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Adil CHERKAOUI
Professeur Universitaire, Docteur ès Sciences de Gestion, à la Faculté des Sciences
Juridiques, Economiques et Sociales Ain Chock – Université Hassan II de Casablanca.
Consultant en RSE et membre fondateur du laboratoire de recherche LAREDDISSO. Auteur
de nombreuses publications et communications scientifiques autour de la RSE, la
gouvernance des entreprises et le management de la diversité en entreprise.
Cherkaoui.adil.casa@gmail.com
Zainab CHERKAOUI
Chercheuse en Sciences de Gestion,
Laboratoire Finance, Banque et Gestion des Risques,
Faculté des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales – Ain Chock
Université Hassan II de Casablanca, Maroc
Zainabcherkaoui13@gmail.com
Résumé
Notre dernière décennie a été marquée par une évolution considérable en matière de
publication des rapports extra financiers. En effet, les entreprises ont pris conscience que ces
informations relevaient d'un instrument de communication pour se montrer responsables dans
un contexte marqué par un engouement enversle développement durable. Cela étant, les
entreprises subissent d’une part des pressions réglementaires de plus en plus fortes et d’autre
part, une pression morale de la part de leurs parties prenantes. Cette situation les amène à
transmettre une attitude responsable et communiquent par le biais de différents documents
extra financiers.Notre article vise à appréhender la réceptivité de la communication extra
financière, en mettant le focus sur l’état des lieux de ses pratiques déployées pour promouvoir
la réputation de l’entreprise à travers une étude exploratoire de la perception des acteurs
financiers de ces pratiques au Maroc.
Mots clés : Rapports extra-financiers, développement durable, parties prenantes, documents
extra-financiers, pressions réglementaires.
Abstract
1
Our last decade has been marked by considerable development in the publication of extra-
financial reports. Indeed, companies have realized that this information is part of a
communication tool to show themselves responsible in a context marked by a craze for
sustainable development. However, companies are under increasing regulatory pressure on
the one hand and moral pressure from their stakeholders on the other. This situation leads
them to transmit a responsible attitude and communicate through various extra-financial
documents. Our article aims to understand the receptivity of extra-financial communication,
by focusing on the inventory of practices deployed to promote the reputation of the company
through an exploratory study of the perception of financial actors of these practices at
Morocco.
Keywords: Extra-financial reports, sustainable development, stakeholders, extra-financial
documents, regulatory pressures.
Introduction
Dans un contexte post-crise ayant favoriséle développement et le renforcement du cadre
normatif et réglementaire dans plusieurs pays, de la forte augmentation des encours gérés par
les fonds ISR (Investissement socialement responsable) et de la pression croissante de la
société civile et des parties prenantes, une évolution considérable de la communication extra
financière a été constatée ces dernières années.
L’information financière ne suffit plus pour apprécier la performance d’une entreprise.Cette
performance est donc passée d’une sphère purement financière à une sphère extra financière.
Dès lors, les entreprises sont évaluées sur leurs performances globales qui prennent aussi bien
l’aspect financier que l’aspect environnemental, social, et de gouvernance.
C’est ainsi que les entreprises ont commencé à publier des informations allant au-delà des
informations financières pour satisfaire aussi bien les investisseurs que les autres parties
prenantes qui les considéraient comme insuffisantes pour les informer des efforts fournis par
l’entreprise en matière de responsabilité sociétale (Cherkaoui, 2019).
À partir des années 90, de nouveaux types de rapports ont vu le jour, des rapports extra
financiers considérant la gouvernance des organisations, leur impact sur l’environnement ou
encore leur responsabilité envers la société en général.
L’étude des pratiques de communication extra-financière des entreprises au Maroc n’a fait
l’objet que de rares travaux de recherche. Ces recherches se focalisent uniquement sur la
relation entre RSE et performance financière ou organisationnelle ou encore les pratiques de
GRH en relation avec la RSE. En effet, très peu de travaux au Maroc se sont penchés sur
l’explication de l’intérêt croissant pour la communication extra financière et de l’intégration
de critères ESG dans la stratégie de reporting des entreprises ainsi que la perception des
acteurs du marché financier vis-à-vis de ces critères.
