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IUFM DE BOURGOGNE

Centre d’Auxerre

Concours de recrutement de professeur des écoles

Les interactions entre élèves :


une source d’apprentissages ?

FAÏREN Aurore

Sous la direction de M. Bouveau


2005 N° 04STA00372
SOMMAIRE

1
INTRODUCTION………………………………………………………………………….. 2

1. QUELLES SONT LES DIFFERENTES INTERACTIONS QUE L’ON PEUT


ENCOURAGER DANS LA CLASSE ET POURQUOI ?.......................................... 3
1.1. Les différentes interactions adulte – enfants……………………………………….. 3
1.2. Les différentes interactions entre pairs……………………………………………... 4
1.2.1. Interactions symétriques ……………………………………………………. 4
1.2.2. Interactions dissymétriques de tutelle (guidage)…………………………….. 7
1.2.3. Une pratique pédagogique qui a une riche histoire………………………….. 8

2. COMMENT FAVORISER CES INTERACTIONS DANS UNE CLASSE A


PLUSIEURS NIVEAUX ?………………………………............................................. 10
2.1. Situations à mettre en place……………………………………………………….... 10
2.1.1. Autoriser l’aide spontanée (entre « voisins »)………………………………. 10
2.1.2. Mettre en place des situations de coopération………………………………. 10
2.1.3. Permettre aux grands qui ont terminé d’aider ponctuellement leurs
cadets (interaction de tutelle ponctuelle)………………………………...... 11
2.1.4. Mettre en place des situations de tutorat organisé…………………………... 11

2.2. Conditions à respecter………………………………………………………………. 11


2.2.1. Des rapports positifs entre les enfants (respect)…………………………….. 12
2.2.2. Partager le même projet……………………………………………………... 12
2.2.3. N’être pas trop éloigné du but à atteindre sur le plan cognitif………………. 13
2.2.4. Déterminer le rôle et les attributions de chacun lorsqu’il s’agit
de relation dissymétrique………………………………………………...... 14

3. ANALYSE DE SEANCES…………………………………………………………….. 16
3.1. Entraide spontanée des CP………………………………………………………….. 16
3.2. Séquence d’entraide CP – CE1 en mathématiques………………………………..... 17
3.3. Travail en tutelle ponctuel des GS et CE1………………………………………….. 20
3.4. Séance de production d’écrit GS – CE1 ………………………………………….... 22

CONCLUSION…………………………………………………………………………….. 25

BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………..... 27

ANNEXES…………………………………………………………………………………... 28

2
INTRODUCTION

La classe à cours multiples en ce qu’elle est un modèle particulier d’organisation m’a


toujours passionnée et interrogée. D’ailleurs, j’avais déjà commencé une réflexion sur ce type
de classe en milieu rural lors de ma première PE1. Je m’étais demandée comment les
enseignants s’y prenaient pour enseigner dans de telles classes et comment les enfants y
apprenaient. Aussi ai-je voulu profiter de cette année de PE2 pour approfondir ce sujet qui
m’interrogeait toujours autant. C’est pourquoi j’ai choisi de me pencher sur un des points que
j’avais survolé à savoir : les interactions fructueuses entre élèves dans de telles classes et plus
précisément sur les relations d’entraide. Mais, en commençant mes lectures je me suis très
vite intéressée aux avantages de ces relations et j’ai ainsi choisi de modifier un peu mon objet
d’étude pour approfondir d’avantage sur les interactions en réfléchissant à la question
suivante : en quoi les interactions entre élèves sont elles une source d’apprentissages ?
J’ai donc ensuite essayé d’encourager l’entraide dans la classe où j’ai effectué mon
premier stage. Il s’agissait d’une classe de cycle deux (GS, CP, CE1) dans une école rurale à
deux classes. Cette classe comptait vingt élèves dont 7 élèves en GS, 5 en CP et 8 en CE1.
Etant donné que les élèves se construisent par et grâce aux autres, il m’a semblé
primordial d’encourager ces relations entre les enfants et encore plus dans une classe à cours
multiples où les relations avec l’enseignant sont réduites.
En effet, la classe à cours multiples est une classe qui regroupe des élèves d’âges et de
niveaux différents. Cette hétérogénéité des élèves est à considérer de façon positive car elle
peut être un facteur d’échanges et de découvertes mutuelles pour lesquels chaque enfant est
porteur de nouveauté, d’expérience, de réponses dans la classe. Les interactions font naître de
« vraies » relations de communication, la construction du langage n’est donc en aucun cas
artificielle. Ces interactions qui se développent sont d’une grande richesse. Il faut les
encourager pour que chaque élève se construise et apprenne dans une dynamique relationnelle
formatrice de l’unité de la classe qui devient une micro société.

Nous verrons d’abord quelles sont les différentes interactions entre pairs que l’on peut
encourager dans la classe. Puis, nous nous demanderons comment faire pour favoriser ce type
d’interaction dans une classe à plusieurs niveaux ? Pour enfin analyser concrètement des
séances de classe.
1. QUELLES SONT LES DIFFERENTES INTERACTIONS QUE L’ON PEUT
ENCOURAGER DANS LA CLASSE ET POURQUOI ?

3
Le langage est un outil puissant dans l’élaboration de l’expérience. C’est par les
interactions avec les autres que l’individu se construit. Ainsi, l’école apparaît comme un
milieu privilégié où se développent les échanges fondateurs du petit être social.

1.1. Les différentes interactions adulte – enfants

Vygotski1 attache de l’importance aux interactions avec les autres. Trois éléments
ressortent de sa vision du développement cognitif : il met l’accent sur les influences sociales,
culturelles et historiques ; il analyse la relation entre pensée et langage, il accorde beaucoup
d’importance à l’apprentissage et à l’enseignement dans le développement de la personne.
Selon Vygotski, les interactions entre les adultes et les enfants ont pour but d’aider ces
derniers à maîtriser le langage, les coutumes et les instruments de leur culture. Les enfants
intériorisent ces interactions sociales, lesquelles déterminent ensuite le cours de leur
développement cognitif. Donc, le développement cognitif passe d’un comportement réglé par
autrui (social) à un comportement auto réglé (personnel). Les enfants peuvent ainsi effectuer
des tâches de niveau supérieur grâce à l’aide apportée par l’adulte. C’est ce que Vygotski
appelle la médiation reprise par Bruner2 sous le terme d’étayage ou d’interaction de tutelle.
Considérant le développement comme « un processus d’assistance » de l’adulte à
l’égard de l’enfant, Bruner démontre ainsi le rôle décisif de l’adulte tant dans l’acquisition du
langage que dans des situations de type résolution de problèmes. L’auteur montre clairement
comment l’intervention de l’adulte contribue, entre autres, à motiver l’enfant pour la tâche, à
orienter son activité en lui signalant « les caractéristiques déterminantes » de la situation ou en
lui permettant d’avoir une représentation claire du but poursuivi. De la même manière, les
études effectuées dans le champ de la didactique mettent l’accent sur la médiation exercée par
l’enseignant.
Cependant, les relations adultes – enfants peuvent également refléter une structure
d’autorité impliquant la dyade domination – soumission ce qui peut bloquer l’extériorisation
de ce que les enfants savent déjà.
Dans une organisation traditionnelle de classe, la majorité des interactions a lieu
entre l’enseignant et les enfants. Dans une classe à plusieurs niveaux, pour pouvoir développer
les échanges avec les enfants du niveau avec lequel il travaille, l’enseignant doit favoriser le
1
Vygotski cité par G. Barnier, A. Baudrit dans leurs ouvrages cités en bibliographie et M. Gilly dans le Manuel
de psychologie pour l’enseignant
2
idem pour J. Bruner

4
travail autonome des enfants des autres niveaux en autorisant et en encourageant les
interactions entres pairs.

1.2. Les différentes interactions entre pairs

Les interactions entre pairs permettent aux enfants de construire leurs savoirs. Ces
relations peuvent être de deux types :
- Soit symétriques, ce qui suppose l’équivalence des compétences et des statuts.
Dans ce cas, la confrontation à un partenaire favorise le fonctionnement de mécanismes tels
que le conflit sociocognitif ou la coopération.
- Soit asymétriques, lorsqu’il s’agit d’un enfant dont les compétences dans un
domaine déterminé sont plus avancées que l’autre.

1.2.1. Interactions symétriques

Le concept d’ « interactions symétriques » permet de qualifier les modes de


communication où chacun des partenaires contribue activement à la réalisation commune :
chacun exprime son point de vue, les actions et les répliques de l’un complètent de quelques
façons celles de l’autre. Il s’agit donc d’un groupe mixte d’enfants du même âge qui doit
réaliser une tâche commune. Ainsi, les statuts et les rôles assignés aux partenaires sont
égalitaires et le travail à deux permet à chacun d’obtenir de meilleurs résultats que le travail
individuel. La collaboration entre pairs est basée sur l’échange. Les interactants découvrent
ensemble des solutions, discutent du problème qu’ils ont à résoudre. L’engagement collectif
dans la tâche fait qu’ils sont amenés à tenir compte de points de vue différents, à se décentrer
par rapports à leurs propres idées. De la sorte, ils découvrent de nouvelles perspectives,
remettent en question leurs connaissances.

