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ENSAT – Notes de Cours d’Electromagnétisme par : NohaChahboun & Yassin Laaziz

Chapitre II

ELECTROSTATIQUE DES MILIEUX DIELECTRIQUES


I – Milieux diélectriques
Les diélectriques sont des matériaux qui ne contiennent pas d’électrons libres, et par
conséquent, ne conduisent pas l’électricité. On les appelle aussi ‘isolants électriques’
(Exemples de diélectriques : plastique, bois, verre, eau pure, hydrogène,….).
Au contraire des conducteurs, ses matériaux peuvent être traversés par un champ
électrique, d’où le nom de diélectriques (construit sur le préfixe dia : à travers). En présence
d’un tel champ un diélectrique ‘se polarise’, c’est à dire que les atomes ou molécules qui le
constituent deviennent (par des processus de polarisation qui varient suivant le matériau
considéré) porteurs d’un moment dipolaire. La polarisation macroscopique qui en résulte est
susceptible d’altérer considérablement l’équilibre des conducteurs placés dans son voisinage.
Par la suite, nous étudierons le comportement de ces matériaux en présence de champs
électriques permanents.

I – 1- Observations expérimentales :

Considérons le montage suivant formé d’un générateur


+Q V
de tension continue et d’un condensateur plan constitué de deux
V
plaques conductrices parallèles de surface S, séparées par une e
distance e. Le condensateur étant chargé, le champ E0 entre ses
armatures et sa charge Q sont donnés par : -Q
V S
E0 = et Q = C V = e 0 V
e e
Après avoir débranché le générateur, on introduit une +Q
lame de diélectrique entre les plaques du condensateur, on V’<V
constate alors que la tension V’ à ses bornes est inférieure à la
valeur V initiale. Le champ électrique E entre les plaques a donc
diminué. La charge étant constante, on en déduit que la capacité -Q
du condensateur a augmenté.

Expérimentalement, on montre que l’augmentation de la capacité dépend de la nature


du diélectrique et non de la tension V ou de la charge initiale du condensateur. Si le matériau
remplit tout l’espace inter-armatures, la nouvelle capacité C’ est reliée à l’ancienne par :

C’ = er C

er étant une caractéristique du matériau appelée sa permittivité relative c’est un nombre sans
dimension. On définit alors sa permittivité absolue par :
e = e0 er (en Farad/m)
Quelques valeurs de er:
Air 1.006 Verre Pyrex 4
Benzène 1.5 Porcelaine 6–8
Titanate de Baryum (ferroélectrique) 10000

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I – 2- Mécanismes microscopiques de la polarisation :

a – Polarisation électronique G- G+
Considérons un atome isolé. En absence de champ
électrique, le barycentre des charges positives et celui des
charges négatives sont confondues ; le moment dipolaire
électrique de l’atome est alors nul.
En présence d’un champ électrique, il y a
déformation du nuage électronique provoquant un
déplacement des centres de gravité des charges positives et G+ G-
négatives. L’atome possède alors un moment dipolaire non
!
nul p , induit par le champ électrique. Ce type de
polarisation s’appelle polarisation électronique ou par
déplacement de centres de charge.
Ce moment dipolaire induit est en général
!
proportionnel au champ local ( E l ) qui règne au niveau de
! !
l’atome : p = e 0a e E l
Où ae est la polarisabilité électronique.

b- Polarisation ionique
Dans certains cristaux comme les halogénures
d’alcalins, tel que NaCl et CsCl, le réseau des ions positifs
tend, sous l’effet d’un champ électrique appliqué, à se
déplacer en bloc par rapport au réseau des ions négatifs. Il
en résulte une contribution prépondérante à la polarisation,
deux à trois fois plus forte que la polarisation
électronique ; c’est la polarisation ionique. la Cs+
polarisabilité correspondante est notée ai ; on a alors : Cl-
! !
p = e 0a i E l .

c- Polarisation d’orientation
!
Il existe des molécules ayant un moment dipolaire p 0 même en absence de champ
électrique ; elles sont dites polaires.

Exemple de molécules polaires : H+

- Molécule d’HCl (1.08 Debye) : H+ Cl- - Molécule d’H2O (1. 85 D) : -


O-

H+
!
Considérons un ensemble de molécules polaires de moment p 0 en équilibre thermique
à la température T. En absence de champ électrique, les dipôles sont orientés au hasard et le
moment dipolaire macroscopique résultant est nul.