Ainsi,dans quelle mesure les entreprises marocaines faisant appel public à l’épargne
intègrent-elles des dimensions extra-financières dans leur stratégie de reporting ?
- Quelles sont les pratiques de diffusion d’information extra financière des entreprises ?
- Quel est le niveau d’implication des entreprises en matière de communication extra
financière ?
- Quelle est la relation entre les entreprises et leurs parties prenantes au travers de la
communication extra-financière ?
2
- Comment cette prise en compte de divulgations extra financières est perçue par le
marché ?
La première partie reprend de manière dynamique, le cadre conceptuel et les appuisthéoriques
existants sur les thématiques d’information non financière et du reporting RSE.La deuxième
partie présentera les aspects méthodologiques de notre étude empirique et discutera nos
principaux résultats.
3
dernières directives publiées par la GRI datent de 2013 et sont intitulées « G4 ». La finalité
étant d’aider les organisations à réaliser des rapports de soutenabilité, convenables et
appropriés et de créer des standards de reporting de soutenabilité robustes et réfléchis. La GRI
propose des exemples d’initiatives volontaires, en matière d’environnement à titre d’exemple
pour tout ce qui est énergies, biodiversité, émissions… ou encore d’économie pour la
performance et l’impact économique, ou social pour tout ce qui est en relation avec l’emploi,
le travail, les droits de l’Homme, etc.
Au Maroc, l’autorité marocaine des marchés des capitaux (AMMC) a adopté un projet de
modification du livre III de sa circulaire relative à la communication financière des entreprises
faisant appel public à l’épargne (APE).L’objectif étant de rendre le reporting ESG une
obligation règlementaire. En s’inspirant des meilleures pratiques internationales en la matière,
l’AMMC cherche à promouvoir la culture de la RSE au niveau des entreprises faisant APE
au Maroc. Les entreprises seront désormais tenues de publier un rapport ESG
(Environnement, Social/Sociétal et Gouvernance). Ce guide contient deux parties : la
première présente les principes de reporting ESG et la deuxième développe le contenu du
rapport à publier.
Toutefois, une multitude de méthodes existent pour communiquer sur la RSE d’une
entreprise. Certaines sont plus difficiles à mettre en place que d’autres. Unestratégie bien
pensée pourrait avoir un impact très efficace pour l’entreprise, comme par exemple :
- La publicité : qui est généralement la mallette d’outils des entreprises pour
communiquer. Cependant, faire de la communication RSE par ce biais est laborieux.
En effet, le message doit être crédible et prouvable.
- Les rapports sociaux : qui sont très appréciés par les parties prenantes.Ils résument les
stratégies, les actions sociales et environnementales menées par l’entreprise au cours
d’une période. La rédaction d’un tel rapport permet à l’entreprise de se montrer
transparente sur son activité. De plus, elle renforce la confiance des parties prenantes à
son égard. Toutefois, le rapport ESG devient être la forme privilégiée de reporting et
de communication aux parties prenantes. Ledit rapport qui traite des différentes
questions ESG doit satisfaire un certain nombre d’exigences, pour bien remplir son
rôle. Ce dernier peut être préparé et publié séparément, ou intégré à un autre
document tel que le rapport annuel. Il est recommandé de le publier en même temps
que les publications annuelles afin de permettre aux investisseurs de mieux intégrer
l’analyse ESG à leur analyse financière. Il est aussi recommandé de le diffuser sur le
site web de l’entreprise pour en assurer une diffusion appropriée et un accès facile.
4
- La publication des résultats d’audit social : c’est un complément aux rapports sociaux.
Si ces derniers expriment l’activité sociale de l’entreprise (externe), l’audit social va
rendre compte des conditions internes (conditions de travail des salariés, etc.). L’audit
social va donc renforcer la transparence de l’entreprise, mais aussi, en rendant compte
des faiblesses qu’elle peut avoir, anticiper ou limiter des crises sociales.
