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Contexte : Différentes classifications des lésions du grand pectoral ont été reporté dans la littérature.
Cependant, aucune n’a été complètement acceptée, n’expliquant pas toutes les lésions rencontrées.
L’objectif de cette étude était de proposer une nouvelle classification des lésions du grand pectoral.
Méthodes : A travers une étude anatomique de 10 épaules de cadavres sur 5 sujets, et un protocole
d’échographie sur 25 sujets sains, nous avons étudié la relation entre le chef claviculaire du grand
pectoral, le tendon distal et le reste du corps musculaire.
Résultats : Le tendon du grand pectoral est constitué de 2 feuillets en continuité à leurs extrémités
inférieures : le feuillet antérieur provenant des segments musculaires sternaux supérieurs et le
feuillet postérieur des segments sternaux inférieurs et abdominaux. Le chef claviculaire est purement
musculaire. Il se pose sur le feuillet antérieur et sa participation à la constitution du tendon distal est
minime.
Discussion : Ces résultats ont des implications dans la compréhension des lésions et nous permettent
de proposer une nouvelle classification des lésions du tendon distal et du corps musculaire du grand
pectoral. Il semble essentiel de considérer que le chef claviculaire peut rester inséré sur le moignon
tendineux et donc complètement ou partiellement intact en cas de rupture complète du tendon. La
persistance du chef claviculaire ne devrait pas être prise en compte pour conclure à une lésion
tendineuse partielle.
L’incidence des lésions distales du muscle grand pectoral semble avoir progressivement augmentée
dans les années récentes, comme démontré dans les derniers articles se penchant sur le sujet 4,6,8,17.
Cette augmentation est probablement due à la pratique de plus en plus rependue de musculation
avec des poids. Cependant, la littérature est relativement pauvre à ce sujet, avec seulement 400 cas
reportés. Il y a un consensus clair pour une réparation chirurgicale en urgence pour les ruptures
distales complètes chez les patients jeunes et/ou athlétiques 6,17. La classification référence des
lésions est similaire à celles des autres tendons, gradée en fonction de la localisation de la lésion
(proximale, en corps musculaire, jonction myotendineuse, tendon distal, ou avulsion osseuse) 2,19.
Cette classification semble trop simpliste et contradictoire, ne prenant pas en compte les
caractéristiques ni la fréquence des ruptures partielles, subtotales ou totales 8. Ceci peut s’expliquer
par l’anatomie complexe du tendon distal du grand pectoral qui fut le sujet de plusieurs études
anatomiques sans parvenir à un consensus1,9,13,15,20. A travers une étude anatomique et
échographique, nous proposons une nouvelle classification des ruptures tendineuses et musculaires
du grand pectoral.
METHODOLOGIE
L’étude cadavériques sur sujets humains eut lieu au laboratoire d’anatomie. Les sujets furent gardés
à 2°C. L’âge moyen était de 75 ans (+/- 7,71). Les sujets étaient inclus s’ils ne présentaient pas de
cicatrices sur l’épaule. Les dissections étaient dirigées par 2 chirurgiens orthopédiques du membre
supérieur. 10 épaules sur 5 cadavres frais furent disséquées (4 hommes, 1 femme). Le protocole de
dissection fut le même pour toutes les épaules. Dans un premier temps, l’ensemble du grand
pectoral était exposé, de ses insertions proximales au tendon distal. Le chef claviculaire était ensuite
finement disséqué et séparé du reste du muscle de son attache proximale jusqu’au tendon distal.
L’insertion claviculaire proximale était ensuite coupée, laissant l’insertion distale intacte. La relation
entre le chef claviculaire et tendon distale fut finement étudié. Puis les feuillets antérieurs et
postérieurs du tendon furent individualisés avec leurs portions musculaires et finalement coupées et
reséquées successivement tout en respectant l’insertion distale du chef claviculaire. La mesure de la
longueur tendineuse fut réalisée à l’aide d’un pied à coulisse numérique de latéral à médial sur
chaque sujet. Les mesures furent systématiquement prises au milieu du tendon, les valeurs variant
de la partie supérieure à la partie inférieure.
L1 : longueur entre l’insertion distale du tendon et la partie la plus latérale du chef claviculaire
(mesurée sur le bord antérieur du tendon)
L2 : longueur entre l’insertion distale du tendon et la partie la plus latérale des segments sternaux
supérieurs (mesurée sur le bord antérieur du tendon).
L3 : longueur entre l’insertion distale du tendon et la partie la plus latérale des segments sternaux et
abdominaux inférieurs (mesurée sur le bord postérieur du tendon).
Les longueurs furent calculées sur la moyenne des mesures des 8 épaules.
Figure 1 : Grand pectoral A : vue frontale B : section plane horizontale
Etude écho-anatomique :
Les analyses échographiques furent toutes réalisées par un médecin de sport entrainé et
expérimenté à l’échographique musculosquelettique. Les échographies furent réalisées par un seul
appareil échographe (Sonorité M-turbo 6-13 MHz linear transducer; FujifilmSonosite, Bothell,
Washington USA).
