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Université de Liège

Faculté de Psychologie, Logopédie et Sciences de l’Éducation


Département de Psychologie

Déontologie professionnelle et de la
recherche en psychologie
Considérations déontologiques et éthiques de la
publicité en psychologie

Gavage Rudy 20131841


Heywang Maëlle 20082279
Hutin Charlotte 20143029
Repaci Chloé 20122730
Stock Justine 20141012

Professeure : Adélaïde BLAVIER

Année académique 2018 – 2019


Table des matières
Introduction ............................................................................................................................... 1

Cas clinique ............................................................................................................................... 2

Définitions : Qu’est-ce que la publicité ? .................................................................................. 3

Historique .................................................................................................................................. 4

Le code déontologique belge et la publicité .............................................................................. 6

Démarchage et publicité ........................................................................................................ 6

Responsabilité, Intégrité et Honnêteté du psychologue ......................................................... 7

Compétence du psychologue .................................................................................................. 7

La législation belge et le conseil disciplinaire ......................................................................... 10

Code de déontologie dans d’autres pays ................................................................................. 12

Aux États-Unis ..................................................................................................................... 12


Principes généraux ........................................................................................................... 12
Les normes éthiques ......................................................................................................... 13

Au Canada ........................................................................................................................... 16

Le point de vue de la littérature ............................................................................................... 18

Réflexion ................................................................................................................................. 23

Conclusion ............................................................................................................................... 26

Références bibliographiques ................................................................................................... 27


Introduction
Dans le cadre du cours de déontologie professionnelle et de la recherche en psychologie
dispensé par Madame Blavier, il nous a été demandé de sélectionner une problématique
découlant d’une situation clinique et d’y apporter une réflexion à la fois déontologique et
éthique. L’objectif poursuivi par ce cours était d’intégrer les principes et les règles de
raisonnement permettant d'analyser des situations professionnelles concrètes en termes
déontologiques.
Suite à une situation clinique qui nous a interpellée et qui sera décrite subséquemment,
nous nous sommes questionnés sur la publicité en psychologie clinique, sur la légalité et la
légitimité à diffuser celle-ci en tant que psychologue.
De plus, nous serons diplômés d’ici peu et, par conséquent, susceptibles d’être amenés à
travailler en tant qu’indépendant et à se constituer une patientèle. C’est pour ces raisons que
nous avons choisi la publicité comme problématique éthique et déontologique à présenter dans
le cadre de ce cours.

Afin d’enrichir ce travail, nous sommes allés à la rencontre de différents professionnels.


Nous avons interrogé deux membres de la Commission belge des Psychologues, à savoir
Madame de Mûelenaere et Monsieur Vassart, qui nous ont précisé qu’ils ne parlaient pas au
nom de la commission. Nous avons également pu échanger avec Madame Houben,
psychologue indépendante, et Monsieur Allard, médecin généraliste.
De plus, nous avons eu l’occasion de discuter de cette thématique avec Madame Jacques,
psychologue, ainsi que les étudiants de psychologie lors du séminaire de déontologie du 18
mars 2019.

Dans ce rapport, nous commencerons par présenter le cas clinique qui a inspiré notre
réflexion. Ensuite, nous aborderons les définitions relatives à la publicité ainsi qu’un bref
historique. Les articles du code de déontologie belge seront explicités puis comparés à ceux
d’autres pays. Enfin, nous nous pencherons sur le point de vue de la littérature à ce sujet avant
de terminer par une réflexion globale sur la thématique de la publicité du psychologue.

1
Cas clinique
Avant d’évoquer les principes éthiques et déontologiques relatifs à cette thématique, nous
allons présenter la situation clinique qui a motivé notre questionnement.

L’un d’entre nous a été invité à aimer la page d’une psychologue clinicienne, Mélissa (nom
d’emprunt), récemment diplômée d’un master en psychologie clinique en option délinquance
et toxicomanie. Sur cette page, la psychologue propose ses services. Elle donne ses
coordonnées, à savoir son numéro de téléphone et l’endroit où elle consulte. Par ailleurs, elle
donne ses spécificités : thérapie individuelle et soutien psycho-scolaire, bilan psychologique,
méthode de travail et bilan d’orientation scolaire.

Elle évoque également les raisons pour lesquelles le patient peut venir la consulter avec la
phrase : « Pourquoi venir me voir ? ». Elle se dit spécialisée dans : « les difficultés
émotionnelles (gestion de la colère, frustration, estime et confiance en soi, affirmation de soi,
gestion des émotions), les difficultés comportementales (hyperactivité, impulsivité,
opposition, trouble du comportement, décrochage scolaire, consommation abusive) et les
difficultés relationnelles et sociales (isolement, anxiété sociale, stress, phobies spécifiques,
phobie scolaire, harcèlement, etc.) ».
Elle se dit à même de réaliser des bilans intellectuels (QI), des épreuves projectives, des
tests de personnalités, des bilans d’orientation scolaire et professionnelle, ainsi que
d’accompagner les étudiants dans leur méthode de travail. En outre, elle avance des résultats
en se disant capable, « en quelques séances », de « booster la motivation et l’estime de soi de
l’étudiant » et de le rendre apte à « travailler en complète autonomie » afin qu’il soit sur « la
bonne voie, le bon chemin, vers la réussite ». Mélissa est inscrite à la Commission belge des
Psychologues, elle ne mentionne pas les formations et diplômes obtenus.

Cependant, cette présentation nous pose question compte tenu du fait de sa récente
insertion professionnelle et de sa spécialisation. En outre, nous sommes interpellés par
l’étendue des services proposés et par les résultats garantis avancés.

2
Définitions : Qu’est-ce que la publicité ?
Différents types de pratiques commerciales sont à définir pour comprendre les limites du
psychologue dans ses démarches publicitaires.

Tandis que la publicité est définie comme un ensemble de moyens et techniques utilisés
dans le but d’inciter la consommation à un produit ou à un service (Larousse, 2019), le personal
branding ou marketing personnel vise la promotion d’un individu. Il se définit comme « une
pratique qui consiste pour un individu à promouvoir lui-même son image et ses compétences
par le biais de techniques marketing et publicitaires utilisées habituellement pour promouvoir
une marque ». Dans cette démarche, la personne vise à devenir elle-même une « marque
reconnue » (Bathelot, 2016). Il s’agit donc d’un « message clair et concis adressé à d’autres qui
distingue son caractère unique en tant que professionnel » (Philbrick & Cleveland, 2015, cités
par Cederberg & Brown, 2017). Par exemple, certains psychologues américains possèdent des
chaînes Youtube dans lesquels ils transmettent des connaissances scientifiques et qui permettent
également de les faire connaître auprès du public.