5
dans les travaux d’Ansoff (1968). L’entreprise doit équilibrer les intérêts divergents de ses
acteurs afin de maintenir leur coopération et d’atteindre ses objectifs.
Désormais, la responsabilité des entreprises est passée d’une approche moniste privilégiant les
actionnaires dans la mesure où elle s’est limitée davantage à l’accroissement du profit en
créant de la valeur aux seules actionnaires, à une logique pluraliste prônant la création de
valeur partenariale c’est-à-dire pour l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise
notamment les clients, fournisseurs, salariés… il s’agit de passer d’une approche de la «
Shareholder Value », à une approche fondée sur la « Stakeholder Value » (Cherkaoui, 2016).
La théorie des parties prenantes a constitué un outil précieux pour de nombreuses recherches
concernant la responsabilité sociale des entreprises et la diffusion d'informations sociétales
visant à identifier les groupes vis-à-vis desquels l’entreprise exerce ses responsabilités et
trouver des solutions pour lutter contre certains dysfonctionnements.
6
2.4. Revue des travaux antérieurs
G. Birth et al. (2008) définissent la communication RSE comme une communication, conçue
et diffusée par l’entreprise, à l’attention de ses parties prenantes et de la société, et reposant
sur son investissement en matière de développement durable de ses activités. Pour B. Ven
(2008), une entreprise se doit de communiquer sur son implication en matière de RSE afin
d’éviter une différence entre la réalité de son investissement durable dans ses activités et la
perception qu’en ont les parties prenantes de l’entreprise. Dans ce sens, P. Capriotti et A.
Moreno (2007) soulignent que la communication RSE est intrinsèquement liée à l’action
durable. Elle permet de rendre connue la volonté d’une organisation d’aller au-delà des
priorités marchandes et économiques afin de renforcer ses relations avec les parties prenantes
et de maintenir un comportement privilégiant la transparence et l’éthique.
L’étude des pratiques de diffusion d’informations non financières porte généralement sur les
informations sociétales, environnementales, relatives à la gouvernance ou autres. L’analyse
permet de mettre en évidence les tendances et les caractéristiques relativesau contenu des
informations diffusées.
Du point de vue méthodologique, les études académiques proposent généralement une analyse
descriptive et explicative des pratiques de diffusion. Elles portent sur un pays ou un groupe de
pays, certaines proposant une comparaison entre pays ou groupes de pays. Concernant les
supports, les études antérieures privilégient pour l’analyse des pratiques des supports papiers
tels que le rapport annuel ou le rapport du développement durable ou encore les données
communiquées sur les sites web.
Quant aux études professionnelles, elles sont essentiellement descriptives et portent sur un
pays ou un groupe de pays. Le Tableau 1 résume les caractéristiques des études sur le thème.
Tableau n°1 : Caractéristiques des études de pratiques de diffusion
7
L’étude de Dejean et Oxibar (2010) porte sur les pratiques de communication sociétale du
groupe Péchiney, en analysant le contenu de ses rapports annuels, les résultats ressortent
l’absence de lien direct entre communications et pression du public. L’étude de Cowan et
Deegan, (2011) porte sur la mesure de la nature légitimiste de la diffusion volontaire
d’informations par les sociétés australiennes dans un contexte de changement réglementaire
lié à l’environnement. Elle a été réalisée sur la base de mesure des divulgations des rapports
annuels de 25 sociétés cotées, en analysant leur contenu avec un recensement des
informations volontaires en matière d’émission polluante.Les résultats ont montré que les
sociétés les plus polluantes divulguent davantage d’informations volontaires que les autres
entreprises.