La co-construction suppose une symétrie des compétences et des relations, ainsi


qu’un but partagé par les partenaires qui mettent en commun leurs savoirs et savoir-faire pour
atteindre ce but. Cette mise en commun peut prendre la forme d’un conflit sociocognitif que
les partenaires doivent surmonter, ou d’une coopération dans laquelle les apports et les rôles
sont complémentaires ; les actions des partenaires se coordonnent dans une réalisation
commune et conduisent à une construction cognitive intégrant des centrations différentes. Les

5
enfants découvrent que leur point de vue n’est pas unique, ils envisagent ainsi un autre point
de vue et par là même un questionnement sur leur propre fonctionnement mental.

Donc l’entraide permet aux élèves d’avoir des discussions constructives. Elle permet
de négocier, échanger des points de vue, préciser et justifier sa pensée, prendre du recul par
rapport à elle, et la contrôler. Il s’agit bien de construire ses connaissances.
En effet, pendant une situation d’entraide, on peut assister à deux processus
différents qui permettent de construire ses savoirs :
- Soit le conflit sociocognitif qui a pour point de départ un désaccord qui amène les
partenaires à approfondir en qualité et en quantité leurs arguments pour convaincre l’autre
qu’il a raison.
- Soit la coopération sociocognitive qui est plutôt une mise en accord préalable avant
de prendre une décision commune. L’argumentation se retrouve de fait moins poussée car ils
n’ont pas à prouver qu’ils ont raison mais doivent simplement apporter des informations pour
trouver la réponse.
Ces deux phénomènes sont donc différents mais ils s’inscrivent pourtant dans la
même démarche qui vise à argumenter. L’un est plus poussé que l’autre mais les deux restent
complémentaires.
De plus, la situation de coopération s’avère facteur de progrès si elle équivaut à une
réelle combinaison d’efforts et pas à la simple juxtaposition d’actions individuelles.
Deux mécanismes sont donc à la base de ce progrès : le conflit sociocognitif et
l’observation.
En ce qui concerne le conflit sociocognitif, l’introduction d’un déséquilibre permet à
l’enfant d’élaborer de nouvelles structures. En effet, les réponses différentes que chacun
apporte, qu’elles soient toutes les deux fausses ou que l’une soit fausse et l’autre bonne,
provoquent un double déséquilibre : déséquilibre interindividuel entre deux sujets que leurs
réponses opposent ; déséquilibre intra individuel, du fait de la prise de conscience d’une autre
réponse invitant à douter de sa propre réponse. Ce double déséquilibre oblige donc les sujets à
coordonner leurs points de vue afin de parvenir à un accord qui passe par des négociations.
Ce n’est pas lors de chaque proposition de travail en coopération qu’il va se produire
forcément un conflit sociocognitif. Différentes dynamiques peuvent apparaître. Gilly, Fraise et
Roux 3 en définissent trois (la quatrième étant le conflit).
3
Dans : approches socio-constructives du développement cognitif de l’enfant d’âge scolaire, par Michel Gilly in
Gaonac’h D. ; Golder C. ; Manuel de psychologie à l’usage de l’enseignant, Hachette éducation ; 1995

6
Pour la première, appelée « collaboration acquiescante » un seul des deux sujets
semblent apparemment actif : il élabore une solution, le second se contente de valider. La
deuxième est appelée « co-construction » et correspond à une dynamique conjointe ou les
deux sujets travaillent de concert, sans manifestations observables de désaccord : l’un des
deux sujets commence une action ou une phrase, reprise par l’autre qui poursuit ce qui est
commencé, puis le premier reprend le relais, et ainsi de suite. La troisième est une
« confrontation avec désaccords non argumentés sans coordinations subséquentes » un des
sujets fait une proposition que l’autre n’accepte pas, sans argumenter ni proposer lui-même
autre chose.
Pourtant, il s’avère que les sujets peuvent également tirer profit de ces rapports de
coopération car la déstabilisation permet la remise en cause et les changements de procédures
et de représentations.

Donc en résumé, c’est en discutant entre eux que les enfants se provoquent et
justifient leurs propositions. L’échange de points de vue structure la réflexion commune sur le
problème et aboutit à un consensus.
Pour ce qui est des relations de nature symétrique entre enfants, on constate que la
présence d’autrui amène les partenaires à expliciter clairement leurs intentions et point de vue,
à les justifier en apportant des arguments convaincants. En effet, les enfants sont obligés de
prendre du recul par rapport à leurs réalisations, aux idées et points de vue exprimés. Ainsi se
développent des attitudes réflexives qui permettent tout à la fois d’affiner et d’aiguiser la
démarche intellectuelle et d’élargir le champ des connaissances. Les savoirs incertains se
précisent, les savoirs déjà acquis se consolident, la curiosité s’éveille par de nouveaux
contenus.
C’est certainement la nécessité de prendre en compte les intentions d’autrui,
l’obligation de trouver des solutions aux conflits et contradictions qui surgissent qui amènent
les enfants à préciser leur pensée, à se décentrer par rapport à elle, à la contrôler.
Pourtant, ces deux situations qui sont coopération et conflit ont en commun d’exiger
communication, négociation, argumentation et calcul stratégique. Elles obligent les
participants à expliciter ce qui est pour eux implicite, à tenir compte des savoirs et des
stratégies d’autrui, à articuler des points de vue, à surmonter des conflits cognitifs ou à
résoudre des problèmes inédits. Voyons maintenant le cas des interactions de tutelle.

1.2.2. Interactions dissymétriques de tutelle (guidage)

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Qu’est ce que le tutorat ?
Etymologiquement, ce terme renvoie à des significations comme « protéger »,
« s’occuper de » ou « prendre soin de ». Le tuteur est donc quelqu’un dont l’attention est
particulièrement portée sur une autre personne, qui veille sur elle.
A l’école, la notion de « pairs » prend toute son importance puisque tuteurs et tutorés
occupent des positions semblables, ont des statuts sociaux équivalents. Les premiers ont
pourtant quelque chose en plus : ils se distinguent des seconds sur un ou plusieurs aspects
pour pouvoir assurer leur mission d’aide d’où le terme « d’interaction dissymétrique ». En
général, des critères comme l’âge, l’expérience ou le niveau d’habileté, sont utilisés pour
choisir les tuteurs. Plus âgés, bénéficiant d’une expérience scolaire plus importante, ils
peuvent apporter aides, conseils, encouragements, soutiens à leurs tutorés qui en ont besoin.

L’interaction de guidage se caractérise donc par une dissymétrie de statuts et de rôles


entre les partenaires : un tuteur (l’expert) se trouve en interaction sociocognitive avec un
tutoré (le novice) pour l’aider à réaliser une tâche ou à acquérir une notion.
Le tutorat concerne donc un sujet qui sait, ou qui sait mieux, qui aide un autre à
réaliser une tâche. Il s’agit d’interactions asymétriques entre un apprenant qui fait et un tuteur
qui fait faire et qui met à la disposition du précédent des outils, des informations, présentés
sous une forme ajustée à ses possibilités. Cette notion est liée à celle de « zone proximale de
développement » développée par Vygotski et qui désigne la distance entre le niveau de
maîtrise auquel le sujet se situe devant la tâche et le niveau qu’il peut atteindre grâce à la
tutelle de l’expert.
Le tutorat autorise une meilleure prise en compte des relations et des activités entre
apprenants et permet une plus grande participation des élèves à leurs propres apprentissages.
Situé à l’articulation de l’acte d’enseigner et de celui d’apprendre, il sollicite conjointement
les processus de transmission, d’appropriation et de réinvestissement des connaissances. Il
s’appuie sur une conception du développement comme processus d’assistance et de co-
élaboration entre individus, où la capacité à apprendre est corrélative de celle d’expliquer,
d’enseigner. Ainsi, le tutorat entre pairs cherche à favoriser la prise de confiance en soi, à
aider au renforcement et à l’acquisition de savoirs des tutorés, mais aussi à accroître la
capacité à apprendre des tuteurs en développant leur capacité à enseigner. Le tutorat entre
pairs est donc défini par certains comme un système d’enseignement au sein duquel les
apprenants s’aident les uns les autres et apprennent en enseignant.

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Le principe de base est simple : un élève plus compétent qu’un autre dans un
domaine ou par rapport à une tâche particulière, vient en aide à un autre élève, non pour faire
à sa place ni pour lui dicter ce qu’il faut faire, mais en lui expliquant comment s’y prendre
pour qu’il parvienne à mieux réussir par lui-même.

Pour Jérôme Bruner, la construction du savoir s’effectue grâce au langage, en


interaction entre les individus. Vygoski, quant à lui parle d’interaction dissymétrique car les
sujets face à face présentent des compétences différentes. Le sujet expert met à disposition du
novice des informations.
Il serait intéressant de voir maintenant l’historique d’une telle pratique pédagogique.

1.2.3. Une pratique pédagogique qui a une riche histoire

Cette idée que l’on puisse apprendre en enseignant se trouve déjà chez Coménius au
XVIIème siècle. Pour lui, la seule relation au maître transmetteur du savoir n’est pas suffisante
pour garantir un enseignement solide, il faut également développer la capacité à assimiler les
connaissances. Pour se faire, Coménius insiste sur l’enseignement par les élèves, car « qui
enseigne aux autres s’instruit lui-même ». Que les élèves à un moment donné soient en
situation d’enseigner ce qu’ils ont appris leur permet de s’approprier réellement le savoir en
favorisant la fixation des connaissances. Cet enseignement par l’enfant n’a absolument pas
pour but de se substituer au maître. C’est une manière de rendre l’élève plus actif dans la
maîtrise des savoirs, de lui « apprendre à apprendre ».

