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« métaphysique de l’espace » chez Leibniz. Cet essai est fondamental, en cela qu’il fait, à la
géométrie de l’espace en tant que tel, et donc à la Geometria Situs, une place qu’elle n’avait
encore jamais eue dans le commentaire de la métaphysique leibnizienne, alors même que les
indices d’une corrélation entre les deux sont nombreux. Néanmoins, je peux en quelques mots
présenter la teneur de quelques thèses de Vincenzo De Risi. À la suite de quoi, je présenterai
de façon plus précise les prémices de l’invention de l’Analysis Situs et conclurai en
interrogeant la nature du rapport entre géométrie et philosophie chez Leibniz.
Dans son ouvrage, Vincenzo De Risi montre qu’après 1700, et plus précisément entre
1712 et 1716 (p. X), il est possible de déceler dans les textes de Leibniz, notamment dans sa
correspondance avec le newtonien Clarke et dans celle avec le Père Des Bosses, une
« métaphysique de l’espace », alors que dans la même période Leibniz travaille de façon
conséquente sur l’Analysis situs. Dans cette perspective, l’originalité du travail de Vincenzo
De Risi réside dans la préférence qu’il donne, parmi les liens qui ne manquent jamais d’unir
les différents champs de la pensée leibnizienne, à celui qui relie la géométrie de Leibniz à sa
philosophie, en l’occurrence la géométrie des situations à la Monadologie et à la conception
subséquente de l’espace (p. XI). En effet, ainsi que Vincenzo De Risi l’affirme dans la
Préface de Geometry and Monadology, par l’Analysis situs, Leibniz démontre (ou tente de
démontrer) la continuité de l’espace, sa tridimensionalité, la possibilité d’un mouvement
rigide en lui, sa nature euclidienne et son absolue nécessité. Mais, surtout, Leibniz définit
explicitement l’espace comme le lieu des points liés entre eux par une relation de
situation mutuelle, c’est-à-dire comme « ordre des situations ». Or, une telle conception
constitue, pour Vincenzo De Risi, à la fois le point essentiel et absolument novateur de la
géométrie des situations, et le cœur même de la « théorie de l’expression phénoménale »
(p. XII). En effet, chez Leibniz, l’ensemble des relations inter-monadiques, qui sont des
relations non-spatiales, peut être exprimé, et en cela être isomorphe, à un ensemble de
« relations situationnelles », de sorte que le « super-sensible » peut être représenté de façon
exacte par le « sensible » et que quelque chose comme une étendue phénoménale peut être
produite et fondée (p. XII). Aussi Vincenzo De Risi considère-t-il que la théorie leibnizienne
des phénomènes, au moins dans ses aspects tardifs, repose sur les deux concepts issus de la
géométrie que sont l’isomorphisme et la situation, se positionnant par conséquent dans le long
débat, relevé entre autres par Gilles-Gaston Granger ou Michel Serres en France1, au sujet du
rôle des mathématiques dans l’élaboration de la métaphysique leibnizienne, puisqu’il affirme
que les travaux géométriques de Leibniz ne sont pas seulement des outils ou des analogies
utiles à la découverte métaphysique, mais qu’ils sont dans une forme de continuité avec elle.2
1
Granger, « Philosophie et mathématiques leibniziennes » (1981), repris in Formes, opérations, objets, Paris,
Vrin, 1994, pages 199-240.
Serres, Le système de Leibniz et ses modèles mathématiques, Introduction, § 9, Paris, PUF, 1968
2
À son sens, deux exemples sont révélateurs de cette relation privilégiée que la métaphysique entretient avec la
géométrie qui semble, à bien des égards, la sous-tendre. Le premier de ces exemples réside dans l’embarras
éprouvé par Leibniz, au sein de sa théorie de la matière et des phénomènes, face à la question des limites du
corps organique et à la notion de contiguïté à laquelle elle est corrélée. Pour Vincenzo De Risi, les difficultés que
Leibniz rencontre avec cette dernière notion sont d’ordre mathématique, bien plus que d’ordre philosophique,
même si c’est métaphysiquement que l’argumentation de Leibniz en pâtit. Le second exemple est celui de la
difficulté à laquelle Leibniz se trouve confronté, au sein cette fois-ci de sa théorie de l’expression, quand il s’agit
de caractériser la qualité, définie phénoménologiquement par l’acte de co-perception et mathématiquement
appréhendée au moyen de la relation angulaire de la similitude héritée d’Euclide. Pour Vincenzo De Risi, c’est
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parce que la géométrie leibnizienne manque de la conception de groupes de transformations que la métaphysique
ne peut pas s’appuyer sur un concept pleinement approprié de la qualité.