Il est également important de distinguer le démarchage des autres pratiques. En effet, le


démarchage cible la communication d'informations destinées à rechercher de nouveaux clients
et implique un contact individualisé avec le client dans les lieux non destinés à la
commercialisation de produits ou services (domicile, lieu de travail, etc.) (Bathelot, 2015).

En ce sens, il nous apparaît que le cas clinique présenté s’inscrit davantage dans une
démarche de personal branding.

3
Historique
Nous avons constaté que des changements significatifs en matière de politiques relatives
à la publicité du psychologue avaient été apportés au fil du temps du point de vue éthique et
déontologique.

Historiquement, les publicités et les formes manifestes de personal branding, étaient mal
perçues par diverses professions. Les psychologues ne considéraient pas les publicités comme
une technique utile pour définir leurs compétences face aux clients potentiels.

Il n’y a pas si longtemps encore, les directives en matière d'éthique considéraient que
l'utilisation de caractères spéciaux (les caractères en gras, la taille, la typographie, etc.) dans
les annuaires téléphoniques consistait en de l’auto-glorification. De même, prétendre posséder
plusieurs spécialités et faire des déclarations publiques offrant des services à des clients
potentiels en-dehors de sa zone de pratique géographique immédiate étaient considérés comme
non-professionnels (Koocher, 1994, 2004, cité par Cederberg & Brown, 2017). L’argument
principal pour justifier ce type de restriction au niveau des pratiques publicitaires était que le
professionnel ne répondrait pas aux attentes du principe d’intégrité en se mettant en évidence,
en soulignant ses qualités. Par conséquent, en agissant de la sorte, il altérerait la confiance du
public en la discipline (Shead & Dobson, 2004).

Par ailleurs, au début des années 1950, un des principes éthiques de l’American
Psychological Association (APA), concernant la publicité, stipulait que le psychologue devait
décrire ses services avec exactitude et dignité, adhérant ainsi à des standards professionnels
plutôt que commerciaux (APA, 1953, cité par Shead & Dobson, 2004). Ces principes sont
devenus encore plus spécifiques avec le temps. En 1967, les psychologues qui souhaitaient
s’annoncer dans des registres téléphoniques devaient se limiter à citer leur nom, leur diplôme
le plus élevé, leurs certificats, leur adresse et leur numéro de téléphone. Ils pouvaient également
expliquer en quelques mots le domaine d’action dans lequel ils étaient compétents, par exemple
la psychologie du travail, la thérapie pour enfants, le recrutement, etc. Ces pratiques,
considérées parfois comme rigides, avaient pour objectif de préserver l’image de la discipline.

Les psychologues s’attendaient généralement à ce que les nouveaux clients recherchent


des services par le biais d’autres professionnels. Ils préféraient les méthodes d'autorégulation
au sein de leurs associations professionnelles respectives (Koocher, 1994, 2004, cité par
Cederberg & Brown, 2017).

4
Cependant, certains auteurs ont remarqué que de plus en plus de psychologues éprouvaient
des difficultés à concilier les exigences concurrentes du marché du travail avec les directives
éthiques et les normes professionnelles de la discipline (Gilchrist & Stringer, 1992 ; Koocher,
1994, 2004 ; Shead & Dobson, 2004, cités par Cederberg & Brown, 2017). En effet, les soins
de santé sont devenus un marché impliquant des stratégies marketing pour faire face à la
concurrence (Rendtorff & Mattsson, 2009, cités par Cederberg & Brown, 2017). En outre,
l'incertitude liée à l'emploi chez les psychologues a également incité les praticiens à devenir
plus proactifs quant à leurs propres carrières et pratiques (Gehl, 2011 ; Philbrick & Cleveland,
2015, cités par Cederberg & Brown, 2017). Ces forces du marché et l’incertitude liée à l’emploi
ont pu inciter les psychologues à avoir recours à la publicité ou au personal branding.

5
Le code déontologique belge et la publicité
Dans cette partie, nous allons mettre en lien le code déontologique belge et notre cas
clinique. Les différents articles du code ayant trait à notre situation seront abordés.

Démarchage et publicité

Dans le code déontologique belge des psychologues, il n’existe qu’un seul article relatif à
la publicité ; il s’agit de l’Article 39. Ce dernier énonce que : « le psychologue peut annoncer
ses services à condition qu’ils soient présentés avec objectivité, dignité et sans dénigrer la
réputation de ses confrères. Il se garde de tout démarchage. Il a le devoir d’être exact lorsqu’il
fait état de ses titres et qualifications, de sa formation, de son expérience, de ses compétences
et de ses appartenances professionnelles » (Code de déontologie belge des psychologues,
2018).

Au vu de la concurrence accrue sur le marché du travail, il peut être tentant d’embellir ses
compétences, formations et/ou de garantir des résultats. En outre, les psychologues peuvent
éprouver des difficultés à se distinguer des autres praticiens (coachs, personnes non-
accréditées, etc.) face au public tout venant qui ne peut pas toujours être en mesure d’identifier
les différences entre les prestataires (Cederberg & Brown, 2017). Cependant, les
communications commerciales réalisées par des professions réglementées doivent respecter les
règles professionnelles qui visent notamment l’indépendance, la dignité et l’intégrité de la
profession, ainsi que le secret professionnel. Par ailleurs, les informations données doivent être
conformes à la réalité, objectives, vérifiables et discrètes.

De plus, les publicités personnelles qui contiennent des mentions comparatives, qui
permettraient d’identifier la patientèle du psychologue ou qui seraient fondées sur des
conditions financières, sont interdites (Commission des Psychologues, n.d.).

