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INTRODUCTION

Au nombre des philosophes qui ont abordé de la question de la morale y figure


le penseur emblématique répondant au nom d’Emmanuel Kant. En effet, si
plusieurs penseurs ont défini la notion de la morale en tant que l’ensemble des
règles qui font la différence entre ce qui est bien et ce qui est mal, quant au natif
de Königsberg, sa morale a un sens contraire à celui de ses prédécesseurs. Exposé
notamment dans l’œuvre Les Fondements de la métaphysique des mœurs, la
morale revêt un sens particulier, original et incontournable au sein de l’histoire de
la philosophie. Mais avant d’étudier plus profondément cette morale élaborée par
KANT, il est nécessaire de s’intéresser tout d’abord à cette notion de morale du
point de vue général, telle qu’elle a été traité par d’autres philosophes. Et ce, afin
de mettre en exergue toute la spécificité de la morale kantienne.

De façon générale la morale se définie comme l’ensemble des règles qui


permet à l’être humain de distinguer ce qui est bien et ce qui est mal. Cet
ensemble de règle étant précisément ce qui montre le bien, la morale est à la fois
quelque chose d’extérieure à nous, puisque cet ensemble de règle peut venir par
exemple de la loi, de la religion ou de la société. Dans ce cas, les règles
concernant le bien et le mal nous sont comme imposées de l’extérieure. Mais la
morale peut être en même temps quelque chose de l’intérieure. C’est ce que l’on
appelle « la conscience morale ». La conscience morale renvoie au retour que l’on
fait par l’esprit sur soi-même et sur ses actes. Ici, ce n’est plus donc véritablement
un ensemble de règle extérieure qui juge si ce qui est fait est bien ou mal, c’est
nous même qui jugeons, par le canal de notre conscience. A cet effet nous
relèverons quelques conceptions de cette notion de morale avant de nous
introduire dans la morale proprement dite d’Emmanuel Kant. Pour certains la
morale est acquise, comme nous l’avons précisés plus haut, par la religion, par la
société mais aussi à travers la culture et l’éducation. Ce serait donc un ensemble
de règles extérieures que nous nous approprions afin d’en faire une règle
intérieure. Pour Freud par exemple, la conscience morale, est acquise par
l’éducation, et plus précisément par les interdits posés par les parents. L’éducation
morale d’un enfant ce fait donc grâce aux sanctions, aux encouragements vers le
bien, mais aussi par le fait de faire appel à la raison. Le sociologue Emil
Durkheim quant à lui, nous dit, « quand notre conscience parle, c’est la société
qui parle en nous »1. Selon lui, la conscience morale de chaque individu est
l’intériorisation des contraintes institutionnelle par l’individu. Pour Rousseau au
contraire, la morale est innée. Pour le penseur, en effet, la morale est un instinct
divin, immuable et céleste, comme il nous l’explique dans Emile ou l’éducation.
La conscience morale est donc une voix mise en l’homme par Dieu.

Cette multiplicité de la morale semble rendre le sens de la morale plus ambigu,


c’est dans cette perspective que nous allons voir avec la morale de Kant, comme
possibilité de règles universelle. Selon KANT, la morale n’est ni acquise ni innée,
car elle émane de la raison. En effet si chacun fait usage de cette raison et de se
poser la question de la moralité, alors chacun trouvera des critères et des principes
moraux universels, qui sont donc identique pour tous. Ainsi selon Kant, une
action qui serait en accord avec des principes tirés de la raison, est dite morale. De
ce fait, l’action morale n’est plus jugée comme telle de par son but : faire le bien ;
mais de par sa cause : répondre aux principes moraux universels émanant de la
raison. Chez Kant, ce qui compte ce n’est pas le but ou le résultat de l’action, mais
sa cause : l’intention dans laquelle j’agis. Mon action, en effet, n’est pas morale si
j’ai un autre mobile ou raison d’agir que celle de répondre aux principes moraux
de la raison. Par conséquent, l’action pure de la moralité est l’œuvre de la raison.
Cette loi n’est rien autre que l’impératif catégorique qui s’énonce comme suit,
« Agis d’après une maxime telle que tu puisses toujours vouloir qu’elle soit une
loi universelle »2. Afin de mener une étude approfondie sur la philosophie de
Kant, nous tenterons de parler de lui dans l’histoire de la pensée philosophique.