La même évaluation échographique fut réalisée chez 25 sujets sains sans antécédent de chirurgie de
l’épaule ou de lésion du grand pectoral. Le muscle fut visualisé à partir de son insertion proximale
jusqu’au tendon distal en 2 plans : horizontal et sagittal avec des images séquentielles. Une attention
particulière fut accordée à la visualisation des ramifications aponévrotiques intramusculaires menant
à la formation du tendon distal et à la relation entre le chef claviculaire et le tendon distal.
RESULTATS
Le chef claviculaire et purement musculaire jusqu’à son extrémité distale. Son insertion est
superficielle et distale au tendon. Il se pose sur le feuillet antérieur, et ne s emble pas avoir
d’insertion directe sur l’humérus. La majorité, si ce n’est l’ensemble du feuillet antérieur du tendon
vient de la portion supérieure du chef sternal divisée en 4 segments : S1, S2, S3 et S4 by Fung & al9)
et le feuillet postérieur vient de la portion sternale inférieure et abdominale (subdivisée en 3
segments S5 S6 et S79). Nous avons retrouvé l’apparence caractéristique de torsion du feuillet
postérieur qui a été le sujet de nombreuses études, les fibres musculaires inférieures correspondant
à la partie supérieure du feuillet et vice versa. De plus, la séparation entre les 2 couches antérieure et
postérieure est possible par une dissection minutieuse mais elles sont toutes deux en continuité en
bas du tendon. Les résultats des mesures sont détaillés Table 1.
Table 1
Etude écho-anatomique
DISCUSSION
Deux articles rapportant des cas jusqu’à 2012 2,8 trouvèrent une large majorité de rupture complète
du tendon distal du grand pectoral. A l’inverse, une revue des publications récentes 11,14,16,17 suggère
que les ruptures partielles sont plus fréquentes que les ruptures totales, avec dans une grande
majorité des cas la persistance d’un chef claviculaire intact. Ces résultats contradictoires peuvent
être expliqués probablement par les différences de compréhension de l’anatomie complexe du
muscle. Le grand pectoral est facilement divisible, anatomiquement et fonctionnellement, en 2
parties : le chef claviculaire et le chef sternal (qui lui-même se divise en segments supérieurs et
inférieurs). Le tendon distal est divisé par les anatomistes en 2 feuillets, antérieur et postérieur.
Cependant, les quotas musculaires menant à chacune des deux couches ne correspondent pas à la
division précédemment décrite entre les chefs sternaux et claviculaires. Le feuillet antérieur du
tendon vient principalement des segments supérieurs sternaux et le feuillet postérieur des segments
sternaux inférieurs et abdominaux. Une interrogation émerge alors : « Quelle est la contribution
exacte du chef claviculaire dans la constitution du feuillet antérieur du tendon distal ? ». Nous
pensons après notre étude qu’elle est négligeable. Fung et al, dans leur article, tendent à décrire des
résultats similaires sans vraiment conclure sur le sujet. Barberini va plus loin en considérant le chef
claviculaire en tant qu’« entité anatomique autonome » avec une origine embryonnaire, une
vascularisation, une innervation et une fonction différentes du chef sternal. Beaucoup d’auteurs 4,5,8
semblent considérer, à tort, que la couche antérieure du tendon provient principalement du chef
claviculaire, lui donnant le nom de « feuillet claviculaire ». Le tendon consiste en 2 feuillets tendineux
distincts, approximativement 5 à 6 centimètres en longueur, fusionnant (3 à 4 cm en proximal de
l’insertion distale)9. Celui-ci est recouvert par les fibres musculaires du chef claviculaire insérées plus
distalement. Seule la portion terminale du tendon est donc apparente avant son insertion sur le bord
de la gouttière bicipitale. Le terme « jonction musculo-tendineuse » correspond à l’endroit spécifique
où la bande tendineuse commence à être couverte par les fibres musculaires claviculaire 13. Elle est
très proche de son insertion distale (mesurée selon les auteurs entre 5 et 19mm de la partie
antérieure du tendon9 et 25 mm de la partie postérieure). Selon nous, il n’y pas une jonction
musculo-tendineuse mais 3 : celle du chef claviculaire (L1) est localisée à 12 mm de l’insertion du
tendon distale (partie antérieure), la jonction musculo-tendineuse des segments sternaux supérieurs
(L2) à 28mm du bord antérieur du tendon et la jonction des segments inférieurs sternaux (L3) à 38
mm de l’insertion postérieure du tendon. Leur caractérisation précise est très difficile car elles sont
obliques et leur longueur varient selon l’endroit de la mesure. Concernant les lésions tendineuses, il
est important de différencier les lésions musculo-tendineuses des ruptures tendineuses à la jonction
myotendineuse. D’après la littérature, la plus commune des lésions du grand pectoral est l’avulsion
du tendon distal (60%) et les ruptures tendineuses à la jonction myotendineuse (30%) 2,8. Nous devons
alors considérer les ruptures myotendineuses les lésions localisées médialement par rapport à
l’insertion latérale du chef claviculaire. En pratique, pour le chirurgien, ces ruptures myotendineuses
ne doivent pas être prises pour des lésions partielles, le tendon sous-jacent est complètement
déchiré et doivent être réparé. De récents articles 4 ;5 ;8 suggèrent le diagnostic de rupture tendineuse
partielle intéressant uniquement le feuillet postérieur si le chef claviculaire est intact. Cette
interprétation est incorrecte car les auteurs semblent considérer, comme dans les précédents cas, un
feuillet antérieur tendineux venant du chef claviculaire. C’est pourquoi nous conclusions sont
différentes de celles du seul article publié sur l’étude échographique 5. De plus, Stecco et al18 ont
publié un article concernant la continuité anatomique entre le fascia pectoral superficiel et le fascia
brachial. Cette continuité est renforcée par une expansion aponévrotique. Ceci nous permet de
comprendre
Nous proposons une classification des lésions alternative. Nous différentions les ruptures
tendineuses complètes, partielles et purement musculaires. Les lésions présentées ci-dessous ont, il
semble, toutes été décrites dans la littérature, mais leur interprétation diffère.
