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philosophique de Louvain
1 Alors que Martin Heidegger se fit «berger de l'être», Emmanuel Lévinas lie cette
attitude pastorale à une sorte de naïveté, voire à une prétention intenable de la philosophie
occidentale (voir Bouckaert, 1970, p. 402-419; Gans, 1972, p. 117-121).
1. Réflexivité et identité
4 Par ailleurs, dans un autre texte, l'auteur se fait plus acerbe en dénonçant «ce
monde sans parole» où «se reconnaît l'Occident tout entier. De Socrate à Hegel, il allait
vers l'idéal du langage, où le mot ne compte que par l'ordre éternel qu'il ramène à la
conscience. Itinéraire au bout duquel l'homme qui se parle se sent faire partie d'un dis
cours qui se parle. [...]. Langage verrouillé, civilisation d'aphasiques. [...]. À force de
cohérence, la parole a perdu la parole. Dès lors, aucun mot n'a plus l'autorité nécessaire
pour annoncer au monde la fin de sa propre déchéance» (Lévinas, 1957c, p. 267 et 268).
5 D'ailleurs, Lévinas ne reproche-t-il pas à son maître d'antan, Husserl, «sa certi
tude quant à l'excellence de l'Occident» (Lévinas, 1968b, p. 374)?
9 Selon le titre d'un article de Lévinas déjà paru (Lévinas, 1951). Ce texte est aussi
reproduit dans le premier chapitre de son livre Entre nous. Essais sur le penser-à-l'autre
(1991, p. 12-22).
10 La dette de la pensée de Lévinas à l'égard de Franz Rosenzweig (1982, p. xvi)
est particulièrement grande, car c'est cet auteur qui a attiré son attention vers la méta
éthique où se joue l'accueil d'une dotation pré-originelle, voire pré-existentielle. Il écrit
dans ce livre: «L'opposition à l'idée de totalité nous a frappé dans Stern der Erlösung de
Franz Rosenzweig, trop souvent présent dans ce livre pour être cité. Mais la présentation
13 Sur la notion d'infini chez Lévinas, voir aussi Marc Richir (1991, p. 224-256);
aussi dans ce même numéro: Guy Petitdemange (1991, p. 306-321).
14 Pour une étude du livre, de la portée des textes sacrés dans l'œuvre de Lévinas,
le lecteur consultera particulièrement le premier chapitre («Ontologie du livre») dans l'ou
vrage de Catherine Chalier (1983, p. 15-35).
16 Dans cet ouvrage, il rappelle que l'infini «ne se laisse pas emmurer dans les
conditions de son énonciation» (p. 243).
rience17. Bref, Yalter ego n'existe pas, parce que Valter subjugue et
contraint d'avance Y ego.
Comment tenir Y ego responsable en justice dès lors que son exis
tence paraît, à l'examen, moins empreinte de liberté qu'engloutie par la
prédominance de Yalter! La désarticulation du lexique identitaire par
l'éthique, l'émigration vers l'altérité par le judaïsme, l'évitement du
recours à la contradiction par la conversation et l'infinité d'une argu
mentation sans perspective de synthèse accentuent notablement les diffi
cultés du jugement. Selon une perception conventionnelle, la décision
d'un magistrat devant une situation problématique doit nécessairement,
pour arriver à une stipulation de sentence, réaliser ce que Lévinas refuse:
affirmer la déterminabilité de l'acte hors de tout doute — ce qui emporte
une dimension ontologique — et dissiper l'incertitude de sa provenance
en prenant le risque de l'imputer à quelqu'un, d'où la qualification d'une
subjectivité fautive. L'opérativité de la justice peut-elle s'accomplir dans
la préservation de l'énigme et sous l'inspiration d'une philosophie dont
l'instigateur se garde, dit-il, de ne pas laisser son énoncé enfermé dans le
cadre de son énonciation? Penser Lévinas contre Lévinas exige l'étude
des conditions de possibilité de cette justice à laquelle ne répugnent ni
l'ambiguïté ni le report à l'ineffable. Comment l'évacuation de la réflexi
vité permet de reconnaître la victime dans l'Holocauste sans reconfigu
rer les modalités de l'ontologie et de la supériorité morale d'une catégo
rie sociale privilégiée devant le tribunal de l'Histoire?
La contribution principale de Lévinas à la philosophie du XXe siècle
aura été de signaler, avec une force exceptionnelle, que le désaveu de
l'infini et le repliement sur la contingence au profit d'un scepticisme rela
tiviste obstruaient les voies d'une réelle assomption de la responsabilité.
Un tel discours fut tenu à une époque où les matérialismes de tous genres
étaient particulièrement populaires, surtout en France. La grande origi
17 Jean Greisch signale que le schéma de l'altérité chez Lévinas correspond, en fait,
à une parfaite inversion de la formule augustinienne «intimior intimo meo» — «plus intime
à moi que moi-même» — que l'on retrouve dans les Confessions de l'évêque d'Hippone
(Greisch et Rolland, 1993, «Éthique et ontologie», p. 29). Pour une référence à Augustin,
voir aussi dans ce même ouvrage: Pierre-Philippe Jandin, «L'espace de la comparution»,
p. 163 et Bernard Dupuy, p. 236-237.
21 Par ailleurs, il écrit aussi dans le même sens: «La liberté humaine se réduit ainsi
à la possibilité de prévoir le danger de sa propre déchéance et à se prémunir contre elle.
Faire des lois, créer des institutions raisonnables qui lui éviteront les épreuves de l'abdi
cation, voilà la chance unique de l'homme» (Lévinas, 1995, «A propos de Struthof»,
p. 198).
22 H écrit (p. 378): «La phénoménologie du rapport à Autrui suggère cette structure
du Désir analysé comme idée de l'Infini». Π y a aussi chez lui une association entre le sacré
et le thème de la peur, de la crainte (Lévinas, 1995, «Le lieu et l'utopie», p. 135).
23 «Dieu est concret, écrit aussi Lévinas, non par l'incarnation, mais par la Loi»
(Lévinas, 1995, «Aimer la Thora plus que Dieu», p. 192). Sur le thème de l'incarnation,
voir l'article de Lucien Richard (1988), duquel proviennent en grande partie nos remarques
sur cet aspect ponctuel.
24 Lévinas écrit aussi: «Le juif est comptable et responsable de tout l'édifice de la
création» (Lévinas, 1995, «Pièces d'identité», p. 75).
Conclusion
Bibliographie
reflection offer for bringing into perspective the murder of others, particularly
the Holocaust? Does justice not imply strong identity between aggressor and v
tim? The aim of this paper is to undertake a new reading of Difficile liberte t
answer these questions and to demonstrate how, in the end, a discourse on Bei
re-emerges implicitly in the theological and philosophical approaches of the th
ker of alterity par excellence. The aim is to provide a critical contribution
order to unveil both the tension between liberty and justice and the dead en
inherent in the distinction between metaphysics and ontology.