Kant, dans l’histoire de la philosophie, occupe une place importante de par ses
théories et concepts misent en place qui a eu une influence énorme dans le champ
de la connaissance philosophique. Nous allons nous intéresser à deux de ses

1
Emil Durkheim, L’Education morale (1903, publ. Posth. 1925), PUF, coll. « Quadrige », 1992,
p.75-76.
2
Emmanuel Kant, Fondement de la métaphysique des mœurs. P.69.
ouvrages principaux que sont La Critique de la raison pure et les Fondements de
la métaphysique des mœurs.

Dans la critique de la raison pure, Emmanuel Kant tente de réhabiliter la


métaphysique tout en substituant la métaphysique traditionnelle par la
métaphysique transcendantale. Comme l’indique Kant, la question « que puis-je
savoir » est l’œuvre de la métaphysique traditionnelle depuis l’Antiquité grecque.
En effet, en reliant la philosophie à la métaphysique, les anciens recherchaient le
savoir, la connaissance qui aboutit à la sagesse. Mais pour Kant, l’incompatibilité
des théories et sagesses absolues donne à la métaphysique l’image d’une « arène
(…) où jamais un champion n’a pu (…) fonder sur sa victoire une possession
durable »3. Cette analyse de Kant met en évidence les limites de la raison. A la
question « Que puis-je savoir ? », Kant répond au titre de la science que je ne
peux connaitre que les phénomènes. Kant dira que

C’est dans cette tentative de changer la méthode suivie jusqu’ici en


métaphysique et d’opérer ainsi en elle une révolution totale, suivant l’exemple
des géomètres et des physiciens, que consiste l’œuvre de cette Critique de la
raison pure spéculative.4.

Cette réforme de la métaphysique traditionnelle va se poursuivre dans les


Fondements de la métaphysique des mœurs. Ici, Kant nous présente la vraie
source d’une action morale. Pour le penseur, une philosophie morale pure, se base
sur l’idée commune du devoir et des lois morales. Par conséquent, le principe
morale ne réside pas dans la nature de l’homme, ni dans les circonstances où il est
placé dans ce monde, mais à priori dans les seuls concepts de la raison pure.
Aussi, il souligne que la valeur d’une action morale se traduit par le respect d’un
principe, ce principe n’est autre que la « la volonté bonne ». Pour le natif de
KÖNIGSBERG, le principe suprême de la moralité réside dans la « volonté
bonne ». Kant énonce le principe que « De tout ce qui est possible de concevoir
dans le monde, et même en général hors du monde, il n’est rien qui puisse sans

3
Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, Opus cité, p. 18.
4
Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, Opus cité, p. 94.
restriction être tenu pour bon, si ce n’est seulement une BONNE VOLONTE »5.
En effet, une action n’est bonne que lorsqu’elle est accompagnée de volonté
bonne. Partant de ce qui précède il ressort que Kant constitue l’un des piliers de
l’histoire de la philosophie. Mais qu’en est-il de son influence sur son époque ?

Emmanuel Kant a exercé une influence considérable à son époque dans le


domaine de la connaissance philosophique. Son œuvre, considérable et diverse
dans ses intérêts, mais centrée autour des trois critiques à savoir la Critique de la
raison pure, la Critique de la raison pratique et la Critique de la faculté de juger.
Aussi, il va consacrer une étude particulière à la philosophie des Lumières. Cette
œuvre intitulé « Qu’est-ce que les Lumières », a pour but ultime de sortir
l’homme de l’obscurantisme dont il est lui-même prisonnier. A ce propos, Kant
affirme de la manière suivante : « Les « Lumières » se définissent comme la
sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable »6.

Kant écrit ce texte en expliquant combien il est bénéfique pour l’homme de


penser par lui-même, sans préjugés. Le philosophe écrit ainsi : « L’Aufklarung
permet l’homme de sortir de l’immaturité dont il est lui-même responsable »7.
Partant, nous ne pouvons étudier sa philosophie sans connaitre réellement sa vie et
ses œuvres qu’il a accomplies durant son existence.

