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par
Audrey Leroux
et
Mirko Constantineau
On a déjà dit que les Celtes étaient un peuple silencieux parce qu'ils n'ont
pas écrit leur histoire et ni leurs coutumes, en résumé ils n'ont rien écrit de formel
tels que les Romains et les Grecs l'avaient fait. À vrai dire, n'est-il pas ironique de
demander cela à un peuple dont la sapience s'appuie sur l'oralité? Si les Celtes
n'ont laissé aucune archive, le moins que l'on puisse dire est que leurs traces
laissées, elles, sont très bavardes et les nouvelles découvertes archéologiques nous
le prouvent constamment. Ou peut-être ont-ils simplement compris que le silence
parle, c'est à nous d'écouter et de regarder. Depuis la période de Hallstatt jusqu'à
la Tène, jusqu'à Saint Patrick, l'image de la charpente, que l'on nomme les
Druides, de cette société fut brisée à un tel point qu'en ramasser les morceaux pour
en reconstruire le portrait se révèle être une tâche ardue digne d'un travail de
moine.
De nos jours, mille et une spéculations circulent au sujet des druides, il y en a pour
tous les goûts.
Nous allons voir la différence entre le celtique type P et le celtique type Q, nous
verrons aussi comment le mot druide perd son caractère sacré à travers les
réformes des langues celtiques modernes. Et bien sûr, tout en suivant la piste de
Françoise LeRoux et de Christian-J. Guyonvarc'h, nous considérerons le caractère
sacré du vieux celtique continental. Nous verrons comment les bardes habiles de la
langue prodiguent de profonds jeux de mots par cette langue ancienne, forte en
figure de style métaphysique. Il sera de plus question de la liturgie, d'approche
rituelle et de l'univers mental socioreligieux des Druides. Bien que de nos jours les
nouvelles perspectives du druidisme soient abondantes, il nous faut toujours
prendre du recul et nous ne parlons pas uniquement pour les auteurs qui font dans
la psychopop ou toute autre spiritualité moderne, car nous aimerions apporter une
mise en garde aussi envers certains érudits. L'érudition est certainement une chose
très noble, mais il ne faut pas oublier que derrière chaque ouvrage il y a toujours
une idéologie, derrière chaque érudit il y a toujours un idéologue. Principalement
lorsqu'il s'agit d'anthropologie et d'histoire! Il y a souvent une interprétation ou une
vision pour envenimer la neutralité historique et bien malin est l'érudit qui dira
haut et fort qu'il n'est pas ensorcelé par une idée. Il est donc tout a fait nécessaire
de rester le plus neutre possible lorsqu'on approche un tel sujet.
Nous allons ici prendre le temps d'esquiver les grands chapitres de l'histoire
des Celtes pour la simple raison que celle-ci nous propulserait dans l'histoire des
migrations indo-européennes et pour cela il nous faudrait un ouvrage en entier
voire même plus pour traiter d'un tel sujet. Prenons donc le temps de considérer
l'implication indo-européenne tant linguistique que cultuelle et culturelle. Situons-
nous à l'époque de Hallstatt vers -800 à -500 avant J.-C., pour nous propulser à
l'époque de la Tène -450 à -25 avant J.-C. Donc la Tène 1,2,3,4 jusqu'à la fin de
l'indépendance. Nous pensons qu'un bon début serait la découverte du tumulus du
Prince de Glauberg dans l'actuelle commune de Glauberg, en Hesse, Allemagne.
Nous y trouvons une bien curieuse statue qui drôlement évoque certains
commentaires de Pline l'Ancien, comme celle-ci dans Historia Naturalis XVl,
249 :
''On ne doit pas oublier dans ces sortes de choses la vénération des Gaulois. Les
druides, car c'est ainsi qu'ils appellent leurs mages, n'ont rien de plus sacré que le
gui et l'arbre qui le porte.''
''Cet art divinatoire n'est pas négligé non plus par les peuples barbares, puisqu'il
y a les druides en Gaule et parmi eux, l'Éduen Diviciac, ton hôte et ton
panégyriste, que j'ai connus, et qui déclarait que les raisons des phénomènes
naturels, ce que les Grecs appellent physiologie, était connu de lui, qui disait aussi
prévoir l'avenir, d'une part par les augures, d'autre part par la conjecture.''
Nous avons ici un indice qui porte à croire que Diviciacos serait de la catégorie
des Vates. Dans son livre De Bello Gallico, César mentionne un autre nom
intéressant qui retiendra notre attention, il s'agit du nom de Gutuater. Nous ne
savons pas très bien s'il s'agit d'un nom propre ou d'un titre, mais les experts
d'aujourd'hui auront tendance à croire qu'il s'agirait bien d'un titre ou peut-être
même les deux à la fois. Le terme gut, en vieux celtique type P, fait référence au
verbe, à la louange, à ce qui donne la voix, puisque gutu veut dire parole. Gutos
veut dire incanter, Guton pourrait vouloir dire divinité et pourrais avoir donné en
anglais God, comme en vieux norrois le titre de Godi pour sacrificateur. Ater veut
dire père, donc Gutuater voudrait dire Père de la Parole, Père de l'Incantation. Il
pourrait donc s'agir d'un sacrificateur ou d'une fonction sacerdotale se rapprochant
des Vates. Les Druides sont investis dans toutes les fonctions de la société celtique,
alors on pourrait retrouver un culte druidique s'adressant à la troisième fonction
utilisant même les Dioscures comme divinités principales. Leur culte pourrait
avoir eu un rapport accentué sur la fertilité, d'ailleurs on retrouve au pays de
Cornouailles encore de nos jours certaines personnes pratiquant la soi-disant
sorcellerie traditionnelle et ils se réclament du dieu Bucca. Le vieux celtique
gaulois nous apprend que ce bon vieux Bucca veut dire bouc, mais aussi diablotin.
Il n'est pas impossible que le temps ait extrapolé une divinité des étables pour en
faire une espèce de concept divin survivant aux oppressions chrétiennes. Il faudrait
avoir tort de penser que les Druides, malgré leur fonction sacerdotale, soient
séparés du peuple, comme cela se voit dans de très mauvais romans!
dire maison, Tegus qui veut dire toit. Ces guerriers investis du savoir druidique
n'étaient pas de simples barbares sanguinaires, nous prendrions même le risque de
dire que ces guerriers devaient avoir un code de conduite comparable au Bushido
des Samouraïs japonais. L'art guerrier devait être une science, ils devaient peut-
être aussi être comparés aux Berserkers des Germains, combattant dans un état de
transe, un exemple frappant serait certainement celui de Cuchulainn dans la Razzia
des vaches de Cooley. En vieux celtique, nous avons un terme qui se dit Slougogarsmen,
qui signifie littéralement cri de l'armée et nous retrouvons ce terme en irlandais comme
étant le Grith et dans le gallois Gryd, évoquant un son aigu, fort et épouvantable qui
nous rappelle encore le Kihai des Japonais. Entre autres, dans le glossaire de Cormac, on
retrouvera la formule imprécatoire des filidh portant le nom de Glam Dichenn. Nous ne
voudrions pas trop spéculer, mais il est absolument certain que cette forme de guerriers
spirituels détient tous les atouts du prototype indo-européen, au point même où l'on
retrouvait chez les légionnaires romains quelque chose de semblable aux Berserkers,
mais utilisant comme animal catalyseur le loup plutôt que l'ours. La première fonction
sacerdotale pure et simple quant à elle se retrouverait dans les sphères hautement
intellectuelles, elle se manifeste par la médecine, le spirituel, et l'aspect juridique.
