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: une nouvelle
conceptualisation à travers l’intelligence économique
Boulbeba SLAMA1
Oussama AMMAR 2
Résumé
Les recherches antérieures en système d ’ information
soulignent que l’information et la connaissance jouent un
rôle essentiel dans la performance des entreprises. En même
temps, la littérature sur l’innovation a montré que l’accès
et l’intégration des connaissances provenant des sources
qui résident en dehors de l’entreprise, tels que les clients,
la concurrence, les universités ou les cabinets de conseil,
sont essentiels à la réussite des innovations des entreprises.
Dans cet article, nous nous basons sur l’approche par la
connaissance pour étudier la capacité d’une entreprise à
absorber les informations pertinentes en provenance des
sources externes et son exploitation par ses activités. Ce
travail vise aussi à améliorer notre compréhension sur la
formation de la capacité d’absorption à travers l’intelligence
économique. Notre modèle est testé à partir de 145 salariés
de PME françaises. Nous utilisons la méthode d’équations
structurelles pour la validation empirique. Les résultats
montrent que l’intelligence économique a une inf luence
positive sur l’amélioration de la capacité d’absorption des
PME françaises.
Abstract
Prior information systems research highlights the vital role of
information and knowledge in explaining firms’ performance.
At the same time, innovation literature has shown that
accessing and integrating knowledge from sources that reside
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Introduction
Depuis l’article fondateur de Cohen et Levinthal (1990), le concept de capacité
d’absorption a été emprunté par plusieurs chercheurs afin d’expliquer plusieurs
phénomènes organisationnels à l’instar de Zahra et George (2002), Lane, Koka
et Pathak (2006) et Camison et Forés (2015). Néanmoins, une lacune métho-
dologique et une ambiguïté théorique perdurent dans la plupart des études
(Lane, Koka et Pathak, 2006 ; Van den Bosch, Van Wijk et Volberda, 2003). La
majorité des études sur la capacité d’absorption utilise des variables proxys tels
que les activités de Recherche et Développement (Cohen et Levinthal, 1990).
Parmi les autres proxys, les auteurs incluent les brevets (Zhang, Baden-Fuller et
Mangematin, 2007), le nombre de publications (Mangematin et Nesta, 1999) et
le nombre de salariés avec un niveau d’éducation élevée (Caloghirou, Kastelli et
Tsakanika, 2004). Cependant, cette mesure objective unidimensionnelle (Forés
et Camisón, 2015) ou bidimensionnelle (Ali et Park, 2016 ; Leal-Rodríguez
et al., 2014) est souvent critiquée, car elle s’avère insuffisante pour saisir la
richesse d’un concept aussi complexe.
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sur la capacité d’absorption est le peu d’attention accordée aux processus réels
qui sous-tendent sa formation et identifient ses dimensions.
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études (Arbussà et Coenders, 2007 ; George et al., 2001 ; Liao, Fei et Chen
2007) ont commencé par une légère modification de la dimensionalisation en
se limitant à la construction de deux dimensions : la première est liée à l’éva-
luation, l’acquisition et l’assimilation de l’information externe ; et la deuxième
est liée à sa dissémination et à son application interne. Lane et Lubatkin (1996)
sont les premiers chercheurs à réinterpréter le concept introduit par Cohen et
Levinthal (1990). Ils ont défini un nouveau construit qui s’intitule la « capacité
relative d’absorption », dont la principale différence avec Cohen et Levinthal
réside dans le diagnostic du contexte stratégique de l’entreprise. Tandis que
Cohen et Levinthal (1990) analyse la capacité d’absorption à partir d’une étude
sectorielle, Lane et Lubatkin (1996) analyse la capacité d’absorption sur la
base d’une étude interorganisationnelle. Ces auteurs définissent la capacité
d’absorption relative par l’aptitude d’une organisation à valoriser, assimiler
et à appliquer l’information en provenance des autres organisations.
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Pour mener ce travail, nous adoptons les contributions de Zahra et George (2002)
dans leurs démarches de reconceptualisation de la capacité d’absorption. Dans
notre démarche, nous mobilisons le concept de l’intelligence économique. Ce
concept renferme une fonction de veille qui est tournée vers l’environnement
externe de l’entreprise (voir Figure 1). Son objectif principal est l’acquisition
de la connaissance à partir de sources externes, son assimilation, sa transfor-
mation et son exploitation. Notre objectif, est de tester empiriquement le rôle
joué par l’IE en tant que nouvelle dimension de la capacité d’absorption. En
conséquence, les apports théoriques sur la capacité d’absorption (Cohen et
Levinthal 1990 ; Zahra et George, 2002 ; Todorova et Durisin, 2007 ; Roberts et
al., 2012) se conjuguent parfaitement avec les caractéristiques de ce concept,
et améliorent notre compréhension du processus de traitement de la connais-
sance (information) au sein de l’entreprise.