Emmanuel Kant est un philosophe du XVIIIe siècle qui naît le 22 avril 1724 à
Königsberg, en Prusse, ou il meurt le 12février 1804. Son père était un modeste
sellier, sa mère, décède lorsqu’il avait 13 ans, était « piétiste », le piétisme étant
un mouvement religieux fondé par Philip Jacob Spener qui s’attache à la lettre de
l’évangile et insiste sur la dimension personnelle de l’expérience religieuse. En
1740, Kant entame des études de philosophie, théologie, mathématiques et
physique à l’université de Königsberg. En 1755, Kant obtient le droit de professer
à l’université comme Privat-Docent. Sa Dissertation de 1770 : De la forme et des
principes du monde intelligible lui permet d’occuper la cher de métaphysique et
de logique. Il la quitte en 1797, mais continue à écrire jusqu’à sa mort. Le penseur
5
Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, p. 57.
6
Emmanuel Kant, « Qu’est-ce que les Lumières ? ». p. 2.
7
Emmanuel Kant, Idem.
a plusieurs ouvrages à son actif dont les plus célèbres sont : Critique de la raison
pure(1781), Critique de raison pratique(1788), Critique de la faculté de juger et
Fondement de la métaphysique des mœurs(1785). Mais l’ouvrage qui retient notre
attention dans ce travail de recherche est : Fondements de la métaphysique des
mœurs. Les Fondements de la métaphysique des mœurs jettent les bases des
philosophies de la liberté qui se développèrent au XIXe siècle. Kant y affirme,
notamment, la nécessité d’une philosophie morale pure, débarrassée de toutes les
scories portées par l’empirisme, et entreprend de rechercher et de déterminer le
principe suprême de la morale. Ce seront alors les célèbres « impératifs
catégoriques » : « Agis selon une maxime telle que tu puisses vouloir en même
temps qu’elle devienne une loi universelle »8 ; « Agis de telle sorte que tu traites
l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre,
toujours en même temps comme une fin, et non comme moyen »9. Il ressort que le
but ultime de la morale kantienne est la valorisation de l’humain et la recherche de
son bonheur absolu.

I- SUJET ET JUSTIFICATION
A- SUJET

Le sujet qui fait l’objet de notre travail de recherche s’annonce comme suit :
Ethique et humanisme dans le déploiement dans les Fondements de la
métaphysique des mœurs d’EMMANUEL KANT. Le choix de ce sujet se justifie
par le fait que depuis l’Antiquité jusqu’au XIXe siècle, en passant par les
médiévaux et l’époque de la Reconnaissance, nombreux sont les philosophes qui
se sont prononcés sur la question de l’éthique et de l’humanisme. En effet, les
penseurs matinaux ont apportés une conception erronée à la question de l’éthique.
Pour certains philosophes, le but de l’éthique est de s’intéresser aux
comportements humains et’ plus précisément, à la conduite des individus en
société, elle fait l’examen de la justification rationnelle de nos jugements moraux,
8
Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, p. 178.
9
Emmanuel Kant, Idem, p 179.
elle étudie ce qui est moralement bien ou mal, juste ou injuste. Mais, avec
Emmanuel Kant, l’éthique va connaitre un sens particulier. Il faut souligner de
prime à bord que c’est à travers sa morale universelle que l’éthique kantienne va
voir le jour. Cette morale a pour but ultime le bonheur de l’homme dans toute sa
plénitude. Pour le philosophe, une action ne doit être posée avec l’intention
d’obtenir quelque chose en retour, mais une action doit être posée pour la
considération pour la loi morale. Cette loi morale, n’est autre que l’impératif
catégorique qui nous commande de considéré l’homme comme une fin et non
comme un moyen pour parvenir à notre fin. En effet, cet impératif a pour principe
fondamental, la volonté bonne. Autrement dit nos actions doivent être
accompagnées de volonté bonne pour qu’elles soient jugées d’action morale. Kant
dira à ce sujet que « la bonne volonté parait constituer la condition indispensable
même de ce qui nous rend heureux »10. Cette phrase de Kant met en évidence la
nécessité de la bonne volonté dans nos actions. En clair, une action morale est une
action accompagnée d’une intention bonne. Et cette bonne volonté trouve son sens
dans l’impératif catégorique qui constitue une loi universelle et s’applique à tous
les hommes. La loi morale universelle est conçue par Kant de la manière
suivante : « Agis selon une maxime telle que tu puisses vouloir en même temps
qu’elle devienne une loi universelle »11. Par ailleurs, la loi morale n’a de sens que
lorsqu’elle a pour objet, la recherche du bonheur humain. Partant, Kant affirme en
ces termes, « Agis de telle sorte que tu uses de l’humanité, en ta personne et dans
celle d’autrui, toujours comme fin, et jamais simplement comme moyen »12. En
d’autres termes, l’homme doit toujours se considérer comme une fin et non
comme moyen pour aboutir à ses fins machiavéliques. Cette conception de KANT
est aussi valable pour tous les êtres raisonnables.