Quoiqu'il nous arrive de retrouver de simples Druides appelés Equos qui ressemblent
plus à des rassembleurs dans les célébrations qu’à des sacrificateurs. L'appareil
druidique n'est pas chose aisée à comprendre par le fait même qu'il touche à tout et
s'exprime partout, même l'esclave ou le paria peuvent se voir pratiquants d'un druidisme
de bas étage comparable à la sorcellerie telle que nous l'appréhendons aujourd'hui. C'est
donc à tort que les gens pensent voir une classe de Druides habillés de toges blanches se
détachant du peuple, le druidisme en un mot est le moteur, le cœur, de toute la Celtie.
Plus loin, nous verrons le rôle des femmes chez les Druides et dont nos auteurs grecs et
romains en parlent bien peu, mais nous vous montrerons l'importance capitale qu'elles
devaient avoir. Pour récapituler, nous avons la classe 1, 2, 3, donc :
1-Sacerdotale
2-Guerrière
3-Productrice
L'essence du Druidisme
Dans son livre De Bello Gallico, César nous apprend que le druidisme est
composé de trois classes : les bardes, les vates et les druides. Nous avons vu dans le
chapitre précédent que tout ceci est une simplification de quelque chose de beaucoup
plus complexe. Il ne faut donc pas s'arrêter à cette triade, prenons le temps par contre de
bien considérer une chose, il s'agit du moteur même de la philosophie celtique, c'est-à-
dire la poésie. Les bardes, comme on les appelle, et dont le nom est des plus stable dans
le vocabulaire de l'antiquité celtique. Bardos en vieux celtique continental. Le néo-
druidisme qui de nos jours s'amuse à ressusciter le bardisme commet toujours la même
erreur, on y classe les bardes dans une classe à part, complètement déconnectée de la
classe des vates et des druides. Un peu la même chose se produit dans l'Asatru, les
scaldes sont pratiquement inexistants. Nous pensons que la plus grande erreur que le
paganisme moderne n'ait jamais commise est de sous-estimer l'importance qu'avaient les
poètes dans l'Antiquité, aussi bien en Grèce qu'en Celtie, seule Rome ne possédait point
de poètes ni même de mythologie. Les Romains empruntaient celle des Grecs et le culte
des Flamines n'est qu'une liturgie et moins une théologie. Chez les Celtes toutefois, la
Nous avons ici tous les ingrédients de base pour fabriquer une religion et c'est là que le
poète prend naissance. La poésie mettra en œuvre tous ces éléments dans une cohérence
majestueuse remplie d'enchantement. Curieux de savoir s'il est bien seul dans cet univers
rempli de mystères, le poète ou la poétesse provoquera cet univers singulier en le
nommant, en lui donnant des adjectifs comme noms, il lui demandera de le seconder et
s'il ne l'est pas, il le provoquera à nouveau. Il tentera même de pénétrer dans cet univers
onirique pour prendre contact avec cette puissance qui semble partout et nulle part à la
fois. Voici bien l'archaïsme du shaman pourrait-on dire, mais encore est-il que le
chamanisme est beaucoup plus avancé parce qu'il est structuré et il répond à une société
humaine bien précise.
Pour revenir chez les Celtes, les bardes, comme les scaldes, sont justement ces êtres
humains qui, devant cette problématique dont nous venons de parler, ont su donner
forme et ont su concevoir ce que nous appelons une théologie. Les dieux en Celtie
comme dans la plupart des peuples indo-européens ne donnent pas des noms propres à
leurs dieux, leurs dieux sont des épithètes, ils représentent des puissances bien précises.
Et souvent ces divinités toujours dans le concept celtique transcendent leur propre
principe, ainsi Lugh ou Brighid ne sont pas dominés par une seule idée. Il est
malheureux de nos jours de constater à quel point ce type de concept est encore très mal
compris. Le néo-paganisme, marié à la mouvance Nouvel Âge, a une conception très
unilatérale des divinités. Par exemple : plusieurs pensent que leurs divinités existent
dans un univers parallèle comme l'Au-delà et qu'ils ont un agenda à suivre, des goûts,
des caprices, etc. Il ne manque plus que l'adresse courriel! Ce type de perception ultra-
formelle a pour origine le christianisme. L'enseignement prodigué par ce dernier est que
Jésus Christ est un envoyé de Dieu le Père tout puissant il y a plus de 2000 ans et que
finalement il est venu enseigner la vraie religion à son peuple. Son existence physique
est incontestablement historique et son apparence physique en plus de ses livres les
évangiles, nous envoie directement dans une formalité à laquelle nous avons été
formatés depuis beaucoup trop longtemps! Nos mécanismes psychiques en sont très
habitués et amener un Occidental moderne vers la pensée celtique risque d'être périlleux.
Mais qu'est-ce donc que cette pensée celtique? Il faut bien le constater, les Druides n'ont
rien laissé de formel. César nous apprend ceci dans De Bello Gallico :
''Les Druides estiment que la religion interdit de confier ces connaissances à l'écriture
alors que dans presque tous les autres domaines pour les comptes publics et privés, les
Gaulois utilisent les caractères grecs. À mon sens, les Druides ont établi cette règle
pour deux motifs, ils ne veulent pas que soit divulgué leur doctrine ni que leurs élèves
comptent sur l'écriture, négligent leur mémoire, car dans la plupart des cas il arrive
qu'avec le secours de documents écrits on se relâche de son zèle à apprendre par cœur
et on laisse la mémoire s'affaiblir.''
Nous pouvons aussi constater que les Gaulois n'avaient pas vraiment une forme d'art
réaliste, comme à Rome ou en Grèce et c'est pour cette raison que Brennos lorsqu'il
envahit Delphes fut pris de rire devant les statues de divinités, il trouvait absurde que
l'on définisse d'aussi grandes puissances dans une mesure aussi humaine. Les Celtes
comme chez les Germains avaient une vision multidimensionnelle de leurs divinités et
les bardes comme les scaldes en étaient les confectionneurs. Remarquons d'ailleurs dans
les Eddas poétiques de Snorri Sturluson que les dieux et les déesses sont utilisés comme
des porte-chapeaux, de cette façon ils peuvent beaucoup mieux incorporer certaines
notions de poésie scaldique. La poésie eddique quant à elle est beaucoup plus noble et
mystique, jamais le poète ne s'y nomme. Ainsi, les choses ne sont pas tellement
différentes dans les écoles bardiques du Moyen Âge en Irlande. On pourrait dire que
l'univers celtique est surréaliste avant d'être spiritualiste, c'est-à-dire que son regard est
intérieur et non extérieur en premier lieu, les Celtes voyaient le monde par leur
imagination issu de leur compréhension raisonnée du monde extérieur. Ils comprenaient
que l'intelligence ait éclos dans les hauteurs comme la hauteur du corps (la tête),
comparable aux fruits de l'arbre et de ses feuilles, mais que son origine fût la terre, son
intérieur, voire la mer qui contient toute forme de vie. Tout dans le monde naturel s'élève
vers les hauteurs, les arbres, les montagnes, les animaux, même les vagues de la mer.
Mais pour y parvenir, la vie a besoin d'un intermédiaire, l'arbre a besoin de son tronc et
l'être humain de son corps. Nous avons donc ici notre monde divisé en trois parties: le
ciel, la terre, la mer ou le monde d'en-dessous, Andumnon en vieux celtique continental.
Ils avaient hérité cela de leurs ancêtres primordiaux indo-européens tout comme le
concept des quatre directions que l'on retrouve aussi dans ce que l'on pourrait appeler le
shamanisme primordial, l'animisme, si l'on veut bien faire la part des choses concernant
ce terme. Ainsi dans les Vedas de l'inde, nous avons les quatre kumaras issus du sacrifice
Purusha qui nous rappelle le géant Hymir tué par Odin dans la mythologie scandinave
qui créa le monde en y plaçant quatre nains pour maintenir le cosmos. Ces quatre nains
sont Nordri, Esdri, Sudri, Westri et nous retrouvons en Celtie dans le Lebor Gabála
Érenn Morfessa, Esrus, Semias, Uscias dans les quatre îles du Monde spirituel, là d'où
viennent les quatre trésors de l'Irlande des Tuatha De Danann.
