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Du reporting de la performance globale à la stratégie de

reporting ESG : Pratiques des entreprises faisant appel


public à l’épargne au Maroc

Adil CHERKAOUI
Professeur Universitaire, Docteur ès Sciences de Gestion, à la Faculté des Sciences
Juridiques, Economiques et Sociales Ain Chock – Université Hassan II de Casablanca.
Consultant en RSE et membre fondateur du laboratoire de recherche LAREDDISSO. Auteur
de nombreuses publications et communications scientifiques autour de la RSE, la
gouvernance des entreprises et le management de la diversité en entreprise.
Cherkaoui.adil.casa@gmail.com

Zainab CHERKAOUI
Chercheuse en Sciences de Gestion,
Laboratoire Finance, Banque et Gestion des Risques,
Faculté des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales – Ain Chock
Université Hassan II de Casablanca, Maroc
Zainabcherkaoui13@gmail.com

Résumé
Notre dernière décennie a été marquée par une évolution considérable en matière de
publication des rapports extra financiers. En effet, les entreprises ont pris conscience que ces
informations relevaient d'un instrument de communication pour se montrer responsables dans
un contexte marqué par un engouement enversle développement durable. Cela étant, les
entreprises subissent d’une part des pressions réglementaires de plus en plus fortes et d’autre
part, une pression morale de la part de leurs parties prenantes. Cette situation les amène à
transmettre une attitude responsable et communiquent par le biais de différents documents
extra financiers.Notre article vise à appréhender la réceptivité de la communication extra
financière, en mettant le focus sur l’état des lieux de ses pratiques déployées pour promouvoir
la réputation de l’entreprise à travers une étude exploratoire de la perception des acteurs
financiers de ces pratiques au Maroc.
Mots clés : Rapports extra-financiers, développement durable, parties prenantes, documents
extra-financiers, pressions réglementaires.

Abstract

1
Our last decade has been marked by considerable development in the publication of extra-
financial reports. Indeed, companies have realized that this information is part of a
communication tool to show themselves responsible in a context marked by a craze for
sustainable development. However, companies are under increasing regulatory pressure on
the one hand and moral pressure from their stakeholders on the other. This situation leads
them to transmit a responsible attitude and communicate through various extra-financial
documents. Our article aims to understand the receptivity of extra-financial communication,
by focusing on the inventory of practices deployed to promote the reputation of the company
through an exploratory study of the perception of financial actors of these practices at
Morocco.
Keywords: Extra-financial reports, sustainable development, stakeholders, extra-financial
documents, regulatory pressures.

Introduction
Dans un contexte post-crise ayant favoriséle développement et le renforcement du cadre
normatif et réglementaire dans plusieurs pays, de la forte augmentation des encours gérés par
les fonds ISR (Investissement socialement responsable) et de la pression croissante de la
société civile et des parties prenantes, une évolution considérable de la communication extra
financière a été constatée ces dernières années.
L’information financière ne suffit plus pour apprécier la performance d’une entreprise.Cette
performance est donc passée d’une sphère purement financière à une sphère extra financière.
Dès lors, les entreprises sont évaluées sur leurs performances globales qui prennent aussi bien
l’aspect financier que l’aspect environnemental, social, et de gouvernance.
C’est ainsi que les entreprises ont commencé à publier des informations allant au-delà des
informations financières pour satisfaire aussi bien les investisseurs que les autres parties
prenantes qui les considéraient comme insuffisantes pour les informer des efforts fournis par
l’entreprise en matière de responsabilité sociétale (Cherkaoui, 2019).
À partir des années 90, de nouveaux types de rapports ont vu le jour, des rapports extra
financiers considérant la gouvernance des organisations, leur impact sur l’environnement ou
encore leur responsabilité envers la société en général.
L’étude des pratiques de communication extra-financière des entreprises au Maroc n’a fait
l’objet que de rares travaux de recherche. Ces recherches se focalisent uniquement sur la
relation entre RSE et performance financière ou organisationnelle ou encore les pratiques de
GRH en relation avec la RSE. En effet, très peu de travaux au Maroc se sont penchés sur
l’explication de l’intérêt croissant pour la communication extra financière et de l’intégration
de critères ESG dans la stratégie de reporting des entreprises ainsi que la perception des
acteurs du marché financier vis-à-vis de ces critères.
Ainsi,dans quelle mesure les entreprises marocaines faisant appel public à l’épargne
intègrent-elles des dimensions extra-financières dans leur stratégie de reporting ?
- Quelles sont les pratiques de diffusion d’information extra financière des entreprises ?
- Quel est le niveau d’implication des entreprises en matière de communication extra
financière ?
- Quelle est la relation entre les entreprises et leurs parties prenantes au travers de la
communication extra-financière ?

2
- Comment cette prise en compte de divulgations extra financières est perçue par le
marché ?
La première partie reprend de manière dynamique, le cadre conceptuel et les appuisthéoriques
existants sur les thématiques d’information non financière et du reporting RSE.La deuxième
partie présentera les aspects méthodologiques de notre étude empirique et discutera nos
principaux résultats.