3
Nous ne développons pas les raisons qui font que Vincenzo De Risi limite, non dans le sens d’une restriction
mais bien dans le sens d’une délimitation favorable à une véritable heuristique de l’interprétation des textes de
Leibniz, son investigation aux textes de la maturité et affirme la nécessité de s’en référer aux textes
mathématiques de cette époque pour appréhender d’une façon plus informée que jamais le rapport qui existe
entre la Monadologie la théorie de l’espace (propre à expliquer le rapport entre les substances et l’espace, entre
la matière et l’étendue, entre les mathématiques et la métaphysique).
4
Considérer qu’elle pourrait avoir un tel situs, c’est-à-dire être située dans l’espace, ce serait alors se trouver
confronté au problème insurmontable de la possibilité de composer à partir des substances, inétendues, l’espace
continu. En revanche, une fois nanti de son Analyse des Situation, Leibniz aurait pu penser l’étendue comme ce
qui possède une structure situationnelle interne, de sorte que l’espace aurait pu être conçu comme un ensemble
d’éléments inétendus mais situés, c’est-à-dire existant dans une relation situationnelle. Vincenzo De Risi le dit en
ces termes : « l’espace est actuellement constitué de points, même s’il n’est pas composé par eux » (p. 311).
Néanmoins, Leibniz ne choisit pas cette conception.
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un sixième sens qui serait, dans ce cas, lié à son propre mode de perception ? ou bien comme
une forme abstraite des cinq autres sens ? La solution de Leibniz s’appuie de façon centrale
sur le concept d’isomorphisme expressif, puisque celui-ci est un isomorphisme situationnel.
En tant que tel, il préserve toutes les relations de nature situationnelle, de sorte qu’il existe
une relation de correspondance entre les objets hétérogènes d’une géométrie de la vision et
d’une géométrie du toucher qui permet de les inscrire sous l’autorité d’une seule et même
géométrie. Si cela trouve son fondement dans la doctrine de l’expression, c’est de façon plus
précise l’élément matériel externe de limitation de l’isomorphisme idéal situationnel qui
rend possible de faire ainsi se correspondre ces deux géométries. Et alors, ce qui vaut pour
l’isomorphisme situationnel en général vaut également pour chaque expression monadique, de
sorte qu’elle entretient une relation de correspondance avec toutes les autres, en tant que
réalisations de l’isomorphisme situationnel. C’est donc ce que Vincenzo De Risi nomme,
ainsi que Leibniz le fait en certaines occurrences, le « sens commun ». Malgré son caractère
abstrait, le « sens commun » n’est pas l’entendement, puisqu’il est lié aux différentes formes
sensibles et qu’en lui sont préservées les formes spatiales : il occupe une place intermédiaire
entre la sensibilité, en tant que représentation situationnelle de l’espace, et l’entendement, en
tant que, comme lui, il se soustrait aux réalisations concrètes et acquiert, de ce fait, sinon une
objectivité, du moins une subjectivité universelle. Aussi Vincenzo De Risi conclut-il que le
sens commun constitue à la fois le trait principal de l’épistémologie géométrique de Leibniz,
laquelle emploie les tenants de l’Analyse des Situations, et la mise en œuvre d’une théorie de
l’expression sensible, qui suppose la correspondance des différentes représentations de
l’espace offertes par les différentes sens ainsi que l’universalité de cette correspondance,
c’est-à-dire sa présence dans toutes les substances.
Pour conclure, la conception de l’espace, en tant qu’elle est liée à celle de la
perception et de la nature isomorphe de l’expression, apparaît comme le lieu privilégié de la
relation entre l’analyse géométrique des situations et la conception métaphysique du situs, qui
toutes deux engagent le concept de congruence. Cela est évident dans le cadre de la
Caractéristique Géométrique, dans laquelle la notion de situs est définie par la congruence,
elle-même considérée soit comme une notion primitive, soit comme la notion composée par
celles de la similitude et de l’égalité, c’est-à-dire de la qualité et de la quantité. Or, ces deux
dernières notions se retrouvent également dans la théorie de la connaissance, en ce qu’elles
sont corrélées à la nature distincte ou confuse de la perception ou de l’expression. L’analyse
de la relation de congruence, qui détermine mathématiquement la notion de situs, est donc
propre à offrir le cadre d’une analyse de la représentation monadique. De façon réciproque,
l’idée de l’espace phénoménal comme expression selon des relations situationnelles de l’ordre
du monde « nouménal », implique l’idée que des choses qui ne peuvent être distinguées ni
qualitativement, ni quantitativement, c’est-à-dire des choses dont l’expression n’est ni
distincte, ni confuse, appartiennent à une même classe d’objets, c’est-à-dire à une classe
d’équivalence déterminée par la similitude et l’égalité, c’est-à-dire par la congruence. Aussi
ce qui détermine l’ordre de l’espace perceptif, phénoménologique, est aussi ce qui peut
déterminer l’ordre, géométrique, de l’espace comme ordre des situations. Dans ce double
mouvement, de la conception géométrique de la congruence vers celle de la perception des
phénomènes, et de la conception de l’espace phénoménal vers celle d’un espace déterminé
géométriquement, se réalise cette « fusion » que Vincenzo De Risi voit dans les textes tardifs
de Leibniz entre sa métaphysique du situs et sa géométrie de l’espace et des situations. Ce qui
revient à affirmer que l’essence même d’un phénomène est spatiale et que le monde
nouménal peut être exprimé par un espace phénoménal structuré géométriquement
comme ordre des situations. Tout cela étant fondé dans la notion de congruence, il ressort
évidemment que le point de rencontre de l’expression phénoménale et de la géométrie de
l’espace renvoie à la question de l’identité de ce qui ne peut pas être discerné, ni