Les druides croient-on, auraient été de grands philosophes voire peut-être même les plus
grands de toute l'Antiquité, Diogène Laerce, Vie et doctrines des philosophes célèbres,
nous dit, livre 1, prologue1, :
Ceci est sans compter le rapport intime existant entre le pythagorisme et les
druides. Mais pour mieux clarifier la question de la pensée druidique ici, nous
allons devoir nous soumettre en toute logique à l'approche de Georges Dumézil,
car il est difficile d'élaborer la pensée druidique sans le contexte indo-européen et du
système de l'organisation en trois fonctions. Cette question n'est même plus discutable
de nos jours et il nous faudra oublier l'approche chamanique de Michael Harner, car ce
rapprochement est hors contexte de la pensée druidique. En effet, la colonne de la
société celtique aristocratique et guerrière est les druides eux-mêmes, tandis que le
shaman s'adresse à une société beaucoup plus primitive et individualiste axée sur
l'élevage des bêtes et de la chasse. Il ne faudrait pas quand même rejeter l'idéologie
animiste qui est à considérer. Il existe aussi certaines hypothèses qui remettent en
question l'idéologie indo-européenne pure et dure. Nous retrouvons l'hypothèse
kourgane, l'hypothèse anatolienne et la théorie de la continuité paléolithique, toutes
propulsées par les découvertes de la génétique. Dans ces nouvelles approches qui ne sont
pas banales et insignifiantes, disons-le, un nouveau regard s'ouvre, mais l'approche
linguistique ne démord pas parce qu'elle est un fait aussi vrai que l'ADN et
l'archéologie. Le terme de chaman nous apparaît provenant du sanskrit saman qui
voudrait dire vivre ou respirer, il fût utilisé pour désigner les guérisseurs ouralo-altaïques
d'Asie. En Amérique chez les Algonquiens on les nomme Metewa (mystique), dans cette
même famille on retrouve
chez les Montagnais, les Manitusiekhi et chez les Hurons ils sont nommés Arendiouane
et leurs femmes sorcières Aataentsic. Le terme chamane ne peut fonctionner en rapport
de son idéologie et ne peut pas être la clef de la pensée druidique, il ne suffit pas de
pratiquer la transe pour être chamane, à même titre que nous ne dirons pas que Saint-
Jean et son évangile très mystique est chamane, ni Jésus Christ qui parle aux anges et
aux démons, ni même les spirites de l'époque victorienne. Être chamane vient avec le
contexte culturel qui lui appartient et il en va de même pour les druides, restons donc
dans un contexte Orthopraxe indo-européen pour que l'on puisse utiliser des éléments
efficaces de comparaison dans le but de faire parler nos sages silencieux. L'archaïsme le
plus ancien n’est nul autre que l'animisme, mais sa forme peut sans doute se manifester
sous divers aspects. Pour demeurer plus prudents, nous ne pourrions faire autrement que
de répéter que le terme animisme est plus juste, même les Vedas de l'Inde constituent
une part d'animisme et il est bien certain que des éléments purement shamaniques
s'articulent à travers le druidisme. Et ce sont les Devas eux-mêmes qui vont dicter aux
Rishis, qui sont les sages voyants, les quatre Veda. Ils ont le pouvoir de la voyance et
sont l'archétype même très semblable aux druides.
Pour en revenir à notre sujet, nous choisirons trois objets de comparaison: les Romains
et les flamines, la Germanie et ses godis(a) (völva) et le Brahmanisme de l'Inde, celui-ci
sera d'ailleurs le plus important pour la simple raison que cette tradition est restée
intacte. Christian-Joseph Guyonvarc'h et sa femme Françoise Le Roux ont d'ailleurs
consacré leur vie à démontrer le lien entre le druidisme et le brahmanisme, bien sûr nous
le savons l'école de pensée britannique a cru devoir leur reprocher de ne pas tenir
compte des témoins archéologiques. Cette vision plutôt désuète les amenait à répliquer
ceci en 1964 :
''Il nous est facile de répliquer qu'il n'y a pas d'archéologie druidique dans les ouvrages
sérieux parce que les contextes archéologiques de Hallstatt, de la Tène, ou de n'importe
quelle culture de la protohistoire, ne nous disent rien des druides. D'ailleurs, si on nous
reproche de ne pas tenir compte d'une archéologie inexistante, c'est presque toujours
pour ne pas avoir à prendre position sur une idéologie tripartite sans laquelle le
druidisme mythique de l'Irlande nous dispense d'avoir à les replacer dans un
quelconque contexte évolutif, historique ou protohistorique. Nous prévenons aussi une
fois pour toutes que notre étude se développe suivant trois axes fondamentaux de la
tradition celtique considérée dans ses structures concrètes et profondes : mythologie,
théologie, idéologie, ce dernier mot étant pris au sens, non actuel, de l'étude des idées
dans leur ensemble suivant une remarquable définition de M. Georges Dumézil.''
Ainsi, dans la vision Dumézilienne, la chose la plus logique sera la comparaison, druide
et brahmane. Nous aimerions aussi apporter l'attention sur la comparaison d'auteurs tels
que Stuart Piggott, Peter Berresford Ellis, Guyonvarc'h, Le Roux, et nous devons dire
que chacun de ces auteurs est intéressant et parfaitement valable, mais nous devons
conclure que Guyonvarc'h et Le Roux sont plus en contexte avec notre démarche qui est
la connaissance druidique. Piggott semble éprouver de la difficulté à exposer la thèse
toute naturelle indo-européenne. L'utilité de l'étymologie de l'étude des langues
anciennes indo-européennes nous sera donc l'outil par excellence. À commencer pour
comprendre ce que veut dire le terme Druide. Bien qu'il soit connu des langues
classiques comme le grec et le latin, l'étymologie du mot Druide fait apparaître un autre
terme -uid- d'où la racine ueid-savoir, Veda en sanskrit, oide en grecque, weiss en
allemand, fiss en vieil irlandais, etc. Dru pourrait être un jeu de mots entre un préfixe
intensif et le mot bois, chêne étant deruo, ainsi nous pouvons déduire que le mot druide
ou plutôt druuide, tout comme leur concept divin, n'ont jamais qu'une seule signification,
elle nous projette dans un univers où les mots s'entremêlent pour nous donner une
signification multidimensionnelle qui se transcende. L'on pourrait dire alors celui qui a
la connaissance dure du chêne et en sanskrit nous avons (dhru-Vidya) pour connaissance
solide. Les dieux en sanskrit se dit Devas et en celtique insulaire se dit Deuoi qui veut
dire lumineux, reconnaissons l'anglais Day qui en a gardé la racine indo-européenne. La
société Védique se divisait en quatre classes comme chez les Celtes: prêtre, guerrier,
marchand, laboureur et les intouchables. Mais l'idée ici est de nous rappeler que les
druides étaient de grands philosophes de même que les castes les plus élevées de l'Inde
et en voici un exemple : Nyāya et Vaiśeṣika, Le Vaiśeṣika, Sāṃkhya et Yoga,
Mīmāṃsā et Vedānta, le monisme Advaita Vedānta. Il est tout à fait démontrable que
les peuples indo-européens de l'Ouest eussent des conceptions similaires et il est très
probable que les druides en étaient même des experts. Nous allons retenir une école de
pensée, le monisme Advaita Vedānta relativiste.