1. Cadre conceptuel de la recherche


En abordant la performance extra-financière des entreprises, les concepts de Reporting extra
financier, d’information non financière, de RSE, de partie prenante ou de performance
globalesont souvent cités. Nous présenterons d’une manière assez détaillée l’ensemble de ces
concepts, afin d’examiner leur articulation.
Souvent, la performance était réduite uniquement à sa dimension financière.Elle permettait de
réaliser la rentabilité désirée par les actionnaires avec le chiffre d’affaires et la part de marché
qui préservaient la pérennité de l’entreprise.A partir du 20èmesiècle, la performance s’est
élargie afin de prendre en compte des dimensions autres que financières, telles que les
dimensions sociales et environnementales. Il s’agit désormais del’agrégation des
performances à la fois économiques, sociales et environnementales.
La responsabilité sociale ou sociétale est un concept qui désigne l’intégration volontaire, par
les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités
commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes. Depuis une cinquantaine
d’années, plusieurs chercheurs ont tenté de définir le concept de RSE sans pour autant aboutir
à un consensus, on peut retenir la définition de la RSE attribuée par Bowen (1953), le père
fondateur du concept dans son ouvrage « Responsibility of the business man » renvoyant
à« l’obligation de poursuivre les politiques, de prendre les décisions ou de suivre les
orientations désirables en termes d’objectifs et de valeurs de notre Société ».
Le concept de « partie prenante » n’a pas le même sens pour tous les auteurs, mais il est à
noter qu’elle a été véritablement popularisée par Freeman (1990) qui l’a défini comme étant :
« Un groupe d’individus, ou tout individu qui peut affecter ou être affecté par la réalisation
des objectifs organisationnels ». Le concept est un élément fondamental de la conception liée
à la RSE.En effet,l’engagementdu dialogue avec les parties prenantes et l’accomplissementde
la responsabilité sociétale devraient conduireaux attentes mutuelles.
L’information non financière correspond à une information non issue de la comptabilité qui
décrit les publications d’une entreprise se rapportant à des sujets autres que financiers, tels
que la RSE, la gouvernance d’entreprise, le capital intellectuel, l’environnement, etc.
Le reporting ESG est une forme de communication d’entreprise qui consiste à diffuser des
informations non financières afin de renforcer la transparenceau niveau de ses activités et de
son organisation.Les entreprises ont commencé à publier des informations allant au-delà des
informations financières pour satisfaire aussi bien les investisseurs que les autres parties
prenantes pour communiquer surles efforts réalisés en matière de RSE.
Quant au cadre normatif de la publication extra financière, une guideline internationale est
réputée pour être le plus développée.Il s’agitdes lignes directrices du global reporting
initiative (GRI).La GRI propose un référentiel d’indicateurs permettant de mesurer le niveau
d’avancement des programmes des entreprises en matière de développement durable. Les

3
dernières directives publiées par la GRI datent de 2013 et sont intitulées « G4 ». La finalité
étant d’aider les organisations à réaliser des rapports de soutenabilité, convenables et
appropriés et de créer des standards de reporting de soutenabilité robustes et réfléchis. La GRI
propose des exemples d’initiatives volontaires, en matière d’environnement à titre d’exemple
pour tout ce qui est énergies, biodiversité, émissions… ou encore d’économie pour la
performance et l’impact économique, ou social pour tout ce qui est en relation avec l’emploi,
le travail, les droits de l’Homme, etc.
Au Maroc, l’autorité marocaine des marchés des capitaux (AMMC) a adopté un projet de
modification du livre III de sa circulaire relative à la communication financière des entreprises
faisant appel public à l’épargne (APE).L’objectif étant de rendre le reporting ESG une
obligation règlementaire. En s’inspirant des meilleures pratiques internationales en la matière,
l’AMMC cherche à promouvoir la culture de la RSE au niveau des entreprises faisant APE
au Maroc. Les entreprises seront désormais tenues de publier un rapport ESG
(Environnement, Social/Sociétal et Gouvernance). Ce guide contient deux parties : la
première présente les principes de reporting ESG et la deuxième développe le contenu du
rapport à publier.
Toutefois, une multitude de méthodes existent pour communiquer sur la RSE d’une
entreprise. Certaines sont plus difficiles à mettre en place que d’autres. Unestratégie bien
pensée pourrait avoir un impact très efficace pour l’entreprise, comme par exemple :
- La publicité : qui est généralement la mallette d’outils des entreprises pour
communiquer. Cependant, faire de la communication RSE par ce biais est laborieux.
En effet, le message doit être crédible et prouvable.

- L’auto déclaration : C’est le fait que l’entreprise va auto-certifier une valeur, un


produit ou un procédé qu’elle a créé ou réalisé. Cette méthode n’est pas très utilisée,
car elle comporte quelques inconvénients: le message est vague et très général, et il est
difficile à faire croire,étant donné qu’il n’a pas été validé par un organisme de
contrôle. Utiliser cette méthode demande donc à l’entreprise d’être transparente.

- La communication événementielle : qui est considérée comme le meilleur moyen pour


communiquer sur des valeurs sociales et éthiques. Le parrainage, le mécénat, le
produit-partage ou encore les relations presse sont autant d’outils à envisager. lls
dépassent l’aspect marketing et sont en majorité très bien perçus par les publics
concernés.

- Les rapports sociaux : qui sont très appréciés par les parties prenantes.Ils résument les
stratégies, les actions sociales et environnementales menées par l’entreprise au cours
d’une période. La rédaction d’un tel rapport permet à l’entreprise de se montrer
transparente sur son activité. De plus, elle renforce la confiance des parties prenantes à
son égard. Toutefois, le rapport ESG devient être la forme privilégiée de reporting et
de communication aux parties prenantes. Ledit rapport qui traite des différentes
questions ESG doit satisfaire un certain nombre d’exigences, pour bien remplir son
rôle. Ce dernier peut être préparé et publié séparément, ou intégré à un autre
document tel que le rapport annuel. Il est recommandé de le publier en même temps
que les publications annuelles afin de permettre aux investisseurs de mieux intégrer
l’analyse ESG à leur analyse financière. Il est aussi recommandé de le diffuser sur le
site web de l’entreprise pour en assurer une diffusion appropriée et un accès facile.

4
- La publication des résultats d’audit social : c’est un complément aux rapports sociaux.
Si ces derniers expriment l’activité sociale de l’entreprise (externe), l’audit social va
rendre compte des conditions internes (conditions de travail des salariés, etc.). L’audit
social va donc renforcer la transparence de l’entreprise, mais aussi, en rendant compte
des faiblesses qu’elle peut avoir, anticiper ou limiter des crises sociales.

- La labellisation sociale : Encore peu utilisée aujourd’hui, du fait d’un manque de


définition universelle sur ses normes, codes de conduites et rapports certifiés. La
labellisation sociale serait un outil efficace. En s’inscrivant et recevant un label,
l’entreprise peut « prouver » la tenue de ses engagements et leurs validations par des
institutions agréées.

