALICE
Tu t'es fait mordre !?

DAVID
Non, non... (puis comme s'il s'en souvenait d'un seul
coup)... Ah si... Un chien... un chien errant!

Béatrice regarde David, en secouant la tête, comme si elle contemplait un débile


profond.
Alice retourne au volant.

ALICE
Qu'est-ce que t'as fait du vélo ?

DAVID (penaud)
Ben... en fait... (rapidement)
On me l'a piqué...

BEATRICE ( ironique )
Qui ça, le chien ?

Sourire crispé de David. Alice fait enfin les présentations.

ALICE
Béatrice, ma soeur ...

DAVID ( étonné )
Ta ... ta soeur ?

BEATRICE
Pas jumelles mais presque ... On se ressemble, hein ?

-52-
David sourit bêtement. Alice démarre.

ALICE
Allez, on rentre !

BEATRICE ( protestant )
Et mon maillot !?

ALICE
Y a urgence, on a un blessé !

BEATRICE
Tu plaisantes ... ( se tournant vers David d'un air
méprisant ) ... Je vais pas perdre une après-midi de
soleil pour les trois égratignures de monsieur...

DAVID ( à Alice, pour faire bonne figure )


C'est vrai ... c'est superficiel !

ALICE (minaudant)
C'que t'es courageux mon petit oiseau...
Je m'arrête à la pharmacie ... J'ai plus de compresses.

-78-
La voiture des truands est arrêtée dans une rue isolée.
Jean-Paul, à l'extérieur, saisit les jambes du cadavre du conducteur affaissé à l'avant.
Gérard, à l'arrière, caresse le yorkshire.

JEAN-PAUL
On le balance là le connard...
Aide-moi !

GERARD
Pour un enterrement dans la plus stricte intimité,
faudra repasser.

Gérard indique de la tête un groupe d'adolescents qui chahute sur le trottoir opposé.

JEAN-PAUL ( soupirant )
On fera ça en nocturne.

Jean-Paul referme la portière et regarde le yorkshire.

JEAN-PAUL
Faudrait aussi zigouiller le petit rat ...

GERARD
T'as peur qu'il parle ?

-53-
JEAN-PAUL
Je voudrais pas le séparer de son maître ...

GERARD
Maintenant, son maître c'est moi.

Jean-Paul s'approche du yorkshire qui aussitôt se met à grogner.

GERARD
Tu vois, il t'aime pas ... c'est pas une preuve
d'intelligence, ça ? ... ( puis indiquant le corps à
l'avant ) ... Bon, ton copain on en fait quoi en
attendant la nuit ?

-79-
Centre ville : rue commerçante.
Alice se gare à proximité d'une pharmacie et sort de la voiture.

ALICE
Je suis là dans deux secondes.

Elle s'éloigne d'un pas rapide vers la pharmacie.


David et Béatrice restent seuls dans la voiture.

BEATRICE ( ironique )
T'as bien de la chance de te faire cajoler comme ça !

David ne relève pas l'ironie et décide d'engager la conversation.

DAVID
Vous êtes là pour le week-end ?

BEATRICE
Ouais, ça compromet tes plans ?

DAVID
Non... non, j'ai pas de plan.

Béatrice allume l'auto-radio pourri et monte le son assez fort.


Pas facile à aborder, la Béatrice.
David marque le tempo en claquant des doigts maladroitement et à contre temps.
DAVID ( parlant de la musique )
J'aime bien ... ça swingue !

BEATRICE (désolée)
M'étonne pas que tu te colles avec ma soeur !

Elle change de fréquence et capte un vieux morceau de Bourvil:


"Le croque madame". Elle se tourne vers David.

-54-
BEATRICE
Ça, t'aimes aussi ?

Bide complet pour David qui ne sait plus quoi répondre. Elle éteint. Silence pesant
qui ne dure pourtant pas longtemps.
Béatrice sort de la voiture et laisse David seul.

DAVID
Où tu ... vas ?

Béatrice s'engouffre un magasin de lingerie féminine de l'autre côté de la rue. David


ne peut s'empêcher de la mater : un short sexy, déchiré dans un jeans, met en valeur
ses jambes toutes en longueur et moule ses fesses toutes en rondeur.

David seul dans la voiture, assis sur la banquette arrière. Un coup d'oeil au tableau de
bord. Alice est partie avec les clés de contact.
Coup d'oeil à la pharmacie : pas de traces d'Alice.
Nerveux, il sort de la voiture et marche quelques mètres pour se détendre, enfin
essayer ...
Il se retrouve en face du magasin de lingerie.
De l'autre côté de la rue, dans la boutique, Béatrice lui fait signe de la rejoindre.
David hésite.

-80-
Dans le magasin de lingerie.
David, entouré de "body", de bas et de nuisettes en soie véritable, progresse en
direction de Béatrice qui l'attire comme un aimant.
Béatrice, une main sur l'épaule de David, les lèvres contre son oreille.

BEATRICE
Fous-ça dans ton sac !

Elle lui montre un déshabillé en satin qu'elle pose sur son corps en faisant des mines.
David est gêné.
Elle lui tend discrètement l'étoffe, roulée en boule.
David panique.
Il regarde dans tous les sens et refuse de prendre l'article.

DAVID
Ça va pas la tête ...

BEATRICE
T'as la trouille ?

DAVID
C'est pas ça ... c'est... je ...

BEATRICE
Tu me l'offres, alors ?

-55-
DAVID ( il bégaie )
Je... je... Enfin oui, ça me ferait plaisir

BEATRICE ( abrupte )
Ça va pas Ducon... Y a que mon mec qui peut m'offrir
ce genre de trucs !
T'es mon mec, toi ?

David fait non de la tête, l'air idiot.


Béatrice raccroche le déshabillé.

BEATRICE
Allez, on se tire ... Avec ta gueule de petit saint,
personne nous fera chier !

Un vendeur qui les observait en douce depuis le début les aborde.

LE VENDEUR ( mielleux )
Je peux vous aider ?

BEATRICE
Non, ça va, on regardait ... ( puis agressive ) ... Mais si
vous voulez me fouiller, allez-y, vous gênez pas ...
(sourire)
J'adore me faire peloter par des inconnus !

Le vendeur ne tombe pas dans le panneau, il abandonne Béatrice et se tourne vers


David.
LE VENDEUR
Et le petit monsieur on peut savoir ce qu'il a dans son
sac à dos ?

DAVID (mal à l'aise)


Je vous jure, j'ai rien volé ...

David tremble et rougit comme un enfant pris en faute.

DAVID
Je le jure !

LE VENDEUR
Je vous crois, je voudrais juste jeter un petit coup
d'oeil !

BEATRICE
Vous êtes lourd, puisqu'il vous dit qu'il a rien piqué ...

David agrippe son sac à dos et cherche la sortie des yeux.


Le vendeur se poste devant la porte d'un air satisfait.

-56-
BEATRICE
Vous avez vu sa gueule...

Béatrice montre des sous-vêtements "coquins".

BEATRICE
Il sait même pas à quoi ça sert !

Le vendeur devant David, la main sur le sac.

LE VENDEUR
Vous préférez que j'appelle la police ?

BEATRICE
Ben, ouais, appelez-les !

David immobile au bord de la syncope. Le vendeur marche vers sa caisse et décroche


le téléphone en regardant Béatrice dans les yeux.

LE VENDEUR
Vous l'aurez voulu !

BEATRICE
Les flics adorent qu'on les dérange pour rien !

Dans la rue, juste dehors, des enfants font péter des grappes de pétards.

BEATRICE
Surtout aujourd'hui... Ils ont que ça à faire !

A cet instant, un gamin balance un pétard qui pète dans la boutique.

LE VENDEUR
Petit con !

Le vendeur part à sa poursuite et s'arrête sur le devant de sa boutique.


Il lève le poing et crie après la bande de mioches qui détale en riant.
Béatrice et David en profitent pour sortir.
Béatrice tourne autour du vendeur en l'énervant.

BEATRICE
Qu'est-ce que vous attendez ? Vous avez pas un
flingue dans votre tiroir caisse ? Pang Pang ! Dans les
gosses... feront plus chier les moutards... Pang pang !

Regards curieux de quelques badauds. Le vendeur est exaspéré.

LE VENDEUR ( à Béatrice et David )


Putain, foutez le camp !

Le vendeur rentre dans sa boutique.

-57-
-81-
David et Béatrice dans la rue.
David a toujours son précieux sac sur le dos.

BEATRICE ( curieuse )
Fais voir ce que t'as piqué ...

DAVID
Mais j'ai rien piqué ...

BEATRICE
Faut pas me prendre pour une conne... Laisse-moi
deviner : c'est un cadeau pour Alice ? Un sous-tif
pigeonnant ? Allez, fais montrer !

En se marrant, elle s'agrippe à son sac à dos, soulève le rabat du dessus et plonge la
main dans le sac. David tourne sur lui-même pour se dégager.
DAVID ( hystérique )
Arrête !

BEATRICE ( abandonnant la partie )


Pauvre naze !

Béatrice se retrouve avec une poche en papier à la main : le sac de croissants qu'a
acheté David.

DAVID (se justifie)


Des croissants pour Alice... Ils sont tout écrasés ...
( râlant ) ... Bravo !

BEATRICE
T'es vraiment mignon ...

Béatrice balance le sac de croissants entre deux voitures en stationnement.


BEATRICE
C'est pas bon pour son régime !

Ils montent dans la voiture. Silence pesant.


Alice revient avec un sac de pharmacie bien rempli.
Elle monte dans la voiture, le quotidien local à la main.

ALICE
Regardez !

Elle leur montre la première page du journal avec sa une sur le hold-up sanglant à
l'hypermarché. Crispation de David.

BEATRICE
Putain, y a eu la guerre ?

-58-
ALICE
Non, pas ça, on s'en fout ! En dessous...