Il ne faut pas penser ici à un cas isolé et il ne faut pas non plus y voir un monothéisme,
car la Monade (substance éternelle qui compose l'éternité) du Monisme englobe le
dualisme et l'animisme pour les transcender vers le non-dualisme dans un relativisme,
ainsi admettre un dieu ou plusieurs dieux dans le dualisme ne sont pas une grande
prouesse philosophique. Les dieux dans l'acceptation moniste sont alors vus comme des
hypostases qui personnifient les idées humaines que nous nous faisons du Grand Esprit,
voici ce que nous dit Plutarque :
''C'est ainsi, Cléa qu'il faut accueillir et accepter sur les dieux, ce qu'en
rapportent et en expliquent les esprits qui unissent le sens religieux au sens
philosophique, tout en persévérant dans la pratique et dans l'observance des
prescriptions relatives aux saintes cérémonies. Mais en pensant aussi que rien ne
saurait être plus agréable aux dieux que d'avoir sur leur compte des opinions qui
soient vraies, tu pourras éviter un mal non moins à craindre que l'athéisme, et qui
est la superstition!...''
Plutarque qui était prêtre d'Apollon ne s'est jamais gêné pour démontrer son sens
du Monisme, évoquant la qualité suprême de la lumière et de l'amour, de
l'intelligence, comme étant l'épithète par excellence de la divinité suprême. Nous
comprendrons mieux aussi pourquoi le christianisme s'est greffé avec aisance à
l'hellénisme grec. Constatons ici que l'Apollon est l'équivalent de Mercure, et
comme nous le dit si bien César ou plutôt Poseidonios d'Apamée, Mercure est la
divinité la plus adorée chez les Gaulois. Grâce au Lebor Gabala Erenn, nous
savons que Lugh (Lugus) est la divinité suprême. Nous pouvons aussi y joindre
Esus, Belenos, Grannos et Smertrios qui sont différents avatars du même principe
qui est Lugus, et qui se fondent dans une conception unique du divin. Nous
retrouvons les cinq vocables rituels qui étaient consacrés à Apollon, pythien
(chercheur), délien (clair), phanaen (lumineux), ismaéen (savant), leschéborien
(conversant). Constatons la fluidité des divinités qui s'entremêle comme des
rivières qui se rejoignent dans un fleuve par des noms qui sont des épithètes, car
l'épithète est la force de la divinité. Chez les flamines à Rome, le sacrifice s'opère
uniquement dans une formule très précise utilisant le nom du dieu. Si le flamine
n'a pas le nom du dieu qui est une épithète évoquant sa qualité, le sacrifice sera
non fonctionnel. Ainsi, si le flamine possède le nom de la divinité d'un peuple
ennemi, il pourra utiliser la puissance de ce dieu contre son peuple lui-même.
Donc nous retrouvons trois druides primordiaux en Irlande :
Eolas (expert),
Fius (connaissant),
Fochmarc (recherche).
Ces trois druides sont d'une importance capitale, car ils évoquent les trois
fonctions et les trois qualités nécessaires pour être un druide. Si l'une d'elles est
manquante, il n'y a plus de druide, ainsi donc le principe du druidisme est la
recherche continuelle du savoir. C'est donc le sujet de la gnose chez la plupart des
païens, qui est mise de l'avant en tant que principe transcendant et absolu non
dualiste.
Nous avons aussi plus de 700 noms épigraphiques provenant de trace scripturale
pour qualifier le divin qui dans la conception celtique des trois royaumes va du bas
vers le haut comme le terme (uxs) l'atteste, Uxamos = le plus haut, breton = uhel,
gallois = uchaf, nous pouvons aussi spéculer avec le nom Gutton Uxellimon.
Nous sommes bien loin du paganisme moderne nous le concevons bien, mais il
nous est difficile d'admettre que les druides n'étaient rien d'autre que des animistes.
Il nous semble que tous les témoignages et les ruines du passé nous disent que le
druidisme était une spiritualité des plus profondes la plus élevée que l'être humain
n'est jamais imaginée. L'antiquité regorgeait de sages errants comme les
bouddhistes qui à la demande de l'empereur indien Asoka devaient voyager le plus
loin possible pour diffuser leur savoir. N'oublions pas non plus le texte canonique
du roi Milinda qui en fait justement mention.
Ainsi nous pouvons penser que le peuple simple avait une vision animiste limitée
par le dualisme de leurs dieux et que nous trouvions chez les instruits des
philosophies plus élevées et plus profondes. Toujours pour comprendre le principe
immuable du Monisme, sortons un instant de la thèse indo-européenne et allons
justement à la rencontre des shamans amérindiens. Nous allons laisser la parole à
ASKI-Y
Elle rendait assez bien les aspects changeants de Kije-Manito. Elle tournait sur
elle-même ne montrait presque toujours qu'une seule des ses faces, se dévoilait
peu à peu, et même en période pleine, demeurait quelque peu mystérieuse.
Oui, ce reflet de lui-même, celui peut-être de ses mystères, était acceptable.
Mais à la longue, il devint insatisfaisant.
C'était en fait toujours pareil. Un croissant, puis un autre, puis presque une face,
puis Tibiskawi-pisim au complet.
Et Kije-manitou s'ennuya.
Vraiment, cette œuvre était figée.
Elle ne rendait pas bien l'aspect du mouvement perpétuel que Kije-manitou savait
en lui. Il la laissa se débrouiller dans l'immensité des dieux et se replongea en lui-
même. Celui qui se regarde à travers les eaux claires et calmes d'une rivière reçoit
sa propre image. Kije-manitou se contempla, et à travers lui-même, limpidité et
paix reçut une infinité de reflets.
Il ne s'en étonna pas, car il ne s'ennuyait pour ainsi dire jamais avec lui-même.
Seules ses œuvres le laissaient jusqu'à ce jour insatisfait. Bien sûr, il se voyait lui-
même comme un être unique, un Kijikawi-pisim. Bien sûr il était plein de mystère
comme Tibiskawi-pisim.
Mais il y avait bien d'autres choses.
Soudain, il lui sembla que tous ses aspects brillaient en même temps.
Quelques-uns s'éteignaient parfois, remplacés par d'autres.
Réaliser cela ne comportait rien d'extraordinaire; depuis longtemps, Kije-manitou
connaissait ses aspects changeants.
Il contempla à nouveau ses puissances densité et fluidités, et en extirpa une infinité
de petites masses sablonneuses.
Il les façonna de forme variée, sans jamais refaire la même, et afin de les
contempler hors de lui-même, les projeta dans l'immensité des dieux.
Elles se mirent à briller comme autant de minuscules Kijikawi-pisim
et Kije-manitou contempla.
Cette œuvre nouvelle lui parut d'abord fort divertissante. Elle faisait du fond
sombre de l'immensité des dieux une voûte étoilée par d'innombrables petits yeux
tout brillants.
Ce n'était pas mal du tout. C'était même fort bien.
La nuit, ces étoiles faisaient cortèges à Tibiskawi-pisim.
Le jour, elles disparaissaient, éblouies par la puissance du dieu Kijika-pisim.
Décidément, cette œuvre était réussie. Elle ajoutait aux deux premières et aussi se
Il replongea en lui-même.
Il se trouva seul.
Si seulement d'autres êtres pouvaient voir et profiter de ses œuvres!
À cette pensée, il lui sembla que tout alors prenait un autre aspect.
Bien sûr, des êtres habitants chacune des étoiles, par exemple, apporterait un
espoir de vie viendrait parachever ses œuvres.
Un jour de grand ennui, Kije manitou, avait pensé un nom pour certaines des
étoiles
du fond sombre de l'immensité des dieux.
Il contempla ses puissances souffle et fluidité, prit un des grains de sable de l'étoile
et le gonfla d'un souffle humide.
Puis il l'enfouit parmi d'autres grains, s'assit et entendit patiemment .
En peu de temps, une petite tige apparut. Kije manitou fit le calcul.