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5
J. Echeverría, La caractéristique géométrique, op. cit., page 22.
6
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Leibniz note, comme preuve suffisante de sa faiblesse, que la méthode développée par Viète et Descartes ne
leur permet pas de démontrer avec facilité le théorème de Pythagore.
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Cette nouvelle manière d’appréhender la ligne droite et la surface sur la modalité d’un
mouvement apporte deux éléments. Le premier consiste en cette conception « dynamique » de
la ligne et de la surface, considérées comme les trajectoires d’un point ou d’une ligne, ce qui
suggère l’idée d’une continuité – notion qui connaîtra dans la suite des essais de
Caractéristique Géométrique une certaine postérité. Le second renvoie à la signification des
indices : dès lors que la ligne (droite dans ce cas, mais elle pourrait ne pas l’être) est
considérée comme le mouvement d’un point, alors les indices ne désignent plus des points
différents les uns des autres, mais les différentes places occupées par un même point (désigné
par une seule et même lettre) lors de son mouvement. La justification que Leibniz donne se
fait en deux temps. D’abord, il rappelle que des choses semblables (similia) ne peuvent pas
être distinguées les unes des autres separatim, alors que des figures non-proportionnelles entre
elles le sont, de sorte que des choses semblables sont aussi des choses qui « possèdent des
parties correspondantes proportionnelles »8. Or, si des choses sont semblables, leurs
expressions le seront aussi, si elles sont bien faites. Et, dans un mouvement inverse, si l’on est
assuré d’avoir de bonnes expressions des choses, la similitude des expressions prouve de
façon satisfaisante la similitude des choses :
5. « On voit par là qu’elles [des surfaces engendrées par le mouvement d’une
droite autour d’un point fixe] ne diffèrent que par le choix des lettres ou
caractères et nullement par les relations que ces caractères entretiennent, leur
discrimination ne peut donc être que sensible et non rationnelle. » (Ibid.,
page 58-59)
Autrement dit, ces surfaces ne peuvent se distinguer l’une de l’autre que lorsqu’elles sont
perçues en même temps, non-séparément. La seule raison n’a aucune raison de les distinguer
puisque, d’une part, les caractères sont arbitraires et que la différence des lettres ne fait pas la
différence des choses, et puisque, d’autre part, les relations entre les caractères (exprimées par
le nombre, la nature et la place des indices) sont semblables les unes aux autres. Or, si la
similitude des relations entre les caractères suffit à affirmer la similitude des choses elles-
mêmes, c’est donc que Leibniz considère, d’ores et déjà, la nature géométrique des choses
sous le mode de la seule relation entre les éléments, en l’occurrence entre les points indexés
par les indices. Nous y voyons la force des raisons caractéristiques qui, ici, précèdent
l’explicitation de la nature de l’objet de la géométrie comme objet de la situation – même
si cela ne sera pas toujours le cas dans les essais postérieurs de l’année 1679. Comme si le
projet caractéristique lui-même impulsait l’invention mathématique de la géométrie des
situations, voire la déterminait, ce qui tendrait à diminuer la possibilité d’une origine
plus philosophique, dans le renouvellement de la conception de l’espace par exemple.
Dans ce contexte, de façon générale, comment comprendre que Leibniz en vienne
malgré tout, dans la suite, à concevoir la ligne droite, l’arc de cercle et l’angle sous la
modalité traditionnelle et non épistémologiquement requise de la distance ? Il convient sans
doute de remarquer qu’il s’agit alors de montrer que les Éléments d’Euclide peuvent se
retrouver à partir des définitions qu’il propose. Aussi, le détour par des considérations
relatives à la distance ne doit-il pas être considéré nécessairement et radicalement comme
l’annonce déjà pressentie de l’échec ou de l’impossibilité d’une Caractéristique Géométrique
départie des grandeurs et des quantités. En effet, pour définir la ligne droite par la distance,
Leibniz donne trois formulations, que je reprends approximativement :
8
Ibid., pages 56-57.
