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Economies, sociétés,
civilisations
Abstract
The appearances of the comets in 1654 and 1680 provide an illustration of the manner in which 17th century absolutism formed
culture specific to social elite through process of marginalization The formerly common culture thus became restricted to the
popular masses ft became the object of tripartite attack that of the fashionable social elite that of the Enlightenment and of the
Church itself which denounced superstition One finds evidence for this in the writings of Bayie of Abbé Thiers of Père Lebrun of
Dom Calmei and of Lenglet Dufresnoy It is thus false to suppose that the rationalism of the Enlightenment destroyed popular
culture Repeated denunciations of it prove that it was still very much alive Analyses of the articles devoted to The History of
Superstitions in the Encyclopédie demonstrate the ambiguity of the philosophical position For those who know how to read them
and to take into account their formulation they translate unmistakably into what has been termed in another context the return of
the repressed
Goulemot Jean-Marie. Démons, merveilles et philosophie à l'Âge classique. In: Annales. Economies, sociétés, civilisations. 35ᵉ
année, N. 6, 1980. pp. 1223-1250;
doi : https://doi.org/10.3406/ahess.1980.282699
https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1980_num_35_6_282699
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peut-être que la première approche intéressante un savoir paysan se soit faite par
intermédiaire des petits livres de la Bibliothèque bleue de Troyes Livres petits de
qualité moindre mais livres quand même Si nul ne peut ignorer les travaux des
folkloristes pour accéder une connaissance des cultures majoritaires mais non
dominantes de Age classique qui jamais rêvé de trouver au ur de
archive écrite trace une parole paysanne porteuse une culture propre hors
de interpellation de ceux qui la dénigrent la refusent ou la nient Il est facile de
montrer que la quête une parole paysanne reflexive est illusoire et il est
de parole paysanne présente dans la mémoire écrite que soumise la nécessité de
répondre au juge agent du fisc ou aux officiers seigneuriaux Ces limites posées
il ne agit pas de rejeter le livre comme un trop faible secours dans une recherche
des cultures marginalisées erreur peut-être été de interroger dans la
perspective une transparence le livre étant alors défini comme un reflet Aux
almanachs aux livres de la Bibliothèque bleue de Troyes il été demandé de livrer
ce que pensaient les paysans qui étaient censés les lire Perspective étroite et même
simpliste qui oblige ne prendre en compte une faible masse de livres et
postuler plus ou moins implicitement que les paysans ils en sont pas les
auteurs se reconnaissent en eux Postulat très fortement discutable comme on
sait5 Il ne faut pas sous prétexte élargir un corpus par trop maigrelet confondre
représentations culturelles du paysan dans églogue la pastorale ou idylle et
réalités de univers rural Le discours littéraire sur le paysan est toujours fût-il
celui hautement favorable et largement informé de Rétif de La Bretonne extérieur
son objet soumis des médiations et des codes écriture il nous informe
est abord sur la pratique de la littérature et sur idéologie du groupe qui la
produit et la consomme La littérature consacrée aux paysans nous apprend abord
quelle image en font les milieux cultivés qui lui sont extérieurs
Néanmoins dans cette étude et pas seulement par goût du paradoxe je
proposerai pour atteindre en de du livresque le livre lui-même Non point
oeuvre littéraire ni même ce discours réflexif paysan qui existe que dans notre
désir ou cette littérature destinée élite paysanne comme put être la Biblio
thèque bleue de Troyes mais un ensemble de textes qui ont pour objet la
dénonciation des pratiques superstitions et préjugés populaires tout au long de
Age classique Vaste domaine on trouve les uvres des hommes glise
qui luttent contre les superstitions païennes encore vivaces dans les milieux ruraux
ou dressent en historiens comme Lenglet Dufresnoy archive des croyances
populaires écrits de médecins comme ceux de Bienville qui lutte contre les formes
archaïques de la pratique médicale uvres de philosophes comme Bayie Duval ou
les encyclopédistes de mondains enfin comme abbé Bordeion Ce qui unit cet
ensemble de textes dont je aurai pas outrecuidance de croire ils constituent
une formation discursive mais dont je pense ils préfigurent ce étoffés élargis
aux discours des appareils judiciaires hospitaliers académiques elle pourrait être
est ils écrivent dans la dénégation et le refus Extérieurs leur objet
puisque écrivant un ailleurs culturel sans doute le jugeant le refusant au nom
de la Loi religieuse ou de la Raison et pourtant existant que par lui criture de la
distance de ironie et qui pourtant traduit une fascination un attrait ce ailleurs
il est convenu appeler le retour du refoulé
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de se préparer la mort ou se terrasser dans des Caves pour éviter les mauvaises
influences 15 La stratégie scientifique mise en place pour convaincre du caractère
rationnel du passage des comètes et encouragée par le pouvoir royal et glise telle
elle apparaît dans les travaux de Cassini 1677) de Hevelius de Flamstead 16 va
de pair avec une socialisation péjorative de la croyance aux présages Elle portera
ses fruits comme le montrent les réactions au passage de la comète de 1680
En 1680 on prit la chose sur le mode plaisant dans élite parisienne et
provinciale Témoin Madame de Sévigné dans une lettre Rabutin du janvier
1681 qui écrit
Nous avons ici une Comète qui est bien étendue aussi est la plus belle
queue il est possible de voir Tous les grands personnages sont alarmés et
croient fermement que le Ciel bien occupé de leur perte en donne des
avertissements par cette Comète On dit que le Cardinal de Mazarin étant désespéré
des médecins ses courtisans crurent il fallait honorer son agonie un prodige et
lui dirent il paraissait une grande Comète qui leur faisait peur Il eut la force de
se moquer eux et il leur dit plaisamment que la Comète lui faisait trop honneur
de croire il ait de grandes affaires dans les astres quand on doit mourir
Rabutin lui répondit sur le même ton il ne croyait pas aux présages funestes