2. Cadre théorique de la recherche


Le cadre théorique de notre recherche fait appel à trois théories complémentaires pour
appréhender l’importance du reporting ESG dans une stratégie de communication des
entreprises. D’abord, la théorie néo-institutionnelle ou de légitimité qui appréhende la prise en
compte de la RSE et de la communication des critères ESG comme une réponse aux pressions
institutionnelles. Ensuite, la théorie des parties prenantes ayant élargi la vision de l’entreprise
en passant d’une logique actionnariale à une orientation partenariale.
Enfin, la théorie du signal qui part du constat que l’information est inégalement partagée au
même moment sur les marchés financiers et que l’asymétrie d’information est la règle
dominante. Dès lors, la diffusion de l’information va permettre une meilleure attractivité pour
l’entreprise.
Deux finalités majeures du reporting extra financier sont soulignées par les approches
théoriques de la RSE : d’une part, la RSE est considérée comme étant un instrument de
légitimation des entreprises et d’une autre part, il s’agit d’une demande aux dirigeants de
publier des informations fiables et utiles aux parties prenantes. La théorie des parties
prenantes éclaire l’influence de la communication extra-financière sur les parties prenantes
(PP) et détermine l’étendue de leur inclusion. Elle permet l’identification des PP les plus
saillantes de l’entreprise ainsi que les modalités de leur gestion. La relation avec les PP
détermine et explique l’engagement RSE de la plupart des entreprises. La diffusion d'un
rapport extra financier s'inscrit dans une réelle volonté de l'entreprise d'intégrer les intérêts des
différentes parties prenanteset de mieux assumer sa responsabilité sociétale.
De même, les pressions institutionnelles peuvent également comprendre l’engagement
responsable des entreprises qui cherchent, à travers la démarche de communication extra
financière, une légitimité vis-à-vis de la société et de l’environnement global dans lequel elles
opèrent et évoluent. C’est dans cette perspective que la théorie néo-institutionnelle apporte
des éléments pour comprendre les spécificités de l’appropriation des démarches de reporting
extra financier : éthique des dirigeants, valeurs, normes, règlementations et lois.

2.1. Théorie des Parties Prenantes


Selon Mercier (2001) l’origine de la théorie des parties prenantes remonte aux travaux de
Dold (1932) et Barnad (1938). Bien qu’elle a été repérée distinctement pour la première fois

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dans les travaux d’Ansoff (1968). L’entreprise doit équilibrer les intérêts divergents de ses
acteurs afin de maintenir leur coopération et d’atteindre ses objectifs.
Désormais, la responsabilité des entreprises est passée d’une approche moniste privilégiant les
actionnaires dans la mesure où elle s’est limitée davantage à l’accroissement du profit en
créant de la valeur aux seules actionnaires, à une logique pluraliste prônant la création de
valeur partenariale c’est-à-dire pour l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise
notamment les clients, fournisseurs, salariés… il s’agit de passer d’une approche de la «
Shareholder Value », à une approche fondée sur la « Stakeholder Value » (Cherkaoui, 2016).
La théorie des parties prenantes a constitué un outil précieux pour de nombreuses recherches
concernant la responsabilité sociale des entreprises et la diffusion d'informations sociétales
visant à identifier les groupes vis-à-vis desquels l’entreprise exerce ses responsabilités et
trouver des solutions pour lutter contre certains dysfonctionnements.

2.2. Théorie néo-institutionnelle


Les pressions exercées par les parties prenantes ne sont pas les seules à organiser la vie de la
société.Lapression légale ou réglementaire pèse également sur les entreprises. En effet, la
théorie néo-institutionnelleappréhende la prise en compte de la RSE et la communication des
critères extra financiers comme une réponse aux pressions institutionnelles. La réglementation
incite les entreprises à diffuser et à communiquer sur les conséquences sociales, sociétales et
environnementales de leurs activités. Les rapports extra-financiers reflètent les pressions
institutionnelles (attentes de PP, normes, législation) auxquelles elles doivent se conformer
afin de recevoir de la légitimité et du support de leur environnement.
Selon Suchman (1995) : « La légitimité peut être définie comme le fait de percevoir que les
actions d’une entité sont désirables, convenables ou appropriées au sein d’un système
socialement construit de normes, de valeurs, de croyances et de définitions ». Ceci dit,
l’engagement dans une démarche de communication extra-financière aura pour but la
satisfaction des diverses attentes de la société civile et s’attachera en particulier à apporter une
réponse aux groupes d’acteurs pouvant influer le devenir de l’entreprise.

2.3. Théorie du signal


La théorie du signal part du constat que l’information est inégalement partagée au même
moment et que l’asymétrie d’information est la règle sur les marchés des capitaux. Ceci dit, la
mise en œuvre d’une politique de communication efficace sur la RSE par les entreprises
constitue un impératif. En effet, la mise en place d’une démarche de communication à ce sujet
montre que les entreprisestransmettent des signaux au marché afin de renforcer leurs
attractivités. L’information est un élément très important pour le marché boursier avec la
montée en puissance des investissements socialement responsables, les informations
concernant la RSE sont prises en considération par les différentes parties prenantes
notamment les investisseurs.Ces informations RSE impactent la valorisation boursière et
donnent une impression générale de l’entreprise.
En effet et conformément à la théorie du signal, les rapports annuels obligatoires ou
volontaires dédiés à la RSE ont pour objectif de réduire l’asymétrie d’information entre les
parties prenantes et les dirigeants. Ils permettent aux dirigeants de mettre en œuvre des
stratégies de justification et d’éviter les contrôles des parties prenantes. Sans oublierles
actionsréglementaires contraignantes des régulateurs (Oxibar, 2003).

6
2.4. Revue des travaux antérieurs
G. Birth et al. (2008) définissent la communication RSE comme une communication, conçue
et diffusée par l’entreprise, à l’attention de ses parties prenantes et de la société, et reposant
sur son investissement en matière de développement durable de ses activités. Pour B. Ven
(2008), une entreprise se doit de communiquer sur son implication en matière de RSE afin
d’éviter une différence entre la réalité de son investissement durable dans ses activités et la
perception qu’en ont les parties prenantes de l’entreprise. Dans ce sens, P. Capriotti et A.
Moreno (2007) soulignent que la communication RSE est intrinsèquement liée à l’action
durable. Elle permet de rendre connue la volonté d’une organisation d’aller au-delà des
priorités marchandes et économiques afin de renforcer ses relations avec les parties prenantes
et de maintenir un comportement privilégiant la transparence et l’éthique.
L’étude des pratiques de diffusion d’informations non financières porte généralement sur les
informations sociétales, environnementales, relatives à la gouvernance ou autres. L’analyse
permet de mettre en évidence les tendances et les caractéristiques relativesau contenu des
informations diffusées.
Du point de vue méthodologique, les études académiques proposent généralement une analyse
descriptive et explicative des pratiques de diffusion. Elles portent sur un pays ou un groupe de
pays, certaines proposant une comparaison entre pays ou groupes de pays. Concernant les
supports, les études antérieures privilégient pour l’analyse des pratiques des supports papiers
tels que le rapport annuel ou le rapport du développement durable ou encore les données
communiquées sur les sites web.
Quant aux études professionnelles, elles sont essentiellement descriptives et portent sur un
pays ou un groupe de pays. Le Tableau 1 résume les caractéristiques des études sur le thème.
Tableau n°1 : Caractéristiques des études de pratiques de diffusion