Pour mener une étude approfondie sur l’éthique kantienne, nous allons avant
tout nous intéresser à la pertinence de la question de l’éthique dans l’histoire de la

10
Emmanuel Kant, Fondement de la métaphysique des mœurs, p. 57.
11
Emmanuel Kant, Idem. P. 94
12
Emmanuel Kant, Idem, p. 179
philosophie de façon générale et aussi, mettre en exergue la conception de certains
philosophes qui ont traités cette question avant Kant.

L’éthique a connue plusieurs changements et remaniements dans l’histoire de


la pensée philosophique. L’étude de l’éthique du point de vue théorique débute
avec la Grèce antique. Les premiers à étudier sont les présocratiques et surtout
Socrate qui peut être perçu comme le premier penseur de l’éthique. En effet,
Socrate fut l’un des premiers philosophes à axer sa philosophie sur l’homme.

A travers sa théorie du monde des idées, et son idée de Bien suprême qui se
trouve nécessairement dans le monde intelligible, Platon est aussi comme Socrate
considéré comme l’un des plus grands penseurs de l’éthique. En clair, pour
Platon, seul un homme vertueux possède les aptitudes pour gouverner une Cité.
Voilà pourquoi selon lui, le pouvoir politique doit revenir au philosophe, ce qui
explique à juste titre sa logique du philosophe roi. Mais c’est à partir d’Aristote
que l’on connaîtra un sens plus clair de la notion d’éthique. Le penseur a donné à
l’éthique un aspect plus organisé et a apporté de nouvelles grilles conceptuelles.
Pour lui, le principe de l’éthique est la recherche de la cause finale, qui trouve sa
réalisation par la juste mesure, la recherche de la bonne moyenne dans le but du
bonheur. Aristote a une considération plus anthropologique et naturaliste de
l’éthique que son maître Platon. En outre, nous avons les épicuriens et les
stoïciens qui ont développé chacun les principes du bonheur. Pour eux, le bonheur
constitue la fin de l’action morale. Les épicuriens ont développé l’eudémonisme
qui consiste à ériger le bonheur en principe de vie. Mais que l’on ne s’y trompe
pas, le bonheur au sens d’Epicure est diamétralement opposé à une recherche
effective du bonheur. Au contraire, le plaisir chez lui, est logé dans la simplicité,
la modération, la sobriété. Dans ce sens, Epicure a développé ce qu’on appelle la
théorie du strict nécessaire. En vérité, dans la perspective épicurienne, « la
suffisance à soi, le contentement de peu et la tempérance permettent l’accès à
l’ataraxie, l’absence de trouble de l’âme ». Contrairement aux stoïciens, l’univers
est dirigé par le destin et la providence. C’est pourquoi, l’être humain doit par tous
les moyens adhérer à l’ordre du monde, tel qu’il a été établi par la providence.
Ceux qui acceptent cet ordre seront conduits vers leurs destinées, mais ceux qui
s’y opposent seront trainés. L’éthique stoïcienne est l’impératif de la soumission à
l’ordre du monde. Parmi les stoïciens, Epictète affirme qu’il est inutile de vouloir
maîtriser des évènements qui ne viennent pas de nous, et que nous devons nous
occuper des évènements pour lesquels nous sommes responsable et que nous
avons la possibilité de dominer. Avec ces penseurs, il est logique de connaître les
lois de la nature à partir de la raison. Epictète exprime cela de la manière
suivante : « ne demande pas que ce qui arrive arrive comme tu veux. Mais veuille
que les choses arrivent comme elles arrivent et tu seras heureux »13. En ce sens,
l’éthique suppose une maîtrise surhumaine des passions. Après l’époque antique,
l’une des époques qui a été marquée par l’éthique fut la période moderne.