Au XIXème siècle, le « monitorial system » de Bell et Lancaster ainsi que le


spectaculaire essor des Ecoles Mutuelles un peu partout dans le monde, a remis au premier
plan l’idée qu’enseigner c’est apprendre deux fois. Il s’agissait alors de développer un
enseignement de masse à moindre coût, mais ces écoles ont également constitué un modèle de
pratiques pédagogiques novatrices dont hériteront les écoles Jules Ferry. Plus près de nous,
des dispositifs pédagogiques de coopération, d’entraide, de guidage entre élèves sont présents
chez Dewey, Decroly, Claparède, Freinet ou encore Montessori pour qui la co-éducation et
l’entraide sont de nature à impulser le développement de l’enfant, « ce constructeur de
l’homme ». S’intéressant à la formation de l’esprit scientifique, Bachelard prônait une pratique
d’enseignement où l’élève passerait par le détour formateur d’avoir aussi à enseigner ce qu’on
lui enseigne.

9
C’est avec le « learning through teaching » ou apprentissage réalisé en enseignant
que de nombreux dispositifs de guidage, d’entraide et de tutorat n’ont cessé de se mettre en
place un peu partout dans le monde, à différents niveaux d’enseignement, mais aussi dans
l’accompagnement et l’aide au travail scolaire. La place centrale de l’élève dans le système
éducatif (loi d’orientation de 1989) et l’essor des pratiques de pédagogie différenciée
favorisent également le développement du tutorat entre pairs qui prend alors place comme une
variante du travail d’élèves en petits groupes.

De nombreux pédagogues de toutes les époques sont donc totalement convaincus des
bénéfices que peuvent tirer les élèves de ces interactions qui peuvent devenir de véritables
stratégies d’apprentissage. Mais comment les mettre en place et les développer dans une
classe à cours multiples ?

2. COMMENT FAVORISER CES INTERACTIONS DANS UNE CLASSE A


PLUSIEURS NIVEAUX ?

Dans une classe à plusieurs niveaux encore plus que dans toute autre classe à niveau
unique, il est important de favoriser tous ces types d’interactions qui peuvent être bénéfiques
aux enfants et palier l’absence de l’enseignante qui se concentre sur un niveau. C’est en effet
un moyen de réguler l’absence du maître qui ne peut être dérangé pour être efficace avec son
groupe.

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2.1. Situations à mettre en place

Dans une classe à cours multiples, il faut donc privilégier les moments où les enfants
sont plus facilement invités à l’échange et aux situations de travail avec leurs camarades
d’âges et de niveaux différents. Le rôle de l’enseignant est alors d’installer un climat de
confiance, de disponibilité, de respect mutuel où la discussion est toujours possible. A travers
ces échanges, chacun peut y trouver un tremplin pour s’affirmer, prendre confiance en soi et
découvrir ses potentialités de savoir. Les interactions permettent d’exister à travers l’état
actuel de ses connaissances, de ses savoir-faire et de sa culture.

2.1.1. Autoriser l’aide spontanée (entre « voisins »)

En effet, il m’est apparu important de permettre aux élèves d’un niveau qui est en
autonomie, de pouvoir se venir en aide pour surmonter des petits soucis de compréhension de
consigne, de lecture d’images, de rappel de petits déclencheurs de l’activité. Pour ce faire, j’ai
autorisé les élèves à chuchoter pour se demander des conseils et des aides ponctuelles. Il ne
s’agissait pas de donner la réponse à l’exercice mais d’apporter une aide à la compréhension
pour que la tâche soit réalisable par tous.

2.1.2. Mettre en place des situations de coopération

Il m’est également apparu important de proposer des situations de coopération où les


enfants devaient produire en commun, en se mettant d’accord ensemble sur la tâche à produire
puis en essayant de mettre en commun leurs connaissances pour produire une réponse
commune à la tâche demandée. Cela afin de permettre des situations de conflit sociocognitif si
les élèves ne sont pas d’accord sur la solution, sur la procédure à mettre en place. Ou de
coopération sociocognitive si les élèves cherchent ensemble la solution pour venir à bout du
problème posé.

2.1.3. Permettre aux grands qui ont terminé d’aider ponctuellement leurs cadets
(interaction de tutelle ponctuelle)

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Afin de combler les temps d’attente des CE1 et des GS pendant que je finissais de
m’occuper des CP, j’ai décidé d’autoriser les « grands » à aider ponctuellement les plus jeunes
à finir leur tâche, parfois, une motivation suffit à les recentrer sur leur travail qui traîne en
longueur du fait qu’ils se sentent un peu délaissés. Ceci permet également aux CE1 les plus
rapides d’être toujours actifs et de pouvoir mettre à profit les temps d’attente où ils ont fini
leur travail.
Ainsi, les enfants de CE1 venaient en aide aux GS de façon plus ou moins
impromptue pour leur faciliter les apprentissages ou les conseiller pour réaliser une tâche. Le
seul enjeu résidait dans le soutien apporté à la personne qui en avait besoin.

2.1.4. Mettre en place des situations de tutorat organisé

Il m’a aussi semblé important d’essayer de mettre en place des situations de tutorat
dans lesquelles les élèves « novices » seraient aidés par des élèves plus « experts » afin d’être
bénéfiques à chacun. En effet, si pour le sujet naïf, l’aide apportée lui permet de combler son
manque de connaissances et de progresser avec de l’aide; la fonction tutorielle oblige l’expert
à prendre de la distance par rapport à son activité résolutoire. L’interdiction d’agir directement
sur le matériel (en se contentant de donner la réponse) l’oblige à un travail de mise en mots
pour fournir l’explication.

2.2. Conditions à respecter

Pour que l’entraide s’avère efficace et bénéfique à chacun des participants en leur
permettant de construire leurs savoirs et savoir-faire, il faut respecter certaines conditions.

2.2.1. Des rapports positifs entre les enfants (respect)

Pour qu’il y ait une véritable coopération, il est impératif que les deux enfants aient
des rapports positifs entre eux c'est-à-dire sans domination ni dévalorisation. Ils doivent se
faire confiance. Ce qui était bien le cas dans la classe de cycle deux où j’ai effectué mon
premier stage en responsabilité.

12
Lorsque j’ai demandé aux élèves, lors du débat quotidien sur le thème de l’entraide
(Cf. fiche de préparation et comptes rendus de deux élèves de CE1 en annexes 1 et 2), ce
qu’ils pensaient de l’entraide dans la classe, une élève de CP m’a répondu : « on aime bien
quand les CE1 viennent nous aider, on est triste quand ils sont pas là, on n’est plus triste
quand ils sont là. »
Cette intervention prouve la relation de confiance et l’influence positive au niveau
affectif qui se sont développées entre les élèves de CP et de CE1 en leur permettant de se
venir en aide. On perçoit ici tout l’aspect affectif et relationnel de l’apprentissage.

Une autre réponse d’un élève de CP témoigne de la prise de conscience du respect


des autres et plus particulièrement de celui qui aide : « Il ne faut pas lui couper la parole. Il
faut écouter ce qu’il te dit. Il faut faire ce qu’il te dit. » Apparemment, les règles de vie
collective ont l’air d’être bien assimilées par ces élèves ce qui est représentatif d’un climat
positif de respect des autres.

Pour ce qui est des activités plus spécifiques de tutorat, il faut aussi s’assurer que des
rapports positifs se tissent entre les binômes et que le tuteur ne prenne pas son rôle trop au
sérieux et soit trop autoritaire par rapport à celui qu’il doit aider afin que ce dernier ne soit pas
réduit au silence et à l’obéissance, mais au contraire puisse intervenir à sa guise. A contrario,
il faut veiller à ce qu’il se sente bien dans sa mission et ne soit pas démotivé ou découragé
devant la tâche à accomplir et les explications à fournir.

2.2.2. Partager le même projet

Pour que l’entraide fonctionne bien, il faut aussi que les deux sujets soient
conscients de la tâche à accomplir et poursuivent le même projet dans le désir de résoudre
cette tâche à deux et éviter qu’un seul enfant résolve seul le problème. En effet, dans ce type
d’activité, il faut que chacun ait une possibilité d’expression, une marge de négociation et de
choix.
De plus, c’est à l’intérieur d’une même classe, lorsque les élèves vivent des
expériences communes et sont dans des situations très voisines, que le tutorat prend tout son
sens. C’est d’ailleurs ce que rappelle Marchive4 : « si un élève peut aider ses pairs, c’est
justement parce qu’il est lui-même un élève. Il peut s’adapter au niveau de compréhension de

4
Marchive cité par G. Barnier in le tutorat dans l’enseignement et la formation ; L’harmattan ; 2001

13
son partenaire parce qu’il partage avec lui une même culture, un même langage, une même
expérience, et parce que leurs échanges s’inscrivent dans une zone commune d’enseignement
- apprentissage, la zone d’interaction de tutelle ».