Alice lui montre un petit encart en bas de la page.

ALICE ( enthousiaste )
Y a une foire à la brocante demain, à Berleville !

BEATRICE ( sinistre )
Le pied ...

ALICE ( à David )
L'année dernière, y avait un truc des années soixante
... un nain qui venait d'Amérique, avec la tête d'Elvis,
des franges en céramique, tu te rends compte ... Je
demande le prix ... 5000 balles ! Si j'avais de l'argent,
je dis pas mais là ...

BEATRICE (ironique )
Demande à David de te l'offrir ...

Sourire niais de David.

-82-
Rue commerçante : les truands dans " leur" voiture.
Jean-Paul au volant. A ses côtés Gérard, le yorkshire en boule sur les genoux.
JEAN-PAUL (frissons)
Putain, on se les gèle !

GERARD ( relevant le col de son survêt )


Si tu l'avais pas buté, on aurait eu le mode d'emploi de
la climate ...

Jean-Paul éternue bruyamment.

JEAN-PAUL
Je l'ai pas buté ...

GERARD
Allez, gare-toi là, on va se réchauffer les os au soleil.

Jean-Paul se gare.
JEAN-PAUL ( montrant de la tête le yorkshire)
Tu vas le garder longtemps ce clébard ?

GERARD
J'ai jamais pu piffer les salauds qui abandonnent leurs
chiens en vacances.

-59-
JEAN-PAUL
J'me balade pas avec ce chien de pédé.

Gérard ne répond pas et ouvre la porte. Le yorkshire saute sur le trottoir.

JEAN-PAUL
Tu prends pas sa laisse ?

GERARD
La laisse c'est la prison du chien !

JEAN-PAUL
T'es vraiment fêlé !

Les deux truands marchent côte à côte. Le chien trottine devant eux.
Soudain, Gérard s'arrête net.

GERARD
Dis, regarde ... La bagnole d'hier soir ...
Je rêve, à l'arrière... le petit con !

Effectivement la voiture d'Alice est coincée dans la file de voitures qui roulent au
pas.
Gérard retient Jean-Paul qui fonce déjà tête baissée.

GERARD
Arrête, s'il nous voit, il va se tirer. Faut le suivre. Va
chercher la caisse !

Jean-Paul s'en va en courant.


Gérard reste à regarder la voiture d'Alice.

-83-
Dans l'embouteillage.
Alice montre un magasin à Béatrice absorbée par la lecture de la première page du
quotidien.

ALICE
Tu veux acheter ton maillot ?

BEATRICE
C'est déjà fait !

Béatrice sort de sa poche un maillot deux pièces, genre très mini.

ALICE
Y a pas beaucoup de tissu ...

-60-
BEATRICE ( en regardant David )
Ça prend pas de place, c'est pratique ...

-84-
A une cinquantaine de mètres, sur le trottoir.
Gérard ne quitte pas la voiture des filles des yeux.
La circulation se débloque. Mine inquiète de Gérard.
Heureusement Jean-Paul arrive et suit la voiture d'Alice qui s'en va.

Mais Jean-Paul passe devant Gérard sans s'arrêter.


Le petit truand lui fait un doigt et fonce en le laissant en rade.

Planté sur le trottoir, Gérard s'est fait doubler. Surtout ne pas paniquer.
Gérard prend le york entre les mains et intercepte un jeune en 125 en le bloquant au
vol par le col du blouson.

GERARD
100 balles pour toi, si tu suis la voiture verte là-bas ...

Gérard monte à l'arrière.

-85-
La voiture d'Alice ...
... suivie par la voiture de Jean-Paul, lui-même suivi par le jeune mec en moto avec
Gérard à l'arrière, le york sous le bras.
A un feu, Jean-Paul perd de vue la voiture d'Alice.
De rage, il tape du poing sur le tableau de bord.
Il se calme en remarquant le flic en faction qui regarde dans sa direction.

-86-
La voiture d'Alice se gare devant la villa.
Les deux soeurs et David sortent de la voiture et entrent dans la villa.

-87-
Dans le jardin derrière la maison.
Alice soigne David allongé sur une chaise longue.
Le sac à dos est posé sous la chaise.
Alice finit de lui mettre un pansement sur l'avant-bras. Il grimace.
Elle lui prend la main.
ALICE ( bafouillant et ravalant des larmes )
Tu sais, ce matin, j'avais peur que tu reviennes pas ...
Que t'avais eu ce que tu voulais... et puis adieu...
Je t’aime tellement, tu sais, ça me fait peur ...

-61-
Alice le serre dans ses bras, avec la même force qu'au cours des étreintes de la nuit.
David se laisse faire, désemparé par l'attitude d'Alice.
Béatrice apparaît.
BEATRICE
On va à la plage ?

DAVID
Je ... je suis un peu fatigué.

ALICE
Tu te reposeras sur le sable chaud.
Le soleil y a rien de tel pour se régénérer !

DAVID ( montrant ses pansements )


Oui mais le sable, si ça s'infiltre... ça peut s'infecter...

BEATRICE ( à Alice )
T'es vraiment tombé sur Superman, toi !

DAVID
Allez-y, toutes les deux ... je veux pas vous priver !

ALICE
Non, je reste avec toi. On n'a qu'à bronzer ici !
On va être bien, non ?

-88-
Dans la cuisine.
Alice touille un plat qui mijote à feu doux.
Elle hume. A voir son air réjoui ça doit être bon.
Béatrice, à côté d'elle, trempe son doigt dans un pot de fromage blanc à 0% de
matières grasses.

ALICE
Comment tu le trouves ?

Béatrice suce son doigt, tandis qu'Alice goûte sa sauce.

BEATRICE
Tu sais, on n'a jamais eu les mêmes goûts ...

ALICE
Tu crois que je peux encore me marier en blanc ?

BEATRICE ( souriant et soupirant )


Tu veux te marier avec lui ?

Alice fait un " oui " gourmand de la tête.

BEATRICE
Il est d'accord ton play boy ?

-62-
ALICE
Je vais lui dire tout de suite, il va être super heureux !

Béatrice lui bouche le passage et la prend dans ses bras.


Elle parle doucement comme pour calmer un enfant.

BEATRICE
Alice ... Alice ... T'es trop toi !
Si tu lui dis, comme ça, en direct !
Il va foutre le camp ! Tu le reverras jamais !

ALICE (cri du coeur)


Mais..., je l'aime.

BEATRICE
Raison de plus pour être prudente...

ALICE ( exhibant sa pierre sur son collier )


Elle va continuer à me porter chance ...
Béatrice étonnée.
BEATRICE
Fais voir !

Béatrice attrape le collier. Alice se dégage. Le collier se brise, Béatrice se retrouve


avec la pierre dans la main.
Alice se tient le cou, les larmes lui montent aux yeux.
Béatrice lui rend la pierre.

BEATRICE
Excuse-moi ...

ALICE
Laisse-moi !

-89-
Dans le jardin, David sur la chaise longue.
Béatrice le rejoint.
BEATRICE
Tu pourrais aller aider Alice en cuisine.

DAVID
C'est ... (ton ferme) ... c'est pas mon truc ...

BEATRICE
Dis, tu serais pas un peu macho sur les bords ?

David gonfle les pectoraux en pensant que c'est un compliment.

DAVID

-63-
Possible ...

BEATRICE ( abrupte )
Je déteste les machos ...
En plus c'est souvent des pédés !

Sourire crispé de David qui se lève à contrecoeur.

DAVID
Bon, je vais aller la voir !

BEATRICE
Tu vois que t'as bon fond.

Dès qu'il a disparu, Béatrice s'approche du sac à dos qu'il a laissé sous la chaise
longue. Malheureusement pour elle, David revient immédiatement dans le jardin
suivi d'Alice qui a fini son plat.

ALICE ( à Béatrice )
Dis, pourquoi t'appellerais pas Thierry ?

BEATRICE
Thierry ?... bah tiens ça c'est une idée et pourquoi pas
le pape !?

ALICE
La semaine dernière, tu disais que...

BEATRICE
La semaine dernière c'était la semaine dernière ...

ALICE ( amusée, à David )


Avec ma soeur, pour les mecs, j'ai du mal à être à jour
...

-90-
Rue quelconque dans la station balnéaire.
Jean-Paul en patrouille, à la recherche de la voiture perdue.

-91-
Dans le jardin derrière la maison.
David est toujours allongé sur la chaise longue. Le sac à dos n'a pas bougé.
A côté de David, Alice s'est mise en maillot de bain, une pièce à fleurs pas très sexy,
pas très récent. Elle lui donne un cours sur les nains de jardin en finissant de réparer
son collier.

ALICE ( montrant du doigt un nain )


Celui-la il vient d'Allemagne ... Tu veux que je te dise
comment on les reconnaît ?

-64-
DAVID
Y a marqué " made in Germany " ?

ALICE
Non, les nains allemands ils ont le bonnet en pointe ...

Elle se met le collier autour du cou.

ALICE
Tiens, attache-le moi

David saisit le fermoir derrière la nuque d'Alice.


Béatrice sort de la maison : en maillot deux pièces, celui qu'elle a exhibé dans la
voiture, elle est, comme il fallait s'y attendre, sublime ...
David reste bouche bée, les gestes en suspens.

ALICE ( impatiente, à David )


Qu'est-ce que tu fais, t'arrives pas ?

Alice se retourne et voit sa soeur que mate David.


Béatrice, consciente de son effet, retire le haut de son maillot dans un geste un peu
théâtral et découvre ses seins.

ALICE ( qui a remis elle-même son collier )


Je vois pas l'intérêt d'acheter un maillot, si c'est pour
pas le mettre !

BEATRICE ( comme si de rien n'était )


Moi non plus, je vois vraiment pas l'intérêt d'acheter !

Béatrice fait apparaître un pot d'huile de coco, pour bronzer plus vite.
Elle commence à s'enduire.

