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La représentation des salariés

Préambule

1. L’implantation d’une participation véritable et efficace des travailleurs


dans les entreprises figure, sans doute, parmi les indicateurs les plus importants
de la qualité des relations professionnelles qui y prédominent, de nature à
moderniser ces relations et à développer l’économie d’entreprise, tout en veillant
à promouvoir un espace social propice, à même de renforcer la paix entre les
protagonistes sociaux.

2. Il est évident aussi que si le droit constitue la meilleure voie pour


asseoir les règles de la représentation des travailleurs et les contours de son
efficacité, on observe que, dans la pratique, les relations professionnelles sont,
en retrait ou en avance, par rapport à la loi qui les régit ; selon le rapport des
forces prédominant parmi les parties du travail, dans le temps et dans l’espace.
3. Concernant le Maroc, on relève que l’horizon de l’ancienne législation
du travail n’était pas assez étendu, face au développement des relations
professionnelles et à l’ambition grandissante des représentants des travailleurs
d’élargir leur champ de la participation, que ce soit à travers les délégués élus ou
les syndicalistes.

4. C’est ce vide que le Code du travail a cherché à dépasser en réhabilitant


la dimension sociale des relations de travail, après la prédominance de
l’organisation des relations individuelles par l’ancienne législation, au détriment
des relations collectives.

5. C’est ainsi qu’au niveau de la représentation syndicale, il a été procédé


à la refonte des règles régissant les syndicats professionnels, en vue d’élargir le
champ de leur intervention et d’organiser leur action au sein de l’entreprise, ce
qui rapproche le Maroc de la Convention internationale N° 87, sur la liberté
syndicale. Le Code du travail a aussi élargi, le domaine de la consultation des
délégués des salariés et conforté leur représentation dans les organes de
l’entreprise, à côté d’autres représentants syndicalistes. Il a également institué un
régime de la négociation collective.

6. Pour expliquer cette orientation nouvelle du Code du travail, on


exposera successivement : la représentation syndicale (A) -, – la représentation
2

des élus (les délégués des salariés (B), – la comparaison entre la situation
juridique du représentant syndical et du délégué des salariés (C )C) et enfin, on
procèdera à l’examen du nouvel organe, institué par le Code du travail au sein
de l’entreprise (comité d’entreprise) (D).
3

A – La représentation syndicale (le représentant syndical)

7. Il faut d’abord signaler que le régime du « représentant syndical » dans


l’entreprise n’a été introduit dans le Code du travail que dans sa dernière
version, alors qu’il est demeuré absent dans tous ses projets, en dépit des
revendications syndicales appelant à la nécessité d’organiser la pratique
syndicale dans l’entreprise, à l’instar du régime de la représentation
professionnelle (le délégué des salariés).

8. Compte tenu de la promulgation du Dahir organisant les syndicats


professionnels (16 juillet 1957) dans un contexte marqué par l’existence d’un
syndicat unique, (l’Union Marocaine du Travail), il est manifeste qu’il soit
frappé de désuétude dans la situation actuelle (en raison de l’exacerbation du
pluralisme syndical).

9. Sachant que le Maroc a ratifié très tôt la Convention internationale


relative au droit à l’organisation et à la négociation collective (N° 98),
l’élaboration d’une législation moderne du travail constituait l’occasion
d’apporter les modifications nécessaires au régime des syndicats professionnels,
dans le cadre du consensus qui s’est dégagé entre les partenaires durant la
plupart des phases du dialogue social sur le Code du travail. A ce sujet, il
faudrait rappeler le Dahir du 15 février 2000, qui a introduit des modifications
essentielles sur le Dahir précité, portant particulièrement sur la protection de la
liberté syndicale.

10. Avant d’analyser la situation juridique du représentant syndical (II),


on peut présenter les transformations les plus importantes que le régime des
syndicats professionnels a connues dans le cadre du Code du travail (I)
4

I – Principales innovations du Code du travail relatives au régime syndical

11. Les dispositions de ce régime ont connu un grand nombre


d’amendements, dont les principaux sont :

12. 1) En ce qui concerne les secteurs régis par les dispositions relatives
aux syndicats professionnels, on relève que si le champ d’application du Dahir
du 16 juillet 1957 était étendu aux travailleurs dans les secteurs industriel,
commercial, agricole et les professions libérales ainsi qu’aux fonctionnaires, 1 le
législateur a décidé d’exclure cette dernière catégorie des dispositions du Code
du travail ; celui-ci stipulant expressément qu’ils continuent à relever du Dahir
du 16 juillet 1957 et du Décret de 1958 relatif à l’exercice du droit syndical par
les fonctionnaires.

13. On peut aussi s’interroger aussi sur les secteurs relevant de statuts
particuliers pour savoir s’ils sont soumis aux dispositions du Code du travail en
la matière ou bien ils demeurent assujettis au régime général des syndicats
professionnels (Dahir de 1957)..

14. 2) Au niveau de la formation du syndicat professionnel, et


contrairement au Dahir de 1957 qui n’imposait aucune obligation aux fondateurs
du syndicat, lors de sa constitution, à l’égard de l’autorité de tutelle chargée du
travail, le Code a cherché à asseoir la relation entre les syndicats et cette autorité
en prévoyant l’obligation d’adresser une copie du dossier de constitution du
syndicat au délégué provincial chargé du travail. Cette formalité n’a pas été
toutefois érigée en condition de validité du syndicat ainsi créé.