2.2.3. N’être pas trop éloigné du but à atteindre sur le plan cognitif

Les deux sujets doivent également avoir des rapports d’égalités et de symétrie
lorsqu’il s’agit d’activités d’entraide. Leur niveau doit être sensiblement équivalent et ne doit
pas être trop éloigné du but à atteindre sur le plan cognitif. La tâche à accomplir doit donc se
situer dans ce que Vygotsky appelle la Zone Proximale de Développement, qui est la distance
entre le niveau de développement actuel tel qu’on peut le déterminer à travers la façon dont
l’enfant résout des problèmes seul et le niveau de développement potentiel tel qu’on peut le
déterminer à travers la façon dont l’enfant résout des problèmes lorsqu’il collabore avec un
autre enfant et d’autant plus s’il s’agit d’un enfant plus âgé ou plus avancé dans le cadre du
tutorat.
En ce qui concerne les activités plus spécifiques de tutorat, il en est de même. En
effet, pour que le tutorat entre pairs produise les effets positifs attendus, il est nécessaire que
ce que le tuteur est capable d’expliquer et de faire comprendre, rejoigne ce que le tutoré peut
comprendre et apprendre. Cette exigence, fondamentale pour le tutorat dans sa fonction
didactique visant l’appropriation de savoirs ou la réussite d’un apprentissage, nécessite selon
Marchive5 la prise en considération de ce qu’il qualifie en référence au concept Vygoskien, de
zone d’intervention de tutelle : en fonction de ce que l’élève aidé est capable d’apprendre mais
également de ce que l’élève aidant est capable de faire apprendre, se définirait donc une zone
commune d’enseignement - apprentissage que Marchive propose de nommer zone
d’intervention de tutelle.
Il y aurait donc prise en considération de deux zones. D’une part la zone proximale
de développement, et d’autre part la zone proximale d’enseignement qui serait l’écart entre ce
que l’enfant est capable de réaliser seul et ce qu’il est capable d’expliquer, en tant qu’expert, à
quelqu’un d’autre.
Cette zone caractérisant les capacités explicatives du tuteur seraient en deçà de ce
qu’il est capable de réaliser par lui-même du fait des compétences logico-langagières requises.

5
ibidem

14
2.2.4. Déterminer le rôle et les attributions de chacun lorsqu’il s’agit de relation
dissymétrique (formation des tuteurs notamment)

Il faut en effet bien déterminer le rôle de chacun. D’une part, il faut veiller à ce que
le tuteur ne se sente pas investi d’une trop grande responsabilité quant à l’efficacité de l’aide
qu’il va apporter, et éviter qu’il puisse penser que c’est de sa faute si l’autre ne progresse pas.
De plus, il est important qu’il existe un moment où le tuteur puisse raconter à l’enseignant
comment s’est passé le travail en commun, s’il a rencontré des problèmes particuliers au
niveau des apports (contenus) ou au niveau du comportement de son tutoré. Ces liens
privilégiés avec l’enseignant et cette possibilité de rendre des comptes sécurisent les tuteurs,
renforcent leur motivation et rendent plus efficace leur rôle de médiateur d’apprentissage. Il
est donc très important que l’enseignant puisse être présent pour que les élèves puissent
verbaliser conflits ou problèmes d’enseignement.
D’autre part, il est fondamental que le tuteur soit capable d’expliquer et de faire
comprendre à son tutoré ce qu’il faut faire mais sans faire à sa place et sans lui dicter ce qu’il
faut faire. Le tuteur ne doit pas non plus se contenter de donner sa propre réponse à son tutoré
mais doit lui expliquer comment s’y prendre pour qu’il parvienne à mieux réussir par lui-
même.
Les élèves de cycle deux que j’ai eu lors de mon stage en étaient bien conscients et
l’ont exprimé lors du débat (cf. annexes 1 et 2). A la question posée pour débuter :
« Comment aide-t-on ? », ils ont répondu : « Pour aider, il ne faut pas dire la réponse. »

Une autre précision qu’il est peut-être important de donner au tuteur est de penser à
appliquer la stratégie d’effacement qui consiste à s’effacer au fur et à mesure des progrès et de
l’avancée des apprentissages du tutoré afin que ce dernier acquière indépendance et maîtrise.
Petit à petit, le tuteur domine de moins en moins, fait prendre des initiatives à son novice, le
laisse agir d’avantage afin qu’il s’approprie pleinement la tâche à accomplir.
Il y a donc certaines activités à proposer pour commencer dans une démarche
d’entraide et certaines conditions à appliquer si l’on veut que chaque enfant progresse dans un
tel dispositif. Cependant, ce n’est pas toujours évident dans la pratique, surtout pendant un
stage de trois semaines, de mettre en place toutes les activités que j’aurais voulu essayer.

15
3. ANALYSE DE SEANCES

Il m’a été très difficile de mettre en place des séances d’entraide et de tutorat
institutionnalisées, préparées et pensées car le temps de préparation de la journée est énorme
dans une classe à trois niveaux. Donc il s’agit le plus souvent de situations improvisées
lorsque je voyais que le temps s’y prêtait.

16
De plus lorsque j’ai fini par arriver à lancer une activité de ce type il m’a ensuite été
très difficile de pouvoir observer ce qu’il s’y passait étant donné que j’étais la personne
référente souvent dérangée par les enfants qui n’étaient pas habitués à de telles pratiques. Il
faut quelques séances, me semble-t-il, pour que les élèves commencent à s’y investir et
comprennent un peu mieux les enjeux.

3.1. Entraide spontanée des CP

Il m’est apparu important lors de mon stage de ne pas interdire aux enfants d’un
même niveau de se venir en aide. En effet, je voulais éviter que les élèves se sentent
abandonnés pendant que je m’occupais d’un autre niveau. Certains enfants acceptent
difficilement le partage du maître et le fait qu’il ne soit pas disponible en permanence.
« L’abandon » par le maître d’une partie des élèves peut être pour certains enfants générateur
d’angoisse parce que ces élèves exigent de la part du maître une plus grande sécurité affective.
Les élèves se sous-estiment, manquent de confiance en eux et ont peur de l’échec. C’est dans
ce cas que l’absence du maître est véritablement perçue comme un abandon et génère de
grandes souffrances à l’écolier qui se sent isolé. C’est pour éviter cela que j’ai décidé
d’encourager l’entraide mutuelle afin que les élèves se sentent moins seuls et osent demander
de l’aide à leurs camarades en cas de blocage.

De plus, je voulais éviter qu’ils soient bloqués par des détails de petite importance.
Par exemple, je trouvais indispensable qu’ils puissent se demander lors des exercices de
lecture ce que représentait le dessin qui pouvait les bloquer et les empêcher d’avancer.
Bien que je prenne le temps de nommer les dessins qui leur étaient proposés, le fait
de donner ensuite les autres consignes pouvait leur faire oublier ce qui avait été dit
précédemment. Malgré tout, j’étais obligée de donner plusieurs consignes correspondant à
plusieurs tâches à effectuer pour qu’ils puissent travailler en autonomie assez longtemps et
que je puisse pendant ce temps faire travailler, manipuler les élèves d’un autre niveau.
Il s’agissait d’une aide ponctuelle permettant à chacun d’être rassuré et de faire face
à l’absence de l’enseignant qui ne peut se permettre d’être dérangé par un détail anodin qui
peut prendre de l’importance pour un enfant bloqué.

De même, j’ai pu m’apercevoir que les CP s’aidaient dans la reformulation des


consignes notamment concernant le fichier de mathématiques. Là encore le rythme de la

17
classe à plusieurs niveaux impose à l’enseignant de faire vite au détriment parfois de la bonne
assimilation de la consigne par tous. Si certains n’osent pas l’avouer, ils se retournent parfois
vers leurs camarades pour avoir confirmation de la tâche à accomplir. Une fois encore, cela
leur permet d’être rassurés et de confronter ce que chacun a compris pour répondre à
l’exercice.

Il s’agissait donc d’une multitude d’aides ponctuelles, de coups de pouce concernant


les aspects matériels du travail scolaire tout autant que les tâches à réaliser. Et ce afin que le
niveau soit autonome même si chaque élève ne l’est pas forcément individuellement puisqu’il
à recours à ses camarades. Il avance tout de même sur le chemin de l’autonomie en arrivant
déjà à faire sans le maître.

3.2. Séquence d’entraide CP – CE1 en mathématiques : « se repérer sur un


quadrillage » (cf fiches de préparation de la séquence en annexe 3)

En ce qui concerne la première séance, il s’agit d’une situation problème pour


introduire le repérage sur quadrillage le problème étant de faire trouver à son camarade le
trésor caché dans le quadrillage.
Nous sommes ici en situation d’interaction symétrique de co-résolution. Malgré le
fait que j’ai choisi de faire des groupes mixtes composés d’un CE1 « débrouillé » et d’un CP
« normal » ou d’un CE1 « normal » et un CP « débrouillé », les binômes ont un niveau
cognitif sensiblement homogène sur ce thème précis. Chaque groupe doit trouver des
stratégies pour localiser le trésor sur le quadrillage et plus généralement, se repérer dans un
quadrillage.

Prenons l’exemple de Marc (CE1 « normal ») et Vincent (CP « débrouillé »). Dans la
2ème phase, nous voyons apparaître une stratégie de résolution plutôt induite par Vincent qui
suggère à Marc la procédure qui consiste à communiquer avec les termes de « lignes et
colonnes ». En se mettant d’accord sur le vocabulaire à employer, ces deux enfants s’y
retrouvent beaucoup mieux dans le quadrillage.