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2. Méthodologie de recherche
2.1. Le développement des items
Pour tester les hypothèses, nous avons mis en place un questionnaire4 qui
inclut l’ensemble des items développés par le modèle. Tous les items ont été
adaptés à notre contexte. Chaque item a été mesuré sur échelle de Likert à 5
points avec 1 « très limité » et 5 « très étendu ». Nous avons invité trois salariés
qui appartiennent à quatre secteurs d’activités différents (grande distribution,
ingénierie informatique, publique et transport et logistique) pour examiner la
cohérence, la terminologie, la pertinence contextuelle et la clarté des questions.
Les commentaires et suggestions de ce pré-test ont entraîné quelques modifi-
cations mineures des mesures, y compris la mise en forme du questionnaire,
la clarté des éléments et suppressions des quelques coquilles. Après les mo-
difications apportées, le questionnaire a été mis en ligne. Le Tableau 2 donne
un aperçu sur les items choisis pour mener notre étude.
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Items
ACQ_1 : Nous organisons souvent des portes ouvertes pour acquérir des
nouvelles connaissances.
Acquisition
ASS_1 : Les nouvelles opportunités sont rapidement comprises par nos sa-
lariés pour servir nos clients.
Assimilation
ASS_3 : Nous sommes très efficaces pour reconnaître les changements dans
notre marché (concurrence, réglementation, démographie).
TRANS_1 : Notre entreprise prend en considération régulièrement l’impor-
tance des nouvelles connaissances sur l’évolution des demandes du marché
Transformation
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L’analyse des propriétés du modèle empirique nous montre bien que l’ensemble
des hypothèses de notre modèle sont soutenues étant donné que les coefficients
sont des signes positifs et significatifs à un seuil de 95 % (|t|>1,96).
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Conclusion
La présente recherche est une continuité des investigations antérieures sur
la capacité d’absorption qui présente la particularité de mobiliser le concept
de l’intelligence économique. En tant que capacité multidimensionnelle, nous
suggérons de développer une nouvelle dimension de mesure valide et fiable
de la capacité d’absorption, en prenant en compte une nouvelle mesure, l’intel-
ligence économique. Notre innovation consiste à vérifier un apport théorique
initié par Bretonès et Saïd (2010) et à valider une nouvelle conceptualisation
de la capacité d’absorption à travers l’intelligence économique.
Afin d’atteindre cet objectif, nous avons consacré la première partie du pré-
sent travail de recherche à la présentation des théories sur lesquelles nous
nous sommes appuyées pour déduire nos hypothèses, et la deuxième partie,
à la vérification empirique de ces hypothèses par la confrontation du modèle
conceptuel retenu à la réalité de notre échantillon. À cet effet, nous avons mo-
bilisé les contributions de Zahra et George (2002) et Bretonès et Saïd (2010).
Certes, Bretonès et Saïd sont parmi ceux qui ont établi les fondements théoriques
du rôle de l’intelligence économique dans l’amélioration de la performance
de l’entreprise, néanmoins, leurs contributions restent sans une application
empirique. C’est là où réside la contribution de notre présente recherche.
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Ce travail de recherche n’est pas sans limite. Il est ainsi important de souligner la
nature de l’échantillon que nous avons retenu pour tester notre hypothèse. Cet
échantillon est constitué de salariés de PME françaises appartenant à différents
secteurs d’activités. L’hétérogénéité des secteurs d’activité ne permet pas d’éta-
blir une vision précise sur la manière dont la connaissance est valorisée au sein
de l’entreprise. Une autre limite correspond à la taille réduite de l’échantillon.
Ces limites peuvent à la fois constituer des origines et des voies futures de re-
cherches. Il serait intéressant de tester notre modèle conceptuel auprès d’autres
entreprises, notamment de plus grande taille, et appartenant à d’autres sec-
teurs afin de vérifier si nos résultats s’y appliquent. Enfin, nous avons pris en
compte uniquement les dimensions qui ont une influence positive sur la capacité
d’absorption. L’absence de la dimension sociale ou/et psychologique telle que
l’opportunisme, la résistance ou encore le conflit (Meissonier et Houzé, 2010)
posent certaines limites à nos propositions. Aujourd’hui, pour collecter, traiter,
partager et stocker les connaissances, l’entreprise doit déployer des systèmes
puissants de type ERP (Entreprise Ressource Planning). Ici, les utilisateurs
peuvent exprimer leurs résistances aux outils informatiques sous une forme
active (visible et relativement facile à détecter) ou sous une forme passive
(plus difficile à détecter et difficile à traiter). Des études empiriques montrent
que la résistance est plus élevée au niveau du groupe qu’au niveau individuel.
En d’autres termes, un groupe de salariés (en fonction de leur catégorie so-
cioprofessionnelle, leurs compétences professionnelles, leur âge, leur sexe,
etc.) représente l’unité la plus susceptible de développer une forte résistance
à ces outils informatiques. En effet, au niveau du groupe, la résistance des sa-
lariés est souvent sociopolitique, alors qu’au niveau individuel, elle est plutôt
psychologique. La forte implication de ses outils et systèmes informatiques
dans les démarches de l’intelligence économique, à travers leur déploiement,
laissent imaginer qu’une situation de résistance peut affecter négativement
les mécanismes de coordination et entraver le partage des connaissances et
la création de la valeur. De futurs travaux de recherche pourraient exploiter
cette dimension.
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