L’un des philosophes de l’éthique cette époque fut Baruch Spinoza qui a vécu
quelques années après René Descartes. Le penseur a d’emblée développé une
théorie de la connaissance qui renvoie la connaissance qui émane de la raison à
une fin éthique : trouver « une joie éternelle »par la « connaissance de l’union du
mental avec toute la nature ». Dans ETHIQUE, publié en 1677, il développe sa
théorie à la foi intellectuelle et affective entre l’homme, le monde et un Dieu
rationnellement conçu comme étant absolument infini. Sa particularité est d’avoir
orienté la béatitude dans la conscience de l’éternité même de cette vie. Spinoza
défini à cet effet le bien comme ce qui nous savons avec certitude nous être utile.
Par ricochet, le philosophe britannique, Jeremy Bentham, quant à lui, oriente son
éthique vers la recherche de l’utilité sociale. Autrement dit, sauf ce qui est utile
doit être perçu comme une éthique. Mais, c’est avec Emmanuel Kant que le
concept d’éthique va connaitre un changement radical. Le philosophe allemand,
au cours de ses travaux de recherche s’opposera à la conception classique de
l’éthique en lui attribuant une nouvelle orientation. Avec lui, l’éthique ne renvoie
plus à la recherche effective du bonheur mais, au respect de la loi morale et la
considération de l’humain en tant que fin et non jamais comme moyen. En clair, la
morale kantienne ou du moins l’éthique de Kant est axé sur le genre humain. Dans

13
Epictète, Manuel, VIII.
cette mouvance, Emmanuel Kant écrit dans « une intention pédagogique »14, les
Fondements de la métaphysique des mœurs, pour éveiller la conscience, à cultiver
les valeurs humaines, pour le plus grand bonheur de l’humanité. Ainsi convaincu
de la puissance rationnelle et intellectuelle de l’homme, Emmanuel Kant
préconise le traitement de l’homme comme fin en soi :

« L’homme et en général tout être humain existe comme fin en soi, et non pas
simplement comme moyen »15.

Cette vision plaine d’humanisme et d’altruisme, traduit le cri de cœur


qu’Emmanuel Kant émet pour la cause de l’espèce humaine. En effet, il nous
exhorte à traiter l’homme avec beaucoup de respect et de considération.

B- JUSTIFICATION

La question de l’éthique a toujours occupée une place essentielle dans le


champ de la connaissance théorique en générale et de la philosophie en particulier.
Depuis son élaboration de l’époque antique jusqu’à la période Moderne, en
passant par les époques telle que le Moyen Age et la reconnaissance, elle a connue
plusieurs conceptions qui sont interposées. En effet, chez certains philosophes de
l’Antiquité tels que les stoïciens et les épicuriens, l’éthique consiste en la
recherche du bonheur. Ils développent à cet effet, le concept de
« l’eudémonisme » qui est une théorie qui fait du bonheur la fin de l’action
morale. L’épicurisme, marqué par l’empirisme et le stoïcisme, marqué par le
rationalisme se sont érigés en science de la sagesse pour déterminer de façon
pratique, comment l’éthique conduit au bonheur. Plus précisément, les épicuriens
suivent principalement les désirs naturels et nécessaires qui renvoient au bonheur,
à l’absence de trouble du corps et à la satisfaction des besoins vitaux. Il ressort de
cette analyse que le bonheur physique constitue le principe fondamental de
l’éthique épicurienne. Epicure affirme à ce sujet que, « (…) le plaisir est le
principe et la fin de la vie bienheureuse. Car c’est lui que nous avons reconnu

