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Article 1

de synthèse
la
p
ph

OPHTALMOLOGIE DES NAC


1

Les affections
Juliet bazior
Itinérante en ophtalmologie vétérinaire
3, allée Gabrielle-Dorziat
oculaires
chez le lapin
64200 Biarritz

0,05 CFC
par article lu

Les affections du système lacrymal, des conjonctives et de la cornée ne doivent pas


être confondues car leurs causes et leurs traitements sont différents.

La dacryocystite
qui accompagne
ces deux affections
sont très différents.
un traitement
chirurgical.
2. Dacryocystite
souvent les maladies Chez le lapin, les La membrane La dacryocystite est de loin l’affection oculaire la plus
dentaires des lapins ulcères cornéens conjonctivale couramment rencontrée chez le lapin de compagnie
(photos 1 et 2).
Résumé

de compagnie est profonds ont épicornéenne


fréquente et sous- tendance, à l’inverse constitue une autre
diagnostiquée. de ce qui se passe particularité propre Étiologie
Il convient de ne chez les carnivores aux lagomorphes La cause d’une dacryocystite est presque toujours une
pas la confondre domestiques, à qu’il convient de affection dentaire qui entraîne une stase des larmes en
avec une simple se compliquer savoir reconnaître. regard du canal lacrymal et une infection bactérienne
conjonctivite car d’abcès cornéens,
secondaire [2, 8, 18, 19, 22]. Deux théories différentes ten-
les traitements de qui nécessitent
tent d’expliquer l’étiopathogénie des troubles dentaires
chez les lagomorphes de compagnie (encadré).
Les principaux sites d’occlusion se situent à la base des
racines des incisives supérieures et plus rarement des
prémolaires, ce qui correspond aux deux points de rétré-

L
cissement du canal [2, 10].
es atteintes de la conjonctive et de la cornée sont Les bactéries les plus souvent impliquées sont Fusobacte-
fréquentes chez le lapin, mais la dacryocystite rium nuclætum, Prevotella heparinolytica, Prevotella sp.,
reste de loin la maladie la plus couramment ren- Streptococcus milleri, Actinomyces israeli et Arcanobacte-
contrée par le praticien. Cet article décrit les affec- rium hæmolyticum [18]. La pasteurellose peut également
tions du système lacrymal, des conjonctives et de être à l’origine d’une dacryocystite [15].
la cornée dans cette espèce, et propose une méthode de
diagnostic, ainsi qu’un traitement pour chaque cas de Signes cliniques
figure. Le premier signe clinique observé est généralement un
épiphora. Au fur et à mesure que l’infection s’installe, un

SYStÈMe LACrYMAL écoulement purulent apparaît. Il perle à partir du point


lacrymal et peut être associé à une rhinite purulente. Une
conjonctivite est le plus souvent présente à ce stade-là et
1. Kératoconjonctivite sèche la pyodermite secondaire est fréquente. Une kératite peut
La kératoconjonctivite sèche est une maladie rare chez le ensuite se développer à la suite du contact de la cornée
lapin, et dont l’étiologie reste inconnue. Une conjonctivite avec le pus. Une panophtalmie aggrave parfois le tableau
sèche et un blépharospasme sont constatés [18]. clinique dans les cas très chroniques [2, 8]. Le diagnostic
Le diagnostic différentiel inclut une blépharite, une différentiel inclut une conjonctivite bactérienne, la myxo-
conjonctivite et une dacryocystite. matose et un abcès rétrobulbaire.
Un test de Schirmer ou un test au rouge phénol doivent Le diagnostic passe par des radiographies dentaires, une
être réalisés pour confirmer le diagnostic. Les grandes dacryocystorhinographie de contraste et la bactériologie
variations des valeurs normales entre différentes races afin de mieux cibler l’antibiothérapie [18].
rendent ces examens difficiles à interpréter [23]. Elles se
situent le plus souvent entre 15 et 25 mm en 15 secondes traitement
avec le test au rouge phénol (Tevetest®). Un traitement Le traitement consiste tout d’abord à cathétériser l’unique
topique à la cyclosporine à 0,2 %, 2 fois par jour doit être point lacrymal et à irriguer les canaux lacrymaux à l’aide
mis en place. d’une solution saline stérile (photo 3). Plusieurs irrigations