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En présence d’un champ électrique, ces dipôles sont soumis à un couple qui tend à les
orienter dans la direction du champ. Il apparaît donc un moment dipolaire macroscopique.
C’est la polarisation d’orientation. On peut montrer que dans ce cas la polarisabilité s’écrit :
p 02
ao =
3e 0 kT
Cette relation montre que ce phénomène est contrarié par l’agitation thermique, et l’on
n’assiste pas à une orientation parfaite des dipôles dans le même sens que le champ électrique
appliqué.

d- Champ local
Dans le cas de substances diluées, les atomes (ou molécules) sont suffisamment
éloignés les uns des autres de telle sorte qu’ils n’interagissent pas entre eux. Le champ auquel
! !
ils sont soumis est simplement le champ extérieur E l = E .
Pour les substances condensées (liquides ou solides), le problème est un peu plus
compliqué car les interactions des dipôles entre eux (notamment les proches voisins) ne
!
peuvent plus être négligées ; le champ local effectivement appliqué aux atomes ( E l ) est
!
donné par la somme du champ extérieur E et de celui créé par les dipôles proches voisins.

Remarques :
! !
1- De manière générale p n’est pas colinéaire à E ; c’est à dire que la polarisabilité
est un tenseur [aij].
2- Dans une substance diélectrique, les trois types de polarisation peuvent exister à la
fois, un volume élémentaire dt du diélectrique polarisé présente alors un moment dipolaire
!
total dp , donné par la somme des trois polarisations vues ci-dessus :
! ! ! !
dp = dp électronique + dp ionique + dp dipolaire
3- La polarisation électronique existe dans tous les matériaux, cependant, pour les
champs électriques les plus forts que l’on puisse réaliser au laboratoire, l’ordre de grandeur
des dipôles induits par déformation, reste en général plusieurs milliers de fois inférieur aux
moments dipolaires permanents de la plupart des molécules polaires.

II – Polarisation et potentiel électrostatique :

II – 1- Vecteur Polarisation :

Toutes les propriétés électriques des diélectriques


s’interprètent à l’échelle macroscopique par l’apparition
dans tout volume élémentaire, initialement neutre, d’un
!
moment dipolaire dp donné par :
! !
dp = P( x, y, z ). dt
!
Où P est le vecteur polarisation défini en chaque point du matériau. C’est un moment
dipolaire par unité de volume : [P ] = C/m 2 .
!
Dans le cas particulier où P est le même en tous les points du diélectrique polarisé, on
parle de polarisation uniforme.

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II – 2- Potentiel créé par un diélectrique polarisé :

a – Point extérieur
Rappelons tout d’abord que le potentiel W
!
électrostatique créé par un dipôle p en un point M
!!
p.r
éloigné de ce dernier est donné par : V (r ) = . y
4pe 0 r 3
Considérons alors un diélectrique polarisé de
!
volume W portant la polarisation P( x, y, z ) . Un
élément de volume dt de ce diélectrique, centré au
! o
x
point A, possède le moment dipolaire : P( A) dt ; il
z
crée donc en un point M extérieur à W le potentiel :
!!
1 r P( A) ! ! !
dV ( M ) = dτ , avec r = rM - rA .
4pe 0 r3
!!
1 r P( A)
Le potentiel créé par la totalité du diélectrique polarisé s’écrit : V ( M ) =
4pe 0 òòò r3
dt
W

b – Point intérieur
Il peut être montré (par un raisonnement qui sort du cadre de ce cours) que le
potentiel à l’intérieur du diélectrique est donné par la même formule que celle établie
précédemment.

c – Cas d’une polarisation uniforme


!
Si P est uniforme à l’intérieur du diélectrique, il ne dépend plus des coordonnées de
A et l’on peut écrire :
! æ ! ö ! !
ç r ÷ = P .x
V ( M ) = P. òòò dt
ç 4pe r 3 ÷
è W 0 ø
!
Où x est le champ électrostatique créé par une densité volumique de charges égale à l’unité
répartie uniformément dans tout le volume W.

III – Distribution de charge équivalente à la polarisation :


!
r ! æ1ö
Reprenons l’expression précédente de V(M) et remplaçons par grad A ç ÷ .
3
r èrø
L’indice A du gradient indique que la dérivation se fait par rapport aux coordonnées du point
! !
! æ1ö r ! æ1ö r
A (On rappelle que grad A ç ÷ = 3 alors que grad M ç ÷ = - 3 ). On a alors :
èrø r èrø r
1 ! ! æ1ö
V (M ) = òòò
4pe 0 W
P( A).grad A ç ÷ dt
èrø
!
æ Pö ! ! æ1ö 1 !
Or, divAçç ÷÷ = P. grad A ç ÷ + divA P
èrø èrø r