14
Ralph Walker, Kant, Paris, coll. “Folio Essais”, 2002, p. 6
15
Emmanuel Kant, Fondement de la métaphysique des mœurs, trad. De l’allemand par Victor
Delbos, Paris, Delagrave, 1984, p. 148.
comme le bien premier et connaturel, c’est en lui que nous trouvons le principe de
tout choix et de tout refus, et c’est à lui que nous aboutissons en jugeant tout bien
d’après l’affection comme critère »16. L’épicurisme serait alors une philosophie
du plaisir. Quant aux stoïciens, le devoir et ce qui préserve la constitution d’être
social et raisonnable. Ils recherchent avant tout à agir avec justice, courage,
modération, prudence. En effet, il ne faut pas être dépendant du bonheur qui
renvoi à l’absence de trouble du corps, l’amitié ou du plaisir. Pour eux, le plaisir
accompagne la vie bonne, mais n’est pas nécessaire à la tranquillité et à la stabilité
qui provient de la vertu. Autrement dit, la vertu est un principe fondamental de
l’éthique stoïcienne. Diogène Laërce exprime cela de la manière suivante : « si,
dit-il, la grandeur d’âme suffit à mettre l’homme au-dessus de tout, et si elle n’est
qu’une partie de la vertu, la vertu y suffira donc avec son mépris de tous les
embarras apparents »17. Il faut comprendre par-là que le stoïcisme ne fait pas du
plaisir corporel, l’essence de sa philosophie morale. Cependant, c’est avec
Emmanuel Kant que l’éthique connaitra un sens autre que la conception classique,
en l’occurrence l’éthique épicurienne et l’éthique stoïcienne. Qu’en est-il de cette
éthique nouvelle élaboré par le penseur allemand ?

La morale kantienne est principalement exposée dans deux ouvrages


fondamentaux que sont : les Fondements de la métaphysique des mœurs (1785) et
la Critique de la raison pratique(1788). A partir de ces deux ouvrages, Kant
définit la morale comme la partie de la philosophie qui s’occupe des lois d’après
lesquelles tout doit arriver, et non selon lesquelles tout arrive effectivement.
Toutefois est-il que cette morale a pour fin la préservation et la considération de
l’être humain. En d’autre terme, Kant a centré sa philosophie morale sur la
personne humaine. A cet effet, le penseur va établir la volonté bonne comme
principe suprême de la moralité. Kant énonce le principe que « il n’est rien qui
puisse sans restriction être tenu pour bon, si ce n’est seulement une volonté
bonne »18. Pour lui, toutes nos actions doivent être accompagnées de volonté

16
Epicure, « Lettre à Ménécée », p 124.
17
Diogène Laërce, Vies et opinion des philosophes, VII, 125-127.
18
Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, p ; 57.
bonne. Cette volonté bonne doit respecter le principe de l’universalité qui n’est
autre que « l’impératif catégorique ». L’impératif catégorique renvoi à la loi
morale, il nous revient donc d’agir par devoir et non conformément au devoir. En
cela, l’impératif catégorique se distingue de l’impératif hypothétique par le fait
qu’il incite à l’obéissance à la loi morale. Pour Kant, la loi morale est
désintéressée et universelle en ce sens qu’elle met en évidence le respect de la
personne humaine, qui est elle-même porteuse de dignité humaine.
Comparativement aux autres êtres, l’homme est le seul être qui doit être perçu
comme fin et non comme moyen. Partant, Kant formule l’impératif de la façon
suivante : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta
personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une
fin et jamais simplement comme un moyen »19. La personne humaine, porteuse de
l’humanité et impliquant l’universalité, est donc la cause, la fin objective, de
l’impératif catégorique. Cette nouvelle orientation que Kant attribue à l’éthique,
nous amènent à comprendre qu’au lieu de considérer l’homme comme un moyen,
il enseigne à y voir plutôt en lui une fin en soi.