apportés par les comètes 17 Le Mercure publia des madrigaux galants inspirés par le
passage de la comète un poète satirique assura elle annon ait la mort de
éléphant de la Ménagerie de Versailles On monta même une comédie de
Fontenelle semble-t-il sur événement18
Autour du passage de la comète de 1680 apparaissent trois types interven
tion la dérision comme on le voit travers les textes précédemment cités
argumentation scientifique puisque Comiers publie dans le Mercure Galant un
Discours sur les Comètes Cassini son Abrégé des Observations et des réflexions
sur la Comète Bernouilli un traité en 1682 et La Montre une Démonstration
physique de la fausseté du système des Comètes enfin un effet de marginalisation
sociale dont tous ces textes scientifiques ou mondains sont en dernière analyse les
porteurs Pour Comiers il agit une maladie populaire dont les âmes bien
nées auront honte et dont elles doivent se guérir si elles ne veulent pas déroger Le
Journal des Savons va plus loin encore quand il assimile erreur populaire et état
archaïque des croyances dans un article intitulé Si les Comètes présagent les
malheurs
Ancien philosophe crû parce que comme elle vouloit que les Comètes
fussent sublunaires et que leur nature ne fût un amas exhalaisons de la terre
quand il arrivoit que ces exhalaisons prenoient feu ce qui ne pouvoit que marquer
une grande intempérie de la Région lémentaire il devoit ensuivre suivant cette
opinion quelque grande et considérable révolution Mais depuis que on que
les Comètes etoient des corps célestes on est désabusé de cette erreur qui est
plus une erreur populaire 19
Telle est ici équation démonstrative qui préfigure argumentation propre la part
scientifique de la querelle des Anciens et des Modernes travers le discours sur les
comètes affirment donc le refus un savoir prérationnel la conquête de champs
nouveaux la raison par histoire la supériorité contemporaine sur la science
antique et se marque avec une totale netteté la rupture avec une culture qui
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a-t-on pas veu notre Occident parmi les Lumières du Christianisme tout
infatué Horoscopes pendant plusieurs siècles Albert le Grand Evesque de
Ratisbonne le cardinal Ailly et quelques autres ont-ils pas eu la témérité de
faire horoscope de Jésus-Christ ...21
Le front est double que dessine le refus du préjugé il vise la science tout
autant que la croyance épuration au nom de la raison des données du savoir
trouve son écho dans la volonté de débarrasser la foi par le recours aux Textes aux
dogmes et la raison elle-même des superstitions qui la défigurent En rappelant
indémontrable auquel le chrétien est tenu de croire en précisant ses limites en
épurant son espace de tous les articles étrangers qui venus ailleurs ont envahi
Bayie et ses contemporains élargissent le champ contrôlé par le rationnel et désigne
comme telle la superstition en isolant Au préjugé en matière de science répond la
superstition religieuse Les Philosophes chrétiens note Comiers et tous ceux qui
ont un peu de sens commun croyent que les Comètes ne présagent ni bien ni mal
La prescience et la religion dégénérée ou non épurée des croyances qui la
précédèrent comme la mythologie par exemple mais toujours impure se rejoignent
dans erreur Par ailleurs cette distinction entre deux formes de la croyance une
définie par la Loi et autre investie par un merveilleux profane souligne la rupture
entre le christianisme des théologiens et celui des croyants la limite on peut
poser que deux religions cohabitent dans la Chrétienté La première est celle des
élites sociales et religieuses autre celle du peuple des villes et des campagnes et
bien des égards un bas-clergé peu ou mal préparé la vie pastorale où effort
de formation religieuse entreprend la Contre-Réforme attention apportée
instruction du clergé aux xvne et xvine siècles
erreur serait de croire que cette distinction entre religion savante et religion
populaire est nouvelle Sa seule nouveauté réside dans la répartition sociale
elle recouvre me semble-t-il dès le xvne siècle aube de Age classique le
mélange superstition et religion est présent tout autant la Cour et dans les milieux
aristocratiques que dans le peuple lui-même Le succès de Nostradamus par
exemple est mondain avant que être populaire Affaire des Poisons les diverses
crises qui secouèrent la Cour de Versailles plus tard engouement pour un
Cagliostro montrent que les élites aristocratiques échappèrent pas toujours la
fascination pour les mages les devins les diseurs de bonne aventure et intercesseurs
privilégiés un au-delà peuplé de démons faiseurs de merveilles On ne dira jamais
assez que la coupure culturelle aube de Age classique que peu de valeur
sociale et que culture du peuple et culture de élite politique et sociale demeurent
très proches
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nouvelles amoureuses qui ont pour cadre Espagne le Maroc. où se met en place
un exotisme visages multiples social géographique psychologique et affectif Ce
ne sont que sentiments épurés amours éternelles et jalousies exacerbées Par
ailleurs les interventions fréquentes du narrateur qui tournent le récit en dérision
ou mettent en place un code nouveau de lecture en particulier en instaurant de
nouveaux effets de crédibilité ou encore soulignent les effets de rupture une voix
culturelle autre sont lire dans la perspective un conflit culturel dont le
Roinani Comique porte témoignage Elles signifient un rapport ambigu du
narrateur écriture et son métier écrivain Soit il se rattache un jeu
culturel qui embrasse Aiiiadis des Gaules Le Tasse ou Arioste et qui conduit se
moquer de Ragotin dont on nous apprend il copié la nouvelle il raconte
un livre dont il est pas auteur ou il soit montré comme un travail où tous les
arbitraires sont licites Ainsi dans les dernières nouvelles galantes peu peu les
interventions de auteur disparaissent car il agit de poser clairement que ce sont là
des uvres littéraires relevant un code et parfaitement distinctes de ce qui se dit et
se montre dans les aventures de Ragotin 29 écart du scatologique aux nouvelles
amoureuses me semble se mesurer plus nettement encore par un récit inter
médiaire histoire du curé de Saint Louis où voisinent les thèmes galants les plus
traditionnels amours jalousies et ballets et les allusions aux nécessités bien réelles
