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Article à jour au 23/05/2018

 36-643-A-10

Anesthésie du sujet âgé


J.-P. Haberer

En France, au 1er janvier 2012, près de 5,8 millions de personnes étaient âgées de 75 ans et plus. Le vieillis-
sement s’accompagne d’une réduction progressive des réserves fonctionnelles des principaux organes. À
ceci se surajoutent les maladies chroniques, cardiovasculaires, respiratoires, neurologiques, ostéoarticu-
laires. La consultation d’anesthésie a pour principaux objectifs l’évaluation des réserves fonctionnelles,
surtout cardiovasculaires et respiratoires, des fonctions cognitives et du degré d’autonomie du sujet âgé.
Le choix de la technique d’anesthésie, anesthésie générale ou anesthésie locorégionale, dépend du patient
et du type de chirurgie. L’installation sur la table d’opération doit éviter les lésions de compression et
d’étirement des nerfs, des articulations et du revêtement cutané. Les modifications pharmacocinétiques
et pharmacodynamiques justifient une diminution des doses de bolus et de perfusion continue et un
espacement des réinjections des agents anesthésiques. Les complications postopératoires sont plus fré-
quentes et plus graves, dominées par les complications cardiovasculaires, respiratoires et neurologiques.
La confusion mentale (delirium) est une complication postopératoire fréquente. Le contrôle des facteurs
déclenchants peut en limiter la fréquence de survenue. La dysfonction cognitive postopératoire (DCPO)
est observée même après des actes mineurs. Elle régresse en quelques semaines, sauf après des actes
majeurs (chirurgie cardiaque) où elle persiste de trois à six mois. Le traitement de la douleur postopé-
ratoire, souvent insuffisamment prise en charge, nécessite une évaluation adaptée au sujet âgé, une
formation du personnel infirmier et l’application de protocoles spécifiques au sujet âgé.
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Mots-clés : Anesthésie ; Complications postopératoires ; Dysfonction cognitive postopératoire ;


Évaluation préopératoire ; Sujet âgé ; Vieillissement

Plan  Introduction
■ Introduction 1
Il y a deux décennies l’Organisation mondiale de la santé défi-
■ Modifications physiologiques 2 nissait la vieillesse par un âge supérieur à 60 ans. En raison de
Gérontofragilité 2 l’allongement de la durée de vie, cette définition n’est plus adap-
■ Modifications pharmacologiques 2 tée, et on estime que le sujet âgé (vieillard) est celui qui a plus
Modifications pharmacocinétiques 2 de 75 ans. Un âge supérieur à 90 ans définit le grand vieillard.
Modifications pharmacodynamiques 2 En France, au 1er janvier 2012, près de 5,8 millions de personnes
■ Évaluation préopératoire 4 étaient âgées de 75 ans et plus (données de l’Institut national
d’études démographiques).
■ Période peropératoire 7 La population âgée nécessite plus fréquemment une inter-
Installation peropératoire 7 vention chirurgicale, notamment en orthopédie, urologie,
Monitorage 7 gynécologie et ophtalmologie. Les interventions sont réalisées
Induction et entretien de l’anesthésie 8 plus souvent en urgence. La chirurgie mini-invasive (laparosco-
Ventilation peropératoire 9 pie) est bien adaptée au sujet âgé, dès lors qu’elle n’allonge pas
Hémodynamique et remplissage vasculaire peropératoire 9 de façon inconsidérée la durée de l’acte chirurgical. Chez certains
Anesthésies locorégionales 10 patients âgés sans comorbidités associées, certaines interventions
■ Période postopératoire 11 majeures (chirurgie cardiaque par exemple) sont réalisées sans
Confusion mentale 11 mortalité excessive [1, 2] . Néanmoins, dans de nombreuses études,
Dysfonction cognitive postopératoire 12 l’âge est un facteur de risque opératoire indépendant [1–3] (Fig. 1).
Prévention de la maladie thromboembolique 12 Ce chapitre traitera des modifications physiologiques et
Douleur postopératoire 13 pharmacologiques liées au vieillissement, de l’évaluation pré-
■ Différents types de chirurgie 13 opératoire, de la prise en charge peropératoire, des techniques
Fracture de l’extrémité supérieure du fémur 14 anesthésiques, anesthésie générale et anesthésies locorégio-

nales, de la période postopératoire et des différents types de
Conclusion 15
chirurgie.

EMC - Anesthésie-Réanimation 1
Volume 10 > n◦ 4 > octobre 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0289(13)10811-8
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12 % 6
10 %
Pourcentage

8% 5

6%
4% 4

Volume l
2%
3 H
0%

9
9

10
–1

–2

–3

–4

–5

–6

–7

–8

–9
H

0–
17

20

30

40

50

60

70

80

90
2

10
F
Âge (ans) F
Figure 1. Évolution de la mortalité opératoire (en pourcentage) en
1
fonction de l’âge des patients (d’après [1] ).

0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
Âge (ans)
Figure 3. Évolution du volume expiré maximal seconde (VEMS) (traits
1 Normal orange et rouge) et de la capacité vitale forcée (traits bleu et vert) en
fonction de l’âge (F : femmes ; H : hommes) (d’après [12] ).
Réserve fonctionnelle

Maladie chronique 2 intervention chirurgicale [13] . Ce qui différencie la fragilité du


vieillissement, c’est la réversibilité partielle possible de certaines
de ses composantes.
La fragilité est définie par un score (score de Fried) qui comporte
cinq items notés 0 (absent) ou 1 (présent) : perte de poids invo-
Maladie aiguë 3 3 lontaire (4 à 5 kg en un an) ; fatigue rapportée par la personne
elle-même ; faiblesse musculaire (évaluée par la force de la poignée
de main) ; réduction de la performance (évaluée par la possibilité
de la marche rapide) ; réduction de l’activité physique. Environ
Insuffisance fonctionnelle 10 % des sujets âgés de chirurgie sont classés comme fragiles [13] .
La fragilité augmente les complications postopératoires, comme
par exemple l’état confusionnel [13, 14] .

Âge

Figure 2. Déclin des réserves fonctionnelles des organes avec l’âge.  Modifications
L’évolution normale est indiquée par la ligne 1. Une maladie chronique
surajoutée accélère le déclin (ligne 2). Une maladie aiguë entraîne une
pharmacologiques
réduction rapide mais réversible (lignes 3). La zone grisée indique la zone
Les modifications anatomiques et physiologiques liées au
d’insuffisance fonctionnelle (d’après [8] ).
vieillissement modifient la pharmacocinétique et la pharmaco-
dynamie des médicaments [15, 16] . Les maladies associées ajoutent
 Modifications physiologiques leurs effets, de même que des facteurs génétiques et environ-
nementaux. Plus encore que chez l’adulte jeune la variabilité
individuelle est grande. Les traitements médicamenteux mul-
Le vieillissement s’accompagne d’un déclin et d’une détério- tiples accroissent le risque des interférences médicamenteuses
ration des fonctions de tous les organes. Ceci se traduit par une (sous-dosage ou surdosage). Les mécanismes en cause associent
diminution des réserves fonctionnelles qui altère l’homéostasie et l’interaction au niveau des sites de fixation aux protéines et
diminue l’adaptabilité aux agressions. L’intensité et la progression l’interaction au niveau des sites de métabolisme (induction ou
du vieillissement ne sont pas parallèles à l’âge chronolo- inhibition enzymatique) et d’élimination rénale.
gique [4–12] . De même, au niveau des différents appareils, les Les études pharmacocinétiques chez les sujets de plus de 80 ans
modifications liées au vieillissement ne surviennent pas à un sont rares et, de plus, les études longitudinales qui fournissent le
rythme identique. Les maladies chroniques (maladies cardiovas- plus d’informations (c’est-à-dire l’étude de l’évolution des mêmes
culaires, pulmonaires, neurodégénératives, diabète) se surajoutent sujets à des âges différents) sont inexistantes.
au vieillissement normal et sont un facteur supplémentaire
d’amputation des réserves fonctionnelles (Fig. 2). En pratique, il
est souvent difficile de distinguer ce qui est lié au vieillissement Modifications pharmacocinétiques
physiologique et aux maladies associées.
Les principales modifications physiologiques et leurs implica- Les différentes étapes de la distribution et de l’élimination des
tions anesthésiques sont résumées dans les Tableaux 1 à 5 et la médicaments sont modifiées à des degrés variables par le vieillis-
Figure 3). sement (Tableau 6) (Fig. 4).

Gérontofragilité Modifications pharmacodynamiques


La fragilité (frailty) ou gérontofragilité est un syndrome clinique Le sujet âgé a une sensibilité accrue à l’effet des médicaments
qui caractérise certains sujets âgés. Le sujet fragile souffre de mal- qui peut s’expliquer par deux mécanismes différents. Soit il s’agit
nutrition (sarcopénie, ostéopénie), et il se trouve dans l’incapacité d’une modification de la réactivité de l’organe cible (réduction du
à s’adapter à un stress minime, comme celui représenté par une nombre des récepteurs ou action accrue ou diminuée au niveau

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Tableau 1.
Modifications du système nerveux chez le sujet âgé et implications anesthésiques.
Modifications anatomiques et physiologiques Conséquences
Système nerveux central Atrophie corticale et ↑ LCS : risque accru d’hématome sous-dural si
↓ poids du cerveau (20 % à 80 ans) ↓ volume cérébral (de 92 à 82 % hypotension du LCS
du volume de la boîte crânienne) Sensibilité accrue aux agents anesthésiques
↓ substance grise par ↓ du volume et du nombre des neurones ↓ fonctions cognitives : intelligence fluide (raisonnement, mémoire
Neurones : dépôts de lipofuchsine et plaques séniles d’acquisition et d’apprentissage, vitesse d’exécution et de réponse)
Neurotransmetteurs : ↓ libération, ↓ nombre et sensibilité des ↑ des épisodes de confusion (delirium) postopératoire
récepteurs ; systèmes dopaminergique et gabaergique plus touchés Dysfonction cognitive postopératoire
que les systèmes noradrénergique, sérotoninergique, et du glutamate
Circulation cérébrale Éviter l’hypocapnie (vasoconstriction cérébrale)
↓ débit sanguin cérébral ; couplage DSC et CMRO2 maintenu
Maintien de l’autorégulation cérébrale
Barrière hématoencéphalique intacte
Physiologie de la douleur ↑ tolérance à la douleur : notion très controversée ; le sujet âgé
↓ densité des fibres C et A-delta ; ↓ transmission et traitement du nécessite un traitement adapté de la douleur postopératoire
message nociceptif (évaluation par des échelles spécifiques si troubles cognitifs)
↑ seuil de perception douloureuse (surtout pour les stimulations
nociceptives brèves, localisées et au niveau cutané et viscéral)
Physiologie du sommeil Les troubles du sommeil favorisent la confusion postopératoire
↓ du sommeil à ondes lentes (profond), insomnie
Organes des sens La déprivation sensorielle favorise le delirium (hallucinations)
↓ vue (DMLA), ↓ audition
Thermorégulation ↑ fréquence hypothermie per- et postopératoire
↓ efficacité des effecteurs ; ↓ de la température seuil de
déclenchement des effecteurs à l’hypothermie

CMRO2 : consommation cérébrale en oxygène ; DMLA : dégénérescence maculaire liée à l’âge ; DSC : débit sanguin cérébral ; LCS : liquide cérébrospinal ; ↑ = augmentation ;
↓ = diminution.