15. Le Code du travail a, par ailleurs, renforcé l’efficacité des deux


conditions de forme relatives à la constitution du syndicat (dépôt du dossier
auprès de l’autorité administrative locale et envoi d’une copie au délégué du
travail), en prévoyant une sanction pénale en cas de leur violation.2

16. 3) Alors que l’objet des syndicats professionnels était uniquement


l’examen et la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux et
agricoles de leurs adhérents,3 ainsi que la faculté qui leur est reconnue d’être
consultés dans tous les litiges et à propos de toutes les questions relevant de leur

1
Cf. les articles premier et deuxième du dit Dahir
2
Il s’agit ici d’une amende d’un montant de 10.000 et 20.000 Dirhams – v. article 427 du Code du travail.
3
Cf. .art 1 du Dahir du 16 juillet 1957.
5

compétence ;4 la constitution leur reconnut la participation aux côtés des partis


politiques dans la représentation et l’encadrement des citoyens,5 ce qui élargi
manifestement leur rôle à divers niveaux, syndical, social et économique, voire
politique, conduisant le législateur a étendre davantage l’éventail de leurs
attributions et de leurs objectifs, à travers le Code du travail qui dispose dans
son article 396 qu’outre « les dispositions de l'article 3 de la Constitution, les
syndicats professionnels ont pour objet la défense, l'étude et la promotion des
intérêts économiques, sociaux, moraux et professionnels, individuels et
collectifs, des catégories qu'ils encadrent ainsi que l'amélioration du niveau
d'instruction de leurs adhérents. » Ils participent également à l'élaboration de la
politique nationale dans les domaines économique et social. Ils sont consultés
sur tous les différends et questions ayant trait au domaine de leur compétence.

17. 4) Et si le Dahir de 1957 a limité le droit d’adhérer au syndicat à 16


ans d’âge et celui de participer à sa direction à 18 ans d’une part, il était normal
que le Code du travail dépasse ces restrictions. Il est devenu du droit du mineur
d’exercer l’activité syndicale dès son accès au travail à l’âge de 15 ans, que ce
soit pour l’adhésion ou pour l’administration.

18. C’est ainsi que les dispositions du Code du travail sont des plus
claires en ce qui concerne l’interdiction de toute discrimination entre les salariés
fondées sur des considérations diverses dont le sexe du salarié, avec tous les
effets y attachés , notamment le droit de la femme (mariée ou non) à conclure le
contrat de travail, à adhérer à un syndicat professionnel et à participer à sa
direction et à son administration ; et par conséquent, l’interdiction, sous peine de
sanctions pénales, de toute mesure ségrégationniste motivée par l’appartenance
syndicale ou par l’exercice de l’activité syndicale par les salariés.

19. 5) Et si le Dahir de 1957 souffre d’une faiblesse dans la protection de


la liberté syndicale, l’adoption du Code du travail a été l’occasion pour les
organisations syndicales de revendiquer la consolidation et le renforcement de
cette liberté contre les mesures qui l’affectent de la part de l’employeur,
particulièrement à la suite de l’institution de l’activité syndicale au sein même
de l’entreprise par le Code du travail..

4
Cf. art. 18 du Dahir en question.
5
Cf. art. 3 du même Dahir.
6

260. Ainsi, le Code réitéré de nombreuses garanties à la liberté syndicale,


précédemment formulées dans le dahir du 05/02/2000, parmi lesquelles on peut
évoquer rapidement :

21. a) L’incrimination de toute atteinte aux libertés et aux droits relatifs à


l’action syndicale à l’intérieur de l’entreprise et de toute entrave à l’exercice du
droit syndical.7
22. b) Incrimination de toute discrimination à l’encontre des salariés,
fondée sur des considérations diverses, dont l’appartenance syndicale, ayant
pour effet de violer ou d'altérer le principe d'égalité des chances ou de traitement
sur un pied d'égalité en matière d'emploi ou d'exercice d'une profession,
notamment, en ce qui concerne l'embauchage, la conduite et la répartition du
travail, la formation professionnelle, le salaire, l'avancement, l'octroi des
avantages sociaux, les mesures disciplinaires et le licenciement.8

23. Il est vrai que cette disposition ne figurait pas dans le Dahir de 1957,
alors qu’elle était prévue par le Décret du 5 février 1958 relatif à l’exercice du
droit syndical par les fonctionnaires.

24. c) La décision de l’employeur d’appliquer des sanctions disciplinaires


ou de licencier en raison de l’appartenance syndicale ou de l’exercice de l’action
syndicale, est inadmissible et doit être considérée par conséquent comme mesure
abusive vis-à-vis du salarié.9

25. d) Incrimination de l’immixtion des organisations professionnelles


des employeurs et des salariés, de manière directe ou indirecte, dans les affaires
des unes par les autres en ce qui concerne leur composition, leur fonctionnement
et leur administration.

26. Le Code du travail considère comme immixtion dans les affaires


syndicales, toute mesure visant la création de syndicats de salariés sous le
contrôle de l'employeur ou de son représentant ou d’une organisation
d’employeurs, ainsi que tout soutien financier ou autre de leur part , aux fins de
soumettre ces syndicats au contrôle de l'employeur ou d'une organisation
d’employeurs.10

6
Cf. art. 9 et 12 du Code du travail.
7
Cf. art. 9, 12, 428 et 429 du Code du travail.
8
Cf. art. 9 et 12 du Code du travail.
9
Cf. art. 39 du Code du travail.
10
Cf. art. 397 et 428 du Code du travail.
7

27. e) Dans le cadre du renforcement de la position des syndicats, tant à


l’échelle nationale que de l’entreprise, le Code du travail a procédé à l’extension
de son champ de représentation et de consultation, tout en la confirmant en tant
que partie à la négociation collective.