du corps est lui qui séduit et héroïne se trouve enceinte)
Le problème posé est la juxtaposition de ces deux types de discours culturels
capables inalgré leur complète hétérogénéité de satisfaire un même public
dominante nobiliaire et mondaine En autres termes quoi correspond
idéologiquement ce mélange du scatologique du burlesque et du galant Si on
replace les tensions du Roniani Comique dans ensemble des événements culturels
sociaux et politiques qui accompagnent la mise en place de absolutisme on
comprend elles signifient une manière spécifique la forme ambiguë une
résistance nobiliaire unification des signes culturels affirme le maintien un
état antérieur de la culture par la scatologie la pétomanie le goût de excrémentiel
la gestuelle et la farce mais aussi par utilisation une langue non réglée où
trouvent place dans une unité vocabulaire des métiers mots nobles et mots bas
provincialismes de tous poils Ce on appelé le burlesque ou le baroque en leurs
formes littéraires devrait peut-être se lire comme le refus une mise au pas dans le
domaine de la langue et des formes le recours ce que la culture officielle veut
reléguer dans archaïque ou le vulgaire est-il pas significatif cet égard que
Saint-Simon en même temps il oppose la politique royale cultive une langue
en plein brassage social qui mêle tous niveaux toutes formes Par ailleurs aspect
parodique du Romani Comique oblige nuancer sa fonction de refus La parodie
des styles héroïque et épique implique sans doute une résistance mais qui demeure
ambiguë elle repose sur un savoir acquis qui permet de mesurer écart et la
caricature En fait tout fonctionne sur une complicité culturelle qui traduit une
acceptation tacite des formes littéraires nouvelles 30 La remarque vaut pour
utilisation parodique mais qui se laisse prendre son propre jeu épopée
burlesque des comédiens ne achève-t-elle pas en histoire galante des nouvelles
amoureuses
Le Romani Comique ne peut se comprendre que si on admet il se situe un
croisement où cohabitent les lieux idéologiques de discours les plus hétérogènes
signifient la nostalgie préclassique une culture unique sans interdits où le
corps parle autant que le ur et esprit mais aussi la présence condition de la
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parodie une culture classique acceptée qui voisine paradoxalement avec son
refus On comprend mieux alors que dans la trame du récit voisinent avec la farce
le carnavalesque le grossier dans les amours de Destin et Léonore de Léandre et
Angélique les données du roman galant et que par eux se donnent lire les
nouveaux modèles de sociabilité amoureuse que le règne de Louis XIV met en
place Dans le même temps la vie une troupe de comédiens ambulants en tournée
en province permet le maintien de formes culturelles archaïques auberge le jeu
de paume la beuverie les bagarres) envers du décor une culture classique
essentiellement fondée sur le théâtre la dérision la parodie Il me semble il
fallait nécessairement cette structure bi-thématique ces personnages Janus pour
que le double effet culturel fût possible et dicible Mais en même temps il est bien
évident que le choix un lieu de action il permet la mise en narration une
culture qui tend se masquer ou vivoter dans les marges une élite constitue un
discours péjoratif de la Cour sur inculture mesurée aune de la nouveauté de la
province il est aussi nécessairement le discours des gens ayant feu et lieu contre les
comédiens et les bohémiens le discours une noblesse contre la canaille qui se bat
comme le font les vilains avec ses mains
bien des égards le Romani Comique est exemplaire De la complexité des
effets idéologiques des limites dans lesquelles peut inscrire la recherche la
lumière des travaux de Bakhtine consacrés Rabelais de traces de culture populaire
dans des uvres qui appartiennent par ailleurs la culture Institution/teile31
Replacé dans le mouvement historique de absolutisme il montre la fausseté une
hypothèse par ailleurs bien tentante qui rattacherait mécaniquement selon une
logique anachronique et une dialectique un peu courte la classe marchande la
nostalgie une culture que faute de mieux et par habitude appellerai encore
populaire
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des conciles les sentiments des saints Pères et des théologiens comme dit Thiers
sert mesurer la différence Le clivage ne passe plus par le divin et le démoniaque
mais par le licite est-à-dire tenu pour tel par la Règle religieuse et illicite ou plus
évidemment la superstition ensemble de pratiques et de superstitions extérieures
la Loi venues un ailleurs culturel et relevant un ordre extérieur glise
catholique elle-même sorte de construction parasitaire son système de croyances
et ses rites
analyse du titre de ouvrage de Lebrun montre comment se rejoignent
préoccupations rationalistes et perspectives religieuses la différence de ce
avance la même époque la philosophie militante un Voltaire il pas ici
séparation radicale entre pensée laïque et pensée religieuse mais bien au contraire
opposition des deux courants alors réunis au populaire et archaïque Dans
Affa de la baguette de Jean Aymar qui occupa si fort et si longuement Lebrun
en la personne de Malebranche qui donna son avis sur ce bâton de sourcier qui
prétendait découvrir les assassins les trésors cachés et les objets perdus se trouvent
réconciliées culture religieuse et culture savance foi et raison Histoire critique
des pratiques superstitieuses fut approuvée par Académie Royale des Sciences
Fontenelle du Hamel Gallois Dodart de La Hire se portèrent garants de sa valeur
scientifique et Lebrun prétend avoir répondu aux sollicitations de personnes
savantes et pieuses Par ailleurs sa démarche bien des égards est proche de
celle de Fontenelle dans Histoire des Oracles il demande pour ne pas
donner dans le ridicule de chercher la cause de ce qui est pas. examiner avec
soin la vérité des faits dont on veut connoitre la nature >35 Plus généralement et
comme Bayie mais aussi comme Voltaire il émerveille de incroyable crédulité
qui est le défaut le plus commun
Encore il prétende examiner la question des vampires autant en histo
rien en philosophe en théologien Dom Calmei situe son analyse dans une
perspective beaucoup plus archaïsante et somme toute proche de celle un Bodin