Tableau 2.
Modifications cardiovasculaires chez le sujet âgé et implications anesthésiques.
Modifications physiologiques Conséquences cardiovasculaires Implications anesthésiques
Nœud sinusal et tissu de conduction Fréquence des troubles du rythme Bradycardie favorisée par médicaments
Diminution des cellules sinusales Bloc auriculoventriculaire du 1er degré anesthésiques (opiacés)
Fibrose du tissu de conduction
Augmentation de la rigidité artérielle L’aorte thoracique est le réservoir d’une Hypertension artérielle fréquente
Épaississement pariétal plus grande partie du volume systolique, Augmentation des résistances vasculaires
Augmentation du tonus musculaire ce qui entraîne une augmentation de la systémiques
Artériosclérose pression systolique et de la pression Altération de la fonction ventriculaire
pulsée gauche
Anévrismes artériels et sténoses artérielles
Augmentation de la rigidité myocardique Diminution du débit cardiaque Dysfonction systolique
Hypertrophie myocardique Le maintien du débit cardiaque est Diminution de la tolérance à
Rigidité myocardique dépendant de la relation de l’hypovolémie
Modifications des valves cardiaques Frank-Starling Dysfonction diastolique
Retard de la relaxation durant la Diminution de la tolérance au
diastole : gêne au remplissage remplissage vasculaire
ventriculaire diastolique
Remplissage ventriculaire télédiastolique
dépendant de la systole auriculaire
Valvulopathies mitrale (insuffisance) et
aortique (insuffisance, rétrécissement)
Rigidité des veines Diminution de la capacité à maintenir Diminution de la tolérance aux
Diminution de la capacitance veineuse et une précharge constante variations volémiques rapides et aux
effet tampon moins efficace vis-à-vis des pertes sanguines
variations de la volémie
Système nerveux autonome Diminution de la réponse chronotrope et Réponse cardiovasculaire au stress, à
Système sympathique : ↓ nombre des inotrope à la stimulation l’effort et aux catécholamines exogènes
neurones sympathiques, mais ↑ bêta-adrénergique diminuée
concentration plasmatique de Diminution de l’adaptation aux Augmentation des résistances vasculaires
noradrénaline ; pas de modification des variations cardiovasculaires rapides liées systémiques
récepteurs alpha-adrénergiques ; aux changements de position et de la Instabilité hémodynamique augmentée
↓ réponse bêta-adrénergique volémie Hypotension artérielle exagérée si
Tonus sympathique ↑ et désensibilisation Tonus parasympathique basal diminué vasodilatation (anesthésie) et
des récepteurs bêta-adrénergiques hypovolémie (pas d’accélération de la
Diminution du baroréflexe fréquence cardiaque)
Diminution de l’action parasympathique Réduction de la réponse de la fréquence
sur le nœud sinusal cardiaque à l’atropine

↑ = augmentation ; ↓ = diminution.

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Tableau 3.
Modifications de l’appareil respiratoire chez le sujet âgé et implications anesthésiques.
Modifications physiologiques Conséquences Implications anesthésiques
Modifications des voies aériennes supérieures Fragilité des muqueuses Difficulté de ventilation au masque
Diminution du tonus des muscles Traumatismes muqueux par canule de Guedel,
pharyngés intubation
Diminution des réflexes des voies aériennes Obstruction des voies aériennes si sédation
supérieures excessive
Troubles de la déglutition Encombrement bronchique
Inefficacité de la toux Risque d’inhalation pulmonaire
Épisodes obstructifs lors du sommeil ou sous
l’effet des sédatifs
Modifications de la cage thoracique Diminution de la compliance thoracique Insuffisance respiratoire aiguë d’installation
Articulations costovertébrales, augmentation du Travail ventilatoire augmenté plus rapide si demande ventilatoire accrue
diamètre antéropostérieur, cyphose
Modifications pulmonaires CPT stable, ↓ CV, ↑ VR ↑ CRF, ↑ volume de Modifications exagérées par l’anesthésie et la
Perte de l’élasticité pulmonaire fermeture chirurgie (décubitus dorsal)
Diminution de la surface alvéolocapillaire ↓ VEMS (300 ml/décennie), ↓ VEMS/CV Augmenter la FIO2 en peropératoire
Collapsus des petites voies aériennes (Tiffeneau) ↑ gradient P(a-A)CO2 (PetCO2 n’est pas un reflet
Compression dynamique des voies aériennes composante spastique (même en l’absence de de la PaCO2 )
lors de l’expiration tabagisme) Ventilation contrôlée : éviter Vt élevé
Compliance pulmonaire dynamique (volotraumatisme), diminuer rapport I/E
fréquence-dépendante Atélectasies postopératoires
↑ rapports ventilation–perfusion → effet espace
mort
↓ rapports ventilation–perfusion → effet shunt
[↑P(A-a)O2 ] ; hypoxémie (PaO2 75–80 mmHg
après 75 ans)
Modifications trachéobronchiques Diminution de l’efficacité du tapis mucociliaire Encombrement postopératoire
Augmentation du diamètre de la trachée et des
bronches
Modifications musculaires Diminution de la pression inspiratoire Diminution de l’efficacité de la toux
Réduction des fibres musculaires rapides de maximale Fatigue ventilatoire d’installation rapide
type II Augmentation du travail ventilatoire Sevrage de la ventilation artificielle difficile
Aplatissement du diaphragme
Modifications de la circulation pulmonaire Réduction de la capacité de diffusion DLCO Hypoxémie
↓ volume sanguin intrapulmonaire (diminution d’environ 5 % par décennie après Hypertension artérielle pulmonaire
Diminution de la surface capillaire 40 ans)
↑ rigidité des artères pulmonaires Vasoconstriction hypoxique moins efficace
↑ anomalies rapports ventilation–perfusion
Modifications de la régulation de la ventilation Augmentation de la FR, diminution du VT Hypoxémie, hypercapnie
Sensibilité diminuée à l’hypoxémie et à Sensibilité accrue aux médicaments qui
l’hypercapnie dépriment la ventilation (benzodiazépines,
Syndrome d’apnées du sommeil opiacés)
Prémédication : éviter les doses importantes de
benzodiazépines
Anesthésies rachidiennes : opiacés non
contre-indiqués mais surveillance
Fonctions non ventilatoires du poumon Diminution des fonctions immunitaires Sensibilité aux infections
(lymphocytes T)

I : inspiration ; E : expiration ; CRF : capacité résiduelle fonctionnelle ; CPT : capacité pulmonaire totale ; CV : capacité vitale ; VEMS : volume expiré maximal seconde ; FIO2 :
concentration fractionnelle de l’oxygène dans l’air inspiré ; PEP : pression positive de fin d’expiration ; VRE : volume de réserve expiratoire, FR : fréquence respiratoire ; VT :
volume courant, VR : volume résiduel ; P(A-a)O2 : gradient alvéolo-artériel en oxygène ; P(a-A)CO2 : gradient artério-alvéolaire en dioxyde de carbone ; PetCO2 : pression
partielle téléexpiratoire du dioxyde de carbone ; ↑ = augmentation ; ↓ = diminution.

des récepteurs), soit les modifications pharmacocinétiques sont plus adaptée à l’état du patient. Ainsi, il n’est pas souhaitable de
en cause. La distinction entre ces deux mécanismes est difficile, proposer une intervention complexe chez un patient souffrant de
et peu d’études chez des sujets très âgés sont disponibles. La sen- démence et dépendant.
sibilité accrue aux effets des anesthésiques est objectivée par une La consultation préanesthésique doit évaluer les fonctions cog-
diminution de la CE50 (concentration plasmatique pour laquelle nitives et l’existence de comorbidités en raison de leur importance
l’effet est réduit de 50 %). Une sensibilité accrue du système ner- dans la qualité de l’évolution postopératoire [19] . La présence
veux central est démontrée pour le propofol, les morphiniques, de troubles cognitifs est un des principaux facteurs prédictifs
les benzodiazépines et les anesthésiques volatils (diminution de de complications postopératoires. De nombreux tests ont été
la minimal alveolar concentration [MAC]). Pour les autres médica- décrits pour évaluer les fonctions cognitives, mais peu sont
ments, l’intervention à des degrés variables des deux mécanismes d’utilisation courante en milieu chirurgical [21, 22] . Les patients
est vraisemblable. pensionnaires de structures pour personnes âgées dépendantes
ou non ont dans leur dossier de telles évaluations dont il est
nécessaire de disposer lors de leur prise en charge. Le plus
 Évaluation préopératoire simple et le plus utile est le Mini-Mental State Examination
(MMSE) [23] .
Les objectifs spécifiques de la consultation d’anesthésie chez le La dépression est fréquente chez le sujet âgé et son diagnostic
sujet âgé sont résumés dans le Tableau 7 [17–20] . La concertation n’est pas toujours établi avant l’hospitalisation. En cas de doute,
pluridisciplinaire est indispensable pour choisir la technique la une évaluation spécialisée est conseillée [19] .