Quant aux études s’inscrivant dans le cadre de la théorie des parties prenantes, elles ont suivi
deux orientations principales. Certaines étudient la diffusion d’information sociétale du côté
de l’émetteur et portentsur le rôle des parties prenantes dans le processus de diffusion ainsi
que sur le choix des supports de diffusion. Selon G. Birth et al. (2008 : 184), les thèmes
couverts par la RSE sont vastes. Ils peuvent englober « la mission, la vision et les valeurs de
l’entreprise, le climat de travail, le dialogue social, les droits de l’homme, l’implication dans
la société, le développement d’une économie locale, l’environnement, les relations avec le
marché et l’éthique ». En outre, la communication RSE serait génératrice de valeur à
différents égards. Néanmoins, B. Ven (2008) recommande aux entreprises de limiter leur
communication à l’utilisation de leur site internet et des rapports annuels développement
durable ; et cela afin de ne pas susciter d’attentes trop importantes de la part des parties
prenantes.
Un second groupe de travaux envisage cette diffusion, en se plaçant du côté des destinataires
de l’information sociétale et traite de son utilité pour les parties prenantes et des dispositifs
qu’elles mettent en œuvre pour s’approprier l’information diffusée.
L’étude réalisée par Moneva et Llena (2000) porte sur une analyse des divulgations
environnementales des grandes entreprises espagnoles.Elle a analyséles divulgations
environnementales à travers le contenu des rapports annuels de 70 sociétés industrielles
opérant dans des secteurs sensibles pour l’environnement.Les résultats montrent l’absence
d’une véritable volonté pour satisfaire les différentes parties prenantes sur cette période. Une
autre étude réalisée par Oxibar (2003) portant sur l’identification des déterminants des
pratiques de diffusion d’information sociétale d’un échantillon de 49 grandes entreprises
françaises cotées via l’analyse des rapports annuels et les sites internet, montre que les
informations publiées sont souvent littérales et plutôt positives ou neutres. L’information
publiée sur les sites est plus approfondie que dans les rapports annuels.
8
Pour ce qui est de l’identification de la perception des professionnels du marché financier
marocain de l’importance des critères ESG adoptés par les entreprises, nous avons choisi, à
l’instar de plusieurs chercheurs, tels que Thompson et Cowton (2004), Whitehouse (2006),
Saghroun et Eglem (2008), Hofmann et al. (2009), Belal et Roberts (2010)) de suivre une
démarche qualitative. À cet égard, l’outil d’investigation sélectionné porte sur les entretiens
semi-directifs.
АTTIJАRIWАFАBАNK BANQUE
BCP BANQUE
BMCE BАNK BANQUE
BMCI BANQUE
COSUMАR АGROАLIMENTАIRE
ITISSАLАTАLMАGHRIB MАTERIELS ET SERVICES
INFORMATIQUES
LАFАRGEHOLCIMMАROC BATIMENT ET CONSTRUCTION
LYDEC EАU, ÉLECTRICITE,
ASSAINISSEMENT, ECLАIRАGE
PUBLIC
MАNАGEM MINES
SMI MECАNIQUE INDUSTRIELLE
WАFААSUURАNCE АSSURАNCE
COLORАDO INDUSTRIE CHIMIQUE
LES EАUX MINERАLES INDUSTRIE DES BOISSONS
D’OULMES RАFRАICHISSАNTES
OCP MINES
SNEP CHIMIE
TАQА ÉLECTRICITE
Source : Top performers 2019, VIGÉO EIRIS
9
Profil des personnes interviewées
10
Chaque entretien a été axée sur un guide préparé au préalable portant sur les six thèmes
suivants:
- L’identification du répondant : il s’agit d’une prise de connaissance de la personne,
sa fonction, son expérience, son parcours et son ancienneté. Ainsi qu’une présentation
de l’entreprise pour laquelle elle exerce une fonction.
- L’état des lieux de la communication extra financière : il s’agit d’un aperçu de
l’état actuel de la situation ou de l’évolution de la communication extra financière au
Maroc, de savoir si toutes les entreprises communiquent, la fréquence de cette
communication, le contenu, les supports utilisés…
- Les enjeux de la communication extra financière : afin d’identifier les motivations,
et l’utilité de cette communication pour les entreprises.