Il agit pour lui affirmer contre la montée du rationalisme existence prouvée
par la Religion un surnaturel irréductible Aussi prétend-il ne point écrire dans
espérance de convaincre les Esprits forts et les Pyrrhoniens de existence des
Revenants des Vampires ni même des Apparitions des Anges des Démons et des
âmes. Cependant il se refuse céder au goût du merveilleux intimider les
Esprits foibles et crédules en leur racontant des Apparitions extraordinaires
faire le jeu de la superstition je ne conte pas aussi guérir les Supersticieux de leurs
erreurs ni le peuple de ses préventions pas même de corriger les abus qui naissent
de cette créance peu éclairée ni de lever tous les doutes on peut former sur les
Apparitions Son discours tente de délimiter une voie raisonnable entre la
crédulité populaire et le doute orgueilleux des élites36 qui serait celle de
enseignement des Livres Saints et de la tradition théologique On ne peut donc
nier écrit-il les Apparitions des Anges des Démons et des Esprits sans renverser
toutes les critures qui les rapportent et les supposent Mais il est permis de
raisonner sur la manière dont sont faites ces apparitions 37 En fait il agit un
déplacement de interrogation par la raison des phénomènes surnaturels Dom
Calmei ne se propose-t-il pas de se demander si les apparitions étaient réelles ou
imaginaires si les Anges avaient de véritables corps palpables ou ils ne
représentaient une espèce de fascination et illusion faite aux yeux et aux sens
des spectateurs La Dissertation de ce fait place son analyse un triple niveau
montrer que toutes les apparitions décrites dans la Bible sont nécessairement vraies
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ment exhaustive existence une telle somme en soi une signification il faut
tenter de saisir et interpréter Elle montre que ensemble des apparitions des
visions et les croyances qui les organisent constitue un objet de savoir Non pas
comme chez Bodin ou Del Rio où existence du surnaturel étant acceptée entrée
le discours des démonologues tend abord ordonner selon des catégories qui lui
sont propres objet de savoir est alors le surnaturel lui-même qui sont les
démons selon quelles classes se rangent-ils quelle est leur relation au monde des
humains Ici au contraire objet de savoir est en dernière analyse humain lui-
même étant admis que la religion nous fait obligation de croire des apparitions
origine divine La présence dans le titre des termes vision et apparition en
dit long sur la perspective adoptée Quand Lenglet Dufresnoy classe les objets qui se
présentent dans les apparitions 50 Divinité bons anges mauvais anges âmes bien
heureuses âmes dans la peine âmes réprouvées il relève un système de pensée
qui est celui des inquisiteurs et des démonologues il subvertit largement quand il
interroge sur les divers types apparitions visibles auditives imagination et
intelligence Ce qui est essentiel ici est la nature et la fonction strictement
humaines du phénomène
La bibliographie finale semblable celle que Lenglet avait donnée dans sa
Méthode pour étudier Histoire.. installe étude des apparitions et des songes
dans une conception cumulative du savoir Les témoignages par leur classement et
leur progression confirment cet effet de sens Ce que propose le Recueil de
dissertations anciennes et nouvelles est dans ce domaine la constitution une
histoire philosophique des progrès de esprit humain Il est significatif cet égard
que les derniers textes proposés tous postérieurs 1700 soient autant de mises en
question de la réalité des phénomènes surnaturels Tel lit qui bouge Saint-Maur
sous influence du Diable se révèle avoir des roulettes Lenglet publie une Lettre de
Caperon sur les fauses apparitions de 1726 des Réflexions philosophiques de
Pierquin sur évocation des morts de 1727 la Dissertation sur la possession et
sur infection des maisons par les démons de 1746 et enfin un Essai sur les
apparitions de Meyer de Halle de 1748 qui constituent des dénonciations de la
crédulité populaire et la réduction du surnaturel humain au rationnel
Il serait légitime de classer les informations sur la culture populaire que
fournissent ces quatre textes que je viens évoquer selon les critères avancés par
Arnold Van Gennep dans son Manuel de folklore fran ais contemporain 52 et repris
par Robert Muchembled dans son excellent Culture populaire et culture des
élites On retrouverait qui pourrait en douter nombre de faits évoqués par ces
deux auteurs et par suite une confirmation de pratiques envoûtement et de
protection de rituels magiques qui ont survécu la fin du Moyen Age et me
semblent contredire la thèse soutenue par Muchembled une répression triom
phante dès le xviie siècle qui détruirait largement les formes vivantes de la culture
populaire La survivance dans la littérature de formes propres la culture paysanne
et folklorique comme le montre analyse par Jacques Proust de Jacques le
Fataliste 54 le recours dans élite sociale des pratiques de sorcellerie et de magie
engouement populaire pour irrationnel religieux bien palpable lors des manifes
tations des convulsionnaires démentent assez largement hypothèse une muta
tion brutale et radicale Sans doute est-il vrai que le statut de cette culture est plus
le même elle plus le droit de cité elle est largement refoulée elle nous
est donnée lire dans les écrits des théologiens qui la récusent très fortement
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dissocient du même coup une culture où le surnaturel est per comme une
réalité
Ce apportent les textes que ai présentés est outre une image du rapport
entretiennent les élites religieuses gagnées au rationalisme avec les cultures
populaires une masse importante informations ordonner et classer sur les
pratiques culturelles des milieux ruraux qui pour paradoxal que cela paraisse ont
valeur de vécu Le monde tel il se donne travers le traité de Thiers celui de
Lebrun ou les documents réunis par Lenglet Dufresnoy est riche une infinité de
signes une multitude de malheurs Le savoir paysan offre les moyens une
protection et un recours univers visible un double sens et derrière lui il faut
percevoir ce monde invisible peuplé de forces hostiles domestiquer ou
contrarier et abord connaître Il contient toujours le mal et le remède les deux
unis parfois dans une relation de type homéopathique Les maux sont abord