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Tableau 4.
Modifications de l’appareil digestif chez le sujet âgé et implications anesthésiques.
Modifications physiologiques Conséquences Implications anesthésiques
Denture et physiologie de la mastication Dénutrition Traumatismes dentaires
Déglution Augmentation des complications opératoires
(infections)
Inhalation pulmonaire
Presbyœsophage ; troubles de la motricité Dysphagie, régurgitations fréquentes Inhalation pulmonaire
œsophagienne : sphincter du bas Œsophagite peptique
œsophage : troubles de la relaxation ;
retard à l’évacuation œsophagienne
Atrophie muqueuse (gastrite atrophique) Hypochlorhydrie gastrique Pneumopathies si régurgitation et inhalation
Diminution motricité gastrique Prolifération bactérienne pulmonaire
Augmentation de la colonisation par Helicobacter Ulcère duodénal plus fréquent
pylori
Retard à l’évacuation gastrique
Diminution absorption vitamine B12
Intestin grêle : atrophie muqueuse Troubles de l’absorption du fer, calcium, des Anémie ferriprive fréquente
Dysfonction du système nerveux graisses et médicaments Modification de la cinétique de certains
autonome Troubles de la motilité (aggravés par le diabète) médicaments
Côlon : hypertrophie musculeuse de la Temps de transit allongé Respect du délai de jeûne préopératoire
paroi Diverticules, dolichocôlon Constipation, iléus postopératoire
Foie : diminution du poids Diminution des fonctions métaboliques Modification de la pharmacologie des agents
anesthésiques
Diminution du débit sanguin Diminution de la clairance des médicaments à Colite ischémique postopératoire
splanchique et hépatique extraction hépatique élevée

Tableau 5.
Modifications de l’appareil urogénital chez le sujet âgé et implications anesthésiques.
Modifications physiologiques Conséquences Implications anesthésiques
Modifications anatomiques rénales Réduction globale des fonctions rénales Sensibilité accrue aux modifications de la
Diminution de la population de néphrons La fraction de filtration augmente volémie (hypovolémie, hypervolémie)
Survenue plus rapide de l’insuffisance rénale
aiguë
Modifications glomérulaires Créatinine ne reflète pas fidèlement la Insuffisance rénale aiguë fonctionnelle
Diminution du débit sanguin glomérulaire filtration glomérulaire (diminution de la d’installation rapide si hypovolémie
Diminution de la filtration glomérulaire masse musculaire)
Formule de Cockcroft de la clairance de
la créatinine doit être adaptée à l’âge
Modifications tubulaires Une charge sodée est éliminée plus Médicaments éliminés par le rein : si forme
Excrétion et sécrétion diminuées lentement : rétention sodée active : élimination retardée d’où action
Les fonctions de concentration et de dilution Sensibilité accrue à la surcharge allongée : antibiotiques, HBPM
sont diminuées vasculaire et au déficit hydrique Néphrotoxicité augmentée
Diminution de l’excrétion du potassium Déshydratation, hyponatrémie se Insuffisance rénale favorisée par les AINS,
Équilibre acide base : diminution et retard à développent plus facilement antibiotiques, IEC, antagonistes des
l’élimination des acides Hyperkaliémie plus fréquente surtout si récepteurs à l’angiotensine II
facteurs favorisants associés :
spironolactone, anti-inflammatoires non
stéroïdiens
Acidose métabolique plus fréquente
Modifications de la circulation rénale Albuminurie et microalbuminurie Survenue plus rapide de l’insuffisance rénale
Diminution du débit sanguin plus importante aiguë
au niveau cortical Sensibilité accrue à l’hypovolémie et à
Augmentation de la perméabilité capillaire l’hypotension artérielle
Modifications vésicales Infections urinaires, incontinence, Rachianesthésie : troubles de la miction,
troubles sphinctériens rétention urinaire
Évaluation du volume vésical : BladderScan®

AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; HBPM : héparines de bas poids moléculaire ; IEC : inhibiteurs de l’enzyme de conversion.

Le syndrome démentiel, très fréquent chez le patient chirurgical Le degré d’autonomie du patient est un élément essentiel dans
au-delà de 80 ans, est un état d’altération progressive et irréversible le choix thérapeutique. La dépendance du sujet vis-à-vis de son
des fonctions cognitives. On distingue les démences dégénératives environnement est évaluée par deux échelles qui mesurent, l’une
corticales (maladie d’Alzheimer, démences frontotemporales), les les activités basales du sujet dans la vie courante (activity of daily
démences dégénératives sous-corticales (paralysie supranucléaire living [ADL]), et l’autre, l’instrumental ADL (IADL) qui évalue
progressive), et les démences vasculaires. La maladie d’Alzheimer les activités qui nécessitent un instrument ou une relation (par
touche près de 50 % des sujets de plus de 85 ans. Le rôle des anes- exemple : utiliser le téléphone, prendre un moyen de transport,
thésiques dans l’évolution de la maladie d’Alzheimer a été évoqué, manipuler de l’argent) [19] . Si ces tests ne sont pas disponibles,
mais n’est pas prouvé. l’évaluation de la capacité du patient à se déplacer sans aide est

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Tableau 6.
Modifications physiologiques liées au vieillissement et effets sur la pharmacocinétique des médicaments.
Processus phar- Modifications Conséquences Implications anesthésiques
macologique pharmacocinétiques
Absorption Diminution de l’acidité gastrique Diminution de l’effet de premier Pas d’incidence majeure pour
Ralentissement de la vidange passage hépatique les médicaments administrés
gastrique Peu de modification de per os sauf si premier passage
Diminution de la motilité l’absorption des médicaments hépatique important
gastrointestinale (↑ concentration plasmatique)
Diminution de la surface
d’absorption
Diminution du débit sanguin
splanchnique
Distribution Modification du débit cardiaque Diminution du volume de Délai d’action allongé
et des débits sanguins régionaux distribution central Durée d’action allongée
(foie, rein, cerveau) ↑ du volume de distribution à ↑ du pic de la concentration
Diminution de l’eau totale l’état stable pour les médicaments plasmatique après injection
Diminution de la masse maigre liposolubles d’un bolus
Masse grasse : diminuée chez ↓ du volume de distribution des Effet pharmacodynamique
l’homme, stable chez la femme médicaments hydrosolubles exagéré
Diminution de l’albumine (curares) ↑ durée d’action si perfusion
Augmentation de Variations du délai d’équilibration (accumulation)
l’alpha-1-glycoprotéine acide entre le plasma et le site d’action
↑ fraction libre (médicaments
acides faibles) ou ↓ (médicaments
bases faibles)
Métabolisme Diminution de la masse hépatique Métabolisme phase I : ↓ ou ↔ Administration : titration,
Diminution du débit sanguin isoenzymes du cytochrome P450 : réinjections après un délai
hépatique (40 % à 90 ans) modifications variables, CYP3A d’attente et monitorage de
Diminution des capacités peu modifiés, CYP2D6 diminués l’effet pharmacodynamique
métaboliques du foie Métabolisme phase II Réduction des doses si
(glycuroconjugaison) : ↔ perfusion continue
Clairance plasmatique diminuée
surtout pour les médicaments
débit-dépendants
Demi-vie contextuelle allongée
Excrétion Diminution de la filtration Diminution de l’élimination de Durée d’action allongée
glomérulaire certains médicaments (curares) Effets secondaires exagérés
Diminution des fonctions Accumulation de métabolites (morphine)
tubulaires rénales actifs (benzodiazépines,
morphine)

↔ = pas de modification ; ↑ = augmentation ; ↓ = diminution ; médicaments acides faibles : diazépam, étomidate, thiopental ; médicaments bases faibles : fentanyl et dérivés,
anesthésiques locaux ; médicaments débit-dépendants : si coefficient d’extraction hépatique élevé (> 0,50) ; médicaments capacité-dépendants : si coefficient d’extraction
hépatique faible (≤ 0,30).

recommandations professionnelles. Dans ce cas, le contact avec


la famille permet de s’informer des désirs du patient quant à sa
Plasma prise en charge.
Cerveau La réalisation des examens complémentaires (biologie, explo-
ration cardiovasculaire) est décidée en fonction des données de
Seuil (jeune adulte) l’anamnèse, de l’examen clinique et de l’importance de l’acte chi-
Concentration

Seuil (sujet âgé) rurgical [18] .


L’évaluation cardiaque suit les recommandations de l’European
Society of Anaesthesiology [24] . Le score de Lee (Revised Cardiac
Risk Index) est le score le plus utilisé, mais il a une moins
Sujet âgé bonne valeur prédictive des complications cardiovasculaires chez
le sujet de plus de 75 ans [25] . Le risque cardiaque est fonction
de la capacité fonctionnelle du patient. La classe fonctionnelle
est basée sur la capacité à réaliser certains efforts exprimés
Jeune adulte en metabolic equivalents (MET ou équivalents métaboliques). Le
risque cardiaque est augmenté lorsque le MET est inférieur à 4.
Temps Cette évaluation fonctionnelle est plus difficile chez le sujet
âgé [26] .
Figure 4. Modifications pharmacocinétiques liées à l’âge. La diminution
L’électrocardiogramme (ECG) est systématique, mais il n’a que
de la clairance plasmatique totale entraîne une décroissance plus lente
peu de valeur prédictive des complications cardiovasculaires [27] .
de la concentration cérébrale et plasmatique de l’agent anesthésique. Le
Les anomalies ECG sont fréquentes et augmentent avec l’âge. Par
résultat est un allongement de la durée d’action. Le même raisonnement
exemple, dans l’étude de Framingham, une onde Q d’infarctus
s’applique aux curares non dépolarisants et à la jonction neuromusculaire.
du myocarde est découverte fortuitement chez 46 % des femmes
âgées de 85 à 95 ans.
un bon critère du maintien d’une capacité fonctionnelle suffisante La dysfonction diastolique est une cause fréquente (près de
pour faire face au stress chirurgical. 50 % des cas) d’insuffisance cardiaque chez le sujet de plus de
Les déficits sensoriels et cognitifs rendent difficiles les expli- 80 ans. Lorsque la dysfonction diastolique est isolée, il y a en
cations et le recueil du consentement éclairé exigé par les général une hypertension artérielle systolique et une hypertrophie

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Anesthésie du sujet âgé  36-643-A-10

Tableau 7.
Consultation d’anesthésie et évaluation préopératoire.
Évaluation fonctionnelle a Degré d’autonomie, activité physique, état nutritionnel (amaigrissement récent)
Préciser les comorbidités et le degré de handicap Maladies cardiovasculaires (hypertension artérielle, insuffisance coronarienne,
insuffisance cardiaque, accident vasculaire cérébral), pulmonaires, ostéoarticulaires,
uronéphrologiques, métaboliques (diabète)
Évaluation des fonctions cognitives Contact avec l’équipe de gériatrie, réalisation du MMSE
Examens complémentaires Radiographie du thorax, électrocardiogramme, biologie (numération sanguine,
ionogramme, créatinine, glycémie, albumine, tests d’hémostase en fonction des
antécédents)
Examens complémentaires spécifiques en fonction des Échocardiographie, explorations fonctionnelles respiratoires
antécédents, des résultats de l’examen clinique et du type de
chirurgie
Traitements au long cours et automédication Réévaluer le type de médicaments et leurs doses. Supprimer les médicaments inutiles,
réajuster les doses (tenir compte des modifications pharmacocinétiques liées à l’âge),
éviter le sevrage brutal des benzodiazépines
Dépister les difficultés techniques de l’anesthésie Difficultés d’intubation ou de ponction rachidienne en cas d’arthrose du rachis ;
qualité du réseau veineux et du revêtement cutané
Information du patient et de la famille pour recueillir leur
consentement au traitement proposé