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6. - La ligne droite est la ligne dont la longueur est égale (eadem est) à la
distance entre ses extrémités.
- La ligne droite est la ligne obtenue en déplaçant un point de sorte qu’il ne
parcoure qu’un espace égal à la distance qui le sépare de son point de départ.
- La ligne droite est la trajectoire (via) d’un point à un autre dont il n’y a pas
à se demander pourquoi elle s’oriente dans telle direction. (Ibid., pages 62-
63)
Le concept de trajectoire (via) qui est introduit, s’il permet encore de considérer l’espace
parcouru sous le prisme apparemment quantitatif de la distance, confère à celle-ci une
dimension qualitative qui semble néanmoins première. Une dimension « qualitative » en cela
que la distance, à laquelle une longueur ou un espace peut être égalisé, est considérée à l’aune
d’une relation unique entre deux points, pour laquelle il est impossible d’envisager une
direction semblable mais autre. Et cette dimension qualitative est « première » ainsi que la fin
de ce texte le laisse penser :
7. « La droite est la ligne dont tous les éléments se comportent de manière
similaire. Il est impossible en effet de dire que 4B se trouve avec 3B dans un
rapport différent de 3B avec 2B ou 4B avec… La droite est la ligne dont
toutes les parties ont une situation semblable. » (Ibid., pages 64-65)
On voit alors que la question d’une distance quantitative n’intervient pas : les points 2B, 3B,
4B ne sont pas les points d’une droite relativement aux distances qui les lient, mais
relativement à leurs situations réciproques. Ainsi, la relation qui existe entre 3B et 4B est
semblable à celle qui existe entre 3B et 2B, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent être distinguées si
on les considère séparément. La droite est alors définie comme ce dont toutes les parties sont
semblables, ce qui suppose la considération des rapports iBjB quels que soient i et j. Or, il est
à noter que cet emploi de la similitude des parties de la droite fait suite à quelques
considérations sur les relations d’incidence entre deux droites qui rappellent plus la lettre de
l’Introduction à la Géométrie de Pascal que les Éléments d’Euclide. En effet, si l’on revient
plus précisément au texte de Pascal lui-même, les analogies sont notables entre la fin de cette
Characteristica Geometrica et le texte, certes de la main de Leibniz, de l’Introduction à la
Géométrie puisque, par le biais de l’incidence de deux droites, interviennent les idées de
position d’une droite par rapport à une autre, d’un côté et de l’autre. Cela suggère
l’hypothèse d’une certaine relation, peut-être même non aperçue par Leibniz lui-même,
entre les considérations « topologiques » (c’est-à-dire relatives aux positions des points et
des droites) des propositions d’incidence et l’idée d’une géométrie capable de revenir à
Euclide mais plus profondément ancrée dans des notions purement géométriques, c’est-
à-dire qualitatives.
Dès lors, on voit se dessiner l’idée de cette géométrie de la situation annoncée par
Leibniz au début du texte. Mais, pour le moment, rien comme une conception de l’espace
n’apparaît et la notion de situs n’est pas encore clairement explicitée. Dans les essais de 1679,
ces lacunes sont comblées, du moins dans l’intention de leur auteur.
2. 1679-1680 : Les essais de Caractéristique Géométrique
9
Ibid., page 144.
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corrélée à l’idée d’un calcul géométrique général – et auquel d’ailleurs, dans ce cas, la
méthode algébrique comme toute autre méthode par des échelles seraient soumises. Au §3,
c’est l’idée même d’une généralisation possible de l’art perspectif à une surface de projection
non plane, ni même uniforme, qui semble justifier que tous les types de correspondance ne
sont pas également propices à la découverte des vérités, de la même façon que la perspective
plane doit être préférée à une perspective sur une surface bosselée. Cela suppose la nécessité
de critères d’évaluation de ces différentes modes de correspondance, y compris quand ce sont
des modes de correspondance employant des caractères, tel celui que l’on trouve dans la
géométrie algébrique.
Ces critères consistent essentiellement en la complétude de la connaissance de l’espace
permise par le calcul, en son indépendance aux figures et en l’achèvement de son analyse.