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Les affections oculaires
Canin
1. Abcès dentaire et dacryocystite, vue chez le lapin
latérale. La kératite résulte ici du contact
prolongé de la cornée avec le pus.
photo : J. bazior-langhan

2. Dacryocystite
sans atteinte du
globe oculaire.
Un épiphora est
bien visible.
3. Technique
d’irrigation du
canal lacrymal,
utilisée pour
traiter une
dacryocystite.
photos : J. bazior-langhan

2 3

à quelques jours d’intervalle sont parfois nécessaires. Signes cliniques et traitement


Une antibiothérapie longue par voie topique est souvent Chez ces lapins, une inflammation conjonctivale, un
requise [2]. En cas d’infection sévère, une antibiothéra- épiphora, un écoulement purulent et un chemosis sont
pie par voie générale est également indiquée [12]. Il est constatés. Les conjonctivites bactériennes sont souvent
important de toujours associer une quinolone à la péni- associées à la dacryocystite. Le diagnostic différentiel
cilline G seule (tableau) [18]. inclut les conjonctivites virales telles que la myxomatose
Ce traitement médical permet de gérer les symptômes si et les poxvirus [11, 18].
la dacryocystite n’est pas trop avancée. Cependant, les Le traitement repose sur les antibiotiques systémiques et
récidives à plus ou moins longue échéance sont quasi topiques. La bactériologie permet de mieux cibler l’anti-
systématiques. Seule l’extraction des dents incriminées biothérapie [11]. Le pronostic est bon à réservé suivant
permet une guérison complète. Il convient alors, avant les bactéries impliquées.
de procéder aux extractions, de préciser le niveau de
compression en réalisant une dacryocystorhinographie. 2. Conjonctivite non infectieuse
Les rechutes après ce traitement chirurgical sont rares, Différents facteurs prédisposent les lapins aux conjoncti-
exception faite des sténoses du canal lacrymal d’origine vites non infectieuses : l’irritation par les litières pulvéru-
cicatricielle ou infectieuse [2]. lentes, l’utilisation d’un désinfectant inapproprié, une trop
Le pronostic est bon si le canal lacrymal n’est pas endom- grande concentration d’ammoniac dans l’air ambiant, les
magé par l’inflammation chronique, et que les dents res- traumatismes mécaniques, chimiques et thermiques, les
ponsables sont identifiées et extraites [2]. allergies et les corps étrangers. Le traitement repose sur
l’amélioration des conditions d’hébergement et sur la

ConjonCtive prise en charge de l’inflammation à l’aide de corticoïdes


par voie locale [11]. Lorsque ces conjonctivites sont surin-
fectées, il convient d’utiliser des antibiotiques topiques.
1. Conjonctivite bactérienne
Dans une étude effectuée sur une population de 70 lapins
sains pour déterminer la flore conjonctivale normale, les ENCADRÉ
bactéries les plus communément isolées ont été les sta-
phylocoques DNAse-négatifs (57 %), suivis par les micro-
Deux théories sur l’étiologie
coques (25 %) et Bacillus spp. (19 %) [7]. des affections dentaires
La première thèse expliquant les ceux qui sont riches en calcium
Étiologie maladies dentaires chez le lapin et en vitamine D [2, 10]. Associé
Les conjonctivites bactériennes primaires sont rares et incrimine le défaut d’usure des à une exposition insuffisante
dues le plus souvent à Pasteurella multocida [11]. Les dents en raison d’une nourriture au soleil, ce phénomène induit
conjonctivites bactériennes secondaires sont de loin trop riche en énergie, trop un hyperparathyroïdisme et
plus fréquentes [11]. Selon un auteur, les bactéries les épaisse et trop peu abrasive une ostéomalacie. La croissance
plus souvent impliquées sont Staphylococcus aureus, [14]. La seconde met en cause exubérante des dents qui en
Bordetella bronchiseptica, Streptococcus pneumoniæ, le comportement alimentaire résulte provoque une déformation
Salmonella, Chlamydophila et Hæmophilus [18]. Dans sélectif présent chez de nombreux irréversible de la cavité osseuse
une autre étude portant sur une population de lapins lapins de compagnie. Ce dernier dentaire et, ainsi, une compression
présentant des signes cliniques d’infection oculaire entraînerait une diminution de du canal lacrymal par l’apex des
superficielle, les bactéries les plus fréquemment iso- la consommation des granulés racines [2, 10].
lées sont Staphylococcus spp. (27 %) et Pasteurella spp. les moins appétents, c’est-à-dire
(14 %) [6].
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Les affections oculaires
chez le lapin