MMSE : Mini-Mental State Examination.


a
Les réserves fonctionnelles sont évaluées par le niveau d’activité physique, exprimé en MET (équivalents métaboliques) que le patient est capable de fournir. Une réserve
fonctionnelle inférieure à 4 MET est une contre-indication relative à un acte chirurgical majeur [24] .

ventriculaire gauche. Le diagnostic est échocardiographique par L’installation sur la table d’opération doit protéger les points
l’analyse du flux transmitral, de la vitesse du flux dans les veines d’appui et éviter les positions extrêmes (proclive, position de Tren-
pulmonaires et le Doppler tissulaire [28] . delenburg, lombotomie). La protection du revêtement cutané au
Lorsque le diagnostic d’insuffisance cardiaque est incertain, le niveau des points d’appui doit se faire avec des supports en mousse
dosage de certains marqueurs comme le pro-peptide natriuré- ou en gélatine, car l’apparition de phlyctènes, voire d’escarres
tique cérébral (pro-BNP) peut aider au diagnostic. Néanmoins, ces est rapide. Il faut éviter l’extension excessive de la colonne cer-
marqueurs ne permettent pas de différencier la dysfonction dias- vicale (traction sur les carotides, cervicalgies postopératoires) et
tolique de la dysfonction systolique, et leur utilisation en routine lombosacrée (lombalgies).
pour l’évaluation préopératoire n’est pas conseillée. La prévention de l’hypothermie doit débuter dès l’entrée en
L’attitude vis-à-vis des médicaments cardiovasculaires n’a pas salle d’opération, par la mise en place d’un système à air pulsé.
de spécificité. La plupart des médicaments ne sont pas inter- Les bas de contention participent à la prévention de la malade
rompus [19] . Il faut veiller au maintien des bêtabloquants et des thromboembolique.
statines. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les Les veines périphériques sont souvent fragiles, et les hématomes
antagonistes des récepteurs à l’angiotensine (ARA) prescrits pour sous-cutanés, fréquents, sont évités par le choix judicieux du site
traiter l’hypertension artérielle sont arrêtés 24 à 48 heures avant de ponction.
une intervention majeure. Leur arrêt n’est pas nécessaire en cas Le sujet âgé est souvent édenté et l’intubation difficile est moins
d’intervention mineure ou lorsqu’ils sont prescrits pour traiter fréquente. La fragilité des muqueuses est la cause de saignements
l’insuffisance cardiaque. pharyngés lorsque la technique d’intubation est traumatique.
L’acide acétylsalicylique n’est interrompu que pour certains
actes (urologie). Le clopidogrel est arrêté en fonction du type
d’acte et en concertation avec le chirurgien ou l’endoscopiste
(recommandations de la spécialité).
Monitorage
La prise en charge du patient diabétique obéit aux règles habi- Pour les interventions courantes, le monitorage standard est
tuelles. Chez le patient âgé, il ne faut pas viser une normalisation suffisant. Le positionnement correct des électrodes de l’ECG
trop stricte de la glycémie, une glycémie inférieure à 1,80 g l−1 permet la surveillance des troubles du rythme cardiaque et
étant acceptable [29] . l’analyse du segment ST en l’absence de bloc de branche
La dénutrition est fréquente. Elle est difficile à quantifier et les intraventriculaire.
deux critères les plus simples sont l’hypoalbuminémie et un indice L’apport de la surveillance de la profondeur de l’anesthésie dans
de masse corporelle (IMC) inférieur à 20 kg m−2 . la prévention des complications périopératoires est controversé.
Au terme de la consultation d’anesthésie, le patient peut se La perte de conscience se fait à une valeur de BIS (index bispectral)
situer entre deux extrêmes. D’une part, le cas du « vieillissement plus élevée que chez le sujet jeune. Dans une étude, le BIS moyen
réussi », il s’agit du patient qui n’a aucune comorbidité, aucune a été de 70 (extrêmes de 58 à 91) versus 58 (extrêmes de 40 à 70)
dépendance et aucune limitation fonctionnelle. Ce patient est au moment de la perte de conscience [30] . À 80 ans, un BIS à 80
identique à un adulte de moins de 70 ans. À l’opposé, le patient indique une sédation profonde, et à 50 il indique une anesthésie
peut cumuler tous les désavantages, âge très avancé (plus de générale. Néanmoins, l’importante dispersion des valeurs indivi-
85 ans), plus de deux comorbidités et perte d’autonomie. Il est duelles affaiblit la valeur du BIS comme paramètre de surveillance
évident que les choix thérapeutiques seront différents dans ces de la profondeur de l’anesthésie.
deux cas. La mesure non invasive de la pression artérielle (PNI) nécessite
quelques précautions comme le choix d’un brassard adapté à la
circonférence du bras et le placement correct du brassard pour
 Période peropératoire éviter les lésions cutanées liées aux compressions itératives. La
sclérose des artères et l’arythmie complète par fibrillation auricu-
Installation peropératoire laire diminuent la précision de la mesure. Pour les interventions
majeures, la mise en place d’un cathéter artériel radial permet la
Le sujet âgé est très sensible aux compressions et élon- surveillance continue de la pression artérielle et les prélèvements
gations cutanées, musculaires, ostéoarticulaires et nerveuses. sanguins pour les examens biologiques.

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36-643-A-10  Anesthésie du sujet âgé

De nombreuses méthodes non invasives de surveillance du Morphiniques


débit cardiaque sont disponibles. Le Doppler œsophagien est la L’augmentation de la sensibilité aux effets centraux du fenta-
méthode la plus simple, et les variations du débit aortique sont nyl et de ses dérivés (sufentanil, rémifentanil), dont témoigne
utiles dans la conduite du remplissage vasculaire. une diminution de la CE50 , justifie une réduction des doses de
près de 50 % [37–40] . Entre 20 et 80 ans, la puissance intrinsèque du
rémifentanil est doublée [41, 42] . L’équilibration entre le plasma et
le site d’action est allongée, et ceci se traduit en clinique par une
Induction et entretien de l’anesthésie installation plus lente de l’effet (2 à 3 minutes après un bolus)
Agents anesthésiques et par la nécessité de diminuer les doses initiales de 50 % et celles
d’entretien de 30 % (Fig. 6). La demi-vie contextuelle est peu modi-
La technique de titration et une adaptation des doses font que fiée, mais les courbes individuelles sont plus dispersées. Cela veut
les agents anesthésiques utilisés chez le sujet âgé ne sont pas très dire que la dissipation de l’effet est plus variable chez le sujet âgé
différents de ceux utilisés chez le sujet jeune [8] . et qu’elle peut être identique à celle du sujet jeune ou au contraire
allongée.
Anesthésiques intraveineux Morphine. La clairance de la morphine est diminuée de 50 %,
Les modifications pharmacocinétiques et pharmacologiques ce qui se traduit par une augmentation de sa durée d’action et
des agents anesthésiques expliquent la sensibilité accrue du sujet justifie une diminution des doses d’entretien. Après administra-
âgé et la nécessité de réduire les doses (Tableau 8). Pour les anes- tion pendant plusieurs jours (patient-controlled analgesia [PCA])
thésiques intraveineux et par inhalation, l’effet sur le cerveau est les réinjections doivent être espacées en raison de l’accumulation
évalué par la CE50 qui est la concentration plasmatique de l’agent progressive de la morphine et de ses métabolites.
qui diminue de 50 % le signal électroencéphalographique.
Thiopental. La sensibilité accrue du sujet âgé au thiopen-
tal est principalement liée aux modifications pharmacocinétiques
Curares
(Tableau 8) [16] . Pour une dose identique, le pic de concentration
plasmatique est augmenté chez le sujet âgé. La dissipation de La diminution de la concentration plasmatique des pseu-
l’effet hypnotique est liée à la redistribution et non au métabo- docholinestérases entraîne une diminution de l’hydrolyse du
lisme (le coefficient d’extraction hépatique est faible). Pour une suxaméthonium et un allongement de sa durée d’action [43] . Les
injection unique, la durée d’action ne sera augmentée que de médicaments de la maladie d’Alzheimer (anticholinestérasiques,
façon modérée. En revanche, le sujet âgé est très sensible aux donépézil, rivastigmine) peuvent allonger la durée du bloc induit
réinjections. par le suxaméthonium.
Propofol. La douleur veineuse à l’injection de propofol est un La pharmacodynamie des curares non dépolarisants (ami-
peu moins fréquente, et la dose de lidocaïne efficace est plus faible nostéroïdes et benzylisoquinolones) est peu modifiée, ce dont
(20 mg au lieu de 40 mg chez l’adulte jeune). témoignent des doses DE50 et DE95 pratiquement stables [43] . Par
L’augmentation de la sensibilité cérébrale chez le sujet âgé se exemple, pour le vécuronium, la DE95 est de 39,6 ␮g kg−1 et
traduit par une diminution de 30 à 50 % de la CE50 . Entre 25 et de 43,1 ␮g kg−1 , respectivement chez le sujet jeune et le sujet
75 ans, la CE50 qui induit la perte de conscience passe de 2,35 à âgé [43] . La diminution du débit cardiaque lors de l’induction
1,25 ␮g ml−1 [16] (Fig. 5). Lors d’une perfusion continue, la concen- anesthésique explique en partie l’installation plus lente de la
tration plasmatique à 75 ans est supérieure de 20 à 30 % à celle curarisation.
observée à 25 ans. En conséquence, les doses de perfusion doivent Le volume de distribution à l’état stable et la clairance
être réduites de 30 à 75 % [31, 32] . La demi-vie contextuelle est allon- du vécuronium sont diminués. Pour une administration en
gée, et ceci devient significatif au-delà d’une perfusion d’une perfusion continue, il faut diminuer les doses de 30 % et
heure. Pour une perfusion de quatre heures, la demi-vie contex- la décurarisation est ralentie (allongement de 30 à 40 % du
tuelle double entre 20 et 80 ans. délai).
L’effet du propofol sur la pression artérielle s’installe plus lente- Les modifications pharmacocinétiques sont sensiblement iden-
ment que l’effet hypnotique. De plus, l’effet hémodynamique est tiques pour le rocuronium.
plus important que chez l’adulte jeune. La concentration plas- La clairance hépatique intervient pour 50 % de l’élimination de
matique moyenne qui entraîne une diminution de 50 % de la l’atracurium, expliquant l’allongement de la durée d’action.
pression artérielle systolique est de 4,61 ␮g ml−1 chez le jeune et La pharmacocinétique du cisatracurium est peu modifiée et sa
de 2,09 ␮g ml−1 chez le sujet âgé (70–85 ans) [33] . durée d’action n’est que modérément allongée. C’est le curare de
Le Diprifusor® n’intègre pas l’âge, donc la concentration plas- choix chez le sujet âgé.
matique réelle est supérieure à la concentration indiquée par le Les doses de néostigmine sont identiques à celles du sujet jeune.
logiciel. Le volume de distribution initial est diminué, comme la clairance
Étomidate. L’étomidate est l’anesthésique conseillé pour plasmatique totale. La durée d’action est allongée, comme pour
l’induction chez le sujet fragile, bien qu’aucune étude récente les curares non dépolarisants.
n’ait réévalué cet usage. Un patient de 80 ans nécessite
une dose réduite de moitié pour atteindre le même effet
sur l’électroencéphalogramme (EEG) (en moyenne 0,15 à Anesthésiques halogénés
0,20 mg kg−1 ) [34] . La concentration alvéolaire minimale (MAC) des anesthésiques
volatils diminue avec l’âge (diminution d’environ 4 % par décen-
Midazolam nie au-delà de 40 ans).
La sensibilité cérébrale au midazolam est augmentée chez le La diminution du débit cardiaque et le ralentissement circula-
sujet âgé [35, 36] . Les doses doivent être réduites de 50 à 75 %. Par toire favorisent le captage alvéolaire des anesthésiques volatils.
exemple, la concentration plasmatique moyenne nécessaire pour L’augmentation de la concentration alvéolaire est donc plus
la perte de la réponse à la stimulation verbale est de 598 ng ml−1 rapide. À l’inverse, l’augmentation du volume résiduel et les
à l’âge de 40 ans et de 139 ng ml−1 à l’âge de 80 ans [16] . Les méta- anomalies des rapports ventilation–perfusion retardent le cap-
bolites 1 et 4-hydroxymidazolam s’accumulent chez le sujet âgé, tage sanguin [44] . Ces modifications pharmacocinétiques ont peu
surtout lorsque la filtration glomérulaire rénale est diminuée, de conséquences cliniques pour les anesthésiques halogénés les
ce qui est fréquent en période périopératoire. Ces métabolites moins liposolubles, desflurane et sévoflurane. Ces agents ont
hydroxylés ont une activité pharmacologique et participent à comme avantage de permettre de modifier rapidement la pro-
l’effet prolongé du midazolam après perfusion continue. La demi- fondeur de l’anesthésie. L’administration au-delà de deux heures
vie contextuelle est allongée, et il faut environ le double du temps allonge légèrement le délai de réveil.
pour que la concentration plasmatique s’abaisse en dessous du Le métabolisme des anesthésiques volatils actuels est faible, et
seuil d’action clinique à 80 ans par rapport à 20 ans. le risque de libération de métabolites toxiques est réduit.