28. A l’échelle nationale, les organisations syndicales sont représentées


dans le Conseil de la négociation collective, la Commission nationale d’enquête
et de conciliation, le Conseil supérieur de la promotion de l'emploi et le Conseil
de la médecine du travail et de la prévention des risques professionnels.11

29. Leur consultation a également été instaurée dans de nombreux


domaines, tels que la détermination des secteurs et des cas particuliers dans
lesquels il est permis de conclure un contrat de travail à durée déterminée,12
l’extension de la convention collective de travail,13 l’adoption du statut-type14 et
la fixation du salaire minimum légal.15

30. Et s’il est évident qu’en raison du pluralisme syndical les


organisations syndicales ne peuvent pas être toutes représentées dans les organes
précités et ne soient toutes consultées dans les domaines susmentionnés, il était
nécessaire de définir les critères des syndicats les plus représentatifs à l’échelle
nationale ou de l’entreprise.16 Les résultats des élections des représentants des
salariés sont ainsi devenus la référence pour déterminer l’organisation syndicale
la plus représentative à l’échelle nationale. Les syndicats qui ont obtenu au
moins 6% du total du nombre des représentants des salariés élus dans les
secteurs public et privé sont considérés parmi les plus représentatifs ; s’y
ajoutent les critères d'indépendance effective du syndicat et sa capacité
contractuelle.17 Mais, jusqu’à maintenant, ces deux critères n’ont pas été mis en
œuvre.

31. A l’échelle de l’entreprise, le représentant syndical se présente comme


un organe nouveau, inconnu de l’ancienne législation du travail.

11
Cf. art. 102, 564, 523 et 333 du Code du travail.
12
Cf. § 4, art. 16 du Code du travail.
13
Cf. art. 133 du Code du travail.
14
Cf. art. 139 du Code du travail.
15
Cf. art. 356 du Code du travail.
16
Le Code n’a pas adopté le critère du syndicat le plus représentatif pour tous les cas. Il est à noter qu’il a autorisé la
représentativité de toutes les organisations syndicales dans certains organes, comme c’est le cas du Conseil de la négociation
collective (art. 102 du Code du travail).
17
Cf. art. 425 du Code du travail.
8

II – Situation juridique du représentant syndical

32. Afin de mettre en lumière cette situation, nous traiterons de la manière


dont est désigné le représentant syndical dans l’entreprise (1), ses fonctions (2),
son droit de représentation dans les organes de l’entreprise (3) et enfin de la
protection dont il bénéficie dans l’exercice de sa responsabilité syndicale les
ainsi que de ses limites (4).

(1) Désignation du représentant syndical

33. Partant du principe qu’il appartient au syndicat de choisir son


représentant auprès de l’employeur dans l’entreprise , le code du travail lui a
conféré le droit de désigner son représentant et de lui attribuer ainsi la qualité de
représentant syndical.

34. Ainsi, le Code du travail a fixé comme suit les conditions de cette
désignation :18

1. Ne peut bénéficier de ce nouveau régime que l’entreprise ou


l’établissement qui dispose d’une représentation syndicale. Les autres
entreprises en sont par conséquent éliminées, même si dans d’autres
organisations juridiques (comparables) permettent aux syndicats de
désigner leur délégué parmi les représentants élus dans l’entreprise , de
manière à disposer d’un mandataire au sein de l’entreprise dans laquelle
ils ne disposent pas de représentation syndicale.

2. Ce régime ne s’est pas limité à la seule entreprise, mais il


englobe également ses établissements, pour autant que les conditions de sa
mise en œuvre se trouvent réunies.

3. Ce régime n’est pas accessible à tous les syndicats présents dans


l’entreprise, mais aux plus représentatifs parmi eux, lesquels sont invités à
désigner le représentant syndical entre les membres du bureau syndical
dans l’entreprise ou l’établissement, sachant que la notion de « bureau
syndical » de l’entreprise ou de l’établissement reste indéfinie.

18
Cf. art. 470 du Code du travail.
9

Il était donc nécessaire, à ce niveau aussi, d’élaborer une définition


du syndicat le plus représentatif à l’échelle de l’entreprise, à l’instar de
celle représentativité du syndicat à l’échelle nationale.

Ainsi, aucun syndicat ne peut se prévaloir de représentativité


particulière à l’égard d’un autre, au niveau de l’entreprise s’il n’a pas
obtenu au moins 35% du nombre total des délégués élus au niveau de
l'entreprise ou de l'établissement. Il importe en outre, de tenir compte de
sa capacité contractuelle, soit le nombre des conventions et des accords
relatifs au travail qu’il a pu conclure avec les employeurs ou leurs
organisations professionnelles.19

4. Le Code du travail a conditionné la faculté de désigner le


représentant syndical par le seuil de 100 salariés au sein de l’entreprise ou
de l’établissement. Cela signifie que même si la représentativité syndicale
est établie dans l’entreprise, elle n’est pas tenue de mettre en œuvre le
régime de représentant syndical lorsqu’elle emploie un nombre inférieur
de salariés ;20 les partenaires sociaux gardant toujours la possibilité de
convenir d’un tel régime même quand l’entreprise ou l’établissement
compte moins de 100 salariés.

En considérant le fait que le Code du travail prévoit de nouveaux


organes (Comité d’entreprise et Comité de sécurité et d’hygiène), dès que
le nombre de salariés de l’entreprise atteigne 50 salariés et autorisé la
présence syndicale en leur sein, il eut été plus approprié de fixer le seuil
de la représentation syndicale à 50 salariés, afin que le délégué des
salariés ne demeure pas le seul représentant des travailleurs dans les deux
comités, en l’absence d’un représentant syndical lorsque que le nombre
des salariés de l’entreprise tombe en-dessous de 100 dans la limite de 10 ;
dès lors que c’est ce nombre qui justifie l’application du régime des
élections de délégués des salariés ; étant entendu, comme cela a été
mentionné plus haut, qu’il demeure possible de mettre en œuvre le régime
19
Cf. art. 425 du Code du travail.
20
L’article 470 du Code du travail stipule que « Le syndicat le plus représentatif ayant obtenu le plus grand nombre de voix
aux dernières élections professionnelles au sein de l'entreprise ou de l'établissement ont le droit de désigner, parmi les
membres du bureau syndical dans l'entreprise ou dans l'établissement, un ou des représentants syndicaux selon le tableau ci-
après :
De 100 à 250 salariés 1 représentant syndical ;
De 251 à 500 salariés 2 représentants syndicaux ;
De 501 à 2000 salariés 3 représentants syndicaux ;
De 2001 à 3500 salariés 4 représentants syndicaux ;
De 3501 à 6000 salariés 5 représentants syndicaux ;
Plus de 6000 salariés 6 représentants syndicaux
10

de la représentation syndicale par voie conventionnelle entre les


partenaires dans l’entreprise .