C’est cette fois-ci l’annexe adressée à Huygens le 18 septembre 1679 qui peut nous servir de
fil :
10. « J’ay trouvé quelques Elemens d’une nouvelle characteristique tout à
fait differnte de l’Algebre et qui aura de grands avantages pour representer à
l’esprit exactement et au naturel quoyque sans figures tout ce qui depend de
l’imagination. L’Algebre n’est autre chose que la characteristique des
nombres indeterminés ou des grandeurs. Mais elle n’exprime pas
directement la situation, les angles, et le mouvement, d’où vient qu’il est
souvent difficile de reduire dans un calcul ce qui est dans la figure et qu’il
est encor plus difficile de trouver des demonstrations et des constructions
geometriques assés commodes lors mêmes que le calcul d’Algebre est tout
fait. Mais cette nouvelle Characteristique suivant des figures de veue ne peut
manquer de donner en même temps la solution et la construction et la
demonstration Geometrique ; le tout d’une manière naturelle, et par une
analyse, c'est-à-dire par des voyes déterminées. L’Algebre est obligée de
supposer les Elemens de Geometrie, au lieu que cette caracteristique pousse
l’analyse jusqu’au bout (…). » (Annexe à la lettre à Huygens du 18
septembre 1679, A III 2, N. 347, 851-852)
Fondé dans une critique de la méthode algébrique comme science géométrique, cet exposé de
ce que doit être la Caractéristique Géométrique rappelle les exigences de Leibniz à l’égard
d’une science qu’il veut établie sur un ensemble minimal d’éléments, justifiés comme tels par
l’analyse. De plus, il y apparaît entre la grandeur qui fonde la géométrie algébrique et
l’incomplétude de cette dernière une étroite relation qui, à notre sens, tend à affirmer de façon
indubitable que la géométrie de Leibniz ne peut pas être, même quand elle évoque les
grandeurs, de nature quantitative, dès lors qu’elle prétend embrasser toute la connaissance
géométrique. Enfin, la critique de la méthode algébrique concentre en elle le rejet par Leibniz
de l’emploi des figures dans sa propre géométrie, en tant qu’elles sont des représentations
sensibles qui embarrassent l’esprit, d’une part en lui donnant un ordre qui n’est pas
nécessairement celui des idées (par les allers et retours entre le discours et la figure que son
emploi ne manque d’appeler), d’autre part en rendant confus ce qui pourtant est simple du
point de vue du calcul et donc, d’une certaine manière, simple en soi, enfin en dévoyant une
imagination qui, de fait, est dans la citation précédente clairement distinguée de la
représentation des figures. C’est donc en se défaisant des figures dessinées que la géométrie
peut, presque de façon paradoxale, devenir une « science de l’imagination » en même temps
qu’elle devient une science de l’espace et de la situation.
Ceci pose la question de la nature de l’imagination au sein de la géométrie
leibnizienne et, aussi, du rapport qu’elle entretient avec l’espace et la situation qui sont les
objets de la géométrie pour Leibniz. Car, dès lors que la caractéristique géométrique est
pensée sous le mode de la correspondance, non seulement entre les signes et les choses, mais
aussi entre les relations entre les caractères et les relations entre les objets, alors la forme
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même de la géométrie leibnizienne doit pouvoir révéler quelque chose de la forme de son
objet et, partant, de la nature même de la faculté qui le connaît. À ce titre, la quête
géométrique rejoue ici les questions proprement leibniziennes relatives à l’expression et à la
théorie de la connaissance. Cela engage aussi, de façon très pragmatique, une refonte des
concepts fondamentaux de la géométrie, leur redéfinition, l’établissement d’opérations idoines
et la réalisation d’une preuve de la réussite de ce renouvellement de la géométrie. Parmi ces
concepts fondamentaux, se trouve l’espace.
10
Annexe à la lettre à Huygens du 18 septembre 1679, A III 2, N. 347, pages 853-854 : « Mais comme je ne
remarque pas que quelque autre ait jamais au la même pensée ce qui me fait craindre qu’elle ne se perde si je
n’ay pas le temps de l’achever. » ; Characteristica Geometrica, 10 août 1679, op. cit., §8, pages 150-151 :
« Mais puisque tien de tel n’est, que je sache, venu à l’esprit de personne, et qu’aucun secours ne vient de nulle
part, me voici contraint de reprendre la chose à ses premiers commencements. »
11
« Brouillon latin de la lettre à Huygens », in La caractéristique géométrique, ibid., pages 234-265.
12
De Primis Geometriae Elementis, in La caractéristique géométrique, ibid., pages 276-285.
13
Non en ce qu’ils seraient moins importants (loin s’en faut au regard de la difficulté que la définition de la
droite représente pour Leibniz et des conséquences épistémologiques et théoriques que cela implique), mais en
ce qu’ils ne se rapportent pas à mon propos.
14
De Primis Geometriae Elementis, op. cit., page 277.