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Anesthésie du sujet âgé  36-643-A-10

Tableau 8.
Modifications pharmacocinétiques et pharmacodynamiques des médicaments anesthésiques.
Médicament Modifications Modifications pharmacodynamiques Implications anesthésiques
pharmacocinétiques
Thiopental ↓ volume de distribution central Sensibilité accrue du SNC liée aux ↑ délai d’installation
↓ clairance plasmatique modifications pharmacocinétiques (pic La dissipation de l’effet hypnotique est
↑ demi-vie d’élimination plasmatique augmenté) liée à la redistribution et non au
CE50 peu modifiée métabolisme
Injection unique : ↓ dose de 25 à 50 % (2
à 3 mg kg−1 )
Allongement modéré de la durée d’action
Réanimation : les doses en perfusion
continue sont à diminuer de 20 à 30 %
Propofol ↓ volume de distribution central Sensibilité accrue du SNC ↓ bolus de 30 à 50 % et perfusion de 30 à
volume de distribution à l’état ↓ CE50 (30 % à 90 ans) 75 %
stable ↔ Concentration initiale élevée Perfusion ≥ 4 h : le délai de réveil double
↓ clairance plasmatique entre 20 et 80 ans
↔ ou ↑ modérée demi-vie
d’élimination
↑ demi-vie contextuelle
Étomidate ↓ volume central Sensibilté du SNC non modifiée ↓ dose d’induction (0,1 à 0,20 mg kg−1 )
volume de distribution à l’état CE50 ↔
stable ↔
↓ clairance plasmatique
↔ demi-vie d’élimination
Midazolam ↓ clairance plasmatique Sensibilité accrue du SNC ↓ doses de 30 à 75 %
↑ demi-vie d’élimination ↓ CE50 Réanimation : réduction des doses si
Accumulation de métabolites insuffisance rénale (accumulation
actifs si insuffisance rénale d’hydroxymidazolam)
Fentanyl, ↓ volume central Sensibilité accrue du SNC ↓ doses de 30 à 50 %
sufentanil, ↓ clairance plasmatique ↓ CE50 de 50 % à 90 ans
alfentanil
Rémifentanil ↓ volume central Sensibilité accrue du SNC ↓ doses de 30 à 50 %
↓ clairance plasmatique ↓ CE50 de 50 % à 80 ans Durée d’action peu modifiée
demi-vie contextuelle ↔ (métabolisme rapide par les
cholinestérases)
Morphine ↓ volume de distribution à l’état ↑ concentration plasmatique à dose Doses initiales non modifiées
stable équivalente Traitement prolongé : ↑ progressive de la
↓ clairance plasmatique Pas de parallélisme entre concentration concentration plasmatique et
↔ demi-vie d’élimination plasmatique et effet sédatif et analgésique accumulation de métabolites actifs
Accumulation de métabolites Effet clinique allongé
actifs (morphine-6 glucuronide) si
insuffisance rénale
Suxaméthonium ↓ clairance plasmatique ↑ durée d’action
(↓ pseudocholinestérases
plasmatiques)
↑ demi-vie d’élimination
Curares non ↓ volume central Sensibilité de la jonction Dose initiale ↔
dépolarisants ↓ volume de distribution à l’état neuromusculaire ↔ ↑ délai d’installation
stable DE50 ↔ ↑ durée d’action
↓ clairance plasmatique Perfusion : réduction des doses et arrêt 30
↑ demi-vie d’élimination à 45 min avant la fin de l’intervention
Monitorage de la curarisation
Anesthésiques ↓, ↑ ou ↔ de l’absorption selon le Sensibilité accrue du système nerveux Rachianesthésie et anesthésie péridurale :
locaux de type site d’injection (bloc nerveux périphérique (↓ fibres nerveuses, ↑ extension du bloc
amides périphérique, espace péridural) modifications anatomiques de la Concentration maximale (Cmax) et délai
↑ fraction libre de lidocaïne colonne vertébrale, de l’espace péridural d’atteinte de Cmax (Tmax) : ↔
↓ clairance plasmatique et de la moelle) Bloc nerveux continu : ↓ doses de
↑ demi-vie d’élimination ↓ CE50 perfusion

↔ = pas de modification ; ↑ = augmentation ; ↓ = diminution ; CE50 : concentration efficace 50 (concentration plasmatique qui diminue de 50 % l’effet physiologique, par
exemple le signal électroencéphalographique pour les anesthésiques intraveineux ou les opiacés) ; DE50 : dose efficace 50 : dose qui diminue de 50 % l’effet physiologique,
par exemple la réponse musculaire pour les curares.

Ventilation peropératoire Hémodynamique et remplissage vasculaire


peropératoire
Il faut éviter l’hyperventilation peropératoire, en raison notam-
ment du risque de barotraumatisme et de l’effet de l’hypocapnie L’hypotension artérielle peropératoire influence-t-elle la fré-
sur la circulation cérébrale. La ventilation protectrice avec un quence des complications cardiovasculaires ? Cette question
volume courant diminué (VT 6 ml kg−1 ) améliore l’oxygénation importante n’a pas reçu de réponse indiscutée [46–48] . Néanmoins,
et la mécanique ventilatoire [45] . il faut éviter les épisodes d’hypotension excessive (pression

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36-643-A-10  Anesthésie du sujet âgé

artérielle systolique < 100 mmHg, diminution de plus de 30 % de


la pression artérielle préopératoire) et de durée prolongée (> 5 à 1,0
10 min). L’accélération de la fréquence cardiaque en réponse à 0,9 Inconscient

Probabilité d'être endormi à la


l’hypotension artérielle est atténuée, voire absente chez le sujet
0,8
âgé. Selon l’analyse de ses causes probables, l’hypotension arté-

fin de la perfusion
rielle est traitée par l’allégement de l’anesthésie, les modifications 0,7
75
de la position (pas de proclive excessif), le remplissage vasculaire et 0,6 50
l’administration de vasopresseurs. L’éphédrine est souvent moins
efficace, et au-delà de 30 mg, il est conseillé d’administrer la néo- 0,5 25
synéphrine par bolus de 50 ␮g. 0,4
L’anémie préopératoire est fréquente. Le seuil transfusionnel 0,3
qui déclenche la transfusion de concentrés de globules rouges est
plus élevé. Il se situe aux environs de 10 g dl−1 . Cependant, dans 0,2
certains cas et en l’absence de symptômes, les patients sans anté- 0,1
cédents cardiovasculaires supportent une hémoglobine à 8 g dl−1 . Conscient
0,0
Pour une concentration d’hémoglobine entre 8 et 10 g dl−1 , la
transfusion est décidée en tenant compte de l’état général, de 0 2 4 6 8
la tolérance clinique du patient, et de la poursuite prévisible du Concentration plasmatique de propofol (µg ml–1)
saignement chirurgical.
Figure 5. Augmentation de la sensibilité cérébrale aux effets hypno-
Le positionnement peropératoire optimal et certains médi-
tiques du propofol entre 25 et 75 ans. Les courbes sont établies à l’aide du
caments comme les antifibrinolytiques (acide tranexamique),
modèle de régression logistique en fonction de la concentration plasma-
lorsqu’ils ne sont pas contre-indiqués, permettent de réduire le
tique mesurée au moment de la perte de conscience. La courbe en trait
saignement chirurgical.
plein correspond à l’ensemble des sujets indépendamment de leur âge.
Les courbes en pointillés correspondent à des sujets de 25, 50 et 75 ans
(d’après [32] ).
Anesthésies locorégionales
Les modifications anatomiques et pharmacologiques
influencent le profil clinique des blocs nerveux : extension
supérieure du bloc (anesthésies rachidiennes), intensité du bloc 400
sensitif et moteur et durée du bloc [49] .