Si la petite tige avait pris tout ce temps pour apparaître, combien de soleils lui
faudrait-il pour atteindre sa pleine grosseur?
Beaucoup de soleils, sans doute! Et Kije-manitou eut peur de s'ennuyer.
Alors pour passer agréablement le temps nécessaire à la poussée de la petite tige,
Kije-manitou décida de se faire un compagnon.
Il prit un grain de sable, contempla à nouveau ses puissances souffle et fluidité et
d'un souffle humide gonfla le grain.
Une toute petite bête, couleur de l'ombre du fond sombre de l'immensité des dieux,
vacilla sur ses pattes. Kije-manitou la contempla et lui donna le nom de son étoile,
Maska.
En peu de soleil, Maska grossit suffisamment pour jouer avec Kije-manitou, et
ensemble ils s'amusèrent.
Ils firent plusieurs fois promenade autour de l'étoile, s'amusèrent à cache-cache
derrière la petite tige, la contemplèrent longuement côte à côte.
Le temps passait.
La petite tige grossissait toujours et promettait de devenir un arbre florissant.
Quand tous deux eurent atteint leur pleine grosseur, la petite tige et la bête, Kije-
manitou contempla son œuvre avec ravissement.
Il s'éloigna même un peu pour avoir le recul nécessaire à une appréciation juste.
Nul doute, cette œuvre était la plus belle, la plus fidèle à lui-même jusqu'à ce jour.
Kije-manitou décida de la reproduire sur chaque étoile.
Juste avant de partir, il songea que peut-être Maska s'ennuierait facilement , seul
de son espèce sur son étoile.
Alors, par amour pour lui, il prit un grain de sable et lui donna une compagne, Oje-
Maska, une Petite Ourse très jolie.
Puis il partit accomplir son projet. Quand chaque étoile fut devenue l'habitat d'une
seule espèce de plante et d'une seule espèce de bête accouplée, Kije-manitou
contempla son œuvre.
Presque satisfait, il replongea en lui-même.
Cela était certes beau et bon. Un aspect essentiel de Kije-manitou manquait
pourtant : l'intelligence.
Toutes ses œuvres étaient manifestation de l'intelligence de Kije-manitou, mais
aucune n'était intelligente.
Aucune n'était apte à définir son état, à le juger, à apprécier son entourage.
Cela était bien ennuyant.
Et Kije-manitou s'ennuya.
Celui qui se regarde à travers les eaux calmes et claires d'une rivière reçoit sa
propre image.
Kije-manitou se contempla et à travers lui-même , vit un monde tellement différent
des autres, tellement varié que des êtres intelligents pourraient l'habiter, et sans
jamais s'en lasser, y vivre en paix avec eux-mêmes et avec leur entourage.
Kije-manitou se mit à souffler en lui-même. Un nombre infini de voiles toutes
gonflées commencèrent à traîner en forme de nuages. Il laissa alors l'eau de sa
puissance fluidité se déverser dans ces voiles.
Puis il les souffla hors de lui-même dans l'immensité des dieux, entre Kijikawi-
pisim et Tibiskawi-pisim. Les voiles gonflées s'entrechoquèrent en mille éclairs, le
tonnerre gronda, soudain, éclata et des larmes de pluie coulèrent de Kije-manitou
entre kijikawi-pisim et Tibiskawipisim.
L'eau coula de Kije-manitou entre kijikawi-pisim et Tibiskawipisim.
Par la toute-puissance de son souffle, une pointe de poussière d'étoiles se détacha
et coupa le courant liquide.
Elle fit barrage et l'eau ne coula plus, mais commença à s'y transformer.
Peu à peu, une masse gluante, semblable à la pâte de banik se forma.
Pendant un certain temps, elle se promena entre les astres, informe et indécise,
dans l'immensité des dieux.
De Kije-manitou jaillit le nom Aski-y, pour cette masse de boue.
Kijikawi-pisim réchauffait cet amas compact, et par endroits, la boue séchait sous
l'influence de ses chauds rayons : la terre naissait... À d'autres endroits, Tibiskawi-
pisim attirait l'eau hors du mélange : les grandes étendues de surfaces se formaient.
L'attrait exercé par Kijikawi-pisim et Tibiskawi-pisim modela la forme d'Aski-y
comme elle est, ronde et plate à la fois.
Certains dieux, attirés par Aski-y, y trouvèrent refuge et accueil .
Ils furent dieux amis de Kije-manitou. Les dieux à qui Aski-y parut repoussant
devinrent ses ennemis. Car Kije-manitou, le dieu tout-puissant nourrissait de
grands rêves pour cette masse informe.
Celui qui se regarde à travers les eaux calmes et claires d'une rivière reçoit sa
propre image. Kije-Manito se regardait, et à travers lui-même recevait sa propre
image : celle d'un monde plein d'amour, varié à l'infini dans toutes ses
manifestations de vie.
''Fionn plongea ses doigts dans l'eau entre les roseaux et effleura son front, à cet
instant, l'eau brilla comme une flamme. ''Sive!'', cria-t-il. La flamme d'argent
s'immobilisa entre les roseaux, sur le lac. Elle se dressait, proche de l'autre rive. Sa
beauté était effrayante. Sa beauté était comme une épée qui s'enfonça dans le cœur.
Sa beauté était comme une flamme qui le consumait. Aucune force n'était plus en
lui. La moelle de ses os s'était desséchée. Et elle restait là, et derrière elle l'univers
devint visible avec les dieux couronnés des Dana, rang sur rang, et lui ne pouvait
pas lever la tête, ne pouvait soulever une paupière. ''Quelle est ta volonté?'',
demanda-t-elle. C'était une voix si douce et si suave qu'il sembla à Fionn qu'elle
parlait en lui-même. Fionn savait que chaque montagne en Irlande était pleine
d'attentes pour entendre sa réponse. Il aurait voulu crier : ''Te voir, te voir! Une
seule fois, une seule fois!''. Mais sa langue ne lui obéit point et l'épée de cette
beauté s'enfonçait toujours plus profondément dans son cœur. Il gémit comme un
animal blessé. Frissonnant, il étendit les bras, et s'écroula, le visage contre terre.
Son corps s'effondra sans force. Comme il était léger, facile de se sentir mort! Il
n'imaginait pas que l'on puisse se sentir si léger, quelle verdure comme provenant
d'un émeraude autour de lui! Une étrange verdure translucide, un bienfait pour son
corps un vert illimité, clair, glissant doucement, transparent. Au milieu de ce vert,
il se déplaçait sans effort, droit et sûr. Elle l'entourait de son flot vivant et tiède, et
cédait à tous ses désirs. Les espaces déserts de ce monde ne faisaient qu'un avec
lui. Pas de lune qui les fige, de Soleil qui les consume, pas d'étoiles jaillissantes. Et
son corps était illimité comme les lointains transparents à travers lesquels il se
déplaçait. Cette absence de limite lui était étrangère et ce sentiment d'étrangeté
était une joie. Le sentiment des profondeurs secrètes au-dessous de lui le
remplissait de joie, la joie battait dans ses pulsations, il baignait dans son monde.
Il le parcourait à coups rapides. Il nageait avec force et vigueur. C'était un monde
d'eau, bouillonnante et tourbillonnante, d'émeraude pâle et brillant de toutes les
couleurs de l'arc-en-ciel. Comme ces vagues jouaient autour de lui, tandis qu'il
nageait! Comme elles bouillonnaient, dansaient et s'épanouissaient en fleurs
d'écumes! Quelle vie, quelle onde longue, lente et haute de joie qui traversaient
tout, le soulevant et l'enivrant! Il nageait dans la fontaine des noisetiers sacrés!