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tant qu’elle est distinguer de l’extensio, c’est-à-dire de l’étendue (puisque l’espace la contient
tout entière). Ainsi, l’essai du 10 août 1679 précise :
16. « Pour ce qui est de l’espace lui-même ou de l’extensum (i.e. continuum
dont les parties existent simultanément), sa seule représentation commode
me semble, du moins pour l’instant, consister dans celle de ses points. »
(Ibid., page 163)
Les « Premiers Éléments de Géométrie » affirme de même :
17. « Un Extensum est un continuum dont on peut délimiter des parties
existant simultanément. Constitue un Continuum ce dont les parties sont
indéfinies et délimitées seulement mentalement. La délimitation des parties
dans un extensum fait apparaître plusieurs extensa en en faisant connaître les
extrémités (termini) et la situation (situs). » (De Primis Geometriae
Elementis, in La caractéristique géométrique, op. cit., pages 276-277)
Si nous faisons la synthèse de ces données, l’espace peut alors être considéré comme un
continuum illimité, dans lequel seule la pensée peut délimiter des parties en tant qu’elles co-
existent. L’espace est donc ce dans quoi une telle co-existence, quelle qu’elle soit, est
possible. Or, la notion même de co-existant, et même de co-perception en tant que saisie
simultanément par la pensée de parties liées entre elles par une certaine continuité, renvoie
explicitement à la notion de situation. L’extensum se peut donc appréhender par le biais du
situs, ainsi d’ailleurs que le laissait penser le brouillon à la lettre à Huygens.
La définition de la situation convoque, quant à elle, des éléments qui suggèrent une
géométrie métaphysique, c’est-à-dire une géométrie fondée dans des principes et des
conceptions qui la débordent. En effet, définie comme un extensum rigide entre deux
extrémités, la situation pourrait aisément être considérée comme la ligne droite entre les
points, c’est-à-dire comme la distance – ainsi d’ailleurs qu’a tendance à le penser Vincenzo
De Risi. Mais Leibniz s’attache, non pas à exclure la possibilité d’une telle définition, mais à
la rendre particulière, c’est-à-dire à en faire la définition dérivée d’une acception plus large et,
à ce titre, mieux fondée. Aussi, pour que la situation ne soit pas entièrement pensée comme
distance, Leibniz la présente parfois comme une trajectoire (via), c’est-à-dire comme le
mouvement continu d’un point (ou d’une ligne, ou d’une surface) en des lieux congrus les uns
aux autres ou, simplement, comme l’existence d’une infinité de lieux congrus les aux autres
disposés continûment entre les deux extrémités (de la situation mutuelle). Or, un tel
mouvement est possible en vertu de la nature même de l’espace, dans lequel chaque
situation donnée peut trouver une infinité de situations qui lui sont congrues, c’est-à-dire
avec lesquelles elle pourrait coïncider ou, encore, desquelles on ne pourrait la discerner
que par la co-présence. La congruence est alors, à la fois, l’élément constitutif des différents
objets géométriques et l’élément fondant la possibilité d’une relation entre les objets. Elle est
aussi ce qui définit l’invariant d’un mouvement et ce qui rend possible ce mouvement lui-
même. Du point de vue de la caractéristique, elle est l’opérateur de la combinaison des
situations mutuelles entre deux points pour produire des situations mutuelles entre n points, de
même qu’elle est ce par quoi les objets géométriques sont exprimés comme lieux symbolisés
par des équations de congruence15. Directement liée à la question de l’indiscernabilité des
situations, la congruence est donc ce qui réalise une forme d’identité dans la multiplicité,
d’immuable dans le mouvement, d’invariant dans la transformation. Quant à la situation,
qui ne peut être pensée comme extensum rigide indépendant des considérations apparemment
métriques de ligne la plus courte qu’à la condition qu’elle soit liée à la congruence, elle réalise
une nouvelle forme d’incidence qui n’est plus seulement une rencontre, mais qui est
15
Y γ (Y) pour le plan ; A.Y γ A.(Y) pour la sphère ; A.Y γ B.(Y) pour le plan ; A.B.Y γ A.B.(Y) pour le cercle ;
A.Y γ B.Y γ C.Y pour la droite ; A.Y γ B.Y γ C.Y γ D.Y pour le point.
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Conclusion
Tout cela me conduit donc à conclure sur cette relation entre la géométrie qui
émerge à la fin des années 70, au début des années 80, et la philosophie de Leibniz de la
même époque. Pour commencer, il convient de questionner de nouveau la place de la
distance, et avec elle de la quantité, au sein de la Caractéristique Géométrique. Si l’on se
rappelle en quoi cette dernière consiste, il apparaît que, en tant qu’elle est liée aux exigences
heuristiques de tout projet caractéristique, elle est supposée embrasser toutes les anciennes
géométries, et notamment les deux plus exemplaires que sont celles d’Euclide et de Descartes.