ordre naturel maladies comme la gravelle la goutte le mal de gorge les
ger ures le de sang les fièvres et surtout la fièvre quarte... ou ordre
accidentel comme les brûlures les accouchements dangereux les maux dus la
foudre aux ouragans aux orages ou aux pluies Ils atteignent les personnes ou les
biens matériels les personnes sont malades et meurent ou sont condamnées
impuissance sexuelle les biens matériels sont contaminés détruits par les
incendies ou dévorés par les animaux ou les parasites charan ons vers rats
fourmis. Apparaissent donc comme fondamentalement en danger dans un
univers hostile la vie santé et puissance virile donc donneuse de vie et la
richesse nécessaire cette même vie que possède chacun Les menaces sont
réelles mais virtuelles effets de forces où proviennent les malheurs qui peuvent
être utilisées pour qui en connaît les secrets 59
lire ouvrage de Thiers on prend conscience aux maux origine
naturelle sans doute en nombre très réduit pour la croyance populaire il faut
surimposer la masse innombrable de ceux qui naissent des maléfices un pacte
exprès ou du moins tacite avec le Démon 60 bien des égards les maux ne
diffèrent que par leur origine impuissance sexuelle mise part qui est jamais
reconnue comme relevant un ordre naturel du biologique ou du vivant puisque
la sexualité est symbole de vie même ils sont justiciables les uns et les autres
des mêmes préventions ce qui laisse entendre que les ligatures talismans et
phylactères 61 possèdent une puissance propre arrêter la marche naturelle aussi
bien que surnaturelle des accidents du monde des hommes Rien ne nous dit ils
ne peuvent opposer au mal origine maléfique satanique En fait plus
largement animisme du monde implique on parvienne connaître les forces
qui habitent et leur résister
Par ailleurs la culture populaire croit la possibilité un dépassement de
humain elle offre les moyens de disposer des pouvoirs extra-naturels se
rendre invisible corrompre femmes et jeunes filles gagner toujours au jeu faire
confesser les secrets. est-à-dire égaler Dieu ou au Diable et nier les limites de
humaine condition en obtenant certains effets qui surpassent les forces de la
nature 62 Mentalité magique donc où le talisman incantation le pacte
diabolique jouent un rôle fondamental et qui traduit la croyance en un univers
parallèle où les impossibilités du quotidien sont impuissantes imposer leurs
contraintes Univers parallèle différent et pourtant semblable il participe de
ses fantasmes de ses désirs et de ses peurs Pourtant ce désir impossible apparaît
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comme parfaitement marginal car ce que traduit la culture populaire est abord
la volonté de rationaliser la banale quotidienneté du malheur le froid le mari
brutal accouchement difficile et espoir jamais abandonné de vaincre le destin 63
La question de aiguillette entendons par là de impuissance sexuelle
occupe une place fondamentale dans ensemble des croyances et des pratiques
relevant de la culture populaire Elle en résume me semble-t-il toutes les données
elle seule Par elle se signifient une angoisse profonde de la mort et importance par
le biais de la sexualité attachée la survie plus encore au plaisir de la vie elle-
même En elle peut se lire une double hantise corporelle et théologique et par là les
rapports étroits entretiennent le paganisme et la théologie catholique Le corps
impuissant accomplit plus une de ses fonctions essentielles et le mariage non
consommé quand on noué au marié aiguillette apparaît ainsi que dans le droit
canon comme dénué de réalité
Les pratiques par lesquelles se noue ou se dénoue aiguillette sont tout aussi
fondamentalement exemplaires utilisation de prières tronquées ou détournées de
leur finalité propre gestuels valeur magique pratiques discursives rituelles
maniement des objets utilisation des fins libératoires aliments usuels comme le
sel... ou encore simples mesures de bon sens fussent-elles condamnées par la
morale et les bonnes urs64. échantillonnage est révélateur de espace
imaginaire populaire de ambivalence des objets quotidiens du mélange du
symbolique et du réel des valorisations immédiates et plus subtilement distanciées
Dans cette optique on appréciera leur valeur ces deux pratiques relevées par
Thiers pour dénouer aiguillette Faire mettre les nouveaux Mariés tout nuds sur
le pavé ou sur la terre faire baiser époux le gros doigt du pie gauche de
épousée et épouse le gros doigt du pie gauche de époux leur faire faire
chacun un signe de croix avec les talons et un autre signe de croix avec leurs
mains et les obliger de prier Dieu il les délivre du maléfice ils souffrent65
Mais aussi Percer un tonneau de vin blanc dont on encore rien tiré et faire
passer le premier vin qui sort dans la bague donnée épouse avec cette variante
Pisser dans le trou de la serrure de glise où on épousé 66
Demeure tout aussi vivace au xvine siècle dans les milieux populaires urbains
et ruraux la croyance en la présence de signes cataclysmes apparitions
extraordinaires sens second objets familiers rencontres inattendues. le monde
est un grand livre déchiffrer et lire qui annonce aux hommes leur avenir et leur
destin La culture populaire croit donc avec ferveur aux présages est-à-dire
existence des signes et existence un code qui permet de les traduire en termes
histoire individuelle ou collective On en verra de nombreux exemples chez
Lenglet Dufresnoy et chez Lebrun Ainsi homme qui apparut Besan on pour
proclamer Peuples peuples amendez-vous ou vous êtes la fin de vos jours
apparition suivie une grande obscurité puis un déluge et un tremblement de
terre et il homme qui regarde cela qui les cheveux ne se dressent sur la tête
car est une chose merveilleuse effraïante et épouvantable voir Plusieurs
personnes ont certifié ces choses. ajoute la chronique rapportée par Lenglet
Dufresnoy On ne compte pas les nombreux changements de couleur du soleil
plus rouge que le sang le plus fréquemment les cortèges qui sillonnent le ciel
jaillis brusquement une nuée De cette nuée est sorti un grand nombre de gens
habillés de noir et armés comme gens de guerre pied et cheval marchant en
ordre lesquels ont passé tout bellement par dedans ce Soleil vers Orient et cette
troupe été suivie derrière un grand et puissant homme qui été beaucoup plus
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devant que les autres 67 la fin du xvne siècle et au début du xvnie Paris est le