- La réglementation actuelle appliquée : afin d’avoir une idée sur la perception du
marché des dispositifs règlementaires actuels.
- Les réticences et les freins perçus par cette communication extra financière : Il
s’agit de savoir si l’entreprise qui s’engage dans cette démarche de communication
extra financière aura un désavantage compétitif dans la mesure où cette démarche va
lui générer des coûts.
- Les principaux facteurs de communication extra financières :afin de savoir s’il
s’agit d’une obligation morale et/ou légale.
Critères Sous-catégories
Site web Présence de site web actualisé
Absence site web
Contenu du site web Rubrique communication financière uniquement
Rubrique communication financière + rubrique RSE
Mission du conseil Banques
Ensemble de la cote
Fréquences de réunions Réunion de conseil
Réunion du comité d’audit
Composition du conseil, Composition du conseil
administrateurs Biographie des administrateurs
indépendants Administrateurs indépendants
Politique en matière de Entreprises exposant le taux de féminisation
diversité Égalité homme femme sans exposition du taux de féminisation
Comités d’audit Composition
Missions et résumé d’activités
Droit des actionnaires Structure d’actionnariat
Catégories d’actions
Résultats des votes de l’Assemblée générale (AG)
Informations financières Publication des rapports des commissaires aux comptes
11
et non financières Facteur de risque
Rapport spécial RSE
Communication déontologie et éthique
Référentiel Entreprises indiquant le référentiel
Entreprises qui n’indiquent pas leur référentiel
Contribution à la Entreprises mentionnant leurs contributions en publiant indice
protection de ou investissement chiffré
L’environnement Entreprises mentionnant leurs contributions uniquement
Actions Réduction de la consommation de papier
environnementales Réduction des émissions de CO2
fréquentes Mise en place d’un plan d’économies d’énergie
Recyclage de produits et gestion de déchets
Actions Sociales Entreprises indiquant leurs actions sociales
Entreprises qui n’indiquent pas
Source : Élaboré par les auteurs
12
Rubriques Communication Financière et RSE
90 81,25 %
80
70
60
50
40
30
20 12,5 %
6,25 %
10
0
Rubrique financière Rubrique financière + Aucune
uniquement RSE
Missions du conseil
Banques;
Banques
44,44%
Ensemble ;
Ensemble
56,25%
13
Un conseil d’administration est un groupe de personnes qui représentent les intérêts des
actionnaires d’une entreprise. Les membres du conseil d’administration (administrateurs) sont
nommés par un comité et élus par les actionnaires.Le conseil d’administration d’une
entreprise définit les politiques et conseille l’équipe de direction sur la stratégie, la
rémunération des dirigeants, les dividendes, la gestion des ressources, la responsabilité sociale
et autres questions.
Les missions du conseil sont décrites dans le rapport annuel de 56.25% des sociétés (9
sociétés au total) dont 44.44% sont des banques (soit 4 banques). Quant à sa composition,
75% des sociétés la diffusent (dont 100% des banques) ; et seules 22% publient une
biographie de leurs administrateurs en spécifiant les fonctions de dirigeants au sein de la
société. Pour les administrateurs indépendants1, sont identifiés par 25% de sociétés, ce taux ne
reflète pas le taux des administrateurs indépendants sur l’ensemble des sociétés, mais
représente uniquement le degré de diffusion de l’information.