Rupture complète :
Dans les cas d’avulsion complète, le chef claviculaire accompagne le tendon rompu. Dans quelques
cas, le chef claviculaire peut, malgré tout, resté en place relié par le fascia superficiel au fascia
brachial. Si la lésion est plus proximale, en corps musculaire ou à la jonction myotendineuse, le chef
claviculaire peut être partiellement ou complètement intact et rester inséré sur le moignon
tendineux. Ces lésions doivent être considérées comme des ruptures complètes du tendon.
Figure 6 (A-B)
1.b. Distal complete avulsion of the tendon with intact aponeurotic expansion (fig 6-B)
Figure 7 (A-B)
1.d. Rupture complete intratendineuse ou myotendineuse associée avec une lesion des
Elles correspondent à des lésions subtotales avec persistance d’une portion tendineuse. Cela peut
être la partie supérieure ou antérieure. La persistance du chef claviculaire n’est pas à prendre en
compte et ne doit pas orienter la conduite thérapeutique.
Figure 8
Wolfe montra qu’une atteinte partielle isolée du feuillet antérieur est peu probable
bioméchaniquement et que le feuillet postérieur est plus souvent atteint. Ces lésions sont difficiles à
démontrer en imagerie et même en peropératoire. Le traitement (médical ou chirurgical) est
incertain. La réalité de ces lésions est hypothétique. Nous pensons que dans la littérature il y a
probablement une fréquente confusion entre ce type de lésion partielle et es lésions complètes avec
persistance du segment claviculaire.
Lésions musculaires :
Le traitement de ces lésions est médical dans la large majorité des cas.
Figure 9 (A-B-C)
Bien que cette lésion soit difficilement compatible avec la théorie de Wolfe, nous avons rencontré de
nombreux cas dans notre pratique.
Autres lésions :
D’autres lésions comme une lésion isolée du feuillet antérieur, une lésion musculaire complète ou
une déchirure des lames aponévrotiques sont théoriquement possible mais ne semblent pas avoir
été retrouvé dans la littérature.
CONCLUSION
La compréhension de l’anatomie du tendon distal du grand pectoral est difficile. Les anatomistes ont
longtemps focalisé sur la relation complexe entre les feuillets tendineux avec le twist du feuillet
postérieur autour du feuillet antérieur. Cependant, de récentes études anatomiques ont mis en
lumière une autre considération intéressante : elles suggèrent une dissociation complète entre le
chef claviculaire et le reste du grand pectoral. Cela nous aide à mieux comprendre la localisation des
lésions du tendon distal du grand pectoral. C’est pourquoi nous émettons l’hypothèse que la vaste
majorité des lésions sévères du tendon distal du grand pectoral sont des ruptures totales avec ou
sans persistance du chef claviculaire. La condition du faisceau claviculaire a peu voire pas
d’importance dans la classification des lésions, et n’oriente pas la prise en charge. Le clinicien et le
radiologue doivent donc se concentrer sur l’évaluation du tendon sans considérer le chef claviculaire.
Ceci simplifie l’évaluation et la prise en charge des lésions distales du grand pectoral. Ces
observations semblent être utiles pour les chirurgiens souhaitant réaliser des transferts tendineux,
particulièrement dans les lésions irréparables du subscapulaire 7-10 en utilisant une partie ou
l’ensemble du tendon du grand pectoral, pour la sélection et la préparation de la portion à
transférer.
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20. Wolfe SW, Wickiewicz TL, Cavanaugh JT. 1992. Rupture of the pectoralis major
Figure 1:
1.PM; clavicular head
6.Superficial fascia
7.Deep fascia
8.Humerus
a.L1 measurement
b.L2 measurement
c.L3 measurement
4.Distal tendon
4.PM tendon
1.PM tendon
4.Deep fascia
5.Clavicular head
8.Humerus
9.Deltoid
Figure 5: PM sequential ultrasound images (A-D from fig 3), sagittal plane
1.PM tendon
4.Deep fascia
5.Clavicular head
6.Superficial fascia
Figure 7 (A-B)
Figure 8
Figure 9 (A-B-C)