Les lignes de conduite énoncées ci-dessus visent toutes les formes de diffusion
d'information publicitaire, y compris les nouveaux moyens de communication comme Internet
(Commission des Psychologues, n.d.). En effet, au cours de la dernière décennie, les outils Web
ont permis de créer des applications complexes pour partager des informations personnelles
via les médias sociaux (Labrecque et al., 2011, cités Cederberg & Brown, 2017) et ont facilité
la mise en place de stratégies efficaces et peu onéreuses pour développer une marque

6
personnelle forte en ligne (Gandini, 2016 ; Karaduman, 2013 ; Labrecque et al., 2011, cités par
Cederberg & Brown, 2017). La gestion de la réputation en ligne est devenue un facteur de plus
en plus déterminant dans la réussite de carrières (Berkelaar, 2014, cité par Cederberg & Brown,
2017). Les médias sociaux peuvent servir à faire progresser celles-ci et à renforcer la confiance
du public lorsque les professionnels créent un contenu réfléchi de haute qualité sur des sujets
d'actualité qui démontrent une expertise professionnelle (Kleppinger & Cain, 2015). Une
présence en ligne et une présentation personnelle via des outils Web sont désormais considérées
comme des composantes essentielles de la stratégie de marque personnelle contemporaine
(Gall, 2012, cité par Cederberg & Brown, 2017).

Responsabilité, Intégrité et Honnêteté du psychologue

Selon l’article 25 du code de déontologie du psychologue (2018) : « dans le cadre de ses


compétences, le psychologue assume toujours personnellement la responsabilité du choix, de
l’application et des conséquences des méthodes et des techniques qu’il met en œuvre. De
même, il assume personnellement la responsabilité des avis professionnels qu’il émet, au
regard des personnes, des groupes et de la société. Il assume une obligation de moyens et non
de résultat ».
Les principes éthiques ayant pour objectif d’amener une réflexion concernant les règles
déontologiques établies, nous pourrions émettre un questionnement sur l’application de ce
principe aux pratiques publicitaires. Dès lors, il ne semblerait pas opportun d’avancer une
garantie de résultats dans la publicité.

D’après l’article 48, « lorsqu’un psychologue estime qu’un confrère ne se comporte pas
conformément au présent Code, il le lui signale » (Code de déontologie des psychologues,
2018). Par conséquent, si un psychologue constate un manquement relatif à la publicité d’un
confrère, il conviendrait tout d’abord de l’en avertir avant d’entamer des procédures auprès de
la Commission.

Compétence du psychologue

La compétence est définie par Roe (2002) comme « une capacité apprise à exécuter
adéquatement une tâche, un devoir ou un rôle ». Le plus souvent, les compétences intègrent les

7
connaissances, les aptitudes, les valeurs personnelles et les attitudes qui s’amélioreront par
l'expérience professionnelle acquise.

Comme le montre le schéma ci-dessous, les compétences reposent sur les piliers de la
connaissance, des aptitudes et des attitudes. Toute la structure est construite sur les dispositions
individuelles, c’est-à-dire les habiletés, les traits de personnalité, les intérêts, les valeurs, etc.
Elles définissent les capacités à apprendre, c’est-à-dire à acquérir les connaissances et les
aptitudes nécessaires à faire preuve des attitudes appropriées et, en définitive, à offrir aux
clients des services psychologiques conformes aux normes attendues par leur profession.
Les compétences peuvent être définies à des niveaux supérieurs et inférieurs. Les
compétences de niveau supérieur correspondent à des tâches distinctes du psychologue, telles
que l'évaluation individuelle. Les compétences de niveau inférieur désignent des activités qui
ne couvrent qu'une partie de ces tâches, telles que les entretiens ou les tests (Bartram, 2005).

(Bartram, 2005)

D’après l’article 30 du code de déontologie belge (2018), « dans l’exercice de sa


profession, le psychologue maintient ses compétences et sa qualification professionnelles à un
haut niveau en les réactualisant par une formation interdisciplinaire continue et éclairée, qui
tient compte des plus récents développements de la psychologie, ainsi que par une réflexion
sur son implication personnelle dans la compréhension du comportement d’autrui ».
En effet, acquérir des compétences prend du temps. Ces dernières se mettent en œuvre par
des situations d’apprentissage, des situations d’évaluation, mais aussi par la prise de conscience

8
de son évolution, de ses connaissances et de ses limites relatives au développement de chaque
compétence (Tardif, 2006).

L’article 32 du code de déontologie belge (2018) stipule que « le psychologue exerce la


profession dans les limites de ses compétences, il ne procède pas à des interventions pour
lesquelles il n’est pas spécifiquement qualifié. Il le fait dans le cadre des théories et des
méthodes reconnues par la communauté scientifique des psychologues, en tenant compte des
critiques et de l’évolution de celles-ci ».

En supposant qu'il ne soit pas possible pour un psychologue d'être un expert dans tous les
aspects de la profession, il est également probable que tous les psychologues ne puissent
répondre aux besoins spécifiques de chaque type de client (Koocher, 2004 ; Shead & Dobson,
2004, cités par Cederberg & Brown, 2017). Une image de marketing personnel véridique,
scientifiquement fondé, peut donc aider le client qui étudie les services psychologiques
disponibles à faire un choix éclairé (Cederberg & Brown, 2017).
Les compétences ne sont pas des entités séparées, mais bien des combinaisons de stratégies
et de moyens maîtrisés afin d’avoir un regard critique face aux diverses situations rencontrées.

9
La législation belge et le conseil disciplinaire
Selon des membres de la Commission belge des Psychologues, les infractions au code de
déontologie des psychologues par des porteurs du titre ne peuvent être sanctionnées que par le
Conseil disciplinaire. La Commission des Psychologues comprend deux instances
disciplinaires : un Conseil disciplinaire et un Conseil d’Appel. Ce dernier adopte une position
indépendante au sein de la Commission. Ces organes statuent sur les possibles manquements
au code de déontologie du psychologue. Parmi les membres de ces conseils, nous retrouvons
des psychologues inscrits sur une liste. Les séances sont présidées par des avocats
expérimentés, nommés par le Ministre des Classes Moyennes.

Si un professionnel n’est toutefois pas d’accord avec la décision prise par le Conseil
d’Appel, il peut toujours solliciter un pourvoi en cassation. Dans ce cas, l’affaire sera renvoyée
vers le Conseil d’Appel composé différemment. Cette procédure est alors réglée comme en
matière civile.

Le Conseil disciplinaire est la seule instance habilitée à se prononcer sur des situations
particulières qui feraient l’objet d’une plainte et ce, suivant une procédure rigoureuse qui
s’inscrit dans le droit disciplinaire. Nous pouvons également comprendre que la Commission
des Psychologues n’assume pas un rôle de « contrôle » des pratiques des psychologues ni un
rôle de « validation » de certaines pratiques, comme c’est par exemple le cas chez les avocats
avec la fonction de bâtonnier de l’Ordre. Dès lors, le psychologue n’est amené à justifier ses
actes que lorsqu’il y a suspicion d’infraction à la déontologie (A.-C. de Mûelenaere & Q.
Vassart, communication personnelle, Mai 2019).