18
Il s’agit ici de ce que Gilly, Fraise et Roux6 définissent comme une « collaboration
acquiescante », un seul des deux membres de la dyade semble apparemment actif : Vincent
élabore une solution que Marc se contente de suivre en montrant des signes d’accord.
Puisque nous assistons ici à la situation où un seul des deux membres du binôme fait
une proposition à son camarade qui l’adopte sans discuter, nous n’avons pas assisté à un
conflit sociocognitif.
Cependant, cette situation pédagogique permet à Vincent qui a du expliquer sa
stratégie à Marc de réfléchir au vocabulaire qu’il allait employer, de s’exprimer de façon
compréhensive d’où tout un travail de structuration de sa pensée et de son langage. Notons
tout de même que Marc était quant à lui relativement passif puisqu’il s’est contenté, d’écouter,
d’approuver son camarade et d’appliquer.

Pour les deux séances suivantes, il s’agit de jouer à la bataille navale. Les binômes
sont conservés. La participation à un jeu permet d’augmenter les échanges et de motiver
d’avantage en ne leur donnant pas l’impression de travailler.
Cependant, il faut tout d’abord assimiler la règle du jeu, ce qui n’est pas évident pour
tous les enfants. Si certains se l’approprient très rapidement et c’est le cas de Vincent qui a
déjà joué à ce jeu chez lui, d’autres mettent plus de temps et ont besoin de l’aide de leur
camarade comme Marc par exemple.
Nous nous rapprochons donc ici d’une situation de tutorat pour laquelle les statuts
sont totalement inversés. En effet, c’est Vincent, le plus jeune qui joue le rôle de tuteur pour
expliquer à son aîné la règle du jeu.
Au départ, Marc a surtout du mal à placer ses bateaux parce qu’il n’a pas compris
que pour le bateau croiseur par exemple, il faut noircir trois cases du quadrillage et non
dessiner un bateau de trois carreaux dans une case. Vincent avant de pouvoir intervenir pour
aider son camarade doit comprendre où et pourquoi il bloque afin de lui proposer une aide
appropriée. Il doit donc faire preuve d’observation, de réflexion pour prendre conscience du
fonctionnement de Marc avant de prendre du recul par rapport à sa propre compréhension et à
son propre fonctionnement pour lui proposer l’explication adéquate qui réponde à son
problème.

6
Dans : approches socio-constructives du développement cognitif de l’enfant d’âge scolaire, par Michel Gilly in
Gaonac’h D. ; Golder C. ; Manuel de psychologie à l’usage de l’enseignant, Hachette éducation ; 1995

19
Donc, dans un premier temps, pour être efficace, le tuteur doit regarder ce que fait
l’autre, analyser comment il le fait pour proposer dans un deuxième temps des explications en
rapport avec ce qu’il constate.

Pour Diane Finkelsztein de même que pour Marchive7, il semblerait que le tuteur,
plus proche de ses camarades serait mieux à même de saisir la manière de voir d’un autre
enfant que le maître et pourrait ainsi plus facilement lui venir en aide. En effet, les enfants
d’une même classe sont relativement proches : ils vivent des expériences communes et sont
dans des situations très voisines. Le tuteur qui est lui-même un élève, peut s’adapter encore
plus facilement au niveau de compréhension de son partenaire parce qu’il partage avec lui une
même culture, un même langage, une même vision, une même expérience.
Ainsi, le fait que Vincent lui explique ensuite avec ses propres mots d’enfants
facilite la compréhension pour Marc qui semble mieux comprendre l’explication de son
camarade que la mienne.

En conclusion, il semblerait que la stratégie pédagogique que j’ai choisi de mettre en


place ici ait été bénéfique puisque le pourcentage de réussite aux fiches proposées en
structuration était de 90% pour le codage et 75% pour le décodage.
Si on observe les résultats de Marc (qui rappelons le a été plutôt passif dans les
phases de recherche et a eu besoin d’aide pour comprendre le jeu de bataille navale mais qui a
su appliquer ce que lui proposait son camarade) ils sont très bons. Aucune erreur ni dans le
codage ni dans le décodage. De même pour Vincent. Ce qui tend à prouver que le travail en
binôme et qui plus est les interactions ont été très productives et bénéfiques dans l’acquisition
de nouvelles compétences.

Notons qu’il m’a été impossible de noter précisément les interactions entre un
groupe d’enfants car beaucoup de binômes me demandaient des précisions et il fallait que je
tourne entre les groupes pour vérifier que tous avaient compris et respectaient les règles car
certains étaient tentés (notamment dans la 2ème phase de la première séance où la recherche de
stratégies m’intéressait et les phases de jeu de bataille navale) de regarder par-dessus le livre
pour conserver la procédure visuelle n’en trouvant pas d’autres ou pour tricher en essayant de
voir les bateaux de son camarade.

7
D. Finkelsztein et Marchive cités par A. Baudrit in Tuteur : une place, des fonctions, un métier ? ; PUF ;
Janvier 1999

20
3.3. Travail en tutelle ponctuel des GS et CE1

C’est également une organisation que j’ai essayé de mettre en place pour rentabiliser
le temps de chaque élève. Le grand qui a terminé est autorisé voire encouragé à aider un plus
petit.

Concrètement, prenons l’exemple où certains élèves de CE1 ont terminé leur travail
et où je ne suis pas encore disponible pour eux : travail en cours avec les CP. Je demande
donc aux CE1 qui ont terminé et sur la base du volontariat, d’aller légender les dessins de
leurs petits camarades de GS. Les GS devaient dessiner le moment de l’histoire qu’ils avaient
préféré. Ainsi, ai-je demandé aux CE1 de bien vouloir écrire sous la dictée des GS le moment
de l’histoire que ces derniers allaient leur conter. (cf. annexe 4)

Clément est très fier de pouvoir écrire ce que lui dictent ses petits camarades et se
voit investit d’une mission qui lui est chère : « c’est moi qui fait tout ! » l’ai-je entendu dire. Il
prend confiance en lui, en ses capacités et se sent plus rassuré quant à ses propres possibilités
intellectuelles. Ainsi, il a vraiment l’impression d’apporter beaucoup à ses camarades et le
travail d’écriture prend pour lui un tout autre sens. Il découvre la nécessité de savoir
orthographier pour se faire ensuite lire et comprendre par ses lecteurs. Ce n’est pas pour cela
qu’il ne fait pas d’erreur mais il cherche et réfléchit pour ensuite avoir recours à la phonétique.
Il est ensuite important de lui faire remarquer ses erreurs voire d’utiliser sa production comme
point de départ d’une séance d’orthographe. Il aurait été judicieux ici de reproduire cette
phrase pour l’analyser en collectif avec l’ensemble des CE1 et que des échanges se créent
pour essayer de la corriger. C’est là que Clément aurait pu progresser sur le plan cognitif de
l’orthographe.
Si j’avais eu plus de temps pour donner la consigne aux tuteurs et pour réfléchir à la
tâche, il aurait fallu que j’insiste d’avantage pour qu’ils encouragent les GS à produire des
phrases plus complexes notamment en reprenant la consigne : « Le moment que j’ai préféré
dans l’histoire c’est…. » et surtout qu’ils explicitent les pronoms qu’ils utilisent pour que la
phrase devienne compréhensible pour tous et pas seulement ceux qui connaissent l’histoire.
Cela s’explique par le fait que ces activités étaient souvent spontanées et dues à une
mauvaise gestion du temps : lorsque je voyais que les CE1 avaient fini, j’en profitais pour
rentabiliser leur temps d’attente par l’entraide car il se dégageait de ces moments de travail
commun une grande fierté de la part des CE1 qui avaient conscience d’écrire ce qu’étaient

21
incapables de faire leurs cadets et par là même de les aider à prendre conscience de ce qu’ils
disaient.
Une autre aide spontanée que j’ai essayé d’encourager est la lecture d’album par des
CE1 aux GS.
Prenons l’exemple d’Adrien (élève de GS) et Mallorie (élève de CE1 très rapide).
Adrien avait été absent lorsque j’avais présenté l’album sur lequel je m’appuyais pour
construire les apprentissages. Mallorie avait terminé son travail en autonomie et lui aussi. J’ai
donc proposé à Mallorie de lire l’album à Adrien.
Cette lecture par Mallorie a permis à Adrien de faire connaissance avec l’histoire et
d’être au même niveau que ses camarades qui l’avaient déjà entendue. Elle lui a en plus
permis de vivre une relation individuelle autour du livre, relation que l’enseignant seul face à
la classe ne peut apporter.
Il s’agit là d’un exercice très difficile pour le tuteur qui doit lire à haute voix le plus
naturellement possible afin que ce soit compréhensible par le tutoré. Cet exercice demande à
Mallorie une grande attention et ainsi sa compétence en lecture s’améliore.

Les CE1 ont beaucoup apprécié ces temps mis au profit de leurs jeunes camarades et
étaient très volontaires pour y participer. Il s’en est dégagé une grande motivation à écrire (il
s’agissait souvent d’activités d’écriture pour légender les dessins des GS) et à aider l’autre.