Lui-même était le saumon aux tâches écarlates de la sagesse et les noix des
noisetiers sacrés tombèrent dans l'eau, c'était comme des fruits étranges à la
coquille d'or, à l'amande rouge rubis, et qui exhalait un parfum merveilleux.
Lorsqu'elles
tombèrent, l'eau se colora formant des cercles cramoisis. Une onde de ravissement
se mut à travers elle. Et partout, des myriades de voix joyeuses
retentissaient :''Exulte! Exulte! Les étoiles fleurissent, la sagesse naît! » Fionn cria
d'allégresse, il était le dieu des eaux. La beauté fleurissait en lui. La sagesse se
déployait et se dévoila à lui; à chaque haute vague, chaque pulsation, chaque
battement de cœur, Fionn exultait. Et les fruits des noisetiers continuaient à tomber
sur les eaux. Ils tombaient comme des étoiles, comme des constellations
scintillantes, comme des soleils flamboyants. Et les voix criaient toujours :
''Exulte! Exulte! Exulte!''. Mais en Fionn, quelque chose avait changé, la splendeur
l'écrasait, l'enivrement pesait sur lui et accablait sa joie, comme une pluie pesante
qui abat les rameaux fleuris, comme le courant emporte les nageurs.''
Ainsi le poète, celui qui a la vision sacrée, reçoit l'inspiration divine, nous
pourrions même spéculer la médiumnité. Les poètes Filidh de l'Irlande devaient
retenir un nombre impressionnant de récits qu'on appelait en irlandais drecht. La
première année, on devait en apprendre 20, la seconde année 30, en tout jusqu'à
270 en 6 ans! Il ne faut pas oublier que les druides en Gaule, mais aussi en Irlande,
devaient retenir les rimes de quatre documents ressemblant aux Vedas. Il nous est
possible de faire une comparaison entre les sept Rishis qui représentent les sept
expressions mentales et spirituelles de Brahma et les sept druides primordiaux.
Nous pouvons retenir:
Fius= connaissance
Fochmarc= la recherche
Eolas= la sagesse
Fintan= flamme blanche
Annind= supérieur
Fors= vrai
Feren= vérité
Aussi, nous pouvons en faire une extrapolation vers la Grande Ourse et la Petite
Ourse. Cette constellation joue, de plus, un rôle majeur chez les autochtones
d'Amérique du Nord. Il faut se rappeler que chez les Celtes une chose ne veut
jamais dire qu'une seule chose, en aucune circonstance l'on trouvera un sens
unilatéral dans la pensée druidique. Ainsi, ce qui vient des étoiles a un sens divin
et ce qui vient de la Terre a un sens aussi divin, comme nous pourrions en
comprendre le sens des Toutatis qui sont des divinités tribales en rapport direct
avec le lieu physique, c'est-à-dire la souveraineté. Nous comprendrons avec
aisance après ce qui a été dit que les eaux et les profondeurs de la Terre ont aussi
leur lot de divinités. L'astronomie, sujet favori des druides selon César, ne pouvait
certainement pas avoir une place insignifiante au sein de leur structure sacerdotale.
Toute science pour ces peuples avait une expression picturale évidente et
omniprésente. L'âme sacrée du Celte peu importe sa caste est la poésie. Pour eux,
tout était sacré, rien n'était laissé à l'abandon, l'épée du guerrier était elle-même
chargée d'une puissance magique, sa lame aux deux tranchants évoquait les
La Druidesse
fortunée, elle faisait affaire avec la Grèce et Rome. C'était une femme d'affaire, chose
inexistante dans le monde gréco-romain. Mais ce qui marquera le plus l'imagination
occidentale n’est nulle autre que la druidesse, elle fut si étouffée par l'histoire qu'il est
difficile de prouver son existence, mais nous sommes tellement marqués par l'archétype
de la puissante femme sorcière, prophétesse, guérisseuse, effrayante, qui nous semble
tout simplement illogique dans le gros bon sens de la renier. Nous allons donc démontrer
par des témoignages qu'elle a existé. Mais non seulement qu'elle a existé, mais qu'elle a
mis au monde la Celtie toute entière ainsi que ses druides. Voici un témoignage de
Pomponius Mela, livre 3, 6, 48 :
''Sena, dans la mer britannique face aux côtés des Osismiens, est célèbre par son oracle
à une divinité gauloise, dont on rapporte que les prêtresses, au nombre de 9, sont
consacrées par une chasteté perpétuelle. Ils les appellent Gallisenae et croient que leurs
chants et leurs formules magiques ont le pouvoir de soulever les mers et les vents,
qu'elles peuvent se transformer, comme elles le veulent, en toutes sortes d'êtres, qu'elles
guérissent des maladies que personne d'autre ne peut soigner, qu'elles connaissent et
prédisent l'avenir. Mais ces bienfaits, elles ne les accordent qu'aux navigateurs et à ceux
qui ont fait le voyage pour les consulter.''
Il est inutile de dire que sur l'île de Sena les vagues sont plutôt impressionnantes,
néanmoins se dessine encore une fois le caractère de la sorcière, mais faut-il le répéter
lorsque César dit que la nation gauloise est adonnée aux pratiques religieuses, c'est-à-
dire tout le monde! Aussi, il faut bien percevoir dans la littérature irlandaise ces
mystérieuses femmes du Sidhe, elles sont les messagères des dieux. En Irlande on les
appela ban-drui. Il faut aussi jeter un coup d'oeil sur une déesse très importante, Brighid,
avec qui le lien du feu est une incontournable évidence, dont le maintien du feu sacré,
mais aussi par le métier de forgeron et bien sûr celui de la poétesse, l'essence même de la
spiritualité celtique. Une déesse très importante dans son rapport avec les souverainetés
est nulle autre que Morrighane, Morrigena en gaulois=née de la mer. Le lien entre l'eau
et le feu sacré du sacrifice est une évidence même ici, car ce qui est né de l'eau lorsque
l'on observe la mer à l'aube, c'est le soleil! Et Bodua, lorsque le soleil se meurt, lorsque
l'illusion (Maya en sanskrit) disparaît et que la froide vérité de l'existence de l'univers
s'installe la nuit. Strabon mentionne aussi une communauté de femmes vivant dans une
île proche de l'estuaire de Loire, auprès des Namnetes, il s'agit des Samnitai ou peut-être
Semna, toujours proche du mot nemeton. En 57 apr. J.-C., les cohortes romaines
d'Agricola commandées par Suetonius Paulinus détruisent le sanctuaire de l'île de Mona,
Anglesey, massacrant les druides et les druidesses. Il faut bien tenir compte qu'à cette
époque se prépare des révoltes, nous retrouvons dans les inscriptions de Chamalières,
une petite cérémonie décrite qui semble se déroulée entourée de femmes
qui à l'aide d'incantations crée un pouvoir magique. Dans cette cérémonie, les jeunes
guerriers rejettent leurs noms latins pour récupérer leurs identités gauloises. Voici la
transcription en gaulois du plomb de Chamalières :
L'empereur Claude, plus que César et Auguste, avait compris que le druidisme
tiendrait tête à l'Empire romain et que les femmes qui vivaient en groupes sur ces
îles lointaines étaient en fait des collèges druidiques. Tant qu'il y aurait des
druidesses, il y aurait des druides, mais aussi des guerriers. Ces femmes
mystérieuses du monde païen sont à elles seules l'un des passages les plus obscurs
de l'histoire de l'humanité. En Germanie, vers le monde scandinave, les Völva
étaient aussi du parti pris contre Rome, elles marchaient de village en village à la
recherche de guerriers pour combattre l'influence romaine. Elles avaient perdu en
grande partie leur prestige sacerdotal et furent sauvagement rejetées par les Goths
qui trouvèrent bonne alliance avec les Romains. Mais ce sont elles qui se sont
immiscées jusque chez les Huns à la rencontre d'un certain Attila, elles trouvèrent
l'excellence des guerriers, elles lui offrirent la cérémonie nécessaire en
l'investissant d'un pouvoir foudroyant. Plus tard, elles devront courber l'échine
devant le christianisme, elles prendront un risque avec Eirikr Thorvaldson dit Le
Rouge, qui les amènera découvrir l'Islande, il en transportera 9 avec lui.