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!
1 æ P ( A)ö 1 1 !
Þ V (M ) = òòò
4pe 0 W
divAçç
è r ø
÷ dt -
÷ 4pe 0 òòò r divAP ( A) dt
W

! ! !
1 P .n 1 - div P
Th. Green-Ostrog. Þ V (M ) = òò
4pe 0 S r
dS +
4pe 0 òòò r dt
W

!
S étant la surface qui délimite W, et n le vecteur unitaire orthogonal en tout point à S et dirigé
vers l’extérieur de celle-ci.
1
Nous remarquons que cette formule comporte uniquement des termes en ,
r
caractéristiques d’un potentiel produit par une distribution de charges, alors que la formule
1
donnée en II-2 comporte un terme en 2 qui est caractéristique du potentiel d’une distribution
r
de dipôles.
Nous pouvons donc considérer que le potentiel créé par un diélectrique polarisé en un
point de l’espace, est équivalent à celui que créeraient, au même point, deux distributions de
charges placées dans le vide ( situation fictive ): l’une répartie sur la surface du diélectrique,
de densité sp, et l’autre, répartie dans son volume de densité rp telles que :
! ! !
s p = P. n et r p = -divP

Remarque :
Le potentiel créé en un point de l’espace étant la somme des potentiels V et V0 dû au
!
champ excitateur E 0 , et si l’on suppose que le champ excitateur n’est pas altéré par le champ
créé par les dipôles, on peut calculer le champ électrique résultant en un point de l’espace à
! ! ! ! ! !
l’aide de la relation : E = - grad (V + V0 ) = - grad V - grad V0 = E '+ E 0 .
! ! !
E ' = - grad V est de même direction ou de direction voisine de P , mais de sens contraire. On
l’appelle champ dépolarisant.

IV –Vecteur induction électrique – Théorème de Gauss :


En présence de diélectriques, le champ électrique est donné par les charges libres (ou
réelles) et par les charges de polarisation. L’équation de Maxwell - Gauss s’écrit :
! r
div E = avec r = rl + r p
e0
!
! r l + r p r l div P
Þ div E = = -
e0 e0 e0
Cette relation montre que même en absence de charges réelles (rl = 0), le champ électrique
!
n’est pas à flux conservatif, puisque div P ¹ 0 en général. Cependant, en introduisant le
! ! !
vecteur D = e 0 E + P appelé vecteur induction électrique, ou excitation électrique, on
obtient un vecteur à flux conservatif en absence de charges libres.

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! ! !
En effet : ( )
div e 0 E + P = r l Þ div D = r l

C’est l’équation de Maxwell – Gauss dans le cas général, c’est à dire, en présence de
diélectriques. Sous forme intégrale elle s’écrit :
! ! !
òòò div D dt = òòò r l dt soit òò dS = Ql
D
t t S

On peut alors énoncer une version plus générale du Théorème de Gauss par :
Le flux du vecteur induction électrique à travers une surface fermée, est égale à la charge libre
totale à l’intérieur de cette surface.

Remarques :
1- L’avantage de cette nouvelle formulation c’est de pouvoir ignorer les charges de
!
polarisation lors du calcul de D .
! ! ! ! ! ! Ql
2- Dans le vide P = 0 Þ D = e0E Þ òò dS =
E on retrouve alors le
e0
S
théorème de Gauss dans le vide.

V – Diélectriques parfaits :
Ce sont des diélectriques
!
® Linéaires : Chaque composante de D est une combinaison linéaire des composantes de
! ! ! æ D1 ö ée 11 e 12 e 13 ù æ E1 ö
ç ÷ ê ç ÷
E : D = [e~ ] E , ou encore : ç D2 ÷ = êe 21 e 22 e 23 úú ç E 2 ÷ .
ç D ÷ êe e 33 úû çè E3 ÷ø
è 3 ø ë 31 e 32
® Homogènes : La matrice [e~ ] est la même en tout point du matériau.
® Isotropes : Les trois axes (X, Y, Z) qui, en un point donné, diagonalisent la matrice [e~ ]
sont appelés axes principaux du diélectrique en ce point. On peut alors écrire :
æ D1 ö ée X 0 0 ù æ E1 ö
ç ÷ ê úç ÷
ç D2 ÷ = ê 0 e Y 0 ú ç E 2 ÷
çD ÷ ê 0 0 e Z úû çè E 3 ÷ø
è 3ø ë
Les éléments diagonaux de la matrice sont appelés permittivités diélectriques principales.
! ! !
Un diélectrique pour lequel eX ¹ eY ¹ eZ est dit anisotrope. Dans ce cas, D , P et E ne
! ! !
sont pas colinéaires. Si eX = eY = eZ, D , P et E sont colinéaires et le diélectrique est dit
isotrope.
! !
Pour un milieu Linéaire, Homogène et Isotrope (L.H.I), on a : D = e E avec e = Cte.
On peut alors écrire :
! ! ! ! ! ! !
D = e0 E + P = e E Þ P = (e - e 0 ) . E = e 0 (e r - 1) . E
! !
On pose alors : er -1= ce Þ P = e0ce. E