Cependant, la plupart du temps, les infractions publicitaires sont plutôt imputables aux
personnes non-psychologues qui se définissent – à tort – comme des psychologues ou des
personnes offrant des services similaires.
Ce genre de cas constitue une infraction à la loi puisque la psychologie est reconnue
comme une profession à part entière. Cependant, ces agissements ne sont pas sans conséquence
puisqu’ils vont avoir un impact négatif sur le recours au potentiel service des psychologues. En
d’autres termes, les consultants se rendront moins chez les psychologues, pensant que les autres
professionnels sont capables de traiter les mêmes problématiques (Goebel & Beach, 1981 ;

10
Norcross & Nash, 1985 ; Pope & Vetter, 1992 ; Rappaport, 1980 ; Thackrey, 1985 cités par
Shead & Dobson, 2004).

D’après Monsieur Vassart, la Commission belge des Psychologues recense peu de cas de
professionnels ayant enfreint le code concernant la publicité. Il impute cela au fait que tant
qu'aucune plainte n’est formulée (par un collègue ou un individu lambda), il n’y a pas d’enquête
ouverte.

11
Code de déontologie dans d’autres pays
Dans cette partie, nous allons présenter les différents articles relatifs à notre sujet selon les
codes de déontologie de deux pays différents, à savoir les États-Unis et le Canada.

Aux États-Unis

Au début des années 1970, la Federal Trade Commission (FTC), c’est-à-dire la


commission fédérale du commerce, a fait part à l'APA de son inquiétude que des informations
publicitaires destinées aux consommateurs ne soient pas connues du public en raison de normes
restrictives en matière de publicité (Koocher, 1994, cité par Cederberg & Brown, 2017). Selon
la FTC, les restrictions publicitaires nuisaient au public car elles risquaient de restreindre la
concurrence et d’empêcher les consommateurs d’obtenir les informations nécessaires pour
choisir le professionnel qui lui conviendrait le mieux (Koocher, 1977).

En 1977, la Cour Suprême des États-Unis a statué que la publicité était considérée comme
un discours commercial autorisé par le premier amendement, mais elle suggérait des
restrictions à la publicité trompeuse ou frauduleuse. Au cours des décennies suivantes, l’APA
a assoupli les normes éthiques en matière de publicité en réponse aux pressions continues de
la FTC et aux décisions ultérieures des tribunaux (Koocher, 1994, cité par Cederberg & Brown,
2017).

Aux États-Unis, le code d'éthique de l'APA (2002) établit des normes éthiques régissant
des règles applicables pour la conduite en tant que psychologue. Il définit, entre autres, les
responsabilités des praticiens concernés par les pratiques commerciales et les déclarations
publiques. Le code de l’APA comprend des principes généraux et des normes éthiques.

Principes généraux
Les principes généraux ont, par opposition aux normes éthiques, un caractère d’inspiration.
Leur intention est de guider et d'inspirer les psychologues. Ils ne représentent pas des
obligations et ne doivent pas constituer le fondement des sanctions. Considérant le principe A
(bienfaisance et non-malfaisance), une marque personnelle et une publicité doivent être
sensible au bien-être de clients passés, présents et futurs, ainsi qu'au réseau professionnel du
psychologue.
12
Le Principe B (fidélité et responsabilité) implique que les psychologues établissent des
relations de confiance entre eux et ceux avec qui ils travaillent. Ils doivent être conscients de
leurs responsabilités professionnelles et scientifiques vis-à-vis de la société et des
communautés spécifiques dans lesquelles ils travaillent. De ce fait, les psychologues ne
peuvent tromper leurs patients dans les publicités qu’ils réalisent.

En outre, le Principe C (intégrité) postule que les psychologues doivent chercher à


promouvoir l’exactitude, l’honnêteté et la véracité dans la pratique de la psychologie. Les
psychologues s’efforcent de tenir leurs promesses et d’éviter des engagements imprudents ou
imprécis. Par conséquent, les psychologues ne peuvent promettre, dans leur publicité, des
résultats qu’ils ne pourront tenir. Alors qu’en Belgique, le psychologue a une obligation de
moyens, mais pas de résultats (Article 25, Code de déontologie belge des psychologues, 2018),
les États-Unis autorisent les psychologues à promettre des résultats, mais seulement s’ils sont
capables de les tenir. Bien que le marketing personnel repose sur la promotion personnelle et
la distinction des autres, le langage qui sert ces fins doit être véridique, exact et
scientifiquement honnête. La marque personnelle doit valoriser les mérites uniques et les
preuves scientifiques pour les interventions de traitement ou l’orientation interpersonnelle du
psychologue plutôt que de dégrader les pratiques des autres professionnels (Shead & Dobson,
2004, cités par Cederberg & Brown, 2017).

Les normes éthiques


À côté des principes généraux, il existe des normes éthiques auxquelles les psychologues
américains doivent se référer. Pareillement qu’en Belgique, les psychologues doivent travailler
dans les limites de leurs compétences (Article 32, Code de déontologie des psychologues,
2018). En effet, la norme 2.01 (limites de compétence) stipule que les psychologues doivent
travailler avec leurs capacités professionnelles alignées à leurs expériences uniques (APA,
2010). Étant donné qu’il n’est tout simplement pas possible pour un psychologue d’être un
expert dans tous les domaines de la profession, une évaluation précise et une divulgation
appropriée des compétences constituent une obligation éthique importante pour le
développement d'une marque personnelle (Cederberg & Brown, 2017).

13
Contrairement au code déontologique belge qui ne contient qu’un seul article se référant à
la publicité, le code de l’APA comprend une section entière destinée à la publicité et aux autres
déclarations publiques. Bien qu’il pourrait enrichir la réflexion, il ne répond pas pour autant de
manière claire et précise sur ce qu’il convient de faire ou non. En effet, le code de déontologie
doit permettre de guider le psychologue dans sa pratique sans pour autant s'astreindre à une
ligne de conduite immuable. Le professionnel doit penser sa pratique à la lumière d’une
réflexion éthique.