Malheureusement, la femme de Le Rouge, ayant plus le sens des affaires que lui, se
convertira au christianisme et imposera cette religion sur les nouvelles terres d'Islande.
Cependant subsistera l'Hávamál avec la prophétie de la Petite Voyante. On y décrit en
détail l'opération que l'on appelle Seidr, une véritable opération digne du spiritualisme le
plus moderne, c'est dire que les choses n'ont pas tellement changées au fond. L'idée est
que la femme est le réceptacle des forces de la vie en provenance du royaume des morts.
C'est elle qui est la mieux placée pour toute opération qui est en rapport étroit avec le
monde des esprits. Pendant que l'île de Mona se faisait anéantir, on nous raconte que ces
femmes druidesses étaient habillées de noir, qu'elles étaient échevelées et criait des
incantations semblables au culte donné à Shiva. Les druides les entouraient, munis de
torches allumées du feu sacré, devant cette scène effroyable les soldats romains pris de
peur se sauvèrent. Il fallut les ressaisir à plusieurs reprises pour finalement faire replier
sur eux-mêmes les druides et druidesses, brûlés ainsi par leurs propres feux.
On a souvent critiqué les sorcières modernes, Gerald Gardner et ses idées par exemple,
mais un fait reste, l'archétype de la sorcière est tellement en nous avec Ceridwen et son
chaudron que nous aurions peut-être tort de rejeter l'idéologie sorcière à 100%. Voici
l'inscription du plomb de Larzac pour nous rappeler certains faits :
En gaulois :
Si l’on opte pour une lecture fragment par fragment (1a-1b puis 2a-2b), ce qui
semble être le vraisemblable, il est possible d’obtenir le sens suivant :
Fragment 1a : ''Envoie le charme de ces femmes contre leurs noms (qui sont) ci-
dessous ; cela (est) un charme de sorcière ensorcelant des sorcières. O Adsagsona,
regarde deux fois Severa Tertionicna, leur sorcière de fil et leur sorcière d’écriture,
qu’elle relâche celui qu’elles auront frappé de défixion ; avec un mauvais sort contre
leurs noms, effectue l’ensorcellement du groupe ci-dessous . . .''
Suit une liste d’une douzaine de noms féminins se poursuivant sur l’autre face puis :
Fragment 1b: ''Que ces femmes ci-dessus nommées, enchantées, soient pour lui réduites
à l’impuissance.''
Fragment 2a: ''Tout homme en fonction de juge, qu’elles auraient frappé de defixion,
qu’elle annule la défixion de cet homme ; qu’il ne puisse y avoir de sorcière par
l’écriture, de sorcière par le fil, de sorcière donneuse, parmi ces femmes, qui sollicitent
Severa, la sorcière par l’écriture, la sorcière par le fil, l’étrangère.''
Fragment 2b: ''Aia, Cicena, qu’elle n’échappe pas au mal de l’ensorcelée, si elle est en
enfer, ou qu’elle soit ensorcelée par le fil, si elle est (encore) visible.''
Nous avons un terme intéressant qui nous apparaît, et celui-ci est : Adsagsona. Il s'agit
d'un mot composé de Ad qui est un radical qui veut dire ''vers'', sag-s= irlandais
Adsegat, gallois Aswyno, signifiant : charmer, conjurer. Le sens est d'atteindre,
''atteignant''. Ona pour en faite un théonyme. Sag= chercher, atteindre, cela pourrait être
aussi un nom propre. On retrouve étrangement ici trois femmes principales dont une
étant comme une mère, l'autre comme fille et l'autre comme nourrice, sous le terme
Liciatim, Lissatim, Rodatim, nous sommes toujours dans la triplicité. La sorcellerie
semble être ce qui reste du druidisme hors de son cadre
sacerdotal et cette pratique mêlée à l'influence latine ne peut que donner ce que nous
voyons sur cette inscription de Larzac. Il est intéressant de noter l'archétype de la déesse
Morrighane, ses trois aspects, tout comme Brighid, mais l'aspect sombre semble très
présent. La Druidesse, fille du Dis Atir, Père Primordial du monde des morts, elle ne
donne peut-être pas le sacrifice comme les druides le font, mais elle semble dans l'ombre
tirer les ficelles du jeu. Dans la Razzia des Vaches de Cooley, elles sont présentes. On y
retrouve Fedelm la prophétesse, qui ressemble à une Völva par son accoutrement, disant
à la Reine Medb qu'elle revient d'apprendre l'art de la prophétie dans les îles du Nord.
On y retrouve aussi la druidesse guerrière Scáthach et sa fille. De plus, la reine Medb ne
serait nulle autre que la représentation du Soma celtique, tout comme l'est Ceridwen ou
encore Kvasir chez les Scandinaves. On notera que les Völva transportaient toujours
avec elles des récipients, ustensiles, tout comme les Valkyries elles-mêmes. Les Vestales
à Rome quant à elles avaient aussi ce type d'ustensiles pour la préparation des gâteaux
sacrés. La différence s'inscrit de la Gaule jusqu'au fin fond du Nord, car les Völva tout
comme les femmes druides ne sont pas des esclaves préposées à la préparation des
gâteaux sacrés et à la maintenance du feu, mais sont plutôt des consacrantes pour la
classe guerrière et nous pouvons même spéculer qu'elles pouvaient aussi donner un culte
à la résurrection spirituelle des esprits des guerriers morts au combat. On remarquera
une scène semblable sur le chaudron de Gundestrup. Nous pouvons finalement tirer une
conclusion sur les femmes druides et toutes femmes sacerdotales dans le monde
germanique, c'est que les chroniqueurs grecs aux tendances misogynes, ainsi que Tacite
l'historien romain, ont occultés le rôle sacerdotal de la femme chez les ''barbares'', car
celle-ci était bien au-dessus de leurs propres positions sociales.
Au sujet du sacrifice et des rites sacerdotaux celtiques, nous allons devoir accepter
et vivre avec le fait que le christianisme a complètement effacé le rituel druidique à tel
point que même le mot ''sacrifice'' n'existe pas en vieil irlandais hors du contexte
chrétien. Seule une particule subsistera en rapport avec l'oblation et nous remonterons
jusqu'au mot Adberto en gaulois. La raison en est que le rituel de l'eucharistie a absorbé
tous les éléments du sacrifice païen. Les pères de l'Église ont savamment concocté ce
savoir-faire et l'Irlande dans sa faiblesse et son affaissement culturel est tout simplement
tombé dans le panneau. Ce qu'il nous reste est des témoignages en Gaule de Posidonios
d'Apamée qui sera témoin de rituels commerciaux et royaux, donc de première et
deuxième classes. Le rite est souvent le même comme on le retrouve en Germanie
jusque dans les pays slaves et scandinaves, le partage de l'hydromel. Toutefois, les
divinités ne sont pas les mêmes. Dans les rites commerciaux, Posidonios nous dépeint
des images faisant référence aux Dioscures, les assemblées sont assises sur des tables
assemblées en ronds. On notera qu’à l'intérieur du Nemeton, ces tables en ronds
évoquent l'idée d'être à l'intérieur, justement, du Chaudron. Et c'est là que l'hydromel
sera partagé et que les serments d'échanges commerciaux seront accomplis. Il nous est
donc aisé de penser que les rituels druidiques devaient consister à quelque chose qui
devait ressembler au Blot germanique, du moins à l'époque de Hallstatt, car vers
l'époque de la Tène l'influence romaine arrive. Les Gaulois éprouveront des problèmes
avec certaines tribus de l'autre côté du Rhin, les germains suèves d'Arioviste, ceux-ci
font la vie dure à quiconque se trouve sur leur chemin. Il y a donc une rupture historique
entre les peuples germaniques et la Gaule. Néanmoins, l'on retrouvera des pièces de
monnaie de l'époque de la Tène ayant comme symbole le dieu Tyr et même le dieu
Odinn ou Wotan à cheval sur Sleipnir. On peut constater que le fondement du druidisme,
bien que profondément indo-européen, est en bien meilleure syntonie avec le monde
germano-scandinave qu'avec le monde gréco-romain. Nous pensons qu'à ce niveau
l'archéologie parle d'elle-même, le druidisme par ses symboles simples tels que les
triskels, les chaudrons et ustensiles sacrés, se réfère avec la même vision que l'on
retrouve dans l'Edda poétique. Bardes et scaldes ne font qu'un et à Rome il n'y a pas de
poètes sacrés, seule la tradition homérique nous présente une ressemblance, mais encore
est-il que le poète sacré vibre d'une beaucoup plus grande puissance dans le monde des
''barbares''.