Type Objet Information Analysée Support de Terrain Période de


diffusion diffusion
Académ Descriptif -Information non -Rapport annuel - Un pays Une année
ique ou financière(RSE) -Rapport de Ou plusieurs ou plus
Explicatif -Capital humain développement pays avec
-Gouvernance durable comparaison
-Site Web
Professi Descriptif -Information non -Rapport annuel - Un pays Une année
onnelle financière -Rapport de ou plus
développement
durable
-Autres

Source : Élaboré par les auteurs

Un groupe d’études met en relation la diffusion d’information sociétale et la pression du


public. Ces études se fondent sur l’hypothèse d’une diffusion d’information sociétale en
réponse aux pressions du public et tentent d’établir des corrélations entre ces deux
dimensions. Les recherches diffèrent, sur le plan méthodologique, quant à l’évaluation de la
variable de pression du public.

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L’étude de Dejean et Oxibar (2010) porte sur les pratiques de communication sociétale du
groupe Péchiney, en analysant le contenu de ses rapports annuels, les résultats ressortent
l’absence de lien direct entre communications et pression du public. L’étude de Cowan et
Deegan, (2011) porte sur la mesure de la nature légitimiste de la diffusion volontaire
d’informations par les sociétés australiennes dans un contexte de changement réglementaire
lié à l’environnement. Elle a été réalisée sur la base de mesure des divulgations des rapports
annuels de 25 sociétés cotées, en analysant leur contenu avec un recensement des
informations volontaires en matière d’émission polluante.Les résultats ont montré que les
sociétés les plus polluantes divulguent davantage d’informations volontaires que les autres
entreprises.
Quant aux études s’inscrivant dans le cadre de la théorie des parties prenantes, elles ont suivi
deux orientations principales. Certaines étudient la diffusion d’information sociétale du côté
de l’émetteur et portentsur le rôle des parties prenantes dans le processus de diffusion ainsi
que sur le choix des supports de diffusion. Selon G. Birth et al. (2008 : 184), les thèmes
couverts par la RSE sont vastes. Ils peuvent englober « la mission, la vision et les valeurs de
l’entreprise, le climat de travail, le dialogue social, les droits de l’homme, l’implication dans
la société, le développement d’une économie locale, l’environnement, les relations avec le
marché et l’éthique ». En outre, la communication RSE serait génératrice de valeur à
différents égards. Néanmoins, B. Ven (2008) recommande aux entreprises de limiter leur
communication à l’utilisation de leur site internet et des rapports annuels développement
durable ; et cela afin de ne pas susciter d’attentes trop importantes de la part des parties
prenantes.
Un second groupe de travaux envisage cette diffusion, en se plaçant du côté des destinataires
de l’information sociétale et traite de son utilité pour les parties prenantes et des dispositifs
qu’elles mettent en œuvre pour s’approprier l’information diffusée.
L’étude réalisée par Moneva et Llena (2000) porte sur une analyse des divulgations
environnementales des grandes entreprises espagnoles.Elle a analyséles divulgations
environnementales à travers le contenu des rapports annuels de 70 sociétés industrielles
opérant dans des secteurs sensibles pour l’environnement.Les résultats montrent l’absence
d’une véritable volonté pour satisfaire les différentes parties prenantes sur cette période. Une
autre étude réalisée par Oxibar (2003) portant sur l’identification des déterminants des
pratiques de diffusion d’information sociétale d’un échantillon de 49 grandes entreprises
françaises cotées via l’analyse des rapports annuels et les sites internet, montre que les
informations publiées sont souvent littérales et plutôt positives ou neutres. L’information
publiée sur les sites est plus approfondie que dans les rapports annuels.

3. Présentation et principaux résultats de l’étude


3.1. Méthodologie de l’étude
Le présent travail est de nature exploratoire permettant de décrire la réalité du phénomène
étudié. Afin d’évaluer le degré d’intégration de critères ESG dans la stratégie de reporting des
entreprises, nous avons choisi à l’instar de l’étude qui a été effectuée par l’institut marocain
des administrateurs (IMA) de suivre une démarche qualitative qui porte sur une analyse de
données secondaires pour analyser la diffusion des informations non financières appliquée par
les sociétés faisant appel public à l’épargne. L’objectif étant de dresser un état des lieux de ce
que les sociétés divulguent volontairement, dans un effort de transparence vis-à-vis de leurs
parties prenantes.

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Pour ce qui est de l’identification de la perception des professionnels du marché financier
marocain de l’importance des critères ESG adoptés par les entreprises, nous avons choisi, à
l’instar de plusieurs chercheurs, tels que Thompson et Cowton (2004), Whitehouse (2006),
Saghroun et Eglem (2008), Hofmann et al. (2009), Belal et Roberts (2010)) de suivre une
démarche qualitative. À cet égard, l’outil d’investigation sélectionné porte sur les entretiens
semi-directifs.

- L’échantillon de l’étude de données secondaires :


Nous avons choisi 16 entreprises cotées ou faisant appel public à l’épargne réparties en
plusieurs secteurs et classées « top performants » par Vigéo, et ayant obtenu les meilleurs
ratings au sujet de la maitrise de leurs risques de durabilité.