Dose de bolus (µg)


300
Anesthésies rachidiennes IMM
La fibrose et la calcification des foramens intervertébraux 200 75 kg
diminuent la fuite de l’anesthésique local vers la région paraver-
tébrale [50, 51] . La graisse péridurale, moins abondante, augmente
la quantité d’anesthésique local disponible pour se fixer sur les 100
35 kg
racines rachidiennes et diffuser vers l’espace sous-arachnoïdien.
La dure-mère est plus perméable, notamment en raison d’une aug- 0
mentation de la taille des villosités arachnoïdiennes. Le nombre
des fibres myélinisées diminue dans les racines rachidiennes [50] . 60
Dose de perfusion (µg min–1)

Le volume du liquide cérébrospinal est diminué, et sa densité est


augmentée. Ces modifications anatomiques entraînent une ins- 50
tallation plus rapide de l’anesthésie rachidienne et une extension
40
plus importante du bloc nerveux pour un volume d’anesthésique
donné [51] . Néanmoins, ce résultat n’est pas observé dans toutes 30 IMM
les études [52–54] . Pour la bupivacaïne, la ropivacaïne et la lévo- 75 kg
bupivacaïne, la vitesse d’installation du bloc sensitivomoteur de 20
l’anesthésie péridurale n’est que peu modifiée, mais le niveau
10
supérieur du bloc est plus haut et la durée du bloc moteur 35 kg
est augmentée [52, 53] . Les modifications de délai d’installation, 0
d’extension et de durée du bloc nerveux sont sensiblement
identiques pour la rachianesthésie, surtout avec les solutions 20 40 60 80
hyperbares. Cet effet est moins net avec les solutions iso- et hypo- Âge (ans)
bares. Figure 6. Effet de l’âge sur les doses de bolus et de perfusion continue
Les modifications anatomiques de la colonne vertébrale (sco- de rémifentanil nécessaires à la réduction de 50 % du signal électroencé-
liose, calcification des ligaments vertébraux) peuvent rendre la phalographique (IMM : indice de masse maigre) (d’après [42] ).
réalisation des anesthésies rachidiennes plus difficile. Le recours
à la voie paramédiane et à des aiguilles 22 G (au lieu de 25 G)
diminue les échecs.
L’hypotension artérielle induite par la rachianesthésie est plus Les céphalées postponction dure-mérienne sont plus rares chez
fréquente et plus importante chez le sujet âgé. Chez ce dernier, le sujet âgé.
le tonus sympathique basal est augmenté, et la sympatholyse liée
à la rachianesthésie exagère la vasodilatation périphérique. Après
l’installation de la rachianesthésie, on observe une diminution
Anesthésies plexiques et tronculaires
parallèle de la pression artérielle moyenne et des résistances arté- Dans les nerfs périphériques, le nombre d’axones et la vitesse
rielles systémiques [55] . La fréquence cardiaque reste stable et le de conduction diminuent, surtout dans les fibres motrices [49] . La
débit cardiaque diminue légèrement. La diminution du volume réduction de la quantité de myéline augmente la perméabilité
télédiastolique ventriculaire gauche est liée à la réduction du des fibres aux anesthésiques locaux, notamment par modification
retour veineux [56] . Il est à noter que dans les premières minutes de des canaux ioniques sodés. Il en résulte une diffusion accrue et
l’installation de la rachianesthésie, le débit cardiaque augmente une plus grande sensibilité à l’action des anesthésiques locaux.
de près de 20 %, ce qui limite la diminution initiale de la pression De plus, le tissu conjonctif est moins dense, facilitant l’accès aux
artérielle [56] . fibres nerveuses des anesthésiques.

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Anesthésie du sujet âgé  36-643-A-10

Tableau 9.
Pharmacocinétique des anesthésiques locaux chez le sujet âgé (moyenne ± DS et extrêmes).
Type d’anesthésie Volume de Clairance plasmatique Demi-vie Concentration Délai d’obtention de
locorégionale distribution à l’état totale (ml min−1 ) d’élimination maximale Cmax la Cmax
stable Vss (l) (min) (␮g ml−1 ) Tmax (min)
Bloc 3 en 1 ND ND ND 0,74 ± 0,64 ND
bupivacaïne 2 mg kg−1 C la plus élevée (1,84)
adrénalinée [58]
Bloc paravertébral ND ND ND 1,87 ± 0,72 (1,04–2,89) 15 (5–20)
thoracique
ropivacaïne 2 mg kg−1 [62]
Anesthésie péridurale ND 332 ± 93 585 ± 156 0,47 ± 0,12 26 ± 14
lombaire
bupivacaïne 95 mg [60]
Anesthésie péridurale 49 ± 13 298 ± 115 150 (76–346) 1,23 ± 0,33 16 (5–31)
lombaire
ropivacaïne 150 mg [54]
Anesthésie péridurale 79 ± 23 316 ± 83 296 ± 131 1,01 ± 0,25 6 (2–7)
lombaire
lévobupivacaïne 128 mg [53]

C : concentration ; Tmax : délai pour atteindre la Cmax ; ND : non disponible ; DS : déviation standard.

Le délai d’installation d’un bloc nerveux périphérique dépend Tableau 10.


de nombreux facteurs, et l’influence de l’âge n’est pas aisée à Principales complications postopératoires.
identifier. Pour le bloc du plexus brachial, on observe une instal- Complications Fibrillation auriculaire, insuffisance
lation plus rapide et une durée allongée (pratiquement doublée) cardiovasculaires cardiaque, insuffisance coronarienne
[57]
.
Complications Hypoxémie, inhalation bronchique,
La réalisation des blocs nerveux est guidée par l’échographie
pulmonaires pneumopathie, embolie pulmonaire
associée ou non à la stimulation électrique. La réduction de la
population nerveuse des nerfs périphériques pourrait accroître le Complications Confusion mentale, accident vasculaire
neurologiques cérébral a
risque de neuropathie traumatique lors des anesthésies locorégio-
nales. Ce risque n’a pas été clairement identifié par des études Complications Rétention aiguë d’urine, infection
prospectives. uronéphrologiques urinaire, insuffisance rénale aiguë
Complications Hyponatrémie, hyperglycémie
métaboliques
Pharmacocinétique des anesthésiques locaux a
L’âge est un des cinq critères du score prédictif CHADS2 de survenue
La pharmacocinétique des anesthésiques locaux administrés d’un accident vasculaire cérébral (AVC) en cas de fibrillation auriculaire
(CHADS : insuffisance cardiaque, hypertension artérielle, âge, diabète, antécé-
au cours d’une anesthésie locorégionale est complexe car elle dents d’AVC).
comporte deux composantes : l’absorption à partir du site
d’injection, et la distribution et l’élimination systémique. La
cinétique d’absorption des anesthésiques locaux au cours de
l’anesthésie péridurale est peu modifiée chez le sujet âgé. Il Tableau 11.
n’y a pas de modifications notables de la concentration plas- Diagnostic du syndrome confusionnel.
matique maximale (Cmax), ni du Tmax [53, 54, 58–62] (Tableau 9). Critères Troubles de la vigilance (attention fluctuante)
Les modifications pharmacocinétiques incluent une diminution majeurs Début brutal
de la clairance plasmatique totale (par exemple, pour la lido- Fluctuation des signes
caïne elle est diminuée en moyenne de 35 % au-delà de 65 ans) Troubles cognitifs (désorientation, troubles de la
et un allongement de la demi-vie d’élimination. Ces modifica- mémoire)
tions sont expliquées par l’augmentation de la graisse (volume Critères Fragmentation de la pensée
de distribution), la diminution de la masse musculaire, et la mineurs Altérations sensorielles
réduction de la clairance hépatique. Les différences entre la Troubles du comportement (agitation, léthargie)
bupivacaïne, la ropivacaïne et la lévobupivacaïne sont en par- Troubles émotionnels (irritabilité)
tie expliquées par leurs effets différents sur la vasomotricité des Troubles neurovégétatifs
vaisseaux périduraux. À noter que dans la période périopératoire,
la concentration plasmatique de l’alphaglycoprotéine acide qui
fixe les anesthésiques locaux augmente au-delà de la 12e heure
postopératoire. Confusion mentale
Lors de la rachianesthésie, l’absorption de la bupivacaïne est La confusion mentale (état confusionnel, delirium) postopéra-
plus rapide, mais ceci n’a pas d’incidence sur le profil clinique du toire est une perturbation transitoire et fluctuante de l’état de
bloc. conscience. Elle correspond à un état de faillite temporaire et
réversible du fonctionnement cérébral. Selon les critères diag-
nostiques retenus (Tableau 11), la fréquence de la confusion
postopératoire est de 5 à 52 % [21, 63–67] . La fréquence la plus éle-
 Période postopératoire vée est observée au cours de la chirurgie cardiaque, puis dans la
chirurgie pour fracture du col du fémur et la chirurgie aortique.
Les complications postopératoires sont plus fréquentes chez le Il est admis que la confusion est moins fréquente après anes-
sujet âgé (Tableau 10). Une attitude préventive est préférable, par thésie locorégionale, mais ceci n’est pas observé dans toutes les
exemple en surveillant le patient en soins intensifs pendant 48 à études [68] .
72 heures après une intervention majeure. Le diagnostic de la Le mode de survenue est caractérisé par une installation rapide
complication doit être précoce, car chez le sujet âgé le traitement en quelques heures ou quelques jours (pic vers le deuxième
est plus difficile et moins souvent efficace. jour). Le tableau clinique varie d’un patient à l’autre et fluctue

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Tableau 12. Tableau 13.


