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Revue néo-scolastique

Les Principes du positivisme contemporain. Exposé et critique par


M. J. Halleux
Maurice De Wulf

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De Wulf Maurice. Les Principes du positivisme contemporain. Exposé et critique par M. J. Halleux. In: Revue néo-scolastique.
3ᵉ année, n°9, 1896. pp. 101-103;

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Comptes-Rendus

Les
M.Principes
J. Halleux,
du positivisme
(Louvain, Institut
contemporain.
supérieur Exposé
de Philosophie)
et critique1895..
par

Ce livre, que son auteur a présenté, comme dissertation inaugurale


pour l'obtention du grade de docteur, en philosophie thomiste '), est
un exposé clair et une réfutation solide des principes du positivisme
contemporain.
Ces principes, M. Halleux les établit d'abord dans leur
développement logique. Les jugements de la raison sont ou d'ordre expéri-'
mental, ou d'ordre spéculatif. Les premiers sont relatifs à des faits
observés, ils ne deviennent évidents qu'à la lumière, des données de
l'expérience. Les seconds au contraire ont une évidence propre,
indépendante de toute expérience ; les rapports qu'ils expriment se
découvrent par. la simple analyse des concepts. De là deux espèces
de sciences, les unes ayant pour point de départ l'observation des ■
faits, les. autres l'analyse des concepts. Le positivisme nie toute
évidence qui ne , se dégage pas immédiatement des données de
l'expérience : ce qui a été constaté est seul certain. (Ch. I, 1.)
Telle est la pensée fondamentale des positivistes, et pour la
démontrer ils invoquent des arguments d'ordre critique et d'ordre /
historique. La raison, disent-ils, ne peut par elle-même arriver à
aucune certitude. Dans les principes qu'elle formule, elle obéit à une.
loi instinctive et aveugle, dans ses raisonnements déductifs elle
n'ajoute rien aux connaissances antérieurement acquises. En effet, la
conclusion étant contenue dans le principe, l'affirmation du principe
est déjà l'affirmation de la conclusion. L'humanité d'ailleurs a compris
la superfluité du mode de penser spéculatif, car l'histoire démontre
que la science, en se développant, délaisse progressivement la méthode
deductive pour se conformer plus rigoureusement à la méthode
. empirique. (Ch. I, 2.) .

») V. p. 100.
102 COMPTES-RENDUS.

Où conduit logiquement ce principe qu'fcune connaissance n'est


certaine que si elle s'appuie sur des faits constatés „ ? A la ruine de -
toutes les sciences. Des sciences spéculatives d'abord, puisqu'elles
n'ont d'autre méthode, que l'analyse des concepts ^ abstraits,
indépendamment de toute expérience. (Ch. II, 1.) Non seulement le
positivisme nie les sciences spéculatives, mais . les sciences
expérimentales elles-mêmes dont il se glorifie lui deviennent impossibles.
Dans ces sciences, en effet, onne fait pas seulement appel à'
l'évidence de fait, mais encore au raisonnement. Lorsque nous formulons -
une loi de la nature, cette loi présente un caractère • général, nous
l'énonçons non seulement des cas particuliers que nous avons
constatés, mais encore d'une multitude infinie de cas actuels, passés, ou
futurs sur lesquels n'ont jamais porté nos observations. .Les
positivistes doivent nécessairement condamner pareil. procédé'. Selon eux,
ce qui a été constaté est seul certain ; or, l'avenir ne se peut constater.
Les prétendues lois, énoncées par la science, se réduisent à de simples
formules abréviatives de nos expériences passées, et la science devient
une nomenclature de faits constatés. (Gh. II, 1.)
La psychologie sombre au milieu de ces ruines accumulées, . car
elle étudie la nature intime du moi, et comme le moi ne . tombe pas
sous les sens, elle n'est aux yeux du positivisme qu'un tissu
d'hypothèses arbitraires. Il en est de-même de la morale qui repose sur la
psychologie. La sociologie positiviste elle-même n'est qu'une
description des institutions et des transformations sociales, abstraction faite
de toute règle de conduite concernant l'avenir. De fait, les sociologues .
positivistes n'ont pu se conformer à la logique de leurs principes, tant
ceux-ci sont contraires à la nature de l'intelligence humaine; Le plus
grand nombre d'entre eux ont essayé de dégager des enseignements
de l'histoire la loi de l'évolution future des sociétés. Ils ont considéré
que cette évolution's'opérait dans le sens d'une concentration de plus
en plus accentuée des forces sociales, établissant ainsi le point de '
départ philosophique des théories collectivistes. (Ch. II, 3.)
Après avoir défini les étapes logiques de ce développement de l'idée
positiviste, M. Halleux étudie son développement historique, sa
première fondation par Hume et Kant, sa constitution définitive par
A. Comte, l'orientation subjectiviste que lui ont imprimée Stuart Mill
etTaine;sa forme la plus contemporaine dans la synthèse de Spencer.
(Chap. III.)
Il aborde enfin dans un chapitre quatrième la critique du positivisme.
Tout n'est pas à rejeter dans le positivisme.
COMPTES-RENDUS. 103

II est vrai de dire avec les positivistes que nous n'avons pas
l'intuition de la nature des êtres, que les facultés sensibles saisissent
seulement, les, choses par le dehors, que ces manifestations ou'
phénomènes des choses ne les constituent pas mais dérivent de leur
constitution. Il est encore vrai que l'expérience sensible est la source
première de toutes nos connaissances. En conséquence, le problème
de la- nature intime des êtres et de leur mode d'opération est
plein d'obscurités et, sur bien des points, insoluble. Mais le positivisme
exagère ces vérités en voulant réduire la science à une connaissance
ordonnée des phénomènes. La raison établit l'évidence des premiers
principes, et la valeur de ses opérations spéculatives. Elle se rend
compte qu'elle ne juge point des choses en aveugle, mais que sa loi
est l'évidence. Elle n'est pas, comme le soutient Kant, une faculté
qui agit sous une impulsion instinctive et aveugle, mais une faculté
qui cherche à s'éclairer sur la vérité des jugements qui lui sont
proposés. En , faisant appel au principe de causalité, elle arrive à
connaître dans une certaine mesure la chose par ses qualités
extérieures, l'agent par les effets de son activité.
En résumé et comme conclusion : les positivistes rendent service
aux hommes de science en leur rappelant la nécessité d'avoir recours
à la méthode expérimentale, et en mettant l'esprit humain en garde
contre les théories a priori. On ne peut sous ce rapport blâmer
A. Comte d'avoir recommandé l'emploi de la méthode historique
en sociologie. Cependant, ne l'oublions pas, il ne suffit point d'avoir
constaté des • faits - et d'en avoir décrit les caractères extérieurs.
En sociologie comme dans les autres domaines, la science n'est point
exclusivement faite de constatations empiriques ; elle suppose le
raisonnement qui conclut du fait £ la loi. Or, le raisonnement est
impossible si l'on rejette les principes métaphysiques.
M. D. W.

L'organisation de la liberté et du devoir social par Adolphe Prins.


1 vol. in 8° 1895. Bruxelles et Paris, Alcan.

. Sous ce titre, M. Prins a publié en 1895 un livre profondément


pensé et agréablement écrit, que l'on peut ranger sous la rubrique
" littérature „, si l'on appelle ouvrages littéraires tous ceux qui ont
pour objet d'exprimer des idées spéciales quelconques dans un
langage qui les rende accessibles à la généralité du public intelligent.

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