(2) Fonctions du représentant syndical

35. Il va sans dire que l’exercice de l’action syndicale dans l’entreprise


était confronté à plusieurs difficultés, en raison du vide juridique en matière
d’organisation, dans le cadre du Dahir de 1957 ; même si les syndicats
professionnels invoquaient les dispositions constitutionnelles dès lors que le
droit syndical a été érigé en droit constitutionnel, depuis la première
Constitution.

36. Néanmoins, l’action syndicale dans l’entreprise n’a pas échappé à


plusieurs entraves et à diverses réactions de la part des employeurs, en l’absence
d’une définition légale claire des fonctions du représentant syndical dans
l’entreprise et des limites de la protection de leur exercice. Les syndicats ont dû
prendre part massivement aux élections des délégués des salariés afin que leurs
représentants puissent bénéficier de la protection prévue par le régime de la
représentation élue, à telle enseigne qu’un nombre considérable de salariés
commença ainsi à porter deux qualités en parallèle : celle de membre syndical et
celle délégué des salariés, en dépit de la confusion créée par cette situation dans
la relation qui en découle à l’égard de l’employeur lors de leurs entretiens, de la
présentation des réclamations et des revendications, en même temps.

37. Sans doute, les nouvelles dispositions régissant la situation du


représentant syndical sont de nature à clarifier les contours de ses fonctions, en
les distinguant de celles du délégué des salariés. Ainsi, le représentant syndical
dans l'entreprise est chargé de :
38. a- présenter à l'employeur ou à son représentant, le cahier des
revendications, d’engager les négociations y afférentes, ce qui est supposé
outrepasser les réclamations relatives à l’application des dispositions du Code,
pour présenter des revendications nouvelles, que ce soit au sujet des moyens de
l’action syndicale, des revendications salariales ou de ce qui a trait aux
avantages pécuniaires, en nature, ou autres.

39. Dans le but de distinguer entre les fonctions de délégué des salariés et
celles du représentant syndical, le Code du travail a veillé à souligner la
dimension « collective » des revendications présentées par le représentant
syndical, lesquelles font l’objet des négociations entre lui et l’employeur surtout
11

quand leur caractère collectif a été réitéré par le législateur à l’occasion du


dispositif de la négociation collective.21

40. Quand bien même l’art 471 du Code du travail accorde au représentant
syndical le droit d’engager la négociation sur les revendications collectives avec
l’employeur, les autres dispositions de celui-ci qui organisent par l’article 95 la
négociation collective au niveau de l’entreprise ne l’ont pas mentionné en
désignant comme parties à cette négociation l’employeur et les syndicats les
plus représentatifs dans l’entreprise .

41. b) S’il est admis que la convention collective ne peut se conclure, du


côté des salariés, que par les représentants de la ou des organisations syndicales
les plus représentatives, ou de leurs unions,22 il est clair que le représentant
syndical ne peut pas être la partie qui conclut ces conventions dans l’entreprise.
C’est pourquoi, le Code du travail s’est contenté de lui accorder le droit de
participer à la conclusion de ces conventions dans son entreprise, 23 compte tenu
de ses connaissances sur les conditions de travail et la situation des salariés de
l’entreprise, sa réalité économique et les limites de ses aptitudes à assumer les
résultats des clauses de ces conventions collectives.

42. En outre, le représentant peut se constituer partie dans un accord


relatif au travail dont la force juridique est inférieure à celle de la convention
collective ; mais qui conserve néanmoins ses effets de droit, lesquels découlent
de la force obligatoire des conventions, conformément aux règles générales de
droit civil.24

43. c) Sans doute, parmi les innovations du Code du travail figure


l’élargissement du domaine de la consultation des représentants des travailleurs,
que ce soit les délégués élus ou les représentants syndicaux. Désormais,
l’employeur peut consulter le représentant syndical au sujet de plusieurs
questions, notamment :

44. - à l’occasion de l’audition du salarié auquel est imputée une faute


grave par l’employeur. Le salarié concerné peut, s’il le désire, se faire

21
Cf. art. 92 et suivants du code du travail.
22
Cf. art. 104 du code du travail.
23
Cf. art. 471 du code du travail.
24
Cf. art. 230 du code des obligations et contrats.
12

accompagner du représentant syndical. C’est là une occasion adéquate pour ce


dernier d’exprimer son avis sur le sujet.25

45. - l’élaboration par l’employeur du règlement intérieur de l’entreprise


et de ses modifications ultérieures.26

46. - Recours par l’employeur à la réduction de la durée normale du


travail durant une période ne dépassant pas soixante (60) jours par an, en cas de
crise économique passagère ayant affecté l'entreprise ou de circonstances
exceptionnelles involontaires.27

47. -* Recours par l’employeur au licenciement de tout ou partie des


personne, pour motifs économiques, technologiques ou structurels.28

48. * Nécessité pour l’employeur de procéder à la fermeture totale ou


partielle de l’entreprise dans les cas de force majeure empêchant la poursuite de
ses activités.29

49. - Fixation par l’employeur des dates des départs en congé annuel, en
tenant compte de la situation de famille des salariés et de leur ancienneté dans
l'entreprise.30

