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Michel Lorblanchet
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par
MICHEL LORBLANCHET
Paléolithique supérieur.
Un autre point de vue peut être proposé qui considère d’abord
que l’art ne se résume pas à l’art rupestre figuratif tel qu’il appa-
raît avec splendeur sur les parois australiennes et européennes.
La recherche d’un pur plaisir esthétique caractérisant l’art
contemporain ne peut s’appliquer spontanément aux productions
d’un passé lointain... La notion « d’art » a certes une histoire : il
convient de se méfier du discours esthétique moderne et de voir
dans les figurations des parois autre chose que leur simple beauté
et leur qualité formelle. L’étude de l’art rupestre doit s’efforcer de
recréer la perception et l’usage des images par les peuples du pas-
sé.
Pourtant, malgré la nécessaire prudence que réclame
l’utilisation du mot « art » dans la recherche préhistorique, rappe-
lons qu’il n’y a jamais eu la moindre opposition – il y a toujours eu
au contraire une étroite association – entre fonction esthétique et
fonction utilitaire, religieuse ou magique. Par son impact visuel et
ses chants, l’art religieux vise à impressionner le croyant et à faci-
liter sa communication avec la divinité. Dans l’art traditionnel la
beauté assure également l’efficacité de la magie : par l’éclat des
couleurs et des formes s’expriment le respect dû aux forces qui
gouvernent le monde, l’effort pour leur plaire, les séduire et se les
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frande déposée à côté des morts qui étaient jetés dans un puits
funéraire ; tout le contexte atteste un comportement hautement
symbolique de la part d’anté-Néandertaliens datant d’environ
400 000 ans !
Ainsi dans l’immensité du temps des trouvailles d’artisan ont
pu rencontrer un contenu mythologique et sacré pour s’élever au
rang de symboles et d’œuvres d’art... Ce fut peut-être rare car ce
qui caractérise les prémices artistiques est justement l’isolement
des témoignages, leur extrême dispersion dans l’espace et la durée,
la fréquence probable du vide sémantique spontané de beaucoup de
ces éléments disparates. Cependant ces jalons qui parsèment la
longue histoire de l’Homme attestent sa tendance naturelle à in-
vestir ses productions de rêve et d’absolu, son goût inné pour la
beauté le libérant de la gangue matérialiste où une certaine pré-
histoire s’efforce de l’enfermer.
La fin du Paléolithique moyen, pendant la dernière centaine de
millénaires, est marquée par une symbolisation croissante des
productions qui se multiplient chez les Proto sapiens d’Afrique et
les Moustériens européens. Malgré les prémices d’un art mobilier
et de la parure (exemple, Blombos cave, Afrique du Sud), malgré le
développement des sépultures accompagnées d’offrandes, il ne
s’agit encore que d’un art étroitement attaché au corps humain,
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Conclusion
Le concept même de « naissance » ou « d’origine » de l’art peut
paraître inadéquat, puisque l’homme est artiste par nature et que
l’histoire de l’art commence avec celle de l’homme.
Dans ses pulsions et ses réalisations artistiques, l’homme ex-
prime sa vitalité, sa capacité à établir un rapport bénéfique et posi-
tif avec son environnement, à humaniser la nature ; son compor-
tement d’artiste constitue un des caractères sélectifs favorables à
l’évolution de l’espèce humaine. Dès son origine, l’homme est dans
tous les sens du terme un « Homo Aestheticus » comme l’affirment
également avec conviction l’anthropologue américaine Ellen Dissa-
nayake (1995) et le philosophe français Luc Ferry (1990).
Michel LORBLANCHET.
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