Causes et facteurs qui favorisent la confusion postopératoire. Facteurs favorisants de la dysfonction cognitive postopératoire.
Maladie Démence, accident vasculaire cérébral, Antécédents Âge : la fréquence augmente avec
cérébrale hématome sous-dural, état de mal l’âge
comitial infraclinique Démence préexistante : maladie
Gérontofragilité d’Alzheimer, démence vasculaire,
autres maladies neurodégératives
Cardiopathie Insuffisance cardiaque, troubles du
Alcoolisme
rythme cardiaque, infarctus du
myocarde, embolie pulmonaire Type de chirurgie Chirurgie cardiaque : circulation
extracorporelle et ses conséquences
Infections Pneumopathie, infection urinaire,
Chirurgie majeure
septicémie
Type d’anesthésie Anesthésie générale vs anesthésie
Troubles Anémie, hyper ou hypoglycémie,
locorégionale
métaboliques troubles hydroélectrolytiques
Agents anesthésiques : pas d’effet
(hyponatrémie, hypokaliémie), hyper ou
clairement démontré : propofol et
hypocalcémie, hyper ou hypothyroïdie
isoflurane ont des effets identiques
Type de chirurgie Chirurgie cardiaque, chirurgie en
Médicaments ayant une
urgence, chirurgie majeure, durée
action anticholinergique
supérieure à 2 heures
Ventilation peropératoire Hypocapnie
Complications Hypoxémie, hypotension artérielle,
postopératoires hémorragie chirurgicale et anémie aiguë, Hypotension artérielle
rétention d’urine, douleur, complications peropératoire
chirurgicales (péritonite postopératoire) Analgésie postopératoire Opiacés, tramadol, néfopam
Environnement Troubles du sommeil, privation de
hospitalier sommeil, immobilisation par attaches,
locaux, lumière, bruit
Dysfonction cognitive postopératoire
Médicaments Tranquillisants (benzodiazépines),
morphiniques, médicaments à action Après une intervention chirurgicale, les patients âgés ou leur
anticholinergique, ranitidine, entourage signalent souvent une diminution de leurs fonctions
cimétidine, corticostéroïdes intellectuelles supérieures. La dysfonction cognitive postopéra-
toire (DCPO ou postoperative cognitive dysfunction [POCD]) désigne
les modifications persistantes des performances cognitives éva-
luées par des tests neuropsychologiques [72–77] . Elle a d’abord été
décrite après chirurgie cardiaque en raison de sa fréquence élevée.
rapidement chez un même patient. La vigilance est altérée et Néanmoins, la circulation extracorporelle n’est pas le seul facteur
varie au cours de la journée : phases stuporeuses, hébétude, agi- causal et il est probable que les mêmes facteurs sont en jeu dans
tation psychomotrice, périodes de lucidité. L’inversion du cycle les autres types de chirurgie. La plupart des études cliniques sont
nycthéméral est fréquente. difficiles à interpréter en raison de la disparité des tests neuro-
La survenue d’une confusion postopératoire est un facteur défa- psychologiques appliqués et de l’inhomogénéité des groupes de
vorable dans l’évolution postopératoire immédiate (allongement patients et des types de chirurgie [22, 76] .
de la durée d’hospitalisation, décès intrahospitalier) et à long Les signes les plus fréquents de la DCPO touchent la mémoire,
terme (mortalité à distance augmentée) [64] . De nombreux scores l’attention, la concentration, la rapidité des réponses mentales et
pour détecter les troubles comportementaux postopératoires ont motrices, et les difficultés d’apprentissage.
été décrits, mais sont peu utilisés [69] . Dans les trois premières semaines, la DCPO touche environ
En période postopératoire, de nombreux facteurs favorisent ou 30 % des patients après chirurgie majeure et 7 % après chirur-
déclenchent un état confusionnel (Tableau 12) [66] . La survenue gie mineure. Entre la troisième semaine et le sixième mois, la
d’un delirium dépend de l’interaction de facteurs favorisants (qui DCPO s’améliore. Au-delà de six mois, les études notent des tests
préexistent et peuvent être détectés) et de facteurs déclenchants psychométriques le plus souvent identiques à ceux réalisés avant
(douleur, anémie, administration de médicaments tels les benzo- l’intervention [76] .
diazépines) qu’il est possible d’éviter ou d’atténuer. Néanmoins, Les facteurs qui favorisent la DCPO sont résumés dans le
le plus souvent, aucun facteur déclenchant précis ne peut être Tableau 13. Le type de chirurgie a un rôle dans la DCPO observée
identifié. dans la première semaine postopératoire. Une fréquence de 40 à
La confusion mentale est source de complications, inhalation 50 % est observée après pontage aortocoronaire [78] . En revanche,
bronchique, retrait accidentel des voies veineuses, des panse- à trois et six mois, la fréquence de la DCPO est indépendante de
ments, des drains, de la sonde gastrique, nécessité de sondage la nature de la chirurgie.
urinaire. La nature des agents anesthésiques n’a pas d’influence majeure
Si la survenue d’un état confusionnel est souvent imprévi- sur la survenue d’une DCPO.
sible, il a été montré dans une étude après fracture du col du Dans les trois premières semaines et en chirurgie mineure, la
fémur que l’application de mesures simples peut en réduire la DCPO est plus fréquente après anesthésie générale (21 %) qu’après
fréquence [70] . Il s’agit de fournir au patient ses aides auditives anesthésie locorégionale (12,7 %). Au-delà de trois semaines et
et ses lunettes, respecter les périodes de repos pour favoriser le jusqu’à six mois, il n’y a plus de différence entre les deux tech-
sommeil, traiter la douleur et contrôler l’équilibre hydroélectroly- niques d’anesthésie [68] .
tique. Le rôle de l’hypotension artérielle peropératoire dans la surve-
Lorsque la confusion met en danger le patient et le per- nue de la DCPO n’est pas clairement démontré [72, 76] .
sonnel soignant, un traitement pharmacologique est nécessaire.
Les benzodiazépines sont à éviter, sauf si un sevrage est en
cause. Prévention de la maladie thromboembolique
L’halopéridol est le médicament de référence, à la dose de 0,5 mg
par voie intraveineuse, à répéter par intervalles de 30 minutes. Le Après 65 ans et par rapport au sujet jeune, la fréquence de la
début d’action est en 10 à 30 minutes [64] . Le loxapine (Lozapac® ) maladie thromboembolique est multipliée par 10 à 20 [79–81] . Dans
est administré par voie intramusculaire à la dose de 50 à 100 mg, la triade de Virchow, l’âge aggrave les trois facteurs, lésions parié-
à renouveler après six à huit heures si nécessaire. L’halopéridol tales, stase veineuse et hypercoagulabilité. Les sujets âgés sont
en prévention a été préconisé chez les patients à haut risque de classés dans les groupes à risque moyen ou élevé de maladie
delirium [71] . thromboembolique postopératoire. Ceci justifie une prévention

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Anesthésie du sujet âgé  36-643-A-10

Tableau 14. d’administration. Cependant, une réduction systématique de la


Algoplus® , échelle d’évaluation comportementale de la douleur aiguë dose initiale aboutit souvent à un sous-dosage. La titration en
chez la personne âgée présentant des troubles de la communication salle de réveil évite un traitement insuffisant. Dans une étude
verbale. réalisée en salle de réveil, la dose moyenne nécessaire pour
Oui Non obtenir une EVA inférieure à 3 est identique entre les sujets
âgés et jeunes, respectivement 0,14 mg kg−1 et 0,15 mg kg−1 [89] .
1. Visage : froncement des sourcils, Les doses de réinjection par voie sous-cutanée et les doses
grimaces, crispation, mâchoires pour la PCA sont moindres [90] . Par exemple, après prothèses
serrées, visage figé totales de hanche, la dose de morphine sous-cutanée adminis-
2. Regard : regard inattentif, trée toutes les quatre heures selon l’EVA est de 0,11 ± 0,11 mg kg−1
suppliant, pleurs, occlusion des yeux versus 0,18 ± 0,18 mg kg−1 chez les sujets jeunes [90] . La voie
3. Plaintes orales : « aïe », « ouille », sous-cutanée appliquée correctement avec le respect des doses
« j’ai mal », gémissements, cris et des intervalles d’administration est aussi efficace que la
4. Corps : retrait, protection d’une PCA, qui est souvent d’utilisation difficile chez les sujets
zone, refus de mobilisation, attitudes âgés [91] .
figées Les effets secondaires de la morphine les plus fréquents sont
5. Comportements : agitation les troubles dysphoriques, la rétention urinaire, la sédation exces-
corporelle, agressivité, agrippement sive et la dépression respiratoire. Il faut éviter une administration
prolongée de morphine en cas d’insuffisance rénale, en raison
Total oui sur 5
de l’accumulation du métabolite 6-morphine-glucuronide qui a
Réponse par oui ou non à cinq items [87] . un effet dépresseur respiratoire important. Un des effets secon-
daires le plus fréquent est la rétention urinaire. La recherche d’un
globe vésical est facilitée par l’utilisation de l’échographie vésicale
qui associe les moyens physiques et les anticoagulants [80, 82, 83] . La (BladderScan® ).
prophylaxie médicamenteuse utilise les héparines de bas poids
moléculaire (HBPM), le fondaparinux et l’héparine non fraction- Anti-inflammatoires non stéroïdiens
née. Les HBPM exposent au risque de surdosage, surtout en cas Les anti-inflammatoire non stéroïdiens (AINS) ne sont pas
d’insuffisance rénale et de faible poids. Parmi les HBPM, la daltépa- formellement contre-indiqués [88] . Le kétoprofène par voie intra-
rine (Fragmine® ) est moins sensible à la fonction rénale. Lorsque veineuse a l’avantage d’une demi-vie courte. L’insuffisance
la clairance calculée de la créatinine est inférieure à 30 ml min−1 rénale allonge la demi-vie des AINS et, à l’inverse, les AINS
il est conseillé d’utiliser l’héparine non fractionnée. Le fondapa- altèrent la fonction rénale. Ils sont contre-indiqués en cas
rinux (Arixtra® ) 2,5 mg sous-cutané par jour, débuté six heures d’insuffisance rénale, d’insuffisance cardiaque et pour les inter-
après la fin de la chirurgie, est conseillé pour la prophylaxie après ventions majeures. Il faut rappeler l’interférence des AINS avec la
chirurgie pour fracture du col du fémur. warfarine et les HBPM.
Anesthésie locorégionale
Douleur postopératoire L’anesthésie locorégionale assure une analgésie efficace durant
les premières heures postopératoires. L’analgésie peut être pro-
L’idée reçue que l’intensité de la douleur postopératoire serait longée par l’administration d’opiacés par voie périmédullaire.
moindre chez le sujet âgé n’est pas confirmée par les études La morphine par voie sous-arachnoïdienne à la dose de 0,1 mg
cliniques. En revanche, elle est facilement sous-évaluée et insuf- est efficace, mais elle est peu utilisée en raison de ses effets
fisamment traitée, surtout dans les services d’hospitalisation, en secondaires fréquents (rétention d’urines, dépression respira-
partie due à la mauvaise observance des prescriptions par le per- toire retardée, nausées et vomissements). Le sufentanil a une
sonnel infirmier [84] . durée d’action plus courte, mais expose à moins de dépression
respiratoire.
Évaluation de la douleur Pour certains types de chirurgie, l’analgésie continue par mise
Les déficits sensoriels et cognitifs rendent l’évaluation de en place d’un cathéter péridural ou périnerveux est très efficace.
la douleur difficile [85] . Pour les démences légères (MMS ≥ 18) Lorsque le patient est coopérant, la péridurale par patient-controlled
l’autoévaluation est souvent possible. Les échelles numériques epidural analgesia (PCEA) est utilisable pour l’analgésie après chi-
(Numerical Rating Scale [NRS]) et verbales simples (Verbal Rating rurgie prothétique du membre inférieur.
Scale [VRS]) sont plus faciles à utiliser que l’échelle visuelle ana- Comme chez le sujet plus jeune, l’infiltration de la cica-
logique (EVA). Si la démence est plus sévère (MMS < 13) il faut trice avec des anesthésiques locaux de longue durée d’action et
recourir à l’hétéroévaluation [86] . Chez les patients déments, la les blocs périphériques avec ou sans cathéter périnerveux sont
douleur est exprimée par des modifications comportementales : applicables en fonction de l’expertise de l’équipe chirurgicale et
expression faciale, agitation, hostilité, mouvements du corps, anesthésique.
vocalisation. Plusieurs échelles d’hétéroévaluation ont été vali-
dées [85] . Néanmoins, du fait de leur complexité, elles sont surtout
utiles dans les unités de long séjour, et elles sont moins adaptées à  Différents types de chirurgie
une utilisation en situation aiguë telle la période postopératoire.
Le score Algoplus® permet l’évaluation de la douleur aiguë chez le De nombreux actes chirurgicaux, d’endoscopie, de radiologie
patient non communiquant [87] (Tableau 14). Un score de 2 (sur 5) interventionnelle sont réalisés chez le sujet âgé. Les plus fréquents
nécessite un traitement antalgique. sont résumés dans le Tableau 15.
La décision chirurgicale se fonde sur l’état fonctionnel du
Traitement patient et non sur son âge chronologique. De bons résultats
Le concept d’analgésie multimodale est applicable chez le sujet sont observés chez des patients très âgés mais qui étaient auto-
âgé [88] . Au paracétamol sont associés les analgésiques de palier 2 nomes avant l’intervention. Néanmoins, pour les interventions
et 3 selon l’intensité de la douleur. Les effets secondaires des anal- qui amputent les réserves ventilatoires (chirurgie intra-abominale,
gésiques sont plus fréquents, et il est souvent nécessaire d’éviter thoracique) ou qui sollicitent de façon importante l’appareil
le néfopam et le tramadol. cardiovasculaire, il faut privilégier les techniques non invasives
(thoracoscopie, radiologie interventionnelle) et les interventions
Opiacés palliatives (cancer avec métastases). Les interventions réalisées en
Les modifications pharmacocinétiques (clairance réduite) et urgence augmentent la mortalité [92] , ce qui justifie les interven-
pharmacologiques (puissance analgésique augmentée) de la mor- tions réglées lorsqu’une affection a été récemment diagnostiquée
phine nécessitent une adaptation des doses et de l’intervalle (lithiase vésiculaire, hernie inguinale).