Dans les publicités et autres déclarations publiques (brochures, imprimés, curriculum


vitae, commentaires destinés aux médias, conférences, documents publiés, etc.), falsifier sa
formation, ses expériences, ses titres de compétences, ses diplômes, ses services, ses honoraires
ou les résultats potentiels d'un traitement et l’efficacité de ses services constitue une violation
de la section 5.01 du code d'éthique (APA, 2010). Il en va de même en Belgique où la tromperie
est interdite. En effet, les psychologues ne peuvent produire de déclarations publiques fausses,
trompeuses ou frauduleuses selon l’article 39 (Code de déontologie belge des psychologues,
2018).

Bien que la stratégie de marketing personnel consiste à tirer parti du bouche-à-oreille


positif de collègues et de clients (Gander, 2014, cité par Cederberg & Brown, 2017), la section
5.02 du code d'éthique (APA, 2010) stipule que les psychologues restent responsables de la
véracité des déclarations publiques faites par des tiers dans le but de promouvoir leurs services.
En outre, les psychologues ne peuvent rémunérer les employés de la presse, de la radio, de la
télévision ou d'autres moyens de communication en échange de la publicité diffusée dans les
informations.

Alors qu'en Belgique les publicités, comme les témoignages, qui permettent d'identifier la
patientèle sont interdites, la section 5.05 du code éthique de l'APA autorise la sollicitation de
témoignages afin d’établir leur crédibilité professionnelle. Mais les psychologues ne peuvent
recueillir les témoignages de patients en thérapie actuelle ou d'autres personnes qui, en raison
de leur situation particulière, sont vulnérables à une influence indue. Par conséquent, le
témoignage d'anciens patients semble autorisé.

La section 5.06 du Code d’éthique (APA, 2010) statue que les psychologues ne peuvent
participer à une sollicitation personnelle auprès de patients réels ou potentiels. Cependant, cette
14
interdiction n’empêche pas le psychologue d’essayer de mettre en place des contacts
collatéraux appropriés dans l’intérêt du patient déjà engagé dans le traitement et de fournir des
services en cas de catastrophe ou de sensibilisation de la communauté. Tout comme en
Belgique, les psychologues ne peuvent avoir recours au démarchage (Article 39, Code de
déontologie belge des psychologues, 2018).

Aux États-Unis, si les psychologues pensent qu’il peut y avoir une violation du code
éthique de la part d’un autre psychologue, ils doivent d’abord tenter de résoudre le problème
en avertissant le psychologue concerné, si une résolution informelle semble appropriée et si
l'intervention ne viole pas les droits de confidentialité (Article 1.04, APA, 2010). De même en
Belgique, le psychologue doit tout d’abord opérer un signalement à son confrère s’il constate
un éventuel manquement au code avant d’en avertir le conseil disciplinaire (Article 48, Code
de déontologie des psychologues, 2018). Aux États-Unis, si une violation éthique apparente a
causé ou est susceptible de nuire gravement à une personne ou à une organisation et ne peut
pas être résolue de manière informelle, ou si elle n’est pas résolue de cette manière, les
psychologues doivent prendre des mesures appropriées, comme avertir les comités éthiques de
la situation (Article 1.05, APA, 2010).

Le code d'éthique des États-Unis ne prétend pas être un fondement de la responsabilité


civile. Le fait qu'un psychologue ait enfreint les normes du code d'éthique ne permet pas à lui
seul de déterminer si le psychologue est légalement responsable en justice, si un contrat est
exécutoire ou si d'autres conséquences juridiques se produisent. Néanmoins, l’APA (2010) peut
imposer des sanctions à ses membres, mais également aux psychologues non-membres en cas
de violation des normes du code d'éthique. Par conséquent, les psychologues doivent prendre
en compte le présent code d’éthique dans le processus de prise de décisions concernant leur
comportement professionnel. En Belgique, la Commission des Psychologues ne peut à elle
seule sanctionner des manquements opérés par des personnes non-inscrites à la Commission,
elle doit également avoir recours à une procédure judiciaire pour régler ses litiges. En ce qui
concerne les psychologues inscrits, comme explicité précédemment, le conseil disciplinaire est
la seule instance habilitée à sanctionner les écarts.

15
Au Canada

Dans le chapitre 2 du Code de déontologie du Canada (2019), présentant les devoirs


généraux, « le psychologue s’acquitte de ses obligations professionnelles avec compétence,
intégrité, objectivité et modération. Le psychologue évite toute fausse représentation en ce qui
a trait à sa compétence, à l’efficacité de ses propres services ou de ceux généralement rendus
par les membres de sa profession ».

Dans le chapitre 3 qui concerne les devoirs et obligations envers le client, l’article 10
section 1 sur le consentement évoque « qu’avant de convenir avec un client de la prestation de
services professionnels, le psychologue tient compte de la demande et des attentes du client
ainsi que des limites de ses compétences et des moyens dont il dispose ». Dans la section 4 sur
la qualité des services professionnels, l’article 39 explique que « le psychologue développe,
parfait et tient à jour ses connaissances et habiletés dans le domaine dans lequel il exerce ses
activités professionnelles » (Code de déontologie du Canada, 2019).

Dans le chapitre 5, devoirs et obligations envers la profession, l’article 67 souligne que


« lorsqu’un psychologue apprend hors du cadre d’une relation confidentielle avec un client,
qu’un autre psychologue ne ferait pas preuve de compétence dans l’exercice de sa profession,
serait inapte à exercer ou dérogerait aux dispositions du présent code et qu’il a des motifs
raisonnables de croire que ce renseignement est valable, il en informe l’Ordre. Quand ce
renseignement lui est transmis dans le contexte de l’exercice de sa profession, il ne dévoile ce
renseignement qu’avec l’autorisation explicite du client » (Code de déontologie du Canada,
2019).

Dans le chapitre 7 sur la publicité, l’article 75 dit que « le psychologue doit s’abstenir de
participer en tant que psychologue à toute forme de publicité recommandant au public l’achat
ou l’utilisation d’un produit ou d’un service qui n’est pas relié au domaine de la psychologie »
(Code de déontologie du Canada, 2019).

L’article 76, quant à lui, évoque que « le psychologue qui participe à la distribution
commerciale d’instruments, de volumes ou d’autres produits concernant la psychologie, appuie
toute affirmation touchant l’opération, les avantages et le rendement de ces produits sur des
preuves professionnellement et scientifiquement reconnues en psychologie » (Code de
déontologie du Canada, 2019).