4. Conjonctivite
avec une
infection
des glandes
tarsales, atteinte
bilatérale.
photo : J. bazior-langhan

5. Conjonctivite
et infection
des glandes
tarsales chez
un autre lapin.
Un curetage
des microabcès
est requis dans
un cas aussi
extrême.
photo : W. leWis
4 5

3. Chalazion et hordéolum 4. Membrane conjonctivale


Dans le cas du chalazion, les glandes tarsales sont obs- épicornéenne
truées. Il en résulte une rupture de la glande et la forma- La membrane conjonctivale épicornéenne affecte les
tion d’une réaction granulomateuse autour des sécrétions races de lapin nain. Son étiologie reste indéterminée. Une
qui s’accumulent dans les tissus (photos 4 et 5). L’origine dysplasie de collagène a été suggérée [1, 20].
de l’obstruction peut être un adénome [16]. Lors d’hor- La présence d’une membrane de conjonctive uni- ou bila-
déolum, une surinfection bactérienne des glandes tarsales térale est notée (photos 6a et 6b). Elle est généralement
est présente, avec la formation de microabcès en regard constituée d’un épithélium conjonctival sur ses deux
de la conjonctive. Un ou plusieurs nodules sont observés faces, qui recouvre la cornée de manière centripète et
sur le bord libre de la paupière ou la conjonctive à l’em- le plus souvent sans adhérence [1, 3, 19, 20]. Elle peut
placement des glandes tarsales [16]. Si les glandes sont entraîner une cécité si elle recouvre totalement l’œil [18].
infectées, elles paraissent jaunâtres. L’aspect est assez caractéristique et le diagnostic se fait
Il convient de différencier le chalazion et l’hordéolum lors de l’examen clinique.
d’une tumeur et de la myxomatose. Le traitement est chirurgical. Deux méthodes sont décrites.
L’application de compresses chaudes sur les paupières La première est la technique de résection en quatre mor-
suivie d’un traitement par les antibiotiques systémiques et ceaux : chaque quart conjonctival est sectionné en regard
topiques est en général efficace. Un curetage chirurgical du limbe (récidives quasi systématiques). La seconde est
est parfois nécessaire. Le pronostic est bon [22]. la technique de fixation sans résection. Elle donne les
TAblEAu
médicaments utiles dans le traitement des affections oculaires chez le lapin
Agent DoSe, voie CommentAire inDiCAtionS
D’ADminiStrAtion
Antibiotiques topiques
Acide fusidique (gel) 2 fois par jour Pénètre bien la chambre antérieure, mais Conjonctivites et ulcères cornéens dus
ne traite que les infections à Gram+ à des bactéries à Gram+
Gentamicine (collyre) 4 à 8 fois par jour • Traite surtout les infections à Gram- Conjonctivites ou kératites ulcératives
• Efficacité contre certaines bactéries à Gram+ à Pseudomonas
(staphylocoques)
• Inefficace contre les anaérobies et
les streptocoques
• Pénètre très mal la chambre antérieure,
avec une imprégnation légèrement
augmentée lors d’inflammation oculaire
• Concentration thérapeutique dans
la chambre antérieure lors d’injection sous-
conjonctivale
Tobramycine(1) (collyre 4 à 8 fois par jour Idem que gentamicine, mais moins Conjonctivites ou kératites ulcératives
ou pommade) de résistances à Pseudomonas
Chloramphénicol 2 fois par jour • Efficace contre les Gram+ ou Gram- • Conjonctivites et ulcères cornéens
(pommade) • Bonne pénétration intra-oculaire superficiels et profonds
• Également efficace contre les bactéries • Kératite stromale
anaérobies
• Pseudomonas peut être résistant