À compter d’avril 2020, les sociétés anonymes faisant appel public à l’épargne seront tenues
de nommer dans leurs organes d’administration (conseil d’administration ou conseil de
surveillance) des administrateurs indépendants. En introduisant cette fonction, le législateur
vise à améliorer la gouvernance des entreprises grâce à la liberté d’action et la compétence
dont dispose l’administrateur indépendant. Certes, cette fonction n’est pas totalement absente
de la vie des entreprises marocaines, mais elle reste très peu répandue. Seuls les
établissements de crédit sont tenus en vertu de l’article 35 de la loi bancaire de 2014, de
nommer des administrateurs indépendants dans leurs conseils d’administration
Comité d’audit
80
70
60
50
40 68,75 % 56,25 %
30
20
10
0
Composition du comité Missions et résumé
d'audit d'activité du comité
1
Un membre du Conseil indépendant est un membre libre d’intérêts et qui contribue, par sa compétence et sa
liberté de jugement, à la capacité du Conseil à exercer ses missions. Pour pouvoir être qualifié d’indépendant, le
membre du Conseil ne doit pas se trouver dans une situation susceptible d’altérer son indépendance de jugement
ou de le placer dans une situation de conflit d’intérêts réel ou potentiel. Le Code Afep-Medef précise que « par
administrateur indépendant, il faut entendre, non pas seulement administrateur non-exécutif c'est-à-dire
n'exerçant pas de fonctions de direction de la société ou de son groupe, mais encore dépourvu de liens d'intérêt
particulier (actionnaire significatif, salarié, autre) avec ceux-ci. ».
14
Les rapports annuels de 68.75% des sociétés de notre échantillon comportent une description
de la composition du comité d’audit et 56.25% des missions de ce dernier. Il est à noter que
ce résultat ne présente pas la proportion des sociétés qui mettent en place un comité d’audit.
Les sociétés publiant la fréquence de réunions du conseil et la fréquence de réunions des
comités représentent 31.25% et 37.5 % respectivement, majoritairement des banques soit
83.33% publiant les fréquences de réunions relatives au conseil et 66.67% publient la
fréquence de réunions relatives aux comités.
74
73
78,55 %
72
71
70
69
68
67
68,75 %
66
Structure de Résolutions de
l'actionnariat l'AG dans rapport
annuel
Facteurs de risques
60
50
40
30
20
50 %
10
37,5 %
0
Banques Ensemble
15
Chaque entreprise fait face à des risques qui pourraient représenter des menaces pour sa
réussite. 37.5% des sociétés communiquent sur les facteurs de risques significatifs dont la
moitié représente des banques. Pour les banques, la communication sur les risques est
systématiquement formalisée, en ligne avec les exigences de Bâle et les dispositions
réglementaires.
53
52
51
50
49 52%
48
47 48%
46
Contribution Contribution avec
investissement chiffré
16
atmosphériques et de gestion de déchets.Les deux banques BMCI et BMCE affichent leurs
contributions en matière de maîtrise des impacts environnementaux liés au transport et les
déplacements du personnel.
De la même façon, la maitrise de consommation d’énergie représente 75% des diffusions
environnementales du rapport annuel des entreprises de notre échantillon. BMCE,
MANAGEM, OCP, SMI, TAQA et LAFARGE sont considérées comme les forts diffuseurs
sur ce thème.
La définition de la stratégie environnementale est un thème très important.Seules les
entreprises BMCE, LAFARGE, SMI et MANAGEM qui communiquent explicitement sur
leurs stratégiesdéployées pour réduire leurs empreintes environnementales et corriger les
externalités négatives de leurs activités sur l’environnement.
La valorisationdes ressources humaines constitue le thème le plus récurrent des
communications observées. 75% des entreprises exposent explicitement leur politique en
matière de diversité, notamment la prévention des discriminations et la promotion de l’égalité
des genres et aussi la protection des catégories vulnérables2.Les banques BMCI, BMCE et
ATTIJARI lui accorde plus d’importance dans leurs rapports publiés.
En matière d’amélioration continue des conditions de santé et sécurité au travail, du respect
des droits humains fondamentaux et dela prévention des atteintes à ces droits, Maroc Telecom
(IAM)accorde plusd’attention à ces domaines d’actions RSE et y concentre ses diffusions
d’information.Cela s’explique par la forte exposition des salariés aux nouvelles technologies.
Intervenant dans un secteur pouvant jouer un rôle sur la santé, Maroc Telecom est vigilant en
matière de risques de la téléphonie mobile et de la radio fréquence sur la santé des
collaborateurs. Maroc télécom préserve la santé et la sécurité vis-à-vis de ces risques et prend
toutes les mesures appropriées afin d’assurer la sécurité et de protéger la santé des salariés.