ALICE
T'es encore avec ton truc qui pue ?

Sans répondre, Béatrice se lève et fait glisser la culotte de son maillot sur ses jambes
bronzées.
David est au bord de l'apoplexie.

ALICE
Tu peux pas aller faire ça ailleurs ?

BEATRICE
Je vous signale que je vous ai proposé d'aller à la plage
... mais que monsieur David ne veut pas sortir ...

Alice rentre dans la maison, en serrant les dents.


Béatrice s'approche de David le pot d'huile à la main.

-65-
BEATRICE ( l'air de rien )
Si l'odeur te gêne pas ?

-92-
Alice est montée dans sa chambre.
La fenêtre donne sur le jardin. Elle s'approche pour "espionner ".
David passe de l'huile sur le dos de Béatrice.
Alice serre le poing et quitte sa chambre en shootant dans une table de nuit qui
s'éparpille contre le mur.
A cet instant, si elle voyait son visage dans la glace, elle se ferait peur.

-93-
Dans la rue.
Sourire de Jean-Paul : à force de sillonner le quartier, il vient enfin de repérer la
voiture d'Alice !
Il s'arrête à un angle, à une cinquantaine de mètres, de façon à ce que sa voiture ne
soit pas visible depuis la villa.

-94-
Encore plus loin, Gérard met les mains sur les yeux du jeune.

GERARD
Coucou qui est là ?

Le jeune homme, aveuglé, zigzague et pile.


Gérard descend de la moto et pose le york par terre.
Un sac de plongée d'où dépasse un fusil sous-marin est attaché sur le porte-bagage.
Gérard prend le fusil et l'examine en connaisseur.

LE JEUNE
Faites gaffe, c'est fragile !

GERARD
Je l'ai bien en main ... Je crois que je vais le garder

LE JEUNE
Vous déconnez ...

Gérard tire, très fort, l'oreille du gars qui grimace de douleur.

GERARD
Dis donc, mon petit gars, t'es bien mal poli.

Gérard tire fort à en arracher le lobe. Il cesse soudain.

-66-
GERARD (hyper méchant)
Allez, tire-toi !

Le jeune n'insiste pas. Il fait demi-tour la main sur le pavillon de l'oreille comme s'il
avait peur qu'elle ne tombe.

LE JEUNE ( s'en allant )


Putain, il m'a fait mal ce con !

-95-
Alice tourne une petite cuillère dans un jus d'orange.
Elle lèche la cuillère, et semble satisfaite. Elle la pose sur la table avant de sortir dans
le jardin le verre de jus d'orange à la main.
Alice ramasse les affaires éparpillées sur la pelouse et les jette à la figure de Béatrice.

ALICE (décidée)
Rhabille-toi, on y va !

BEATRICE
Où ça ?

ALICE
A la plage !

BEATRICE (pas d'accord)


Mais non, on ...

ALICE ( l'interrompant, colère froide )


On va à la plage !

BEATRICE ( soupirant )
T'énerves pas, petite soeur !

Béatrice récupère ses affaires et rentre dans la villa en tortillant des fesses par
provocation.
Alice s'adresse à David avec une douceur qui contraste avec le ton qu'elle a employé
pour sa soeur.
Elle lui tend le verre de jus d'orange.

ALICE
Tiens, c'est des vitamines, ça va te remettre d'aplomb !

David boit à grandes gorgées. Alice, petite fille, se tord les mains.

ALICE

-67-
T'es bien là ... Personne qui te tire dessus, pas de chien
qui te court après ...

DAVID
Je suis sous la protection de tes amis.

D'un geste large, il désigne les nains de jardin.


Comble du bonheur pour Alice.

ALICE
Tu bouges pas, tu fais une petite sieste, on est là dans
très peu de temps.

Alice lui fait une bise sur le front et s'en va.

ALICE
Mon petit oiseau... (dans un souffle) Je t'aime.

-96-
Dans sa voiture, Jean-Paul s'impatiente.
Pour s'occuper les mains, il triture la laisse du yorkshire ...

-97-
Plus loin, Gérard épie Jean-Paul.
Gérard, le fusil sous-marin à la main, le york au pied comme un chien de chasse, est
dissimulé par un massif de lauriers-roses.
De sa cachette il peut voir la voiture de Jean-Paul mais pas celle d'Alice.
Un quidam passe et scrute le tableau avec perplexité.

-98-
Les filles montent dans la voiture d'Alice.
Alice a un sac-couffin dans lequel elle a mis ses affaires de plage.

-99-
Dans le jardin.
David entend la voiture d'Alice qui démarre. Sourire et soupir de soulagement.
Il se lève, prend son sac à dos et boit une autre gorgée de son jus d'orange. Il semble
pris de vertige. Il repose le verre maladroitement.
Le verre tombe sur le gazon.

-100-
Son sac à la main, David entre dans la villa.
Il marque un temps d'arrêt, pose la main sur son front.
Les vertiges persistent.
David fait quelques pas, commence à chanceler, il va bientôt sombrer.
Il faut agir vite.

-68-
David avise une armoire dans l'entrée, au pied de l'escalier.
Il l'ouvre et cache le sac à l'intérieur, derrière des nappes.
Il repousse la porte et s'écroule par terre.
Il trouve encore la force de ramper quelques mètres vers le milieu du salon.
David perd connaissance.

-101-
Dans la rue.
Jean-Paul, la laisse enroulée autour de la main, se dirige vers la villa.

-102-
Jean-Paul entre dans la villa à pas de loup.
David gît, par terre, au beau milieu du salon.
Mine perplexe de Jean-Paul
Le petit truand s'approche de David et le pousse du bout du pied.
Il sort son flingue et lui met dans la bouche.

JEAN-PAUL
Putain, connard, le fric ?!

Pas de réaction.
Jean-Paul secoue David englué dans un sommeil profond.
Le truand lui appuie le flingue sur les rotules.

JEAN-PAUL
Ton cinéma, ça prend pas...
Tu vas avoir mal, très mal ...

David ne réagit toujours pas. Ça énerve Jean-Paul qui change de méthode : il lui
passe la laisse autour du cou et serre.
David s'agite, mais presque inconsciemment, comme un pantin désarticulé.
JEAN-PAUL ( ne comprenant pas )
A quoi tu joues, sale con ?!

De rage, Jean-Paul lui balance un bourre-pif. David grogne, saigne du nez ... et puis
c'est tout.
Jean-Paul abattu se ressaisit : il glisse le bras de David par-dessus son épaule et le
soulève pour le mettre debout.
Le sang de David tache son T-shirt.

-103-
Rue quelconque.
Alice fait la gueule au volant.

BEATRICE ( ironique, détachée )


Y a un malaise ? J'ai dit un truc qu'il fallait pas dire ?

ALICE ( explosant )
Pourquoi tu tournes autour de David ?

-69-
Elle s'arrête à un feu rouge.

BEATRICE ( détendue )
Ah c'est ça ? ... Mais arrête de flipper ! C'est ton gros
cul qui le fait bander, pas mes petites fesses !

ALICE
Te fous pas de moi ! Pourquoi tu veux me le piquer ?!
Pourquoi ?! Tu peux avoir tous les hommes que tu
veux ...

Le feu passe au vert mais Alice n'avance pas.

BEATRICE
Qu'est-ce qui se passe, petite soeur ?

Béatrice saisit le bras de sa soeur avec douceur.

ALICE ( se dégageant)
David il est à moi ! Tu m'entends !

Derrière ça klaxonne. Alice finit par démarrer.

BEATRICE ( doucement, à Alice )


Tu veux vraiment aller à la plage ?

ALICE ( renfrognée, comme une petite fille )


Non... pas vraiment...

BEATRICE
On rentre ... ( puis sans agressivité ) ...
T'es sûre qu'il t'aime ce type ?

ALICE
Oui.

BEATRICE
Moi, je suis prête à parier qu'il s'est
déjà barré !

ALICE ( sûre d'elle, avec un rictus )


Ça, c'est impossible ... Il se repose comme un petit
ange.

-104-
Dans la salle de bains.
Jean-Paul maintient la tête de David sous le jet d'eau froide de la douche de la
baignoire.

-70-
David émet quelques borborygmes.

JEAN-PAUL
Où est le fric ?

David marmonne de façon incompréhensible et replonge dans son sommeil.

Jean-Paul saisit une bouteille de "Destop" sous le lavabo.


Il agite la bouteille sous les yeux de David.

JEAN-PAUL
Ça va te déboucher le cerveau !

Jean-Paul dévisse le bouchon, pense un moment lui faire boire puis a une meilleure
idée : il arrache un pansement sur l'avant-bras de David et verse le produit corrosif
sur la blessure. David hurle de douleur.

-105-
Dans la rue.
Gérard entend un hurlement.

GERARD
Toujours efficace, le père Jean-Paul ...

Le truand trottine vers la villa d'Alice avec un sourire carnassier.


Le york le suit.

-106-
Dans la salle de bains.
David se tient le bras, défiguré par la douleur.

JEAN-PAUL
Alors connard, ça réveille, hein ? C'est plus efficace
que le café ! ... (puis hurlant)
Le fric, putain !

DAVID (hagard)
Alice ... elle m'a ...

David porte sa main à sa bouche pour mimer une alimentation ou quelque chose
comme ça. Jean-Paul ne retient que le prénom: Alice.

JEAN-PAUL
Alice, c'est qui ça... la moche ?

DAVID ( dans un râle )


... moche ?

JEAN-PAUL

-71-
C'est elle qu'a piqué le fric ?

DAVID ( répétant bêtement )


Piqué le fric ?

JEAN-PAUL
Putain, connard, m'énerves pas...
Elle est où cette connasse ?

DAVID
Connasse...

JEAN-PAUL
Putain, je le tue...