En ce qui concerne les avantages de ce fonctionnement en tutelle pour la classe, on


peut noter que de telles relations d’aide, de guidance, d’entraide favorisent une confiance
mutuelle, une harmonie au sein du groupe, des échanges d’idées, de méthodes très propices à
un climat de classe serein et solidaire. De plus, la création d’un climat positif de confiance
favorise l’unité du groupe classe.

J’ai essayé d’encourager au maximum ces interactions pour combler les « temps
morts » c'est-à-dire lorsque un ou deux niveaux avaient terminé et que je n’étais pas encore
disponible. Cependant, je ne pouvais donc pas observer ce qu’il se passait et encore moins
noter ce que les enfants échangeaient. C’est pourquoi je n’ai pas de situation de tutorat
concernant des situations où le CE1 aide un CP ou GS à résoudre un problème qu’il
n’arriverait pas à résoudre seul et qui mettrait en jeu des connaissances et tout le processus de
construction décrit précédemment (qui vaut pour les deux membres du binôme même s’il est
différent pour chacun). Je n’ai pas pu observer les plus grands réviser leurs connaissances en

22
aidant leurs cadets, ni noter les progrès de ces derniers grâce à l’approche différenciée que
leur proposaient leurs aînés.

3.4. Séance de production d’écrit GS – CE1

Il s’agit donc ici aussi d’une séance de tutorat mais qui est plus institutionnalisée que
la précédente parce qu’il s’agit ici d’un choix pédagogique en ce qui concerne le dispositif. En
effet, j’ai voulu tester cette stratégie pédagogique avec les élèves de GS et les CE1.
Un élève de GS doit dicter son histoire à un élève de CE1 qui doit la transcrire et
éventuellement apporter son aide à l’élève en panne d’inspiration. (cf fiche de préparation en
annexe 5)

 Prenons l’exemple du binôme Mallorie – Vincent.

Mallorie est une très bonne élève de CE1 qui a l’habitude d’aider ses camarades et
Vincent est un tout petit GS qui manque d’autonomie et qui est encore un peu bébé. Mallorie
pendant cette courte séance de production d’écrit qui je l’avoue s’est révélée très complexe
pour les enfants, a tenté d’étayer les idées de Vincent. Elle a essayé de le guider pour lui faire
trouver des idées. Elle a tout d’abord essayé de lui faire reconstituer la trame narrative de
l’histoire afin que la suite puisse s’enchaîner.

Reconstitution du dialogue entre ces deux élèves :

Mallorie : - Comment s’appelle la petite fille ?


Vincent : - Nathalie
Mallorie relit ce qu’elle a écrit : « Mouska veut retrouver le père noël et le père noël
l’emmènera chez Nathalie. » puis interroge Vincent : Le père noël, il fait quoi ?
Mallorie guide beaucoup Vincent et veut lui faire trouver le mot « retrouver ». Elle prend
un exemple : elle cache les ciseaux qu’elle a sous la main, si tu les perds, qu’est ce que tu
fais ? Elle les cache dans sa case. Mallorie continue son questionnement mais Vincent est
assez peu réceptif et Mallorie a du mal à le faire parler.

23
Il s’agit en effet d’un exercice très difficile que les élèves n’ont pas du tout
l’habitude de réaliser. Outre des compétences et objectifs difficiles, cette méthode de travail
doit être instituée dans le temps et les binômes doivent acquérir progressivement des attitudes
de travail avant d’être réellement productifs et se faire totalement confiance.

- Pour le tuteur :
 Bénéfices sur le plan cognitif
L’effort fait par le tuteur est important puisque il faut dans un premier temps qu’il
revienne sur ce que son camarade n’a pas compris en le reformulant à savoir ici qu’il reprenne
la trame narrative avec lui. Et ce, tout en produisant des explications pour lui permettre de
produire la suite. Ce qui signifie que lui doit anticiper pour pouvoir l’aider au cas où en lui
induisant une idée. C’est le cas ici : Vincent reste sans voix et Mallorie essaye de lui faire
deviner la suite de l’histoire qu’elle a imaginé. Elle développe donc toute une stratégie
d’étayage pour le conduire vers sa proposition afin de tenter de le débloquer.

D’un point de vue cognitif, le tutorat permet une décentration de l’élève tuteur qui,
en vivant une expérience d’apprentissage, prend davantage conscience de son propre
fonctionnement et acquiert une plus grande maîtrise de ce qu’il savait déjà. Il met en œuvre
des stratégies méta cognitives ici en ce qui concerne la production d’écrit.
Le tuteur retire un bénéfice personnel en apportant une aide : par la reformulation,
le tuteur revisite ses connaissances, les réorganise et perçoit mieux l’essentiel.

 Bénéfices d’un point de vue comportemental


On peut noter des bénéfices sur le plan socio affectif : la valorisation de soi à travers
une activité enseignante, la prise de confiance en soi et en ses capacités, par les responsabilités
réelles qu’on lui confie, le tuteur a l’occasion de pratiquer un rôle qui lui donne prise sur son
environnement. De même, on remarque plus d’écoute mutuelle. Tous ces effets bénéfiques
sont liés au statut valorisant de l’aidant, à l’effet d’enrôlement dans leur fonction de moniteur,
au fait qu’ils soient plus attentifs aux autres, au travail d’explication, d’explicitation.

L’attitude à l’égard de l’école s’améliore de même que les relations entre élèves et
notamment grands et petits ; les tensions en cours de récréation diminuent et petits et grands
coopèrent pour jouer.
 « Petit bilan » sur les avantages du tutorat pour le tuteur

24
Le tutorat a donc deux visées à savoir l’apprentissage (plan cognitif) et l’aide aux
difficultés (plan social).
S’agissant de l’apprentissage, on joue sur l’appropriation de savoirs et de savoir-faire
par leur renforcement, l’activité métacognitive induite par la nécessité de produire des
explications, la maîtrise de méthodologies pour apprendre et faire apprendre. La fonction
tutorale pousse à revisiter des connaissances afin de les rendre plus intelligibles, à effectuer un
travail de reformulation qui est totalement bénéfique au tuteur.
S’agissant de la visée de l’aide aux difficultés rencontrées par les élèves, on a noté
l’impact responsabilisant d’un rôle socialement valorisé qui joue sur l’image de soi, la prise
de confiance en ses possibilités. C’est une manière de davantage exister par rapport aux
autres, de se sentir utile et porteur de connaissances profitables à d’autres, de prendre plus de
plaisir dans l’acte d’apprendre, de replacer la question du sens de la chose scolaire dans un
contexte communicationnel où la composante affective joue aussi un rôle.

L’une des originalités du tutorat entre pairs est de permettre de travailler la question
de l’aide à l’élève plus jeune ou en difficulté dans une perspective plus globale articulant le
cognitif, l’affectif, et le socio-relationnel.

- Pour le tutoré (l’élève aidé)


 Bénéfices sur le plan cognitif
Le tutorat aide au renforcement et à l’acquisition des savoirs. Grâce aux aides
apportées, le tutoré progresse dans son développement intellectuel et est bientôt en mesure
de réaliser seul la tâche, il accède donc à la zone proximale de développement définie par
Vygotski. Si l’on reprend l’exemple de Vincent, la tâche que j’ai proposé est infaisable
pour lui, or, avec l’aide de Mallorie, il parvient à s’approcher de ce qui est demandé. Il
reconstitue d’abord la trame narrative puis Mallorie essaie de le guider vers une idée
d’histoire en essayant de lui faire deviner son idée. Elle le guide vers les différentes étapes
de la production d’écrit afin qu’il en prenne conscience.

 Bénéfices sur le plan comportemental


Le regard bienveillant de Mallorie met Vincent en confiance, il se sent rassuré et ose
répondre aux questions qu’elle lui pose pour le guider.

CONCLUSION

25
L’entraide entre pairs a deux visées essentielles qui sont l’apprentissage et l’aide aux
difficultés. Certains documents officiels attestent à leur manière l’importance de ces deux
visées et portent un grand intérêt à cette gestion des apprentissages.
Le référentiel de compétences du professeur des écoles (B.O. n°43, 1994) par
exemple invite l’enseignant à concevoir des activités de consolidation et de réinvestissement
des acquis, à prévoir des activités de remédiation et d’approfondissement, à développer
l’écoute mutuelle, à « varier les situations d’apprentissage magistrales, individualisées,
interactives ». De plus, l’association dynamique entre la citoyenneté, la socialisation et la
démarche d’apprentissage est particulièrement marquée dans le développement d’aspects tels
que entraide, coopération, écoute de l’autre. Autant de considérations qui sont de nature à
encourager le recours à l’usage de l’entraide et par là même du tutorat entre pairs.

Je suis donc « convaincue » des bénéfices de ce type de stratégie d’apprentissage


même si je n’ai pas eu le temps de tout tester et encore moins de quantifier les effets
bénéfiques sur trois semaines. D’autant que les élèves n’étaient pas habitués à de telles
pratiques.
Je pense que pour apercevoir ces effets sur le long terme il faut du temps afin de
mettre en place des habitudes de travail pour que ces pratiques deviennent régulières, mieux
structurées et que les enfants puissent s’y impliquer d’avantage en prenant conscience des
enjeux.
En effet, le tutorat ne s’improvise pas, et même si les formes spontanées d’entraide
peuvent avoir de nombreux effets positifs comme nous avons pu le voir dans l’analyse de
séances, ce sont les formes instituées portées par un projet pédagogique d’enseignement –
apprentissage qui produisent les effets les plus bénéfiques.