Également de la société en général en respectantles limites internationales d’exposition du
public aux champs électromagnétiques.
Les informations ayant une relation avec la gouvernance de l’entreprise sont incontournables
et doivent être clairement communiquées avec l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise
afin de faire preuve de sa bonne gestion.
Prenons l’exemple du conseil d’administration, ses missions sont décrites dans le rapport
annuel de 56.25% sociétés, dont 44.44% sont des banques.Quant à la composition du conseil,
plus du tiers des entreprises diffusent les membres du conseil, dont 100% sont des banques.
Seules 22% publient une biographie de leurs administrateurs en spécifiant les fonctions de
dirigeants au sein de la société.
Les administrateurs indépendants sont identifiés par 25% de sociétés. Ce pourcentage reste
très faible, mais ne reflète pas le taux des administrateurs indépendants sur l’ensemble des
sociétés.Ilreprésente uniquement le degré de diffusion de l’information.Certaines sociétés
faisant APE ne publient pas cette information bien qu’elles aient effectivement des membres
indépendants au sein de leurs conseils. En vertu de la récente loi sur les sociétés anonymes SA
faisant APE à compter du mois d’avril 2020, les sociétés seront tenues de nommer dans leurs
organes d’administration (conseil d’administration ou conseil de surveillance) des
2
Cherkaoui et belgaid (2018) constatent que les labels et les certificats ne peuvent refléter la réalité des pratiques
managériales des entreprises. pour rapprocher le discours avec le « réel », une politique de diversité et de lutte
contre la discrimination mérite d’être considérée, non pas comme un effet de mode ou un simple acte de
philanthropie d’entreprise, mais doit être appréciée comme un axe central d’une démarche stratégique de RSE.
17
administrateurs indépendants. Cette démarche vise à améliorer la gouvernance des entreprises
grâce à la liberté d’action et la compétence dont dispose l’administrateur indépendant.
Pour conclure, le thème de la gouvernance est davantage considéré par les banques que les
autres sociétés des secteurs de l’industrie lourde.Ces entreprises industrielles se concentrent
plus sur le volet environnemental vu l’impact qu’elles peuvent présenter sur le climat et la
biodiversité.Les entreprises de télécommunications se focalisent encore plus sur les
dimensions sociale et sociétale prenant en compte les risques de leurs activités sur la santé des
employés et la société en général.
18
chance d’avoir des problèmes opérationnels liés à ces risques préalablement définis » ont—
ils expliqué.
4. Enseignements de l’étude
Le dispositif marocain contenu dans la modification du livre III de la circulaire de l’AMMC
s’inscrit en fait dans un chantier plus global qui vise à renforcer et à améliorer la gouvernance
des sociétés cotées. En effet, la loi 44-12 introduit le renforcement de la transparence à travers
l’information règlementée en termes de fréquence, contenus, délais et modalités de diffusion.
Elle améliore l’intégrité et la sécurité des opérations d’APE ainsi que la transparence du
marché en étoffant les obligations d’informations (publications d’indicateurs trimestriels, d’un
rapport financier complet au titre du 1er semestre et d’un rapport annuel plus étoffé, de
comptes consolidés ...). Elle fixe également les délais et les modalités de l’information
règlementée.
Elle introduit le reporting ESG qui va permettre à l’entreprise de démontrer la contribution
des actions RSE à la performance économique et financière. Ce reporting contiendra une
information sur l’organisation et le fonctionnement des organes de gouvernance (composition,
comités spécialisés, nombre de réunions, assiduité des membres, système d’évaluation du
Conseil).
La communication des entreprises sur leurs politiques et pratiques de RSE, vise à fonder des
représentations de l’entreprise et de ses responsabilités et asseoir la légitimité de leurs
dirigeants (Lamarche, 2009). Les entreprises marocaines faisant APE voient augmenter le
nombre d’acteurs extérieurs ou de parties prenantes qui influencent leurs objectifs et les
incitent à accroître leur communication institutionnelle (De la broise et Lamarche, 2006).