théâtre apparitions multiples revenant dans la rue des coufles rue du Mont-
Cenis apparition de la mère Marie-Angélique Arnaud abbesse du Port-Royal de
Paris. Apparitions aussi Valogne Dourdan un horrible et très épouvanta
ble démon sur glise-Cathédrale de Quimper Corentin en Bretagne ledit
démon de couleur verte ayant une longue queue de pareille couleur 68 Ces récits
apparition valeur de présage comportent les moyens de parer aux dangers ils
annoncent Ainsi Quimper Corentin on fit jeter un pain de seigle de quatre sols
dans lequel on mit une Hostie consacrée puis on prit de eau bénite avec du lait
une femme nourrice de bonne vie et tout cela jeté dedans le feu tout aussitôt le
démon fut contraint de quitter le feu et avant que de sortir il fit un grand remue-
ménage 69 On retrouve là la même structure du malheur et de sa parade qui
définit le dualisme que la culture populaire prête au monde humain dans ses
rapports invisible et au surnaturel
il existe au même titre que les sorcières qui agissent sur les forces occultes ou
connaissent les moyens de lutter contre elles 70 des magiciens devins capables de
trouver des choses cachées ou de deviner avenir chacun peut tenter son
compte de déchiffrer les incertitudes de avenir par exemple la nuit des Calendes
de janvier en demeurant assis la tête de deux chemins sur une peau de taureau
ou encore en faisant cuire des pains cette nuit pour en tirer bon augure si ces pains
devenoient gros et bien levés 71
cette abondance de signes artificiellement constitués ou naturellement
présents dans le monde répond la circulation incessante des âmes Malgré les
le ons de glise évangélisation des campagnes la chasse acharnée aux sorcières
affirme encore en plein xvnie siècle me semble-t-il animisme fondamental de la
culture populaire Sans doute ce peuplement du monde que décrivait ironiquement
déjà Balthasar Bekker est-il plus de mise mais lui-même ne mettait-il pas en doute
la croyance au Diable Le commun sentiment on du Diable écrivait-il de sa
connaissance de son pouvoir et de ses opérations et des gens qui sont accusés
avoir commerce avec lui commen me devenir très suspect par le secours des
lumières naturelles que ai communes avec les autres hommes lesquelles étoient
fortifiées et purifiées par criture 72 Ce qui demeure essentiel dans cette vision
du monde est pourtant la croyance la présence des âmes errantes cet égard
ouvrage de Lenglet Dufresnoy est riche de références Lui-même ne classe-t-il pas
les objets qui se présentent dans les apparitions outre la Divinité les bons anges et
les mauvais en âmes bien heureuses âmes dans la peine âmes réprouvées 73
II est par ailleurs évident que les apparitions servent faire connoitre aux fidèles
état des âmes séparées de leurs corps Telle âme de ur Alis de Telieux morte
sans prières ni funérailles et qui cherche sépulture chrétienne 74 ou celle de cette
femme du Faubourg Saint-Marcel après elle demeurée cinq ans entiers
ensevelie. parlé son mari et lui commandé de faire prière pour elle même
si cette histoire permet Lenglet Dufresnoy de poser la question plus générale de
savoir si les esprits de ceux qui sont morts voire dès très long tems peuvent
revenir pour conclure que dans cette affaire étoit une tromperie de la part de
quelque voisin ou une imagination de la part du mari dont le cerveau étoit blessé
Qui ne voit dans ce récit une suite de bagatelles
Dans les coulisses du monde visible la culture populaire pose existence un
grouillement de créatures invisibles âmes en détresse des humains déjà morts
créatures maudites comme diables et vampires dont Dom Calmet démontre
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EN FRANCE SOCI ET CULTURE
créatures maléfiques est pas morte Oufle pourrait passer la première lecture
pour une figure semblable celle de Don Quichote Mais il entre Oufle et le
Chevalier la Triste Figure une différence fondamentale si un et autre
participent par archaïsme culturel un monde aboli et ils reconstruisent
univers la lumière de ce passé les contemporains de Don Quichote et Sancho lui-
même savent bien que les moulins vent ne sont que des moulins et Dulcinée un
souillon auberge les contemporains de Oufle eux bien souvent sont prêts
prendre pour des réalités ces créatures maléfiques qui existent que dans son
imagination bien regarder Oufle est pas tellement étranger en son
monde Il est ce par quoi se dit la résurgence toujours possible chez tous une
culture ancienne
Cette ambiguïté de la signification des Extravagances de Oufle est présente
au ur même de Encyclopédie en ai analysé les articles qui ont trait des
éléments de culture paysanne Grâce aux renvois je crois autant on puisse être
avec ces milliers et milliers de pages avoir été aussi complet que possible 85 La
perspective de Encyclopédie est extrêmement nette ensemble de ces articles en
général uvre de Jaucourt appartient aux séries Histoire des superstitions et
Sortilège et divination Par cette inscription se signifie paradoxalement appar
tenance de ce fragment du discours encyclopédique ensemble du discours
théologique chrétien contemporain ailleurs Del Rio et Thiers sont assez souvent
la source de information contenue dans les articles Il aura donc abord une
péjoration de type religieux un refus de ce qui est appelé superstition Ainsi la
sorcellerie définie entrée comme une opération magique honteuse et ridicule
attribuée stupidement par la superstition invocation et au pouvoir des démons
La définition que Encyclopédie propose de la superstition Culte de religion
faux mal dirigé pleine de vaines terreurs contraire la raison et aux saines idées
on doit avoir de tre Suprême est cet égard parfaitement éclairante
Conscient par ailleurs il existe un surnaturel chrétien auquel il faut croire le
rédacteur du Dictionnaire des Sciences et des Arts en remet aux théologiens pour
déterminer les limites que ne peut franchir le rationalisme Dans article
Sortilège il écrit Le sortilège est compris dans ce que on appelle en général
magie mais il particulièrement pour objet de nuire aux hommes soit en leur
personne soit en leurs bestiaux plantes et fruits de la Terre Il appartient aux
Théologiens de traiter une matière si délicate On reconnaîtra là espace discursif
offert aux démonologues et aux théoriciens ce qui explique que la partie