De plus, le fait d’être l’acteur principal de la classe fait qu’il est très difficile de
pouvoir observer de près de telles interactions, on est souvent accaparé par un niveau. Sinon,
le fait d’être seul impose de faire un choix sur le groupe observé. Aussi, si ce choix n’est pas
le bon, il est trop tard pour changer car les autres ont cheminé dans leur résolution.

Donc si habituellement, dans une classe à niveau simple, c’est l’enseignant, plus
disponible parce qu’il n’a qu’un seul niveau à gérer, qui a pour rôle d’accompagner et de
guider. Dans une classe à plusieurs niveaux, c’est un élève plus âgé qui peut prendre ce rôle.

26
Ainsi, dans une telle classe, le tutorat devient un outil qui permet (outre aux élèves de
progresser comme nous l’avons vu) mais aussi à l’enseignant de se « décharger » sur les plus
grands qui peuvent avoir pour rôle d’expliquer aux plus jeunes ce qu’ils n’ont pas compris (et
aux grands de prendre conscience de leurs manques et de réviser leurs connaissances). Il s’agit
en fait d’utiliser les compétences des plus grands ou des plus débrouillés pour venir en aide
aux enfants en difficulté qui peut être momentanée ou plus régulière.

Mais, en classe à cours simple, cette stratégie est utilisée pour lutter contre l’échec
scolaire et j’aurais bien aimé essayer de la tester dans ce but.

Il est toutefois important de noter que cette stratégie peut être utilisée pour varier les
modalités de travail. Elle permet de combler des manques si on l’utilise ponctuellement, mais,
il ne faut pas qu’elle devienne trop fréquente et qu’elle soit utilisée constamment.

BIBLIOGRAPHIE

27
Ouvrages :

- Barnier G. ; Le tutorat dans l’enseignement et la formation ; L’Harmattan, Savoir et


formation ; 2001

- Baudrit A. ; Tuteur : une place, des fonctions, un métier ? ; PUF ; Education et formation ;
1999

- C.R.E.S.A.S. ; On n’apprend pas tout seul ; Interactions sociales et construction des


savoirs ; éditions ESF, 1987

- Gaonac’h D. et Golder C. ; Manuel de psychologie pour l’enseignement ; Hachette


éducation ; 1995

Dossier :

- Barnier G. ; Entraide, monitorat et tutorat entre élèves ; Formation Générale et Commune ;


IUFM d’Aix – Marseille ; 1997

Revues :

- Barnier G, Interactions de guidage entre pairs ; Educations, n°9, juin-octobre 1996, (p.44 à
47)

- Baudrit A, Le tutorat : un enjeu pour une pratique pédagogique devenue objet scientifique ?
Revue française de pédagogie, INRP, N° 132, juillet, août, septembre 2000, (p.125 à 150)

- Baudrit A, Le tutorat entre élèves. La question de référence à Vygotski ; Les sciences de


l’éducation, pour l’ère nouvelle, revue internationale, volume 36 n°3 2003, CERSE ;
Université de Caen, (p 25 à 43)

- Delannoy C., Apprendre en s’entraidant, Cahiers pédagogiques, n° 304-305, mai-juin 1992 ;


(p. 74 – 77)

Site Internet :

- recherche.aix-mrs.iufm.fr : Rapport de l’équipe IUFM d’Aix-Marseille / LAMES ; CNCRE


– Questions d’éducation ; Octobre 2000 (Le tutorat entre pairs et l’entraide pédagogique)

Annexe 1 : fiche de préparation de ma séance de débat

VIVRE ENSEMBLE Cycle 2

28
Débat GS-CP-CE1

Débat - discussion sur l’entraide

Objectif :
- Prendre part à un débat sur la vie de la classe

Compétences :
- Prendre la parole devant le groupe classe
- Exposer son point de vue et ses réactions dans un débat en restant dans les propos de
l’échange

Dispositif :
- Discussion orale
- 2 secrétaires de séance : Mathilde et Mallorie pour prendre en note ce qu’il se dit

Matériel :
- Feuille classeur + 2 outils scripteurs
- Fiche avec mes questions

Déroulement :

- 1re phase : Lancer le débat (2’)

Ce matin, j’aimerai qu’on discute ensemble de l’entraide en classe.


J’aimerai savoir ce que c’est pour vous, à quoi ça sert, comment on aide ?

- 2ème phase : Discussion – échange (18’)

Orientation de la discussion et réponses attendues


(Cf. questionnaire ci-dessous)

- 3ème phase : Lecture des résumés (10’)

Les secrétaires, vous allez nous lire vos résumés et les autres vous pouvez intervenir si vous
avez des points à préciser ou des idées à rajouter.
=> Petite discussion à partir des notes prises

Prolongement :

- Réalisation d’une affiche commune à partir des résumés :


« Comment aide-t-on ? »
(peu utile ici du fait que la titulaire de la classe utilise très peu l’entraide)

29
L’entraide en classe

- Comment aide-t-on ?
- Il ne faut pas dire la réponse
- Il ne faut pas se moquer
=> Je peux :
- donner un exemple
- expliquer avec des mots
- dire ce qu’il faut faire
- lire la consigne avec lui
- aider à observer
- le laisser deviner

- Celui qui aide :


- il faut comprendre de quoi il s’agit (sinon je renvoie à quelqu’un d’autre ou
au maître)

- Celui qui se fait aider :


- il faut d’abord essayer de comprendre soi-même
- il faut écouter celui qui aide

- Avec votre maîtresse pratiquez vous souvent l’entraide ?


- non, mais parfois, lorsqu’on a fini notre travail, on peut aller aider les
autres

- Pourquoi vous aimez/vous n’aimez pas l’entraide ?


- on aime bien parce que si les autres nous aide,
=> on se sent moins seuls
=> on trouve plus facilement la réponse
=> on va plus vite

- on n’aime pas….

30
Annexe 2 : Notes prises par Mathilde et Mallorie pendant le débat

31
Annexe 3 : fiches de préparation de la séquence de mathématiques : « se repérer sur un quadrillage »
ESPACE ET GEOMETRIE
Se repérer dans l’espace
CP-CE1
Compétences : Repérer et coder des cases sur un quadrillage
Objectif : Savoir repérer et coder des cases et des nœuds sur un quadrillage
 Si je connais les coordonnées, je sais positionner la case (ou ce qu’il y a dedans)
 Si je vois l’objet sur la grille, je suis capable de donner ses coordonnées
1re séance : Situation problème introductive
Déroulement Durée Forme de Matériel, Consignes Tâches des élèves
travail support Réponses attendues
Phase1 : 10 min Par groupe de 2 2 grilles - Chacun votre tour, vous devrez placer au - Stratégie visuelle : celui qui doit trouver la
- découverte 1 CP/1 CE1 différentes + 2 bon endroit les dessins suivant les bonne case montre les cases les unes après les
grilles vierges indications de votre camarade autres et l’autre acquiesce ou pas
par groupe (pas de contraintes) -Stratégie mettant en jeu le vocabulaire :
=> Utilisation probable des mots
gauche/droite ; dessus/dessous, lignes/colonnes
Phase 2 : 10 min Même groupe 2 nouvelles - Même consigne mais cette fois on met
- Recherche grilles un livre au milieu et on n’a pas le droit de => ne peuvent plus utiliser la stratégie visuelle,
d’une stratégie différentes + 2 regarder la grille du copain. il faut en trouver une autre.
autre que nouvelles =>Trouver une façon de faire reproduire
visuelle grilles vierges ce qu’il y a sur votre feuille par l’autre => utilisation d’un stratégie hasardeuse :
sans voir la grille du copain. (contrainte : certains peuvent placer au hasard le dessin que
plus la possibilité d’utiliser la stratégie leur donne leur camarade
visuelle)
- Vous devez trouver un moyen de dire au => recherche d’un vocabulaire, d’un code pour
copain dans quelle case est caché votre s’y retrouver dans la grille : ligne/colonne ; case
trésor.
Phase 3 : 10 min Par 4 - Vous comparez avec un autre groupe (Ce sont les mêmes grilles comparaisons de
- Echange par 4 - Qui a réussi ? Comment avez-vous fait procédures)
pour réussir ? - Echange sur les différentes procédures
- Adopter une stratégie commune au groupe
=> vocabulaire ligne/colonne (le plus probable)

32
Phase 4 : 15 min Collectif - Chaque groupe vient expliquer aux - Exposition des méthodes de codage de chaque
- Mise en autres comment il a fait : groupe à partir d’un exemple
commun - Etes vous parvenu à un mode de => ligne/colonne risque de revenir
- Synthèse transmission ?
- Discussion sur l’efficacité

- Comment pourrait-on coder la grille


pour trouver la case encore plus vite ? => choix d’une méthode (attribuer lettres et
chiffres aux lignes et colonnes)

Phase 5 : 10 min Par 2 Nouvelles - Vous allez utiliser ce code pour placer - Bien se mettre d’accord au préalable sur le
- Structuration grilles avec de les trésors dans la grille. code : où met-on les lettres et où met on les
nouveaux chiffres => chacun doit coder sa grille
objets - Echange pour placer les objets
Phase 6 : 5 min Collectif Grille codée - Qui peut venir me placer : un rond dans - viennent placer suivant un code
Systématisation/ au tableau la case (A ; 6)….
entraînement