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Les affections oculaires
Canin
chez le lapin

TAblEAu (Suite)

Agent DoSe, voie CommentAire inDiCAtionS


D’ADminiStrAtion
Ofloxacine(1) (collyre) 4 à 8 fois par jour, • Bonne pénétration intra-oculaire Ulcères à Pseudomonas résistant
selon les besoins • Efficace contre les Gram+ et Gram-, mais à la gentamicine
certains staphylocoques et streptocoques sont
résistants
Bacitracine (pommade 2 fois par jour pour • Mauvaise pénétration intra-oculaire • Infections oculaires superficielles mixtes
ou collyre) la pommade et 4 fois • Activité Gram+, en particulier les • Utilisée en association avec la
par jour pour le collyre streptocoques polymyxine B et la néomycine
Polymyxine B (pommade Idem bacitracine • Mauvaise pénétration intra-oculaire • Infections oculaires superficielles mixtes
ou collyre) • Activité Gram- • Utilisée en combinaison avec la bacitracine
et la néomycine
Néomycine (pommade Idem bacitracine • Mauvaise pénétration intra-oculaire • Infections oculaires superficielles mixtes
ou collyre) • Activités Gram+ et Gram- • Utilisée en combinaison avec la bacitracine
et la polymyxine B
Anti-inflammatoires topiques
Dexaméthasone (collyre 2 à 8 fois par jour, Ne pas utiliser en cas d’ulcère cornéen Conjonctivites inflammatoires dues
ou pommade) selon les besoins à de mauvaises conditions d’hébergement,
dacryocystites (en association
avec un antibiotique topique)
Diclofénac(1), flurbiprofène(1) 3 à 4 fois par jour Conjonctivites inflammatoires dues
et indométacine(1) (collyres) à de mauvaises conditions d’hébergement,
dacryocystites (en association
avec un antibiotique topique)
Antibiotiques par voie générale
Pénicilline G procaïne 40 000 UI/kg 1 fois par • Toxicité chez les nouveau-nés par le lait • Bonne activité contre les staphylocoques
jour, SC ou IM maternel (mais résistances possibles) et entre
• Mauvaise pénétration intra-oculaire dans les pasteurelles
le cas d’un œil sain, meilleure pénétration • Treponema cuniculi
intra-oculaire dans un œil enflammé
• Inefficacité contre les bactéries anaérobies
Pénicilline G procaïne + 15 mg/kg + 15 mg/kg Idem pénicilline G procaïne Idem pénicilline G procaïne
benzathine SC 1 fois par semaine (à
utiliser avec précaution)
Céphalexine 15 mg/kg SC 2 fois par • Bonne pénétration intra-oculaire • Kératite ou abcès stromaux, panophtalmie
jour ou 20 mg/kg SC • Activité Gram+ et Gram- infectieuse
1 fois par jour • Infections des paupières et de l’orbite (à
• Inefficace contre les bactéries anaérobies
associer avec un antibiotique efficace contre
les anaérobies tel que le métronidazole)
• Pasteurelles et staphylocoques (moins
de résistances qu’avec la pénicilline)
Tétracycline 50 mg/kg PO 2 ou 3 fois • Activité contre Gram+ et Gram- Infections à pasteurelles et abcès
et oxytétracycline par jour, 15 mg/kg SC • Synergie avec la tylosine contre
ou IM 1 fois par jour les pasteurelles
ou dépôt 30 mg/kg SC
tous les 3 jours • Staphylococcus aureus est souvent résistant