16
L’article 77 exprime que « le psychologue doit être en mesure de justifier les habiletés ou
les qualités particulières qu’il s’attribue dans sa publicité, notamment quant à l’efficacité ou
l’étendue de ses services professionnels et de ceux généralement dispensés par les autres
membres de sa profession ou quant à son niveau de compétence » (Code de déontologie du
Canada, 2019).

Enfin, l’article 78 évoque que « le psychologue conserve une copie de toute publicité
pendant une période de 3 ans suivant la date de la dernière diffusion ou publication. Sur
demande, cette copie est remise à un syndic, à un membre du comité d’inspection
professionnelle ou à un inspecteur ou un enquêteur de ce comité » (Code de déontologie du
Canada, 2019).

Nous pouvons observer que le Code de déontologie du Canada se rapproche fortement du


Code de déontologie belge pour les articles susmentionnés. Cependant, le Code de déontologie
canadien apporte une précision quant à la dénonciation d’un collègue lorsque l’information est
apprise dans l’exercice de sa profession, que nous ne retrouvons pas tel quel dans le Code de
déontologie belge, ce qui ne signifie pas pour autant que cette démarche soit éthiquement
adéquate.

17
Le point de vue de la littérature
Au fil du temps, il y a eu une diminution des restrictions au niveau des politiques relatives
à la publicité du psychologue, ce qui ne permettait plus aux praticiens le maintien d’une dignité
professionnelle uniforme des pratiques. La publicité n’est autorisée que dans le but d’annoncer
sa disponibilité et non pas pour « recruter » des clients potentiels (Koocher, 1994, cité par
Shead & Dobson, 2004). La publicité du psychologue doit donc être faite avec modestie,
prudence et précision. Les auteurs ont analysés et nuancés trois pratiques publicitaires qui ne
sont pas interdites par les guidelines canadiennes, mais qui sont considérées comme ne
répondant pas aux attentes en ce qui concerne l’intégrité professionnelle.

La première concerne les allégations de capacités uniques. Avant, l’APA considérait que
les psychologues devaient promouvoir la psychologie comme un domaine professionnel avec
des compétences universelles, et refusait donc que leur publicité rende compte des aspects
uniques de leur métier. Ils considéraient que chaque psychologue avait des particularités
uniques, propres à soi dans son approche de la psychologie.
Ces considérations de l’APA sont en désaccord avec l’idée de rendre compte de capacités
uniques puisqu’un patient doit être en mesure de pouvoir choisir le professionnel en fonction
de ses besoins. En effet, se limiter à la promotion des caractéristiques « périphériques » d’un
service, comme la rémunération horaire, l’orientation, etc., ne permet pas aux consommateurs
de faire des choix éclairés favorisant leur propre bien-être.
Les auteurs soulignent qu’une publicité plus omniprésente des services professionnels
risquerait d’embrouiller les personnes (Koocher, 2004). C’est pour cette raison qu’ils
conseillent une courte description de son style (ou domaine) thérapeutique. C’est d’autant plus
important étant donné que nous savons que la qualité de la relation entre le patient et le
psychologue dépend de nombreux facteurs comme l’apparence physique, le genre, les capacités
communicationnelles, les valeurs et croyances, etc., mais aussi le style qu’il propose. Un
individu préférera donc un certain type de suivi psychologique à un autre, le considérant
comme plus attrayant ou répondant davantage à ses besoins. Ceci permettra une interaction
probablement plus adaptée aux besoins et caractéristiques de l’individu, ce qui le motivera
davantage à un processus de changement et donc augmentera les chances de succès de cette
intervention.

18
Une autre pratique rend compte des allégations de désirabilité comparative. Selon cette
idée, les psychologues ne peuvent pas faire d’annonce exagérée au niveau de l’efficacité des
services proposés, ni de laisser paraître une supériorité de la profession ou encore de garantir
des résultats de succès. Certains professionnels peuvent penser que leur pratique est
particulièrement efficace et ont parfois même des preuves de cette dite efficacité qu’ils mettent
en avant (College of Alberta Psychologists, 2002, cités par Shead & Dobson, 2004).
Cependant, d’autres services pourraient considérer que ces publicités sont démesurées, car :
• ces pratiques ne sont pas basées sur des preuves scientifiques suffisantes ;
• cela implique que d’autres services sont inférieurs à celui qui est mis en avant ;
• cela conduit les patients à interpréter à tort que le service psychologique proposé est
une solution facile à leurs problèmes.
La majorité des consommateurs n’attendent pas des discussions détaillées sur les études
validées ou sur les analyses comparatives de différentes approches théoriques. Ils veulent
simplement une aide rapide, efficace et abordable de la part d’un praticien confiant qui leur
propose de les aider (Koocher, 2004).
Les auteurs ne partagent pas le même point de vue, ce qui complique les capacités à
discerner si une publicité est considérée comme exagérée ou non. Selon Griffith Edwards, il
faudrait pouvoir inclure des données empiriques pour pouvoir attester de l’efficacité d’une
méthode. Cependant, cette démarche est compliquée à inclure dans une publicité. Edwards
considère que les services psychologiques qui n’ont pas encore été scientifiquement validés
posent un problème éthique qui peut être potentiellement dangereux (Griffith Edwards, 2000,
cité par Shead & Dobson, 2004). Cette vision contraste avec celle de Poikolainen qui suggère
qu’encourager des résultats d’une étude préliminaire serait plus bénéfique. En effet, cela
permettrait que la méthode soit testée et essayée par les différents professionnels, rendant ainsi
les chercheurs plus susceptibles de s’y concentrer (Poikolainen, 2000, cité par Shead &
Dobson, 2004).
En résumé, des comparaisons entre services ne devraient pas être prohibées. Les
psychologues devraient être autorisés à présenter des données objectives qui fournissent une
indication de la « qualité » du service, permettant ainsi au patient d’être informé sur les
différents services disponibles. Par exemple, un psychologue qui utilise les pratiques TCC
pourrait faire une publicité juste et honnête en disant qu’il propose « une méthode validée
scientifiquement pour traiter certaines formes de dépression ». L’idée serait alors de
promouvoir les connaissances du public concernant ces services considérés comme efficaces.

19
Le Canadian Psychological Association (CPA) propose d’ailleurs au public une liste reprenant
divers problèmes psychologiques appariés à la méthode la plus efficace pour chacun d’entre
eux.