33
ESPACE ET GEOMETRIE
Se repérer dans l’espace
CP-CE1

Compétences :
- Repérer et coder / décoder des cases sur un quadrillage

Objectifs :
- Se repérer sur un quadrillage
- Désigner une case par sa ligne et sa colonne

2ème séance : La bataille navale

Déroulement Durée Forme de Matériel, Consignes Tâches des élèves


travail support Tâches du maître Réponses attendues
Phase1 : 5 min collectif 1 quadrillage -Vous devez venir placer au bon endroit les dessins suivant le code - réussite par tous
-Rappel du au tableau (n° que je vous donne. - quelques erreurs
codage/décodage = colonne ;
vu la veille lettres =
lignes)
Phase 2 : 10 min collectif 2 quadrillages -Placer les bateaux, donner leur nom et les faire désigner par les
- Explication des au tableau élèves
règles - placer : - Donner la règle : « On joue à 2. chaque joueur a un quadrillage.
1 sous marin Sans montrer sa grille à l’autre joueur, il place ses 5 bateaux sans
2 torpilleurs qu’ils se touchent. Le but du jeu est de détruire le premier tous les
2 croiseurs bateaux de son partenaire. Pour cela, à tour de rôle, les joueurs se
posent une question, pour savoir où se trouvent les bateaux. »
ex : « as-tu un bateau en B4 ? »
→ si le joueur n’a pas de bateau, il répond « non » et pose à son
tour une question
→ si le joueur a un bateau, il répond « touché », entoure la case
choisie et pose à son tour une question
Lorsque la case choisie est la dernière case d’un bateau, le joueur
qui perd son bateau dit « touché-coulé

34
Phase 3 : 20 min Groupe de 2 1 grille de jeu - Indiquer aux élèves de remplir leur grille avec les bateaux - Les enfants jouent
- jeu par élève (colorier les cases de chaque bateau)
- Faire reformuler les règles
- Distribution d’1 grille à chacun
- Observer les stratégies
Phase 4 : 5 min Collectif 2 grilles au - Est-ce que le jeu fonctionne ? Pourquoi ? Qui a gagné ? - s’ils ne le formulent
- Mise en tableau -Que vous manque-t-il pour que le jeu fonctionne bien ? pas proposer
commun - Comment faire pour savoir que l’on a déjà proposé cette case ? d’introduire une 2nde
grille pour noter
- Introduction d’une 2nde grille => s’il y a un bateau sur la case : on chaque case
colorie la case demandée
=> S’il n’y a pas de bateau sur la
case : on fait un rond
Phase 5 : 20 min Par 2 2 grilles de - Faire remplir leur grille (colorier cases) - Les enfants jouent
- Jeu jeu par élève : - Faire reformuler la règle
- une = « mes - Distribuer 2 grilles à chacun
bateaux » - Observer les stratégies
- « Les cases
demandées »

35
ESPACE ET GEOMETRIE
Se repérer dans l’espace
CP-CE1

Compétences :
- Repérer et coder / décoder des cases sur un quadrillage
- Se repérer dans un tableau à double entrée

Objectifs :
- Se repérer sur un quadrillage
- Désigner une case par sa ligne et sa colonne

3ème séance : fiches de systématisation pour coder/décoder des cases contenant un objet

4ème séance : Structuration

Déroulement Durée Forme de Matériel, Consignes Tâches des élèves


travail support Tâches du maître Réponses attendues
Phase1 : 15 min Par 2 : Un CP + 1 fiche : « La carte aux trésors »
- Repérage sur un CE1 « l’île aux par 2 (un CP avec un CE1) discussion commune mais chacun le fait Discussion par 2 pour
un quadrillage treize ors » sur sa carte coder les objets et
codé : « la carte par élève - Ecrire les coordonnées de certains points stratégiques de l’île placer les points puis
aux trésors » - En dessiner d’autres sur la carte pour trouver le trésor
- Trouver le trésor en reliant des points

1 carte grand
5 min collectif format au - Mise en commun (correction – discussion - validation)
tableau

36
Phase 2 : 10 min collectif 2 quadrillages - Redemander les règles de la bataille navale (faire reformuler)
- Reprise des chacun
règles de la - Règle : « On joue à 2. chaque joueur a un quadrillage. Sans
bataille navale placer : montrer sa grille à l’autre joueur, il place ses 5 bateaux sans qu’ils
1 sous marin se touchent. Le but du jeu est de détruire le premier tous les bateaux
2 torpilleurs de son partenaire. Pour cela, à tour de rôle, les joueurs se posent
2 croiseurs une question, pour savoir où se trouvent les bateaux. »
ex : « as-tu un bateau en B4 ? »
→ si le joueur n’a pas de bateau, il répond « non » et pose à son
tour une question
→ si le joueur a un bateau, il répond « touché », entoure la case
choisie et pose à son tour une question
Lorsque la case choisie est la dernière case d’un bateau, le joueur
qui perd son bateau dit « touché-coulé »

- Ré expliquer l’intérêt des deux grilles (=> si « rien : croix/ si


touché : rond°)
- Faire placer les bateaux : Indiquer aux élèves de remplir leur grille
avec les bateaux (colorier les cases de chaque bateau)

Phase 3 : 20 min Groupe de 2 2 grilles de - Les enfants jouent => Observer les stratégies et vérifier qu’ils Les enfants jouent
- jeu : la bataille jeu par élève utilisent bien les 2 grilles (« mes bateaux » et surtout « cases
navale demandées »

Phase 4 : 10 min Collectif 1 grille au - Demander de placer des objets puis d’autres au dessus ou au
-Systématisation tableau dessous (révisions CP)
- Placer des objets et demander leurs coordonnées

37
Annexe 4 : Dessin d’Adrien (élève de GS) annoté par Clément (élève de CE1)

38
Annexe 5 : fiche de préparation de production d’écrit

Maîtrise du langage et de la langue française Cycle 2


Production d’écrit GS – CE1

Inventer la fin de l’histoire


GS CE1
Objectifs : Objectifs :
- Prolonger un texte dont seul le début est lu - Ecrire sous la dictée
aux élèves (inventer la fin de l’histoire) - Aider à produire une fin d’histoire
- Coopérer à deux - Coopérer à deux

Compétences : Compétences :
=> en lecture => en orthographe
- Comprendre le sens d’un texte lu - Ecrire sous la dictée des GS en gérant les
- Reconstituer la trame narrative d’un début problèmes de syntaxe et de lexique, en
d’histoire orientant leur reformulation
- Proposer une écriture possible pour des mots
=> en production d’écrit réguliers
- Produire une suite en lien avec le début
- Produire une suite logique possible => en lecture
- Vérifier la trame narrative
=> en langage oral
- Expliquer à son tuteur son histoire, => en production d’écrit
argumenter, justifier - Imaginer/anticiper une suite pour aider au
- Dicter à un CE1 cas où
- Vérifier le sens/cohérence des propositions

=> en langage oral


- Ecouter son camarade, demander des
explications
- Proposer des corrections pertinentes portant
sur la mise en mots

Dispositif :
- Séance de tutorat entre un élève de GS et un élève de CE1

Matériel :
- Album : Drôle de Noël pour Mouska
- Feuilles blanches

Déroulement :

- 1re phase : en collectif : Découverte de l’album (10’)


=> Lecture de l’album par l’enseignant (dans le coin bibliothèque de la classe)
=> Arrêt de la lecture => Que peut-il se passer après ?

39
- 2ème phase : Recherche individuelle (par binôme) (20’)

=> Consigne : Comment peux tu aider Mouska à retrouver Nathalie ? D’après toi, comment
Mouska va faire pour retrouver Nathalie ? Aide Mouska à retrouver Nathalie ?

=> Vous allez vous mettre par deux : un GS et un CE1 (cf liste des groupes)

- Les GS vous dicterez au CE1 l’histoire que vous inventerez. Il faudra leur expliquer ce que
vous inventerez.
- Les CE1, vous écrirez ce que les GS vous dicteront, vous pourrez les aider à reformuler les
phrases et à trouver des mots mieux adaptés.

Comportement attendu du GS Comportement attendu du CE1

- le GS est inspiré et dicte au CE1 ses => Le CE1 note les propositions du GS en
propositions de fin de l’histoire essayant de demander des explications /
justifications / précisions pour enrichir le récit

- Le GS n’est pas inspiré et ne dicte rien au => Le CE1 essaie de le questionner et


CE1 d’étayer pour produire ensemble une suite et
essayer de trouver une fin possible à l’histoire

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LES INTERACTIONS ENTRE ELEVES : UNE SOURCE D’APPRENTISSAGES ?

Résumé :

J’ai choisi de traiter dans ce mémoire des avantages et des apports des interactions entre
élèves notamment dans une classe à plusieurs niveaux. En effet, l’enseignant qui encourage
dans de telle structure l’entraide et le tutorat permet à ses élèves de vivre de véritables
situations d’apprentissage par le biais du conflit ou de coopération socio cognitifs notamment
et d’acquérir d’avantage autonomie.

Mots clés :

- Interaction
- Entraide
- Tutorat
- Coopération socio cognitive
- Conflit socio cognitif

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