Enrofloxacine 5 à 15 mg/kg PO, SC, IM • Très faible toxicité • Pseudomonas, abcès dentaires
2 fois par jour • Activité contre Gram+ et Gram- • Associée à la pénicilline G : dacryocystites
• Certains staphylocoques et streptocoques dentaires
sont résistants
• Inefficace contre les bactéries anaérobies
Métronidazole 20 mg/kg 2 fois par jour Bonne pénétration tissulaire, excellente • Abcès rétrobulbaires ou dentaires
pendant 3 à 5 jours, PO efficacité contre les anaérobies • À associer à une céphalosporine pour
obtenir également une efficacité contre
les bactéries aérobies
Anti-inflammatoires par voie générale
Méloxicam 0,6 mg/kg 1 fois par Uvéites, affections oculaires douloureuses,
jour SC le premier jour, dacryocystites
puis
0,3 mg/kg 2 fois
par jour PO
Ces spécialités sont utilisées hors autorisation de mise sur le marché. SC : par voie sous-cutanée ; IM : par voie intramusculaire ; PO : per os. D’après [5, 8, 9, 16, 20].
(1) Médicament humain.

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6a et b.
Membrane
conjonctivale
épicornéenne
chez deux lapins.
Un épithélium
recouvre la
cornée de façon
centripète.
photo 6a : V. meunier
photo 6b : a. regnier, enVt

6a 6b

meilleurs résultats : la membrane est divisée en six par- Plusieurs signes cliniques sont observés : une plaque cor-
ties égales, chaque morceau est alors éversé et son bord néenne blanche négative à la fluorescéine entourée d’une
central replacé au fond du fornix où il est suturé au travers zone d’œdème cornéen et parfois de néovaisseaux, ainsi
de la peau à l’aide d’un fil non résorbable 7-0, nœud à qu’un écoulement purulent (photos 7 et 8).
l’extérieur [1, 18]. Un traitement adjuvant peut être mis Le diagnostic différentiel est réalisé entre un ulcère
en place. Il consiste en une application, en phase posto- cornéen, une cicatrice ou une lipidose cornéenne. Un
pératoire immédiate, de mitomycine C à 0,02 % pendant raclage cornéen profond permet de déterminer le micro-
3 minutes sur la conjonctive excisée [3, 18]. Il peut aussi organisme en cause.
s’agir d’une application, toujours en phase postopératoire, Le traitement est chirurgical. Une kératectomie de la
de pommade à la cyclosporine 0,2 % (Optimmune®) [18]. lésion doit être pratiquée, suivie d’une antibiothérapie par
Les récidives sont rares avec la seconde technique chirur- voies locale et générale ou d’un traitement antifongique
gicale, même sans traitement adjuvant [1]. topique selon l’agent pathogène incriminé.
Le pronostic est bon à condition que l’intervention chirur-

Cornée gicale soit précoce [18].

2. Kératites et ulcères cornéens


1. Kératite ou abcès stromal L’étiologie des kératites et des ulcères cornéens peut être
Lors de kératite ou d’abcès stromal, un traumatisme par traumatique ou infectieuse (à la suite d’une dacryocystite
un corps étranger ou une matière végétale avec pénétra- et au contact avec le pus) [11]. Des ulcères d’exposition
tion d’agents infectieux (bactéries, éléments fongiques) sont aussi possibles (par exemple lors de paralysie faciale
est généralement en cause. Ensuite, la lésion s’épithélia- due à Encephalitozoon cuniculi ou de buphtalmie à la
lise tandis que les agents pathogènes restent en profon- suite d’un glaucome), de même que des ulcères indo-
deur dans le stroma. Cela aboutit à une kératite ou à un lents, semblables à ceux du chien [18, 23, 24]. Les ulcères
abcès stromal. profonds sont souvent associés à des abcès stromaux.
Le test à la fluorescéine est positif et des néovaisseaux
sont souvent observés (photo 9). La présence de lambeaux
épithéliaux non adhérents est notée dans le cas des
ulcères indolents. Ces derniers sont toujours superficiels
Points forts (épithéliaux) [23, 24].
Le diagnostic différentiel doit être effectué entre un abcès
€La dacryocystite du lapin est une affection très fréquente, dont
stromal, une dystrophie épithéliale (rare), une lipidose
la cause est presque toujours une maladie dentaire.
oculaire (très rare) et une dacryocystite avec kératite
€Les staphylocoques comptent parmi les bactéries les plus souvent secondaire.
isolées lors de conjonctivite chez le lapin. L’évaluation de la production lacrymale et la bactériolo-
€La membrane conjonctivale épicornéenne est constituée gie peuvent se révéler utiles.
d’un épithélium conjonctival sur ses deux faces et qui recouvre Le traitement indiqué est une antibiothérapie par voies
la cornée sans adhérence. topique et/ou systémique pour les ulcères infectés [11].
La désépithélialisation, avec ou sans lentille de contact
€Les ulcères cornéens sont le plus souvent d’origine traumatique
ou infectieuse, et le traitement repose sur l’antibiothérapie et comme pansement, donne de bons résultats pour les
les cicatrisants topiques. ulcères à bords décollés. Une kératotomie en grille ou
ponctuée peut être réalisée dans les cas réfractaires. La
€Lors d’abcès ou de kératite, la lésion s’épithélialise tandis que kératectomie superficielle est rarement nécessaire (réser-
les agents pathogènes restent en profondeur dans le stroma cornéen,
vée aux ulcères à bords décollés qui ne répondent pas aux
nécessitant une intervention chirurgicale.
traitements précédents) [23]. Lors d’ulcères d’exposition,