50. * Recours par l’employeur à la fixation par l’employeur de la durée


journalière de travail à titre de récupération des heures de travail perdues, en cas
d'interruption collective du travail résultant de causes accidentelles ou de force
majeure31 ou en raison d’un jour férié.32
51. * Recours par l’employeur aux agences d’intérim pour engager des
salariés temporaires dans les cas prévus par le Code du travail.33
(3) Protection du représentant syndical

52. Après que le délégué des salariés, à l’exclusion du délégué syndical,


fût le seul bénéficiaire de nombreuses garanties protectrices et de facilités pour
l’exercice de ses fonctions représentatives, le Code du travail a étendu cette
25
Cf. art. 62 du code du travail.
26
Cf. art. 138 du code du travail.
27
Cf. art. 185 et 186 du code du travail.
28
Cf. art. 66 du code du travail.
29
Cf. art. 69 du code du travail.
30
Cf. art. 69 du code du travail.
31
Cf. art. 245 du code du travail.
32
Cf. art. 189 du code du travail.
33
Cf. art. 227 du code du travail.
13

protection au représentant syndical. En plus de la protection du droit syndical


telle qu’elle est assurée de façon générale et pour chaque membre du syndicat
dans l’entreprise, le représentant syndical accède, à l’instar du délégué des
salariés, des garanties spécifiques parmi lesquelles on trouve :

53. a) toutes les facilités accordées au délégué des salariés dans le cadre
de l’ancienne législation et confirmées par le Code du travail, telles que la
fixation d’un quota de temps pour l’entretien avec l’employeur, les permissions
d’absence pour assurer ses fonctions, la détermination des moyens de
communication et d’information vis-à-vis des salariés.34

54. b) les permissions d'absence pour participer aux sessions de formation,


aux conférences, aux séminaires ou aux rencontres syndicales nationales et
internationales.35
55. c) une procédure protectrice avant la prise de toute mesure
disciplinaire par l’employeur à l’encontre du représentant syndical, qu’il s’agisse
d’un changement de service ou de tâche, d’une mise à pied ou d’un
licenciement ; procédure qui demeure subordonnée à l’approbation préalable de
l’inspecteur du travail, par décision motivée, 36 sachant que l’ancienne législation
du travail évoquait seulement l’avis de ce dernier et que la justice considérait
qu’il était donné à titre consultatif, son défaut ne donnant lieu à aucune sanction.

56. Il est à noter que la décision de l’inspecteur du travail, en tant qu’acte


administratif, demeure susceptible de recours pour excès de pouvoir ; quand
bien même l’employeur n’est souvent pas en mesure d’attendre une décision
judiciaire pour engager la mesure disciplinaire en question, surtout en cas de
faute grave imputée au salarié, sans qu’elle soit « reconnue » par l’inspecteur du
travail.

57. c) le doublement de son indemnité de licenciement, qui constitue la


seule indemnité à se voir doubler, à l’exclusion des autres indemnisations et
(indemnité pour brusque rupture et dommages-intérêts) droits.

(4) Représentation syndicale dans les instances de l’entreprise

58. Dans le cadre de l’extension du champ de participation des travailleurs


à la prise de décision dans l’entreprise, le Code du travail a veillé sur la
34
Cf art. 472 du code du travail.
35
Cf. art. 419 du code du travail.
36
Cf. art. 457 et 459 du code du travail.
14

représentation syndical dans les nouvelles instances qui ont été instaurées dans
l’entreprise : le Comité d’entreprise et la Commission de sécurité et d’hygiène.

59. Seulement, si le législateur a permis la création de ces deux comités


dès que le nombres des salariés atteint cinquante, en organisant la représentation
des délégués des salariés en leur sein, la présence du représentant syndical ne
peut être garantie, pour sa part, que dans les entreprises qui occupent 100
salariés ou plus.

60. On observe, en outre, que le nombre des représentants syndicaux dans


les deux comités ne peut dépasser 2 personnes, quel que soit le nombre des
salariés dans l’entreprise concernée.

61. Par ailleurs, la représentation syndicale peut avoir lieu au sein de la


Commission provinciale, chargée d’étudier les demandes d’autorisation de
licenciement pour motifs économiques, technologiques, structurels ou pour
fermeture obligée37/38 ainsi que dans la commission provinciale d’enquête et de
conciliation dans les conflits collectifs de travail, 39 en plus d’autres comités, tels
que le conseil régional et provincial de promotion de l’emploi.40

B – La représentation élue (le délégué des salariés)

62. Le Code du travail a renforcé la situation des délégués des salariés


dans l’entreprise et consolidé leurs fonctions. Ses principales innovations sont
les suivantes :

I – Au niveau du champ d’application du régime des délégués des salariés

63. Les dispositions de ce régime ont été étendues à tous les


établissements occupant d’ordinaire 10 salariés permanents, au moins,, alors
que le secteur agricole en était privé.41

II – Au niveau des élections des délégués des salariés

37
Cf. art. 68 du code du travail.
38
Cf. art. 68 du code du travail.
39
Cf. art. 557 du code du travail.
40
Cf. art. 525 du code du travail.
41
Cf. art. 430 du code du travail.
15

64. 1) Si l’ancienne législation (Dahir du 29 octobre 1962) s’était limitée à


exposer les règles générales relatives à l’élection des délégués en laissant aux
textes réglementaires le soin de les détailler, on relève que le Code du travail a
abordé en détail la manière de préparer ces élections, leurs étapes, leurs
conditions et leurs procédures.

65. 2) Alors que l’ancienne législation exigeait de l’électeur qu’il ait


atteint 18 ans à la date de début des élections pour y prendre part, le Code s’est
limité à 16 ans et a ramené à 20 ans au lieu de 21 ans l’âge minimum du
candidat à la fonction de délégué.42

66. 3) Le Code du travail a réservé la sanction pénale la plus élevée à


l’inobservation par l’employeur de l’obligation d’organiser les élections des
délégués des salariés (une amende de 25.000 à 30.000 dirhams, portée au double
en cas de récidive, art. 463).

