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30 LE TEMPS DE LA NARRATION
Pour étudier la temporalité d’un récit, on distingue le temps de l’écri-
ture (l’époque où l’auteur a écrit le récit), le temps de l’histoire
(l’époque où les faits se déroulent, et l’ordre dans lequel ils se succè-
dent, l’ordre chronologique), et le temps de la narration (le
moment où le narrateur raconte les événements, l’ordre dans
lequel il les rapporte, et le rythme qu’il adopte pour les raconter).

1 Le moment de la narration
Il faut d’abord déterminer à quel moment le narrateur se situe par
rapport aux événements qu’il raconte.
Dans la narration ultérieure, le narrateur se situe après les
événements; le récit emploie donc les temps du passé (en particu-
lier le passé simple et l’imparfait).
Dans la narration simultanée, il se situe au moment même où
les événements se déroulent; le récit emploie alors le présent: le narra-
teur raconte les événements qu’il est en train de vivre, comme
en direct.
Dans la narration antérieure, il se situe avant que les événements
ne se produisent; ce procédé, rare et généralement circonscrit à un
bref passage d’un récit, relève d’une forme d’anticipation (rêve,
prophétie); le récit emploie alors le futur.

2 L’ordre de la narration
Le plus souvent, le narrateur raconte les événements dans l’ordre où
ils se sont produits; cependant, il arrive qu’il fasse une anachronie,
autrement dit qu’il rompe l’ordre chronologique.
L’analepse opère un retour en arrière et évoque un événement
antérieur à ce qu’on est en train de raconter, par exemple lors-
qu’un personnage se souvient de son passé:
◆ Ils allaient côte à côte, elle appuyée sur son bras, et les volants
◆ de sa robe lui battaient contre les jambes. Alors, il se rappela
◆ un crépuscule d’hiver, où, sur le même trottoir, Mme Arnoux
◆ marchait ainsi à ses côtés.
(Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale, 1869)

La prolepse opère une anticipation et évoque un événement


devant se produire après ce qu’on est en train de raconter.

LE RÉCIT: LE ROMAN OU LA NOUVELLE 65


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Ici le narrateur annonce une péripétie future:


◆ Cette fois, Frédéric II prend le pas de course. C’est ainsi qu’il
◆ tombe tout à coup sur un village: dans lequel l’homme est en
◆ train d’entrer.
◆ Frédéric II dira exactement ce qu’il a pensé et ce qu’il a fait.
Mais ils suivent paisiblement la rue, l’un derrière l’autre.
◆ (Jean Giono, Un roi sans divertissement, Gallimard, 1947)

3 Le rythme de la narration
Le narrateur ne peut jamais tout raconter. Il rapporte donc en
détail des événements précis, en résume brièvement d’autres, voire
en passe certains sous silence.
Dans la pause, le narrateur interrompt l’écoulement du temps de
l’histoire et décrit un lieu, un personnage, ou fait un commentaire:
◆ Ils venaient de s’arrêter aux deux tiers de la montée, à un endroit
◆ renommé pour la vue, où l’on conduit tous les voyageurs.
◆ On dominait l’immense vallée, longue et large, que le fleuve clair
◆ parcourait d’un bout à l’autre, avec de grandes ondulations.
(Guy de Maupassant, Bel-Ami, 1885)

Dans la scène, le narrateur développe un temps fort de l’histoire;


le temps de la narration correspond à peu près au temps de l’histoire:
◆ Nous ne parlons pas. J’entends le murmure d’un jet d’eau qui
◆ tourne, au milieu de la plus proche pelouse. Quelqu’un descend
◆ l’escalier à notre rencontre, un homme dont j’ai distingué de
◆ loin le costume jaune pâle. Il nous fait un geste de la main.
(Patrick Modiano, Villa triste, Gallimard, 1977)

Dans le sommaire, le narrateur résume brièvement une période


sans véritable importance; le sommaire sert souvent de transition
entre deux scènes:
◆ Nous glissons sur dix années de progrès et de bonheur, de 1800
◆ à 1810 ; Fabrice passa les premières au château de Grianta,
◆ donnant et recevant force coups de poing au milieu des petits
◆ paysans du village, et n’apprenant rien, pas même à lire.
(Stendhal, La Chartreuse de Parme, 1839)

Dans l’ellipse, le narrateur passe sous silence une partie des


événements:
◆ Trois mois après, une nouvelle possibilité de changement
◆ s’annonça dans la situation d’Ellénore.
(Benjamin Constant, Adolphe, 1816)

66 LE RÉCIT: LE ROMAN OU LA NOUVELLE

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