Jean-Paul secoue la tête pour se calmer et répète comme Gérard à son intention.
JEAN-PAUL
Du calme, Jean-Paul... expire... ( puis à David en
essayant de rester calme) ... Elle est où cette conna...
heu... Alice ... ?

DAVID
Alice... Plage ...

JEAN-PAUL
On va aller la chercher la salope ... (puis incrédule)...
Une moche ? Me piquer mon fric ! Putain, j'y crois
pas !

Jean-Paul agite la bouteille de Destop.

JEAN-PAUL
Si tu t'es foutu de ma gueule, je te refile une lampée
de potion magique !

Surprise : le york entre et aboie aux pieds de Jean-Paul.

JEAN-PAUL
Tiens, on dirait que c'est l'heure des visites !

-107-
Jean-Paul sort de la salle de bains.
Il tient David devant lui, comme un bouclier, en lui serrant le cou.
Jean-Paul progresse prudemment dans le couloir.
Gérard peut surgir à tout moment.
Ils arrivent à l'escalier.
En bas, Gérard les braque avec son fusil sous-marin, le york s'est réfugié à ses pieds.

-72-
JEAN-PAUL
T'as oublié tes palmes et ton tuba, ducon !

GERARD
Lâche-le !

JEAN-PAUL ( descendant progressivement )


Je me sépare plus de mon ami. Maintenant, si tu veux
faire des trous dedans ...

David gargouille pour protester mais les deux truands s'en foutent complètement.
GERARD (désolé)
On faisait une bonne équipe tous les deux ...

JEAN-PAUL
T'as raison, on change pas une équipe qui gagne. On
trouve le fric et on partage !

Jean-Paul et David sont arrivés en bas de l'escalier. Sous la pression et l'émotion,


David s'effondre sur les premières marches.
Jean-Paul se retrouve "nu " face à Gérard impassible.

JEAN-PAUL ( presque suppliant )


Arrête tes conneries, je te dis qu'on partagera. Je te
jure !

GERARD ( ironique )
Si tu me le jures ...

Jean-Paul fait basculer l'armoire qui se trouvait entre lui et Gérard. Gérard tire. Le
harpon vient se planter dans l'un des flancs du meuble. Le york manque d'être
écrabouillé et file dans le jardin en couinant.
Jean-Paul saute sur Gérard. Baston à mains nues entre les deux truands. Les deux
malfrats roulent sur David qui peut à peine respirer. Jean-Paul réussit à se détacher
de l'étreinte de Gérard. Il lui cogne la tête contre le carrelage.
Gérard tombe dans les vapes.

JEAN-PAUL (en plagiant Gérard)


C'est ça, Gérard... à ton tour... Expire !

Jean-Paul lui cogne encore une fois la tête sur le sol.

DAVID ( la main vers l'armoire )


L'argent ... l'argent ...

JEAN-PAUL
T'as raison, on va y aller !

Jean-Paul abandonne Gérard inanimé, il soulève David et le remet d'aplomb.

-73-
-108-
Dans le jardin...
... le york s'est approché du verre renversé sur le gazon. Il le renifle et en lape le
faible contenu restant.

-109-
Dans la rue, Jean-Paul entraîne David jusqu'à la voiture.
Il l'installe à l'avant, sur le siège passager.

JEAN-PAUL
Tiens, mets-toi à la place du mort ...
Considère ça comme une petite avance !

David dans les vapes se laisse faire comme une chiffe molle.
Jean-Paul ferme la porte, contourne rapidement la voiture, monte et démarre.

-110-
Dans le salon, Gérard émerge péniblement
Il sort de la villa : la voiture de Jean-Paul n'est plus là.
Il regarde des deux côtés de la rue, perplexe. Il n'a pas de moyens de savoir dans
quelle direction ils sont partis.

-111-
Jean-Paul au volant.
A ses côtés, David, la tête en arrière, la bouche ouverte. Il ne saigne plus du nez.
La voiture roule à vive allure.

JEAN-PAUL
La salope... elle t'a drogué, hein ?

DAVID ( répétant bêtement )


Salope...

JEAN-PAUL
Faut pas faire confiance aux bonnes femmes !

David s'affaisse sur Jean-Paul. Jean-Paul le repousse.


Il quitte un instant la route des yeux, alors qu'ils arrivent à une intersection. Une
voiture débouche de la droite.

JEAN-PAUL
Connard !

Jean-Paul pile mais le choc est inévitable.

-74-
-112-
Dans la rue devant la villa d'Alice
Gérard entend le crissement de pneus ... puis le choc.

GERARD ( ricanant )
Pas prêts de me semer, ces cons !

En claudiquant, il se dirige vers le lieu de l'accident qu'il ne peut pas voir.

-113-
Au carrefour.
La voiture de Jean-Paul a heurté le flanc du véhicule venant de la droite.
Des deux côtés, les dégâts sont limités : phares cassés et pare-choc embouti pour
Jean-Paul, portière enfoncée pour l'autre.
L'autre c'est: LAMBERT, un petit maigrichon d'une trentaine d'années, qui sort de sa
voiture pour constater les dégâts.
Dans la voiture de Jean-Paul, David a heurté la vitre et saigne encore une fois du nez.
LAMBERT ( râlant )
Et la priorité ...

JEAN-PAUL
Ça va connard... On fera le constat plus tard !

Jean-Paul embraie pour faire marche arrière.


Comprenant que Jean-Paul va foutre le camp, Lambert fait rapidement le tour de la
voiture et se met à l'arrière pour l'empêcher de partir.
Il tape frénétiquement sur le coffre en gueulant.

LAMBERT
Pas si vite mon coco !

Sous les coups rageurs, le coffre s'ouvre. A l'intérieur, le cadavre du propriétaire


cardiaque de la voiture. Lambert en perd la parole.
Jean-Paul jaillit comme un beau diable de la voiture alors que David sort légèrement
des vapes.
Jean-Paul braque son flingue sur Lambert.

JEAN-PAUL
T'as jamais vu un mec qui fait la sieste ... Allez, monte
là-dedans !

Lambert obéit.
Il monte dans le coffre alors que David sort de la voiture en titubant. Jean-Paul, qui
n'a pas vu David sortir, referme le coffre sur le malheureux Lambert. Il jette un coup
d'oeil en arrière, aperçoit Gérard et une autre voiture, une décapotable, qui vient de
tourner dans la rue. Ils approchent.

Jean-Paul retourne au volant alors que la décapotable le dépasse en roulant au pas,


histoire de voir ce qui se passe.

-75-
Jean-Paul constate l'absence de David. Il regarde autour de lui et voit David qui, au-
delà de la voiture de Lambert, traverse la rue en titubant. La décapotable pile pour ne
pas l'écraser.
David se cogne sur le capot et tombe par terre.
Jean-Paul va pour le chercher mais Gérard n'est plus qu'à quelques mètres : mieux
vaut décamper.

JEAN-PAUL
Font chier tous ces connards, je la trouverai tout seul !

Le conducteur de la décapotable, un homme de cinquante ans, et sa femme sortent


affolés.

Jean-Paul démarre, contourne la voiture de Lambert et poursuit sa route alors que le


couple examine David qui saigne du nez.

LE CONDUCTEUR
Je comprends pas, je l'ai à peine touché !

LA FEMME
Faut appeler une ambulance ...

Gérard s'approche.
GERARD
Ça va, je m'en occupe ...
Tout est sous contrôle... Il a rien ...

LE CONDUCTEUR (soulagé)
J'l'avais dit, je l'ai pas touché !

Gérard aide David à se lever.

LA FEMME
Mieux vaut pas le bouger ...

GERARD
Ecoutez, je suis médecin , j'ai l'habitude ...

LA FEMME (soulagée)
Ah !

Venant du sens inverse, la voiture d'Alice arrive et s'arrête.


Alice en sort comme une furie, Béatrice suit.

ALICE ( hystérique )
Mon petit oiseau...

Alice fusille du regard le conducteur qui recule d'un bon mètre.

ALICE
C'est vous qui lui avez fait ça ?! Assassin !

-76-
DAVID ( répétant bêtement )
Assassin...

LE CONDUCTEUR
Mais non, je l'ai pas touché !

BEATRICE
Bah, tiens...

LE CONDUCTEUR
Monsieur est témoin ...

Il désigne Gérard qui soutient David.

GERARD (confirmant les dires du conducteur )


J'ai tout vu ... Il a eu un petit malaise, c'est tout!
Faudrait le ramener chez lui

ALICE
On va le mettre dans ma voiture ...

En boitant, Gérard amène David vers la voiture d'Alice.


Alice caresse le front de David.

ALICE
Mon petit oiseau ... il a du bobo ...

-114-
La voiture d'Alice s'arrête devant la villa.
Gérard aidé d'Alice fait sortir David. Béatrice ouvre le chemin.

-115-
Dans le salon.
Alice et Gérard soutiennent David et se dirigent vers le canapé.
Alice constate les dégâts consécutifs à la bagarre: armoire renversée, bibelots cassés
...

ALICE ( effondrée )
Qu'est-ce qui s'est passé ? Tout est cassé...

Gérard installe David sur le canapé.

GERARD ( protecteur )
Voilà, là il va être bien ...

Alice montre les traces d'étranglement sur le cou de David.

ALICE

-77-
C'est quoi ces traces ?!

GERARD
Ça ? ... C'est typique d'une allergie ... une allergie au
coton.

D'un air expert, Gérard palpe le T-shirt de David, qui émerge un instant. David
regarde son T-shirt maculé de sang.

DAVID
Mon T-shirt ... C'est dé ... dégueulasse !

GERARD
Voyez ce que j'avais dit !

ALICE
Je vais t'en chercher un autre ...

Alice file au premier. Gérard regarde Béatrice et lui adresse un sourire courtois.
Béatrice fixe son pied blessé.
Gérard relève son col de survêt pour cacher une ecchymose qui colore son cou.
BEATRICE (suspicieuse)
Vous aussi, vous êtes blessé ...