67. 4) L’inspecteur du travail s’est vu confier par le Code un rôle d’arbitre


en cas de litige entre l’employeur et les salariés au sujet de la répartition des
établissements dans l’entreprise, de l’affectation des salariés dans les collèges
électoraux ou de la répartition des sièges entre ces collèges.43

68. 5) Comme les résultats des élections des délégués des salariés
constituent un critère servant à déterminer les syndicats les plus représentatifs,
aussi bien à l’échelle nationale que de l’entreprise, 44 il faut s’attendre à ce que
les organisations syndicales parient fortement sur l’encadrement des salariés qui
se portent candidats à ces élections, ce qui aura pour effet d’ériger
majoritairement ces délégués en représentants des syndicats également, d’autant
plus que les délégués actuels sont faiblement syndiqués, comme on le sait..

III – Au niveau de la durée du mandat des délégués

69. Alors que l’ancienne législation avait fixé le mandat du délégué à six
(06) ans, le Code du travail renvoie à un texte réglementaire qui doit fixer cette
durée selon le contexte au moment du déroulement de ces élections.45

42
Cf. art. 438 et 439 du code du travail.
43
Cf. §3, art. 437 du code du travail.
44
Cf. art. 425 du code du travail.
45
Cf. art. 434 du code du travail.
16

70. De même, dans le but de protéger les salariés contre les dérives
éventuelles du délégué, le Code du travail a prévu, la possibilité de lui retirer la
confiance au cours de son mandat, par décision écrite portant les signatures
légalisées des deux tiers des salariés électeurs, prise après l'écoulement de la
moitié du mandat46 au moins.

IV – Au niveau des fonctions et attribut ions des délégués des salariés

71. Afin délimiter les fonctions du représentant syndical et celles du


délégué des salariés, le Code du travail a reconduit au profit du délégué le rôle
d’intermédiation à travers la présentation des réclamations tendant à
l’application des dispositions du Code, au moyen d’un mémoire écrit
comportant un résumé de la réclamation émanant d’un ou de plusieurs salariés.

72. Toutefois, parmi les innovations principales du Code du travail figure


l’ouverture de larges perspectives à la consultation des délégués des salariés,
tant au sujet des conditions de travail que de l’extinction du contrat de travail,
comme on la souligné plus haut à propos de la consultation du représentant
syndical et de la présence du délégué des salariés dans les instances de
l’entreprise qui occupe 50 salariés, ou davantage (comité d’entreprise et
commission de sécurité et d’hygiène.

73. En général, on peut avancer que le délégué des salariés, non seulement
conserve ses anciennes attributions, mais accède à leur extension par le Code du
travail qui a décidé de le faire participer dans certaines procédures et dans
certains organes nouveaux. Ces fonctions sont désormais partagées avec le
représentant syndical, lorsqu’il en existe dans l’entreprise ou l’établissement,
mais chacun d’eux obtient, sous certaines limites, des prérogatives et des
domaines particuliers d’action.

74. Il ressort d’ailleurs clairement de ces dispositions que le Code du


travail consacre presque une participation professionnelle des travailleurs au
sein de l’entreprise, par le biais du délégué des salariés auprès de l’employeur.
Seulement, le Code n’a pas déterminé la procédure de ces consultations ni les
sanctions en cas de violation des dispositions qui la régissent.

V – Mesures protectrices du délégué des salariés


46
Cf. art. 435 du code du travail.
17

75. Aucun élément nouveau n’est à signaler au sujet de ces mesures, qui
étaient prévues par l’ancienne législation (Dahir du 29 octobre 1962), si ce n’est
leur extension au représentant syndical, tant en ce qui concerne les prérogatives
afférentes aux relations avec les salariés ou l’employeur que les mesures
disciplinaires à prendre contre le délégué ou encore le doublement du montant
de l’indemnité de licenciement à leur profit.

C – Comparaison entre la situation juridique du délégué des salariés et le


représentant syndical

76. Quelles sont les dispositions communes au délégué des salariés et au


représentant syndical  prévues par le Code du travail? Quelles sont les
différences qui marquent la situation juridique de chacun d’eux ?

I. Dispositions communes

77. 1) Le Code du travail n’opère aucune distinction entre les entreprises


et les établissements relevant de ces deux régimes. Cela signifie qu’aucun
secteur n’est écarté de leur application à l’exception des fonctionnaires qui
demeurent soumis au Dahir du 16 juillet 1957, relatif aux syndicats
professionnels.

78. 2) Les deux régimes n’entrent en vigueur que si un certain nombre de


salariés travaillent dans l’entreprise ou l’établissement (10 pour le délégué et
100 pour le représentant syndical).

79. 3) La durée de leur mandat n’est pas fixée d’avance par la loi.

80. 4) Toutes les instances de consultation prévues dans le Code du travail


(comité d’entreprise, commission de sécurité et d’hygiène) accueillent les deux
représentations (le délégué et le représentant syndical) en tant que parties
prenantes.

81. 5) Le délégué et le représentant syndical sont présents dans les


organes prévus dans l’entreprise (comité d’entreprise, commission de sécurité et
d’hygiène).
18

82. 6) Le représentant syndical bénéficie désormais des prérogatives de


travail ou « facilités », dont jouissait le délégué élu, que ce soit dans la relation
avec les salariés ou avec l’employeur.

83. 7) La protection en matière disciplinaire, y compris en cas de


licenciement, dont jouissait le délégué des salariés couvre désormais le
représentant syndical, y compris le doublement de l’indemnité de licenciement,
si l’un d’eux est renvoyé.