Chez les Gaulois, nous avons retrouvé l'une des pièces maîtresses des plus importantes,
il s'agit du fameux calendrier de Coligny, retrouvé en 550 pièces de bronze. Celui-ci fut
sacrifié volontairement comme cela était coutume de le faire avec les épées. Ce
calendrier représente le calendrier celtique datant du 2ième siècle de notre ère. Il compte
5 ans et représente non pas un calendrier lunaire, mais un calendrier luni-solaire, c'est-à-
dire qu'il faut 6 autres calendriers comme celui-ci pour faire une année solaire de 30 ans.
Il fonctionne par deux mois intercalaires par lustre, ce calendrier, avec le calendrier
maya, est le plus précis au monde rien à voir avec le calendrier grégorien! La Lune gère
les mois, mais nous ne donnerons pas tous les détails ici, nous devrons souligner par
contre que ce calendrier est tout à fait fonctionnel aujourd'hui et utilisé par plusieurs
néo-druidisants. Ce calendrier n'a plus aucun secret, car il a été élucidé par plusieurs
spécialistes. Il s'agit simplement de vraiment s'intéresser à cette question pour trouver
son fonctionnement. Certaines personnes diront qu'il n'est plus fonctionnel ou que nous
n'avons pas suffisamment d'informations à son sujet, mais il est évident que ces
personnes n'ont tout simplement pas eu assez d'intérêt pour trouver l'information. Le
temps est une chose sacrée et mise en rituel chez les Celtes et la mort comme océan
primordial est l'un des thèmes favoris des Celtes. Et le crâne est le symbole par
excellence des Druides et de la noblesse celte.
Le rite des crânes chez les Celtes présente beaucoup de particularités avec le mythe de
Odin possédant le crâne de Mimir, on retrouve aussi Cuchulainn pratiquant un rite
ressemblant beaucoup au Niding Pole des Scandinaves, ce rite consistait à y attacher un
ou plusieurs crânes et à y écrire une malédiction soit en runes, soit en oghams pour les
Celtes. Les sacrifices humains chez les Celtes en dépit de ce que Jules César pouvait en
dire, semblent suggérer qu'ils n'étaient pas que de simples exécutions. Prenons pour
exemple l'homme de Lindow qui aurait été empoisonné par un repas sacré et déposé au
fond d'un marais dans une position bien spéciale. Que pouvait-il avoir comme utilité si
ce n'est que d'envoyer un membre de la communauté sacerdotale dans le monde des
esprits pour maintenir un lien plus solide entre la communauté et le monde éternel des
dieux ? Tout porte à croire que les Celtes ne pouvaient pas pratiquer des rituels
mécaniques à des fins vides et pratiques par l'intermédiaire de leurs Filidh comme leurs
voisins romains les pratiquaient. Ainsi, nous pouvons penser que les rituels de première
classe sacerdotale ne pouvaient qu'être d'ordre spirite, c'est-à-dire à travers le contact
avec les esprits et encore une fois seul les femmes druides vivants à l'écart sur leurs îles
sacrées pouvaient disposer aux druides eux-mêmes ce savoir-faire.
Nous retrouvons donc dans l'acte rituel certains éléments qui sont à notre disposition :
Nous pourrions croire que l'Adsagsona serait un nom propre donné à une déesse, mais la
composition de ce nom laisse aussi croire qu'il s'agirait plutôt d'un titre relatif à un art.
D'ailleurs, nous retrouvons toujours l'idée dans les mythologies irlandaises, galloises et
bretonnes, l'appel au monde du Sidh, la participation des gens du Sidh avec le monde
des vivants.
Un autre élément important concernant la rituelle de la première classe serait sans doute
les rites en rapport avec Cernunnos. Grave erreur chez Stuart Piggott de croire qu'il y a
plusieurs dieux cornus, il n'y a pas plus de dieux cornus chez les Celtes qu'il y en a chez
les Grecs. Au contraire, le symbolisme du cerf en Europe de l'Est jusqu'en Europe du
Nord tire son origine depuis les temps immémoriaux. On le retrouve très présent chez
les Samis et les Finnois, mais la conception même de ce dieu cornu assis en tailleur nous
vient de la civilisation indue, sous le nom de Pashupati, et on le retrouve sur le Pilier des
Nautes bien entendu sous l'appellation du dieu Ernunnos (il y manque une lettre et cette
lettre est évidemment le C). Les néo-païens ont extrapolé toutes sortes de conceptions
étranges concernant ce dieu, surtout les gens de la Wicca en en faisant un dieu phallique
arborant une solide érection. Néanmoins, constatons l'immense cliché qui nous saute aux
yeux, l'archétype même de Shiva et Pashupati maître initiateur de l'Absolu, nous voilà
les deux pieds dans l'Advaita Vedânta. Cernunnos comme tous les dieux celtiques ne
représente point une seule chose, tout ce qui est celtique ne représente jamais une seule
chose, il faut être borné pour penser qu'une chose ne peut être qu'une chose chez les
Celtes. Le maître du monde Esus serait sûrement Cernunnos lui-même, plusieurs pièces
à conviction archéologiques démontrent Esus en semi-transformation vers la forme de
Cernunnos. Cette théorie fut prise très au sérieux par Jean-Jacques Hatt, un et
archéologue et historien français spécialiste de la religion gauloise. Cette rare et unique
mythologie gauloise nous rappelle le mythe breton de Gargantua. Cependant, l'histoire
saurait que Esus, amoureux de Rosemerta, se fait voler celle-ci par Taranis, jaloux. Esus
se réfugie dans une grotte, rempli du chagrin d'amour, il médite à un tel point qu'il
devient un avec l'Absolu, il devient Cernunnos. L'histoire continuera avec Smertrios qui
interviendra contre Taranis pour libérer les vaches sacrées, se transformant en grue Esus
retrouvant son aspect normal. Ce mythe formalise comme dans le Védisme le potentiel
de l'Absolu à travers le solstice d'hiver. Ainsi on ne doit pas invoquer Cernunnos, on
devient Cernunnos. Une autre preuve dans le mythe de Cuchulainn, les gardes de Medb
poursuivront des poètes à chevaux. Dans la première version, on y dit clairement des
druides à la place des poètes, ceux-ci se transformeront subitement en cerfs pour semer
les chasseurs que sont les gardes de la reine Medb. Nous pensons que l'exemple
s'explique par lui-même: être un avec l'univers, être un avec la vie et les êtres, être un
avec la forêt et ses arbres, être un tel un cerf aux bois d'oghams.
Conclusion
Sources :