GERARD
C'est rien ...

Béatrice regarde Gérard d'un air soupçonneux.


Silence pesant.

Alice redescend avec un T-shirt propre.


Elle retire celui de David et lui enfile le propre sur lequel est imprimé
" LES HOMMES PREFERENT LES GROSSES ".

ALICE ( craquant )
Tout ça, c'est de ma faute ! Il a failli mourir à cause de
moi ...

BEATRICE
Arrête, Alice ...

ALICE (lucide)
T'as raison, il m'aime pas ! C'est pour ça qu'il a voulu
partir ... Et si je lui avais pas donné ...

Phrase en suspens. Silence troublé par:

GERARD
Donné quoi ?

ALICE

-78-
Des somnifères ... (effondrée)
Je voulais tellement qu'il reste !

BEATRICE (réconfortante)
C'est pas grave ... On va le laisser dormir et puis voilà
... ( puis, poliment, à Gérard ) ... Merci, on s'occupe
de lui, vous pouvez y aller!

Gérard cale David sur le canapé avec les gestes précis et déterminés de celui qui
connait son métier.
Il colle une baffe à David qui n'avait rien reçu depuis longtemps.

ALICE
Vous êtes complètement cinglé... David !

GERARD (professionnel)
Il faut pas le laisser dormir ... Il a eu un choc ... si on
le laisse immobile, il peut se former des hématomes
internes, des caillots dans la tête. C'est une question de
circulation sanguine ... Il faut le faire vomir ...

ALICE
J'ai une meilleure idée ...

Alice fonce vers la cuisine.


En attendant, Gérard montre l'inscription sur le T-shirt de David.

GERARD
C'est pas toujours vrai, ça ... Moi, par exemple ...
( regard lourd sur Béatrice ) ... j'aime bien les femmes
... ( il cherche le mot juste )

BEATRICE ( finissant sa pensée )


... les femmes comme moi ?

GERARD (yeux dans les yeux)


Oui.

BEATRICE
Moi... les hommes... je les aime ... riches.

Gérard montre David.


GERARD
Comme lui ?

Echange de regards soutenus.


Alice revient de la cuisine avec un verre d'eau et une boîte de gélules.

ALICE
Voilà ...

-79-
Béatrice attrape la boîte et parcourt les indications.

BEATRICE
C'est tes trucs pour maigrir ! C'est pas ça qu'il lui
faut !

Alice récupère sa boite.


ALICE
Ça file une de ces pêches ! ... Tenez, donnez lui deux
comprimés ... Ça devrait suffire !
Je prépare du café !

Alice repart vers la cuisine. Gérard ouvre la boîte et met deux gélules dans sa main.
Béatrice s'approche de la porte donnant sur le jardin. Elle sort.
Gérard rajoute une dizaine de gélules qu'il fait ingurgiter de force à David qui
manque de s'étouffer.

GERARD ( lui tapotant sur les joues )


Allez, mon bonhomme, c'est fini le gros dodo...

-116-
Béatrice dans le jardin.
Elle regarde sous la chaise longue. Manque de bol : le sac à dos n'y est plus.

-117-
Béatrice rentre dans la maison.
Gérard est passé des petites tapes sur les joues de David aux vraies claques dans la
gueule.
Quand Gérard voit Béatrice, il revient aux petites tapes.
Elle lui pique sa phrase de dialogue.

BEATRICE
Pour la circulation sanguine, je sais ...

Béatrice s'apprête à monter au premier quand Alice, dans la cuisine, lui fait signe de
venir.
Béatrice la rejoint à regret.

-118-
Béatrice entre dans la cuisine.
Alice est en train de préparer du café.

ALICE
On a de la chance que le monsieur soit de la partie.

-80-
BEATRICE ( s'en foutant )
Oui, beaucoup de chance ...

ALICE
Tu sais, par moments, je me demande si ... si y a pas
des gens qui poursuivent David !

BEATRICE
Mais non ...

ALICE
Et tout ce bazar qu'il y a ...

BEATRICE
Il était dans les vapes, il s'est cogné un peu partout ...
c'est normal !

ALICE
Et le truc planté dans l'armoire ?
Le truc de chasse de sous-marine ...

BEATRICE
Tu crois qu'il est poursuivi par un homme-grenouille
c'est ça ?

Béatrice s'apprête à ressortir.

ALICE
Et si j'appelais la police ?

Béatrice revient sur ses pas et s'approche d'Alice.

BEATRICE ( sérieuse )
Ne fais pas ça ... David a peut-être fait des conneries,
des grosses conneries ...

ALICE
Pourquoi il m'en a pas parlé ?

BEATRICE
Justement, parce que c'est une connerie ... Il t'a rien dit
pour te protéger... mais si les flics s'en mêlent, ton petit
oiseau ils vont le mettre en cage !
Mine d'effroi d'Alice.
Gérard entre dans la cuisine.

GERARD ( courtois )
Le café est prêt ?

Béatrice sort ... et monte au premier.

-81-
-119-
Bord de mer
Jean-Paul se gare et sort de la voiture. Il ferme sa porte, fait quelques pas et tend
l'oreille. Du coffre, on entend la voix étouffée de Lambert .
Jean-Paul soupire, retourne vers la voiture et jette rapidement un coup d'oeil autour
de lui pour être sûr qu'on ne le regarde pas.
Il se penche vers le coffre, parle à voix basse avec un petit rictus sadique.
JEAN-PAUL
Y a quelqu'un ?

LAMBERT ( voix caverneuse )


Oui, ouvrez !

Jean-Paul ouvre le coffre.

LAMBERT ( soulagé )
Merci !

JEAN-PAUL
Pas de quoi !

Jean-Paul lui décoche un marron en pleine poire, Lambert s'affale au fond du coffre,
sonné.

JEAN-PAUL
Je veux plus t'entendre ! Couché, hein, couché !

Il referme le coffre et s'éloigne.

-120-
Dans le salon.
David émerge péniblement. Il est assis sur le canapé et tente de rassembler les
morceaux.

DAVID ( se frottant les yeux )


Putain ...

Alice, suivie de Gérard, sort de la cuisine.


Gérard porte des tasses et une cafetière fumante.
David soupire en reconnaissant Gérard.

DAVID
Oh non, ça continue ... ( puis agressif ) ... Quand est-
ce que tu vas me lâcher ! Barre-toi !

Alice prend ça pour elle.


ALICE (bouleversée)
Mon petit oiseau, excuse-moi !

-82-
Elle se met à genoux comme pour l'implorer, la tête sur sa cuisse.

ALICE
Je voulais te protéger ! Si t'as des ennuis, je peux
t'aider ... T'as besoin d'argent ?

DAVID
Je veux plus qu'on me parle d'argent, je veux sortir de
ce cauchemar, tu m'entends ?!
( puis fixant Gérard ) ... Barre-toi !

Alice, qui n'a pas vu la direction de son regard, fond en larmes et monte au premier
en se cachant le visage.

ALICE
C'est ma faute, c'est ma faute...

David et Gérard en tête à tête.

GERARD
C'est pas bien de faire pleurer les filles ...

Gérard saisit David par le bras.

GERARD
Viens, on va faire un petit tour dehors ...

DAVID
Barre-toi !

La force de Gérard a raison des protestations de David.

-121-
Béatrice fouille dans la chambre de David.
Elle regarde un peu partout à la recherche du sac : sous le lit, dans les tiroirs d'une
commode ... en vain.
Quelqu'un monte.
Béatrice interrompt ses recherches. Alice entre dans la chambre.

ALICE ( en larmes )
Il me déteste ...

BEATRICE
Mais non ...

ALICE
Pourquoi ? Je suis prête à tout pour lui, à tout !

-83-
BEATRICE ( avec douceur )
Il faut que tu lui montres ... Allez, va le rejoindre, le
laisse pas seul

ALICE
Je te dis qu'il veut plus de moi ...

BEATRICE
Ecoute, t'y connais rien aux mecs... s'il te dit de partir
c'est qu'en fait il veut que tu restes...

ALICE
T'es sûre ?

BEATRICE (autoritaire)
Si je te dis d'y aller, tu y vas !

Béatrice pousse sa soeur vers la sortie.

BEATRICE
Laisse pas passer ta chance, soeurette !

Alice est sortie.


BEATRICE
T'en auras peut-être pas d'autre...

Béatrice reprend ses recherches.

-122-
Gérard attire David vers le fond du jardin.
Il lui empoigne solidement le bras.

GERARD
Où est le fric ?

Les comprimés qu'il a avalés commencent à faire de l'effet... trop d'effet ?

DAVID ( hilare, les yeux brillants )


Que le grand fric me froque !

GERARD
Arrête tes conneries !

DAVID ( teigneux )
Va te faire foutre !

David tente de se détacher de l'emprise de Gérard. En vain ...

GERARD

-84-
Ça me fait plaisir, t'as retrouvé la forme... Faudrait
aussi que tu retrouves la mémoire !
Le physique sans le mental, ça mène nulle part...

Alice apparaît derrière Gérard et reste en retrait à quelques mètres.


Gérard ne l'a pas vu.
Elle observe la scène en caressant machinalement le bonnet d'un nain de jardin.
DAVID
Tu me lâches ou je ...

GERARD ( se marrant )
Ou quoi ? Tu veux jouer les durs ? C'est un métier ça
... ( puis d'un ton faussement compatissant, un oeil sur
le nez de David) ...
Dis donc, il t'a pas loupé l'autre débile.
T'as mal là, quand on appuie ?

Gérard presse le nez de David comme on perce un bouton d'acné. David gueule.
Alice se précipite sur Gérard le nain de jardin à bout de bras.

ALICE
Le touchez pas !