Plus particulièrement, la caractéristique géométrique doit permettre de retrouver les
considérations métriques de la géométrie euclidienne. Dans ce cadre, la question de la
définition de la ligne droite constitue un problème central, en tant qu’elle semble porter la
possibilité d’une preuve radicale du pouvoir extraordinaire de la caractéristique géométrique :
en effet, c’est par elle qu’il est possible d’intégrer la géométrie euclidienne à la géométrie des
situations, d’une manière qui soit à la fois assez simple et assez efficace pour qu’elle ne puisse
pas être remise en cause. Ce qui me conduit alors à interroger la relation entre la grandeur
et la quantité au sein de la caractéristique leibnizienne, puisque la ligne droite semble
nécessairement métrique dès qu’on la pense comme ligne dont la distance est minimale, c’est-
à-dire la grandeur la plus petite.
Il me semble que Leibniz parvient à départir la notion de grandeur de sa dimension
quantitative, mais en injectant dans sa géométrie des considérations qui sont
explicitement, sinon supra-mathématiques, du moins philosophiques. Il s’agit des notions
de « détermination » ou de « simplicité », qui posent les conditions mêmes de la situation
définie primitivement comme relation entre des points. En effet, et peut-être à l’opposé de
l’analyse de Vincenzo De Risi, il me paraît que la notion de congruence est à cet égard une
notion plus générale que celle de la similarité et, ainsi, qu’il n’est pas requis pour la définir
d’invoquer la notion d’égalité, qui est une notion irrémédiablement quantitative. Car, si l’on
envisage les notions géométriques, non selon une synthèse qui partirait de la qualité
(similitude) pour parvenir à la congruence (similitude + égalité) et enfin à l’identité
(similitude + égalité + superposition), mais selon une synthèse qui part de l’identité comme la
relation qui existe entre ce qui ne se distingue pas l’un de l’autre, la congruence comme la
relation entre ce qui ne se distingue que par la co-présence, et la similitude comme la relation
qui existe entre ce qui ne se distingue que par la quantité, alors il apparaît que la dimension
quantitative n’est plus le fait de la notion de congruence, mais de celle de la similitude. Et,
ainsi, en construisant sa caractéristique géométrique sur la congruence, plutôt que sur la
similitude comme il le fera dans les textes de l’Analysis Situs des années 1710, Leibniz
parvient bel et bien à évacuer la dimension quantitative du champ de la géométrie.
Par ailleurs, il se peut que ce qui influence le plus Leibniz, quand il invente la
caractéristique géométrique, soit la caractéristique elle-même, en tant que ce par quoi quelque
chose comme la réalisation du savoir la plus parfaite qui soit est effectuée. Ne doit-on pas,
alors, admettre que c’est relativement à la nature même de la caractéristique et de son projet
que Leibniz rejette les figures et les quantités hors du champ de sa géométrie ? Car, l’objet de
sa géométrie, si elle doit être la plus parfaite possible, ne peut plus être la distance, la ligne
droite, ou les objets géométriques eux-mêmes. Il doit être, au contraire, quelque chose de plus
Groupe de recherche sur Leibniz « Leibniz : Géométrie et espace »
25 janvier 2012 17/18
général, de plus abstrait, qui puisse contenir tous ces éléments, mais ne se réduise à aucun
d’eux : l’espace, comme ordre, ou comme structure, mais non encore nommé « ordre des
situations ». Peut-on pour autant soutenir que ce sont des considérations gnoséologique
et épistémologique qui président à l’invention leibnizienne d’une nouvelle géométrie
définie comme science de l’espace, et d’un concept d’espace considéré sous le prisme de
la relation (situationnelle) ?
Pour tâcher de répondre à cette question, on peut se rappeler que les notions d’espace
et de situation sont extrêmement liées entre elles, d’abord par le parallélisme de leurs
définitions, comme extensum pur et absolu d’un côté, et situs sans extension de l’autre ;
ensuite, parce qu’elle sont toutes deux définies au moyen des concepts de perception,
coexistence et relation
18. « Lorsque deux points sont perçus simultanément, c’est leur situation
mutuelle qui est par là même perçue. Deux situations quelconques entre
deux points sont en effet semblables et ne peuvent par conséquent être
différenciées que dans une coperception, c’est-à-dire par la seule grandeur
(seu magnitudine). Lorsque deux points d’un extensum sont vus
simultanément, c’est donc la grandeur qui permet de différencier leur
situation, et lorsque deux points d’un extensum sont vus simultanément, c’est
bien un certain extensum qui est par là même perçu. (…) Lorsque deux
objets sont perçus simultanément dans l’espace, est perçue par là même une
trajectoire allant de l’un à l’autre. (…) Si nous concevons l’existence
simultanée de deux points et que nous nous demandons pourquoi nous
disons qu’ils coexistent, ce qui nous viendra à l’esprit sera qu’ils sont
simultanément perçus ou du moins peuvent l’être. » (Characteristica
geometrica, 10 août 1679, op. cit., page 229.)