technique de article Incubes soit entièrement prise chez Del Rio tout
comme les articles Sabbat Succubes Cette référence constante la
demonologie accompagne dans le même temps une mise en cause critique de
ses affirmations Ainsi dans le domaine des rêveries qui composent la Magie
naturelle il est reproché la théologie de faire trop souvent cause commune
avec la superstition article Sabbat se termine par un jugement défavorable de
Malebranche sur Del Rio auquel on reproche de ne pas avoir une certaine force
de raisonnement qui satisfasse le lecteur
En fait au discours théologique Encyclopédie préfère bien vite le credo
philosophique Et abord le refus de emploi de la violence institutionnelle contre
la superstition Jaucourt dans article Sorcellerie se félicite de arrêté de 1672
qui défend aux tribunaux du royaume admettre de simples accusations de
sorcellerie il attribue la raison naissante Vient ensuite la rationalisation
des phénomènes que la superstition considère comme surnaturels incompré-
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EN FRANCE SOCI ET CULTURE
continue participer une culture archaïque Car est bien le bas-peuple qui
continue croire aux loups-garous article Loup-Garou où il est parlé du menu
peuple et des laboureurs) ou aux almanachs article Astrologue .ou encore des
peuples demeurés dans leur enfance comme les Lapons et en général les peuples
barbares qui cultivent la magie et en font grand cas article Magie Dans cette
vision progressive de histoire où la barbarie primitive est vaincue par les progrès
de la raison les peuplades primitives et le peuple accroché ses superstitions ont
même statut La triple hiérarchisation historique géographique et enfin sociale
recouvre une même division entre ceux qui participent de la raison et ceux qui en
sont éloignés Image du monde qui est symbolique du mouvement des Lumières et
de ses contradictions idéologiques profondes qui concilient une visée pédagogique
humaniste dimension egalitaire avec un point de vue strictement européo-
centriste et la conscience de constituer le discours une élite gardienne du savoir et
de la raison
Tout naturellement peut-être se donne lire dans le discours que tient
Encyclopédie sur les superstitions populaires prérauonnelles ou magiques
faudrait-il peut-être écrire essentiel de la thématique philosophique Ne va-t-on
pas reprendre une des affirmations les plus chères de la pensée
anticléricale un Voltaire ou un Holbach selon laquelle la religion aurait été
inventée par les tyrans et la caste des prêtres pour mieux aliéner et exploiter la
masse 86 Aussi lira-t-on dans article Enchantement ce sont des paroles et
cérémonies dont usent les magiciens pour évoquer les démons faire des maléfices
ou tromper la simplicité du peuple > idée qui est reprise dans article Astre où
accent est mis sur les imposteurs qui utilisèrent astrologie pour tromper les
peuples et les dominer
Ainsi analysés les articles de Encyclopédie qui traitent des croyances
populaires offrent un étrange mélange ils prennent appui sur un ensemble de
données et de perspectives prises la théologie mais confondent dans une même
réprobation la superstition telle que la définit la norme religieuse un Thiers et
un Lebrun et la croyance religieuse elle-même Ainsi bien des égards le
discours de Encyclopédie se confond avec le discours antireligieux des Lumières
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J-M GOULEMOT PHILOSOPHIE ET SUPERSTITION
double phénomène Tout abord la réalité une culture autre sous-jacente bien
vivante malgré les progrès de la raison et entrée dans une époque de philosophie et
de lumières Mais aussi une fascination tout fait surprenante pour irrationnel lui-
même en verrai la preuve dans les définitions de type objectif que le Dictionnaire
propose Astragalomanie ou Astrologie par exemple crire que
astrologie est art de prédire les événemens futurs par les aspects les positions et
les influences des corps célestes est-ce pas reconnaître du même coup elle
peut parvenir Ceci même si dans le cours de article pointe le discours
démystificateur de la raison sur les arts prétendus de la divination Cette double
parole encyclopédique discours de intérieur même de objet décrit et discours
une extériorité qui le juge apparaît plus nettement encore quand les articles sont
soumis ce que appellerai la dissociation des énoncés Ainsi dans article
Fascination on expliquera essentiellement de intérieur ce elle est pouvoir
prétendu de ceux qui causent des maladies aux hommes aux enfants surtout et
aux bestiaux par effet de certaines paroles magiques et même par le regard est
une sorte enchantement Les symptômes dominans des maladies produites par
cette cause sont la fièvre hectique le marasme le plus souvent suivis de la mort
en maintenant par le mot prétendu une vague apparence de dénigrement que
dément le ton affîrmatif de article Et dans article Maléfice on tentera de
réduire la fascination un ensemble de faits naturels
Le passage du refus la fascination existe pas une tentative pour expliquer
la fascination existe et on peut rendre raison de quelques-uns des phénomènes du
maléfice et particulièrement de celui on nomme fascination me semble
révéler le rapport ambigu que Encyclopédie entretient avec les croyances
magiques autant plus que les explications proposées tournent le plus souvent
court et relèvent une démonstration métaphorique il con comme une
fronde pour rendre naturelle la fascination par le regard en est un bel exemple La
reconnaissance de pouvoirs parallèles de causalités autres des phénomènes ne
relevant pas des explications communément admises cette technique du déplace
ment correspond des équilibres de compromis Ce qui importe ici ce est pas tant
échec du rationalisme que acceptation partielle une vision du monde qui
semblait exclue de la culture des élites
Sans aller parler de fascination il faut admettre que le discours
encyclopédique sur les superstitions ne affirme pas en toute neutralité conqué
rante Nombre articles se contredisent dans le déroulement même de leur
rédaction comme si la dynamique de écriture laissait transparaître un non-dit un
refoulé article Astre après avoir affirmé que application de astrologie la
médecine eut lieu durant les temps ignorance il agit là une doctrine
outrée remplie absurdités finit par se proposer de séparer le vrai du faux...