Enfin, les auteurs mentionnent une troisième pratique publicitaire, à savoir la publicité
axée sur la peur et l’anxiété du patient. Le Code éthique canadien stipule que les
psychologues doivent être assez sensibles et correctement informés sur les individus, groupes,
différences culturelles et vulnérabilités afin de discerner ce qu’il conviendrait le mieux au
patient et ce, en étant le moins nuisible dans leur activité (CPA, 2000, cité par Shead & Dobson,
2004). Ces précautions sont nécessaires quand on sait que certains individus hautement
réceptifs sont susceptibles d’être manipulés par des psychologues aux pratiques « effrayantes »
(Nagy, 2000, cité par Shead & Dobson, 2004). Miller illustre cette idée en reprenant une
publicité télévisée américaine pour une chaîne d’hôpitaux privés de toxicomanie, dans laquelle
nous pouvons voir une famille en deuil sur la tombe d’un proche pendant qu’un annonceur
suggère que la seule alternative à la toxicomanie est le traitement (Miller, 2000, cité par Shead
& Dobson, 2004). Cette publicité peut apparaître trop extrême, suggérant que le traitement est
le seul moyen d’éviter une issue tragique. Mais d’un autre côté, une telle publicité pourrait
encourager les parents et les amis de la personne concernée à considérer le traitement comme
une solution face à une situation désespérée. Le risque potentiel dans le recours à de telles
stratégies publicitaires est la culpabilité que pourraient ressentir les individus concernés.

D’autres part, les progrès technologiques grâce au Web ont redéfini le paysage de la
profession en créant des outils de réseau qui permettent aux professionnels de développer leur
carrière en s’adressant à un large public (Gandini, 2016, cité par Cederberg & Brown, 2017).
Les nouvelles technologies évoluent si rapidement que les organismes qui encadrent les
pratiques du psychologue ne peuvent établir de nouvelles lignes directrices au même rythme.
Leur développement nécessite du temps et des moyens considérables notamment au niveau de
la réflexion (Nicholson, 2011). Par exemple, en Belgique, le Code de déontologie est inscrit
dans un Arrêté Royal, ce qui implique de passer par une multitude de procédures pour instaurer
un changement (Q. Vassart, communication personnelle, mai 2019). En outre, les technologies
émergentes vont continuellement créer de nouveaux questionnements éthiques (Koocher &
Keith-Spiegel, 2008).
Les psychologues ont rapidement recours aux technologies parce qu’ils y voient des
potentialités pour les clients. Cependant, il arrive que nous passions rapidement à l’utilisation
20
des nouveaux médias avant de nous pencher sur les questions éthiques qui les concernent. En
effet, nous avons tendance à nous concentrer préférentiellement sur ses avantages plutôt que
sur ses limites et risques potentiels. Ces sauts proviennent souvent d'un manque de
compréhension de ces supports (Nicholson, 2011).

Finalement, les auteurs soutiennent que la présentation des informations aux


consommateurs doit être plus équilibrée afin d’éviter une certaine confusion des différents
services proposés (Koocher, 2004). La publicité peut être utile pour les patients potentiels
faisant face à des obstacles pour choisir de se tourner vers un professionnel de manière éclairée
étant donné que le processus d’identification d’un psychologue ne ressemble guère aux choix
traditionnels du consommateur (Koocher, 2004 ; Shead & Dobson, 2004 ; Rochlen & Hoyer,
2005, cités par Cederberg & Brown, 2017).

Ils proposent donc de créer des publicités communes à l’ensemble de la profession des
psychologues afin d’éduquer le public à trouver et utiliser des services psychologiques. Ce type
de publicité permettrait aux patients d’être plus informés au niveau des décisions concernant le
choix des praticiens (Shead & Dobson, 2004).

Selon Koocher (1977), la meilleure solution pour attirer l’attention du public sur la
diversité des prestataires tout en réduisant les abus serait de créer un répertoire public publié
par les organes statutaires, en coopération avec les associations de psychologues de l'État. Ce
répertoire répertorierait tous les psychologues éligibles, c’est-à-dire toute personne légalement
qualifiée pour exercer, et ce, sans frais. Cela éliminerait les coûts et permettrait d’homogénéiser
la présentation des informations afin que le contenu soit moins sujet aux abus. En outre, cela
pourrait constituer un outil de référence pratique pour les comités d'éthique qui peuvent avoir
des difficultés à contrôler pleinement les domaines de compétence et la nature de la pratique
parmi leurs membres. De tels annuaires placés dans des bibliothèques publiques ou mis à la
disposition du consommateur pourraient offrir une solution significative au dilemme de la
publicité. Pour plus de commodité, ils pourraient être organisés géographiquement, regroupés
par spécialisations ou par compétences uniques (pratique dans une langue étrangère, formation
spéciale auprès de clients toxicomanes, expérience de la psychothérapie auprès des personnes
retardées, etc.) ou notés pour indiquer que des barèmes de frais variables sont ou ne sont pas
possibles. Tous ces éléments représentent des préoccupations légitimes des clients et des
attributs importants du psychologue qui ne sont pas actuellement disponibles facilement. Dès
21
lors, selon Koocher (2004), nous pouvons respecter une certaine éthique publicitaire même en
étant moins restrictif que par le passé, tout en profitant au consommateur.

La publicité en psychologie est donc une question sensible. En effet, elle oppose une
logique professionnelle incarnée dans un éloge de discrétion à une logique commerciale. En
effet, toute information ou publicité doit être véridique, honnête et formulée avec tact et
mesure. La réglementation de la publicité en psychologie par les codes de déontologie permet
de distinguer la publicité réalisée par les professionnels de la santé de celle réalisée par les
commerçants (Moret, 2014). Enfin, les auteurs concluent qu’il n’est pas question de
révolutionner, mais bien de faire évoluer la façon dont les psychologues conçoivent leur
publicité, tout en respectant les contraintes éthiques appropriées (Koocher, 2004).

22
Réflexion
Pour en revenir au cas clinique, à la lumière des différentes théories abordées dans ce
rapport et des avis des professionnels, la situation de Mélissa nous pose toujours question. Nous
pensons que sa démarche ne respecterait pas l’article 38 du Code de déontologie belge. En
effet, sa formation initiale, mais aussi le court laps de temps depuis l’obtention de son diplôme
ne permettrait pas de répondre à l’ensemble des compétences mentionnées dans sa description.
Bien que nous n’ayons pas connaissance des différentes formations peut-être débutées par
Mélissa, il nous semble peu probable qu’elle ait pu entamer les apprentissages nécessaires pour
répondre aux diverses qualifications qu’elle annonce sur son réseau social. De plus, nous avons
interrogé des étudiants de master 2 inscrits dans la même filière qu’elle, à savoir psychologie
clinique de la délinquance et toxicomanie, il ne leur est pas envisageable de se sentir compétent
dans des domaines aussi diversifiés que ceux qu’elle présente sur son site internet.