c e étant la susceptibilité diélectrique du milieu. C’est un nombre sans unité. Elle est de
l’ordre de 10-3 pour les gaz, de quelques unités pour les liquides et vaut plusieurs milliers pour
les matériaux ferroélectriques.

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VI – Relations locales en présence de discontinuité :

Considérons une surface S, éventuellement chargée avec une densité superficielle de


charges libres (sl) séparant deux milieux matériels (1) et (2). Les conditions de passage entre
! !
ces deux milieux découlent des propriétés locales de E et D , c’est à dire des relations :
! ! !
div D = r l et rot E = 0 .
!
VI-1- Etude de la composante normale de D
dS
Considérons une surface ayant la forme d’une (2)
petite boîte à fromage, dont le couvercle dS2 et la base h
dS1 sont obtenus par une petite translation d’une
h
hauteur de la surface dS située sur S (le rayon de S
2 (1)
cette surface étant un infiniment petit du premier ordre,
et h, un infinitésimal du second ordre).

Appliquons le théorème de Gauss à cette surface. En tenant compte des dimensions de


!
dS, on peut considérer que D ne varie pas sensiblement sur les surfaces de base ; on peut alors
écrire :
! ! ! ! ! !
òò D . dS = D 2 .d S 2 + D1 .dS1 + flux latéral = Ql = sl dS
Surf .Cylindre
! !
Lorsque h tend vers zéro, D1 et D2 étant finis, le flux latéral est nul. Le flux du
vecteur induction électrique à travers la surface fermée se limite donc aux flux à travers dS1 et
!
dS2 ; en considérant
! !
que D ne varie pas sensiblement sur ces surfaces, on aura :
! !
D2 .(n12 dS 2 ) + D1 (- n12 .dS1 ) = sl dS
!
Où n12 représente le vecteur unitaire porté par la direction normale à la surface dS et dirigé
du milieu (1) vers le milieu (2).
! ! !
On obtient donc : (D 2 )
- D1 .n12 = sl , ou encore : D 2 N - D1N = sl .

Conclusion : A la traversée d’une surface chargée, la composante normale du vecteur


induction électrique subit une discontinuité égale à la densité de charges libres contenues sur
cette surface.
!
VI-2- Etude de la composante tangentielle de E

Soit G un contour rectangulaire fermé passant de


part et d’autre!de la surface S. Sur ce contour fermé on (2)
! A B
a: ò E.dl = 0 ; c’est à dire :
h
G
C D
B! ! D ! !
ò 2
E dl + C BC + ò 1 ) + CDA = 0 .
E (-dl S
(1)
A C

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Quand h tend vers 0, les circulations CBC et CDA sont nulles. Les contributions essentielles à la
circulation du champ sur le contour G correspondent alors aux parties AB et CD, de part et
!
d’autre de la surface S. En considérant que E ne varie pas sensiblement sur ces distances, on
! ! ! !
aura : E 2 . A B + E1 . C D = 0 .
!
! ! ! ! ! !
( )
Soit : E 2 - E1 . A B = 0 ( )
ou encore : E 2 - E1 . t = 0
! AB
avec t =
AB
.

On peut également écrire ce résultat sous la forme : E 2T = E1T .

Conclusion : A la surface de séparation entre deux milieux, la projection du champ électrique


sur n’importe quel vecteur tangent à la surface a la même valeur dans les deux milieux. La
!
composante tangentielle de E est donc continue.

V – Densité d’énergie électrostatique

Considérons un système de charges excitatrices de densité volumique rl, en présence


1
de diélectriques, le système occupant un volume W. On a : We = òòò r l .V dt
2 W
Où V est la somme des potentiels créés en un point de W, par les charges libres et par les
diélectriques polarisés.

! 1 !
2 òòò
or, div D = r l Þ We = divD . V dt
W
En utilisant une démarche analogue à celle de la section I-4-d du premier chapitre, on obtient :
1 ! !
We = òòò . E dt
2 espace
D

1 ! !
On peut alors définir la densité d’énergie électrostatique de ce système par : ue = D.E
2

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