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Canin
chez le lapin

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il convient de traiter la cause sous-jacente. Le pronostic 7. Kératite et Cette affection doit être différenciée des abcès stromaux,
est bon. abcès stromal. des ulcères cornéens, des cicatrices cornéennes ou encore
Une plaque
des tumeurs de la conjonctive. La biopsie des masses
3. Dystrophie cornéenne cornéenne
blanche et une conjonctivales et une mesure de la cholestérolémie peu-
La dystrophie cornéenne serait d’origine héréditaire ou néovasculaire vent être réalisées pour confirmer le diagnostic [4].
sont visibles.
familiale chez le lapin de race american dutch belted Un traitement à l’atorvastine(1) a été suggéré à la dose de
photo : J. bazior-langhan
[13]. 2,5 mg/kg/j chez le lapin [4]. Le pronostic est réservé si
Des opacités linéaires, curvilignes ou en plaque dans la 8. Kératite d’autres symptômes systémiques sont associés (dépôts de
stromale. Une
cornée centrale ou paracentrale sont observées. Au bio- plaque cornéenne
lipides dans d’autres organes) [4].
microscope à fente, les lésions se trouvent dans la zone blanche est
épithéliale, la membrane basale et le stroma antérieur. visible. Conclusion
Elles doivent être bien différenciées des ulcères et des 9. ulcère La relation anatomique étroite entre les racines des inci-
abcès cornéens. Aucun traitement n’est disponible [13]. cornéen sives et des prémolaires supérieures et le canal lacrymal
superficiel.
L’application prédispose le lapin à la dacryocystite. La conjonctivite
4. lipidose cornéenne de larmes
artificielles
fait souvent suite à cette dernière, bien que de mauvaises
La lipidose cornéenne est très rare. Elle est due à une fait partie
conditions d’hébergement puissent être à la source de ces
alimentation trop riche en lipides et inadaptée au lapin. du traitement. infections. Chez le lapin, les ulcères cornéens stromaux
Certaines races telles que les lapins watanabe sont prédis- photos : W. leWis
présentent la particularité d’évoluer vers des kératites
posées génétiquement. stromales ou des abcès stromaux, tandis que les ulcères
Lors de l’examen, une infiltration cornéenne blanchâtre superficiels répondent bien aux antibiotiques topiques. La
réfringente est observée. Elle s’accompagne parfois d’une membrane conjonctivale épicornéenne est une affection
accumulation sous-conjonctivale de cristaux de cholesté- (1) Médicament spécifique au lapin qui nécessite toujours un traitement
rol (xanthomes) [4]. humain. chirurgical. ❚

1. Allgoewer I, Malho P, Schulz H, 7. Cooper SC, McLellan GJ, 13. Moore CP, Dubielzig R, 19. Rival F. Six affections oculaires
Références

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Le Point Vétérinaire / Mai 2012 / N° 325 63

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