Or, selon le Code de déontologie, il est essentiel que les informations se trouvant dans les
publicités soient présentées avec objectivité et véracité. Toujours d’après ce code, il serait plus
adéquat de mettre en évidence sa formation de base, éventuellement son champ d’action, tout
en appréciant ses limites professionnelles. En outre, selon Monsieur Vassart (communication
personnelle, Mai 2019), psychologue et membre de la commission, nous devons mettre nos
compétences et qualités cliniques comme description, car cela fait partie du principe
d’honnêteté et d’intégrité.
Lorsque nous avons rencontré Monsieur Allard (communication personnelle, Mai 2019),
médecin, il ne nous a pas paru étonné par cette pratique. En effet, selon lui, il est pertinent
d’annoncer plusieurs spécialités dans le but d’élargir ses domaines de compétence afin de ne
pas être cantonné à une thématique précise ce qui risquerait de limiter le nombre de clients. En
revanche, Monsieur Allard nuance ses propos en rappelant qu’il faut travailler dans les
domaines dans lesquels nous nous sentons à l’aise.

Bien que Monsieur Vassart (communication personnelle, Mai 2019) considère qu’une
activité d’un psychologue sur un réseau social tel que Facebook pourrait constituer une forme
de démarchage. Nous préférons nuancer ces propos puisqu’à notre connaissance, elle n’invite
pas les utilisateurs de sa page de manière régulière, insistante et/ou agressive. Cependant,
Monsieur Vassart amène une notion intéressante, à savoir la question relative à la traçabilité
sur internet. D’après lui, « sur Facebook, l'information ne nous appartient pas. Facebook peut
23
tracer des candidats potentiels et cela ouvre la porte à la possibilité d’un démarchage. Il met en
lien la page créée et cible une catégorie de personnes. D’autres valeurs peuvent également être
mises en cause, comme le secret professionnel ». En effet, le psychologue peut avoir accès au
profil Facebook de son patient si ce dernier le contacte via la messagerie du réseau. Par ailleurs,
toutes les activités des utilisateurs sur ce réseau social restent la propriété de Facebook.

Lorsque Mélissa évoque qu’elle peut « booster la motivation », certains pourraient


comprendre qu’elle sous-entend être capable de garantir un résultat concernant l’amélioration
de la motivation du patient. Cette idée n’est pas en accord avec l’article 25 du Code
déontologique belge. Afin de ne pas s’écarter du présent code, elle pourrait associer ses
déclarations à des preuves empiriques de ses méthodes, mais le plus adéquat reste sans doute
de nuancer ses propos et de ne pas annoncer de garantie de résultats.

Suite à ce travail, nous nous sommes également questionnés sur notre responsabilité en
tant que futurs psychologues face à ce type de publication. L’article 48 du Code de déontologie
belge explicite l’importance de signaler un confrère qui commettrait une faute professionnelle.
Lors du cours de déontologie de deuxième bachelier de l’Université de Liège dispensé par
Madame Blavier, ainsi qu’au séminaire de déontologie encadré par Madame Jacques lors du
18 mars 2019, il nous a été rappelé qu’il fallait d’abord avertir la personne concernée de notre
opinion concernant sa pratique avant d’entamer une quelconque procédure au Conseil
disciplinaire si la personne ne veut pas se remettre en question. Cependant, Mesdames Jacques
et de Mûelenaere (communication personnelle, Avril 2019) expliquaient qu’il était assez rare
de voir une telle situation aboutir au Conseil disciplinaire.

Les différents professionnels rencontrés tendent à s’accorder sur le principe de ne pas


recourir systématiquement à la publicité sur les réseaux sociaux pour se faire connaître. Selon
eux, le bouche-à-oreille doit être privilégié pour s’établir dans un secteur. Ils rappellent
également l’importance de s’inscrire dans un travail de réseau et donc d’aller à la rencontre des
professionnels constituant ce réseau. Ces échanges peuvent se faire de différentes manières
comme en participant à des conférences, formations ou exposés avec d’autres professionnels
de la santé ou en se présentant directement de visu.
Lors de notre rencontre avec Madame Houben (communication personnelle, Mai 2019),
psychologue indépendante depuis peu, nous avons appris qu’elle partageait notre réflexion
concernant la publicité et qu’elle rejoignait l’avis des autres professionnels. Néanmoins, elle
24
précise que cette réflexion doit rester propre à chacun au regard des connaissances et
raisonnement éthiques développés tout au long de son expérience professionnelle.

Notre questionnement a été particulièrement enrichi par les propos de Monsieur Vassart
lorsqu’il explique que le problème réside plutôt dans le fait que la discipline ne soit pas encore
totalement reconnue par l’ensemble des professionnels de la santé et le public tout venant.
Lorsqu’elle le sera pleinement, nous n’aurons probablement plus à nous poser tant de questions
à ce sujet, les patients consulteront spontanément en fonction de leurs besoins, comme c’est le
cas avec les médecins.

25
Conclusion
En conclusion, ce travail nous aura permis de saisir les grands principes liés à la publicité
en psychologie. Cette thématique nous semble pertinente et nécessaire à ce stade de notre
formation professionnelle afin de susciter une réflexion éthique trop peu éveillée sur cette
question précise, lors de notre cursus universitaire.

Outre le positionnement du psychologue sur ce sujet, nous avons également appris les
structures qui sous-tendent l’éthique et la déontologie du psychologue. En effet, les
connaissances relatives à ces instances confèrent aux professionnels des ressources
supplémentaires pour les aider à poser une réflexion sur une thématique éthique.

Ainsi, suite à la réflexion entamée lors de ce travail, bien que nous comprenions le désir
des jeunes diplômés à se faire connaître en débutant une carrière professionnelle, il est
primordial de nous maintenir à jour quant aux principes éthiques et déontologiques afin de
respecter les limites de notre profession.

Nous considérons désormais que, même si le Code de déontologie nécessite du temps pour
être modifié, il va de soi que nous devons, de par la formation continue ainsi qu’une réflexion
personnelle et professionnelle, se poser des questions concernant notre pratique clinique.

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