Tableau n°2 : Secteurs des groupes ciblés


RAISON SOCIALE SECTEUR D’ACTIVITE

АTTIJАRIWАFАBАNK BANQUE
BCP BANQUE
BMCE BАNK BANQUE
BMCI BANQUE
COSUMАR АGROАLIMENTАIRE
ITISSАLАTАLMАGHRIB MАTERIELS ET SERVICES
INFORMATIQUES
LАFАRGEHOLCIMMАROC BATIMENT ET CONSTRUCTION
LYDEC EАU, ÉLECTRICITE,
ASSAINISSEMENT, ECLАIRАGE
PUBLIC
MАNАGEM MINES
SMI MECАNIQUE INDUSTRIELLE
WАFААSUURАNCE АSSURАNCE
COLORАDO INDUSTRIE CHIMIQUE
LES EАUX MINERАLES INDUSTRIE DES BOISSONS
D’OULMES RАFRАICHISSАNTES
OCP MINES
SNEP CHIMIE
TАQА ÉLECTRICITE
Source : Top performers 2019, VIGÉO EIRIS

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Profil des personnes interviewées

Tableau n°3 : Caractéristiques de l’entretien

Fonction de Lieu de Niveau Type d’entretien Durée


l’interviewé travail d’expér
ience
Analyste RSE et VIGEO EIRIS 2 ans Face à face 27 minutes
financier
Directeur du pôle- DECLIC 7 ans Face à face 35 minutes
conseil RSE CONSEIL
Consultant en RSE SVP 25 ans Conversation 28 minutes
CONSULTIN téléphonique
G
PDG CAPTAIN 10 ans Face à face 35 minutes
BROWNIE
Analyste financier PWC 2 ans Face à face 27 minutes
Consultant en RSE AREFBK 3 ans Face à face 30 minutes
Analyste financier OCP 4 ans Face à face 34 minutes
Source : Élaboré par les auteurs

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Chaque entretien a été axée sur un guide préparé au préalable portant sur les six thèmes
suivants:
- L’identification du répondant : il s’agit d’une prise de connaissance de la personne,
sa fonction, son expérience, son parcours et son ancienneté. Ainsi qu’une présentation
de l’entreprise pour laquelle elle exerce une fonction.
- L’état des lieux de la communication extra financière : il s’agit d’un aperçu de
l’état actuel de la situation ou de l’évolution de la communication extra financière au
Maroc, de savoir si toutes les entreprises communiquent, la fréquence de cette
communication, le contenu, les supports utilisés…
- Les enjeux de la communication extra financière : afin d’identifier les motivations,
et l’utilité de cette communication pour les entreprises.
- La réglementation actuelle appliquée : afin d’avoir une idée sur la perception du
marché des dispositifs règlementaires actuels.
- Les réticences et les freins perçus par cette communication extra financière : Il
s’agit de savoir si l’entreprise qui s’engage dans cette démarche de communication
extra financière aura un désavantage compétitif dans la mesure où cette démarche va
lui générer des coûts.
- Les principaux facteurs de communication extra financières :afin de savoir s’il
s’agit d’une obligation morale et/ou légale.

3.2. Résultats et discussions


À l’issue des travaux antérieurs, il est apparu nécessaire de remodeler une liste composée de
certains critères avec leurs sous-catégories ;

Tableau n°4 : Choix des critères

Critères Sous-catégories
Site web Présence de site web actualisé
Absence site web
Contenu du site web Rubrique communication financière uniquement
Rubrique communication financière + rubrique RSE
Mission du conseil Banques
Ensemble de la cote
Fréquences de réunions Réunion de conseil
Réunion du comité d’audit
Composition du conseil, Composition du conseil
administrateurs Biographie des administrateurs
indépendants Administrateurs indépendants
Politique en matière de Entreprises exposant le taux de féminisation
diversité Égalité homme femme sans exposition du taux de féminisation
Comités d’audit Composition
Missions et résumé d’activités
Droit des actionnaires Structure d’actionnariat
Catégories d’actions
Résultats des votes de l’Assemblée générale (AG)
Informations financières Publication des rapports des commissaires aux comptes

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et non financières Facteur de risque
Rapport spécial RSE
Communication déontologie et éthique
Référentiel Entreprises indiquant le référentiel
Entreprises qui n’indiquent pas leur référentiel
Contribution à la Entreprises mentionnant leurs contributions en publiant indice
protection de ou investissement chiffré
L’environnement Entreprises mentionnant leurs contributions uniquement
Actions Réduction de la consommation de papier
environnementales Réduction des émissions de CO2
fréquentes Mise en place d’un plan d’économies d’énergie
Recyclage de produits et gestion de déchets
Actions Sociales Entreprises indiquant leurs actions sociales
Entreprises qui n’indiquent pas
Source : Élaboré par les auteurs

3.2.1. Résultats de l’analyse de données secondaires


Site web

Figure n°1: Site web fonctionnel et actualisé


Le site web est un vecteur de communication incontournable. Son utilisation est pratique et
permet une large diffusion de l’information financière et extra-financière. Il est un véritable
atout pour les entreprises qui souhaitent communiquer sur leur performance extra financière.
Raison pour laquelle, la majorité des entreprises de notre échantillon disposent d’un site web
actualisé et opérationnel 24h /24h, soit un taux de 87%. Il est à noter que pour les entreprises
ayant un site non opérationnel ou non actualisé sont considérées sans site web.

12
Rubriques Communication Financière et RSE

90 81,25 %
80

70

60

50

40

30

20 12,5 %
6,25 %
10

0
Rubrique financière Rubrique financière + Aucune
uniquement RSE

Figure n°2 : Contenu du site web : Communication Financière et RSE


La rubrique est un titre qui informe sur les sujets traités régulièrement, les entreprises
disposant d’une rubrique de communication financière, RSE ou DD dans leurs sites web
publient régulièrement des informations en la matière.L’importance de ces rubriques est
qu’elles facilitent la tâche aux lecteurs d’aller droit au but. Parmi les entreprises ayant un site
web actualisé, 6.25% ont une rubrique dédiée uniquement à la communication financière et
81.25% ont les deux rubriques communication financière et de RSE.
Toutefois, 56.25% (soit 9 sociétés) publient un rapport spécial RSE ou DD, distinct du rapport
annuel de gestion.Quatre de ces sociétés ne publient plus depuis au moins 3ans et se
contentent d’intégrer certaines informations sur leur responsabilité sociétale et
environnementale dans leurs rapports annuels.