84. De toute évidence, le législateur devait prêter attention au cas où le


délégué des salariés exercerait en même temps les fonctions de représentant
syndical ; pour ne bénéficier que des facilités et de la protection pour l’exercice
d’une seule fonction.47

85. 8) On observe aussi une incrimination identique des entraves aux


fonctionnement des deux régimes qualifiées de délits, que ce soit l’entrave au
mandat du délégué48 ou à la liberté syndicale.49

86. 9) De même, le Code du travail a accordé aussi bien au délégué qu’au


représentant syndical la possibilité de conclure des accords avec l’employeur
dans le cadre de la gestion des conditions de travail et de la résolution des
conflits individuels du travail.

II. Différences entre la condition légale du délégué des salariés et du


représentant syndical

87. Bien que le législateur ait comblé le vide juridique en matière d’action
syndicale dans l’entreprise, en traitant dans l’égalité le représentant syndical et
le délégué des salariés dans de nombreux domaines, il n’en demeure pas moins
que plusieurs différences subsistent, compte tenu des particularités et des
finalités derrière la considération de chacun de ces régimes. Les principales
d’entre elles sont :

88. 1) Si le délégué acquiert sa qualité aux termes d’élections régies par le


Code du travail, le représentant syndical accède à la sienne grâce à sa
désignation par son syndicat selon les règles stipulés dans ses statuts ou son
règlement intérieur.
47
. Cf. art. 472 du code du travail.
48
Cf . art. 462 du code du travail.
49
Cf. . art. 428 du code du travail.
19

89. 2) Si la représentation élue constitue une obligation légale pour


l’entreprise qui réunit les conditions légales requises, le représentation syndicale
demeure un droit attaché à la liberté syndicale, sous réserve des conditions
légales.

90. 3) L’entreprise bénéficie du régime du délégué du simple fait qu’elle


emploie 10 salariés. Mais, pour bénéficier de celui du représentant syndical, elle
devra en employer 100, sachant que la constitution du syndicat n’est pas
soumise à une condition liée de nombre des salariés.

91. 4) L’établissement est le cadre d’application du régime de délégué en


tant que partie de l’entreprise, alors que le Code du travail a laissé le choix au
syndicat pour désigner son représentant au niveau de l’établissement ou de
l’entreprise, à condition que le nombre requis de salariés soit réuni dans un
espace ou l’autre.

92. 5) L’acquisition de la qualité de délégué n’est possible que lorsque le


salarié atteint 20 ans, et se prévaut d’une ancienneté d’une année au moins. Par
contre, aucune condition d’âge pour l’adhésion au syndicat, sa gestion ou pour
assumer la responsabilité de représentant syndical n’est exigée par le Code. Le
salarié y a droit dès qu’il atteint l’âge de travail (15 ans). Par ailleurs, le Code
n’impose aucune période d’ancienneté dans l’entreprise ou l’établissement.

93. 6) Outre le fait que le représentant syndical partage la représentativité


avec le délégué des salariés dans le Comité d’entreprise et dans la Commission
de sécurité et d’hygiène, il s’en distingue par la faculté dont il jouit pour la
représentation dans d’autres instances comme la Commission provinciale
d’enquête et conciliation dans les conflits collectifs de travail 50 et la Commission
provinciale chargée d’étudier la demande de licenciement pour des raisons
économiques, technologiques ou structurelles ou pour fermeture obligatoire.51

94. 7) Afin d’éviter la confusion éventuelle entre le délégué des salariés et


le responsable syndical au sein de l’entreprise dans leur relation avec
l’employeur compte tenu du vide législatif qui prévalait dans l’exercice des
fonctions syndicales dans l’entreprise, le Code du travail clarifie la question, à
l’occasion de la définition des fonctions du délégué et du représentant. Si celles
du premier se limitent à présenter les revendications individuelles au sujet de la
50
Cf . art. 557 du code du travail.
51
Cf. art. 66 et suivants.
20

violation des dispositions du Code du travail, celles du représentant syndical


concernent la négociation au sujet des revendications collectives du salarié, en
plus de sa contribution à la conclusion des conventions collectives de travail.52

95. 8) Dans le cadre de la promotion et la modernisation des fonctions du


représentant syndical, le Code du travail a fait bénéficier ce dernier, à la
différence du délégué des salariés, de la possibilité de bénéficier de permissions
d’absence pour participer aux sessions de formation, aux conférences, aux
séminaires ou aux rencontres syndicales nationales et internationales.53

96. 9) De surcroît, le Code du travail a admis pour la première fois, la


possibilité de retirer la confiance au délégué au cours de son mandat, comme on
l’a vu ci-dessus, alors que le syndicat qui a mandaté son représentant syndical
conserve ce pouvoir.

97. 10) Si le Code du travail a organisé la possibilité pour le délégué des


salariés de recourir à l’inspecteur du travail lorsque ses entretiens avec
l’employeur n’aboutissent pas à des résultats satisfaisants pour les deux parties,
il a plutôt omis d’indiquer cette prérogative dans la relation entre le représentant
syndical et l’employeur, en dépit de la nature des fonctions confiées au
représentant syndical, qui peuvent occasionner une tension entre les deux
parties.

98. 11) Il reste enfin à souligner que le code a chargé l’employeur de


trouver les bases de la coopération et de l’équilibre dans la représentation au
sein de l’entreprise, si celle-ci compte en même temps des délégués de salariés
et des représentants syndicaux,54 conformément aux clauses de la convention
internationale de travail ratifiée par le Maroc.

D – Le comité d’entreprise

99. Afin de moderniser les relations de travail dans l’entreprise, de la


protéger des fluctuations du marché économique en constante transformation, de
relever les défis de la mondialisation et des progrès technologiques, de soutenir
sa compétitivité d’une part, et en vue de soutenir sa dimension sociale à travers
l’implication des représentants des salariés dans les délibérations de nature à
contribuer à relever les défis précités d’autre part ; il était nécessaire de donner
52
Cf. art. 471 du code du travail.
53
Cf . art. 419 du code du travail.
54
Cf. art. 473 du code du travail.
21

jour à des organes nouveaux dont les attributions sont de nature à accompagner
ces changement. Il s’agit essentiellement du comité d’entreprise et de celui de
sécurité et d’hygiène.