La théorie néo-institutionnelle (Dimaggio et Powell, 1991) nous conduit à appréhender la
prise en compte de sa responsabilité sociétale par l’entreprise et sa communication RSE
comme une réponse aux pressions institutionnelles. Les rapports RSE d’entreprises reflètent
leur environnement caractérisé par des règles et des exigences sociales et culturelles
auxquelles elles doivent se conformer afin de recevoir légitimité et support de leur
environnement. La TNI est un cadre théorique pertinent pour étudier comment la RSE est
diffusée ou adoptée comme réponse aux pressions institutionnelles. Les comportements
organisationnels sont des réponses à des contraintes institutionnelles provenant d’organes de
régulation (État ou instances professionnelles) et de la société en général (Klarsfeld et
Delpeuch. 2008). Au Maroc, la réglementation pousse les entreprises à communiquer toujours
plus sur les conséquences sociales, sociétales et environnementales de leur activité.
L’analyse de la pratique de diffusion d’information extra financière des entreprises de notre
échantillon montre qu’en termes de communication, les secteurs ne sont pas concernés par les
mêmes types d’informations.Chaque entreprise diffuse les informations qui lui semble
19
sensibles à son activité en tenant compte des spécificités de sonbusiness-model.Notre étude a
montré que les secteurs les plus communicants sont les banques et les entreprises
industrielles.
La fréquence de la publication est généralement annuelle, sauf pour quelques entreprises où
l’on constate que leurs derniers rapports de RSE ou DD datent de 2015 ou 2016.
Les informations ayant une relation avec la gouvernance sont prioritaires, considérées comme
les plus importantes renseignant sur la qualité de gestion de l’entreprise. Cela étant, les
entreprises industrielles se concentrent plus sur le volet environnemental vu l’impact qu’elles
présentent sur le climat et la biodiversité des écosystèmes environnementaux.
Les pratiques de communication financière et extra-financière des sociétés cotées à la Bourse
de Casablanca sont très contrastées. Certains groupes et grandes sociétés sont très avancés et
d’autres émetteurs publient le minimum des standards requis.La gestion du changement
devrait être pédagogique, progressive et les sociétés auront à privilégier des démarches visant
la simplification et la pertinence, à la fois grâce à un effort de concision des messages et de
sélection des indicateurs.
Conclusion
Pour les entreprises faisant APE, la communication de données extra-financières consiste à
partager avec le marché (actionnaires, investisseurs, analystes, agences de rating) et le grand
public des informations financières, sociales, sociétales, environnementales et de gouvernance
les concernant.Elle permet de répondre aux obligations réglementaires en matière de
transparence et de donner au marché, de manière volontaire ou sous contrainte, une meilleure
visibilité sur leurs activités et leurs perspectives de développement.
Le reporting RSE incarne une tendance de fond qui devrait se maintenir, voire s’accentuer
dans les années à venir. A travers une meilleure conscience des enjeux sociaux, sociétaux,
environnementaux et de gouvernance intégrée dans leur businessmodel.
L’objectif de cette recherche était de contribuer à l’analyse des pratiques de diffusion
d’information sociétale des entreprises marocaines afin de mesurer leur degré d’implication
en la matière. Cette analyse consiste, d’une part, à décrire ces pratiques et, d’autre part à avoir
une idée sur la perception du marché vis-à-vis de cette publication.Il apparaît que les
entreprises cotées sont plus visibles que les autres. Elles doivent dès lors rencontrer des
attentes supérieures émanant du public, des acteurs du marché financier et des parties
prenantes en général.
La communication RSE ne pourrait être crédible que si elle était co-construite, sincère, «
transparente », éco-conçue (en appliquant les engagements environnementaux au choix des
supports de communication) et reposant sur la présentation de faits et de résultats
compréhensibles (en évitant les chiffres vertigineux et les contenus inadaptés au grand
public), pertinents (répondant aux attentes des parties prenantes) et vérifiables.
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