Missions du conseil

Banques;
Banques
44,44%

Ensemble ;
Ensemble
56,25%

0,00% 10,00% 20,00% 30,00% 40,00% 50,00% 60,00%

Figure n°3: Missions du conseil

13
Un conseil d’administration est un groupe de personnes qui représentent les intérêts des
actionnaires d’une entreprise. Les membres du conseil d’administration (administrateurs) sont
nommés par un comité et élus par les actionnaires.Le conseil d’administration d’une
entreprise définit les politiques et conseille l’équipe de direction sur la stratégie, la
rémunération des dirigeants, les dividendes, la gestion des ressources, la responsabilité sociale
et autres questions.
Les missions du conseil sont décrites dans le rapport annuel de 56.25% des sociétés (9
sociétés au total) dont 44.44% sont des banques (soit 4 banques). Quant à sa composition,
75% des sociétés la diffusent (dont 100% des banques) ; et seules 22% publient une
biographie de leurs administrateurs en spécifiant les fonctions de dirigeants au sein de la
société. Pour les administrateurs indépendants1, sont identifiés par 25% de sociétés, ce taux ne
reflète pas le taux des administrateurs indépendants sur l’ensemble des sociétés, mais
représente uniquement le degré de diffusion de l’information.
À compter d’avril 2020, les sociétés anonymes faisant appel public à l’épargne seront tenues
de nommer dans leurs organes d’administration (conseil d’administration ou conseil de
surveillance) des administrateurs indépendants. En introduisant cette fonction, le législateur
vise à améliorer la gouvernance des entreprises grâce à la liberté d’action et la compétence
dont dispose l’administrateur indépendant. Certes, cette fonction n’est pas totalement absente
de la vie des entreprises marocaines, mais elle reste très peu répandue. Seuls les
établissements de crédit sont tenus en vertu de l’article 35 de la loi bancaire de 2014, de
nommer des administrateurs indépendants dans leurs conseils d’administration

Comité d’audit
80
70
60
50
40 68,75 % 56,25 %
30
20
10
0
Composition du comité Missions et résumé
d'audit d'activité du comité

Figure n°4 : Comité d’audit

1
Un membre du Conseil indépendant est un membre libre d’intérêts et qui contribue, par sa compétence et sa
liberté de jugement, à la capacité du Conseil à exercer ses missions. Pour pouvoir être qualifié d’indépendant, le
membre du Conseil ne doit pas se trouver dans une situation susceptible d’altérer son indépendance de jugement
ou de le placer dans une situation de conflit d’intérêts réel ou potentiel. Le Code Afep-Medef précise que « par
administrateur indépendant, il faut entendre, non pas seulement administrateur non-exécutif c'est-à-dire
n'exerçant pas de fonctions de direction de la société ou de son groupe, mais encore dépourvu de liens d'intérêt
particulier (actionnaire significatif, salarié, autre) avec ceux-ci. ».

14
Les rapports annuels de 68.75% des sociétés de notre échantillon comportent une description
de la composition du comité d’audit et 56.25% des missions de ce dernier. Il est à noter que
ce résultat ne présente pas la proportion des sociétés qui mettent en place un comité d’audit.
Les sociétés publiant la fréquence de réunions du conseil et la fréquence de réunions des
comités représentent 31.25% et 37.5 % respectivement, majoritairement des banques soit
83.33% publiant les fréquences de réunions relatives au conseil et 66.67% publient la
fréquence de réunions relatives aux comités.

Droit des actionnaires

74
73
78,55 %
72
71
70
69
68
67
68,75 %
66
Structure de Résolutions de
l'actionnariat l'AG dans rapport
annuel

Figure n°5 : Droit des actionnaires


Plus des deux tiers des entreprises exposent l’information relative à la structure de
l’actionnariat sur les sites web et les rapports annuels d’activité. Le nombre d’entreprises qui
publient dans leur rapport annuel et/ou dans un guide de l’actionnaire, les catégories d’actions
est insignifiant. 68.75% des sociétés publient les résolutions de l’assemblée générale ordinaire
dans leur rapport annuel, majoritairement des banques.

Facteurs de risques

60

50

40

30

20
50 %
10
37,5 %
0
Banques Ensemble

Figure n°6 : Facteurs de risque

15
Chaque entreprise fait face à des risques qui pourraient représenter des menaces pour sa
réussite. 37.5% des sociétés communiquent sur les facteurs de risques significatifs dont la
moitié représente des banques. Pour les banques, la communication sur les risques est
systématiquement formalisée, en ligne avec les exigences de Bâle et les dispositions
réglementaires.

Contribution à la protection d’environnement

53

52

51

50

49 52%

48

47 48%
46
Contribution Contribution avec
investissement chiffré

Figure n°7 : Investissements en matière de protection d’environnement


Alors que 48 % des entreprises se montrent responsables avec leurs différentes contributions
environnementales, 52% appuient leur engagement en contribuant à la protection de
l’environnement en communiquant leurs investissements qui sont en relation avec
l’environnement. Selon notre analyse, il ressort que 18.75% d’entreprise sont vigilantes en
matière de leurs consommations de papier. 68.75% d’entreprises fournissent des efforts
considérables en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. On y retrouve les
entreprises qui opèrent dans les secteurs d’industrie lourde, telles qu’OCP,
MANAGEM,LAFARGE, TAQA,etc. 75% d’entreprises communiquent sur leurs stratégies de
réduction de consommation d’énergie. Toutefois, 62.5% de l’échantillon d’entreprises
réduisent leurs déchets : allant des déchets papier de banques par exemple, aux déchets
industriels des grandes entreprises industrielles, telle que la LYDEC, etc..
À l’instar de l’analyse de données secondaires que nous avons effectuée sur la base des
rapports annuels et/ou des sites web des entreprises, cette partie sera consacrée à une analyse
générale et une comparaison des différentes pratiques communiquées.
Ainsi, la contribution à la protection de l’environnementconstitue un thème central de
diffusion d’informations environnementales à travers le rapport annuel RSE/DD ou intégré.
48% des entreprises présentent leurs contributions en matière de protection environnementale
et 52% appuient cette contribution avec des chiffres en exposant leurs investissements en la
matière sur les rapports publiés.
Pour d’autres entreprises, considérées comme « forts diffuseurs» d’information
environnementale, le thème de la pollution occupe une place prépondérante. L’OCP et la
LYDEC par exemple consacrent la majorité de leurs diffusions environnementales aux efforts
réalisés en matière de réduction des émissions polluantes, de réduction des émissions