100. L’examen du Comité de sécurité et d’hygiène ayant été effectué


dans le cadre du thème relatif aux conditions générales de travail, il reste à
exposer les règles relatives au comité d’entreprise, en abordant sa constitution
(1) et ses pouvoirs (II).

I – Constitution du comité d’entreprise

101. Dans le cadre de la consécration de la logique de concertation et de


partenariat, il est évident que la représentation des salariés y soit forte. Aux
termes l’article 465 du Code du travail, ce comité se compose, de :

- l'employeur ou son représentant ;


- deux délégués des salariés élus par les délégués des salariés de
l'entreprise ;
- un ou deux représentants syndicaux dans l'entreprise, le cas échéant.

102. Manifestement, si le législateur considérait la présence de deux


délégués et l’éventualité d’un seul représentant syndical, c’est parce que le
comité d’entreprise ne peut se constituer que si le nombre des salariés atteint 50
salariés au moins. D’un autre côté, le régime des délégués est obligatoire dans
l’entreprise occupant 10 salariés et plus. Pour sa part, le représentant syndical ne
peut être désigné dans l’entreprise que si celle-ci occupe 100 salariés au plus,
comme expliqué plus haut.

103. Il y a lieu de souligner également que le nombre maximum de


représentants prévu par le Code du travail (délégués ou représentants
syndicaux), est de deux seulement, quel que soit le nombre des salariés
travaillant dans l’entreprise, surtout que le législateur n’a permis de constituer ce
comité qu’au niveau de l’entreprise et non de l’établissement.

104. Et en dépit de ces dispositions relatives à la constitution du comité


d’entreprise, plusieurs questions restent en suspens, sans que le Code du travail
y apporte de réponse. En voici quelques exemples :
22

1- Afin de déterminer le nombre des salariés requis pour constituer


ce comité (50), quels sont les salariés qui doivent être pris en
considération ? Doit-on les considérer tous : y compris les, les
titulaires de contrats à durée déterminée ou indéterminée, ou bien
certains uniquement ?
2- Quelle disposition prendre lorsque les effectifs de l’entreprise
enregistrent une baisse  en dessous de 50 ? Doit-on alors dissoudre le
Comité ou non ?
3- Quelle action entreprendre lorsque l’entreprise occupe moins de
50 salariés et qu’elle atteint le seuil de 50 salariés pour la constitution
du comité ? Doit-on le former dès que le quorum est atteint ou bien
doit-on conserver ce nombre pour une période donnée afin de garantir
sa stabilité ?
4- Peut-on cumuler les fonctions de délégué et de représentant
syndical dans le comité d’entreprise ?
5- Quel est le temps dont disposent les membres du comité
d’entreprise pour s’acquitter de leurs fonctions ?
6- Quelle est la durée du mandat des membres du comité
d’entreprise ?

105. Si le Code du travail a permis d’inviter chaque personne faisant


partie d’une entreprise à participer aux travaux du comité d’entreprise, quels
sont les membres de ce comité habilités à adresser cette invitation ?55

II – Pouvoirs du comité d’entreprise56

106 L’attribution de ces pouvoirs répond à des contraintes internationales


et internes auxquelles est confrontée l’entreprise marocaine, comme on les a
évoqués précédemment :

1- Examen des moyens de travail dans l’entreprise

55
Pour d’autres détails sur ces problématiques, v. « Pr. Belaid Kerroumi « Le Comité d’l’entreprise d’après les dispositions
du Code du travail » - intervention dans le cadre du colloque organisé par la Faculté de droit de Casablanca, sur « les
nouveautés du Code du travail », 23-24 avril 2004.
56
Cf. art. 466 du code du travail.
23

107. Le comité d’entreprise s’occupe de l’examen des changements


structurels et technologiques dans l’entreprise pour garantir son développement
et consolider sa continuité.

2- Suivi de la productivité de l’entreprise

108. Stratégie productive de l’entreprise et moyens d’améliorer son


rendement.

3- Au niveau social

109. Le bilan social de l’entreprise et l’élaboration des projets sociaux au


profit des salariés et la supervision de leur réalisation.

4- Formation adéquate des salariés

110. Elaboration des programmes d’apprentissage et de formation pour


l’insertion professionnelle, d’alphabétisation et de formation continue des
salariés.

5- Gestion des ressources humaines dans l’entreprise

111. Le comité d’entreprise a le droit d’être consulté par l’employeur qui


entend licencier tout ou partie de ses salariés pour des motifs économiques,
structurels ou technologiques ou qui envisage la fermeture de son entreprise
pour des raisons indépendantes de sa volonté. L’employeur est désormais tenu
de consulter le comité d’entreprise, voire de négocier avec lui, pour examiner les
moyens à même d’éviter la mesure de licenciement ou au moins d’atténuer ses
effets, y compris la réinsertion dans d’autres postes.57

112. Et s’il est clair que le législateur a accordé au comité d’entreprise des
fonctions considérables, il n’est pas allé plus loin, pour lui octroyer la
personnalité juridique, et lui octroyer les avantages inhérents à cette qualité, à
savoir la capacité civile, l’autonomie financière et le droit d’ester en justice.

113. Par ailleurs, le Code du travail ayant fait expressément mention de la


qualité consultative des fonctions du comité d’entreprise, se pose alors

57
Cf. art. 66 du code du travail.
24

l’interrogation sur le sort et le dénouement des résultats des travaux de ce comité


et les limités juridiques des décisions qu’il rend.

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