Alice l'assomme d'un trait avec le nain qui se brise sous le choc.
Gérard titube et plonge dans un massif de fleurs.
Alice reste hébétée avec la base du nain en main.
David se tient le nez qui pisse le sang. Il engueule Alice qui n'y comprend plus rien.
DAVID
Mais arrête ! Toujours besoin de cogner !
Ça suffit la violence ! Ras-le-bol ! Vous me gonflez,
TOUS ! Regarde, c'est dégueulasse !

David montre son T-shirt taché de sang, le retire et le piétine par terre.
Il retourne vers la villa en dégommant, à grands coups de pied, les nains de jardin qui
se trouvent bêtement sur son passage.

DAVID
Je me tire ... je me tire d'ici ...
Je me tire de cette ville de merde !

Il fixe un nain immobile en plein milieu de sa route.

DAVID
Me regarde pas comme ça connard !
Tu la veux ma photo ?

David attrape la statuette et le jette par dessus la haie.


Le nain explose sur le bitume.

-85-
Alice reste sans voix devant ce spectacle de désolation.
David rentre dans la maison, torse nu, en pleine fureur destructrice.
Il croise Béatrice sur le perron.
Elle tente de le retenir.
BEATRICE
David !

Alice s'est approchée.


ALICE ( lasse, en larmes )
Laisse-le, c'est fini ...

BEATRICE
Il est où l'autre ?

ALICE
Là-bas ...

Les pieds de Gérard dépassent d'un massif de fleurs.


Alice justifie son acte.
ALICE (contemplant tristement la base du nain)
C'est pas moi ... c'est le nain de jardin...

Béatrice s'approche et inspecte le massif de fleurs en faisant la grimace.

BEATRICE
Il est foutu ?

ALICE (dans son délire)


Avec un peu de colle, j'en ai récupéré des plus
abîmés !

BEATRICE
Pas le nain, le type ?

Alice laisse tomber la base du nain et s'approche à son tour.

ALICE
Je sais pas ... je crois pas

Dans la rue, le bruit d'une voiture qui démarre... Puis un choc...

BEATRICE (speed)
David va faire des conneries !

Béatrice donne des ordres à sa soeur avant de filer.

BEATRICE
Reste là ... et lui... boucle-le dans la cave !

-123-

-86-
Béatrice sort en trombe de la villa.
David, torse nu, au volant de la voiture d'Alice.
Il finit une marche arrière qui a renversé une poubelle.
Il passe la première en massacrant la boite de vitesse et l'embrayage.
Béatrice monte en route.

BEATRICE
Où tu vas ?

DAVID
Sais pas ...

Une idée traverse son cerveau survolté.

DAVID (scandé)
Me baigner ! Au bord de la mer on se baigne, alors je
me baigne ! Personne peut m'empêcher de me baigner,
personne !

Béatrice, inquiète, prend une voix douce pour tenter de le calmer.

BEATRICE
Mais personne veut t'empêcher de te baigner, David...

David roule comme un dingue.

-124-
Sur la plage.
Jean-Paul à la recherche d'Alice. Mais point d'Alice ...
Il rebrousse chemin en pestant. Un gros ballon gonflable roule vers lui. De rage, il
donne un violent coup de pied dedans. Le ballon éclate. Les deux gamins qui jouaient
avec s'apprêtent à protester mais un seul regard de Jean-Paul suffit à les faire taire.
Les gamins contemplent les lambeaux du ballon avec un air résigné.
Jean-Paul arpente la plage.

-125-
Route vers le bord de mer.
David est au volant.
BEATRICE
Après ta baignade, t'as quoi de prévu ?

DAVID ( obsessionnel )
Je me tire, je me tire, je me tire !

BEATRICE ( chatte )
Y a une place pour une jolie fille dans ton voyage ?

DAVID ( regardant fixement la route )


C'est toi la jolie fille ?

-87-
BEATRICE
Qu'est-ce que t'en penses ?

DAVID
Je pense que t'as un beau cul !

Béatrice jette un coup d'oeil sur la jauge.

BEATRICE
On va pas aller loin. T'as du fric pour l'essence?

DAVID ( halluciné )
Du fric, si je veux, j'en ai plein ...
Tu m'entends, plein !

BEATRICE ( lui caressant la joue )


C'est bien, on va s'éclater comme des bêtes tous les
deux ! ... Il est où ton paquet de fric ?

DAVID ( vague )
Je sais plus ... Là-bas, chez Alice ...

Ils sont arrivés à la plage. David se gare en plein milieu, bloquant une voiture qui
s'apprête à partir. Béatrice se couche presque sur lui.

BEATRICE (sensuelle)
Mais où ça ? C'est grand chez Alice ...

David bondit hors de la voiture sans répondre.

LE CONDUCTEUR
Je fais comment pour sortir moi ?

DAVID
Quand on a une gueule comme la tienne, on sort pas !

A fond dans son trip, David balance le grincheux sur le capot de sa voiture et marche
vers la plage sans ciller.

Pas loin, on aperçoit deux gendarmes en patrouille.

-126-
Sur la plage.
David marche d'un pas alerte et conquérant vers la mer. Soudain, il aperçoit Jean-
Paul qui,lui, ne l'a pas vu.

DAVID

-88-
Putain, j'y crois pas, le nain ! Je vais lui exploser la
gueule à lui !

David pique un sprint sur Jean-Paul.


Au passage, il piétine quelques serviettes, quelques ventres mous et divers châteaux
de sable.
Concert de jérémiades et de protestations.

David se jette sur Jean-Paul qui n'a rien vu venir.


Le petit truand se retrouve à terre.
David prend le dessus et le laboure de coups de poing et de coups de pelle à sable
qu'il vient de récupérer alentour.

DAVID
Je vais te crever, charogne !

Jean-Paul s'apprête à répliquer quand il aperçoit deux gendarmes qui rappliquent aux
pas de course. Il se laisse faire en serrant les dents.

Un attroupement s'est vite formé autour de David et Jean-Paul.


Les commentaires fusent : ce malade est bon à enfermer !
Seuls les gosses, dont le ballon a été crevé par Jean-Paul, encouragent David de plus
en plus déchaîné.

DAVID
Quand on me mord, moi je mords !

Il plante ses crocs dans le mollet de Jean-Paul.


Les deux gendarmes réussissent à les séparer.

David se débat comme un beau diable et se libère de l'emprise de la maréchaussée.


Dans l'attirail d'un baigneur, il saisit une bouée en forme de canard et l'agite comme
si c'était l'épée d'Highlander.

DAVID
Personne peut m'empêcher de me baigner, personne !
... Allez, venez, venez ...

David les défie d'approcher puis fait volte-face et fend la foule pour plonger dans
l'eau avec sa bouée canard.

Un des gendarmes réconforte Jean-Paul.

LE GENDARME
Ça va aller, monsieur ?

JEAN-PAUL ( exagérément victime )


Heureusement que vous êtes arrivés ...

-89-
Au loin, volontairement en retrait, Béatrice observe les gendarmes qui plongent, à
contrecoeur, leurs godillots dans l'eau pour aller récupérer David qui barbote en
levant des gerbes d'eau.

-127-
Dans le jardin de la villa.
Alice a sorti un râteau. Avec le bout du manche, en restant le plus loin possible, elle
touche le corps de Gérard, histoire de voir si la bête est encore vivante.
Pas de réaction.
Alice tire le costaud par les pieds pour le dégager du massif de fleurs.
Elle le traîne quelques mètres en peinant, puis s'arrête et se met à pleurer sur le
perron en serrant sa " pierre magique ".
Gérard marmonne.

A côté d'Alice, qui ne l'a pas vu, le york est écroulé endormi, drogué, sur une plate-
bande.

-128-
Centre ville.
La 4 L des gendarmes arrive au poste de police. Ils en extraient David sans
ménagement et le confient à l'un de leurs collègues.
L'un des gendarmes a la chemise en partie déchirée.

LE GENDARME ( au collègue )
Faites gaffe, il est plus teigneux qu'un pit-bull !

Les excitants ayant épuisé leurs effets, David est redevenu calme. Il s'éloigne en
silence, menottes au poing.
Le gendarme restant regarde le haut d'un des sièges avant de la 4 L : le skaï est
déchiqueté et la mousse de rembourrage entamée.

-129-
Poste de police.
David rejoint un poivrot dans la cage de garde à vue située dans un coin de la salle où
s'active une poignée de fonctionnaires.
David peut assister en direct au fabuleux ballet des forces de l'ordre en "action".
UN GENDARME
On la fait ou pas cette inspection de sécurité ?
Ils vont tirer le feu d'artifice qu'on aura pas encore
bougé !

L'ADJUDANT ( blasé )
Pas de zèle, pas de zèle ...

L'adjudant, environ 50 ans, regagne son bureau où l'attend debout un type d'une
quarantaine d'années.

-90-
Le type a déchargé le corps de son doberman ( celui que les truands ont buté alors
qu'ils coursaient David ) sur ses dossiers.

LE TYPE
Vous savez ce que c'est ça ?

L'adjudant soulève les babines de l'animal et découvre d'énormes crocs.

L'ADJUDANT (détaché)
Moi, à part les caniches, je m'y connais pas en
marques de chien ...

LE TYPE ( tapant du poing sur la table )


Stalag a été tué d'une balle dans la tête, une véritable
exécution, j'exige une enquête !

L'ADJUDANT
Ecoutez, on a déjà cette histoire de hold-up sur les
bras alors votre clébard ...

LE TYPE ( scandalisé )
Mais ça, c'est pire ! C'est un acte gratuit, c'est de la
cruauté à l'état pur !

Exaspéré, l'adjudant ouvre un tiroir de son bureau et en sort une série de photos, gros
plans, sur les morts du braquage de l'hypermarché.

L'ADJUDANT
Et ça, vous trouvez pas ça dégueulasse ?

Le type reste sans voix. Il charge le corps de son chien sur ses épaules et tourne les
talons.