II- PROBLEMATIQUE ET PERSPECTIVES


A- PROBLEMATIQUE

Le sujet qui fait l’objet de notre travail de recherche se dévoile comme


suit : « Ethique et humanisme dans le déploiement à partir des Fondements de la
métaphysique des mœurs d’Emmanuel Kant ». Axer notre réflexion sur un tel
sujet s’annonce hermétique, dans la mesure où plusieurs penseurs depuis
l’Antiquité, ont apportés leur point de vue sur cette question. Aristote fut l’un des
philosophes qui ont accordés une étude particulière à l’éthique avant Kant. En
effet pour Aristote, l’éthique est un champ de la science pratique dont l’étude doit
permettre aux êtres humains de mener une vie meilleur. D’où l’importance des
vertus éthiques telles que la justice, le courage, la tempérance, vue comme un
mélange de raison, d’émotion et d’aptitude sociale. En revanche, cette éthique va
connaitre une autre tournure à partir d’Emmanuel Kant. Il faut toutefois signifier
19
Emmanuel Kant, Fondement de la métaphysique des mœurs, opus cité, p. 150.
que l’éthique chez Kant renvoie à sa philosophie morale du point de vue de son
caractère universel.

La question de la morale dans la philosophie d’Emmanuel Kant a une


dimension humaniste. En effet, sa morale se présente comme la voie conduisant
au triomphe de l’humanité. Kant souligne que contrairement aux autres êtres de la
nature, l’homme est le seul à avoir une valeur absolue. A ce titre, elle doit être au
fondement de toutes nos actions pour des relations interpersonnelles. De ce point
de vue, la morale de Kant doit être la conduite humaine éprise de liberté, d’égalité,
de justice et de paix. Face à ces divergences de point de vue, il devient nécessaire
pour nous de nous interroger de la façon suivante : l’éthique kantienne peut-elle
fonder un humanisme véritable ? Répondre à cette question nécessite l’analyse des
préoccupations suivantes : comment Kant expose-t-il sa morale dans les
fondements de la métaphysique des mœurs ? Quelle éthique pourrons-nous tirer
de cette morale kantienne ? Quelles sont les occurrences de l’humanisme
kantien ? à partir de ces différentes interrogations, nous allons aboutir à notre
thèse qui consiste à accorder une valeur inestimable si non prépondérante à la
personne humaine en ayant pour fondement l’éthique d’Emmanuel Kant.

PERSPECTIVES

Les différentes interrogations susmentionnées mettent en évidence des


objectifs que nous avons le désir d’atteindre par cette étude sur les concepts
d’éthique et humanisme chez Kant. Ils se déclinent en trois points essentiels tenus
par un objectif général : valoriser la personne humaine et les relations
interpersonnelles à travers l’éthique kantienne. Quant aux objectifs secondaires,
ils consistent à exposer la morale kantienne telle qu’elle se présent dans les
fondements de la métaphysique des mœurs de Kant Emmanuel. De mettre en
évidence l’éthique qui se dégage à partir de cette morale-là. De plus, il s’agira de
mettre en exergue les occurrences de l’humanisme kantien.

Pour parvenir aux objectifs susmentionnés, nous opterons pour la méthode


analytique. En effet, la méthode analytique aurait pris naissance dans la période
socratique, par le canal des débats sur les phénomènes sociaux. Elle consacre
aussi la philosophie morale. La méthode analytique consiste à « démontrer
l’exactitude des composants d’un aspect afin d’en saisir les spécificités et de
favoriser une compréhension approfondie de l’ensemble »20. De ce fait, la
méthode analytique permet la clarté et la précision, dans le discernement et le
raisonnement sur les choses. C’est juste titre que Frank Robert écrit ceci : « je
souligne que la méthode analytique ainsi comprise convient à toutes sortes
d’objets d’analyse(…), d’un processus, d’un raisonnement, d’un concept ou de
quoique ce soit »21. Ainsi, nous pouvons noter avec Frank Robert que la méthode
analytique sert à élucider la nature des objets d’études quels qu’ils soient. De cette
manière, nous pouvons citer l’Idéalisme, le Rationalisme, et le Criticisme comme
des courants de pensée au sein desquels les figures de proue ont recours dans leurs
écrits à la méthode analytique. Nous avons Platon, René Descartes, et enfin Kant
lui-même. En somme, la méthode analytique nous permettre d’analyser à fond
tous les aspects pertinents liés à la compréhension des concepts d’éthique et
humanisme.

III- PLAN PROVISOIRE DU MEMOIRE


INTRODUCTION

20
Jacqueline Russ, Dictionnaire de Philosophie, Op. Cit, p. 18.
21
Frank Robert, Philosophie analytique, Caen, PUC, 1977-1998, N°31-32, p. 16.

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