Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Faim Zero en Finir Avec La Faim Dans Le Monde
Faim Zero en Finir Avec La Faim Dans Le Monde
« La faim est politique, son éradication aussi. » Cette assertion, qui introduit l’ouvrage
et revient au cours du propos, en donne la clé de voûte. Le choix du mot « faim » n’a
2
rien d’anodin et le titre lui-même constitue une sorte d’appel politique. Il se réfère
naturellement au programme « Fome Zero » mis en place au Brésil sous la présidence
de Lula da Silva (2003-2010), véritable politique nationale, coordonnée et
intersectorielle, associant la société civile, incarnée dans des institutions et un cadre de
redevabilité clair. Les résultats furent probants : réduction de la malnutrition infantile
de 61 % entre 1999 et 2009, réduction de la pauvreté rurale de 15 %, etc. Mais le titre
renvoie aussi au « Défi Faim Zéro », lancé par le secrétaire général des Nations unies
en juin 2012. On peut regretter qu’il n’en soit fait qu’une description, sans dire que
cette initiative, par son caractère très général et non contraignant, relève surtout de
l’effet d’annonce. Si l’auteur insiste sur le caractère politique de la faim, il rate sans
doute les multiples enjeux liés à la quantification même du phénomène, au niveau
1
REVUE PROJET - MONDE
national comme au niveau international. Les chiffres ont en effet des répercussions en
3
termes de politiques publiques mais aussi de médiatisation . En revanche, les aspects
socio-culturels sont bien pris en compte, quoiqu’à un niveau très global, qu’il s’agisse
de la culture professionnelle des acteurs engagés, de la déconsidération de
l’agriculture, de la « culture du gâchis » dans les sociétés occidentales, des attitudes
face aux technologies ou encore de l’incompréhension des techniciens face aux
solutions mises en œuvre localement et relevant d’une autre rationalité que la leur.
Dans Nourrir l’humanité, Bruno Parmentier avait écrit quelques pages sur ce « nouveau
droit de l’homme » que constitue le droit à l’alimentation. Il y consacre cette fois, à
raison, un chapitre entier. Il revient sur la genèse institutionnelle et intellectuelle de ce
droit, présent dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966), précisé par les
instances onusiennes et détaillé dans les « Directives volontaires » pour la réalisation
progressive du droit à l’alimentation (2004). Il explique à quel point la mise en œuvre
concrète de ce droit reste l’un des grands défis du XXI e siècle, distinguant trois idées
forces susceptibles d’améliorer la situation : accorder la plus grande attention, au-delà
de la production, aux questions d’accès à l’alimentation ; partir de la situation des
victimes de la faim pour co-construire une réponse adaptée ; légiférer afin de rendre
ce droit contraignant et effectif. Ces propositions sont reprises des travaux d’Olivier De
Schutter, le précédent rapporteur spécial des Nations unies, qui a préfacé ce livre.
2
REVUE PROJET - MONDE
1 Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), État de l’insécurité alimentaire dans le
monde 2014.
2 Pierre Janin, « Crise alimentaire mondiale. Désordres et débats » , Hérodote, n°131, 2008, pp. 6-13 [disponible sur
Cairn.info].
3 Voir le dossier « Surveiller et nourrir. Politique de la faim » , Politique africaine, n°119, 2010.
4 Sandra Laugier et Albert Ogien, Le principe démocratie. Enquête sur les nouvelles formes du politique , La
Découverte, 2014, 283 p.
Jean Vettraino
27 October 2014