Le type passe devant la "cage". Le poivrot, par provocation, se met à aboyer. David
se bouche les oreilles et s'asseoit effondré sur la banquette : qu'a-t-il fait pour mériter
ça ?

-130-
Dans le salon de la villa.
Béatrice est revenue, elle a tout raconté à sa soeur.

ALICE ( inquiète )
Ils vont le garder combien de temps ?

BEATRICE
Je sais pas ... Tu l'as bien enfermé dans la cave l'autre
type ?

ALICE
Il est trop lourd...

-91-
BEATRICE
Quoi trop lourd ? Me dis pas...

Béatrice sort sur le perron donnant sur le jardin.

BEATRICE
Il est où ?

Alice la rejoint : Gérard a disparu.

ALICE
Je comprends pas ... Il a dû rentrer chez lui...

BEATRICE ( effondrée )
Merde, c'est pas vrai ...

ALICE ( décidée )
Je vais aller voir les flics !

Elles rentrent dans la maison.

BEATRICE
Non, non ... tu vas pas voir les flics...

ALICE
Si, pour qu'ils relâchent David ...
Je demanderai à l'adjudant ... Tu sais machin, ... celui
que Papa connaissait ...

BEATRICE
Si tu lui parles du type que t'as assommé, ils
te garderont aussi ...

ALICE
M'en fous, s'ils me gardent ... Au moins, je serai avec
David ...

BEATRICE
Alice, dis pas de conneries ... T'as peut-être tué
quelqu'un ...

ALICE (logique)
Mais non, je l'ai pas tué... T'as déjà vu des morts qui
marchent toi ?! ... Tu viens avec moi ?

BEATRICE
Non, je ... je préfère rester ... Au cas où ils appellent,
faut qu'il y ait quelqu'un à la maison

-92-
Pendant qu'Alice se prépare à partir Béatrice examine perplexe l'étiquette de la boîte
des gélules qui ont servi à " réveiller " David.

BEATRICE
Dis c'est en vente libre ton truc ?

-131-
Poste de police.
David torse nu face à l'adjudant.

L'ADJUDANT
Alors, comme ça, vous avez pas de papiers ...

DAVID
On me les a volés...

L'ADJUDANT (changeant de sujet, sceptique)


Et cette agression sur la plage ?

DAVID
Je... je ... je l'ai pris pour un autre...

L'ADJUDANT
Pour qui ?

DAVID
Pour l'amant de ma femme alors j'ai ... j'ai perdu la tête
...

L'ADJUDANT
Et elle est où votre femme ?

DAVID
Je ... je sais pas ... C'est pour ça que .. que j'en voulais
autant à ... à son amant

L'ADJUDANT
Vous avez de la chance que ce monsieur n'ait pas porté
plainte ... Il est très fair-play.
Votre adresse ici, c'est où ?

DAVID
Euh ... je ... j'habite chez une amie !

L'ADJUDANT
Chez une amie ?

DAVID
Elle s'appelle Alice ... Alice ...

-93-
David ne connaît pas son nom de famille.

DAVID
C'est après la plage, par là ... Vous pouvez pas la rater
: où elle habite, y a plein de nains

L'adjudant le regarde d'un air dubitatif.

L'ADJUDANT
Je la connais, c'est Blanche Neige !

-132-
Devant le poste de police
Jean-Paul fait le guet.
La voiture d'Alice approche.

-133-
Poste de police
Alice face à l'adjudant.

ALICE
Je vous assure que c'est un type sans histoires.

L'ADJUDANT
On voit bien que tu n'étais pas sur la plage cet après-
midi ...

ALICE
C'est ... c'est à cause du soleil ... Il a eu une insolation
...

L'ADJUDANT
Lui prétend que ...

L'adjudant saisit le procès-verbal et lit d'une voix neutre et administrative.

L'ADJUDANT
Que... (il cherche la ligne)... qu'il a pris la victime
pour l'amant de sa femme...

ALICE ( estomaquée )
L'amant de sa femme !

L'ADJUDANT
Ecoute, j'ai pas de conseils à te donner sur ta vie privée...
ton père n'est plus là pour ça... mais ...

L'adjudant s'énerve tout seul, il farfouille le dossier et lui tend un formulaire.

-94-
L'ADJUDANT
Allez, signe-là ... et allez vous en !

ALICE
Merci... Papa serait...

ADJUDANT (il la coupe)


Fais gaffe Alice, c'est un drôle d'olibrius ton copain...

-134-
David et Alice sortent du poste de police.
Dans les rues, c'est la foule du 14 juillet. David est toujours torse nu.

DAVID
Merci ...

ALICE
De rien ...

Alice renifle. David, sincèrement ému, lui prend la main et s'arrête.

DAVID
Mais ... tu ... tu pleures ?

ALICE
T'aurais pu me dire que t'étais marié ...
C'était plus simple !

DAVID ( sincère )
Mais je suis pas marié !

ALICE ( haussant les épaules )


De toute façon, ça n'a plus d'importance ...

DAVID
Ecoute, depuis hier ... je sais plus...

David s'arrête comme s'il venait de prendre une décision importante.

DAVID
On rentre chez toi et je t'explique tout. Tout !
On recommence à zéro comme si on venait de se
rencontrer. (Humour) on recommence à zéro, mais sans
les bagarres... hein ?

Alice n'a pas l'esprit à rire.

ALICE
J'ai pas envie de rentrer ...

-95-
David ne sait plus quoi dire.

ALICE
Tu veux me faire plaisir ?

DAVID (honnête)
Demande moi tout ce que tu veux !

ALICE ( essuyant ses larmes )


Alors on parle plus de ça, plus jamais...
Tu m'emmènes danser ... ensuite... ensuite...
on verra bien !

David sourit : il est d'accord.

ALICE ( de nouveau joyeuse )


Allez, viens, on va t'acheter un T-shirt !

Ils s'éloignent dans la foule, suivi par Jean-Paul.

-135-
Dans la salle de bains de la villa d'Alice.
Béatrice regarde partout : derrière la trappe de la baignoire, dans le réservoir de la
chasse d'eau ...
Toujours pas de butin. Béatrice est verte de rage.

-136-
Gérard sort de la cabane...
... qui sert d'atelier de réparations de nains de jardin. Plus claudiquant que jamais, il
s'approche du perron.
Sinistre silhouette ...

-137-
Centre ville.
Bal populaire. Une place est transformée en piste de danse.
David (avec un T-shirt flambant neuf) et Alice dansent joue contre joue, yeux clos,
sur "leur" chanson.
Jean-Paul fend la foule et vient se coller contre Alice.
David ne l'a pas vu.
Jean-Paul caresse le bas du dos d'Alice avec la pointe de son arme.
Elle se retourne vers Jean-Paul

ALICE
Non mais, ça va pas, gros dégeulasse !

-96-
JEAN-PAUL
C'est pas ce que tu crois, ma belle !

Jean-Paul lui montre rapidement le flingue. Il leur fait signe de le suivre. Ils
obéissent.

-138-
Dans la rue où la voiture de Jean-Paul est garée.
Un couple s'embrasse et se laisse aller jusqu'à s'allonger sur le coffre.
On tambourine à l'intérieur.
Le couple rompt son étreinte.

L'HOMME
Y a quelqu'un ?

LAMBERT ( timoré )
Non... non... C'est juste comme ça pour voir...

Le couple se regarde, étonné. L'homme s'apprête à ouvrir le coffre ...

-139-
Jean-Paul a attiré Alice et David un peu à l'écart.

JEAN-PAUL ( à Alice, qu'il menace toujours )


Alors ?

ALICE ( larguée )
Alors quoi ?!

David n'a plus envie de jouer.

DAVID
OK, on arrête le massacre. Je vous donne l'argent et
vous l'emmerdez pas. D'accord ?

Alice ne comprend rien.


ALICE
Mais quel argent ?

JEAN-PAUL
Ta gueule, toi ! ... ( à David ) ... Il est où ?

DAVID
A la villa !

JEAN-PAUL
On va y aller ... et si t'essayes de me baiser, je bute la
grosse conne. T'as compris ?!

-97-
David hoche la tête.

-140-
Jean-Paul marche dans la rue en serrant Alice.
David suit le mouvement. Ils se dirigent vers la voiture de Jean-Paul.
Lambert, sorti du coffre et entouré de plusieurs badauds, des hommes éméchés et
excités, aperçoit Jean-Paul.

LAMBERT
C'est lui !

Voyant Lambert qui gesticule dans leur direction, Jean-Paul fait faire demi-tour à
Alice et David.

-141-
Le trio fend la foule compacte ...
... poursuivi par un groupe d'hommes vindicatifs mené par Lambert.

-142-
Le trio se retrouve sur le port.
Ils s'engagent sur une jetée, voie sans issue.
Ils courent jusqu'au bout.

Sur l'arrière d'un gros hors-bord, avec cabine, un couple a installé une petite table
pliante et dîne en plein air en profitant de la douceur du soir.

JEAN-PAUL ( agitant son flingue )


Deuxième service, on débarrasse le plancher!

Le couple obéit et monte sur le ponton.


Le trio saute à bord.
Les poursuivants arrivent à leur tour sur la jetée.

JEAN-PAUL ( à David )
Mets les gaz !

DAVID ( perdu )
Comment on fait ?! ...

Jean-Paul braque Alice. A force de tâtonner, David a enfin trouvé. Le moteur


ronronne. Il met les gaz.
Le bateau part... Petit oubli : les amarres n'ont pas été détachées et arrachent une
partie en bois du ponton.
Jean-Paul saisit un couteau et tranche le bout pour ne pas traîner le fardeau.
Le bateau sort du port

-143-

-98-
Le bateau fonce sur l'eau.
David, aux commandes, maintient le cap vaille que vaille.
Derrière, assis sur une banquette, Jean-Paul blessé tient toujours Alice en respect
avec son flingue.
Soudain, pétarade en rafales.
David baisse la tête et rentre les épaules. Il a peur pour Alice.