16
atmosphériques et de gestion de déchets.Les deux banques BMCI et BMCE affichent leurs
contributions en matière de maîtrise des impacts environnementaux liés au transport et les
déplacements du personnel.
De la même façon, la maitrise de consommation d’énergie représente 75% des diffusions
environnementales du rapport annuel des entreprises de notre échantillon. BMCE,
MANAGEM, OCP, SMI, TAQA et LAFARGE sont considérées comme les forts diffuseurs
sur ce thème.
La définition de la stratégie environnementale est un thème très important.Seules les
entreprises BMCE, LAFARGE, SMI et MANAGEM qui communiquent explicitement sur
leurs stratégiesdéployées pour réduire leurs empreintes environnementales et corriger les
externalités négatives de leurs activités sur l’environnement.
La valorisationdes ressources humaines constitue le thème le plus récurrent des
communications observées. 75% des entreprises exposent explicitement leur politique en
matière de diversité, notamment la prévention des discriminations et la promotion de l’égalité
des genres et aussi la protection des catégories vulnérables2.Les banques BMCI, BMCE et
ATTIJARI lui accorde plus d’importance dans leurs rapports publiés.
En matière d’amélioration continue des conditions de santé et sécurité au travail, du respect
des droits humains fondamentaux et dela prévention des atteintes à ces droits, Maroc Telecom
(IAM)accorde plusd’attention à ces domaines d’actions RSE et y concentre ses diffusions
d’information.Cela s’explique par la forte exposition des salariés aux nouvelles technologies.
Intervenant dans un secteur pouvant jouer un rôle sur la santé, Maroc Telecom est vigilant en
matière de risques de la téléphonie mobile et de la radio fréquence sur la santé des
collaborateurs. Maroc télécom préserve la santé et la sécurité vis-à-vis de ces risques et prend
toutes les mesures appropriées afin d’assurer la sécurité et de protéger la santé des salariés.
Également de la société en général en respectantles limites internationales d’exposition du
public aux champs électromagnétiques.
Les informations ayant une relation avec la gouvernance de l’entreprise sont incontournables
et doivent être clairement communiquées avec l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise
afin de faire preuve de sa bonne gestion.
Prenons l’exemple du conseil d’administration, ses missions sont décrites dans le rapport
annuel de 56.25% sociétés, dont 44.44% sont des banques.Quant à la composition du conseil,
plus du tiers des entreprises diffusent les membres du conseil, dont 100% sont des banques.
Seules 22% publient une biographie de leurs administrateurs en spécifiant les fonctions de
dirigeants au sein de la société.
Les administrateurs indépendants sont identifiés par 25% de sociétés. Ce pourcentage reste
très faible, mais ne reflète pas le taux des administrateurs indépendants sur l’ensemble des
sociétés.Ilreprésente uniquement le degré de diffusion de l’information.Certaines sociétés
faisant APE ne publient pas cette information bien qu’elles aient effectivement des membres
indépendants au sein de leurs conseils. En vertu de la récente loi sur les sociétés anonymes SA
faisant APE à compter du mois d’avril 2020, les sociétés seront tenues de nommer dans leurs
organes d’administration (conseil d’administration ou conseil de surveillance) des

2
Cherkaoui et belgaid (2018) constatent que les labels et les certificats ne peuvent refléter la réalité des pratiques
managériales des entreprises. pour rapprocher le discours avec le « réel », une politique de diversité et de lutte
contre la discrimination mérite d’être considérée, non pas comme un effet de mode ou un simple acte de
philanthropie d’entreprise, mais doit être appréciée comme un axe central d’une démarche stratégique de RSE.

17
administrateurs indépendants. Cette démarche vise à améliorer la gouvernance des entreprises
grâce à la liberté d’action et la compétence dont dispose l’administrateur indépendant.
Pour conclure, le thème de la gouvernance est davantage considéré par les banques que les
autres sociétés des secteurs de l’industrie lourde.Ces entreprises industrielles se concentrent
plus sur le volet environnemental vu l’impact qu’elles peuvent présenter sur le climat et la
biodiversité.Les entreprises de télécommunications se focalisent encore plus sur les
dimensions sociale et sociétale prenant en compte les risques de leurs activités sur la santé des
employés et la société en général.

3.2.2. Synthèse des interviews


- L’état des lieux de la communication extra financière
Selon nos répondants, la pratique de la communication extra financière des entreprises
marocaines est omniprésente. « Le niveau de publication sur les critères non financiers est
très faible et encore en retard en comparaison avec les entreprises à l’échelle mondiale, qui
maitrisent l’exercice et qui communiquent en profondeur sur leurs pratiques ». D’après ces
acteurs, les secteurs les plus communicants sont les banques et les entreprises industriellesvu
qu’elles ont un grand impact sur l'environnement et sur la santé des employés.Quant à la
fréquence de diffusion,ces entreprises partagent les données extra financières sur leur site
web, régulièrement à la fin de l’année fiscale sur leur rapport annuel intégré.

- Les enjeux de la communication extra financière


La quasi-totalité de nos répondants ont confirmé que cette démarche peut contribuer
positivement à générer un surplus ou une valorisation boursière surtout avec la montée en
puissance des ISR au Maroc.Selon un interviewé,« l’intérêt de la démarche peut aller au-
delà de tout ce qui est boursier, car il y a d’autres indicateurs par exemple les prêts ou les
crédits qui sont destinés à des projets responsables à impacts environnemental ou social ».
« lorsqu’on a des performances extra financières, on présente des dossiers plus forts et donc
on est plus susceptibles d’avoir ce financement ». L’un de nos répondants considère toutefois
que « l’objectif n’est pas l’information, mais plutôt le marketing, afin de booster leur image et
leur réputation ».

- La réglementation actuelle appliquée


Selon les répondants, le cadre réglementaire pour la publication d’informations extra
financière au Maroc reste très faible, « malgré la préconisation qui a été faite suite à la
publication d’un guide par l’AMMC qui on peut dire « oblige » ou « incite » les entreprises
faisant APE à publier des indicateurs relatifs à leurs performances extra financière ». Ils
mettent l’accent sur l’importance du contrôle réglementaire pour inciter les entreprises faisant
APE à tenir un reporting ESG intégré et dynamique. « tant qu’il n’y pas de sanction,il n’y
aurait pas de conformité » expliquent-ils.

- Les réticences et freins perçus par cette communication extra financière


Il s’avère que l’engagement des entreprises dans une démarche de communication extra
financière génère bien évidement des coûts.Cette stratégie devrait être perçue comme un
investissement à long terme « lorsqu’une entreprise implémente une stratégie de mesure
d’indicateurs, elle fera face à un exercice plus large de gestion des risques ».« Il permettra à
l’entreprise d’identifier des sphères de risques plus larges et donc elles auront moins de

18
chance d’avoir des problèmes opérationnels liés à ces risques préalablement définis » ont—
ils expliqué.