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Tableau 15. accidents vasculaires cérébraux après rachianesthésie [96] . Au-delà


Interventions les plus fréquentes chez le sujet âgé. d’un mois, la différence entre les deux techniques est faible.
Ophtalmologie Cataracte
Chirurgie orthopédique Prothèse de hanche, prothèse de
genou
Chirurgie digestive Lithiase biliaire et ses
complications (cholécystite,
“ Points essentiels
lithiase de la voie biliaire
principale), sigmoïdite, cancer du • Le vieillissement normal diminue les réserves des
côlon grandes fonctions de l’organisme. L’importance de cette
Chirurgie urologique Résection transurétrale de la amputation n’est pas identique pour tous les organes et
prostate, tumeur vésicale, montée
n’est pas synchrone dans le temps. Les sujets âgés ne
de sonde urétérale
forment pas un groupe homogène. La gérontofragilité qui
Chirurgie gynécologique Hystérectomie, cancer du sein
touche environ 10 % des sujets âgés en milieu chirurgical
Urgences Fracture du col du fémur, fracture augmente la morbidité postopératoire.
du poignet, occlusion intestinale • Les maladies chroniques (maladies cardiovasculaires,
aiguë, hernie étranglée
neurodégénératives, pulmonaires, ostéoarticulaires, dia-
Endoscopies digestives
diagnostiques et
bète) augmentent avec l’âge et sont des facteurs
interventionnelles (œsophage, supplémentaires de handicap dans la période périopéra-
voies biliaires, pancréas, côlon) toire.
Radiologie interventionnelle • Les modifications pharmacocinétiques et pharmacody-
vasculaire (coronaires, aorte namiques nécessitent une adaptation des doses et des
abdominale, artères fémorales, intervalles d’administration des médicaments. Les effets
carotides) secondaires des médicaments sont plus fréquents et plus
graves.
• La consultation d’anesthésie évalue l’état fonctionnel,
les fonctions cognitives et le degré d’autonomie du
L’anesthésie ambulatoire est à privilégier, même pour les patient, éléments essentiels d’une convalescence postopé-
patients ASA 3, dès lors que l’acte chirurgical n’interfère pas de ratoire réussie.
façon importante avec la fonction cardiorespiratoire et que le • En peropératoire le positionnement correct du patient
patient bénéficie d’une aide à domicile ou peut être transféré dans doit éviter les complications liées à la compression et à
une structure gériatrique spécialisée [5] . l’étirement des nerfs périphériques, des articulations et du
revêtement cutané.
• Le choix de la technique d’anesthésie n’a que
Fracture de l’extrémité supérieure du fémur peu d’influence sur la fréquence des complications
postopératoires. Néanmoins, l’anesthésie locorégionale
La survenue d’une fracture de l’extrémité supérieure du fémur
(rachianesthésie, blocs nerveux périphériques) est bien
(FESF) est toujours grave, car elle met en jeu le pronostic vital, mais
aussi à moyen terme, le pronostic fonctionnel et social du patient, adaptée au sujet âgé coopérant, car elle facilite les soins
puisque seulement la moitié des patients retrouvera à distance son postopératoires immédiats.
autonomie d’avant la fracture et que la mortalité à un an est de • Les complications postopératoires sont augmentées,
20 % [93] . dominées par les complications cardiovasculaires, respira-
Les FESF sont classées en fractures cervicales (classification de toires et neurologiques.
Garden) et en fractures de la région trochantérienne (cervicotro- • La confusion mentale (delirium) est une complication
chantériennes, pertrochantériennes). L’objectif de la chirurgie est postopératoire fréquente. Le contrôle des facteurs déclen-
d’autoriser la remise en charge la plus précoce possible de façon chants peut en limiter la fréquence de survenue.
à éviter les complications de décubitus. Le choix de la technique • La dysfonction cognitive postopératoire (DCPO) est
chirurgicale tient compte du type de fracture (stabilité, déplace-
observée même après des actes mineurs. Elle régresse en
ment), de l’état général et du degré d’autonomie avant la fracture.
Le choix se fait entre l’ostéosynthèse (vis ou vis-plaque à compres- quelques semaines, sauf après des actes majeurs (chirurgie
sion, dynamic hip screw [DHS], clou cervicocéphalique type clou cardiaque) où elle persiste de trois à six mois en moyenne.
gamma) et le remplacement prothétique (prothèses cervicocépha- • Le traitement de la douleur postopératoire, souvent
liques type prothèse de Moore). insuffisamment prise en charge, nécessite une évaluation
Une FESF doit être opérée assez rapidement et, si l’état médi- adaptée au sujet âgé, une formation du personnel infirmier
cal le permet, il est conseillé d’opérer dans les 48 heures qui et l’application de protocoles spécifiques au sujet âgé.
suivent l’admission. Une intervention dans les 24 à 48 heures
réduit la morbidité et la mortalité [94] . En présence d’une insuf-
fisance cardiaque ou d’une autre maladie non équilibrée, un délai
de 72 heures est acceptable.
L’intervention peut être réalisée sous acide acétylsalicylique, et L’hypotension artérielle liée à la rachianesthésie peut être préve-
la prise récente de clopidogrel n’est plus une contre-indication nue ou atténuée en modifiant la technique. La réduction des doses
absolue [95] . Pour les patients traités par antivitamine K, il est d’anesthésique local [97] , la rachianesthésie unilatérale ou la tech-
conseillé d’attendre une diminution de l’international normalized nique avec mise en place d’un cathéter sous-arachnoïdien limitent
ratio (INR), mais une normalisation complète n’est pas nécessaire, l’hypotension artérielle [98] .
une valeur de 1,4-1,5 étant suffisante. La transfusion de concentrés de globules rouges est nécessaire
Le choix entre anesthésie générale et rachianesthésie dépend chez environ 30 % des patients, surtout après prothèse cépha-
des habitudes des équipes médicales. La rachianesthésie a un lique. La transfusion augmente légèrement le risque d’infection
léger avantage sur l’anesthésie générale dans la période post- postopératoire [99] .
opératoire immédiate (diminution des thromboses veineuses des L’analgésie postopératoire peut recourir au bloc du nerf fémo-
membres inférieurs, de l’hypoxémie, des troubles confusionnels). ral avec ou sans mise en place d’un cathéter pour la perfusion
En revanche, on observe une légère augmentation du nombre des continue de ropivacaïne à 0,2 %.

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 Conclusion [23] Folstein MF, Folstein SE, Mc Hugh PR. “Mini-mental state”. A practi-
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J.-P. Haberer, Professeur honoraire anesthésie-réanimation (jeanpierre.haberer@gmail.com).


Faculté de médecine Paris Descartes, 15, rue de l’École de Médecine, 75006 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Haberer JP. Anesthésie du sujet âgé. EMC - Anesthésie-Réanimation 2013;10(4):1-17 [Article 36-643-A-10].

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