DAVID ( paniqué )
Baisse toi mon amour, on nous tire dessus !

JEAN-PAUL
Connard, c'est le feu d'artifice !

Oh la belle bleue ! Le feu d'artifice, tiré de la plage, illumine le ciel.

David jette régulièrement un coup d'oeil sur Jean-Paul.


Dès que le petit truand baisse un peu sa garde, il se rue sur lui, tout en laissant la
manette des gaz à fond. Jean-Paul lâche son flingue.
Les deux hommes roulent sur l'arrière du bateau.
Dans la bagarre, David écrase les restes du repas des propriétaires du bateau.
Alice récupère le flingue et braque Jean-Paul.
Le bateau continue sa course folle droit sur un voilier qui mouille.

ALICE
Lâchez-le !

David se dégage de l'emprise de Jean-Paul et regarde avec dégoût son T-shirt neuf
maculé de Roquefort écrasé.

DAVID
Merde, le salaud ...

JEAN-PAUL ( à Alice )
Donne-moi ça, tu vas te blesser !

David lève la tête et voit, derrière Alice, le voilier grandissant.

DAVID
Merde !

Il se précipite sur les commandes et évite de justesse le voilier.


David coupe les gaz.
Alice continue de braquer Jean-Paul qui avance en ricanant.

ALICE
Avancez pas ou je tire !

Jean-Paul continue d'avancer.

ALICE ( paniquée, à David )

-99-
Qu'est-ce que je fais ?

DAVID
Laisse, c'est à moi de régler ça !

David lui arrache l'arme des mains et braque Jean-Paul exactement dans la même
position qu'Alice.
Jean-Paul savoure la situation.

DAVID
Avancez pas ou je tire !

JEAN-PAUL
La grosse conne vient de le dire, tu manques
d'imagination connard !

David tire en l'air. Aucun effet puisque l'arme n'a plus de munitions. Jean-Paul se
jette sur lui.
Nouvelle bagarre. David et Jean-Paul basculent dans l'eau.

JEAN-PAUL
Je sais pas nager !

Jean-Paul gesticule et s'agrippe désespérément à David.


Alice prend une rame et tente d'assommer Jean-Paul mais elle n'arrive pas à l'atteindre.
Elle plonge à la rescousse de David.
Jean-Paul s'accroche à elle et s'agrippe à sa chaîne.
Confusion extrême.
David réussit à faire lâcher prise à Jean-Paul.

JEAN-PAUL ( buvant la tasse )


Sais pas na ... Pitié !

DAVID
Arrête ton cinéma !

Jean-Paul coule. Quelques bulles puis le silence...


Alice et David se regardent, gênés.
La caméra s'attarde sur la surface noire des flots : Jean-Paul va-t-il ressurgir comme le
requin des " Dents de la mer " ?

David et Alice retournent vers le bateau. Il leur manque quelques centimètres pour
qu'ils puissent avoir une prise.
Impossible de remonter à bord.

ALICE ( regardant autour d'elle )


Il va ressortir, tu vas voir !

Alice, inquiète, nage en rond.

DAVID

-100-
Merde, fallait mettre l'échelle !

Ils font quelques essais avec Alice prenant appui sur David mais la courte échelle dans
l'eau ce n'est jamais très facile.
Pris d'un fou-rire nerveux, ils finissent par chahuter dans l'eau et s'embrasser.

-144-
Alice et David sortent de l'eau épuisés et trempés.

DAVID
Depuis le temps que je voulais me baigner ...

-145-
Alice et David, trempés, marchent dans la rue.
Alice porte la main à son cou, d'où la chaîne avec la pierre a disparu.
Elle fait demi-tour.
ALICE
J'ai perdu ma chaîne ... Il faut retourner sur la plage !

DAVID
Ça va pas !

ALICE
C'est mon porte-bonheur !

DAVID
T'en n'a plus besoin maintenant.
C'est moi ton porte-bonheur.

ALICE
J'ai rêvé, ou tu m'as appelé mon amour pendant la
bagarre ?

DAVID
Non ... (silence)... T'as pas rêvé...

Alice et David s'embrassent, le bouquet final du feu d'artifice embrase la nuit


estivale.

-146-
Alice et David arrivent à la villa.
La marche forcée les a exténués.
Alice appelle sa soeur.
ALICE
Béa !

Pas de réponse.

-101-
David regarde dans l'armoire : plus de sac.
Alice explore la maison.
Suspens.
ALICE ( proche des larmes )
Un malheur est arrivé !

Soudain... un râle venant du jardin.

BEATRICE
Alice ...

Alice se précipite dehors.

ALICE
Bébé !

Béatrice par terre, le visage recouvert de terre, les cheveux en bataille.

BEATRICE ( à David )
Ton copain est revenu ... J'ai voulu me défendre mais
... ( elle déglutit avec difficulté ) Il a fouillé partout ...
il a pris quelque chose dans l'armoire... il est parti ...

ALICE
Je vais appeler les ...

BEATRICE ( l'interrompant, rassurante )


Non, t'appelle personne ... Ça va ...

On entend des dents qui claquent. Les filles se retournent vers David.

DAVID ( grelottant )
J'ai froid ...

-147-
Sur la plage déserte.
Le jour se lève.
Le corps de Jean-Paul gît sur le sable, léché mollement par les vagues.
Une femme avec un caddie ( la clocharde déjà vue à la scène 56 ) s'approche du
corps.
Le poing de Jean-Paul est fermé, sur la chaîne d'Alice.
La femme regarde autour d'elle, il n'y a personne.
Elle ouvre le poing, prend la chaîne et déguerpit.

-148-
Devant la villa.
Béatrice est déjà dans la rue, son sac-boudin à la main.
Sur le seuil de la bâtisse, Alice et David.

-102-
David porte un nouveau T-shirt ( un chat, dessiné par Franquin, qui se roule par terre
et qui dit "J'aime les caresses" ). Alice l'enlace amoureusement par la taille et, de
l'autre main, croque dans une copieuse tartine de confiture.

ALICE ( à Béatrice )
Pour la semaine prochaine, tu t'es décidée ?

BEATRICE
Je sais pas encore, je t'appellerai ... Tchao ...

Béatrice leur envoie des bisous et s'en va en marchant.


En se retournant pour rentrer, Alice renverse sa tartine sur le T-shirt de David. David
contemple dégoûté son T-shirt taché de confiture.

DAVID ( retrouvant ses vieux réflexes )


Merde, fais chier !

Alice baisse la tête, penaude.

DAVID ( doux comme un agneau )


C'est pas grave ... Maintenant je m'en fous

Elle sourit.
ALICE
Je vais te chercher un t-shirt propre.

DAVID
C'est pas la peine...

ALICE
Si, j'aime bien quand t'es beau...

Il l'embrasse tendrement.
Alice rentre dans la villa.
David s'asseoit et prend le frais sur le perron.
Sa méditation est troublée par des aboiements qui proviennent du jardin derrière.

-149-
Dans le jardin.
David découvre le york qui gratte frénétiquement une plate-bande toute proche du
perron.
DAVID
Arrête, tu vas niquer les plates-bandes d'Alice !

Le chien continue de gratter.

DAVID
Tu cherches quoi, un nonosse ?...

-103-
David le caresse alors qu'il continue de gratter.
Soudain, David se recule dans un mouvement d'effroi.

Le york tire sur la main d'un cadavre.


Le chien continue de creuser, bientôt le visage sans vie de Gérard apparaît ...

-150-
Agence location de voitures.
L'employée, déjà aperçue, remet des clés en souriant à Béatrice qui finit de signer un
formulaire.
Aux pieds de Béatrice, dans son sac-boudin légèrement ouvert on aperçoit le haut du
sac à dos de David.

-151-
Route : Béatrice au volant de sa voiture de location.
Une jeune fille fait du stop : c'est celle qu'on a vue dans la scène d'ouverture.
Béatrice s'arrête. La fille monte.

LA FILLE ( montant dans la voiture )


C'est rare que des femmes me prennent ...

BEATRICE
J'ai fait du stop pendant des années ...

LA FILLE
Et maintenant c'est fini ?

BEATRICE ( joyeuse )
La roue tourne

La fille sourit et regarde discrètement et avidement le sac-boudin sur la banquette


arrière

La voiture disparait sur la bande d'asphalte.

Fin

-104-
LES BOTTES DE PAILLE (chanson)

Couplets:

On se chamaille, on se jette des bottes de paille


Bonjour la pagaille, mais tu sais bien, j'veux pas que tu sortes des rails Flanque pas notre
amour à la baille, pour une histoire qui sent l'ail
T'm'connais, j'peux pas rester sage
J'embrasse tes larmes, ça me rend malade.

Demain tu vois, ça veut rien dire, si t'es pas là !


Dis-moi pourquoi, ce gars est toujours fourré derrière toi ?
Tu cherches à t'envoler loin de moi
Oh va pas tout casser, fais pas ça !
Je sais bien, j't'ai donné quelquefois
De bonnes raisons de me tuer, excuse-moi !

On joue à la balle, tu m'as serré dans tes mailles


Sur la piste du bal, te voir danser ça me fait mal
Mais tu sais bien, qu'il faut qu'ça aille
Que ça reste raisonnable
J'ai beau m'cacher la tête dans le sable
Je vais tout brûler, me dis pas bye-bye.

Sur le banc des remplaçants, j'veux pas y rester longtemps

Refrain
Tu dis, tu dis bye-bye, j'me taille
J'rentre chez moi, j'me fais la malle, j'joue plus avec toi !

Tu fais la canaille, je joue pas !

Bye-bye l'amour, tu t'ailles c'est pas beau


Bye-bye, tu me blesses tes marques sur la peau
Bye-bye tendresse, t'm'blesses et c'est pas beau.

-105-

Vous aimerez peut-être aussi