de retenir et de faire apercevoir ce il peut avoir utile et avantageux dans
cette science pour reconnaître enfin une influence morale des astres en
soulignant que les auteurs du Dictionnaire se contentent exposer les faits sans
hazarder un jugement qui ne pourroit être inconsidéré Or est bien dans
exposé des faits comme article une nouvelle fois contradictoire le reconnaît
que réside toute la difficulté
Il est pas rare de rencontrer des articles une même série en parfaite
opposition la prudence vaguement acquies ante de article Astre répond le
rejet radical de article Astrologie astrologie judiciaire est art prétendu
annoncer les événements moraux ceux qui dépendent de la volonté et des actions
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EN FRANCE SOCI ET CULTURE
libres de homme comme si les astres avoient quelque autorité sur lui Tout se
passe comme si la raison philosophique tentait par des sursauts et des affirmations
tranchantes échapper la fascination pour irrationnel et le primitivisme
Pour en finir avec cette analyse de émergence du refoulé qui trouble la sûreté
du discours encyclopédique je voudrais signaler deux articles qui sous deux noms
différents traitent du même objet article Loup-garou relève de Histoire des
superstitions et Lycanthrope de la série Médecine Dans le premier il est dit
est dans opinion du menu peuple et des laboureurs un esprit malin très
dangereux travesti en loup qui court les champs et les rues pendant la nuit Il faut
quelquefois rappeler ces sortes de traits aux hommes pour leur faire sentir les
avantages des siècles éclaires On reconnaîtra là toutes les marques déjà analysées
du rejet par élite une culture populaire mais aussi optimisme satisfait et
triomphaliste des Lumières Dans article Lycanthrope le rédacteur écrit
Homme transformé par un pouvoir magique ou qui par maladie les
inclinations et le caractère féroce un loup Etrange glissement de sens on
admet ici la réalité du loup-garou quitte la définir comme un effet pathologique et
on met sur le même plan maladie et magie ce qui implique que la valeur des
sortilèges et des enchantements ne peut être mise en doute Comme le montre
article Mélancolie sur la figure du fou viennent se loger les peurs ancestrales
que les hommes un passé proche projetaient sur les créatures mauvaises de la nuit
Jean-Marie GOULEMOT
niversitede Tours
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NOTES
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57 Sur Jamerey Duval on verra mon édition sous le titre Enfance et education paysannes au
XVIIIe siècle paraître aux ditions du Sycomore
58 MUCHEMBLED op cit. Iré partie
59 THIERS op cit. livre qui traite des Phylactères 320 ss
60 THIERS op cit. 343
61 Thiers les définit ainsi Certains remèdes superstitieux que on lie ou que on attache au
cou aux bras aux mains aux pieds aux jambes ou quelques autres parties du corps des hommes et
des bêtes pour chasser certaines maladies ou pour détourner certains accidens est de là ils
appellent aussi ligatures cause on les lie 328
62 Id. 360
63 Pour vaincre orage 347 pour préserver des maladies 362 pour éteindre les
incendies 368 pour guérir les animaux 370 pour un bon accouchement 374..
64 Voir en particulier ce qui concerne les pratiques pour dénouer aiguillette IV livre
chap
65 THIERS op cit. IV 586
66 Id. 588
67 LENGI.ET DuFRESNOY op cit. II Description un signe et miracle qui été vu au Ciel le
jour de Décembre dernier en la ville Altorff au pays de Wirtemberg 11
68 id. III La vision publique un horrible et très épouvantable démon sur glise de
Quimper Corentin en Bretagne 112
69 id. 113
70 Voir MUCHEMBLED La sorcière au village op cit. 107 ss
71 LEBRUN op cit. éd cit. II 561
72 Balthasar BEKKER Le Monde enchanté ou examen des communs sentimens touchant les
esprits leur nature leur pouvoir leur administration et leurs opérations et touchant les effets que les
hommes sont capables de produire par leur communication et leur vertu traduit du hollandais
Amsterdam 1694 vols Préface
73 LENGI.ET DUFRESNOY op cit. préface i.xx ss
74 Id. chap de la première relation
75 Id. 97
76 Id. 71
77 Michel FOUCAULT Histoire de la sexualité La volonté de savoir Paris 1977
78 Robert MANDROU Magistrats et sorciers en France au XVIIe siècle Une analyse de
psychologie historique Paris 1968
79 Robert MUCHEMBI-ED op cit. Deuxième partie
80 Le traité de Laurent Joubert aura des éditions en 1578 1579 1586 Sous un autre titre
Erreurs populaires et propos vulgaires touchant la médecine en 1580 1608 1600-1601..
81 Voi.TAiRE Lettres philosophiques Lettre xi
82 TIF DE LA BRETONNE le personnage du berger conteur dans la première époque de
Monsieur Nicolas Voir aussi LE ROY LADURIE art cit
83 Ce texte est repris en 1754 et en 789 cette date dans la série des Voyages imaginaires et
romans cabalistiques vol que publie avocat Garnier
84 Publié Paris en 1689
85 ai pris en compte pour essentiel les articles suivants Apparition Astre Astrogalomanie
Astrologie Astrologue Charme Enchantement Fascination Fée Incubes Lycanthrope Ligature
Loup-garou Lutin Magiciens Magie Maléfice Médecine magique Mélancolie Pierre philoso
phale Préjugé Préservatif Remède Sabbat Sorcellerie Sorcier Sortilège Succubes Superstitions
Vampires
86 Par exemple dans le Dictionnaire philosophique ou Essai sur les urs de Voltaire ou
encore La Contagion sacrée de Holbach
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