- Les principaux facteurs de communication extra financière


Lesinterviewés considèrent que les parties prenantes influencent la stratégie de l’entreprise et
sa diffusion de pratiques RSE.L’entreprise se trouve face à une situation de vulnérabilité à
leur égard et se trouve obligée de rendre compte de ses engagements responsables grâce à ces
publications RSE. « Certaines entreprises de secteurs particuliers doivent communiquer sur
certains aspects afin d’améliorer leur image ». Les interviewés mettent notamment en avant
les pressions imposées par les entreprises de l’industrie, de la chimie, de l’automobile et du
transport sur leurs chaines de valeur.

4. Enseignements de l’étude
Le dispositif marocain contenu dans la modification du livre III de la circulaire de l’AMMC
s’inscrit en fait dans un chantier plus global qui vise à renforcer et à améliorer la gouvernance
des sociétés cotées. En effet, la loi 44-12 introduit le renforcement de la transparence à travers
l’information règlementée en termes de fréquence, contenus, délais et modalités de diffusion.
Elle améliore l’intégrité et la sécurité des opérations d’APE ainsi que la transparence du
marché en étoffant les obligations d’informations (publications d’indicateurs trimestriels, d’un
rapport financier complet au titre du 1er semestre et d’un rapport annuel plus étoffé, de
comptes consolidés ...). Elle fixe également les délais et les modalités de l’information
règlementée.
Elle introduit le reporting ESG qui va permettre à l’entreprise de démontrer la contribution
des actions RSE à la performance économique et financière. Ce reporting contiendra une
information sur l’organisation et le fonctionnement des organes de gouvernance (composition,
comités spécialisés, nombre de réunions, assiduité des membres, système d’évaluation du
Conseil).
La communication des entreprises sur leurs politiques et pratiques de RSE, vise à fonder des
représentations de l’entreprise et de ses responsabilités et asseoir la légitimité de leurs
dirigeants (Lamarche, 2009). Les entreprises marocaines faisant APE voient augmenter le
nombre d’acteurs extérieurs ou de parties prenantes qui influencent leurs objectifs et les
incitent à accroître leur communication institutionnelle (De la broise et Lamarche, 2006).
La théorie néo-institutionnelle (Dimaggio et Powell, 1991) nous conduit à appréhender la
prise en compte de sa responsabilité sociétale par l’entreprise et sa communication RSE
comme une réponse aux pressions institutionnelles. Les rapports RSE d’entreprises reflètent
leur environnement caractérisé par des règles et des exigences sociales et culturelles
auxquelles elles doivent se conformer afin de recevoir légitimité et support de leur
environnement. La TNI est un cadre théorique pertinent pour étudier comment la RSE est
diffusée ou adoptée comme réponse aux pressions institutionnelles. Les comportements
organisationnels sont des réponses à des contraintes institutionnelles provenant d’organes de
régulation (État ou instances professionnelles) et de la société en général (Klarsfeld et
Delpeuch. 2008). Au Maroc, la réglementation pousse les entreprises à communiquer toujours
plus sur les conséquences sociales, sociétales et environnementales de leur activité.
L’analyse de la pratique de diffusion d’information extra financière des entreprises de notre
échantillon montre qu’en termes de communication, les secteurs ne sont pas concernés par les
mêmes types d’informations.Chaque entreprise diffuse les informations qui lui semble

19
sensibles à son activité en tenant compte des spécificités de sonbusiness-model.Notre étude a
montré que les secteurs les plus communicants sont les banques et les entreprises
industrielles.
La fréquence de la publication est généralement annuelle, sauf pour quelques entreprises où
l’on constate que leurs derniers rapports de RSE ou DD datent de 2015 ou 2016.
Les informations ayant une relation avec la gouvernance sont prioritaires, considérées comme
les plus importantes renseignant sur la qualité de gestion de l’entreprise. Cela étant, les
entreprises industrielles se concentrent plus sur le volet environnemental vu l’impact qu’elles
présentent sur le climat et la biodiversité des écosystèmes environnementaux.
Les pratiques de communication financière et extra-financière des sociétés cotées à la Bourse
de Casablanca sont très contrastées. Certains groupes et grandes sociétés sont très avancés et
d’autres émetteurs publient le minimum des standards requis.La gestion du changement
devrait être pédagogique, progressive et les sociétés auront à privilégier des démarches visant
la simplification et la pertinence, à la fois grâce à un effort de concision des messages et de
sélection des indicateurs.

Conclusion
Pour les entreprises faisant APE, la communication de données extra-financières consiste à
partager avec le marché (actionnaires, investisseurs, analystes, agences de rating) et le grand
public des informations financières, sociales, sociétales, environnementales et de gouvernance
les concernant.Elle permet de répondre aux obligations réglementaires en matière de
transparence et de donner au marché, de manière volontaire ou sous contrainte, une meilleure
visibilité sur leurs activités et leurs perspectives de développement.
Le reporting RSE incarne une tendance de fond qui devrait se maintenir, voire s’accentuer
dans les années à venir. A travers une meilleure conscience des enjeux sociaux, sociétaux,
environnementaux et de gouvernance intégrée dans leur businessmodel.
L’objectif de cette recherche était de contribuer à l’analyse des pratiques de diffusion
d’information sociétale des entreprises marocaines afin de mesurer leur degré d’implication
en la matière. Cette analyse consiste, d’une part, à décrire ces pratiques et, d’autre part à avoir
une idée sur la perception du marché vis-à-vis de cette publication.Il apparaît que les
entreprises cotées sont plus visibles que les autres. Elles doivent dès lors rencontrer des
attentes supérieures émanant du public, des acteurs du marché financier et des parties
prenantes en général.
La communication RSE ne pourrait être crédible que si elle était co-construite, sincère, «
transparente », éco-conçue (en appliquant les engagements environnementaux au choix des
supports de communication) et reposant sur la présentation de faits et de résultats
compréhensibles (en évitant les chiffres vertigineux et les contenus inadaptés au grand
public), pertinents (répondant aux attentes des parties prenantes) et vérifiables.

20
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