Or, les concepts de perception, coexistence et relation évoquent, dans la théorie leibnizienne
générale, l’activité même de la pensée. De ce fait, la géométrie entre de plein droit dans le
champ de ce qui peut être conçu chez Leibniz comme « idéel » :
19. « Fixer mentalement deux points dans l’espace, c’est par là même
concevoir la droite indéterminée passant par eux. En effet les considérer
individuellement ou séparément ou les concevoir comme existant tous deux
ensemble, en d’autres termes considérer par là même la situation mutuelle
qui est la leur, sont deux choses différentes: la considération de leur
existence simultanée doit donc nécessairement ajouter quelque chose à ces
points eux-mêmes. » (De primis Geometriae Elementis, op. cit., page 279)
De façon encore plus explicite, il semble bien que la notion géométrique d’espace soit
étroitement liée à la théorie générale de la perception, et cela même dans les premiers
textes consacrés à la caractéristique géométrique, même si rien comme une
métaphysique clarifiée de l’espace ne se trouve encore dans les textes de philosophie.
Pour aller un peu plus loin, il apparaît même que la notion géométrique d’espace soit fondée
par la théorie générale de la connaissance :
20. « L’espace est un continuum dans l’ordre de la coexistence, lequel
permet de définir une relation de coexistence à un moment donné lorsqu’on
la connaît dans le présent et qu’on connaît la loi de son évolution. La
continuité ne concerne donc pas les choses, mais l’ordre de telle façon que,
selon cet ordre, on puisse assigner à toute chose son lieu à un moment
donné. » (Sans titre, 1682 ?, in La caractéristique géométrique, op. cit., page
303)
L’espace est ici explicité à la fois comme un ordre, celui des co-existants, et comme la
condition d’une certaine connaissance : celle des relations qui permettent de déterminer les
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lieux des choses, ainsi d’ailleurs que leur évolution, c’est-à-dire quelque chose de
dynamique – qui ne se trouve pas d’ailleurs dans l’analyse de Vincenzo De Risi. Par
conséquent, si la relation entre la géométrie et la caractéristique universelle nous avait déjà
conduit à la conclusion selon laquelle la science de l’espace, c’est-à-dire la géométrie, est
liée aux exigences caractéristiques, on doit reconnaître maintenant qu’elle est également
fondée de façon plus générale dans l’activité de connaissance. En effet, la perception à
l’œuvre n’est pas seulement une activité de construction de relations géométriques
transposables dans une langue formelle, elle est aussi pleinement ce par quoi nous avons accès
à notre monde, à un espace « réel » si l’on accepte de nommer ainsi, avec les réserves
requises, l’espace dans lequel des co-existants se manifestent et évoluent. Dès lors, et c’est
une question que je n’ai pas encore traitée, il convient de se demander quelle relation existe
entre la science de l’espace des essais de caractéristique géométrique et la théorie, ou
doctrine, ou même simplement pensée de l’espace, si elle existe, dans les essais
philosophiques de la période parisienne de Leibniz et des années qui la suivent.
Enfin, en rejetant les figures hors du champ de sa géométrie, mais en affirmant par
ailleurs qu’elle est une science de l’imagination, Leibniz laisse penser que l’imagination est
quelque chose d’autre que dessiner, représenter des figures dans son esprit. Elle apparaît
plutôt comme la capacité de se représenter des objets d’une certaine façon, en
l’occurrence d’une manière perspective en cela qu’il s’agit d’une représentation selon les
positions relatives ou situations mutuelles. Mon interrogation est alors la suivante : Si la
caractéristique géométrique requiert une nouvelle conception de l’espace, et si cette nouvelle
notion de l’espace est liée à la notion de perception, alors cela semble impliquer que la forme
même de l’objet dans la caractéristique géométrique est aussi la forme de l’objet de la
perception – ainsi que l’affirme d’ailleurs Vincenzo De Risi. En outre, comme l’activité de
perception est également, chez les êtres humains, une activité de connaissance, le succès de la
caractéristique géométrique est fondé dans la correspondance, ou plutôt l’adéquation, de ses
objets et de ses règles avec la nature même de l’activité intellectuelle des substances. Or, cette
activité est définie par Leibniz comme étant l’expression ou, en d’autres termes, comme la
représentation de l’univers au sein de l’unité de la substance, par la perception des qualités
relationnelles entre les éléments de cet univers. Face à une telle transitivité des formes, de la
géométrie à l’univers, de l’univers perçu à la susbtance percevante, de la perception à la
connaissance, se pose une ultime question, polémique si l’on considère la richesse, mais aussi
l’aveuglement né de l’interprétation panlogiste hérité de Couturat : La philosophie de
Leibniz, puisqu’elle est fondée dans l’expression, doit-elle être considérée comme toute
géométrique ? Et si elle l’est, peut-on considérer que les aspects dynamiques de sa
philosophie sont suffisamment explicités, par exemple par le fondement des conceptions
d’espace et de situation par le concept de via ?